Ce charmant Voltaire, à qui il faut beaucoup pardonner, définissait à merveille et chérissait la tolérance : mais il voulait faire mettre à la Bastille les gens qui n’étaient pas de son avis.
Moréas est-il moins précieux chanteur de Madeline et d’Æmilius, après avoir expliqué, sur une table du café Voltaire, l’évolution de la littérature française, par le jeu étonnamment simplet de quelques moitiés d’allumettes ?
Enfin, Corneille a déployé la puissance de la passion chrétienne, dans ce dialogue admirable et toujours applaudi, comme parle Voltaire.
Voltaire a dit : « Pascal, fou sublime, né un siècle trop tôt. » On entend ce que signifie ce siècle trop tôt.
Mais ce n’est pas ainsi que Shakespeare, Corneille, Racine, Voltaire, Goethe, Schiller lui-même, — ont introduit ou renouvelé l’art théâtral dans leur pays. — Un pensum dialogué en vers toscans, voilà le vrai nom que l’Italie laissera à son prétentieux poète dramatique, jusqu’à ce qu’on n’en parle plus, quand l’Italie aura son théâtre sérieux, après la fédération nationale des Italiens modernes ? […] Je serais entré à Ferney, que je n’aurais pas cherché avec plus de respect les traces encore chaudes du génie très réel de Voltaire. […] À quarante ans il se sentait vieux et usé, comme s’il eût assez de ce petit nombre d’années pour dévider l’existence infinie d’un Sophocle, d’un Racine ou d’un Voltaire.
Faut-il aller plus loin, et le mettre, sur la foi de Voltaire, dans le Temple du goût ? […] Voltaire les avoue pour ses pères, même l’évêque, qui par son acharnement à prétendre que la raison n’a rien à voir à la foi, n’a réussi qu’à faire douter de sa foi et médiocrement estimer sa raison. […] (Voltaire, le Temple du Goût.)
Le Voltaire du 29 juillet ; « la mode de Bayreuth » par M. […] Pourquoi ne pas rappeler ici certaine annotation de Voltaire ? Il écrivait un jour : « Le chromatique procède par plusieurs semi-tons consécutifs, ce qui produit une musique efféminée, très convenable à l’amour. » Voltaire, aussi peu musicien que possible et souverainement rebelle à la musique, avait-il donc prévu, deviné, pressenti Tristan et Iseult ?
Aujourd’hui c’est Voltaire qui règne, c’est-à-dire moins que rien. […] Rien au positif, voilà le résultat de Voltaire. […] Rousseau ne sait pas plus pleurer que Voltaire ne sait rire. Voltaire ricane, Rousseau larmoie. […] Il aime Voltaire !
J’en ai bien fait l’épreuve, quand longtemps après avoir écrit un long article sur Voltaire, selon la méthode didactique, j’ai repris Voltaire pour en faire un volume selon la méthode biographique, et me suis aperçu que mon volume était certainement moins mauvais que mon article. […] Pour ceux dont la vie et l’œuvre sont également éclatantes, comme Voltaire ou Lamartine, elle est très bonne encore. […] Voltaire a dit de Molière, un peu légèrement, qu’il fut « un législateur des bienséances ». […] Jamais je ne ferai un reproche à qui que ce soit de ressembler au Voltaire des Contes. […] France au-dessus de Voltaire ; je remarque seulement que je suis quelquefois un peu agacé en lisant un conte de Voltaire de l’intention trop marquée de vouloir prouver quelque chose, du propos démonstratif qui se poursuit à travers toutes ces inventions aimables et charmantes.
. — Son jugement sur Voltaire. […] Ainsi naquit avec Dryden et Malherbe l’esprit oratoire et classique, qui, ayant produit la littérature du dix-septième siècle et la philosophie du dix-huitième, se dessécha sous les successeurs de Voltaire et de Pope, et mourut au bout de deux cents ans, après avoir poli l’Europe et soulevé la révolution française. […] Je dirai seulement que si quelqu’un jugeait Carlyle en Français, comme il juge Voltaire en Anglais, ce quelqu’un ferait de Carlyle un portrait différent de celui que j’essaye de tracer ici. […] Nous commençons à comprendre le sérieux des puritains ; peut-être les Anglais finiront-ils par comprendre la gaieté de Voltaire ; nous travaillons à goûter Shakspeare, ils essayeront sans doute de goûter Racine. […] Il la juge aussi injustement qu’il juge Voltaire, et pour les mêmes raisons.
