Les premières poursuites de la cavalerie n’ayant rien appris de positif, le maréchal Grouchy fut chargé avec un corps considérable (36,000 hommes) d’atteindre l’ennemi dans sa marche qu’on estimait plus confuse qu’elle ne l’était, de le suivre l’épée dans les reins, de le talonner, de l’empêcher de se rallier, et, s’il se rabattait vers Bruxelles du côté des Anglais, de le retarder le plus possible, en se tenant dans tous les cas entre lui et l’armée française, de manière à pouvoir se rallier à celle-ci dès qu’il y aurait lieu. […] Il se trouva, après reconnaissance, que c’étaient des Prussiens, le corps de Bülow qui n’avait pas donné à Ligny et qui se dirigeait vers Wellington. […] Cependant Bülow se dessinait de plus en plus et approchait ; c’était un corps considérable, ce n’était plus une ombre à l’horizon. […] C’est à regret et à mon corps défendant que je me suis vu forcé de toucher ce point littéraire et de goût, à la fin d’un récit où toute littérature s’oublie et cesse, où ce serait le triomphe de la peinture elle-même de ne point paraître une peinture, où l’histoire doit à peine laisser apercevoir l’historien, et où la page la plus belle, la plus digne du héros tombé et de la patrie vaincue avec lui, ne peut se payer que d’une larme silencieuse.
Il n’est guère possible de douter qu’il n’ait lui-même choisi parmi ses disciples ceux qu’on appelait par excellence les « apôtres » ou les « douze », puisqu’au lendemain de sa mort on les trouve formant un corps et remplissant par élection les vides qui se produisaient dans leur sein 818. […] Voulant rendre cette pensée que le croyant ne vit que de lui, que tout entier (corps, sang et âme) il était la vie du vrai fidèle, il disait à ses disciples : « Je suis votre nourriture », phrase qui, tournée en style figuré, devenait : « Ma chair est votre pain, mon sang est votre breuvage. » Puis, les habitudes de langage de Jésus, toujours fortement substantielles, l’emportaient plus loin encore. À table, montrant l’aliment, il disait : « Me voici » ; tenant le pain : « Ceci est mon corps » ; tenant le vin : « Ceci est mon sang » ; toutes manières de parler qui étaient l’équivalent de : « Je suis votre nourriture. » Ce rite mystérieux obtint du vivant de Jésus une grande importance. […] Au degré d’exaltation où il était parvenu, l’idée chez lui primait tout à un tel point que le corps ne comptait plus.
Ce n’est pas tout de dire : L’âme n’est pas le corps, Dieu n’est pas le monde ; il faut encore rattacher l’âme au corps et Dieu au monde. […] Si l’âme et le corps n’ont rien de commun ni même d’analogue, comment peuvent-ils coexister et former un seul et même être ? […] Albert Lemoine (le Sommeil, l’Aliéné, l’Ame et le Corps), ont rattaché la psychologie à la physiologie.
Chez quelques-uns, la secousse avait été si violente que les doctrines qui commençaient à prendre corps dans leur cerveau s’étaient brisées en chemin. […] Lerminier les a vivement abordées, et prises, pour ainsi dire, corps à corps dans la personne de leurs trois représentants essentiels, MM.
Quiconque, selon l’expression des Pères, n’eut avec son corps que le moins de commerce possible, et descendit vierge au tombeau ; celui-là, délivré de ses craintes et de ses doutes, s’envole au Lieu de vie, où il contemple à jamais ce qui est vrai, toujours le même et au-dessus de l’opinion. […] Il soutient des assauts terribles, il combat corps à corps avec ses passions.
De là devrait résulter cette conséquence que notre intelligence, au sens étroit du mot, est destinée à assurer l’insertion parfaite de notre corps dans son milieu, à se représenter les rapports des choses extérieures entre elles, enfin à penser la matière. […] Si la forme intellectuelle de l’être vivant s’est modelée peu à peu sur les actions et réactions réciproques de certains corps et de leur entourage matériel, comment ne nous livrerait-elle pas quelque chose de l’essence même dont les corps sont faits ?
que la terre amoncelée couvre mon corps sans vie avant que j’entende ces paroles et que je te sache enlevée de ce palais ! […] Il fait brûler avec son corps douze jeunes captifs troyens qu’il a égorgés1. […] Jupiter décide qu’Achille recevra enfin la rançon du corps d’Hector par son père, le vieux Priam. […] Il prend les présents, il fait laver et parfumer le corps d’Hector, il le fait envelopper d’un manteau pour éviter à Priam l’horreur de voir le visage de son fils. […] » Après ces lamentations si éloquentes et si naïves, le corps du héros est placé sur le bûcher par le vieux Priam.
