C’est à mesure qu’il a été moins compris que Molière, peu à peu, est devenu un moraliste. […] Molière, bien plus brutal encore dans le fond qu’à la surface, jouit de ce qu’on pourrait appeler la moralité acquise. […] Il fallait ou sacrifier Molière ou démontrer la beauté de son génie philosophique. […] Sans doute il fallait sauver l’œuvre de Molière ; elle en valait la peine. […] Jaurès, dont on ne peut arriver à savoir si la fille est élevée au Sacré-Cœur ou au lycée Molière.
Le Dictionnaire académique vaut pour Racine : il est trop pauvre pour Molière et pour La Fontaine, qui ont besoin de signes moins éloignés et moins dépouillés des sensations naturelles.
J’avais une tenue superbe de fierté et d’enthousiasme. » Et plus loin : « La charmante grâce de ma déclamation a interdit Louason. » Ou bien : « La réflexion profonde (à la Molière) que je fais dans ce moment, etc… » Ou encore : « Je commence à aborder dans le monde le magasin de mes idées de poète sur l’homme.
On lui a permis de s’asseoir parmi les marquis dont se plaignait Molière, Et dont le large dos morguait les spectateurs.
Les Purgon et les Diafoirus du xixe siècle n’ont pas rencontré le Molière qui doit les bafouer et les déshonorer dans l’avenir.
Elle fut aussi la Campistron d’Alfred de Musset dans La Faute du Mari ; mais elle ne le fut même pas de Molière dans Lady Tartuffe, comédie sans comique, écrite pour la tragédienne Mlle Rachel, mascarade d’un type d’homme qui ne peut jamais être un type de femme, car l’hypocrisie, odieuse dans l’homme parce qu’il est fort et qu’il n’a pas besoin d’être hypocrite, l’est beaucoup moins dans la femme, être faible, souvent opprimé.
Ainsi, encore, l’originalité du dialogue et du comique d’expression, que personne, et Molière lui-même, n’a surpassé.
Laissons Cervantès, laissons Rabelais, Richardson et Fielding, et Molière et Balzac, et quand un homme n’est pas même Swift, ne tourmentons pas notre trompette de traducteur et soufflons dedans des airs plus doux.
Pourtant, si l’on a trouvé singulier que Boileau, s’adressant à Molière, lui dise tout d’abord par manière d’éloge : Enseigne-moi, Molière, où tu trouves la rime, il peut sembler également assez particulier que le premier éloge accordé ici à Leopardi soit de s’être passé de la rime, ce qui est possible en italien, mais à de tout autres conditions qu’en français, et ce qui d’ailleurs ne paraît point absolument vrai du savant poëte dont il s’agit. Dans tous les cas, il y a sur Leopardi, comme sur Molière, bien d’autres caractères distinctifs qui frappent à première vue.
Ce sont les coups d’essai de petits Molières restés en chemin et inconnus, mais dont quelques-uns se sont approchés assez près du Molière véritable et immortel. Il ne doit pas y avoir grande distance, j’imagine, entre cette farce si joyeuse du Cuvier et celles du Médecin volant, de la Jalousie du Barbouillé que jouait Molière tout jeune dans ses tournées de province.
Deschanel, ni Molière ni La Bruyère n’ont employé imprimer au sens d’impressionner ; l’un et l’autre lui donnent le sens purement latin de « frapper » et ne l’emploient qu’avec un adverbe : « … si bien imprimé » ; « le plus fortement imprimés ! […] L’opuscule est précédé d’une lettre de Jean-Baptiste Rousseau qui est curieuse parce qu’elle est éternelle comme la plainte du vieillard : « Il règne aujourd’hui dans le langage une affectatation si puérile, que le jargon des Précieuses de Molière n’en a jamais approché.
