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1006. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Elles sont précédées d’une biographie de Virgile que nous ne craignons pas d’appeler un chef-d’œuvre de difficulté vaincue, car ce portrait, fait ressemblant à la distance de tant de siècles, a été composé avec des nuances qu’on croyait à jamais évanouies. […] Il y a deux ou trois excellents articles (puisque articles il y a) dans le Port-Royal, entre autres celui-là, que je suis tenu à citer, où l’auteur compulse tous les maux que les Provinciales, ce livre plus grand par le résultat que par le talent, firent aux Jésuites et au catholicisme, par cela même… C’est presque tout un volume sur les conséquences historiques du livre de Pascal, que je ne crains pas d’appeler le chef-d’œuvre de Sainte-Beuve, et qu’il faudrait publier à part du Port Royal et tirer de cette chiffonnière aux tiroirs brouillés… En effet, la haine a eu là le regard aussi profond que l’amour.

1007. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

Ainsi encore quand il s’éprend de sa cousine Charlotte, qui pourra faire illusion aux petits jeunes gens, mais qui n’a pas d’autre grandeur que celle de la beauté ; qui tente et tombe comme toute femme ; qui craint moins, dit-elle (toujours les mêmes charlatanes de mots !) […] Comme un clou qui chasse un autre clou, un second sentiment adultère chasse le premier sentiment adultère, et le mari revient de Londres étant deux fois ce qu’il craignait d’être une !

1008. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

Je crains de paraître paradoxal en affirmant qu’à mon avis, Zola manque de réalisme ; ou plutôt que son réalisme n’atteint pas au sens plein et véritable de ce mot. […] Tel m’est apparu l’homme qui, après avoir détruit tous les obstacles devant lui, a craint de s’élancer au grand air libre, ce grand air dont il redoute l’ivresse et dont il ordonne à l’écrivain de se détourner.

1009. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Je présente des raccourcis qui me sont familiers ; je crains pourtant qu’ils ne soient pas toujours significatifs pour le lecteur qui a forcément une mentalité différente de la mienne. […] J’ai déjà dit et je ne crains pas de répéter que le principe, étant une vision partielle de l’idéal, implique logiquement la totalité de cet idéal, en théorie ; mais en pratique, la perception du principe est un fait individuel ; elle est plus ou moins nette selon le degré d’intelligence, de culture de l’individu ; elle dépend aussi de la mentalité et des intérêts actuels des groupes de contiguïté.

1010. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

Ce n’est pas tout : par une témérité qui n’a pas laissé de monuments, le Muséum d’Alexandrie ne craignait pas de remanier les grands sujets et de refaire les grandes œuvres des poëtes tragiques d’Athènes. […] Que l’esprit ne craigne donc pas de se plaire et de s’arrêter à ces charmantes études, qui renferment une si grande part de l’histoire des peuples !

1011. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier après les funérailles »

Entouré de la famille la plus aimable et la plus aimée, d’une famille que l’adoption dès longtemps n’avait pas craint de faire plus nombreuse, de ses quatre petits-enfants qui Jouaient la veille encore, ne pouvant rien comprendre à ces approches funèbres, de sa charmante fille, sa plus fidèle image, son œuvre gracieuse la plus accomplie, Nodier a traversé les heures solennelles au milieu de tout ce qui peut les soutenir et les relever ; si une pensée de prévoyance humaine est venue par moments tomber sur les siens, elle a été comprise, devinée et rassurée par la parole d’un ministre, son confrère, l’ami naturel des lettres193.

1012. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

et n’est-il pas à craindre encore, s’il veut rester isolé, sur une lisière à part, et choisir des lieux peu fréquentés pour s’y épandre et s’y contenir, qu’il ne s’amoncèle en lacs obscurs, sacrés, silencieux, où nul n’ira s’abreuver ?

1013. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre II. Le Rire » pp. 28-42

Le grand malheur, c’est que les juges sont des Allemands ; il est à craindre que quelques demi-pensées disséminées élégamment en vingt pages de phrases académiques et de périodes savamment cadencées, ne paraissent que du vide à ces juges grossiers.

1014. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre III. Du récit des faits. — Antécédents et conséquents. — Causes et effets »

Des gens qui n’avaient pas craint d’attaquer son connétable à sa porte ne se feraient pas scrupule de mettre la main sur lui.

1015. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre II. Précurseurs et initiateurs du xviiie  siècle »

Il ne faut pas craindre les nouveautés : toutes les vérités ont été neuves à leur jour.

1016. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre II. La tragédie »

Il était à craindre que, la vérité mise à part et la nature, la tragédie n’eût plus d’autre objet que de présenter d’ingénieuses applications des règles.

1017. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Édouard Rod »

Édouard Rod est bien de mon avis : et, la seule fois où il ait connu une vraie douleur, il n’a pas craint de confesser la vanité des autres.