C’est un corps d’ouvrage bien singulier que celui qui commence par la Genèse, et qui finit par l’Apocalypse ; qui s’annonce par le style le plus clair, et qui se termine par le ton le plus figuré. […] Or, il est certain qu’on trouve dans l’Écriture : L’origine du monde et l’annonce de sa fin ; La base des sciences humaines ; Les préceptes politiques depuis le gouvernement du père de famille jusqu’au despotisme ; depuis l’âge pastoral jusqu’au siècle de corruption ; Les préceptes moraux applicables à la prospérité et à l’infortune, aux rangs les plus élevés, comme aux rangs les plus humbles de la vie ; Enfin, toutes les sortes de styles ; styles qui, formant un corps unique de cent morceaux divers, n’ont toutefois aucune ressemblance avec les styles des hommes.
Il a élevé son héros sur le corps même de la Discorde dont les cuisses sont foulées par les pieds de cette figure. […] comme elle est, libre de la tête, des bras et de tout le haut de son corps, si elle s’avisait de se secouer avec violence, elle renverserait le monarque, et mettrait les dieux, les échevins et le peuple en désordre.
Là, les bras croisés sur la poitrine, le corps un peu renversé dans sa redingote boutonnée, et le blanc d’un foulard au cou, Hugo se remet à parler. […] Là-dedans, tout au fond, on trouve, couchée par terre, une femme en chemise, dont le corps est entouré, sept ou huit fois, d’une grande chaîne d’or, une femme qui a les fesses froides comme de la glace. […] Oui, les corps pour lesquels on a une religion, on leur voudrait le néant de cendre des anciens. […] Il me semble, qu’à gauche et derrière la tête quelque chose m’attire en arrière, quelque chose qui doit ressembler à l’action de l’aimant sur un corps aciéré, ou mieux à l’aspiration du vide, et cela descend, toujours à gauche, sous les côtes, le long des vertèbres jusqu’au bassin, comme une onde frémissante, avec un sentiment dans tout le corps de perte d’équilibre. […] Il disait le peu de vie de son corps.
De ce nombre sont sa Rhétorique du Prédicateur, son Traité de l’Eloquence du corps, deux Ouvrages où se trouve réuni, sans méthode & sans goût, ce que Cicéron, Quintilien, & parmi nous Fénélon, Rollin, le Pere Lami, Sanlecque, Lucas, l’Abbé de Villiers, l’Abbé Mallet, ont écrit sur ces matieres si fort rebattues. […] Il seroit difficile de douter, par exemple, que les remarques & les expressions suivantes, tirées du Traité de l’Eloquence du corps, ne soient de sa façon.
Il répondit à un homme qui s’obstinoit à défendre la Métempsycose : Je savois bien que l’ame des Hommes, selon ce systême, devoit passer dans le corps des animaux ; mais vous m’apprenez que l’ame des animaux repasse dans le corps des Hommes : Réponse vraiment convenable à nos lumineux Matérialistes, qui renchérissent encore sur les Pythagoriciens.
Comment Voltaire, avec tant de goût et un esprit si juste, ne comprit-il pas le danger d’une lutte corps à corps avec Bossuet et Pascal ?
