Mais si le peintre, le poète ou l’orateur, se fait une habitude de cette manière, la nature disparaît, l’illusion est détruite, et l’on ne voit plus que l’effort de l’art, qui, dans tous les genres, pour produire son effet, a besoin de se cacher. […] L’âme dans ses mouvements a bien plus de rapidité que la vue ; elle embrasse un terrain plus vaste : elle a surtout le besoin de la surprise. […] Ne pouvant encore s’autoriser contre l’usage, il fit connaître à ses amis qu’il allait à l’armée faire sa cour qu’il lui coûtait moins d’exposer sa vie que de dissimuler ses sentiments, et qu’il n’achèterait jamais ni de faveurs, ni de fortune aux dépens de sa probité. » Je pourrais encore citer d’autres endroits qui ont une beauté réelle ; mais le discours en général est au-dessous de son sujet ; on y trouve plus d’esprit que de force et de mouvement ; on s’attendait du moins à trouver quelques idées vraiment éloquentes sur l’éducation d’un dauphin, sur la nécessité de former une âme d’où peut naître un jour le bonheur et la gloire d’une nation ; sur l’art d’y faire germer les passions utiles, d’y étouffer les passions dangereuses, de lui inspirer de la sensibilité sans faiblesse, de la justice sans dureté, de l’élévation sans orgueil, de tirer parti de l’orgueil même quand il est né, et d’en faire un instrument de grandeur ; sur l’art de créer une morale à un jeune prince et de lui apprendre à rougir ; sur l’art de graver dans son cœur ces trois mots, Dieu, l’univers et la postérité, pour que ces mots lui servent de frein quand il aura le malheur de pouvoir tout ; sur l’art de faire disparaître l’intervalle qui est entre les hommes ; de lui montrer à côté de l’inégalité de pouvoir, l’humiliante égalité d’imperfection et de faiblesse ; de l’instruire par ses erreurs, par ses besoins, par ses douleurs même ; de lui faire sentir la main de la nature qui le rabaisse et le tire vers les autres hommes, tandis que l’orgueil fait effort pour le relever et l’agrandir ; sur l’art de le rendre compatissant au milieu de tout ce qui étouffe la pitié, de transporter dans son âme des maux que ses sens n’éprouveront point, de suppléer au malheur qu’il aura de ne jamais sentir l’infortune ; de l’accoutumer à lier toujours ensemble l’idée du faste qui se montre, avec l’idée de la misère et de la honte qui sont au-delà et qui se cachent ; enfin, sur l’art plus difficile encore de fortifier toutes ces leçons contre le spectacle habituel de la grandeur, contre les hommages et des serviteurs et des courtisans, c’est-à-dire contre la bassesse muette et la bassesse plus dangereuse encore qui flatte.
L’expression « peuples latins » a besoin d’être expliquée, car elle contient une équivoque. […] Car au fond de quoi une nation a-t-elle essentiellement besoin ? […] Ils ont besoin d’être assainis et invigorés. […] De simples causeries y exposeraient les questions qui, suivant le lieu, sont le plus près du besoin de tous. […] Quant au graduel affaissement de Hod, on y a pourvu par une tour de fer qui la hausse au fur et à mesure des besoins.
Ce n’est pas à eux, d’ailleurs, à ces hommes d’État qui ont senti à leur jour tout le poids du gouvernement, qu’il est besoin de rappeler la gravité et la mesure. […] La vraie politique (est-ce à l’illustre orateur qu’il est besoin de le rappeler ?)
Un mot n’a pas besoin de contenir sa propre définition. […] Au pédant qui invente binocle, l’instinct heureux de l’ignorant répond par lorgnon ; à cycle, tricycle, bicycle et tous leurs dérivés l’ouvrier qui forge ces machines oppose bécane : il n’a point besoin du grec pour lancer un mot d’une forme agréable, d’une sonorité pure et conforme à la tradition linguistique15.
Il est naturel qu’un pere et une mere apportent à l’éducation physique de leurs enfans les mêmes attentions et les mêmes soins dont ils se souviennent d’avoir eu besoin. […] Ses besoins varient également par l’un ou par l’autre changement.
