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538. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Nous avons assisté, de nos jours, aux fâcheux effets d’une erreur en sens contraire. […] Une erreur originale est quelquefois un trait de lumière ; l’imitation et la vulgarité n’éclairent jamais. Une erreur nouvelle a souvent cet avantage de corriger une erreur accréditée ; l’adoption d’une erreur vulgaire par un esprit éminent peut la rendre éternelle. […] C’est donc une erreur de croire que les poèmes se forment comme un rêve pendant le sommeil du poète. […] C’est une grande erreur de croire le poète asservi par les lois du rythme.

539. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

Cette caractérisation est pleine d’erreurs, elle est lyrique plus que politique. […] tout était aveugle alors, excepté la Révolution elle-même (c’est-à-dire la réforme et la reconstitution civile, moins ses abus, ses erreurs et ses vices). […] Il est le roi du culte, de l’aristocratie, des lois, des mœurs, des abus et des erreurs de l’empire.

540. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Je crois, pour ma part, à la bonne foi d’une femme qui ne craint pas de nous faire cet aveu : « Je finis par souffrir de mes espérances trompées, de mes affections déçues, des erreurs de quelques-uns de mes calculs. » Cette confession ne me semble pas d’une âme vulgaire, et j’en tire des conclusions absolument opposées à celles du prince Napoléon  Mais, dira-t-on, si elle avait sur l’empereur l’opinion qu’elle nous a livrée, elle n’avait qu’à s’en aller, et même elle le devait. […] Le bonheur de Faustus et de Stella impliquait, par définition, la connaissance de la vérité et excluait l’erreur, si chère aux hommes pourtant, et si bienfaisante quelquefois. […] Sully-Prudhomme, quelques erreurs dont je tiens à m’excuser.

541. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

Après quelques contradictions qui en naîtroient, les sentimens raisonnables prendroient toujours le dessus ; au lieu qu’un respect outré pour les opinions établies, ne sert qu’à en éterniser les erreurs. […] Mais il faut convenir que cette idée n’a point de fondement solide : elle vient sans doute comme mille autres erreurs sur les ouvrages d’esprit, de ce qu’on a pris pour l’essence de l’ode, la matiére de celles qui ont eu d’abord le plus de succès. […] Il est néanmoins important d’en fixer l’idée ; car les exemples ne sont que des moyens de comparaison, sujets à mille erreurs ; au lieu que les définitions font juger des choses par un principe invariable, sans avoir recours à des analogies toujours très-imparfaites.

542. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Certes, personne plus que nous, quoi qu’on en ait dit, n’a moins confondu dans la révolution française l’erreur et la vérité, l’excès et la mesure, la justice et l’iniquité, l’héroïsme et le terrorisme ; personne n’a fait un plus sévère triage du sang et des vérités, des victimes et des bourreaux ; mais personne aussi ne s’est moins dissimulé la puissance de l’impulsion et la grandeur du but que l’idée française (puisqu’on l’appelle ainsi) portait en elle en commençant, en poursuivant, hélas ! […] Un écrivain grave, dont nous avons signalé un des premiers la pénétration et la puissance d’analyse dans les autopsies des nations, M. de Tocqueville, vient de retomber, ce me semble, dans cette erreur de point de vue, en écrivant hier son beau livre sur l’ancien régime et la révolution. […] D’ailleurs, nous n’aimons pas qu’on donne de si petites causes aux grands effets : c’est toujours une erreur, quand ce n’est pas un paradoxe.

543. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

Mais, au contraire, si la religion de Comte en est une, c’est précisément pour ne rien avoir de scientifique, et en fait comme en droit, sa conception de la science a ruiné dans son fondement même l’idée d’une « religion de la science. » M’objectera-t-on peut-être ici que cette expression de « religion de la science » n’est qu’une manière de parler, une métaphore, — comme « la religion de la souffrance humaine », — et que personne, pas même Renan, n’a commis cette erreur de la prendre au pied de la lettre ? […] La vérité, c’est l’acquêt de l’expérience humaine, que d’ailleurs il faut bien se garder de confondre avec le « consentement universel. » Le consentement universel n’est souvent que l’erreur commune, et il n’est dans presque tous les cas que rencontre ou coïncidence fortuite, mais l’expérience, c’est le consentement universel passé pour ainsi dire au crible de la critique et de l’histoire ; — c’est le consentement universel dégagé des circonstances qui le déterminent, à peu près comme la loi d’un fait n’est sans doute que ce fait lui-même, dépouillé ou abstrait des conditions qui le particularisent ; — c’est le consentement universel, jugé, et tantôt confirmé, mais tantôt condamné, par ceux qui ont autorité pour le faire, et qui sont, en tout ordre de choses, les spécialistes de la chose. […] Si nous nous sommes trompés, une observation plus attentive, une expérience plus étendue corrigeront tôt ou tard notre erreur.

544. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

si on l’avait pensé, c’eût été une erreur. […] L’héroïne est une jeune fille flamande que l’auteur a faite vulgaire à dessein, croyant, par là, énorme erreur ! […] Seulement, avec ces dix romans de l’avenir, je ne crois point, sauf erreur, que M. 

545. (1896) Les Jeunes, études et portraits

C’est une erreur. […] D’une erreur toute littéraire. L’erreur de M.  […] C’est une erreur. […] Ce fut une brillante erreur.

546. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Au mauvais, il faut imputer la légèreté et la déclamation, l’ardeur indiscrète de toutes les réformes, sauf la réforme individuelle ; le préjugé qui charge les gouvernements de tous les devoirs et leur impose toutes les vertus dont l’individu s’exempte lui-même ; l’esprit de critique et l’esprit de chimère, les ruines et les rêves ; enfin, avec l’excuse des bonnes intentions chez beaucoup de coupables, les crimes de la fin du siècle, et le discrédit peut-être irréparable que ses erreurs meurtrières ont jeté sur ses immortelles conquêtes. […] Ces erreurs de goût sont la punition de ses premières complaisances pour les mœurs et les préjugés de son temps. […] Elle avait trompé les lettrés sur Buffon, en donnant trop d’importance à ses erreurs et trop peu d’attention à ses vues de génie. […] Ce n’est pas non plus une médiocre erreur de Fleury d’avoir cru que, pour goûter l’éloquence de Démosthène et de Cicéron, les traductions suffisent.

547. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

Seulement, comme ses erreurs sont celles d’un esprit supérieur, et ses fautes celles d’un homme qui n’était pas sans qualités, l’éclat de ces contrastes rend son portrait plus séduisant. […] Ne lui enseignez rien ; vous ne lui enseignez que des erreurs. […] Je crois enfin à la sincérité d’un saint qui se confesse publiquement, entre Dieu qu’il prend à témoin de ses erreurs, et les hommes qu’il veut servir par l’exemple de sa pénitence. […] Par malheur, des esprits éminents ont cru l’exemple bon ; et, dans ces dernières années, estimer ses singularités plus que ses qualités, honorer ses erreurs, rechercher le succès de curiosité plutôt que d’approbation, est devenu la faiblesse d’hommes illustres.

548. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

Car il faudrait chaque fois pouvoir expliquer que ces mots, appliqués à lui, ont un tout autre sens que le sens habituel ; si non, ils induisent constamment en erreur. […] Quelle erreur ! […] en proie au désir du plus haut salut, être contraint de languir près de la source de toute perdition. » La malédiction de Kundry, qui le voue à l’erreur (Irre, Irre, dich weih ich ihn zum geleit ?) […] C’est une grave erreur de traduire : « Alors nous serions morts. » Car Tristan dit : « So starben wir », non «  stuerben wir ».

549. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

C’est là l’erreur de ces Guèbres modernes du feu intellectuel, inextinguible et toujours croissant en lumière. […] III D’un autre côté, cette jeunesse éternelle de l’esprit humain, renouvelée de génération en génération et de race en race, l’empêche de tomber dans ce découragement de lui-même et dans ce dénigrement de son temps, qui est une erreur aussi commune mais moins noble que le rêve du progrès continu, illimité et indéfini sur la terre. […] L’erreur des optimistes est de n’en lire qu’un, progrès ; l’erreur des pessimistes est de n’en lire qu’un, décadence.