On soigna chez lui l’esprit autant que le corps. […] La paix amena une grande réforme des troupes, à commencer par les corps de nouvelle création ; le régiment de Royal-Barrois fut supprimé. […] On l’apaisa, et on dédommagea amplement son fils en le nommant colonel du régiment de Champagne, un des six vieux corps de l’infanterie française. […] C’est en combattant à leur tête qu’il tomba. « Rien n’a été aussi absurde et aussi courageux que la charge de ce corps », a dit le marquis de Voyer, présent à l’action, et qui blâmait cette manœuvre d’une course de cavalerie violente à travers l’infanterie hanovrienne. […] Il le leur promit… » Elles ne s’en tinrent pas là, et quand elles surent que le neveu de Voltaire, l’abbé Mignot, faisait transporter le corps de son oncle pour être enterré dans son abbaye de Scellières, vite les deux grandes dames, ces deux bonnes Âmes acharnées au bien, relancèrent le cadavre ; elles écrivirent à l’évêque de Troyes pour l’engager à s’opposer à l’inhumation en qualité d’évêque diocésain ; « mais heureusement pour l’honneur de l’évêque, ces lettres arrivèrent trop tard, et Voltaire fut enterré. » (Vie de Voltaire, par Condorcet.) — C’est ainsi que.Mme de Gisors, cette sainte veuve, crut devoir justifier son renom de mère de l’Église.
Plus de ces mots hardis, saisissants, passionnés ; plus de ces métaphores vives et originales ; plus de ces phrases imitatives, de ces sons choisis, qui transforment les sentiments en sensations et pénètrent notre corps des émotions de notre âme. […] « Le Renard et la Panthère se disputaient le prix de la beauté ; la Panthère vantait surtout la beauté de son corps ; le Renard lui dit : « Combien suis-je plus beau, moi qui ai cette bigarrure, non sur le corps, mais dans l’esprit ! » Cette fable montre que la perfection de l’âme est préférable à la beauté du corps. »206 Voilà le modèle de la fable philosophique. […] A travers tant d’expressions changeantes, il a saisi l’expression dominante, il a rassemblé les pensées diverses, pour en conclure la pensée unique, et il a deviné l’âme à travers le corps.
Exposé dans un théâtre public, on me dissèque : un savant médecin explique devant tous, à mon sujet, comment la Nature a fabriqué le corps de l’homme avec beauté, avec art, avec une parfaite harmonie. […] Ces chapitres xxiii et xxiv du premier livre sont vraiment admirables, et nous offrent le plus sain et le plus vaste système d’éducation qui se puisse imaginer, un système mieux ménagé que celui de l’Émile, à la Montaigne, tout pratique, tourné à l’utilité, au développement de tout l’homme, tant des facultés du corps que de celles de l’esprit. […] Après cette petite leçon en plein air, viennent les leçons du dedans, trois bonnes heures de lecture ; puis les jeux, la balle, la paume, tout ce qui peut servir « à galamment exercer les corps, comme ils avoient auparavant exercé les âmes ». […] Le caractère tout nouveau de cette éducation est dans le mélange du jeu et de l’étude, dans ce soin de s’instruire de chaque matière en s’en servant, de faire aller de pair les livres et les choses de la vie, la théorie et la pratique, le corps et l’esprit, la gymnastique et la musique, comme chez les Grecs, mais sans se modeler avec idolâtrie sur le passé, et en ayant égard sans cesse au temps présent et à l’avenir. […] Lucien, dans un dialogue entre Vénus et Cupidon, avait fait demander par la déesse à son fils pourquoi il respectait tant les muses, et l’enfant avait répondu quelque chose de ce que Rabelais va reprendre, amplifier en ces termes et embellir : Et me souvient avoir lu que Cupido, quelquefois interrogé de sa mère Vénus pourquoi il n’assailloit les Muses, répondit que il les trouvoit tant belles, tant nettes, tant honnêtes, tant pudiques et continuellement occupées, l’une à contemplation des astres, l’autre à supputation des nombres, l’autre à dimension des corps géométriques, l’autre à invention rhétorique, l’autre à composition poétique, l’autre à disposition de musique, que, approchant d’elles, il débandoit son arc, fermoit sa trousse et éteignoit son flambeau, de honte et crainte de leur nuire.