Ces soldats, depuis des semaines, venaient d’entrevoir ce que serait une existence sans besoins et la véritable amitié. […] Si l’on prolongeait cette fraternité, il n’y aurait plus besoin de lutter les uns contre les autres… » L’horreur du présent rejetait tous ces hommes vers l’avenir, le leur ou celui de leurs enfants.
. — Besoin d’excitation. — Situations analogues de l’architecture et de la littérature. […] Ce n’est plus le trop-plein d’un sentiment vrai, c’est le besoin d’excitation qui les produit. […] Il a besoin de s’enquérir de l’état de son âme. « Ces vicaires sont si négligents et si lents pour sonder délicatement une conscience ! […] Quel besoin a celui que traite un parfait médecin d’aller chercher d’autres médecins par la ville ? […] Arrachez de tous les esprits d’un siècle toute grande idée neuve de la nature et de la vie, et vous les verrez, privés du besoin d’exprimer les pensées capitales, copier, se taire, ou radoter.
Buloz, quel malheur que votre scorpion engourdi ait éprouvé le besoin d’aller réchauffer son venin au soleil de Rome ! […] Cavé avait avoué qu’il m’avait raconté cette anecdote, qu’il a racontée non seulement à moi mais à dix autres personnes que je puis nommer au besoin, il ne pouvait laisser dix minutes M. […] Hugo n’est pas un homme qu’on ait besoin d’imposer ; on ne le reçoit pas, on l’accueille. […] Nous n’avons pas besoin de rappeler quel mouvement produit dans le monde intellectuel l’apparition d’un ouvrage de M. […] ai-je besoin de rappeler cette bienheureuse barcarolle qui figura si gaiement dans la bataille de Navarin, et qui frappa de stupeur tous les officiers de notre marine ?
Son commerce n’en aurait pas besoin ; ses colonies pourraient s’anéantir sans ruiner la mère patrie, décoration plutôt qu’élément vital de sa puissance : mais son aptitude à la marine militaire, mais ses grandes gloires et la défense de ses côtes, ne lui permettent pas cette abdication. […] Quand on sait de quel parti est la France dans une question ou dans un congrès européen, on n’a pas besoin de s’informer de quel parti est l’Angleterre, toujours et invariablement du parti opposé à l’avis de la France ; et il en est de même de la France, quoique avec moins d’animosité systématique. […] Devons-nous au Piémont le fardeau à perpétuité de deux cent mille hommes, toujours sur pied pour aller défendre au besoin, à toute heure, la monarchie unitaire du Piémont contre quiconque voudra, du nord ou du midi, résister à ce monopole de la maison de Savoie ? […] Nous devons, dans la limite du droit public, respecter, honorer, au besoin favoriser ce droit, s’il était nié ou attaqué dans son exercice par des puissances étrangères à l’Italie. […] Croyez-moi, voilà l’alliance du destin de l’Europe ; sachez la voir, sachez la saisir, et, au besoin, sachez la venger !
Tout ce que sont les personnages de Corneille, ils le sont par eux-mêmes, indépendamment des événements, ou au besoin contre les événements mêmes. […] ou penser, au besoin ? […] Vous connaissez cette « cause célèbre » et si par hasard vous l’aviez oubliée, vous en retrouveriez au besoin l’émotion toute palpitante encore, dans les Lettres de Mme de Sévigné. […] Ai-je besoin d’ajouter, qu’avec le même esprit de justice, tout ce qui pouvait lui servir à peindre la corruption régnante, Le Sage le leur a partagé ? […] J’étais déjà si proche de ma fin, par l’affaiblissement que le jeûne et la douleur m’avaient causé, que j’eus besoin de quantité d’efforts pour me tenir debout.
La poésie lyrique elle-même a besoin de relever l’excès de son subjectivisme par quelque chose de général et d’humain. […] Je n’en sais rien ; mais, sans contredit, j’ai d’autres besoins spirituels que celui de connaître intellectuellement. […] Nous n’avons pas besoin de guide pour lire nos romanciers et nos poètes du jour ; mais il en faudra plus tard à nos neveux. […] Si l’admiration, pour être intelligente, a besoin de l’histoire, elle n’en a pas besoin pour être vive. […] L’individu a-t-il donc besoin d’être libre pour exercer sur la marche des choses une influence considérable ?
