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542. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

Une mystification si soutenue, qui réclamerait un tel effort, et un effort si disproportionné avec le plaisir ou le profit qu’on en retire, serait, il me semble, au-dessus des forces humaines. […] Et tous ces bons efforts vers les croix et les plaies, Comme je l’invoquais, elle en ceignit mes reins. […] quel effort, mais quelle ardeur !

543. (1772) Éloge de Racine pp. -

Mais de si beaux efforts ne sont point donnés à l’humanité ; elle n’a pas des conceptions si vastes. […] Un homme a ajouté aux travaux d’un homme ; un siècle a ajouté aux lumières d’un siècle ; et c’est ainsi qu’en joignant et perpétuant leurs efforts, les générations qui se reproduisent sans cesse ont balancé la faiblesse de notre nature, et que l’homme, qui n’a qu’un moment d’existence, a jeté dans l’étendue des âges la chaîne de ses connaissances et de ses travaux, qui doit atteindre aux bornes de la durée. […] Le moment des grands efforts était venu, et l’on vit éclore successivement deux chefs-d’oeuvre, qui, en élevant Racine au dessus de lui-même, devaient achever sa gloire, la défaite de l’envie, et le triomphe de la scène française. […] Qui est-ce qui ne rend pas justice à ce grand effort de l’art dramatique ?

544. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

La persévérance toutefois, qui fait le caractère du petit troupeau janséniste, n’avait pas cessé son effort après tant d’années, et l’on n’avait pas renoncé à payer cette dette d’une publication tardive à une mémoire des plus honorées. […] … Elle est fille d’une mère qui a été fort persécutée des tyrans, qui l’ont voulu étouffer dans le sang de ses martyrs, et encore des hérétiques, qui ont fait mille efforts à ce qu’elle ne mît point ce béni enfant au monde ; mais enfin elle s’est couronnée de lys aussi bien que de roses, portant en son sein des vierges et des martyrs… Cette excellente épouse n’a jamais été maltraitée de son mari, qui au contraire est mort pour elle… Et elle continue sur ce ton, multipliant, épuisant les images, les allusions emblématiques, s’y jouant plus que de raison, oubliant un peu le goût, mais faisant ses preuves en fait de grâce : je prends le mot dans le double sens, dans le sien et dans le nôtre.

545. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — I » pp. 93-106

Dans ses lettres à M. de Kergorlay on le voit de bonne heure tracer le plan de sa vie, s’assigner un but élevé et se confirmer dans la voie dont il n’a jamais dévié : « À mesure que j’avance dans la vie, écrivait-il (6 juillet 1835) âgé de trente ans, je l’aperçois de plus en plus sous le point de vue que je croyais tenir à l’enthousiasme de la première jeunesse : une chose de médiocre valeur, qui ne vaut qu’autant qu’on l’emploie à faire son devoir, à servir les hommes et prendre rang parmi eux. » Il est déjà en plein dans l’œuvre politique, au moins comme observateur et comme écrivain, et malgré tout, en présence du monde réel, il maintient son monde idéal ; il se réserve quelque part un monde à la Platon, « où le désintéressement, le courage, la vertu, en un mot, puissent respirer à l’aise. » Il faut pour cela un effort, et on le sent dans cette suite de lettres un peu tendues, un peu solennelles. […] S’il est ambitieux dans son effort, il est d’une modestie parfaite en ce qui le touche personnellement, lui et son œuvre.

546. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

Fortoul a dû éprouver que tout n’est pas vain dans ces efforts pittoresques qu’il a dénoncés quelquefois comme arriérés, et qu’il y a un art propre, constamment digne du plus sérieux souci, dans cette reproduction précise et splendide de la nature, dans cette transparence limpide de couleur, dans ces coups de pinceau du génie, que toutes les théories du monde ne donnent pas sans doute, mais qu’elles doivent reconnaître, saluer et cultiver. […] L’auteur, dans ses nobles efforts, ne la souvent qu’approximative et suffisante.

547. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

Il avait dans le sang, il reçut parmi ses premières impressions d’enfance, quelque chose qui lui permit de comprendre la beauté antique : il la sentait toute voisine de lui et dans une parfaite harmonie avec son intime organisation ; où les autres ne voyaient que des souvenirs de collège ou des décors d’opéra, il saisissait sans effort les réalités concrètes. […] Marie-Joseph fit en vain tous ses efforts pour le sauver.Éditions : Poésies, 1819 ; G. de Chénier, Lemerre. 1874. 3 vol. in-8 ; Becq de Fouquières.

548. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Banville, Théodore de (1823-1891) »

Évidemment, il y a là une inégalité, une injustice, un fatum… On peut différer de sentiment sur la poésie de M. de Banville et sur la nature de ses inspirations ; mais ce qu’on ne peut méconnaître, dès la première lecture, c’est que l’effort est complet, et qu’aucune négligence, aucune transaction ne s’est interposée entre le poète et son but… Des deux grands principes posés au commencement de ce siècle, la recherche du sentiment moderne et le rajeunissement de la langue, M.  […] [L’Effort (15 janvier 1900).]

549. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Baudelaire, Charles (1821-1867) »

Ferdinand Brunetière Les vers de Baudelaire suent l’effort ; ce qu’il voudrait dire, il est rare, très rare qu’il le dise ; et sous ses affectations de force et de violence, il a le génie même de la faiblesse et de l’impropriété de l’expression… Prenez, une à une, dans ces Fleurs du mal, les pièces les plus vantées, à peine y trouverez-vous une douzaine de vers à la suite qui soutiennent l’examen ; et un examen où il en faut venir, parce que Baudelaire est un pédant… Le pauvre diable n’avait rien ou presque rien du poète que la rage de le devenir. […] Il leur faudrait chercher longtemps et beaucoup pour être simples… Baudelaire avait un esprit ainsi fait, et, là où la critique a voulu voir le travail, l’effort, l’outrance et le parti pris, il n’y avait que le libre et facile épanouissement d’une individualité.

550. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Loin de déceler que le poète eût été incapable de se donner à lui-même une explication du monde, elle révèle un effort héroïque pour projeter dans l’infini et dans l’éternel ce qui fut auparavant le tressaillement momentané de l’individu. […] Héritier, malgré sa gravité impassible, de la tradition romantique, il est allé d’instinct, et d’un effort continu, vers le sublime, ce qui vaut mieux, après tout, que de se résigner à déchoir… C’est lui qui a fermé la porte des temples déserts.

551. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

Sur le point de disparaître, elles sont prêtes à reprendre le cycle des efforts et des douleurs et à dire encore une fois : oui à la vie. […] La volonté de l’individu aspire à la diversité, à la puissance, à l’indépendance ; la société s’efforce de réprimer ce triple effort de la volonté individuelle35.

552. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VIII. La crise actuelle de la Physique mathématique. »

C’est le seul qui ne se présente pas comme une conséquence immédiate de l’hypothèse des forces centrales ; bien mieux, il semble sinon contredire directement cette hypothèse, du moins ne pas se concilier avec elle sans un certain effort. […] Rappelons-nous ce que nous avons dit au sujet du principe de relativité et des efforts faits pour la sauver.

553. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Conclusion »

Nos diverses sensations peuvent se classer en sept groupes principaux : 1° sensations musculaires ; elles nous informent de la nature et du degré d’effort de nos muscles. […] Mais avant d’y parvenir, elle traverse une période de tâtonnements, d’efforts et de conquêtes.

554. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

De là un effort et un frein auquel son éloquence elle-même ne peut que gagner. […] À la tribune, M. de Montalembert arrive aux effets sans grands efforts et comme par suite d’un développement continu.

555. (1904) La foi nouvelle du poète et sa doctrine. L’intégralisme (manifeste de la Revue bleue) pp. 83-87

Léon Vannoz, il faut que nous fassions un grand effort pour comprendre les lois vraies de la création poétique, et pour nous comprendre nous-mêmes... […] Et qu’est elle encore, sinon, dans le vouloir et l’effort des hommes, la compréhension, la pénétration, la possession de toutes choses par l’âme et les sens ?

556. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’Empire Chinois »

Il ne sera dépassé et mis en oubli que par un livre d’égale force d’intelligence, lequel, représentant, comme celui-ci, dix ans de travaux, d’efforts, de patience inouïe, prendra les notions sur la Chine là où Huc les a prises, et nous en donnera l’équivalent en les avançant autant que l’ouvrage du courageux missionnaire les a avancées. […] Philosophie peu compliquée qui succède à toutes les autres et vient engloutir les systèmes qui demandaient au moins un effort de cerveau pour les créer ou pour les comprendre, elle est simple comme les quatre planches très simplement jointes qui forment un cercueil !

557. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

L’homme est tellement fait pour le deuil, la tristesse, le désastre ; sa destinée est si bien l’inachèvement en toutes choses, que les grands efforts, les grands caractères, le génie, répandus en pure perte sur cette terre qui boit tout indifféremment, le sang et les larmes, nous prennent le cœur bien plus que le succès, les résultats éclatants, les fortunes ! […] Il l’a surtout tirée de ses papiers et de sa correspondance ; car cet homme, qui savait écrire comme il agissait, a beaucoup écrit, et nous avons dans ses diverses lettres une relation vivante et presque haletante de ses efforts, de ses intentions et de ses projets, qui nous émeut, nous, les admirateurs de tant d’âme, mais que les gouvernements aux longues pensées doivent un jour méditer.

558. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

Il tordait la flèche comme il courbait l’arc : il y avait de l’effort dans son trait ; mais cet effort ne venait jamais de la faiblesse, et il était toujours heureux.

559. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Conclusion »

Recherchant alors pourquoi cette dissociation de la durée et de l’étendue, que la science opère si naturellement dans le monde extérieur, demande un tel effort et excite une telle répugnance quand il s’agit des états internes, nous n’avons pas tardé, à en apercevoir la raison. […] Mais la vérité est que nous apercevons ce moi toutes les fois que, par un vigoureux effort de réflexion, nous détachons les yeux de l’ombre qui nous suit pour rentrer en nous-mêmes.

560. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

La prévoyance de ces maux et l’effort du législateur pour les combattre lui inspirent quelques vers dignes de cette sagesse politique dont Pindare redira les maximes. […] Le premier vers désigne les Spartiates par le dieu même dont ils se croyaient descendus ; le reste exprime la grandeur du danger et le dernier effort du désespoir animant la discipline.

561. (1875) Premiers lundis. Tome III « Senac de Meilhan »

C’était à la fois de l’à-propos et du contretemps : — de l’à-propos, parce que Tacite reprenait tout son sens profond à la clarté des événements nouveaux ; — du contretemps, parce qu’on jouissait bien peu alors de cette liberté d’esprit qui seule eût permis d’être attentif à un tel essai littéraire et de rendre justice aux efforts méritoires du nouveau traducteur.

562. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Préface de l’auteur »

Nous avons tenté jadis un effort dans cette direction.

563. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Voilà les principes naturels de l’état social ; et tout l’effort doit tendre, non pas à détruire les sociétés actuellement existantes, mais à les réduire au type idéal ; tous les abus, toutes les misères, toute l’oppression disparaîtraient dans cette réduction, et l’organisation politique, avec les mœurs qui en découlent, ne pervertirait plus l’homme naturel. […] Ainsi est restaurée la vie intérieure avec ses durs efforts et ses austères joies ? […] effort et ennui. […] Voltaire nous touche moins à fond : il regarde le passé, qu’il combat, et nous avons à faire effort pour lui rendre la justice qu’il mérite. […] Dans une crise douloureuse de sa conscience, Julie se relève de sa faute, purifie son âme, et la crée à nouveau : elle sort de l’église, où on la mène malgré elle, avec une volonté prête à l’effort moral.

564. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Ce qui est beaucoup plus grave, c’est l’indifférence de toute une partie de l’opinion envers le prodigieux effort d’affranchissement et l’énorme labeur intellectuel du siècle précédent. […] De là peut-être moins d’œuvres purement parfaites qu’en un siècle vraiment classique, mais par contre que d’œuvres étrangement prenantes dans leur inquiétude, leurs dissonances, et leur effort vers le nouveau ! Y a-t-il danger à ce que les foules soient incitées à mésestimer l’effort littéraire du xixe  siècle français ? […] Néanmoins on discerne chez la plupart des écrivains une sorte d’effort critique sur eux-mêmes et sur leur temps pour acheminer la France intellectuelle à ses destinées normales et pour l’aider à remplir son rôle d’initiatrice, d’excitatrice et de guide dans l’évolution du monde moderne. […] Notre littérature traduit, au long des siècles, notre effort de renouvellement et de progrès.

565. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Sans conscience et sans choix l’arbre dresse ses branches vers la lumière : l’ascension du genre humain vers le mieux est toujours la conquête d’un volontaire effort et la récompense d’un mérite. […] C’est une matière qu’avec plus ou moins d’efforts nous pouvons sculpter à l’image d’une bête ou d’un dieu. […] Bien plus, comme il faut peut-être plus d’effort intellectuel pour établir entre deux idées un rapport artificiel et sophistique que pour concevoir simplement les liens naturels qui les unissent, j’en conclurais que le travail cérébral est plus considérable dans le premier cas, et qu’ainsi l’habitude du sophisme doit plutôt exercer et élargir l’organe de la pensée. […] On comprendra enfin dans quel sens le progrès peut être indéfini, car la vertu est chose tout intérieure, et si la science et le bonheur rencontrent dans les conditions de notre nature et de notre existence ici-bas des limites nécessaires, l’homme, par son libre effort vers le bien, peut toujours et sans cesse élever au-dessus d’elle-même la hauteur morale à laquelle il est déjà parvenu. […] Sans doute, la nature des êtres de cet ordre ne saurait être éternelle ; mais, une fois né, l’être devient éternel dans la mesure où il est possible qu’il le soit… Au point de vue de l’espèce, cette éternité est possible, et c’est ainsi que se perpétuent à jamais les hommes, les animaux et les plantes. » Ainsi, tandis que, pour certain mysticisme et pour le pessimisme moderne, la génération est œuvre de déchéance et assure le triomphe du mal dans l’univers, elle marque, aux yeux du philosophe grec, l’effort sublime de la nature vivante dans son inconsciente aspiration à l’éternité du divin.