550. (1926) L’esprit contre la raison

[C’est moi qui souligne] Il suggère que toute conclusion défavorable à l’être doit être une erreur de son esprit. […] Où l’on traite de la Nature de l’Esprit de l’homme, & de l’usage qu’il en doit faire pour éviter l’erreur dans les Sciences (1674-75). La critique de l’imagination se trouve dans le Livre II, mais Crevel peut aussi s’appuyer sur Pascal pour qui « l’imagination est maîtresse d’erreur et de fausseté ». […] Marcel Arland emploie l’expression dans un article que lui a commandé Rivière et qu’il intitule : « Sur un nouveau mal du siècle », dans La NRF n°125, février 1924 ; il s’attire une réponse de Jacques Rivière dans les « Notes de la rédaction » du même numéro, dénonçant cette « erreur » d’un très jeune écrivain qui conçoit la littérature comme subordonnée : « Si l’on interroge Paul Valéry sur le sens de son activité, il s’efforce aussitôt de la montrer transcendante par rapport à la littérature, la forme écrite qu’il lui donne n’étant, pour sa pensée, qu’un accident. » Cette allusion à un débat interne à la NRF montre encore combien le texte de Crevel est réactif, prend place dans un échange crucial sur la relation de la littérature au politique.

551. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Mais voilà précisément l’erreur. […] Dans le second argument (l’Achille), on consent à se donner le mouvement, on l’attribue même à deux mobiles, mais, toujours par la même erreur, on veut que ces mouvements coïncident avec leur trajectoire et soient, comme elle, arbitrairement décomposables. […] La première erreur, celle qui consiste à faire de ce temps et de cet espace homogènes des propriétés des choses, conduit aux insurmontables difficultés du dogmatisme métaphysique, — mécanisme ou dynamisme, — le dynamisme érigeant en autant d’absolus les coupes successives que nous pratiquons le long de l’univers qui s’écoule et s’efforçant vainement alors de les relier entre elles par une espèce de déduction qualitative, le mécanisme s’attachant plutôt, dans l’une quelconque des coupes, aux divisions pratiquées dans le sens de la largeur, c’est-à-dire aux différences instantanées de grandeur et de position, et s’efforçant non moins vainement d’engendrer avec la variation de ces différences, la succession des qualités sensibles. […] Mais si ces deux postulats recèlent une erreur commune, s’il y a passage graduel de l’idée à l’image et de l’image à la sensation, si, à mesure qu’il évolue ainsi vers l’actualité, c’est-à-dire vers l’action, l’état d’âme se rapproche davantage de l’extension, si enfin cette extension, une fois atteinte, reste indivisée et par là ne jure en aucune manière avec l’unité de l’âme, on comprend que l’esprit puisse se poser sur la matière dans l’acte de la perception pure, s’unir à elle par conséquent, et néanmoins qu’il s’en distingue radicalement.

552. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

Mézeray est modeste sur les erreurs ; il reconnaît qu’il a dû en commettre beaucoup : « Et vraiment il n’est pas au pouvoir d’un homme mortel de faire une course de douze siècles sans broncher. » De son style il déclare qu’il ne dira rien ; mais on voit qu’il y tient et qu’à ce début il l’a soigné : « C’est à vous, dit-il aux lecteurs désintéressés, à prononcer si j’ai écrit d’une belle manière, si j’ai découvert quelques lumières qui n’eussent pas encore été démontrées ; là où j’ai touché au but, et là où je m’en suis éloigné. » Il nous rappelle ce que nous ne devons jamais oublier quand nous nous reportons à la première époque où parurent ces ouvrages une fois en vogue, et dès longtemps vieillis : c’est que, si la matière était déjà vieille alors et semblait telle, la forme qu’il lui donnait à son heure la rendait toute nouvelle. […] [NdA] Cette acception du mot développer est encore mieux définie dans la phrase suivante, qui se rapporte à Marguerite, sœur de François Ier : « Les nouveaux Évangélistes l’avaient autrefois pensé embrouiller dans leurs erreurs : mais ce puissant génie, ayant reconnu la vérité, en était heureusement développé. »

553. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

J’ai vu des savants positifs, des observateurs de mérite, mais d’un horizon un peu restreint et rabaissé, qui, lorsqu’ils étaient interrogés sur Buffon, répondaient à peine ; et l’un d’eux me dit un jour : « Il y a encore Bernardin de Saint-Pierre qui a fait de beaux tableaux dans ce genre-là. » Évidemment ces savants de métier, ne trouvant pas chez Buffon le détail précis d’observation qu’ils prisent avant tout, y voyant du général ou du vague (ce qu’ils confondent), y ayant noté des erreurs, n’appréciant point d’ailleurs l’élévation et la nouveauté première de quelques-unes de ses conceptions lumineuses et de ses perspectives, lui rendent le dédain qu’il a eu pour leurs devanciers de même race ; ils exercent sur lui la revanche du naturaliste positif, de l’anatomiste, de l’observateur au microscope, sur l’homme de talent qui les a trop tenus à distance ; ils sont fiers d’être aujourd’hui plus avancés que lui, et, en le rapprochant si fort de Bernardin de Saint-Pierre qu’ils lisent très peu, ils le relèguent parmi les littérateurs purs, oubliant que Buffon a été un génie scientifiquement éducable, ce que Bernardin de Saint-Pierre ne fut jamais. […] Quelques erreurs ne doivent pas nous empêcher de lui payer un juste tribut d’admiration, de respect et surtout de reconnaissance ; car les hommes lui devront longtemps les doux plaisirs que procurent à une âme jeune encore les premiers regards jetés sur la nature, et les consolations qu’éprouve une âme fatiguée des orages de la vie en reposant sa vue sur l’immensité des êtres paisiblement soumis à des lois éternelles et nécessaires.

554. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Ginguené surtout, qui était Breton comme Chateaubriand ; qui avait fort connu sa sœur Mme de Farcy et toute sa famille ; qui savait des particularités intimes sur les premières erreurs du poète, sur les fautes dont s’était affligée sa mère, et qui s’en était entretenu avec lui depuis même son retour d’Angleterre ; Ginguené, honnête homme, mais roide et peu traitable, devenait un adversaire dangereux. […] Ce genre d’attaque, employé pour détruire l’effet d’un ouvrage religieux, est fort connu : il est donc probable que je n’y échapperai pas, moi surtout à qui l’on peut reprocher des erreurs.

555. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Erreur ! […] Chose singulière, ou plutôt chose ordinaire et assez commune aux vieillards, il prétendait n’y rien reconnaître de ce qu’il avait vu, à tel point que les mémoires de Retz (1717), en raison de deux ou trois erreurs de fait qu’il y relevait, lui semblaient un roman fabriqué par quelque homme de lettres de Hollande.

556. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

Erreur ! […] Croit-on mettre la charité à couvert en ajoutant d’un air contenu : « Le secret de ses convictions intimes est resté entre Dieu et lui. » Non, c’était le cas de citer, si l’on voulait être complet, une autre lettre très explicite de Schlegel, qui ne saurait se séparer de la précédente, une lettre fort belle qu’il adressa plus de vingt-cinq ans après (le 13 août 1838) à la duchesse de Broglie qui ne cessait de le presser sur l’article de la foi, et dans laquelle il expose ses variations de sentiments, ses aspirations, sa crise morale et sa solution philosophique, ou, comme il le dit poétiquement, « ses erreurs d’Ulysse et son Ithaque ».

557. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Je ne saurais l’admettre, et en reconnaissant à ce beau xviie  siècle la supériorité du goût, je persiste à croire que le xviiie , avec et nonobstant ses erreurs, était plus éclairé. […] Et pourtant, il n’y a pas eu d’erreur dans le total, si l’on a trouvé dans le détail bien des mécomptes.

558. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

» Et comme on est à l’Académie des inscriptions, on n’oublie pas de citer la médaille frappée en l’honneur de Foucault par décision des États du Béarn, au revers de laquelle étaient représentés les députés venant en foule signer, à la face des autels, l’abjuration de leurs erreurs, avec une légende latine qui signifiait : « La Religion catholique rétablie dans le Béarn par des délibérations publiques de toutes les villes. » Au contraire, j’ouvre l’ouvrage d’Élie Benoît Histoire de l’Édit de Nantes, à la date de 1685 : qu’y vois-je ? […] L’Édit de Révocation venait enfin d’être lancé (octobre 1685), et c’était le thème sur lequel Foucault prêchait à ces gentilshommes d’un ton impératif la plus absolue doctrine de religion politique et administrative, cette grande erreur du temps et de plus d’un temps.

559. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

L’idée qui a présidé à cette composition est, selon moi, une erreur. […] L’erreur de M. 

560. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Il nous faut des maîtres plus sensibles qu’instruits, plus raisonnables que savants, qui dans un lieu vaste et commode, hors des villes, hors de l’infection de l’air qu’on y respire et de la dépravation des mœurs qui s’introduit par tous les pores, soient les égaux, les amis, les compagnons de leurs élèves ; que toute la peine, que tout le travail de l’instruction soit pour le maître, et que les enfants ne se doutent même pas qu’ils sont à l’école ; que dans des conversations familières, en présence de la nature et sous cette voûte sacrée dont le brillant éclat excite l’étonnement et l’admiration, leur âme s’ouvre aux sentiments les plus purs ; qu’ils ne fassent pas un seul pas qui ne soit une leçon ; que le jour, la nuit, aux heures qui seront jugées les plus convenables, des courses plus ou moins longues dans les bois, sur les montagnes, sur les bords des rivières, des ruisseaux ou de la mer, leur fournissent l’occasion et les moyens de recevoir des instructions aussi variées que la nature elle-même, et qu’on s’attache moins à classer les idées dans leur tête qu’à les y faire arriver sans mélange d’erreur ou de confusion. » Vous voyez d’ici le tableau idéal et enchanteur de toutes ces écoles primaires et rurales de la République française, où chaque enfant serait traité comme Montaigne, Rabelais ou Jean-Jacques ont rêvé de former et de cultiver leur unique élève. […] Quoi qu’il en soit des erreurs, et par l’impulsion qu’il donna, Jean-Bon, pendant ces deux années de 93, 94, fut véritablement, et à son degré, le second de Carnot et, peu s’en faut, son semblable pour la marine.

561. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Seulement l’auteur de l’Avenir répudiait dès l’abord un certain nombre d’erreurs violentes contre le régime de liberté, et, en tenant toujours au Clergé un langage d’exhortation, en le provoquant encore à une sainte ligue, il abjurait net toute espérance d’ordre temporel théocratique, dont cette soudaine révolution l’avait désabusé. […] Rien de plus trompeur que cette pensée… » Esprit élevé et candide, mais ainsi prévenu par ce qu’il appelle une longue erreur, il se doit, il doit à tous, en ses assertions d’aujourd’hui, de ne pas recommencer la même simplicité de cœur, la même crédulité aux hommes, la même enfance.

562. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

C’est l’erreur que je fuis, c’est la vertu que j’aime. […] Cette imputation est contraire à tous les documents que nous avons de ce temps-là ; et il importe à l’opinion que j’ai à cœur d’établir, de faire tomber cette erreur.

563. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

Oui, M. de Lamartine a comparé un jour Camille Desmoulins à Fénelon ; étonnez-vous après cela chez lui d’une erreur de tact et d’un hasard de touche ! […] D’ailleurs, la nature supérieure et d’elle-même généreuse de M. de Lamartine se fait jour dans l’impartialité de quelques appréciations : il rend à Marmont, duc de Raguse, la justice qui lui est due pour sa défense de Paris, et il le lave du reproche de trahison en déterminant la part d’erreur et de faiblesse, commune alors à bien d’autres moins accusés.

564. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Son honneur à lui, c’est de n’avoir jamais, même aux moments les plus désespérés et les plus amers, cédé d’un point sur les conditions qu’il jugeait essentielles au rétablissement de la monarchie en France : « Il est aussi impossible de refaire l’Ancien Régime, pensait-il, que de bâtir Saint-Pierre de Rome avec la poussière des chemins. » Consulté de Vérone par Louis XVIII, et d’Édimbourg par le comte d’Artois, dans leurs projets excentriques de restauration, il ne cesse de leur redire : « Il faut écouter l’intérieur si l’on veut entreprendre quelque chose de solide… Ce n’est pas à nous à diriger l’intérieur, c’est lui qui doit nous diriger. » Dans une note écrite pour Louis XVIII en juillet 1795, Mallet du Pan lui pose les vrais termes de la question, que ce roi ne paraissait pas comprendre entièrement alors, et qu’il fallut une plus longue adversité pour lui expliquer et lui démontrer : La grande pluralité des Français ayant participé à la Révolution par des erreurs de conduite ou par des erreurs d’opinion, écrivait Mallet, il n’est que trop vrai qu’elle ne se rendra jamais à discrétion à l’ancienne autorité et à ses dépositaires ; il suffit de descendre dans le cœur humain pour se convaincre de cette vérité.

565. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Autre erreur. […] Réduisant l’opinion de M. de Lamartine à son véritable sens, j’y cherche moins encore une erreur de son jugement qu’une conséquence de sa manière d’être et de sentir.

566. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

La principale erreur des partisans passionnés de la démocratie est de considérer cette forme de société comme un type absolu et idéal qui, une fois réalisé ici-bas, donnerait aux hommes le parfait bonheur. […] Il y a donc, malgré les déviations, les temps perdus, les erreurs passagères, les dépenses inutiles, une résultante favorable au bien public.

567. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Je n’ignore point qu’il y a une véritable appréciation à faire du système de l’égalité ; et que même cette appréciation a été faite par de fort bons esprits ; mais il n’en est pas moins vrai que ce système, proclamé sans précaution, a jeté dans bien des erreurs, et que les conséquences rigoureuses qu’on en a tirées ont produit bien des crimes. […] Où je trouve l’erreur, c’est qu’on prétende que cela a toujours été ainsi ; quant à moi, je pense que c’est un des caractères de l’âge actuel des nations : seulement, cela est plus sensible chez nous en ce moment, parce que nos mœurs n’ont pas marché d’un pas égal avec les opinions.

568. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Je sais où sont ses instincts, qui souvent le mènent loin, droit et heureusement, jusqu’à ce qu’il se brise pourtant contre quelque brillante erreur qui l’a séduit et enivré. […] Chasles, plus intelligent et plus impartial que je n’eusse attendu d’une sensibilité aussi vibrante que la sienne, a reconnu la supériorité du jugement de J. de Maistre dans son livre d’acharnement sublime contre Bacon, contre cet homme qui fut pis qu’un homme, car il fut l’Erreur vivante, féconde, centrifuge et malheureusement immortelle.

569. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

La physiologie est la sauce piquante de toutes les erreurs de ce temps. […] Ce livre même de la Mer, quoiqu’il soit de tendance impie, semé d’erreurs et d’ignorances, assoté par une préoccupation de démocratie déplacée que l’auteur transporte de l’histoire politique à l’histoire naturelle, et qui le fait être du côté du fretin contre le gros poisson, si vous exceptez les baleines pour lesquelles il a un sentiment ; ce livre de la Mer est plein de choses puissantes et charmantes.

570. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la distribution des prix du lycée d’orléans. » pp. 223-229

Et, au surplus, si je vous recommande cette sobre vertu là où elle diminue les chances d’erreur et de malfaisance, il est des sentiments où je ne vous conseille plus du tout d’être modérés : c’est l’amour du bien et c’est l’amour du pays.

571. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 211-219

En poursuivant les prétendus Sages de ce siecle dans la carriere des Arts & de la Politique, où ils n’ont pas moins extravagué que dans la Physique, il aura sur les autres adversaires de la Philosophie, l’avantage d’avoir combattu des erreurs dangereuses, avec les seules armes du ridicule & de la bonne plaisanterie.

572. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Introduction »

Sans nul doute des erreurs se sont glissées dans ce livre, malgré le soin que j’ai pris de ne m’en rapporter qu’à de solides autorités.

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