Voltaire, le prenant sur l’ensemble de ses lettres, l’a jugé sévèrement et sans véritable justice : Il sert à faire voir, dit-il, combien les auteurs contemporains, qui écrivent précipitamment les nouvelles du jour, sont des guides infidèles pour l’histoire. […] Bayle, qui parle de lui en cent endroits, a dit dans une lettre à un ami, et corrigeant à l’avance le jugement de Voltaire : « J’ai pris assez de plaisir, moi qui aime ces sortes de personnalités, et qui travaille ex professo à ces recherches, à parcourir les lettres de Gui Patin qui nous sont venues de Genève. » C’est que Bayle était avant tout de cette famille des curieux.
Que serait-il arrivé de Voltaire, me suis-je demandé quelquefois, s’il avait rencontré de bonne heure un tel ami ; si, jeune, au lieu des liaisons frivoles et dissipées de la Régence, il avait trouvé un Vauvenargues de son âge, et si leurs âmes s’étaient prises, ne fût-ce que pendant quelques années, par un tel lien ? Je ne dis pas que le libertinage d’esprit, qui fait la plaie du talent de Voltaire, eût jamais pu être corrigé ; il eût été modéré du moins, comme le fut celui de Montaigne.
Les contemporains de Marivaux ont dit de lui à peu près tout ce qu’on en peut dire : si l’on prend la peine de recueillir ce qu’ont écrit à son sujet Voltaire, Grimm, Collé, Marmontel, La Harpe, et surtout d’Alembert dans une excellente notice, on a de quoi se former un jugement précis et d’une entière exactitude : et pourtant il vaut mieux, même au risque de quelque hasard, oublier un moment ces témoignages voisins et concordants, et se donner soi-même l’impression directe d’une lecture à travers Marivaux. […] Voilà le mauvais goût qui est partout plus ou moins répandu chez Marivaux ; voilà le précieux, voilà le Mascarille, le Trissotin et le retour au jargon de la fin de l’hôtel Rambouillet ; voilà pourquoi Marivaux n’admirait point Molière, et pourquoi, en le classant comme ils l’ont fait, ses contemporains, ceux de Lesage, de l’abbé Prévost, de Voltaire, de ces hommes d’esprit si naturels, ne se sont point, en définitive, mépris sur son compte.
Voltaire, à qui le maréchal de Richelieu en avait parlé avec éloges, écrivait à d’Alembert (22 octobre 1776) : Votre doyen51 m’avait vanté un livre intitulé Les Erreurs et la Vérité ; je l’ai fait venir, pour mon malheur. […] — Le maréchal de Richelieu voulait faire causer Saint-Martin avec Voltaire de retour à Paris et qui mourut justement dans la quinzaine : Je crois, dit ingénument Saint-Martin, que j’aurais eu plus d’agrément et plus de succès auprès de Rousseau, mais je ne l’ai jamais vu.
Xavier de Maistre l’a lui-même remarqué à propos de sa jeune Sibérienne : « L’étude approfondie du monde, dit-il, ramène toujours ceux qui l’ont faite avec fruit à paraître simples et sans prétentions, en sorte que l’on travaille quelquefois longtemps pour arriver au point par où l’on devrait commencer. » Ainsi Hamilton est aisé et simple de goût, comme l’est Voltaire. […] Il n’aimait guère mieux le quai Voltaire (antipathie de famille), et y passait le plus rapidement qu’il pouvait, baissant la tête, disait-il, et détournant ses regards vers la Seine.
Le chapitre des grands effets provenant de petites causes reparaît chez Voltaire à chaque page et brodé de toutes les variations. […] Depuis que Voltaire a été détrôné sans retour par la philosophie de l’histoire, et qu’il est convenu que la Fronde ne saurait se reproduire sous d’autres formes, nous succombons sous les grandes causes qu’on met en avant, et selon lesquelles on fait manœuvrer après coup l’humanité : le présent seul fait défaut jour par jour à cette grandeur.