En comparaison d’eux, les Galilée, les Descartes, les Pascal, les Huyghens, et à plus forte raison un Swammerdam ou un Harvey, n’étaient que des « curieux. » Le titre même d’une comédie de Molière en témoigne : Les Femmes savantes, et les préoccupations de sa Philaminte ou de son Armande, qui sont « curieuses », il est vrai, de physique et d’astronomie, mais combien plus curieuses encore de petits vers, et des fatrasseries dont Gilles Ménage, Egidius Menagius, était le plus illustre représentant ! […] Mais déjà, — la comédie de Molière le prouverait encore, — on commençait à se faire de la « Science » une idée plus précise à la fois et plus large, et le sens du mot se déterminait.
Nos mauvais livres sont moins mauvais que les mauvais que l’on faisait du temps de Boileau, de Racine et de Molière, parce que dans ces plats ouvrages d’aujourd’hui, il y a toujours quelques morceaux tirés visiblement des auteurs du règne du bon goût. […] Il savait distinguer l’esprit du génie ; il donnait à Quinault les sujets de ses opéras ; il dirigeait les peintures de Le Brun ; il soutenait Boileau, Racine et Molière contre leurs ennemis ; il encourageait les arts utiles contre les beaux-arts, et toujours en connaissance de cause ; il prêtait de l’argent à Van-Robais pour ses manufactures ; il avançait des millions à la compagnie des Indes, qu’il avait formée ; il donnait des pensions aux savants et aux braves officiers.
C’est un personnage de Molière que cette recommandable matrone, mère du Caton des Grands-Jours ; et Fléchier, par une si agréable entente des travers et des ridicules, retrouve ici son vrai rang comme précurseur de La Bruyère.
Duval : « Un jeune homme, dès sa sortie du collège, où il avait déjà pris le goût du théâtre, qu’il y avait étudié, plein d’admiration pour ses auteurs anciens, et pour les chefs-d’œuvre des Racine, des Corneille, des Molière, s’empressait de composer, d’après leurs principes, une tragédie ou une comédie.
J’offre d’avance la traduction de toutes ces sortes de critiques dans les vers de Molière, que je rappelle ici : Non, non, je ne veux point d’un esprit qui soit haut, Et femme qui compose en sait plus qu’il ne faut ; Je prétends que la mienne, en clartés peu sublime, Même ne sache pas ce que c’est qu’une rime ; Et c’est assez pour elle, à vous en bien parler, Que savoir prier Dieu, m’aimer, coudre et filer.
Purgon, l’instrument des matassins de Molière, les bruits malséants qui d’après Flaubert, « faisaient pâlir les pontifes d’Égypte », inspirent à M.
» Lisez à la fin : « Le génie de Molière a moins d’influence sur l’éclat d’une fête nationale que les bombes et les fusées de Ruggieri. » Et, croyez-moi, ces deux phrases, prises au hasard, sont encore parmi les plus passables du moraliste du Figaro.
Les médecins de Molière parlaient latin, les nôtres parlent grec.
Chaque jour cette foule sympathique et intelligente qui accourt si volontiers au glorieux théâtre de Corneille et de Molière, vient chercher dans cet ouvrage, non ce que l’auteur y a mis, mais ce qu’il a du moins tenté d’y mettre.
Lorsque Molière se moquait de la médecine de son temps, lorsque Boileau raillait l’arrêt du parlement de Paris sur la philosophie d’Aristote, lorsque Descartes écrivait le Discours de la méthode, tous se révoltaient contre la discipline au nom de la raison.
L’Académie française qui avait couronné l’Épître d’un père à son fils, couronna, en 1769, l’Éloge de Molière, proposé pour sujet du prix d’éloquence.
Elle a la négation raisonnée de toute autorité et de toute hiérarchie, la fureur de l’égalité avec l’homme, dans l’intelligence, dans les œuvres, dans l’amour et surtout dans le mariage… Les femmes du temps de Molière ne faisaient que les savantes, et lui, en faisait des personnages de comédie.
