/ 2164
1263. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Il ne permettait guère à la critique, même la plus bienveillante et la plus admirative, de prendre ses mesures et encore moins à la biographie de s’orienter autour de son œuvre ou de sa personne ; il a défendu, même au plus pieux et au plus filial des éditeurs, qu’un seul mot de préface fût mis en tête de ses Œuvres posthumes : il considérait volontiers tout appareil de ce genre comme un tréteau au pied d’une statue, comme une baraque au pied d’un temple ; mais lui-même, et ne se confiant qu’à lui seul, il dégageait et dressait amoureusement sur son socle de marbre blanc une figure élevée, pure, une image sereine, chaste, éblouissante, austère et sans tache, sa forme incorporelle, si l’on peut dire. […] M. de Vigny le savait bien, et en donnant en 1826 ses Poèmes antiques et modernes, dont quelques-uns déjà connus et d’autres inédits, il idéalisa sous la figure de Moïse le rôle du pontificat littéraire et poétique, tel qu’il le concevait avec ses prérogatives et ses sacrifices. […] Le poète, dans tout ce recueil, n’obtient à ses questions aucune réponse consolante. — Cette pièce des Destinées est du plus grand style et rappelle les mythes antiques, ce qu’on lit dans Eschyle, dans Hésiode, ce qu’on se figure de la poésie orphique, de celle des Musée et des Linus.

1264. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Rien ne donne plus de gravité à la figure humaine qu’une grande barbe ; donc le singe est absolument dépourvu de poils. […] La critique littéraire Que l’on se figure mon joli ami le Marquis, M.  […] Lysidas, les coudes appuyés sur le rebord de sa loge, cache sa figure avec ses mains.

1265. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

On se figure d’ordinaire les lois de l’évolution de l’esprit humain comme beaucoup trop simples. […] Mais, comme on n’est pas capable, faute d’érudition, d’en saisir la haute originalité, la vérité, le prix dans l’his-toire de l’esprit humain, on se relève par les menus détails ; on s’extasie devant de prétendues beautés, auxquelles l’auteur ne pensait pas ; on s’exagère à soi-même son admiration ; on se figure enthousiaste du beau antique et on n’admire en effet que sa propre niaiserie. […] Décidés à fermer les yeux aux considérations délicates, à ne tenir compte d’aucune nuance, ils vous portent à la figure leur mot éternel : prouvez que c’est impossible.

1266. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

Il semble qu’Ormuzd et Arihmane, les deux Génies lumineux et ténébreux de la Perse, aient pris, dans sa cour, une figure humaine ; l’un pour le retenir, l’autre pour l’entraîner. […] Une chouette, qui vint s’abattre sur le haut d’un mat, parut à tous la figure ailée de Pallas donnant le signal. […] Il se leva ce grand jour, un des plus radieux de l’histoire, vainqueur de « l’armée des ténèbres », comme dit la Bible, et qu’on se figure éclairé, non point par le soleil sidéral, mais par le char de feu de Phœbus achevant d’en haut, de ses flèches d’or, l’hydre que ses fils attaquaient en bas, sur les flots.

1267. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Cet art nouveau qui rend la vie en ce qu’elle est par essence une transition, un écoulement, une lente combustion aux mille figures de braises peu à peu cendrées, se manifeste avec une perfection encore inférieure dans le grand œuvre de Tolstoï, La Guerre et la Paix ; rien n’y est plus merveilleusement identique au réel que la croissante, la graduelle transformation des âmes, toujours pareilles à elles-mêmes, toujours nouvelles dans un devenir déployé pli à pli. […] Si haut qu’il dresse ses figures, que leur conduite soit significative et enseignante, que l’on considère même le prince Pierre Lévine, le soldat Karataïef, dans lesquels se marque le mieux le biais moralisateur de l’écrivain, toujours les personnages restent des personnes ayant en eux une essence constante irréductible à autrui, composite et originale. […] La corruption du grand monde russe, qui devait être connue par le menu d’un aristocrate comme le comte Tolstoï, figure à peine dans son œuvre, comme les mœurs ignobles de la populace, et la grossière crapule des marchands.

1268. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

Je ne me lassais pas de contempler ces nobles figures de paysans ou de paysannes, qui me rappelaient les scènes patriarcales de la Bible dans l’opulence de la cité des arts. […] et qu’on se figure mon émotion fébrile en me préparant à voir celle qu’il avait divinisée dans ses vers. XXIX Je n’avais rien de ce qui était convenable pour paraître avec une certaine distinction dans le monde, excepté ma figure et ma modestie.