566. (1876) Romanciers contemporains

Sa plume courait sur le papier sans hésitation, sans effort. […] Tous ses efforts échouent. […] Efforts superflus dont aurait pu se railler l’Alma mater du collège ! […] L’esprit se forme surtout par les efforts contraires qu’il a à vaincre. […] Ce n’est point l’improvisateur qui enlève à son œuvre toute apparence de labeur et d’effort.

567. (1902) La poésie nouvelle

Quant à ces conditions, il les fait dériver (d’une manière, d’ailleurs, assez confuse) du principe de moindre effort. […] Une allusion à son secret malaise, à ce qu’il y a d’essentiel et de plus absolu dans son intime souffrance, lassée d’effort, en quête du mieux. […] Mais surtout, il le faut considérer comme l’aboutissement normal de tout l’effort que ce poète avait fait pour briser la musiquette du vers régulier. […] … ‌ Voilà, certes, l’un des plus accomplis chefs-d’œuvre de l’Ecole Romane, et il convient de juger l’effort de Moréas depuis le Pèlerin passionné comme aboutissant à cette Eriphyle… L’effort de Moréas, oui, — mais non l’Ecole Romane ! […] L’effort est immense, et une magnifique beauté lui vient du prodigieux déploiement d’énergies qu’il a suscité.

568. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Si deux fois la chute de son parti semble abattre ou retarder sa fortune, il se tient debout sans beaucoup d’effort, par réflexion et sang-froid, préparé aux événements, acceptant la médiocrité, assis dans une tranquillité naturelle et acquise, s’accommodant aux hommes sans leur céder, respectueux envers les grands sans s’abaisser, exempt de révolte secrète et de souffrance intérieure. […] Placer les gens, manier l’argent, interpréter la loi, démêler les motifs des hommes, prévoir les altérations de l’opinion publique, être forcé de juger juste, vite et vingt fois par jour, sur des intérêts présents et grands, sous la surveillance du public et l’espionnage des adversaires, voilà les aliments qui ont nourri sa raison et soutenu ses entretiens ; un tel homme pouvait juger et conseiller l’homme ; ses jugements n’étaient pas des amplifications arrangées par un effort de tête, mais des observations contrôlées par l’expérience ; on pouvait l’écouter en des sujets moraux, comme on écoute un physicien en des matières de physique ; on le sentait autorisé et on se sentait instruit. […] Le jeune, homme, après avoir attendu un instant, lui dit : « Cher Monsieur, vous m’avez fait demander ; je crois, j’espère que vous avez quelques commandements à me donner ; je les tiendrai pour sacrés. » Le mourant, avec un effort, lui serra la main et répondit doucement : « Voyez dans quelle paix un chrétien peut mourir. » Un instant après, il expira. […] En lisant ces essais, on l’imagine encore plus aimable qu’il n’est ; nulle prétention ; jamais d’efforts ; des ménagements infinis qu’on emploie sans le vouloir et qu’on obtient sans les demander ; le don d’être enjoué et agréable ; un badinage fin, des railleries sans aigreur, une gaieté soutenue ; l’art de prendre en toute chose la fleur la plus épanouie et la plus fraîche, et de la respirer sans la froisser ni la ternir ; la science, la politique, l’expérience, la morale apportant leurs plus beaux fruits, les parant, les offrant au moment choisi, promptes à se retirer dès que la conversation les a goûtés et avant qu’elle ne s’en lasse ; les dames placées au premier rang929, arbitres des délicatesses, entourées d’hommages, achevant la politesse des hommes et l’éclat du monde par l’attrait de leurs toilettes, la finesse de leur esprit et la grâce de leurs sourires : voilà le spectacle intérieur où l’écrivain s’est formé et s’est complu. […] Elles sont les demeures des hommes de bien après leur mort… Ne sont-ce point là, ô Mirza, des asiles dont la possession mérite des efforts ?

569. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Être charitable même au hasard et sans discernement, cela déjà veut un effort. […] Il n’est pas commode d’aborder les pauvres d’un air qui soit exempt d’affectation, qui ne sente ni un effort trop grand ni, d’autre part, le contentement de soi et le sentiment de sa supériorité. […] Il respecte votre liberté et vous excite même à en user : il développe en vous l’initiative, l’effort individuel, tout comme si vous étiez des Anglo-Saxons. […] C’est comme si le grand dramaturge, pour avoir, dans sa vie, trop imaginé de ces situations violentes, trop développé de ces tragiques conflits, n’avait plus eu, cette fois, le courage de faire l’effort qu’il faut pour se mettre à la place de ses personnages, pour se congestionner consciencieusement sur leur cas, pour se représenter leurs émotions et trouver des phrases qui les expriment avec quelque précision et quelque force. […] Lia souffre tout de bon : « Ce que je ne lui pardonne pas, c’est cet effort que j’ai naïvement fait pour l’aimer ; je souffre cruellement, moi qui lui échappais par mon indifférence, de m’être mise, par bonté d’âme, dans le cas de pouvoir être rejetée et méprisée par lui.

570. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Tout art est un effort pour reproduire en perfectionnant. […] Tersite manqué blesse le regard, et Adonis manqué offre encore, à défaut de la vie, un certain charme primitif de lignes courbes, régulières, de contours que le regard suit sans effort. […] Animer la nature, c’est être dans le vrai, car la vie est en tout, — la vie et aussi l’effort ; le vouloir vivre, tantôt favorisé, tantôt contrarié, apporte partout avec lui le germe du plaisir et de la souffrance, et nous pouvons avoir pitié même d’une fleur. […] En premier lieu, un entraînement a déjà été nécessaire pour faire accepter l’animation trop complète de la nature ; or, rien que pour soutenir cet entraînement, l’effort lyrique du poète devra aller grandissant, et il se heurtera bientôt à cette idée qu’il y a une contradiction véritable entre la réalité et la fiction poétique. […] Décrire n’est pas énumérer, classer, étiqueter, analyser avec effort ; c’est représenter ou, mieux encore, présenter, rendre présent.

571. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Lamartine.] » pp. 534-535

Comme ces pièces premières de Lamartine n’ont aucun dessin, aucune composition dramatique, comme le style n’en est pas frappé et gravé selon le mode qu’on aime aujourd’hui, elles ont pu perdre de leur effet à une première vue ; mais il faut bien peu d’effort, surtout si l’on se reporte un moment aux poésies d’alentour, pour sentir ce que ces élégies et ces plaintes de l’âme avaient de puissance voilée sous leur harmonie éolienne et pour reconnaître qu’elles apportaient avec elles le souffle nouveau.

572. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dorchain, Auguste (1857-1930) »

Sully Prudhomme et François Coppée, c’est qu’il n’aimait pas seulement pour leur mérite propre la rime ingénieuse, l’épithète rare et le rythme savant ; il les trouvait lui aussi, mais pour les subordonner à une pensée qui était l’objet de son principal effort.

573. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 104-107

Ce digne Ouvrage mourut à sa troisieme apparition, malgré les efforts de plusieurs Philosophes subalternes, & même, dit-on, de quelques Philosophes du premier ordre.

574. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre V. Ruines des monuments chrétiens. »

Les bas-côtés du chœur, les arcs des fenêtres, les ouvrages ciselés des voussures, les pilastres des cloîtres, et quelques pans de la tour des cloches, sont en général les parties qui ont le plus résisté aux efforts du temps.

575. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

L’on comprend que les prochaines réformes littéraires, après toutes ces crises anormales et ces tentatives capricieuses, aboutiront à un effort simpliste. […] C’est que nous vivons à peine ; nous vivons par un effort d’analyse. » On peut dire que M.  […] Adolphe Retté préparait un grand effort de synthèse poétique. […] Les grands efforts scientifiques de Taine et d’Auguste Comte, les travaux des socialistes allemands et français avaient conquis les intelligences. […] Chez lui jamais de métaphore, nul artifice d’élocution, nulles phrases et encore moins de périphrases, point d’efforts pour incarner sa pensée qui, d’elle-même, fusait en mélodies claires et cristallines.

576. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Mais pourquoi les efforts des volontaires se contrarient-ils ? […] Leurs efforts ne se traversent nullement : ils se contrebalancent. […] Chaque effort individuel aide à ce labeur sublime, pourvu qu’il se détermine vers un idéal plus haut que l’idéal déjà réalisé. En apparence ces efforts divergent, en absolu, ils convergent. […] Malgré les efforts de Protée pour maintenir un semblant d’accord, il s’échange des regards méprisants ou railleurs.

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