La France littéraire, pervertie par l’esprit de parti et distraite par ses orages, avait besoin de vous. […] Ce jeune homme a de modestes besoins ; le froid, la fatigue, la faim même, l’ont déjà éprouvé, et le plus étroit bien-être lui suffit. […] Quant à ce besoin d’aimer qu’on éprouve à vingt ans… mais moi, qui écris ceci, je me sens défaillir ; mes yeux se voilent de larmes, et l’excès de mon malheur m’ôte la force nécessaire pour achever de le décrire… Miserere ! […] Écoutez votre génie, monsieur ; chargez votre muse d’en redire les inspirations, et, pour atteindre la renommée, vous n’aurez besoin d’être porté dans la casaque de personne. […] Aussi je sens le besoin de me résumer.
Sa nature intellectuelle et, par suite, morale, était, par elle-même, droite et active ; un veto intermittent, qui le garantissait de toute faute involontaire, suffisait à lui assurer la parfaite sagesse et constituait à lui seul une direction morale complète ; Socrate n’avait besoin ni de préceptes positifs ni d’encouragements. […] Chez des auteurs moins classiques, la voix devient un cri ; il y a le cri de l’innocence, le cri de la nature, le cri de l’amour, le cri du remords, le cri de l’honneur, et même le cri du besoin public. […] Qu’un sot entêté parle à son bonnet à tout propos, cela est naturel ; mais, lorsqu’un homme de sens rassis en fait autant, ce n’est plus la nature prise sur le fait, c’est l’art qui se substitue à la nature pour les besoins du genre dramatique. […] Mais il n’est pas besoin qu’un interlocuteur soit prochain ou récent pour que notre parole intérieure prenne le ton du dialogue et s’accompagne de l’image vague d’un ami. « Au moment où j’écris, dit M. […] Pour le cri du besoin public, que nous avons cité, pour d’autres que nous omettons, on peut se demander s’il s’agit d’un cri intérieur ou extérieur.
Ce besoin était si grand qu’il se sentait brûler les entrailles, comme par un feu véritable. […] Il ne connaît que ses sens et les besoins de son esprit. […] Ce n’est pas pour compatir avec elles, mais pour se fortifier en éprouvant l’appui des autres dont il sent le besoin, et en leur prêtant, de par son don de poète créateur, l’appui dont ils ont besoin à leur tour. […] Ce Renan-là, le Renan de 48, aurait dû nous donner le théâtre dont nous avons besoin. […] Ainsi, nous avons besoin les uns des autres.
Prévost ne s’est pas attribué le droit de franchir les limites marquées par les besoins de son récit. […] Mais il semble que l’auteur ait besoin d’une lutte acharnée pour exciter l’attention. […] Pour triompher de la résistance de Marianna, Henri n’a pas besoin de l’effrayer. […] Marianna, pour devenir cruelle, n’a pas besoin des conseils de George. […] Ai-je besoin de dire ce que je pense du style de M.
Une place modeste dans une administration publique suffisait à ses besoins ; il la garda jusqu’au jour où il s’aperçut que son indépendance allait en souffrir. […] Est-il besoin de rappeler à des générations qui, depuis soixante ans jusqu’à vingt, les savent par cœur, tant d’immortelles chansons ?
Quelques années encore, et les nouveaux besoins déposés dans nos cœurs se sont démêlés ; chaque jour ils se démêlent davantage. […] Mais, en introduisant la divinité et l’immortalité dans l’amour, M. de Lamartine n’a fait qu’obéir à des besoins individuels, lesquels ne retentissent au dehors que par des sympathies délicieuses et profondes sans doute, mais nécessairement solitaires.