1269. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Les médailles byzantines, les figures des cathédrales gothiques, avec leurs têtes grêles, étroites, leurs fronts comprimés, n’attestent-elles pas la décadence héréditaire d’une race d’hommes qui pendant mille ans avait cessé de penser ? […] De là sans doute la doctrine de la métempsychose, qui fait circuler les âmes humaines à travers toutes les formes animales ; de là, jusque chez Aristote, cette opinion étrange que les abeilles participent, comme nous, à l’intellect actif, parce qu’elles sont capables de concevoir la régularité abstraite de certaines figures géométriques ; de là ce symbolisme qui, au moyen âge, figurait les vices et les vertus des hommes, le bien ou le mal, par les habitudes vraies ou supposées des animaux. Ainsi, dans l’une des rédactions du Physiologus, ce recueil bizarre qui, pendant près de mille ans, servit de manuel populaire de zoologie, « l’âne sauvage figure le diable.

1270. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Ils trouvent bien plus d’intérêt à leur voisin qui marche droit, une fois qu’on leur a dit : examinez donc sa démarche, son vêtement, sa figure ; ne pensez-vous pas qu’il paraît avoir telle idée en tête, tel caractère, qu’il va à tel endroit, qu’il est de tel pays, etc. […] Les romanciers commencent cependant à étudier ce qui les entoure, ils fouillent, décrivent ce qu’ils voient et on est rempli d’admiration pour eux, tandis que nos expositions ne servent que de promenade et de spectacle indifférent comme les Champs-Élysées ou les cabinets de Figures de cire. […] et vous l’avez loué d’avoir fait des figures plus grandes que nature (l’habitude !)  […] « N’inventez point les figures que vous voulez introduire dans des paysages faits d’après nature. […] « L’hiver est le temps où l’artiste peut le mieux étudier le dessous des ombrages, l’anatomie des arbres : la nature dépouillée est, pour le paysagiste, ce que l’écorché et le squelette sont pour les peintres de figures. » Mais voici le plus important.

1271. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

Il figure dans ce livre par Michelet, parce que Michelet avait du génie. […] La figure centrale même, l’ange déchu, est mollement tracée. […] Qu’on se figure un Pascal sans le pari, qui ne veut point parier, et qui est convaincu que les dés sont pipés : « Il n’y a que le mal qui soit pur et sans mélange de bien. […] A essayer de voir son caractère dans son ensemble, on se figure une âme insuffisamment élevée, et même assez ordinaire, dépaysée dans un grand génie, comme un homme du commun dans une grande place, et y contractant des défauts de parvenu. […] Il faut commencer par se refaire à soi-même une âme primitive pour laquelle l’image ne soit pas une figure de style, mais une sensation.

1272. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Je les copie, de figure et au moral, le plus fidèlement que je peux ; je raconte leur histoire plus ou moins amalgamée à la mienne. […] Et tout ce monde, en entrant chez moi, se confond en politesses réciproques : et je te salue, — et tu me salues, — et je te ressalue, et tu me le rends, — et je te ressalue encore, et je ne te le rendrai jamais selon ton mérite, — et moi je me cogne le front par terre, et toi tu piques du nez sur le plancher ; les voilà toutes à quatre pattes les unes devant les autres ; c’est à qui ne passera pas, à qui ne s’assoira pas, et des compliments infinis se marmottent à voix basse, la figure contre le parquet. […]   Angélique, l’héroïne du livre, ne ressemble à aucun autre personnage de ses romans, et c’est, je dois le dire, avec un certain étonnement que j’ai vu s’animer, sous la plume de celui qui a écrit Nana, cette charmante figure extatique et visionnaire comme Jeanne d’Arc, pure comme Virginie, amoureuse comme Juliette et innocente comme la Cécile d’Il ne faut jurer de rien. […] » Il s’appelait une guêpe, cet emblème fleuri d’une déclaration libre s’adressant à sa jolie figure presque imberbe, à sa peau blanche, à son air de demoiselle. […] les jambes, le tutu de ma petite Déa. » Le nonce, grand nez, lèvres minces, spirituelle figure romaine aux yeux noirs dans un teint de bile, écoute aussi, penché de côté, l’historique de l’habitation humaine et songe en regardant ses ongles luisants comme des coquillages : « J’ai mangé ce matin à la nonciature un délicieux misto-frito qui m’est resté sur l’estomac… Gioachimo a trop serré ma ceinture… Je voudrais bien être sorti de table. » L’ambassadeur de Turquie, lippu, jaune, abruti, son fez jusqu’aux yeux, la nuque en avant, verse à boire à la baronne Huchenard et se dit : « Ces roumis sont abominables d’amener leurs femmes dans le monde à cet état de décomposition… le pal, plutôt le pal, que de laisser croire que cette grosse dame ait jamais couché avec moi ! 