On voit le saint sur son lit, on le voit de face, le chevet au fond de la toile, présentant la plante des pieds au spectateur, et par conséquent tout en raccourci ; mais la figure entière est si naturelle, si vraie, le raccourci si juste, si bien pris, qu’entre un grand nombre de personnes qui m’ont loué ce tableau je n’en ai pas trouvé une seule qui se soit apperçue de cette position, qui montre sur une surface plane le saint dans toute sa longueur, toutes les parties de son corps également bien dévelopées, la tête et l’expression du visage dans toute sa beauté. […] Au côté opposé de la table, Joseph debout, le corps penché, tenant une grande soupière par les anses, la pose sur le milieu de la table. […] Il est certain que ce corps lumineux est plus près du fond que du devant ; il est certain encore que je suis plus près du devant que du fond. Le fond perdrait-il plus par la distance où j’en suis, qu’il ne gagnerait par le voisinage du corps lumineux ? […] Quoi qu’il en soit, le lieu du corps lumineux étant donné, il faut que l’art obéisse ; il n’en peut circonscrire, altérer ou changer la nature, la direction, les reflets, la dégradation ou l’éclat.
C’est lui qui, se demandant ce qu’est l’âme et comment elle peut entrer dans le corps, la compare à ces confitures que l’on enveloppe dans du pain blanc tout chaud. […] qu’on est bien en pleine lumière pour jouir de son corps florissant, de ses muscles dispos, de son âme gaillarde et hardie ! […] La vie de l’âme ne s’oppose point ici, comme chez nous, à la vie du corps ; la première n’est ni abaissée ni méprisée, on ose en montrer les actions et les organes ; on ne les cache pas, l’homme ne songe pas à paraître tout esprit. […] Désespérée, elle prend une flèche qu’elle enfonce dans son beau corps. […] Un jour, dans une fraîche fontaine solitaire où le soleil étalait ses rayons, Chrysogone baignait son corps parmi les roses et les violettes d’azur.
Après les besoins du corps qui ont rassemblé les hommes pour lutter contre la nature, leur mère commune et leur infatigable ennemie, rien ne les rapproche davantage et ne les serre plus étroitement que les besoins de l’âme. […] il ne saurait que répondre à cette question, qui embarrasserait peut-être le maître ; que, sous le nom de métaphysique, on agite sur la durée, l’espace, l’être en général, la possibilité, l’essence, l’existence, la distinction des deux substances, des thèses aussi frivoles qu’épineuses, les premiers éléments du scepticisme et du fanatisme, le germe de la malheureuse facilité de répondre à tout, et de la confiance plus malheureuse encore qu’on a répondu à des difficultés formidables avec quelques mots indéfinis et indéfinissables sans les trouver vides de sens ; que, sous le nom de physique, on s’épuise en disputes sur les éléments de la matière et les systèmes du monde ; pas un mot d’histoire naturelle, pas un mot de bonne chimie, très-peu de choses sur le mouvement et la chute des corps ; très-peu d’expériences, moins encore d’anatomie, rien de géographie. […] Les lois du mouvement et de la chut des corps. […] Qu’elles fassent ou ne fassent point corps avec celles de l’université, un jour elles ne s’en établiront pas moins dans les villes de l’empire, mais isolées, mais sans être assujetties à aucune méthode raisonnée d’enseignement, ce qui n’en sera pas mieux. […] Les lois du mouvement et de la chut des corps.
Si c’est le goût, le corps est ou doux, ou amer ; ou aigre, ou fade, &c. […] Grand & petit sont encore des adjectifs métaphysiques ; car un corps, quel qu’il soit, n’est ni grand ni petit en lui-même ; il n’est appellé tel que par rapport à un autre corps. […] J’en dis autant de tout corps étendu, dont notre imagination peut toûjours écarter les bornes, & venir enfin à l’étendue infinie. […] Une grosse femme est celle dont le corps occupe un grand volume, qui est grasse & replete. […] Son utilité consiste en ce qu’elle nous épargne mille discussions inutiles, que nous serions obligés de répéter sur chaque corps en particulier.