Il dit quelque part, dans un langage que n’ont pas connu et qui ferait pâmer de rire Molière et Rabelais : « Le type céphalique propre aux Hellènes du Nord était brachycéphale ; c’est le résultat des races blanches avec les races jaunes.
C’est encore le parent pauvre, mais honnête, de La Bruyère, de Boileau, de Molière, mais tempéré de raison, de malice, de gaieté, tempéré trois fois, de sorte qu’en l’aimant les gens de peu de tempérament semblent aimer la tempérance et font ainsi de leur pauvreté une vertu.
Il n’a ni la tristesse du comique Molière, qui fait rire les cœurs désespérés comme le sien ; ni l’ironie froide de La Rochefoucauld contre l’égoïsme humain, la seule chose à laquelle il croie et veuille nous faire croire ; ni la misanthropie féroce de Chamfort, dont la bouche saigne des morsures qu’elle fait.
L’hôtel de Rambouillet, cette caserne du bel esprit que Molière fit crouler, Jéricho ridicule, sous le son vif de son sifflet, était de fondation féminine ; et la Fronde, cette bataille de dames, cette guerre où les femmes tiraient le canon comme on l’a vu tirer à des serins et à des colombes, était une guerre enrubannée et galante où les villes se prenaient pour les beaux yeux des belles, comme disait le maréchal d’Hocquincourt.
Prude, en somme, sous ses airs de page, honnête toute sa vie sans que cela lui coûtât un sou d’effort pour le rester, coquette d’esprit, de coiffure, de corsage, de bras nus abandonnés, qui se donnaient à tous et qui n’ont jamais étreint personne, coquette même de maternité, madame de Sévigné résume en elle deux figures de Molière qui, dédoublées, font la femme française : Elmire et Célimène.
Prenez les jugements de celui qu’il appelle le plus grand des critiques sur lord Byron, Molière, Voltaire, Shakespeare, Diderot, etc., tous ces esprits éclairés de tant de côtés à la fois par leur propre gloire, et sur lesquels on est tenu, pour être un grand elle plus grand critique, de dire un mot qui n’a pas été dit, démontrer une qualité ou un défaut qu’on n’avait pas vu jusque-là, et demandez-vous si toutes ces gloses de Gœthe au bon Eckermann ne sont pas faites avec des idées qui sont dans la circulation, ou qui, si elles n’y étaient pas, pourraient y être mises par la première plume moyenne venue, la première plume honnête et modérée.
Les métempsychosistes ne seront pas tous logés dans les astres, où l’auteur des Grimaces fait pleurer Molière d’avoir écrit ses Femmes savantes.
Pour penser à rendre un service, et un service d’argent, au prince Poniatowski, pour lui donner le droit et la hardiesse d’un tel service, il fallait que Madame Geoffrin, cette femme d’un si grand tact et d’une si grande mesure, eût déjà pour lui un sentiment bien profond… Et c’est toujours la même chose, comme dit le paysan de Molière, parce que c’est toujours la même chose !
Laissons Cervantes, laissons Rabelais, Richardson et Fielding, et Molière et Balzac, et quand un homme n’est pas même Swift, ne tourmentons pas notre trompette de traducteur et soufflons dedans des airs plus doux.
Quand il a un certain génie, cet homme-là s’appelle Shakespeare ou Molière ; quand il en a un certain autre, La Rochefoucauld, La Bruyère, Vauvenargues ; mais, quand il est prêtre et qu’il a quelque intelligence, il en sait plus sur la nature humaine que les hommes d’un génie supérieur au sien.
Déjà plusieurs volumes d’Agrippa d’Aubigné et de Molière ont paru, et voici un André Chénier comme on n’en avait pas trouvé dans les éditions antérieures, tant il est religieusement complet.
Il ne monte pas, il est vrai, cet esprit de provenance gauloise, jusqu’à la hauteur audacieuse de Rabelais, et il ne descend pas jusqu’à la profondeur de Molière ; mais il se tient dans l’entre-deux.