1273. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Ses figures sont outrées, ses conceptions bizarres, mais sa muse est ardente et désintéressée. […] Il ne portait point de masque, comme c’était encore l’usage à cette époque, mais il se couvrait la figure de farine si adroitement ménagée, qu’en remuant un peu les lèvres il blanchissait tout à coup ceux auxquels il parlait. […] Qu’on se figure les conversations des avant-scènes d’aujourd’hui ayant lieu sur le théâtre même, à côté ou derrière les acteurs, tandis que ces derniers disent leur rôle, et on aura une idée de l’espèce de cacophonie qui devait régner sur la scène. […] Il est un autre abbé de cette époque, Boyer, dont nous ne devons pas oublier la figure. […] L’abbé de Pure était un homme fort agréable, mais d’une figure peu avantageuse ; aussi le grand critique a-t-il écrit satiriquement : Quand je veux d’un galant dépeindre la figure, Ma plume, pour rimer, trouve l’abbé de Pure.

1274. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

Plus la figure littéraire est simple, douce, pure, élégante, sensible sans grande passion, plus il devient précieux d’en étudier de près l’originalité au sein même de cette ressemblance. […] Quelle qu’ait été l’apparence bien contraire de nos débuts, nous avons toujours, dans notre liberté d’esprit, distingué, à la limite du genre classique, cette figure de Fontanes comme une de celles qu’il nous plairait de pouvoir approcher, et, dans le voile d’ombre qui la couvrait déjà à demi, elle semblait nous promettre tout bas plus qu’elle ne montrait. […] En somme, toutes les antipathies qu’on se figure que Voltaire aurait eues si vives durant la Révolution et de nos jours, Fontanes les a eues et nous les représente, et non par routine ni par tradition, mais bien vives, bien senties, bien originales aussi ; il était né tel. […] C’est comme une figure grecque, à lignes extrêmement simples, une virginale esquisse de la Vénusté ou de la Pudeur, à peine tracée dans l’agate par la main de Pyrgotèle. […] Il était à maintenir dans la série littéraire française comme la dernière des figures pures, calmes et sans un trait d’altération, à la veille de ces invasions redoublées et de ce renouvellement par les conquêtes.

1275. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

À côté de cette haute figure, vient la mère de M. de Chateaubriand, fille d’une ancienne élève de Saint-Cyr, et sachant elle-même par cœur tout Cyrus. […] Parmi ces figures de gens de lettres si vivement  éclairées en quelques mots, on voit Parny, « poëte et créole, à qui il ne fallait que le ciel de l’Inde, une fontaine, un palmier, une femme, et dont la paresse n’était interrompue que par ses plaisirs qui se changeaient en gloire. » On y voit Delille de Sales, le philosophe de la nature, « qui (comme d’autres philosophes de nos jours) faisait en Allemagne ses remontes d’idées. » On y trouve La Harpe, arrivant chez une sœur de M. de Chateaubriand, avec trois gros volumes de ses œuvres sous ses petits bras.

1276. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

La presse n’est point si ingrate qu’on se le figure : les générations nouvelles nées et grandies depuis ces vingt dernières années sont amies du suffrage universel et ne sont point ennemies du Gouvernement qui en est issu. […] La presse, messieurs, n’est pas de sa nature si ingrate qu’on se le figure et que toute cette loi (sauf le premier article) le suppose.

1277. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Sayous donc furète avec beaucoup de loyauté et beaucoup de bonheur ces découvertes dans tous ces recoins du monde français, et nous fait des portraits fins, vrais, originaux, critiques de toutes ces figures d’hommes et de femmes qui gravitaient en ce temps-là dans la sphère de l’esprit français, de la langue française et de la philosophie française. […] Les mémoires du temps rappellent à toutes les pages leur nom à propos de leur familiarité avec les grandes figures de Genève, de Paris, de Berlin, de Londres, de Coppet ; ils étaient chez eux partout par droit de bienvenue, de bon goût, d’intimité avec les célébrités européennes.