Il prouvait en même temps l’unité de la matière, l’identité de composition dans les corps animés, organiques ; et dans les corps inanimés, inorganiques. […] La chimie synthétique venait de naître, par hasard ; on venait de trouver un corps inorganique parfaitement identique à un corps organique, réputé réfractaire à toute synthèse. […] On est même arrivé à faire la synthèse de corps dont on ignorait la composition exacte. […] Qui sait, d’ailleurs, si tout ne contient pas tout, si, après que nos analyses en ont dissocié les éléments, il ne reste pas encore des corps protéiques dans les corps ternaires, et réciproquement. […] Mépriser le corps pour exalter on ne sait quel principe spirituel qui ne peut avoir ses racines que dans le corps même, une si folle idée ne vint jamais à Epicure.
et le premier Corps littéraire de la France appréhendera-t-il de se compromettre en intervenant dans une dispute qui intéresse toute la littérature française ? […] Lebrun, esprit judicieux et caractère équitable, qui possède à un haut degré ce qu’on peut appeler le patriotisme de l’Académie, je veux dire qu’il est tout dévoué au bien et à l’honneur du Corps. […] Le Corps, sans être populaire par ses choix, ne ferme pourtant pas tout à fait la porte au souffle du dehors. « Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée » est un proverbe qui ne semble pas à l’usage de l’Académie. […] Un Corps, sans doute, ne saurait, sans inconvénient, entamer de polémique ; mais autre chose est la polémique, l’anathème comme du temps de M. […] Son corps, roulé par les flots de la Seine, fut retrouvé à Meulan le 15 février 1829.
Que d’allées et venues et d’interminables renvois d’un Corps à l’autre ; que de vicissitudes jusqu’à la dernière heure ! […] Le Prince avait parlé ; le ministère, le conseil d’État étaient occupés à développer et à organiser sa pensée, à lui donner corps dans une loi. […] Si j’ai bien compris ces motifs de l’arrêt qui n’a infirmé que deux des premiers jugements, il s’ensuivrait que, pour être à l’abri de la contravention, il n’y a pas de moyen plus sûr, quand on veut discuter les actes du Corps législatif ou du Sénat, que de faire des articles incomplets, insuffisants. […] L’amendement qui venait à l’appui de cette doctrine a été repoussé au Corps législatif après avoir été combattu par le rapporteur de la commission, soutenu de MM. les ministres. […] Mais je crois comprendre que ce n’est pas l’heure de venir demander à la loi des dispositions de cet ordre, plus libérales que celles qu’a admises le vote du Corps législatif.
Le corps, la gorge et les épaules de la courtisane sont de chair et peints dans la pâte à pleines couleurs. Le corps d’Anacréon est bien modelé, le bras qui tient la coupe fin de touche, quoique défectueux de dessin ; les étoffes étendues sur ses genoux sont belles ; la jambe droite qui porte le pied en avant sort du tableau.
Croyait-on que l’esprit immortel, une fois échappé d’un corps, allait en animer un autre ? […] Elle fait que la famille forme un corps dans cette vie et dans l’autre. […] On ne voit à l’origine de cette religion ni un prophète ni un corps de prêtres. […] Ce n’est pas qu’il y ait jamais eu un corps de prêtres qui ait imposé sa domination. […] Car la religion faisait de chaque ville un corps qui ne pouvait s’agréger à aucun autre.
On faisait de cette raison un être à part, subsistant par lui-même, séparé de la matière, logé par miracle dans un corps, n’ayant nulle puissance sur ce corps, ne lui imprimant des impulsions et ne recevant de lui des impressions que par l’intermédiaire d’un Dieu appelé d’en haut tout exprès pour leur permettre d’agir l’un sur l’autre. […] L’animal contient tous les matériaux de l’homme, sensations, jugements, images, et, de ces matériaux assemblés par une loi nouvelle, naît la raison, comme des corps minéraux liés par une loi nouvelle naît la vie. […] C’est que l’âme se modèle sur le corps, qui l’exprime et qui la façonne ; le poëte devine, l’une par l’autre, et les met d’accord. […] On n’a qu’à voir sa physionomie basse et inquiète, son corps efflanqué, sa démarche de brigand poursuivi, pour lui donner d’abord son rôle. […] Comment peut-il, avec un ou deux petits mots, ressusciter en nous les âmes, les corps et leurs actions ?