1018. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVIII. Gentils conteurs » pp. 218-231

Les lecteurs n’ont pas à craindre, bien qu’ils lisent un poète, les descriptions d’une poésie lassante, et les tableaux d’un Télémaque flou.

1019. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIII » pp. 237-250

« Elle craignait extrêmement la mort, et avait ce sentiment commun avec la princesse Parthénie son amie (madame la marquise de Sablé), qui avait des frayeurs de la mort au-delà de l’imagination.

1020. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — II. La versification, et la rime. » pp. 257-274

La conspiration étoit à craindre.

1021. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 22, que le public juge bien des poëmes et des tableaux en general. Du sentiment que nous avons pour connoître le mérite de ces ouvrages » pp. 323-340

Mais, comme je l’ai déja dit, je ne crains pas que mon lecteur se trompe sur l’extention qu’il conviendra de donner à la signification du mot de public, suivant les occasions où je l’emploïerai.

1022. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La diplomatie au xviie  siècle »

Mais il est l’expression de tout un système de livres dont on peut craindre l’encombrement, et même le succès !

1023. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Prévost-Paradol » pp. 155-167

Comme tous les hommes qui sont, du reste, plus des rhéteurs que des écrivains, Paradol ne se soucie point du mot nuancé qui exprime la vérité des choses, et il fausse celui qu’il emploie en croyant le rendre plus fort… L’écrivain sincèrement passionné s’y prend de tout autre manière, car il a la mesure de sa passion même, tandis que ceux-là qui travaillent à froid et n’ont rien, comme disait Diderot, sous la mamelle gauche, craignent de manquer leur coup, et le manquent de peur de le manquer.

1024. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

Campaux l’a bien compris, — mais il n’insiste pas assez sur ce hiatus dans les facultés de Villon, tant il craint de froisser rudement l’admiration qu’il lui porte.

1025. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jules Girard » pp. 327-340

Girard est aux pieds de Thucydide et du génie grec, et, je le crains bien, n’en bougera pas.

1026. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Maintenon » pp. 27-40

Saint-Simon surtout, l’honnête homme qui n’a pas craint, avec toute sa probité, de fausser magnifiquement l’Histoire — comme Pascal, cet autre honnête homme ! 

1027. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Henri de L’Épinois » pp. 83-97

Voilà l’affirmation que, pour mon compte, je ne crains point de formuler, et que l’auteur du Gouvernement des Papes, lui, n’a point osée.

1028. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « A. Grenier » pp. 263-276

Voilà pourtant toutes les raisons de l’espèce d’amende honorable que fait, sans torche, sans-corde au cou et sans escalier de Palais de Justice, l’auteur d’un livre qui n’avait qu’à le signer pour en tirer l’honneur qu’il mérite, et qui ne craint pas d’avilir son livre, en le condamnant… L’auteur d’À travers l’Antiquité ressemble, dans son épilogue, à l’homme qui a peur d’un pétard qu’il vient d’allumer.

1029. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Valmiki »

Il n’y avait que des débris et d’habité que des tombeaux. » Et, comme s’il eût craint d’être compromis par sa propre raillerie, Charles Nodier (car c’était lui) ajoutait : « L’Inde, c’est le pays de l’hyperbole gigantesque », et il avait raison.

1030. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Georges Caumont. Jugements d’un mourant sur la vie » pp. 417-429

… Mais ce qu’on n’a pas vu et ce qu’on ne voit guères, dans la résignation qui nous prend tous, de guerre lasse, devant cette impossibilité de ne pas mourir, c’est l’acharnement du combat de l’âme infinie contre le fini de la vie ; c’est la révolte de l’âme qui se veut immortelle devant le néant, ou qui craint de l’être devant l’enfer, et tout cela poussé à un tel degré de furie, de rage, d’imprécation et d’intensité, que l’être qui en souffre, s’il n’était pas mort de phtisie, aurait été capable de voir éclater ses organes, comme un instrument qui se casse, sous la force de cette intensité !

1031. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Charles De Rémusat »

On dirait qu’il craint d’être vif.

1032. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Favrot »

pas une idée au compte du docteur Favrot, pas une initiative de cet esprit vif et allègre qui aime d’ordinaire à grimper à la difficulté et qui n’en craint pas l’escarpement !

1033. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Milton »

Il s’est pris d’admiration pour Milton, à part de son siècle et aussi à part des théories du nôtre, et de cela — de ces deux à-partés — il est sorti un livre droit et simple, grave et renseigné, très heureusement pensé par places, et partout écrit avec une ampleur un peu traînante et un peu lourde, mais de cette lourdeur, que je ne crains pas, qui tient à l’étoffé du style et que l’on pourrait comparer à celle d’une draperie de velours.