Le Clerc compare ingénieusement aux Annales des pontifes, si l’on essayait de leur rendre crédit moyennant quelque ligne en l’air, quelque à-peu-près échappé à Voltaire ou à Anquetil. […] Quand on aura feuilleté le Pour et Contre de l’abbé Prévost, et plus tard les journaux de Suard et de l’abbé Arnaud, on en tirera, sur l’introduction des littératures étrangères en France, sur l’influence croissante de la littérature anglaise particulièrement, des notions bien précises et graduées, que Voltaire, certes, résume avec éclat, mais qu’il faut chercher ailleurs dans leur diffusion.
Il ne faut pas non plus s’arrêter trop à ces reproches contradictoires de déclamation et de trivialité que des critiques ont adressés à son style, non plus qu’à celui d’incorrection ou d’impropriété que Voltaire ne lui a pas ménagé. […] de Luvne. 4 vol. in-12, 16S2j édit, de Thomas Corneille, Paris, de Luyne, 5 vol. in-12, 1692 ; édit, de Voltaire, Genève, 12 vol. in-8, 1764 ; édit.
Selon lui, ni Bossuet, dont La Bruyère n’a pas les élans ni les traits sublimes ; ni Fénelon, dont il n’a pas le nombre, l’abondance et l’harmonie ; ni Voltaire, dont il n’a pas la grâce brillante et l’abandon ; ni Rousseau, dont il n’a pas l’émotion, n’ont au même degré la variété, la finesse, l’originalité des formes et des tours, qui étonnent dans La Bruyère. […] La Bruyère, comme Molière et Voltaire, est un enfant de Paris.
Tous les membres de la Constituante, de la Législative et de la Convention étaient à la lettre et presque sans exception des disciples de Voltaire et de Rousseau. […] Voltaire n’a pas prétendu dire autre chose dans ses nombreuses attaques contre l’optimisme : ce sont de justes satires des absurdités de son siècle.
Sans doute je pourrais citer l’éloge enthousiaste d’un Lamoignon par Boileau, d’un Mathieu Molé ou d’un Michel de l’Hospital par Voltaire ; on rencontrerait aisément des pages à la gloire d’un d’Aguesseau ou d’un Malesherbes. […] Si plus tard Montesquieu (et pour cause) épargne les Parlements, Voltaire bataille contre eux pour les forcer à réhabiliter Calas et Sirven, pour leur faire honte du sombre plaisir qu’ils trouvent à conserver la torture et les supplices raffinés.
c’est ce qui nous convient à tous deux. » Mais n’êtes-vous pas tenté de vous demander en lisant ces scènes : Qu’en dirait Voltaire ? […] Personne n’a mieux parlé que lui de Voltaire même, ne l’a mieux défini et compris comme le type excellent et complet du génie français ; tâchons à notre tour de lui rendre la pareille en le comprenant, lui le type accompli du génie allemand.
Ce petit livre de Souvenirs, publié en 1770 avec des notes et une préface de Voltaire, ne semble rien aujourd’hui, parce que toutes ces anecdotes ont passé depuis dans la circulation et qu’on les sait par cœur sans se rappeler d’où on les tient ; mais c’est elle qui les a si bien racontées la première. […] [NdA] Voltaire a fort maltraité ce M.
Voltaire avait mis Rivarol au défi de réussir ; il lui avait dit en plaisantant qu’il ne traduirait jamais Dante en style soutenu, « ou qu’il changerait trois fois de peau avant de se tirer des pattes de ce diable-là ». […] Il fait bien sentir à quel point les hommes se conduisent plus d’après leurs passions que par leurs idées, et il en donne un piquant exemple en action et en apologue : On dit à Voltaire dans les champs Élysées : Vous vouliez donc que les hommes fussent égaux ?