. — « Prenez mon corps, prenez mon sang, pour la grâce de notre amour ! […] « Prenez mon sang, prenez mon corps, en mémoire de moi ! […] Alors, encore une fois, du tressaillement de la solitude palpite la plainte de l’aimante Compassion : la crainte, la sacrée sueur d’angoisse du Mont-des-Oliviers, la divine souffrance douloureuse du Golgotha, — le corps pâlit, le sang coule et s’échappe et brille avec un céleste brillement de bénédiction, répandant sur tout ce qui vit et souffre la joie de grâce de la Rédemption par l’Amour. […] au fils de la Femme : « pour les mondes pécheurs Christ a donné son corps… » et, par instants, des voix descendent d’invisibles sommets, enfantines et angéliques, virginales : « la Foi vit, l’Esprit plane… » donc s’emmêlent les chants pieux des glorifications et des lamentements et des célestes virginités. […] il ressent les grands jardins pleins d’odeurs fumantes et de teintures chaudes ; les mollesses des tiédeurs étaient molles, lorsque devant son corps elle surgit, la femelle bête, folle de son corps… elle avait ces rires et cette voix, oui, ce regard qui si inquiet lui caressait, ces lèvres, oui, à lui si frémissantes, ces cheveux inclinés à lui, oui, ces flattantes boucles, et autour de son cou ces bras, si tendres ces joues, si nouvelle cette bouche qui, en la communion de toutes les souffrances, lui embrassa le salut de son âme… monstrueux baiser !
Pour lui, chaque pièce de vers devait être un roman, « le roman d’une heure, d’une minute, d’un moment psychologique et physiologique, avec le milieu, le cadre du Fait, un Fait signifiant quelque chose », et, dans le rendu de l’heure, de la minute, du moment, il essayait de « donner l’impression du milieu sur le corps, du corps sur l’âme, car il ne comprenait pas le corps sans le milieu, l’âme sans le corps, c’est-à-dire l’idée sans la sensation » et, pour la langue, il rêvait « au lieu du mot qui narre, le mot qui impressionne ».
On peut admettre que des causes permanentes ou presque insensiblement changeantes ont dû produire en tout temps sur les corps et les humeurs des effets à peu près identiques. […] « Mes jambes et mes cuisses ont fait d’abord un angle obtus, et puis un angle égal, et enfin un aigu ; mes cuisses et mon corps en font un autre et, ma tête se penchant sur mon estomac, je ne ressemble pas mal à un Z. […] Il n’est donc pas permis d’étudier la littérature comme si l’homme n’avait point de corps. […] Au temps de Louis XIV, la France, à ne considérer que les hautes classes, est de sang riche ; la saignée est le grand remède des médecins ; il y a foison, à commencer par le roi, de grands mangeurs, de corps solides, de tempéraments robustes.
Ce que font la physiologie et l’anatomie pour les corps organisés, la psychologie l’a fait pour les phénomènes de l’âme, avec les différences de méthode réclamées par des objets si divers. […] C’est quelque chose d’analogue au fait des substitutions chimiques, où des corps analogues peuvent tour à tour remplir les mêmes cadres. […] Sans doute, si les langues étaient comme les corps inanimés dévoués à l’immobilité, la grammaire devrait être purement théorique. […] Tout ce qui vit a une histoire : or l’homme psychologique comme le corps humain, l’humanité comme l’individu, vivent et se renouvellent. […] La critique a admiré jusqu’ici les chefs-d’œuvre des littératures, comme nous admirons les belles formes du corps humain.
La langueur de son corps annonce la douleur qui déchire son sein. […] Comme il en rafraîchit d’une suave ondée le corps de sa compagne ! […] Qu’il est malheureux que ni l’âge, ni l’infortune, ni les austérités de la pénitence n’aient pu délivrer mon âme de ce corps qui l’accable ! […] Pareilles à l’airain en fusion, des flammes rouges, par intervalles, percent l’obscurité, et le vent mugit au loin, comme si c’était le vent de la fin du monde. » Un héros s’élance pour combattre corps à corps l’enfant, fils de Rama. […] Sur leurs corps la nature a mis des signes de grandeur, pareils à ces rayons de lumière qui sont dans la pierre précieuse, ou bien à ces gouttes de nectar qui se trouvent dans le calice de l’aimable lotus.