Section 6, des artisans sans génie Nous avons dit qu’il n’y avoit pas d’hommes, generalement parlant, qui n’apportât en naissant quelque talent propre aux besoins ou aux agrémens de la societé, mais tous ces talens sont differens. […] Leurs tableaux se sont appauvris dès qu’ils n’ont plus été à portée de rencontrer à point nommé dans les ouvrages des grands maîtres, la tête, le pied, l’attitude, et quelquefois l’ordonnance dont ils avoient besoin.
Qu’ai-je besoin d’image devant l’objet même ? […] Nous sommes très-heureux pour notre part de cette protestation, et nous n’éprouvons nul besoin de ranger malgré lui M. […] Or d’où peut nous venir ce besoin d’une généralité toujours de plus en plus grande, s’il n’y a pas dans l’esprit humain une idée qui dépasse tous les phénomènes possibles ? […] Ici nous n’avons plus affaire qu’à un type, à un idéal, dont notre pensée sans doute a besoin comme d’une règle, mais dont nous ne devons pas affirmer la réalité. […] La perfection à l’origine des choses a besoin d’être démontrée ; la nécessité et l’infini n’en ont pas besoin.
Non que le salon ait besoin de cela pour se remplir. […] Des huissiers font ranger la foule et au besoin faire silence. […] Un valet de chambre tient devant le roi un miroir, et deux autres, sur les deux côtés, éclairent, si besoin est, avec des flambeaux. […] Je n’ai pas besoin de dire que le soir, à son jeu, à son bal, à son concert, la foule afflue et s’entasse. […] Saint-Simon, Mémoires, XVI, 456. — Ce besoin d’être entouré dure jusqu’à la fin ; en 1791, la reine disait amèrement en parlant de la noblesse : « Quand on obtient de nous une démarche qui la blesse, je suis boudée ; personne ne vient à mon jeu ; le coucher du roi est solitaire, on nous punit de nos malheurs ».
Au besoin, il risquait davantage. […] Tantôt c’est une manie extraite des sophistes anciens, le bavardage avec horreur du bruit ; cette formule de pathologie mentale devient un personnage, Morose ; le poëte a l’air d’un médecin qui aurait pris à tâche de noter exactement toutes les envies de parler, tous les besoins de silence, et de ne point noter autre chose. […] De plus, il est riche, il est oncle, il maltraite son neveu, sir Dauphine, homme d’esprit, qui a besoin d’argent. […] La fantaisie surabonde, et aussi le sentiment des couleurs et des formes, le besoin et l’habitude de jouir par l’imagination et par les yeux. […] Les grands mots, les éloges, tout est vain à son endroit ; il n’a pas besoin d’être loué, mais d’être compris, et il ne peut être compris qu’à l’aide de la science.
me dit Goethe en riant ; un besoin intellectuel de reproduction ! […] Il y a des gens, dit Goethe, qui prétendent que ces discours sont grossiers, mais ces gens-là ne savent pas ce qu’ils veulent ; il y a en eux un besoin maladif de fronder tout ce qui est grand. Ce n’est pas là de l’opposition, c’est pur besoin de fronder. […] — Elles ont certainement pendant ce temps besoin de quelques secours. […] Il y a une heure, je me suis sentie toute tourmentée ; j’avais un besoin de vous voir que je ne peux vous exprimer.
Mais dès qu’a vibré en nous le besoin vital de nous exprimer, nous avons senti l’indigence des syllabes, et, si le moi s’est dérobé si longtemps, c’est son insuffisance qu’il faut accuser plutôt que la faiblesse de nos mémoires. […] Mais s’il s’agit d’un idéal, d’un rêve d’amour et de beauté, don Juan, comme Faust (et plus encore que lui, puisqu’il jouit d’une jeunesse qu’il n’eut pas besoin d’emprunter), don Juan est une haute synthèse d’humanité. […] Mais elle a besoin de se sentir unie à la Vérité : et voilà que celle-ci perd les vieilles certitudes des religions précises ! […] Elle a besoin d’affirmations : qui les lui donnera ? […] Ce n’est pas d’hier que cette funeste anomalie choque les vrais éducateurs et dans tous les ordres de l’esprit le besoin d’une réforme trouve des apôtres.
