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620. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Laurent Tailhade à l’hôpital » pp. 168-177

Laurent Tailhade à l’hôpital C’est à visiter les poètes que j’ai connu tous les hôpitaux de Paris : Laennec avec ses toits de prieuré, sa façade d’ancienne abbaye ; Broussais, qui semble, bâti sur pilotis, une bourgade de l’époque lacustre ; Necker aux murs nus et froids de caserne, mais où chante dans la cour une éternelle eau plaintive ; Saint-Louis, dont les tourelles Louis XIII pointent si joliment derrière les feuillages de l’avenue ; l’Hôtel-Dieu, qui ordonne parmi les colonnades et les degrés de pierre, la pompe païenne d’un décor antique… C’est précisément à l’Hôtel-Dieu que je viens de voir Laurent Tailhade, à peine remis d’une douloureuse et grave opération. […] N’est-ce donc rien, cela, à une époque où les vaudevillistes eux-mêmes se font directeurs de conscience ?

621. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’état de la société parisienne à l’époque du symbolisme » pp. 117-124

L’état de la société parisienne à l’époque du symbolisme Il n’est pas inutile de rechercher dans quel milieu et dans quelle atmosphère se poursuivait l’effort de spiritualité du symbolisme. […] Ces messieurs du protocole y songent, tandis que de bonnes âmes proposent qu’en révérence de tant d’amis couronnés, nous grattions les murs de nos monuments et l’Arc de Triomphe, pour en déloger quelques inscriptions suspectes et nous adjurent de voiler la nudité indécente du groupe de Rude que d’honnêtes et pieux regards ne sauraient contempler sans rougir… On sent bien à toutes ces controverses dont les journaux de l’époque sont pleins que nos dirigeants nous ont amenés à un point culminant de notre histoire.

622. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XII. Ambassade de Jean prisonnier vers Jésus  Mort de Jean  Rapports de son école avec celle de Jésus. »

Quoi qu’il en soit, elle faisait, à l’époque de Jésus, partie intégrante des théories juives sur le Messie. […] Aucun des textes parsis qui impliquent vraiment l’idée de prophètes ressuscités et précurseurs n’est ancien ; mais les idées contenues dans ces textes paraissent bien antérieures à l’époque de la rédaction desdits textes.

623. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre VI. Suite des Moralistes. »

Oublie-t-on que Bayle publiait, à cette époque même, ses doutes et ses sophismes ? […] Les lois fondamentales changent, le droit a ses époques ; plaisante justice qu’une rivière ou une montagne borne ; vérité au-deçà des Pyrénées, erreur au-delà. » Certes, le penseur le plus hardi de ce siècle, l’écrivain le plus déterminé à généraliser les idées pour bouleverser le monde, n’a rien dit d’aussi fort contre la justice des gouvernements et les préjugés des nations.

624. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « III »

Chateaubriand survit ; et quand on vient nous dire que « les beautés littéraires varient avec les royaumes et avec les époques », on énonce une affirmation qui ne deviendra jamais un principe parce qu’elle ne contient qu’une part de vérités très restreintes. On peut gloser là-dessus, je le sais ; mais ce qui est sûr, ce qui est acquis, c’est qu’il y a des beautés qui sont de tous les temps, de tous les « royaumes » et de toutes les « époques ».

625. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Alaux. La Religion progressive » pp. 391-400

De composition, de distribution, d’unité, ce n’est point un livre, d’ailleurs, mais un recueil d’articles (les livres des époques d’éparpillement comme la nôtre !) jetés, ici ou là, dans les journaux, à des époques plus ou moins distantes.

626. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Léon Bloy »

Dans une époque où le génie de la concession qui gouverne le monde va jusqu’à lâcher tout, un esprit de cet absolu et de cette rigueur a épouvanté ceux-là même qu’il aurait le mieux servis. […] … Seulement, s’ils en commencent la lecture et qu’ils se retournent de cette lecture vers les livres de cette époque de puéril et sot bibelotage, auront-ils la sensation de l’amincissement universel qui veut nous faire disparaître dans le néant, ce paradis des imbécilles… Et c’est toujours au moins cela pour le compte et la gloire de la vérité.

627. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

Or, il est très utile de projeter une lumière abondante sur les figures caractéristiques, parce qu’elles sont représentatives, et que, fortement éclairées, à leur tour elles illuminent pour nous soit une époque, soit une série d’êtres.‌ […] Jamais il n’a eu autant de certitudes qu’à ces époques-là.

628. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre III. Trois espèces de jurisprudences, d’autorités, de raisons ; corollaires relatifs à la politique et au droit des Romains » pp. 299-308

Faute d’avoir compris cette vérité, les jurisconsultes et les interprètes du droit sont tombés dans la même erreur que les historiens de Rome, qui nous racontent que telles lois ont été faites à telle époque, sans remarquer les rapports qu’elles devaient avoir avec les différents états par lesquels passa la république. […] Bien loin que ces pratiques aient eu aucun but d’imposture, c’étaient des usages sortis de la nature même des hommes de l’époque ; une telle nature devait produire de tels usages, et de tels usages devaient entraîner nécessairement de telles pratiques.

629. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Tous les grands hommes de cette époque se sont comme distribué le domaine de la vérité universelle ; ils en font valoir toutes les parties. […] Il n’est pas une époque où cet à-propos paraisse plus manifestement une loi de l’esprit français, qu’au lendemain de la gloire de Balzac. […] Que chercheront les grands prosateurs et les grands poètes de cette époque favorisée, si ce n’est la vérité universelle, celui-ci des passions, celui-là des vices, cet autre des faiblesses de notre nature, la vérité des caractères, la vérité des esprits, la vérité des cœurs ? […] Le doute à cette époque est ce port dont parle Lucrèce, d’où il y a tant de douceur à contempler le péril d’autrui. […] Nous en faisons l’aveu par la qualification de maîtres que nous donnons aux grands écrivains de cette époque.

630. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Arrivé vieux à une époque où les nouveautés durables, l’invention, le grand style, allaient prévaloir, il ne put se mettre au pas des nouveau-venus, et il se fâcha. […] Les critiques de Desmarets contre les anciens méritent un regard de l’histoire, à titre de préjugés littéraires propres à une époque, et de travers d’esprit intermittents. […] En tout cas, à l’époque où il se paraît de ce témoignage, Boileau n’y pouvait plus contredire ; il était mort. […] Mais s’il y a eu quelque gloire dans cette querelle, c’est pour la femme illustre qui est restée, contre le préjugé d’une époque puissante et brillante, de l’avis de l’esprit humain. […] Mais il est des époques où elles risquent de fatiguer une société qui incline vers l’indifférence.

631. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

… Les pièces de ce volume, filles des quarts d’heure qui ont sonné à de longs intervalles, ont été écrites à peu près aux époques où M.  […] Certainement, à quelque place de l’histoire littéraire qu’on se mette, il n’a été écrit, à aucune époque, de vers plus radicalement mauvais. […] Malhabile à mâcher les langues déliées et molles des époques subtiles et énervées, il n’a de naturel, de sonorité, de mordant dans l’étendue de sa voix, que quand il recule de son temps en ces temps que l’insolence des Civilisations appelle barbares. […] Hugo d’être tout ensemble gigantesque et petit, colossal et enfantin, disons-le, même quelquefois puéril, qui est l’abus de l’enfantin, mais ces défauts, très-saillants dans un poème moderne et dans une époque réfléchie, ne saillent plus au Moyen Age, en ces temps légendaires auxquels on peut appliquer ce vers de M.  […] Hugo avec austérité : pour cela il ne faut point porter soi-même sur ses facultés les troubles d’une époque moins forte qu’elles, car, en tant que ces facultés ont voulu demeurer poétiques, cette époque ne les a ni distraites de leur but, ni étouffées, quand elle pouvait, comme dans tant d’autres, les distraire et les étouffer.