Son gouvernement formé de royauté et d’aristocratie, sa religion moins pompeuse que la catholique, et plus brillante que la luthérienne, son militaire à la fois lourd et actif, sa littérature et ses arts, chez lui enfin le langage, les traits même, et jusqu’aux formes du corps, tout participe des deux sources dont il découle. […] Inquiets et volages dans le bonheur, constants et invincibles dans l’adversité, formés pour les arts, civilisés jusqu’à l’excès, durant le calme de l’État ; grossiers et sauvages dans les troubles politiques, flottants comme des vaisseaux sans lest au gré des passions ; à présent dans les cieux, l’instant d’après dans les abîmes enthousiastes et du bien et du mal, faisant le premier sans en exiger de reconnaissance, et le second sans en sentir de remords ; ne se souvenant ni de leurs crimes, ni de leurs vertus ; amants pusillanimes de la vie pendant la paix ; prodigues de leurs jours dans les batailles ; vains, railleurs, ambitieux, à la fois routiniers et novateurs, méprisant tout ce qui n’est pas eux ; individuellement les plus aimables des hommes, en corps les plus désagréables de tous ; charmants dans leur propre pays, insupportables chez l’étranger ; tour à tour plus doux, plus innocents que l’agneau, et plus impitoyables, plus féroces que le tigre : tels furent les Athéniens d’autrefois, et tels sont les Français d’aujourd’hui.
Un mur d’airain vivant les refoula et les étreignit ; ce premier corps fut exterminé. […] Léonidas tomba dans la mêlée, une lutte furieuse s’engagea autour de son corps. […] Ils brûlèrent en passant Thespies et Platée, et Xerxès détacha un corps de l’armée pour enlever le trésor de Delphes. […] D’autres s’enfonçaient dans cette forêt de fer, et y frayaient avec leur corps des sentiers sanglants. […] Xerxès, aux Thermopyles, avait fait crucifier le corps de Léonidas, et planter sur un pieu sa tête héroïque.
On érige parfois l’impénétrabilité en propriété fondamentale des corps, connue de la même manière et admise au même titre que la pesanteur ou la résistance par exemple. […] Imaginez qu’un corps pénètre un autre corps : vous supposerez aussitôt dans celui-ci des vides où les particules du premier viendront se loger ; ces particules à leur tour ne pourront se pénétrer que si l’une d’elles se divise pour remplir les interstices de l’autre ; et notre pensée continuera cette opération indéfiniment plutôt que de se représenter deux corps à la même place. Or, si l’impénétrabilité était réellement une qualité de la matière, connue par les sens, on ne voit pas pourquoi nous éprouverions plus de difficulté à concevoir deux corps se fondant l’un dans l’autre qu’une surface sans résistance ou un fluide impondérable. De fait, ce n’est pas une nécessité d’ordre physique, c’est une nécessité logique qui s’attache à la proposition suivante : deux corps ne sauraient occuper en même temps le même lieu. […] Non seulement les moments de cette durée paraissent extérieurs les uns aux autres, comme le seraient des corps dans l’espace, mais le mouvement perçu par nos sens est le signe en quelque sorte palpable d’une durée homogène et mesurable.
Le cloître gêne son corps non moins que son esprit : il se défroque. […] Et lui-même, en sa jeunesse, il a vaillamment, sous la saine direction de Ponocrates, tenté d’être un homme complet : lettres, sciences, arts, armes, toutes les connaissances du savant, tous les exercices du gentilhomme, il n’a rien négligé ; il a mis en culture toutes les puissances de son esprit et de son corps. Le grand crime, ou la suprême « besterie ». c’est « d’abâtardir les bons et nobles esprits », par une éducation qui comprime au lieu de développer : comme Gargantua d’abord, aux mains de maître Jobelin Bridé, était devenu gauche et lourd de son corps, et quoiqu’il étudiât très bien et y mit tout son temps, « toutefois en rien ne profitait ». […] Ame, corps, esprit, matière, il y a là des mots, qui sont des moyens d’art, des procédés de transcription. […] Avec une prodigieuse puissance, il nous donne les âmes et les corps, les actes avec les puissances : et, mieux que la farce, il prépare l’éclosion de la comédie de Molière.