Non, poursuivis-je, la beauté n’est vraiment irrésistible qu’en nous expliquant quelque chose de moins passager qu’elle, qu’en nous faisant rêver à ce qui fait le charme de la vie, au delà du moment fugitif où nous sommes séduits par elle ; il faut que l’âme la retrouve quand les sens l’ont assez aperçue. » « Tu le sais, mon ami, écrit Gustave, j’ai besoin d’aimer les hommes ; je les crois en général estimables ; et si cela n’était pas, la société depuis longtemps ne serait-elle pas détruite ? […] L’inépuisable besoin de plaire s’était changé en un immense besoin d’aimer, ou même s’y continuait toujours207. […] qui n’a pas eu besoin de quelque chose de nouveau au milieu de tant de ruines ? […] Je voudrais le lire avec vous : il m’a fait du bien ; il ne contient pas des choses très-nouvelles ; ce que tous les cœurs éprouvent, ou comme bonheur ou comme besoin, ne saurait être bien neuf ; mais il a été à mon âme en plus d’un endroit…Il y a des vérités qui sont triviales, et qui tout d’un coup m’ont déchiré. […] elle ne sait pas tout, mais elle voit qu’une peine affreuse me consume ; elle m’a gardé trois heures pour me consoler ; elle me disait de prier pour ceux qui me faisaient souffrir, d’offrir mes souffrances en expiation pour eux, s’ils en avaient besoin. » Et ailleurs : « … Je suis une lyre que l’orage brise, mais qui, en se brisant, retentit de l’harmonie que vous êtes destinée à écouter… Je suis destiné à vous éclairer en me consumant… Je voudrais croire, et j’essaie de prier… » Par malheur pour Benjamin Constant, ces élans qui se ranimaient près de Mme de Krüdner, et qui étaient au comble pendant la durée du Pater qu’il récitait avec elle, ne se soutinrent pas, et il retomba bientôt au morcellement, à l’ironie, au dégoût des choses, d’où ne le tiraient plus que par assauts ses nobles passions de citoyen213.
Dans beaucoup de villages, ce sont des artisans, des journaliers, des métayers, qui pourtant auraient besoin de tout leur temps pour gagner leur vie. […] Le même intendant écrit, en 1784, année de famine679 : « On a vu avec effroi, dans les campagnes, le collecteur disputer à des chefs de famille le prix de la vente des meubles qu’ils destinaient à arrêter le cri du besoin de leurs enfants. » — C’est que, si les collecteurs ne saisissent pas, ils seraient saisis eux-mêmes. […] À cet égard, écrit un intendant, « l’endurcissement est étrange » « Aucun particulier, mande un receveur681, ne paye le collecteur qu’il ne voie la garnison établie chez lui. » Le paysan ressemble à son âne, qui, pour marcher, a besoin d’être battu, et, en cela, s’il paraît stupide, il est politique. […] Entre ces mains ignorantes et partiales, ce n’est pas l’équité qui tient la balance, c’est l’intérêt privé, la haine locale, le désir de vengeance, le besoin de ménager un ami, un parent, un voisin, un protecteur, un patron, un homme puissant, un homme dangereux. […] À moi seul, pauvre homme, je paye deux gouvernements : l’un ancien, local, qui aujourd’hui est absent, inutile, incommode, humiliant, et n’agit plus que par ses gênes, ses passe-droits et ses taxes ; l’autre, récent, central, partout présent, qui, se chargeant seul de tous les services, a des besoins immenses et retombe sur mes maigres épaules de tout son énorme poids. » — Telles sont, en paroles précises, les idées vagues qui commencent à fermenter dans les têtes populaires, et on les retrouve à chaque page dans les cahiers des États généraux.