1278. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

On se figure qu’on va ressusciter Miltiade ou Thémistocle dans la personne d’un corsaire ou d’un berger des mers ou des montagnes ; que Démosthène et Cicéron vont succéder immédiatement au pape. […] — Je ne puis vous suivre, reprit-il, jusqu’à ce bon abri ; car je me figure qu’il faut interpréter ainsi le nom de Kalender, souillé vers sa fin d’une terminaison turque.

1279. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

Il figure dans Quo vadis ? […] Mais ils ne représentent pas la démocratie véritable, qu’il ne faut tout de même pas confondre avec la haine et la sottise, et qui sait bien que pour faire figure dans le monde et continuer la civilisation, elle a besoin de savants et de lettrés.

1280. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

« Tu es trop espais en figures » lui disait son ami Estienne Pasquier. […] Charron a retenu de son maître les formes du langage, ces figures, ces redoublements de mots pour renforcer le sens, l’étendre, en embrasser toutes les nuances ; ces épithètes qui sont comme les faces diverses du même objet ; ces images, si chères aux esprits spéculatifs, pour lesquels une demi-vue équivaut à une vue claire et entière.

1281. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Quand je cherche à me présenter l’unique paire d’amis que nous avons été, je me figure deux prêtres en surplis se donnant le bras. […] Elle reprend toute sa vivacité chaque fois que la figure de ce monde, qui change sans cesse, amène quelque tournant nouveau sur lequel nous avons à nous interroger.

1282. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Oui, nous avons éprouvé un orgueil réel à voir nos artistes faire pareille figure en cette mémorable soirée, à les voir entrer ainsi de plain-pied dans l’art nouveau ! […] Née à Saint-Pétersbourg et décédée à Paris, cette grande figure du chant wagnérien, a défendu ce répertoire dans le monde entier.

1283. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

L’Espion revient de sa nouvelle excursion au camp des Argiens, et il en rapporte sept figures aussi formidables que les Cavaliers de l’Apocalypse, celles des Sept Chefs qu’il a vus de près. […] » — Deux figures sont incrustées sur son bouclier nouvellement forgé ; un Guerrier d’or qu’une Femme majestueuse conduit par la main ; et cette femme dit par son inscription : « Je suis la justice, je ramenerai cet homme, je lui rendrai sa ville, et il commandera dans la demeure de son père ».

1284. (1899) Esthétique de la langue française « La métaphore  »

Il est possible que le fire-dog des Anglais vienne de France ; le bouc des pays germaniques représentait peut-être une des figures du diable. […] La « patte de grenouille » figure dans l’anglo-saxon, lodewort (herbe au crapaud) ; dans le moyen haut allemand, froscfusz, que traduit l’appellation normande, patte de raine.

1285. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Loup et renard ont à peu près le même caractère, et au point de vue de la physionomie des animaux c’est faux ; mais ce n’est pas la figure des animaux que peint ici La Fontaine. […] Nous voici pleinement dans La Fontaine déclarant qu’il a fait la fable en peignant des hommes sous la figure des animaux, et pas autre chose ; du moins il le dit ici.

1286. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Valentine (1832) »

Sa propre histoire contée (si tant est que ce fût sa propre histoire), l’auteur d’Indiana en savait d’autres, il en pouvait recommencer et dire à l’infini ; avec la clef des cœurs humains, il avait la création et le jeu des figures.

1287. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

Je me figure que M. 

1288. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre II. Le Rire » pp. 28-42

Voyez passer ce jeune homme paré avec tant de recherche : il marche sur la pointe du pied, sur sa figure épanouie se lisent également et la certitude des succès, et le contentement de soi-même ; il va au bal, le voilà déjà sous la porte cochère, encombrée de lampions et de laquais ; il volait au plaisir, il tombe et se relève couvert de boue de la tête aux pieds ; ses gilets, jadis blancs et d’une coupe si savante, sa cravate nouée si élégamment, tout cela est rempli d’une boue noire et fétide.