1034. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Les Mémoires d’une femme de chambre » pp. 309-321

ne craignons pas de l’affirmer, si la Critique, oubliant ses devoirs, n’intervient pas avec une cruauté salutaire et ne donne pas son coup de balai vengeur à cette dépravante littérature, non-seulement l’instinct littéraire, mais aussi l’instinct moral dans l’appréciation des œuvres de l’esprit, seront avant peu, tous les deux, entièrement perdus.

1035. (1773) Essai sur les éloges « Morceaux retranchés à la censure dans l’Essai sur les éloges. »

Il semble qu’il y ait pour eux une autre morale que pour le reste des hommes : on cherche toujours s’ils ont été grands, et jamais s’ils ont été justes ; celui même qui voit la vérité craint de la dire.

1036. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Nos penseurs et maîtres ont craint de réunir ainsi le sabre (disent-ils) et le goupillon, dualité pourtant excellente. […] Je crains de ne pas énoncer les principes de Caërdal aussi clairement que je l’aurais souhaité. […] On craint que, séparée des foules généreuses et, enfin, de la vie abondante, la littérature ne s’étiole. […] C’est que les fictions, je les résume et crains d’en déranger la fine ordonnance. […] Courbaud n’a pas tort de les craindre ; il n’a pas tort de les traiter avec un peu d’ironie.

1037. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Ne craignez plus, divins esprits, Que l’ignorant gaigne le prix Dessus votre gloire immortelle : Io ! […] Puis je crains d’autre part, sachant votre rudesse, Que vous receviez mal l’âme que je vous laisse, Et que vous ne veuillez avec vous la tenir. […] Je crains beaucoup qu’il me pousse Hors de ma propre maison. […] Le soleil craignait d’éclairer Et craignait de se retirer, Les étoiles n’osaient paraître, Les flots n’osaient s’entre-pousser, Le Zéphire n’osait passer, L’herbe se retenait de croître. […] Dussé-je entrer au fin fond d’une tour, Nenni, ma foi, car je suis déjà court ; Si que je crains que n’ayez rien du nôtre.

1038. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Il est naturel de craindre la mort, et cependant une victime qui se lamente sèche les pleurs qu’on versait pour elle. […] je crains moins de rester que de partir. […] « C’est donc toujours avec ce divin tempérament que l’on doit proposer au jeune homme, des vertus sans convenance et des maximes enivrantes et trop fortes pour sa raison ; mais aussi l’on ne craint plus d’échauffer son cœur, lorsqu’on est sûr de la règle qui doit le diriger. […] « Ne craignez-vous point ma puissance ?  […] — « Nous ne craignons qu’une chose, répondirent-ils, c’est que le ciel tombe sur notre tête. » César ne put les vaincre qu’en les divisant, et il mit plus de temps à les dompter qu’à soumettre Pompée et le reste du monde.

1039. (1903) Propos de théâtre. Première série

— Tu ne crains pas l’armée des Grecs ? — Comme j’ai la justice pour moi, je ne crains rien. […] Gide aurait pu ne pas craindre de creuser un peu le trait. […]                 On le craint : tout est examiné. […] Leurs personnages ne craignaient point d’arrêter l’action pour exhaler leurs plaintes, leurs fureurs, leurs gémissements, leurs cris d’espoir, ou leurs chants de deuil.

1040. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Et d’Alembert enfin, dans le Discours préliminaire de l’Encyclopédie, ne craindra pas d’écrire « que si les anciens eussent exécuté une Encyclopédie, comme ils ont exécuté tant de grandes choses, et que ce manuscrit se fût échappé seul de la fameuse bibliothèque d’Alexandrie, il eût été capable de nous consoler de la perte des autres ». […] Combien d’autres différences ne pourrait-on pas, ne devrait-on pas signaler, de morales ou de philosophiques, et même de politiques, s’il ne fallait craindre que, dans une histoire de la littérature, l’indication n’en parût un peu hors de son lieu ! […] À la vérité nous faisons moins de cas de Mme du Deffand, qui n’a pas aimé les Encyclopédistes, qui n’a pas même craint de s’en moquer dans sa Correspondance ; ou de la maréchale de Luxembourg, qui les a toujours un peu tenus à distance, et qui joint à ses autres torts celui d’avoir protégé Rousseau. […] Dans le Discours de Dijon, dans le Discours sur l’inégalité, dans la Lettre sur les spectacles, les contemporains ont reconnu les accents de cette éloquence dont on pouvait craindre que depuis cinquante ans le secret ne se fût perdu. […] « Leurs déclamations à la ville et à la cour contre l’Encyclopédie avaient soulevé contre eux une classe d’hommes plus à craindre qu’on ne croit, celle des gens de lettres » ; et il ne faut jamais se faire des ennemis qui, « jouissant de l’avantage d’être lus d’un bout de l’Europe à l’autre, peuvent exercer d’un trait de plume une vengeance éclatante et durable ! 

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