Qu’est-il besoin d’alliance à qui veut régner partout ? Qu’est-il besoin d’équilibre à qui ne peut souffrir d’indépendance ? Qu’est-il besoin de paix à qui est résolu de ne faire de pacte qu’avec la victoire ? […] On en a inventé des centaines jadis et aujourd’hui, chez nous et ailleurs, selon les besoins de la circonstance et selon l’engouement passager et ignorant des masses populaires auxquelles on jetait en pâture ces soi-disant principes diplomatiques afin de donner un air de science à la perversité, et de profondeur au vide. […] XX Enfin on vient tout récemment de découvrir un autre principe de diplomatie, à Paris, à Turin, à Londres, pour la convenance d’un petit prince des Alpes, qui éprouvait le besoin de devenir une grande puissance, et de peser du poids de trente millions de sujets et d’une armée de cinq cent mille hommes à côté de la France, et, qui sait ?
Selon quelques-uns, la protase des anciens revient à nos deux premiers actes ; mais ceci a besoin d’être éclairci. […] Mais si cette exposition se fait en une scène, on n’a donc besoin pour cela, ni d’un, ni de deux actes. […] Les règles veulent qu’il attende ; et il abandonne le premier acte, quelquefois davantage, aux besoins du poète, dans l’espérance qu’il lui ménage par là de grandes émotions. […] Les actions les plus simples sont les plus sujettes à cette irrégularité, en ce qu’ayant moins d’incidents et de parties que les autres plus composées, elles ont plus besoin qu’on y en ajoute d’étrangères. […] Si le besoin de la pièce fait durer l’aparté trop longtemps, il faut que l’autre personnage s’étonne de la rêverie où le premier est plongé, et paraisse inquiet de ce qui l’occupe.
Ce besoin de tendresse a été partout ressenti. […] Il a besoin de s’échapper hors du cadre de nos mesquineries quotidiennes. […] Si c’était pour qu’on vous comprît, quel besoin aviez-vous d’écrire ? […] Or on n’a pas besoin d’être princesse, ni riche, ni même de vivre ; maison a besoin de vivre heureuse. […] Mæterlinck, il n’est besoin que de procéder par comparaison.
Je supplierai au besoin M. […] Elle suivra sa pente, agissant au besoin contre son intérêt, faute d’une pensée qui la serve. […] Il n’y a pas besoin de beaucoup d’attention pour le dégager. […] Qu’était-il besoin de lui supposer une sensualité si irritable ? […] Le besoin pur d’amuser y inspire le plan, y engendre les situations et y crée jusqu’à l’expression comique.
Elle a besoin de confiance dans les relations : « J’ai besoin, dit-elle, de croire aux gens que je vois. » Ceux qui ont l’honneur de l’approcher, pour peu qu’ils l’aient connue en diverses rencontres, ont droit de parler de son cœur et des délicatesses qu’il lui suggère. […] À défaut de la protection dont vous n’avez plus besoin aujourd’hui, ce qui vous reste acquis de ma part, c’est l’affection que je vous porte, etc.
Voilà pourquoi il est toujours très délicat à un critique qui a des procédés et des habitudes marquées de venir se prononcer sur la valeur absolue du procédé d’un autre critique, son contemporain et son confrère, si ce dernier a de son côté, une vue ferme, complexe mais arrêtée, et qui, s’appliquant à chaque point d’un vaste sujet, l’embrasse, le serre, le transpose même au besoin, et prétend à en tirer non seulement une impression et une image, mais une preuve et une conclusion. […] Cicéron, tendre père d’une fille charmante, père désespéré quand il perdit Tullie, en est meilleur citoyen, plus attaché à ses amis, plus épris de la vérité, laquelle devient plus chère à l’homme chez qui la tendresse de cœur se communique à l’esprit, et qui aime la vérité à la fois comme une lumière et comme un sentiment. — J’ai peur que Voltaire n’ait aimé que son esprit… Il ne serait pas besoin d’avoir beaucoup vu M. […] Le dernier chapitre, consacré aux principaux auteurs du xixe siècle, et qui condense un si grand nombre de jugements en termes frappants et concis, prouverait, une fois de plus, s’il en était besoin, la parfaite sincérité de l’auteur, sa bienveillance unie à ce fonds de sévérité qu’elle corrige bien souvent et qu’elle tempère même jusqu’à la faveur, dès qu’il y entre un peu d’amitié ; son scrupule à ne tirer son impression que de lui, de son propre esprit, et de l’écrivain à qui il a directement affaire, sans s’amuser aux accessoires et aux hors-d’œuvre ; son attention à choisir, à peser chaque mot dans la sentence définitive qu’il produit.