Beaumarchais y allait plus à cœur ouvert ; et, en même temps, il avait le genre de plaisanterie moderne, ce tour et ce trait aiguisé qu’on aimait à la pensée depuis Voltaire ; il avait la saillie, le pétillement continuel. […] En mêlant au vieil esprit gaulois les goûts du moment, un peu de Rabelais et du Voltaire, en y jetant un léger déguisement espagnol et quelques rayons du soleil de l’Andalousie, il a su être le plus réjouissant et le plus remuant Parisien de son temps, le Gil Blas de l’époque encyclopédique, à la veille de l’époque révolutionnaire ; il a redonné cours à toutes sortes de vieilles vérités d’expérience ou de vieilles satires, en les rajeunissant.
« Si les Mémoires de ce Cosnac sont imprimés, je vous prie de me les envoyer », écrivait Voltaire à Thieriot le 21 juillet 1756 ; et il écrivait encore le 9 août suivant : « C’est grand dommage qu’on n’imprime pas les Mémoires de ce fou d’évêque Cosnac. » Cosnac n’était pas fou ; il était fin, sensé, habile, mais gai, brusque, pétulant, et en tout un original. […] Pourtant, tout cela ne répond pas à l’idée première qu’on se faisait de l’amusant, du libre, du badin et hardi Cosnac, de ce fou de Cosnac, comme dit Voltaire qui n’est que l’écho de la tradition.
Érasme, Bayle, Scaliger, Saint-Évremond, Voltaire, bon nombre de Pères de l’Église, des familles entières de philosophes, l’École d’Alexandrie en masse, Cicéron, Horace, Lucien, Plutarque, Josèphe, Dion Chrysostome, Denys d’Halicarnasse, Philostrate, Métrodore de Lampsaque, Platon, Pythagore, ont rudement critiqué Homère. […] Ovide, conjecture Voltaire, fut exilé de Rome pour avoir vu quelque chose de honteux dans la maison d’Auguste.
La Méthode de Descartes a égaré par son apparente innocence et sa spécieuse grandeur les plus fermes croyants du xviie siècle ; nous ne pouvons plus nous y tromper aujourd’hui, et nous savons bien que le doute de Descartes aboutit infailliblement au doute de Voltaire. […] ces vérités éternelles et inébranlables ne pourraient supporter l’examen sans périr, et celui qui les étudie librement et consciencieusement serait fatalement conduit à en douter comme Voltaire ou à les nier comme Diderot !
Byron n’a jamais plaisanté comme Voltaire. […] Ce n’est pas un fils de Voltaire, mais un fils des Croisés, Croisé lui-même !
Nous n’énumérerons pas ici tant d’infructueux essais de traductions, depuis le président Claude Fauchet, qui donna en 1582 une version complète, critiquée dès son apparition par Étienne Pasquier, jusqu’au janséniste La Bletterie, qui fit parler son auteur, dit Voltaire, en bourgeois du Marais.
Si quelqu’un eût dit à la fin du dix-huitième siècle, après le régent, après Voltaire, après Beaumarchais, après Louis XV, après Cagliostro, après Marat, que les Charlemagnes, les Charlemagnes grandioses, poétiques et presque fabuleux, étaient encore possibles, tous les sceptiques d’alors, c’est-à-dire la société tout entière, eussent haussé les épaules et ri.
Relire Lire est doux ; relire est — quelquefois — plus doux encore. « A Paris, on ne relit pas, disait Voltaire ; vive la campagne où l’on a le temps !
III Ni l’un ni l’autre ne sont des misanthropes, des atrabilaires comme Rousseau, cet ermite contre le monde, « ce chien — disait Voltaire, pas toujours poli, — qui s’était mis dans le fond du tonneau de Diogène pour aboyer », mais qui, par habitude, aboyait encore à la lune dans le fond des bois ; Rousseau, qui s’est plus blessé au monde que le monde ne l’a blessé réellement ; Rousseau, bien moins un solitaire qui herborisait qu’un malade qui cherche des simples pour les mettre sur ses blessures.
L’ironie de Voltaire est spirituelle et claire, charmante et cruelle.
Nous avions entendu là-dessus le petit sifflet de Voltaire et la parole de cet autre grand génie qui se croyait positif et qui disait : « Cela pourrait être, mais cela n’est pas. » Et voilà qu’à ce moment même, au moment où le rationalisme prenait compendieusement ses conclusions souveraines, la pensée moderne retournait sous d’autres formes à des questions qui paraissaient épuisées, qui paraissaient n’en être plus !