632. (1890) Dramaturges et romanciers

Il ne faudrait pas en effet que notre affliction nous portât à croire que notre époque est une exception à une loi générale ; elle partage au contraire le sort commun à presque toutes les époques. […] Les œuvres secondaires ou même médiocres de notre époque se distinguent des œuvres secondaires ou médiocres des époques précédentes par un genre de mérite qui rend l’injustice très difficile à leur égard ; elles sont défendues contre leur médiocrité par des qualités sérieuses qui font hésiter le jugement. […] C’est à cette époque qu’il faut sans doute rapporter la formation du germe du Comte Kostia dans l’esprit du jeune auteur, car c’est à cette époque qu’il entra dans l’intimité de ces paysages des bords du Rhin dont il a fait la scène de son beau roman. […] Une réaction était dès lors nécessaire, et on la sentait partout dans l’air à cette époque. […] Cela est vrai à l’heure présente, cela l’était bien davantage encore à l’époque où fut représentée la Jeunesse.

633. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Il se cantonne dans le commerce d’une génération littéraire ou d’une époque littéraire, comme d’autres dans la familiarité d’une catégorie spéciale de coquillages, ou dans l’ameublement de telle époque. […] Les époques où les classiques, dans tout le sens que j’ai essayé de donner à ce mot, se font rares, ne paraissent plus, ce sont les époques où l’humanisme décroît et disparaît. […] Il y en a encore à Lyon, je crois, à l’époque où nous sommes. […] À cette époque nous conquérions l’Italie pour le compte de la Sardaigne. […] Ils procèdent tous de cette sorte, Thiers, à cette époque, tout comme les autres.

634. (1863) Molière et la comédie italienne « Textes et documents » pp. 353-376

  Voici maintenant un certain, nombre de canevas qui ont date certaine entre cette dernière pièce, analysée par Gueulette, et l’époque où commence le Recueil de Gherardi. […]   On peut constater, d’après les états des dépenses de la cour, que, pendant qu’elle séjournait à Saint-Germain, à Fontainebleau, il y avait comédie plusieurs fois la semaine, et que les Italiens à cette époque alternaient à peu près régulièrement, sur le théâtre de ces résidences royales, avec les troupes françaises ou avec la troupe française, quand il n’y en eut plus qu’une à partir du mois d’octobre 1680. […] Au bout de ce temps, une autre dame de la cour d’Auguste, qui, à cette époque, avait du crédit sur le cœur et l’esprit du roi de Pologne, engagea ce prince à visiter sa prison d’État.

635. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VI. Jean-Baptiste  Voyage de Jésus vers Jean et son séjour au désert de Judée  Il adopte le baptême de Jean. »

Hébron, la ville patriarcale par excellence, située à deux pas du désert de Judée et à quelques heures du grand désert d’Arabie, était dès cette époque ce qu’elle est encore aujourd’hui, un des boulevards de l’esprit sémitique dans sa forme la plus austère. […] Aux époques où il administrait le baptême, il se transportait aux bords du Jourdain 290, soit à Béthanie ou Béthabara 291, sur la rive orientale, probablement vis-à-vis de Jéricho, soit à l’endroit nommé Ænon ou « les Fontaines 292 », près de Salim, où il y avait beaucoup d’eau 293. […] A toutes les époques, d’ailleurs, Jésus céda beaucoup à l’opinion, et adopta bien des choses qui n’étaient pas dans sa direction, ou dont il se souciait assez peu, par l’unique raison qu’elles étaient populaires ; seulement, ces accessoires ne nuisirent jamais à sa pensée principale et y furent toujours subordonnés.

636. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XV. M. Dargaud » pp. 323-339

Cette histoire se compose de quatre volumes, doublement substantiels par l’esprit et par la matière, lesquels représentent six années de recherches et de travail infatigable sur l’époque la plus passionnée et la plus féconde de l’histoire moderne, puisque le monde moderne, tout entier, est sorti de cette époque-là ! […] Plus écrivain qu’il n’ait jamais été à aucune époque de sa vie, il n’en est pas moins resté ce qu’il était plus jeune ; il n’en a pas moins la vie dans le style et l’émotion qui est plus que la vie.

637. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

C’est probablement de cette époque que datent la composition des Femmes d’Alger et une foule d’esquisses. […] À cette époque toutefois ses dessins étaient moins pédants et moins maniérés qu’aujourd’hui. […] À toutes les grandes époques, la sculpture est un complément ; au commencement et à la fin, c’est un art isolé. […] Comparez l’époque présente aux époques passées ; au sortir du Salon ou d’une église nouvellement décorée, allez reposer vos yeux dans un musée ancien, et analysez les différences. […] N’est-il pas l’habit nécessaire de notre époque, souffrante et portant jusque sur ses épaules noires et maigres le symbole d’un deuil perpétuel ?

638. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Mais elle n’entra en possession de tout son génie, de toute sa popularité, de toute sa gloire, qu’à l’époque où cette papauté elle-même, devenue puissance politique en Italie, régna avec toutes les pompes du trône universel des intelligences sur la catholicité, et, chose remarquable, la naissance de la peinture moderne à Rome coïncida avec la renaissance des lettres, de la philosophie et de la mythologie grecques à la cour des papes. […] Ce cardinal, plus politique que sacerdotal, ressemblait de visage et de caractère à Fénelon ; il faisait de Rome, à cette époque, la Salente des arts. […] XXVII À l’époque de 1819 et 1820 où Léopold étudiait avec une solitaire passion son art dans un faubourg de Rome, des actes de brigandage tragique venaient d’ensanglanter la campagne de Rome. […] Le génie de Robert y prit ce caractère de grandiose, de force, de sévérité dans le beau qui s’attacha depuis cette époque à son pinceau comme une couleur indélébile. […] « Je me sens, écrivait-il à cette époque, malade du mal de ceux qui désirent trop. » On croirait lire un vers de Dante.

639. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIIe entretien. Littérature politique. Machiavel (2e partie) » pp. 321-414

L’Italie perdit en sécurité, à cette époque, tout ce que les papes perdirent en respect sur l’Angleterre, l’Allemagne, la Prusse, le nord de l’Europe. […] Venise lui dut des conquêtes éclatantes, un peuple doux, une politique immuable, des monuments, des arts et des fêtes qui font époque dans les annales de l’esprit humain. […] Charles-Quint et Léon X ne triomphent pas plus que les Français de leur indépendance ; mais les Turcs triomphent graduellement de leur puissance navale et coloniale en Orient ; Chypre et la Grèce leur échappent ; leur époque héroïque finit avec leur ascendant sur la mer. […] Le plus grand exploit de leurs flottes signala cette époque pour Gênes : leur amiral Spinola anéantit dans le golfe de Gaëte la flotte des Espagnols, et fit prisonnier le roi Alfonse le Magnanime d’Aragon, ses deux frères, l’aîné roi de Navarre, l’autre grand maître de l’ordre militaire de Saint-Jacques, cinq mille marins et toute la noblesse d’Aragon. […] Un de mes amis de cette époque, Sylvain de Costa, homme de fidélité inébranlable, écuyer du prince de Carignan, fut porteur de cette déclaration menaçante adressée au prince.

640. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

La vaine gloire était la vertu des grands hommes à ces époques où une religion, plus magnanime et plus épurée des vanités humaines, n’avait pas encore enseigné aux hommes l’abnégation, la modestie, l’humilité, qui déplacent pour nous la gloire de la terre, et qui la reportent dans la satisfaction muette de la conscience ou dans la seule approbation de Dieu. […] À aucune époque de sa carrière civile il n’a montré devant son devoir une hésitation. […] Ce fut l’époque poétique de sa vie ; le loisir et l’infortune le refirent poète. […] Ses lettres, à cette époque, sont la confession d’un homme de bien ; il méprise presque autant le parti de Pompée qu’il déteste celui de César. […] L’abstention complète eût été plus digne, l’exil même eût été plus stoïque : c’est sur cette époque de sa vie que les admirateurs de Cicéron auraient eu besoin de jeter un voile d’indulgence.

641. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Cette aspiration est l’honneur et le danger de notre époque. […] Cependant l’idée de progrès n’est pas étrangère, ainsi qu’on l’a souvent répété, aux époques même les plus anciennes du monde classique. […] Mais il soumit ces diverses sources d’informations à une critique dont la pénétration est vraiment merveilleuse pour l’époque. […] Elle semble ne s’être conservée jusqu’au XVIIe siècle que chez les Arabes ; à cette époque, elle pénètre en Occident ; Michel Scotus fait, sur une traduction arabe, la première traduction latine de l’Histoire des animaux. L’empereur Frédéric II ne croit pas mieux servir une science dont il est épris et dont il fut lui-même à cette époque un des promoteurs, qu’en propageant de toutes manières l’œuvre d’Aristote.

642. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Il manquait, pour plaire à notre époque, dans les ouvrages précédents, ce symbolisme clair, cette nervosité, cette inquiétude et cette ironie qu’on trouve à chaque page d’Aphrodite. […] Les seuls romans qui essaient de rendre la manière de vivre d’une époque parmi son décor propre sont ceux de M.  […] Franc-Nohain qui n’a pas la place qu’il mérite et qui dans une époque où l’on cherche ceux qui instruisent n’est pas compris. […] Il récompensera son attitude sans concession, sa dignité d’écrivain, à une époque veule, lâche et désordonnée. […] Un style négligé avec correction et intention y, traduit des aveux tels que le xviiie  siècle les eût aimés, mais que notre époque d’hypocrisie romantique les goûtera difficilement.

643. (1888) Poètes et romanciers

C’est à exprimer ce type dans sa pureté que tendra de toutes ses forces la peinture à sa grande époque. […] Chaque époque porte en elle l’humanité tout entière ; elle ne se laisse pas saisir par une formule unique. […] Il resta de cette époque quelques essais de poésies religieuses, l’ébauche d’un poème sur Clovis et un autre sur Jeanne d’Arc. […] Cette sévère sentence n’atteint que le lyrisme artificiel du dix-huitième siècle et de l’époque impériale, le lyrisme de J. […] Ces deux parties ont été composées à deux époques distinctes de la vie de l’auteur et sous des impressions différentes.

644. (1885) L’Art romantique

écrit par la plus puissante plume de cette époque, et qui a pour titre l’Homme des foules ? […] J’ai dit que chaque époque avait son port, son regard et son geste. […] La négation du péché originel ne fut pas pour peu de chose dans l’aveuglement général de cette époque. […] Évidemment, à une époque pleine de duperies, un auteur s’installait en pleine ironie et prouvait qu’il n’était pas dupe. […] Pendant l’époque désordonnée du romantisme, l’époque d’ardente effusion, on faisait souvent usage de cette formule : La poésie du cœur !

645. (1911) Nos directions

A quoi, passé l’époque racinienne, correspondait la pureté dépouillée de l’alexandrin ? […] Chacun d’eux, suivant son époque et son tempérament, réalisa son mode classique personnel. […] Elle satisfera à la fois le spectateur moyen de son époque et toute la postérité lettrée. […] A une époque de culture, Racine naît pour ainsi dire déjà cultivé. […] on ne saurait tolérer la paresse que de l’inspiré de génie : à cette époque, non, M. 

646. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Mais il y a une autre classe d’auteurs, à qui tout profite, même les défauts : ce sont ceux qui, une fois morts, tournent à la légende, qui deviennent types, comme on dit, dont le nom devient pour la postérité le signe abrégé d’une chose, d’une époque, d’un genre. […] À cette époque, faute de civilisation, il n’y avait point encore ces maximes d’honneur et de délicatesse sociale qui nous apprennent à faire la différence entre ce qui est une bassesse et ce qui n’est qu’une espièglerie. […] Campaux qui a veillé et pâli sur cette œuvre gothique bizarre, et qui a pu y saisir un secret et un art de composition qui n’y paraît pas d’abord ; il va même jusqu’à y remarquer trois inspirations bien distinctes et comme trois époques. […] Campaux, mais ici la source première est plus haut que chez Villon : elle est dans saint Bernard et dans d’autres auteurs de la grande époque du Moyen Âge.

647. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

En en lisant le narré exact, on se demande où et comment était née cette longue et assommante torture morale et physique, à quelle époque elle s’était ainsi régularisée, réglementée avec un faste pédantesque, composée qu’elle était en partie d’anciens us et coutumes féodales et, en dernier lieu, d’idolâtrie asiatique, singulier mélange de magnificence, de luxe, de grossièreté et, pour tout dire, de barbarie. […] Et comment, par quelle bizarrerie, par quelle superstition surannée, au nom de quel code mérovingien ou capétien, une cérémonie concevable dans une royauté primitive, à une époque patriarcale, se perpétuait-elle au sein d’une Cour aussi polie que dissolue ? […] Il ne peut certes y avoir qu’un sentiment pour le blâmer d’avoir eu recours à de si odieux, à de si détestables moyens, et on plaint l’époque où ils étaient en usage, à la disposition et sous la main des puissants ; mais ce n’était point précisément pour séduire qu’il les employait : la séduction (si tant est qu’il en ait eu besoin) était fort antérieure ; la liaison datait au moins de deux ans : il y avait sans cesse des brouilles ; la petite fée était un démon que le caprice de l’amour conjugal ressaisissait jusque dans ses infidélités ; et la faiblesse, en ceci, du grand capitaine était simplement de vouloir fixer ce qui s’échappait et reconquérir ce qu’il avait perdu. […] Arthur Dinaux, a pris toute cette affaire avec un surcroît de rigueur et de candeur qui marque bien la différence des époques : il faut lire son article dans les Archives historiques et littéraires du Nord de la France (année 1855, page 95) ; il s’est constitué le champion en titre de la « victime cloîtrée », soutenant même, d’après les dates et la distance des lieux, que dans cette lutte avec le maréchal l’innocence n’avait point dû succomber.

648. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

J’ai vu en tête d’une édition des Lettres portugaises un portrait de M. de Chamilly, devenu maréchal de France, qui représentait bien ce grand et gros homme dont parle Saint-Simon : M. de Chamilly était certes, à cette époque, aussi peu romanesque d’apparence, aussi peu ressemblant au jeune lui-même d’autrefois que dut le paraître le général de Frégeville à M.  […] de Frégeville, après avoir franchement déclaré à son mari que le lien conjugal était rompu , et s’être vue l’objet de sa clémence, habite le Nord pendant quelques années, et ne revient en Suisse, puis à Paris, que vers 1801, à cette époque d’une renaissance sociale universelle. […] Dès cette époque, elle avait l’habitude de mêler Dieu à toutes choses, à celles même auxquelles sans doute il aime le moins à être mêlé. […] Eynard sur cette époque de transition.

649. (1890) L’avenir de la science « II »

La philosophie pure n’a pas exercé d’action bien immédiate sur la marche de l’humanité avant le XVIIIe siècle, et il est beaucoup plus vrai de dire que les époques historiques font les philosophies qu’il ne l’est de dire que les philosophies font les époques. […] Notre époque de passion et d’erreur apparaîtra alors comme la pure barbarie ou comme l’âge capricieux et fantasque qui, chez l’enfant, sépare les charmes du premier âge de la raison de l’homme fait. […] Voyez au contraire, à l’époque d’Auguste, quand le monde ancien commence à se dissoudre, ces aspirations vers l’avenir, si éloquemment exprimées par le poète incomparable dans l’âme duquel les deux mondes s’embrassèrent.

650. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Moins âgé de vingt-quatre ans que La Bruyère et de dix-sept ans que Fénelon, de six ans plus âgé que Saint-Simon, il appartient à cette génération d’écrivains qui étaient faits pour honorer l’époque suivante, et dont les débuts consolèrent le grand règne au déclin. […] Celui-ci sut l’espagnol à une époque où l’on commençait à ne plus le savoir en France, et il y puisa d’autant plus librement comme à une mine encore riche qui redevenait ignorée. […] Gil Blas se publia successivement en quatre volumes, dont les derniers suivirent à des époques assez éloignées. […] Il s’y sentait comme une fraîcheur de jeunesse et une liberté d’allure qui convenait au début d’une époque émancipée.

651. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Mais, en même temps, M. de Broglie est un des esprits les plus originaux de notre époque, un des esprits les plus curieux, les plus compliqués dans leur formation et dans leur mode de pensée. […] Il est assez piquant qu’à une époque le maréchal de Broglie fût commandant en chef des troupes royales réunies autour de Versailles pour intimider l’Assemblée, tandis que son fils poussait au mouvement dans cette même Assemblée. […] Le mariage du duc de Broglie avec la fille de Mme de Staël, en 1816, marque une seconde époque de sa vie intellectuelle. […] Les plus beaux souvenirs de la race humaine se rattachent à ces époques glorieuses où les peuples qui ont civilisé le monde, et qui n’ont point consenti de passer sur cette terre en s’ignorant eux-mêmes, et comme des instruments inertes entre les mains de la Providence, ont brisé leurs fers, attesté leur grandeur morale, et laissé à la postérité de magnifiques exemples de liberté et de vertu.

652. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Pour être juste, n’oublions jamais le point de départ et le but : le point de départ, c’est-à-dire le style abrupt, accidenté, escarpé, de ses ancêtres, d’où il lui fallait descendre à tout prix pour conquérir à lui les masses et déployer ses larges sympathies ; le but, c’est-à-dire l’orateur définitif qui sortit de là et qui domina puissamment son époque dans la plus grande tourmente sociale qui fut jamais. […] Ceux qui ne le jugeaient que par le dehors ont souvent comparé le Mirabeau de cette époque intermédiaire à une grosse éponge qui se gonflait des idées d’autrui et de tout ce qui circulait dans l’atmosphère d’alentour ; et son père, juge sévère, même lorsqu’il était radouci, est revenu souvent sur cette image d’une grosse éponge, à laquelle il compare l’organisation avide de son fils. […] Ne jugeons donc pas ces querelles de races et où, dans le fond, les génies de deux époques étaient aux prises, de notre point de vue domestique et bourgeois d’aujourd’hui. […] On trouve dans les lettres imprimées à Sophie bon nombre de phrases et de passages tirés de cet écrit, et, en général, des divers ouvrages dont Mirabeau s’occupait à cette époque ; et l’on ne saurait s’en étonner.

653. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Mme de Sévigné, qui, en revenant de Provence de chez Mme de Grignan, visitait Cosnac dans son évêché de Valence où il était avant de devenir archevêque d’Aix, écrivait à sa fille, le 6 octobre 1673 : « M. de Valence (Cosnac) m’a envoyé son carrosse avec Montreuil et Le Clair, pour me laisser plus de liberté : j’ai été droit chez le prélat ; il a bien de l’esprit ; nous avons causé une heure ; ses malheurs et votre mérite ont fait les deux principaux points de la conversation. » Ses malheurs ; — en effet, Cosnac, qui n’avait guère que quarante-trois ans à l’époque où Mme de Sévigné en parlait de la sorte, et qui était évêque depuis l’âge de vingt-quatre ans, avait eu jusque-là une vie très active, très intrigante (comme il le dit lui-même, en ne prenant pas le mot en mauvaise part), et très bigarrée. […] Après un scrupuleux examen, il a été reconnu que les deux versions, toutes dissemblables qu’elles peuvent être, sont authentiques, mais elles ont été écrites à des époques différentes. […] Plus vieux, et devenu un archevêque considérable, il se remet à écrire l’histoire de sa vie, mais il en raccourcit les commencements, il ne s’y étend plus avec un détail circonstancié ; il semble considérer comme des enfances tout ce qui se rapporte à cette époque déjà si ancienne, que l’autorité toute-puissante de Louis XIV avait presque réduite à l’état d’histoire fabuleuse et mythologique. […] À l’époque où Cosnac le connut d’abord, Mme de Longueville disposait de son frère à sa volonté ; elle excitait ou apaisait d’un mot sa colère et réveillait son affection, qui n’était pas celle d’un frère pour une sœur, mais bien d’un amant jaloux et soumis pour une impérieuse maîtresse.

654. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Ces ruines, qui ne paraissent pas remonter à une très haute antiquité, et qui datent surtout de l’époque romaine, étaient dans ce demi-état de conservation et de désordre qui plaît à la rêverie et qui prête à la perspective. […] Lui, ou son orateur du groupe des sages, dira sans rire après une explication théorique des plus hasardées : « Telle est la chaîne des idées que l’esprit humain avait déjà parcourue à une époque antérieure aux récits positifs de l’histoire. » Qu’en sait-il ? […] À l’époque où Volney publia cette première partie, restée la seule, il était malade, découragé, et il aurait eu peu de liberté pour discuter les questions politiques qui devaient fournir la seconde partie du tableau. […] À l’époque du Concordat, Volney sentit le vieil homme, l’homme des Ruines, se soulever en lui, et il le laissa voir avec aigreur.

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