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967. (1896) Les Jeunes, études et portraits

conclut l’auteur, dans ces délicates choses du cœur, qui marquera l’exacte limite du bien et du mal ? […] Ta tendresse a été délicate et ferme. […] Son talent est délicat et son goût est sûr. […] Touffus et diffus, ces livres contiennent çà et là des pages délicates. […] Louis Denise « est un érudit délicat et un parfait artiste ».

968. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Comme ces belles patriciennes de la décadence romaine, qui, pour l’assouvissement de leur fine chair, de cette blanche argile vivante habituée, cependant, à des caresses plus délicates, recherchaient avec furie la brutale étreinte des Barbares, nous nous sommes abandonnés dans les bras du géant ; nous acceptâmes d’être terrassés, d’être meurtris par les rudes sonorités de l’Or du Rhin, jusqu’au jour où nous avons compris que c’étaient nos propres défaites que célébraient toutes ces sonneries et tous ces tonnerres, que c’était le triomphe grandissant d’une autre race. […] Et quand je pense que, à l’étranger, on ne l’aborde pas sans ce trouble mystérieux qui caractérise l’approche du génie ; quand je pense que, à l’étranger, les natures saines, les âmes bien nées et délicates, l’envisagent, avec ce recueillement qu’on éprouve seulement en présence d’un Hésiode ou d’un Eschyle, d’un Rousseau ou d’un Goethe, je me sens affligé d’une grande tristesse et j’éprouve les pires craintes au sujet de notre état d’esprit ! […] Désormais, quand nous envisagerons la nudité délicate de la femme, nous éprouverons la même joie esthétique qu’à nous pencher amoureusement sur l’organisme enivré d’héliotropes voluptueux. […] Elle-même se reconnaissait en lui avec sa bouche fine et son menton délicat.

969. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Hommes et dieux, études d’histoire et de littérature, par M. Paul De Saint-Victor. »

Mais M. de Saint-Victor est un délicat et un difficile entre tous ; il a le goût élevé et même superbe : il n’est pas homme à se contenter aisément.

970. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Indiana (1832) »

Si les Raymon de Ramière au complet sont assez rares, grâce à Dieu, parce qu’une si agréable corruption suppose une réunion délicate d’heureuses qualités et de dons brillants, la plupart des hommes dans la société, à la manière dont ils prennent les femmes, se l’approchent autant qu’ils le peuvent de ce type favorisé.

971. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — George Sand. Cosima. »

Cosima est une jeune femme de Florence qui a un mari bourgeois, marchand, mais excellent, délicat et noble de sentiments, honnête et brave.

972. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

La question du goût est la plus délicate des trois questions particulières qui composent la question générale de la critique littéraire.

973. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre V. Des personnages dans les récits et dans les dialogues : invention et développement des caractères »

Le plus délicat, c’est de bien ajuster le caractère avec l’action choisie, de l’y faire vivre et mouvoir, d’en suivre le développement et les manifestations.

974. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rostand, Edmond (1868-1918) »

Il a l’idée frappée dans le métal sonore de l’expression ; il a l’imagination et l’image qui s’envole comme un oiseau versicolore ; il a l’intelligence qui se communique à la foule par un verbe éclatant ; il a l’art dont les délicats sont ravis et charmés ; il a la force et la sensibilité, l’abondance et la variété, la fantaisie et l’esprit, l’émotion et l’éclat de rire, le panache et la petite fleur bleue.

975. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’Âge héroïque du Symbolisme » pp. 5-17

Il y avait la délicate Sophie Harlay et Rachilde, déjà célèbre par son génie et ses légendes et qui cachait un cœur d’or et une sensibilité exquise sous des allures cinglantes et cavalières.

976. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVIII » pp. 305-318

Cependant, Molière, qui voyait le train de la cour continuer, l’amour du roi et de madame de Montespan braver le scandale, imagina d’infliger un surcroît de ridicule aux femmes dont les mœurs chastes et l’esprit délicat étaient la censure muette mais profonde et continue de la dissolution de la cour.

977. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 151-168

Né avec un goût aussi sûr que délicat, doué d’un jugement aussi solide qu’éclairé, l’esprit de critique naquit en lui de la connoissance des regles & du zele pour leur observation.

978. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1824 »

Il agitera, sans hésitation, les questions les plus délicates, et, comme le petit enfant thébain, il osera secouer la peau du lion.

979. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

Les généralités admettent toujours les exceptions ; nous savons fort bien que la foule est une grande chose dans laquelle on trouve tout, l’instinct du beau comme le goût du médiocre, l’amour de l’idéal comme l’appétit du commun ; nous savons également que tout penseur complet doit être femme par les côtés délicats du cœur ; et nous n’ignorons pas que, grâce à cette loi mystérieuse qui lie les sexes l’un à l’autre aussi bien par l’esprit que par le corps, bien souvent dans une femme il y a un penseur.

980. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

Sa raillerie était délicate, et il la tournait d’une manière si fine, que quelque satire qu’il fît, les intéressés, bien loin de s’en offenser, riaient eux-mêmes du ridicule qu’il leur faisait remarquer en eux.

981. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Monselet »

, cet esprit que le xviiie  siècle avait pu barbouiller de son abominable vermillon, mais qu’il n’avait pas pu pourrir, était cependant en train de cesser d’être délicat.

982. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jacques Demogeot » pp. 273-285

Et cependant le livre dont il est question traverse une époque délicate.

983. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sismondi, Bonstetten, Mme de Staël et Mme de Souza »

Celles de Madame de Souza à la comtesse d’Albany, son amie, quoiqu’elles ne réalisent pas certainement toute l’idée que l’imagination se fait de la manière d’écrire d’une femme comme Madame de Souza, sont cependant empreintes çà et là de cette exquise personnalité qu’on avait entrevue à travers les livres délicats qu’elle a publiés.

984. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gérard de Nerval  »

Mais Gérard, lui, le blond et délicat Gérard, dupe de cette érudition funeste, et qui n’avait que de jolies facultés ordinaires pour se défendre, n’y put résister.

985. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Mistral. Mirèio »

C’est une œuvre tout à la fois simple et solennelle, élevée et familière, délicate et robuste, idéale et rustique, très-éloignée des manières de dire et de peindre des civilisations présentes, qui donnent des poètes comme Edgar Poe pour les plus forts de ses produits.

986. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Henri Murger. Œuvres complètes. »

délicat, M. 

987. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

Siméon Pécontal a publié, en 1854, un volume de Ballades et Légendes qui pourrait être la première pierre d’une renommée, si l’attention du monde était aux esprits délicats et à leurs œuvres, mais le monde est ailleurs.

988. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Henri Heine »

Le xixe  siècle, que j’aurai l’insolence réfléchie d’appeler, malgré les positivismes qu’il invente et les prétentions qu’il affecte, le siècle du scepticisme absolu, du touche-à-tout philosophique, — et de l’écroulement de tout sous ses mains toucheuses, — n’a pas la cuirasse d’une seule conviction à lacer sur le sein nu et délicat de ses poètes… et Heine en a fait l’expérience.

989. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

Charles Didier a quelque chose de robuste et de vulgaire dans le talent qui conviendrait, je crois, très-bien au mélodrame, mais c’est cela précisément ce qui l’empêchera toujours de peindre ressemblant et même de bien comprendre cette délicate, subtile et molle Italie, qui n’est pas qu’ardente et que violente, comme on le croit, et qui, n’en déplaise à messieurs les égalitaires, est au fond la plus aristocratique des nations !

990. (1896) Études et portraits littéraires

À des imaginations « délicates et surexcitées comme celles-ci » il faut du symbolisme. […] Tout cela est vrai, pris sur le vif, mais fait en somme une psychologie courte, point délicate ni subtile. […] La question est délicate, non subtile. […] Leurs sens « délicats et poètes », comme ceux de Madame Gervaisais, leur font trop aiguë la perception des choses. […] Artiste pourtant, les délicats ne s’y sont pas trompés.

991. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Il s’est placé sur un terrain si nouveau, et, je le reconnais, si supérieur à celui qu’il défendait dans le salon d’Uranie, que ma tâche sera très différente et beaucoup plus délicate. […] Uranie commence par quelques exclamations profondément senties, il est vrai, mais un peu générales peut-être et médiocrement instructives, sur la perfection du style de Molière, la vérité toujours si délicate ou si forte des caractères qu’il peint, la verve dramatique de tous ses personnages. […] Son sens moral est resté aussi fin, aussi délicat, aussi susceptible que son sens esthétique, et de même que le beau et le bon se confondent à ses yeux dans les œuvres qu’elle loue, l’amour de la beauté s’est allié dans son âme au respect de ce qui est bien.

992. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

La seule chose qui en moi se reproduise intacte et entière, c’est la nuance précise d’émotion, âpre, tendre, étrange, douce ou triste, qui jadis a suivi ou accompagné la sensation extérieure et corporelle ; je puis renouveler ainsi mes peines et mes plaisirs les plus compliqués et les plus délicats, avec une exactitude extrême, et à de très grandes distances ; à cet égard, le chuchotement incomplet et défaillant a presque le même effet que la voix. — Mais si, au lieu de prendre pour exemple un homme enclin à remarquer surtout les sentiments, on considère des hommes accoutumés à remarquer surtout les couleurs et les formes, on trouvera des images si nettes qu’elles ne différeront pas beaucoup des sensations. […] Évidemment, de retour chez lui, à sa table, Mozart avait retrouvé en lui-même, comme dans un écho minutieusement exact, ces lamentations composées de tant de parties et promenées à travers une série d’accords si étranges et si délicats. […] Comme on voit dans l’histoire de la respiration ou de la locomotion un élément organique devenir, par une légère modification, l’instrument d’une fonction plus compliquée, puis, par une seconde modification surajoutée, exécuter une fonction supérieure ; de même, dans l’histoire de l’intelligence, on voit un élément psychologique fournir par une petite modification à des opérations très étendues, puis, par une seconde modification superposée, accomplir des opérations si complexes, si délicates et si nombreuses qu’elles semblaient pour toujours devoir rester au-delà de sa portée.

993. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Le père était un visage pensif aux yeux noirs, au front profondément creusé par le pli de la réflexion entre les deux yeux, au teint pâli par le métier sédentaire, mais à la bouche fine et délicate, comme celle de J. […] XVIII Je passai trois jours dans cette famille patriarcale ; j’en ai oublié le nom, je n’en ai oublié ni le chalet, ni les habitants, ni les naïvetés, ni les matinées passées à faner le foin sur les prés, ni les soirées autour de l’établi de l’horloger, pendant que la mère chantait à demi-voix pour endormir l’enfant sur son sein et que la jeune fille limait entre ses doigts délicats, à côté de son père, les anneaux microscopiques d’une chaîne de montre. […] En vain il copie le délicat et naïf visage de Thérésina elle-même : elle est trop simple pour simuler d’autre inspiration que celle de son cœur ; elle est trop timide pour lever au ciel ces regards de sibylle qui sont un défi au soleil ; elle ne regarde que celui qu’elle aime, elle ne voit le monde que dans ses yeux.

994. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

Il faut avoir du plaisir, le plaisir est une des fonctions de l’homme ; ce n’est pas en vain que la nature a donné le sourire à nos lèvres : seulement il faut que le plaisir soit innocent, délicat, spirituel, gracieux, et qu’on ne rougisse pas d’avoir joui. […] La nature attique et délicate de son imagination, la nature élégante et raffinée de la cour de Ferrare, ne lui permettaient pas d’hésiter ; il prit son sujet en grâce, en folie, en ironie légère, tel qu’il convenait à un grand poète qui voulait badiner et non corrompre. […] Ce n’était pas un homme de l’espèce de votre curé de Meudon : c’était un homme de bonne compagnie, d’une éducation achevée, d’une figure aussi belle et aussi noble que son génie ; vivant le matin dans sa bibliothèque, rêvant le jour dans les bois et dans les jardins des environs de Ferrare, récitant le soir aux dames et aux courtisans d’une cour oisive et élégante les charmantes badineries de sa plume, et nourrissant comme une foi terrestre, dans son cœur, un amour délicat et respectueux pour sa charmante veuve de Florence ; culte intime qui l’aurait empêché jamais de profaner dans la femme l’idole féminine dont il était l’adorateur. — Et pourquoi ne l’épousa-t-il pas ?

995. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

L’homme porte donc en lui une législation, et en quelque sorte un tribunal, qui l’absout ou le condamne selon les cas, et qui a pour sanction, ou la satisfaction délicate d’avoir bien fait, ou le regret et le remords d’avoir fait mal. […] La puissance de Dieu se manifeste donc au-dedans de nous bien plus vivement qu’au dehors ; et prouver l’existence de Dieu par cette loi que nous portons dans nos cœurs et que confesse notre raison, c’est en donner une des preuves les plus frappantes et les plus délicates. […] La limite est des plus délicates à tracer, et il faut prendre garde d’outrer l’indulgence ou la sévérité.

996. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Voilà pourquoi les délicats en fait de poésie, ceux mêmes qui ne souffrent pas que Thalie soit une muse, ne refusent pas à Molière le nom de grand poète. […] Le meilleur ouvrage de Destouches, le Glorieux, demande un parterre d’enfants, quoiqu’il n’y manque pas de traits justes et délicats, dont les parents peuvent faire leur profit. […] Oui, Gresset se trompe, il n’est pas si coupable ; Un vers heureux et d’un tour agréable Ne suffit pas… Mais il y a dans le Méchant quelque chose de plus, et n’y eût-il que « vers heureux et d’un tour agréable », ce n’est pas si peu ; car de tels vers ne se trouvent que pour des vérités fines et délicates.

997. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Le peuple, qui a un instinct très délicat du comique, en rira. […] Nos délicats, qui maintiennent toujours cette question en dehors, s’interdisent en toute chose les solutions logiques. […] Les vues les plus superficielles et les plus rebattues présentées sur un ton de grossière plaisanterie, qui fait grincer les dents à tout esprit délicat, font battre des mains aux ignorants.

998. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

La musique La corrélation entre la pensée poétique et la pensée musicale est si intime chez Wagner, que tout essai de vraie chronologie musicale pour ses œuvres est chose bien délicate et bien sujette à caution. […] Il en est de même de toute œuvre d’art ; tout ce qui est vraiment vivant est sujet, pour vivre, à de multiples et délicates conditions. […] A comprendre Wagner ils tâchent : je m’étonne même que leurs efforts n’aient rien enlevé à la délicate fraîcheur de leur teint.

999. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Pour des sommes très modiques qu’il faut que je gagne, parce que sans cela je mourrais de faim, je ne dis que la moitié du quart de ce que je pense… et encore je risque, à chaque phrase, d’être traîné derrière les tribunaux. » * * * — Une jeune fille de ma connaissance a eu la plus fraîche, la plus délicate, la plus poétique imagination de cœur. […] Le soir, dans l’impossibilité du travail, nous remontons tous deux, en fumant des pipes, à nos souvenirs de collège, alternant de la voix et de la mémoire : Jules contant le collège Bourbon, et ce terrible professeur de sixième, cet Herbette qui fit toute son enfance heureuse, malheureuse, le poussant sans miséricorde aux prix de grands concours, puis, plus tard, ce professeur de seconde, auquel il déplut pour faire autant de calembours que lui, et aussi mauvais, enfin cette bienheureuse classe de rhétorique, où il fila presque toute l’année, fabriquant en vers un incroyable drame d’Étienne-Marcel, sur la terrasse des Feuillants, averti de l’heure de la rentrée à la maison par la musique de la garde montante se rendant au Palais-Bourbon, et les rares fois où il se montrait au collège, passant la classe à illustrer Notre-Dame-de-Paris de dessins à la plume dans les marges : Edmond contant ce Caboche, cet excentrique professeur de troisième du collège Henri IV, qui donnait aux échappés de Villemeureux, à faire en thème latin le portrait de la duchesse de Bourgogne de Saint-Simon, cet intelligent, ce délicat, ce bénédictin un peu amer et sourieusement ironique, ce profil original d’universitaire, resté dans le fond de ses sympathies, comme un des premiers éveilleurs chez lui de la compréhension du beau style, de la belle langue française mouvementée et colorée, ce Caboche qui, un jour, à propos de je ne sais quel devoir, lui jeta cette curieuse prédiction : « Vous, monsieur de Goncourt, vous ferez du scandale !  […] Ce garçon-là est un svelte Hercule, surmonté d’une petite tête de Faustine, et c’est merveille de voir cette fine et délicate tête au milieu des coups de pied et des coups de poing, toujours souriante d’un rire retroussé, avec les petites rages et toutes les perfidies nerveusement féroces d’une physionomie de femme en colère.

1000. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Voilà ce que valut à Fontenelle son courage à dire librement sa pensée, ou plutôt son foible pour Charles Perrault qui l’avoit vanté souvent, & principalement dans une certaine épître sur le génie, dans laquelle il lui disoit platement : De l’églogue, en tes vers, éclate le mérite, Sans qu’il en coute rien au fameux Théocrite, Qui jamais ne fit plaindre un amoureux destin D’un ton si délicat, si galant & si fin. […] Sur quelque morceau qu’on puisse tomber, on deplorera l’abus de l’esprit, on verra quelques antithèses, quelques tours délicats tenir lieu des beautés d’imagination, & des plus sublimes traits d’éloquence ; la petite manière substituée en tout à la grande. […] Pas d’autre que celle d’en donner au public la liste, de ne point se permettre la moindre injure par représailles ; de donner l’exemple d’une dissertation modérée, fine & délicate.

1001. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

C’était, en effet, d’organisation, un esprit délicat qu’Audin, plus charmant que puissant, et dont la force, — car il eut un jour la force et l’éclat, — fut, comme les meilleures de nos vertus, lentement acquise. […] La première édition de Luther donna mieux que les autres ouvrages l’idée de la notion intrépide qu’Audin — cet esprit si délicat pourtant  — avait de l’histoire. […] La timidité des âmes délicates, qui est aux plus beaux sentiments ce que la mousse est aux plus belles roses, qu’elle préserve en les voilant, l’éloigna des coteries, des sociétés retentissantes, de toutes les farandoles de vanité qui se donnent la main, et le retint entre sa famille, quelques amis, et plus tard, — quand ceux qui aiment l’Église surent le bon soldat que l’Église avait en sa personne, — quelques nobles et grandes relations qui lui restèrent toujours fidèles.

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