1289. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre II. Précurseurs et initiateurs du xviiie  siècle »

Rien de tragique au reste dans cette âme inquiète et dans cette vie orageuse : Bayle est une figure originale de savant à la vieille mode : paisible, doux, gai, sans ambition, indifférent à la gloire littéraire, il s’enferme dans son cabinet, et ne se croit jamais malheureux, dès qu’il peut lire, écrire, imprimer en liberté.

1290. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Édouard Rod »

Et je me figure que l’origine de ce mouvement, c’est, quoi qu’on en dise, cette curiosité même qui est la marque éminente de notre temps : car on arrive assez vite à reconnaître que la curiosité intellectuelle et sentimentale ne suffit pas pour vivre pleinement, et c’est là une constatation qui a des conséquences.

1291. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVIII. Gentils conteurs » pp. 218-231

« La Petite classe, dit Barrès, en préface, c’est le nom charmant dont Lorrain, qui y fait figure, baptise ceux et celles qui se piquent d’avoir les opinions, les sensations, les enthousiasmes, les dégoûts, les frissons artistiques les plus neufs… Les plus jeunes, les plus naïfs, les plus séduisants et aussi les plus compliquées élégantes professionnelles, voilà ce qu’est la petite classe, en même temps que son nom souligne fort bien le goût très singulier et très décidé qu’ont les femmes de cet instant pour l’instruction. » Au vrai, je ne crois guère que les petites femmes de Lorrain aient le moindre goût pour les professeurs.

1292. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXI. Le littérateur chez les peintres » pp. 269-282

On dit qu’ils imitent les préraphaélites, parce qu’ils se sont attardés à quelques figures et à quelques académies décharnées (exercice sur lequel des médiocres se sont rués).

1293. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 326-344

C'est par-tout la même lenteur dans la marche, la même uniformité dans les récits, la même tournure dans les réflexions, la même attitude dans les paralleles, la même symétrie dans les figures, la même surcharge dans les tableaux.

1294. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Que l’on conduise ainsi Poe de la table où tout enfant son père adoptif l’exhibait récitant des vers, à cette taverne de Baltimore où il goûta l’ivresse qui le couchait le lendemain dans le ruisseau ; que l’on connaisse de Flaubert la famille de grands médecins dont il était issu, le pays calme et bas dans lequel il passa sa jeunesse, la fougue de son arrivée à Paris, ses voyages, son mal, le rétrécissement progressif de son esprit, le milieu de réalistes dans lequel s’étriquait ce romantique tardif : que de même on décrive la physionomie satanique et scurrile (sic) de Hoffmann, le pli de sa lèvre, l’agilité simiesque de tout son petit corps, ses grimaces et ses mines extatiques, son horreur pour tout le formalisme de la société, ses longues séances de nuit dans les restaurants, à boire du vin, et ce mal qui le mît comme Henri Heine tout recroquevillé dans un cercueil d’enfant ; que l’on compare les débuts militaires de Stendhal et de Tolstoï à leur fin, à l’existence de vieux beau de l’un, à l’abaissement volontaire de l’autre, aux travaux manuels et à la pauvreté grossière ; que l’on complète chacune de ces physionomies, qu’on en forme des séries rationnelles, on aura dressé en pied pour une période, pour un coin du monde littéraire, pour ce domaine tout entier, les figures intégrales du groupe d’hommes qui sont les types parfaits de l’humanité pensante et sentante.

1295. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

I Ce livre n’est pas, comme on pourrait le croire, une nouvelle édition des œuvres de François Villon, mais tout simplement un mélange de critique et de biographie, entrepris dans le dessein de tirer de l’obscurité, dont elle n’est jamais suffisamment sortie, la figure originale de cet ancien poète à qui pourtant la gloire n’a pas manqué, mais une gloire coupée d’oubli, à interruptions ou à ressauts.

1296. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

II C’est, en effet, une bonne fortune, — et même la meilleure de toutes les fortunes, — pour qui se sent en soi le moindre génie historique, que de rencontrer sous sa main de ces figures très rares, à caractère ambigu ou à double caractère, qui exercent la sagacité et donnent un prix plus grand encore au mérite de la justice.

1297. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le comte de Fersen et la cour de France »

Fersen, — et sa figure le dit, du reste, à l’encontre des idées de ceux qui rêvent, — Fersen était bien plus une âme tendre qu’une âme brûlante, un esprit bien plus raisonnable que passionné.

/ 2164