Ravenel, ce patient et ingénieux érudit, a besoin d’être un peu forcé, et, plus qu’aucun érudit peut-être, il trouve moyen d’unir au zèle de chercher et d’amasser la crainte de produire. […] Il considère cette société antérieure et postérieure à l’individu ; il la voit subsistante, nécessaire, harmonieuse, agissant en mille façons et par toutes sortes d’influences inappréciables, plus mère encore que marâtre, ne retirant à l’homme primitif du côté des forces physiques que pour rendre davantage par le moral à l’homme actuel, et imposant dès lors à quiconque naît dans son sein des devoirs, des obligations qui ne sont point proprement de particulier à particulier, mais qui prennent un caractère commun et général : Car les individus, dit-il, à qui je dois la vie, et ceux qui m’ont fourni le nécessaire, et ceux qui ont cultivé mon âme, et ceux qui m’ont communiqué leurs talents, peuvent n’être plus ; mais les lois qui protégèrent mon enfance ne meurent point ; les bonnes mœurs dont j’ai reçu l’heureuse habitude, les secours que j’ai trouvés prêts au besoin, la liberté civile dont j’ai joui, tous les biens que j’ai acquis, tous les plaisirs que j’ai goûtés, je les dois à cette police universelle qui dirige les soins publics à l’avantage de tous les hommes, qui prévoyait mes besoins avant ma naissance, et qui fera respecter mes cendres après ma mort.
Il faut leur en savoir gré, car on en pourrait trouver qui s’obstinent à nier le soleil, parce qu’ils ne l’ont pas prévu ; mais pourtant si le poëte, qui a besoin de la gloire, ou du moins d’être confirmé dans sa certitude de l’obtenir, s’en remettait à ces agiles intelligences dont l’approbation marche comme l’antique châtiment, pede pæna claudo, il y aurait lieu pour lui de défaillir, de se désespérer en chemin, de jeter bas le fardeau avant la première borne, comme ont fait Gilbert, Chatterton et Keats. […] J’ai besoin, pour me remettre, de m’étourdir avec le poëte au gai tumulte des enfants, à la folle joie de leur innocence, et de m’oublier au sourire charmant du dernier-né. […] Le poëte n’espère plus, ni ne se révolte plus ; il a tout sondé, il a tout interrogé, depuis le cèdre jusqu’à l’hysope ; il recommence encore bien souvent, mais par irrésistible instinct et pur besoin de se mouvoir.
Ce sont là de ces mélanges agréablement tempérés comme les désire et comme au besoin les combinerait le genre académique, dont le triomphe, pour une bonne part, se compose toujours de la difficulté vaincue. […] Cette vapeur idéale des contours, qui d’ordinaire, pour naître et pour s’étendre, a besoin de la distance et de l’horizon, il la portait et la voyait autour de lui jusque dans les habitudes les plus prochaines. […] Il ne serait pas impossible, nous le croyons, d’arriver à donner le sentiment réel, vivant et presque dramatique de l’histoire, par l’excellence même du récit ; et, au besoin, les belles pages narratives par lesquelles M.
Cousin a eu une heureuse idée, celle de revoir, de retrouver en quelque sorte son Cours de 1815 à 1820, et de le donner au public aussi fidèlement qu’il a pu le ressaisir, mais sans se faire faute au besoin de suppléer l’éloquent professeur de ce temps-là par le grand écrivain d’aujourd’hui. […] Le Christophe Colomb ne fut en rien désavoué cette fois ; mais il put bien avoir besoin de toute sa piété ingénieuse et révérencieuse pour que l’on consentît, sans trop gronder, à recevoir de ses mains un monde. […] Il eut avant tout autre parmi nous, et sans avoir besoin de l’emprunter à personne, l’idée de compléter et d’animer la méthode psychologique, celle de l’analyse intérieure, par la recherche historique.