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58. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — I » pp. 93-106

M. de Tocqueville, qui n’avait guère jamais lu un livre qu’en creusant et en méditant, n’avait pas assez lu au hasard et en butinant. […] La relation, Quinze jours au désert, qu’on a pu lire dans un des derniers numéros de la Revue des deux mondes, nous montre un Tocqueville simple voyageur, chevauchant à côté de son ami Gustave de Beaumont, cherchant presque les aventures, et nous racontant ses impressions vives et sérieuses, aux limites extrêmes de la colonisation, à travers une forêt vierge. […] Le style s’y anime et se rehausse de figures ; on croirait lire deux chapitres de considérations de Montesquieu s’appliquant à notre histoire. […] Entre tout lire et ne rien lire dans cette immense littérature de la Révolution, quel parti prendre, se demande-t-il, à quel point intermédiaire s’arrêter ? […] Cependant comme, même chez les peuples qui lisent le moins, ce sont après tout certaines idées, souvent même certaines idées très abstraites qui, au fond, finissent par mener la société, il peut toujours y avoir quelque utilité éloignée à répandre celles-ci dans l’air.

59. (1864) De la critique littéraire pp. 1-13

S’ils me lisent, je suis perdu ; « haro sur le baudet ! » Mais ils ne me liront pas, je l’espère ; mon obscurité me rend un peu de confiance. […] Nous pourrions juger par nous-mêmes et sans aide les ouvrages que nous lisons ? […] Combien j’ai lu de dithyrambes critiques que les auteurs refroidis voudraient n’avoir jamais écrits ! […] J’ai lu beaucoup de ces volumes où je n’ai pas trouvé le même avantage, sans en être fort dédommagé par l’agrément qu’ils m’ont procuré.

60. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Maurice Bouchor et ses amis ont entrepris de lire les œuvres les plus connues de la littérature française. […] Il y a cent ans, ce peuple, excité par le Tiers et les philosophes, fit la Révolution Française, mais ne lisait guère. […] J’ai lu ainsi Erckmann-Chatrian, Eugène Sue, Dumas le père, Victor Hugo. J’ai lu aussi d’autres écrivains ; ma mémoire n’a retenu ni leurs noms ni leurs œuvres. […] Nous avons multiplié les écoles, diminué le nombre des illettrés ; mais nous n’avons pas songé à ce que lirait le peuple, quand il saurait lire.

61. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Et ces Messieurs qui liront cette troisième lettre, comme ils viennent de lire la première ! […] Nous lisons passablement M.  […] Sainte-Beuve et vous avez lu Volupté. […] Je lirai un peu moins ce que fait aujourd’hui M.  […] Muret (l’auteur de sept ou huit volumes que je n’ai pas lus, et d’un feuilleton que j’ai lu), sont les individus que je n’ai fait qu’entrevoir ou dont on m’a parlé.

62. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VIII »

C’est le prédécesseur, sinon le maître, de Chateaubriand, qui le lisait sans cesse. « Chateaubriand, avons-nous dit, s’est formé par l’assimilation de Bernardin de Saint-Pierre, en étendant, en repétrissant, en poussant la description de Paul et Virginie des Etudes et des Voyages. […] On leur pardonnerait ces boutades de mauvais goût, s’ils étaient bons critiques : le talent excuse tout ; mais il suffit de les lire pour voir qu’ils sont sans excuse.‌ […] Après l’énorme succès des Bergeries, au commencement du dix-septième siècle, après la vogue de l’Astrée, quelles sont les œuvres qui furent le plus lues et dont la popularité exaspérait Boileau ? […] A bout d’arguments, on finit par m’accuser de n’avoir pas lu Télémaque, et on se demande même si j’ai lu les Dialogues sur l’éloquence. […] Pour la question des qui et des que, je me suis expliqué là-dessus, et on n’a qu’à lire certains chapitres du présent volume.

63. (1799) Dialogue entre la Poésie et la Philosophie [posth.]

Je me souviens même d’avoir lu, il n’y a pas bien longtemps, une pièce de vers qui aurait réconcilié Platon même avec la poésie. […] Avouez cependant que vous ne lisez guère de vers ? […] J’en ai beaucoup lu autrefois, mais j’y ai été tant attrapée, que je ne m’y expose presque plus. […] Après cela faites-moi dire, si vous l’osez, que nos bons poètes ne méritent pas d’être lus. […] Leur prose même mérite beaucoup moins d’être lue que leurs vers.

64. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Jeune, il avait entrevu Mme de Staël ; il avait vu, dans son séjour à Francfort, nos voyageurs philosophes qui allaient à la recherche d’idées à travers l’Allemagne12 ; il lisait tous les livres imprimés ici, et, dans les tout derniers temps de sa vie, il en lut un de M.  […] Deschanel en Belgique, laborieux, courageux, faisant des cours publics, des conférences, et publiant de petits livres fort agréables et fort lus. […] Deschanel et y lire un très bon chapitre sur Molière, une suite de chapitres sur Christophe Colomb, une belle page sur Voltaire. […] Si vous avez un enfant, ne la lisez que quand il dormira. […] — Quant à l’Imitation, je l’ai beaucoup lue et goûtée, mais il ne nuirait nullement à mon amour pour cet admirable petit livre de savoir quand, comment il est né, dans quelle cellule, sous quelle lampe du soir ou quelle étoile du malin.

65. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Il ne savait pas encore ses lettres que, lorsqu’il entendait quelqu’un lire une histoire dans un livre, il se figurait le bonheur qu’il aurait s’il pouvait bientôt la lire lui-même. […] L’abbé d’Olivet a fait à son sujet un petit calcul, d’où il résulterait que, de tous les hommes qui ont existé jusqu’ici, c’est Huet qui a peut-être le plus lu. […] cet homme qui avait le plus lu, qui avait, comme particulier, la plus vaste bibliothèque qu’on pût voir et à laquelle il tenait tant, savez-vous ce qu’il pensait des livres ? […] Quand on vient de lire le traité de Huet sur la Faiblesse de l’esprit humain, il semble qu’on n’ait qu’à tourner le feuillet pour lire la pièce de Voltaire sur les Systèmes, ou son admirable lettre à M.  […] Cet homme décidément avait trop lu.

66. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

La pièce fut lue. […] Ce n’était pas encourageant de lire à Sainville. […] C’est le Bourreau des Crânes que vous me lisez là ! […] Les cinq actes terminés dans l’été de 1857, nous les lisions à nos amis au mois d’octobre. […] La pièce a été lue sous le titre de Mademoiselle de la Rochedragon.

67. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

Il ne les a pas lus. […] Je lisais l’autre jour dans Le Gaulois un article assez curieux. […] Mais peu de Français savent lire mieux que Tolstoï. […] Julien Viaud, qui avoue à l’Académie ne jamais lire que les coupures de L’Argus de la Presse. […] En une époque où, par la décadence des études d’adolescence et la désuétude de lire, cet amateur est rare, l’écrivain lui-même semble précieux.

68. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

Je trouve Zadig et Candide, que nous avons tous lus, messieurs (tous ceux du moins qui ont eu le loisir de lire), deux romans philosophiques qui ont paru à beaucoup de bons esprits les productions d’une raison charmante encore, lors même qu’elle est le plus amère. […] Ce sont livres, croyez-moi, qui ne veulent pas être lus et jugés en habit brodé, messieurs les sénateurs, pas plus que Rabelais. […] J’ai beaucoup lu et médité les écrits du prisonnier de Ham, et il m’a été impossible de ne pas reconnaître en loi un socialiste éminent. […] On veut de nos jours que tout le monde sache lire. […] Mais est-ce que vous croyez que vous allez tailler au peuple ses lectures, lui mesurer ses bouchées, lui dire : Tu liras ceci et tu ne liras pas cela ?

69. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — L’orthographe, et la prononciation. » pp. 110-124

Le projet de ces hommes systêmatiques étoit de rendre notre langue plus belle, plus facile à lire &, surtout, à apprendre. […] La sienne étoit si singulière, que personne ne put lire ses ouvrages, & qu’il avoit de la peine à se lire lui-même. […] Un homme en place fut obligé, pour pouvoir le lire, de le faire copier suivant l’usage accoutumé. […] Comme l’auteur se doutoit bien de la peine qu’on auroit à le lire, il eut l’attention de faire écrire souvent, dans une même page, les mêmes mots suivant l’usage ordinaire, & suivant ses nouvelles idées. […] On voit assez de François, de femmes même, qui le lisent & l’entendent ; mais très-peu qui le parlent, & qui soient en état de suivre une conversation angloise.

70. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Swift »

Très inférieur à Daniel de Foe par le génie, Swift a cette ressemblance avec Daniel de Foe qu’il n’est guères célèbre maintenant que par son Voyage en Lilliput, comme Daniel par son Robinson Crusoé ; mais, comme Foe, il n’a pas laissé sous les yeux indifférents des hommes qui ne lisent point un tas de chefs-d’œuvre : les Mémoires du capitaine Carleton, la Vie de Roxane, l’Histoire d’un cavalier, le Colonel Jacques, l’Histoire politique du Diable, etc., etc. […] La postérité, affirme-t-il, ne lira pas la plupart des œuvres de Swift. Elle ne lira pas ses fameuses Lettres d’un drapier, — ces lettres qui turent de l’O’Connell écrit cent ans avant qu’O’Connell fût du Swift parlé aux masses soulevées de l’Irlande ; elle ne lira pas davantage ce Conte du tonneau, qui est du Rabelais anglaisé, qui est à Rabelais, le gigantesque bouffon aux entrailles si humaines, ce que sont les six pouces d’un habitant de Lilliput à la taille proportionnée d’un homme ; mais elle lira Gulliver. Eh bien, nous qui n’avons pas les préjugés anglais de sir Walter Scott sur un écrivain encore tout à l’heure réputé grand dans son pays, nous ne craignons pas d’avancer qu’on ne lira pas Gulliver davantage, par la raison que c’est un livre dont il rie restera absolument rien quand la clef des allusions sur lesquelles il est bâti sera perdue. […] Pour être poète, dit le terrible et opiniâtre railleur, qui ne se déferre jamais de sa plaisanterie effrayante de vulgarité, il faut d’abord « ne pas croire à Dieu et lire la Bible pour y prendre des métaphores ; — ne rien savoir, puisque les plus beaux génies de ce temps n’ont pas, en connaissances, de quoi couvrir une pièce de six pence au fond d’une cuvette ; — traiter tous les auteurs comme des homards, dont on choisit le meilleur dans la queue et dont on rejette le reste au plat ; — avoir toutes prêtes des comparaisons comme le cordonnier a ses formes ».

71. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

Si vous n’avez pas lu dans votre jeunesse les Mœurs des Israélites, par l’Abbé Fleuri, vous ferez très-bien de les lire avant que de terminer l’Histoire sacrée & vous devriez même commencer par-là. […] Quoique cet ouvrage soit bon & assez bien fait, on aime mieux lire l’Abrégé de l’histoire & de la morale de l’ancien Testament par M. […] Ceux qui voudront connoître ces hérétiques pourront lire l’histoire que le P. […] Héliot en parle avec assez d’étendue ; mais son ouvrage ne vous dispensera point de lire l’Histoire des Chevaliers de St. […] Baillet n’étant guéres propre pour l’usage journalier, nous citerons ici celles qui sont lues ordinairement dans les familles chrétiennes.

72. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 334-336

Quiconque voudra éprouver les impressions touchantes qui résultent de l’heureux accord de la Religion & de l’humanité, des talens & des vertus, n’a qu’à lire les Ouvrages de ce saint Prélat. […] Qu’on les lise donc, si l’on veut juger sainement du véritable esprit du Christianisme, & des devoirs de la tendre & solide piété. Qu’on les lise, à l’exemple de l’illustre Archevêque de Cambrai, pour acquérir cet amour de la vertu, inséparable de celui de la Religion, ce naturel, ce ton de candeur, cet air de sérénité, si rares dans tous les Ecrits, & destinés cependant à en être le plus doux charme. Qu’on les lise, & on apprendra à connoître la solide gloire, & l’usage qu’on doit faire des talens.

73. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

je l’ai bien écrit, mais il ne l’a pas lu ! […] J’en ai quitté de lire. […] J’ai demandé Notre-Dame de Paris, que jusqu’ici je n’avais pas voulu lire. Pourquoi le lirai-je à présent ? […] Je n’ai pas lu encore sa Notre-Dame, avec l’envie de la lire.

74. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

Elle lisait de tout, histoire, morale, romans, philosophie, idéologie, théologie même, et, sans faire la savante, elle jugeait aussi de tout dans une mesure très-raisonnable. […] Il ne m’est plus possible que de lire les ouvrages de notre ami, qui a laissé beaucoup de manuscrits pour l’impression. […] Mes journées étaient toujours trop courtes, je lisais au moins sept ou huit heures ; à présent je ne puis plus ouvrir un livre. […] Revenue à la maison, la comtesse, après le déjeuner, allait dans sa bibliothèque et y lisait : c’était sa dernière passion. […] On peut lire quelques détails sur Fabre et Mme d’Albany dans les Souvenirs de soixante années de M. 

75. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Il commence dans l’introduction par se demander sérieusement, sincèrement, et avec une inquiétude presque naïve, s’il est permis d’écrire et de lire l’histoire, particulièrement celle de son temps. […] Mais qu’on lise, aussitôt après l’introduction, les quatre ou cinq pages qui terminent son dernier volume, sous le titre de « Conclusion » ; il s’y rend justice hardiment, en même temps qu’il y glisse un mea culpa sincère. […] Voilà l’honnête homme dans Saint-Simon, et avec les restrictions qu’on vient de lire, la part faite des préventions et des antipathies invincibles, rien dans ce qu’il a écrit ne le dément. […] En disant qu’il suffisait d’avoir des yeux pour lire toutes ces diversités d’intérêts sur les visages, Saint-Simon prête aux autres quelque chose de sa propre sagacité. […] Autrement, s’il était donné à tous de lire si aisément dans les cœurs et de pénétrer les motifs cachés, la plupart des liaisons, des amitiés, et la sûreté même du commerce social, y périraient.

76. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

À côté de Montesquieu j’ai voulu lire du Machiavel : c’en est la vraie réfutation, ou du moins la vraie correction. […] C’est de ce même Esprit des lois que le studieux Gibbon disait, en parlant de ses lectures : « Je lisais Grotius et Pufendorf ; … je lisais Barbeyrac ; … je lisais Locke et ses traités ; … mais mes délices, c’était de lire et de relire Montesquieu, dont l’énergie de style et les hardiesses d’hypothèses furent si puissantes pour éveiller et stimuler le génie du siècle. » Et Horace Walpole, parlant de l’ouvrage dans sa nouveauté, écrivait de même : « Je le considère comme le meilleur livre qui ait jamais été écrit, — au moins je n’ai jamais appris la moitié autant de tout ce que j’ai jamais lu. […] Bien loin en cela de Jean-Jacques, il voulait que chacun, après l’avoir lu, eût « de nouvelles raisons pour aimer ses devoirs, son prince, sa patrie, ses lois » ; et pourtant il ne s’est nulle part inquiété du résultat de la comparaison qu’il présentait aux imaginations de ses compatriotes. […] Il semble aussi, dans ce feu roulant d’images, qu’on lise du Montaigne. […] Dupin dit, dans sa préface, que, dès que L’Esprit des lois parut, deux de ses amis et lui se mirent à le lire en l’examinant ; il ajoute que ce n’est pas pour le public qu’on a fait imprimer ces Observations, qu’on ne les destine qu’à un certain nombre d’amis, et que pour cette raison on n’a tiré l’édition qu’à un petit nombre d’exemplaires.

77. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « FLÉCHIER (Mémoires sur les Grands-Jours tenus à Clermont en 1665-1666, publiés par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont.) » pp. 104-118

Nous tenons donc une œuvre de Fléchier qu’on va lire, lire avec le plaisir qui s’attache aux choses familières et vraies, observées par un esprit délicat et fin, racontées par une plume rare. […] Gonod nous donne à lire aujourd’hui. […] Fléchier a dit cela au sujet de Camus, évêque de Belley, qu’il lisait beaucoup ; il comparait son style spirituel et folâtre à une source abondante et mal ménagée dont le bon prélat s’amusait à faire des jets d’eau, tandis qu’on en aurait pu faire un canal charmant et utile. […] C’est par erreur qu’il est dit, page 7, que cette demoiselle, au moment où Fléchier la voit, est âgée d’environ vingt-deux ans ; toute la suite montre que c’est vingt-six ans qu’il faut lire. Je veux prouver au savant éditeur que j’ai lu en toute conscience.

78. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

On peut les lire dans les bibliothèques. […] Virgile n’est qu’un académicien accompli de Rome, qu’on peut lire dans les académies et dans les collèges. Horace n’est qu’un voluptueux insouciant, un Saint-Évremond romain, qu’on peut lire à table. […] Le Tasse n’est qu’un poète de fantaisie et d’aventures amoureuses, qu’on peut lire à la cour pour se donner des fêtes d’esprit. […] Si on lit dans le sépulcre et dans l’éternité, soyez sûrs qu’on y lira ce livre.

79. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

On croit lire Fénelon, moins les utopies chimériques du Télémaque. […] Lisez-le tout entier : c’est Cicéron dieu après Cicéron homme ; la pensée humaine ne monte pas plus haut. […] Je les reconnais tels que je les ai lus souvent dans le Marius. […] « Volontiers : c’est un lieu où je me plais, quand je veux méditer, lire ou écrire quelque chose. […] Lisez les dernières lignes attendries de ce livre, adressé à l’ombre de son fils, mort avant lui.

80. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Lisez cela. […] Lisez-le. […] Lisez-le. […] Que lisait-il ? […] Je lus.

81. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Les comprendre et les lire est déjà une grande et noble chose, et l’acte le plus accompli de l’entendement. […] J’assistais, le lundi 20 décembre 1852, à la séance de l’Institut dans laquelle on lut la biographie de Gay-Lussac, la dernière qu’ait écrite ou dictée M.  […] Lorsqu’il lisait dans les séances publiques de l’Institut ces éloges ou plutôt des portions de ces énormes assemblages biographiques (car lire le tout eût été impossible), l’auditoire était souvent fatigué, impatienté ; pourtant on écoutait toujours : il y avait dans la manière de M.  […] Il me semble que lorsqu’on vient de lire chez M.  […] Je laisse parler M. de La Rive : — « Eh bien, me dit-il dès que je fus entré, je suis sûr que vous avez déjà lu cet article à Genève et que vous me donnez tort ? 

82. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

À supposer qu’une œuvre romanesque puisse être lue par tout le monde, est-ce là une supériorité ou un simple accident ? […] Le roman que les lettres ci-dessus exigent et proclament familial ne sera sûrement pas lu par le chef de la famille ; la mère ne le parcourra qu’avec cette préoccupation : « Est-il lisible pour mes filles ?  […] Il y en a très peu qui se soient proposé, délibérément, de laisser à ceux qui les lisent une impression finale contraire à la morale. […] Qu’on n’aille pas la restreindre, sous prétexte que des enfants de quinze ans liront peut-être ses œuvres ! […] Oublions pour un instant la manière dont sont lus la plupart des romans, prêtés un jour, rendus le lendemain, dévorés par des yeux souvent jolis, mais qui ne savent pas lire, qui ne savent que suivre un héros à travers les pages d’un livre, comme un passant qui s’éloigne sur le sable d’une promenade.

83. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Il lui fit lire les auteurs espagnols. Lesage les lut avec un goût formé par Molière. […] Lesage est lu partout. […] Quel roman ne vaut pas mieux que Virgile lu dans une traduction ? […] Nous voilà bien avertis qu’il ne faut pas lire de tels livres avec l’esprit tout seul.

84. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

On s’est avisé d’imprimer et d’éditer le catalogue — et même plusieurs catalogues — des livres que Marie-Antoinette avait dans ses bibliothèques, soit à Versailles, soit au Petit-Trianon, livres qu’elle lisait ou qu’elle ne lisait pas, et l’on a raisonné là-dessus à perte de vue ; on a voulu tirer ou du moins insinuer des conséquences : frivolité, et plus que frivolité, galanterie, que sais-je ? […] La vérité est que Marie-Antoinette lisait peu, qu’elle devait en avoir très peu le temps, et que dans ses courts intervalles de loisir, si elle en avait, elle n’allait pas apparemment ouvrir des livres qui l’auraient ennuyée. […] Elle avait lu Vert-Vert et n’avait pas lu Montesquieu. […] Et puis, le bibliothécaire, l’abbé de Vermond, avait aussi sans doute, ses goûts particuliers, et ce que M. l’abbé avait envie de lire, il le faisait acheter à la reine. […] il y a peu de gens qui sachent lire.

85. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Les grands ouvrages écrits en langue étrangère ne sont véritablement lus que quand ils sont traduits. Les érudits se passent de traductions et les dédaignent : ils lisent les originaux, et, s’ils étaient sincères, la plupart avoueraient que bien souvent ils les consultent encore plus qu’ils ne les lisent. […] Il se borne donc, lui qui a tout lu des Grecs, à nous représenter et à nous résumer les différentes versions auxquelles se complaisait cette Grèce mensongère, brodant et rebrodant à souhait sur ces premières époques où la fable se présente comme inextricablement mêlée à quelques traces insaisissables de vérité. […] Il résultait de là, selon Wolf, que les poëmes d’Homère, tels qu’ils existaient d’abord à l’état homérique primitif, étaient et devaient être tout ce qu’il y a de plus différent des poëmes d’un Apollonius de Rhodes, d’un Virgile, d’un Milton, de tout autre poëte épique destiné à être lu ; qu’ils flottaient épars, comme des membres vivants, dans une atmosphère créatrice et imprégnée de germes de poésie ; mais que, tels que nous les avons et les lisons aujourd’hui, ils ne datent guère que de l’époque de Solon et surtout de Pisistrate, lorsque, le souffle général venant à cesser et l’écriture étant en usage, on sentit le besoin de recueillir cette richesse publique, cet héritage des temps légendaires, d’en faire en quelque sorte l’inventaire total et d’y mettre un ordre, un lien, avant qu’ils eussent couru les chances de se perdre et de se dissiper. […] Malgré tout, l’Iliade, non pas lue comme la lisait Ronsard, en trois jours, avec ce degré de chaleur et d’intérêt qui s’attache à une lecture plus ou moins courante, mais examinée et relue avec des yeux ennemis, avec des yeux de critique, armés du microscope, l’Iliade laisse voir bien des contradictions, en effet, des disparates, des hors d’œuvre, des superfétations, des sutures plus ou moins habiles.

86. (1860) Ceci n’est pas un livre « À M. Henri Tolra » pp. 1-4

Que cet ouvrage sérieux ait la fortune rare d’être lu jusqu’au bout, il est aussi promptement oublié qu’un article de journal… Et voilà pourquoi les romanciers sont devenus des journalistes. […] On n’oublie que ce qu’on a lu, dirait un observateur hardi. Et me lira-t-on jamais ? Te dédier ces pages, mon ami, c’est m’assurer contre cette éventualité fâcheuse : tu me liras, ne serait-ce que pour m’accuser réception.

87. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Quelqu’un le prit et en lut à haute voix le titre : le Décadent, en se moquant. […] Je voudrais tant lire Des vers de Baju ! […] pessimistes et schopenhauriens (or je vous annonce, pour peu que vous y teniez, que je n’ai jamais, pour ma part, lu une ligne du, paraît-il, décourageant Épicure teuton). […] « Cette fois, pouvait-on lire, la roue a tourné Mensonges. […] On lisait en note : « Aux bureaux du Décadent ».

88. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

Gustave Michaut, dans un autre livre qui va paraître lui aussi et que j’ai lu pareillement, puisque M.  […] Nous savons aussi — le témoignage n’est pas autrement certain, mais enfin nous savons aussi que peut-être  j’ajoute peut-être — que peut-être dès cette époque il lisait l’Astrée, et qu’il la lisait sans doute à l’école de Saint-Magloire. A l’école des Oratoriens de Saint-Magloire, il lisait l’Astrée, qu’il a toujours adorée depuis son enfance jusqu’à sa vieillesse : Etant petit garçon, je lisais son roman, Et je le lis encore ayant la barbe grise… La citation était inévitable. […] Il y eut une académie à Château-Thierry, c’est-à-dire une compagnie, une réunion de beaux esprits qui lisaient de beaux ouvrages, qui essayaient d’en composer quelques-uns, qui se lisaient réciproquement leurs vers et qui jugeaient les vers d’autrui, etc., enfin une académie. […] Je n’ai pas le temps de vous lire cet éloge.

89. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Essai, sur, les études en Russie » pp. 419-428

Les premières écoles sont les basses, les écoles à lire, à écrire et à compter. […] On envoie d’abord les enfants à l’école à lire. […] Quand un enfant sait parfaitement lire, on l’envoie à l’école à écrire et à compter. […] Ces basses écoles sont pour le peuple en général, parce que, depuis le premier ministre jusqu’au dernier paysan, il est bon que chacun sache lire, écrire et compter. […] Je ne m’arrête pas beaucoup au grief de la noblesse ; peut-être se réduit-il à dire qu’un paysan qui sait lire et écrire est plus malaisé à opprimer qu’un autre.

90. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

Nous fûmes tous les quatre au grand jardin où elle accepta un lis de ma main. […] Ampère la lisait à Lyon dans un esprit semblable. […] On y lisait à haute voix le traité de Lavoisier, et M.  […] Celui-ci le présenta à l’Institut, et le fit lire à M. de Laplace. […] Que tes lettres sont douces à lire !

91. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

En chemin, le lecteur de nous deux, pris d’un barbouillement de cœur qui lui fait l’affreuse peur de ne pouvoir lire. […] Et parfaitement froid, parfaitement maître de mes effets, aussi calme que si je lisais dans ma chambre, avec un parfait et supérieur sentiment de mépris pour ceux qui m’écoutent, je lis posément, pendant que Coquelin, dessinant des caricatures, pousse le coude de Bressant pour les lui faire regarder. […] Nous rentrons, nous lisons ces pages qui nous touchent en plein cœur de notre fraternité, et des larmes dans la gorge arrêtent notre lecture. […] Nous venons de lire les vingt volumes de l’Histoire de ma vie. […] dit bonnement Gautier, ça a si peu d’importance… les articles… Puis tu m’as assez lu… avec moi, il faut lire entre les lignes.

92. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Il est vrai que dans ces deux lettres madame de Sévigné marque une préférence décidée pour Corneille sur Racine ; mais celait à une époque où celui-ci n’avait pas encore fait ni son Iphigénie, que Voltaire regardait comme son chef-d’œuvre, ni Phèdre, ni Athalie ; Voltaire a lu ces deux lettres et n’a probablement pas lu toutes celles où madame de Sévigné parle du déclin de Corneille et des progrès de Racine. […] Il n’avait pas lu ce qu’elle dit de Mithridate : « C’est une pièce charmante, on y est dans une continuelle admiration ; on la voit trente fois, et on la trouve plus belle la trentième que la première. » Il n’avait pas lu enfin ce qu’elle dit d’Esther, ni remarqué ce sentiment profond des beautés nouvelles que Racine avait puisées dans l’histoire sainte, ni le pressentiment qu’elle conçut d’une pièce du même genre encore plus parfaite, pressentiment qui fut réalisé par Athalie. […] Quand on a lu avec intérêt les lettres de madame de Sévigné, on peut concevoir que quelque chose rem péchait de se laisser aller au pathétique des premiers ouvrages de Racine, excepté à celui d’Andromaque. […] La Champmeslé y aurait fait mal au cœur. » Si Voltaire avait eu le loisir de lire madame de Sévigné, avec l’application qu’on est en droit d’exiger d’écrivains moins occupés qui parlent d’elle, il aurait vu que les préventions de cette femme illustre, préventions qui n’ont pas été jusqu’à méconnaître le mérite de Racine et à lui préférer Pradon, tenaient à un principe moral d’une nature fort supérieure aux préceptes du goût en littérature. […] Soyons certains que quand madame de Sévigné ménageait à son ami le cardinal de Retz la lecture de la sa lire de Boileau, elle en avait d’avance la clef, et savait à qui le poète consentait (tout au moins) qu’on appliquât les traits de sa satire.

93. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Né le 8 juillet 1624, à Château-Thierry, en Champagne, d’un père maître des eaux et forêts, Jean de La Fontaine paraît n’avoir reçu d’abord qu’une éducation assez négligée ; jeune, il étudiait selon les rencontres et lisait à l’aventure ce qui lui tombait sous la main. […] Une ode de Malherbe qu’il entendit réciter lui révéla, dit-on, son talent poétique ; il lut nos vieux auteurs, il exprima le suc de Rabelais, il emprunta de Marot son tour, il aima dans Racan un maître ou plutôt un frère en rêverie, et y apprit les élévations de pensée mêlées aux nonchalances. […] Quand on a lu le Roman de Renart et les fabliaux du Moyen Âge, on comprend que déjà La Fontaine est là tout entier, et en quel sens on peut dire qu’il est notre Homère. […] Il avait lu çà et là tous ces apologues et toutes ces fables dans les livres de seconde main où les sujets avaient passé, dans les auteurs du xvie  siècle, chez les Italiens ou ailleurs ; car il en lisait de tous bords. […] Ésope, Babrius ou Phèdre ont pu y exceller ; ce n’est pas moi qui, les ayant lus, irai les relire.

94. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Ce miroir, c’était un de ces livres dont elle faisait sa lecture ordinaire pendant que nous courions dans les prés ou dans les bois, car tous les livres au fond ne sont que des miroirs : celui qui ne sait pas lire ne voit qu’un monde ; celui qui sait lire en voit deux. […] je vais lire, dit-elle. […] » Et nous ajournâmes, tout étonnés, au lendemain la lecture de ce livre délicieux, où il nous semblait nous lire nous-mêmes. […] » Puis elle nous lut ces vers du troisième chant, prononcés par Nestor quand Mentor et Télémaque veulent se retirer le soir. […] Nous lûmes ainsi jusqu’à la fin du sixième chant les aventures d’Ulysse.

95. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Son but n’est pas d’être lu, mais d’insérer une pierre dans le grand édifice. […] Peut-être a-t-il consigné ses recherches dans de gros volumes, que ceux-là seuls liront qui parcourent la même route spéciale que lui. […] On lira peu les auteurs de notre siècle ; mais, qu’ils s’en consolent, on en parlera beaucoup dans l’histoire de l’esprit humain. Les monographes les liront et feront sur eux de curieuses thèses, comme nous en faisons sur d’Urfé, sur La Boétie, sur Bodin, etc. Nous n’en faisons pas sur Racine et Corneille ; car ceux-là sont lus encore, et l’on ne décrit guère que les livres qu’on ne lit plus.

96. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Necker, qui est à la fois moins rebattue et moins épineuse : c’est de le lire comme un auteur qui, ayant beaucoup écrit, a beaucoup parlé de lui et qui s’est peint immanquablement lui-même. […] Je n’insisterai pas sur cet écrit dont Mme Du Deffand disait : « J’ai lu quelques chapitres de M. Necker, j’ai trouvé que c’était un casse-tête » ; et dont Voltaire écrivait dans le même temps : « Vous qui parlez, avez-vous lu le livre de Necker, et si vous l’avez lu, l’avez-vous entendu tout courant ?  […] Necker pour ses ministères, se réconcilieraient avec lui, s’ils lisaient ce piquant essai où un homme réputé grave se montre aussi fin persifleur que pouvait l’être Rulhière. […] Ceux qui seraient curieux de lire en entier ce petit chapitre le trouveront au tome XV des Œuvres de M. 

97. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres portugaises » pp. 41-51

On les lut d’abord sous le manteau et manuscrites, avec les frémissements d’une curiosité infinie. On les lut comme on lisait celles de madame de Sévigné, — comme on lut aussi ces autres Petites Lettres de Louis Montalte, ce pseudonyme bientôt mis en pièces par le puissant nom de Pascal, qui passa brusquement à travers ! […] Elle vivait au loin, dans son pays, au fond du cloître qu’elle avait souillé, et à peine si ceux qui lisaient ses lettres en France savaient son nom étranger. […] Même avant d’avoir lu une ligne de ces lettres, où l’enfer doit brûler par avance, ne vous attendez-vous pas à des luttes sans fin entre l’amour, le remords, l’épouvante ?

98. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XV. Les jeunes maîtres du roman : Paul Hervieu, Alfred Capus, Jules Renard » pp. 181-195

Les choses allaient plus correctement aux temps où quelques milliers d’amateurs savaient lire et composaient tout le public. […] J’ai lu sans prendre de notes, et ne puis citer de mémoire un passage justificatif de cette critique, mais je le ferais au besoin. […] On ne songe pas, il ne lire que ses petits dialogues, en elzévir serré, qu’il est un romancier d’humanité large et touchante. […] C’est un récit que n’avions-nous pas lu, en substituant Pierre à Paul et Foley à Delpit. […] Prenez-en un, lisez-le de près, cherchez à enlever une phrase, à changer un mot : c’est impossible.

99. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXIV. Conférence sur la conférence » pp. 291-305

Analyser les pièces du programme, en lire les fragments essentiels, souligner les passages typiques, avec gentillesse pour en montrer la valeur, comme le voisin complaisant qui vous tire par le coude aux bons endroits, ou avec malveillance pour vous en insinuer le ridicule, ce ridicule inséparable de toute beauté un peu neuve ? […] C’est le jeu tout chaud des opinions diverses, l’échange rapide, vivant, des objections et des répliques ; mais si l’on est seul à parler contre tous qui écoutent, est-il pas plus pratique que l’un imprime à son heure ce que les autres liront à leur loisir ? […] Sans doute il est déjà flatteur d’être imprimé, mais qui est imprimé n’est pas nécessairement lu, et l’esthète qui écrit de littérature au Courrier du Soir, par exemple, ou à La Presse, se peut froisser à la longue de constater qu’on n’achète sa feuille que pour y lire les résultats du sport et les derniers cours de la Petite Bourse, et peut éprouver l’incompressible besoin de confier à une centaine de personnes, dûment enfermées et obligées d’écouter la conception personnelle et distinguée qu’il s’est faite du théâtre de Victor Hugo ou de la musique de Verdi. […] Pourquoi beaucoup vont-ils à la conférence plus volontiers qu’ils ne se rendent au théâtre ou qu’ils ne restent à lire chez eux ? […] Catulle Mendès, morceaux certes d’élévation, nourris de souvenirs amusants et à qui ne manquent point les hauts points de vue, ont beau n’être que les coupures de ses livres de critique et d’histoire musicale, quand il les lit lui-même on l’acclame ; mais tout seul, auprès de son feu, on ne songerait pas à les lire, parce qu’on ne lit pas, parce qu’on est trop paresseux.

100. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Je n’en suis pas sortie ; tout mon temps s’est passé à coudre un peu, à lire, puis à réfléchir. […] le beau rayon de lune qui vient de tomber sur l’évangile que je lisais !  […] J’aimerais à les voir faire et à écouter le merle qui chante dans la haie du ruisseau ; mais je veux lire. « C’est Massillon que je lis depuis que nous sommes en carême. […] J’ai voulu lire, écrire, prier, tout cela n’a duré qu’un moment ; la prière même me lasse.

101. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Au reste, lorsqu’elle s’échappa à faire des vers, elle n’avait rien lu, rien. […] Il m’est bien clair, quand je tiens ce volume-là, de cette date, qu’elle n’avait pu lire encore Lamartine, dont les Méditations ne paraissaient qu’au moment même. […] Elle lisait aussi Pascal, dont les Pensées occupaient fort en ces années la critique littéraire. […] Il faut lire, dans le roman de l’Atelier d’un Peintre, le chapitre intitulé le Nid d’Hirondelles. […] Je lis à ce propos dans une lettre du peintre Coignet à Mme Valmore (Saint-Chamond, 12 août 1843) : « Nous lisions, il y a quelque temps, un article de Sainte-Beuve, destiné à servir de préface à vos Poésies.

102. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

Faire l’histoire comme j’aime à la lire, voilà tout mon système d’écrivain. […] J’y remarque surtout des théories sociales du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau ; il faut lire ces pages avec une extrême précaution de jugement. […] Qu’on en lise cependant le début : on y sent d’avance l’inflexibilité du jugement définitif. […] Qu’on lise. […] Lisez ici l’explication de ma pensée historique.

103. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

C’est cette lettre qu’on va lire : « Décembre 1862. […] Je Fai lue hier soir, et je la relis ce matin. […] Il lisait Byron, soyez en sur, bien moins dans le texte anglais que dans ses propres sentiments à lui et dans son âme. […] Il causait avec Henri Heine à la rencontre bien plus qu’il ne le lisait. […] Il n’était guère pour moi qu’un lecteur ; sa modestie lui interdisait presque toute remarque à l’occasion de ce qu’il lisait.

104. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

bien, je lirai ce soir du Chateaubriand. » Lire tout haut les Mémoires d’outre-tombe, c’est son idée fixe, sa manie ; il m’en persécute, du matin au soir, — et il faut que ma figure ait l’air d’écouter. […] Tout à coup le voici qui reprend le volume, le met devant lui, et veut lire, veut absolument lire. […] C’était l’enragement d’un homme de lettres, d’un fabricateur de livres, qui s’aperçoit qu’il ne peut plus même lire. […] si l’on pouvait lire ce qui se passe dans une cervelle, en ces moments-là ! […] Je remarquais qu’il était fatigué, qu’il lisait mal.

105. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Dans un recueil des Discours et rapports lus aux séances de l’Académie française (1840-1849), qui vient de paraître, je retrouve un excellent morceau de M.  […] Ce n’est point une supposition en l’air quand j’ai l’honneur de vous dire, monsieur, que j’ai lu le Te Voltarium à deux évêques ; rien de plus certain et de plus vrai. […] Je n’ai jamais lu toute l’Encyclopédie ni ne la lirai jamais, à moins que je ne commette quelque grand crime et que je ne sois condamné au supplice de la lire. […] Mais l’article où ils se sont le plus déchaînés sur mon compte, c’est l’article Critique ; il y en a mille autres que je ne me rappelle pas et mille autres que je n’ai pas lus. […] M. de Malesherbes, qui les lisait au passage, avisait lui-même aux corrections à faire pour que l’ouvrage pût avoir cours en France, et il se concilia, malgré ces services aimables, la reconnaissance de Rousseau, infidèle ici à son ingratitude naturelle.

106. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Il me serait toujours impossible de lire cet endroit sans pleurer sur les malheurs du vieux monarque infortuné. » Et alors il prit le livre, et il essaya en effet de lire à haute voix le passage : « Allez-vous-en, misérables, opprobre de ma vie… » Mais il fut interrompu par ses larmes. […] Il faut lire cela dans l’original pour estimer Pope à son prix. […] Pour apprécier le Pope de la causerie et de l’intimité, c’est Spence et ses Anecdotes qu’il faut lire. […] Ce livre, il est bon de le rappeler, soumis à une Commission et lu par chacun des membres qui la composaient, avait paru d’abord, et à l’unanimité, digne d’un de ces prix que l’Académie française a pour charge spéciale de décerner. […] Hier un violent disciple de Balzac souffletait Vauvenargues (lisez La Rochefoucauld) pour avoir dit que ce n’est pas assez d’avoir de grandes facultés, qu’il faut en avoir l’économie : et remarquez qu’économie ne veut dire là qu’ordonnance, distribution, bon emploi et non épargne.

107. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Il faudrait lire en détail, et l’une à côté de l’autre, quelques pages de ces trois grands écrivains pour mettre la comparaison en pleine lumière. […] Quelqu’un qui entendait lire ce chapitre à haute voix (ce qui en rend plus sensibles les chimères), disait que cela lui faisait l’effet d’une orgie fénelonienne au clair de lune. […] Je ne sais s’il le lut mal, mais ce discours très long et plein de hors-d’œuvre, venant après trois discours consécutifs, parut peu agréable à l’assemblée. […] C’est après avoir lu ce dernier écrit, qu’un excellent critique (M.  […] Quand on l’a lu longtemps, on est charmé de voir la verdure et les arbres moins colorés dans la campagne qu’ils ne le sont dans ses écrits.

108. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Cousin : « Prenez et lisez. […] Je suis sûr que de tous ceux qui le citent, il n’y en a pas cent qui l’aient lu, et que des cent qui l’ont lu, il n’y en a pas dix qui l’aient pesé. […] M. de Biran fait cette impression agréable sur tous ceux qui le lisent. […] Des médecins pourraient le lire ; les physiologistes devraient le lire. […] Vous vous renfoncez dans votre fauteuil, vous croisez les jambes, et vous lisez.

109. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

» Ainsi parlait un critique, qui est aussi un traducteur de Dante53, et auquel bien des gens doivent de le lire en français ; car l’original leur est absolument fermé. […] Pour faire à Gresset sa vraie place, pour réserver le rang qu’elle mérite à une élégie de Parny, est-il donc indispensable d’avoir fait le tour des littératures, d’avoir lu les Niebelungen, et de savoir par cœur des stances mystiques de Calderon ? […] Tous ceux qui l’ont lue l’ont retenue, et de tous ceux qui la savent par cœur, pas un ne l’oublie. […] Patin qui les avait cités dans un article du Dictionnaire au mot Abusé, et il les lisait devant une partie de la compagnie, à ce moment peu attentive. — « Que c’est mauvais !  […] Un soir qu’on lisait à haute voix et qu’on essayait cette pièce devant quelques personnes, parmi lesquelles une jeune fille spirituelle et pas trop lettrée, que cette poésie mélodieuse avait d’abord ravie : « Mais, s’écria-t-elle tout à coup, savez-vous que ce monsieur est fat ?

110. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

Je viens de lire ses Lettres posthumes, publiées par un de ses amis et disciples, l’abbé Perreyve, qui semble lui avoir emprunté quelque chose de sa parole et de son glaive : il faut voir avec quelle fermeté, avec quelle certitude le panégyriste enflammé lui décerne son titre de saint, lui assigne son rang et son rôle d’apôtre, et le propose pour modèle aux jeunes générations catholiques de l’avenir. […] Qu’avez-vous à lire dans Voltaire après ses chefs-d’œuvre dramatiques ? […] J’avais dix-sept à dix-huit ans quand je lisais cette suite de débauches d’esprit, et jamais depuis je n’ai eu la tentation d’en ouvrir un seul volume ; non par crainte, il est vrai, qu’ils me fissent du mal, mais par le sentiment profond de leur indignité. A part le besoin des recherches dans un but utile, il ne faut lire ici-bas que les chefs-d’œuvre des grands noms ; nous n’avons pas de temps pour le reste. […] Il est rapporté dans la Vie de saint Jérôme qu’il fut battu de verges par un Ange, qui lui reprochait, en le frappant, de lire avec plus d’ardeur Cicéron que l’Évangile : combien plus vos lectures mériteraient-elles ce châtiment, si Dieu nous témoignait toujours, dès cette vie, ce qu’il pense de nos actions ? 

111. (1895) Histoire de la littérature française « Avant-propos »

Les mathématiciens, comme j’en connais, que les lettres amusent, et qui vont au théâtre ou prennent un livre pour se récréer, sont plus dans le vrai que ces littérateurs, comme j’en connais aussi, qui ne lisent pas, mais dépouillent, et croient faire assez de convertir en fiches tout l’imprimé dont ils s’emparent. […] Je voudrais donc que cet ouvrage ne fournît pas une dispense de lire les œuvres originales, mais une raison de les lire, qu’il éveillât les curiosités lieu de les éteindre. […] Il va sans dire qu’il ne s’agit pas de conserver, de lire et de faire lire toutes les œuvres du moyen âge qui ont été publiées. […] A quoi bon décrire des œuvres qui ne valent pas la peine d’être lues ? Exception faite seulement de celles qui expliquent les œuvres qu’on doit lire : mais, en ce cas, elles reprennent une valeur et méritent la lecture.

112. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Armand Silvestre »

puissance du seul enlacement des mots et du sentiment qui les tressé et les enlace   elles sont adorables, ces romances où il n’y a rien que des rossignols, des lis, beaucoup de lis, des roses, des violettes, des raisins, des abeilles, l’aube, le crépuscule, l’automne et le printemps et, mêlée à toute la nature au point qu’elle ne s’en distingue presque plus, l’image de la femme aimée. […] Je veux ceindre humblement, de mes bras prosternés, Tes pieds, tes beaux pieds nus, frileux comme la neige Et pareils à deux lis jusqu’au sol inclinés. (Remarquez-vous que « bras prosternés » et « frileux comme la neige » sont des expressions bizarres et douteuses, qu’il ne faut pas trop presser non plus la comparaison des lis renversés, et qu’avec tout cela — ou j’ai la berlue — ces trois vers sont très beaux ?) On dirait que la Terre a bu le sang des lis. […] qu’aurait-elle pensé si elle avait pu lire les Mésaventures du commandant Laripète ?

113. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens I) MM. Albert Wolff et Émile Blavet »

Couché dans l’herbe, au pied d’un arbre, vous lisez les strophes que je citais tout à l’heure, ou d’autres aussi belles ; et le soleil, à travers les branches, jette sur la page des taches lumineuses et mobiles. […] Les gens du métier ne les lisent guère. […] Mais lisez, pour voir, des recueils de chroniques d’il y a vingt ans. […] Lisez au milieu : « L’heure est venue de réagir contre les idées prudhommesques qui nous étranglent. […] Je lis dans un autre article : « Quand un homme a tenu une telle place dans l’art, quand il a exercé une si grande influence sur son temps… » De qui croyez-vous qu’il s’agisse ?

114. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VIII. Des romans. » pp. 244-264

Le Marquis de Surgere, homme d’un grand nom & d’un esprit cultivé, nous a donné des abrégés de Cassandre & de Faramond, qu’on a lus avec quelque plaisir. […] Ses ouvrages sont peu lus aujourdhui, quoique recueillis à Paris en 1740. en douze vol. […] Son Paysan parvenu & sa Vie de Marianne, si lus & si critiqués, passeront à la postérité. […] M. de Marmontel vouloit se faire lire par les femmes, & il a pensé sans doute que ç’auroit été les dépaïser trop, que de peindre les Grecs en Grecs & les Romains en Romains. […] Les Contes philosophiques & moraux, par M. de la Dixmerie, 1765. trois volumes in-12. , sont les plus lus, après ceux de M. de Marmontel.

115. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 9, de la difference qui étoit entre la déclamation des tragedies et la déclamation des comedies. Des compositeurs de déclamation, reflexions concernant l’art de l’écrire en notes » pp. 136-153

Ceux qui ont quelque habitude avec l’ancienne Grece n’auront pas été surpris de lire que les poëtes y fissent eux-mêmes la déclamation de leurs pieces. […] Ciceron suppose que, generalement parlant, tout le monde en sçut assez pour lire du moins une partie de ces chants, et que par consequent ils fussent écrits la plûpart avec les accens. […] Je sçais bien qu’on ne trouveroit pas d’abord des personnes capables de lire couramment cette espece de musique et de bien entonner les notes. […] Certainement la difficulté qui se rencontreroit dans l’execution d’une pareille note, n’approcheroit pas de celle qu’il y a de lire à la fois des paroles qu’on n’a jamais lûës, et de chanter et d’accompagner du clavessin ces paroles sur une note qu’on n’a pas étudiée. […] J’ajouterai encore que quoique sa corégraphie n’ait été publiée qu’en mil sept cens six, néanmoins les personnes de la profession, tant en France que dans les païs étrangers, y sçavent déja lire couramment.

116. (1912) L’art de lire « Chapitre VI. Les écrivains obscurs »

Les écrivains obscurs Il y a une catégorie d’auteurs qu’au point de vue de l’art de lire il faut considérer très attentivement : ce sont, comme on les a appelés, « les auteurs difficiles », c’est-à-dire ceux qu’on ne comprend pas du premier regard, ni même du second, les Lycophron, les Maurice Scève, les Mallarmé. […] Le ban est composé de ceux qui prétendent les entendre, l’arrière-ban de ceux qui n’osent pas dire qu’ils ne les comprennent pas et qui, sans les lire, déclarent qu’ils sont exquis. […] — Mais nous, gens du commun et qui ne prétendons qu’à nous instruire et surtout à jouir de nos lectures, devons-nous lire les auteurs difficiles, c’est-à-dire les auteurs auxquels, à une première lecture, nous prévoyons que nous n’entendrons jamais rien ? […] Vous vous habituerez — transportons-nous à une autre époque pour ne blesser personne — vous vous habituerez à lire Delille qui assurément n’offre aucune difficulté ; vous en viendrez peu à peu, fuyant l’effort et le redoutant, à ne lire que les romans de Mme Cottin, et vous ne pourrez jamais aborder le Second Faust, ce qui vraiment sera dommage. […] Mais comment lire les auteurs difficiles ?

117. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Ce qu’il lisait donnait un démenti à toutes ses croyances. […] Il avait lu le Chevalier d’Harmental. […] Lisez, mon ami. […] L’avez-vous lue, cette lettre, mon ami ? Si non, lisez-la ; si oui, relisez-la encore.

118. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVII. Morale, Livres de Caractéres. » pp. 353-369

Les Essais de celui-ci sont de tous nos vieux livres le plus lu, & le plus médité. […] C’est peut-être celui de nos écrivains modernes qui a lu ces vieux auteurs avec le plus de fruit. […] L’auteur écrit durement & aime à faire parade de ce qu’il a lu. […] M. le Chevalier d’Arcq a publié ensuite Mes loisirs, qu’on a lus avec plaisir ; ce sont les loisirs d’un homme d’esprit & d’un philosophe aimable. […] Les Lettres Persanes sont de tous les livres où l’on ridiculise les François, celui qui a été le plus lu après la Bruyere.

119. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Francis Wey » pp. 229-241

Lisez, pour en juger, son chapitre sur les médecins, ces confesseurs du corps qui tiennent, par en bas, une société matérialiste, et dont on ne dira jamais le mal qu’on a dit des confesseurs de l’âme, qui, du moins, tenaient la société par en haut ! Lisez son chapitre sur les enfants, les petits bas bleus et jambes écossaises, sur le règne du bambin, comme il dit. […] Lisez même son chapitre des deuils maternels, que je n’ai pas la force de louer, mais qu’il a eu la force d’écrire. Lisez tout cela, et vous verrez qu’un moraliste, de bonne trempe, est là sous ce sourcil, trop froncé, d’Alceste. […] Elles n’empêcheront pas le plaisir qu’on prendra à ce livre attachant, qu’on lira en wagon, et ailleurs.

120. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIV. Vaublanc. Mémoires et Souvenirs » pp. 311-322

Son livre sur la Rivalité de la France et de l’Angleterre, très peu connu du gros public, mais très estimé et très invoqué au Ministère des affaires étrangères, finira peut-être par être lu, comme ses Souvenirs et ses Mémoires, restés, jusqu’ici, dans une espèce d’oubli que l’on peut très bien expliquer. Pour être lus et recherchés, il faut en effet que les Mémoires d’un homme qui n’est, d’ailleurs, ni Chateaubriand, ni Talleyrand, ni La Fayette, passionnent les esprits auxquels ils s’adressent, rallument des haines et vengent des revers. […] Il ne l’avait probablement pas lu, mais il l’avait deviné. […] Vaublanc, lorsque vous le lisez, vous rappelle involontairement le Julien Sorel de Rouge et Noir et le Fabrice de la Chartreuse de Parme, qui n’est, du reste, que le même homme, C’est le même genre de courage qui raisonne, s’analyse, calcule et se doit de jouer encore la partie, quand elle semble le plus perdue sans ressource. […] Il importe qu’on ne croie qu’à la dernière extrémité à la puissance irrésistible des Révolutions, et tout livre qui, même aux dépens de la vérité abstraite et absolue, retrempera à cet égard les courages, mérite d’être lu.

121. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Il faut lire bien. Lire bien, c’est lire avec fruit. […] Vous ne lirez point Pascal. […] Lire les bons auteurs, comment ? […] Qui les lira jamais ?

122. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

Très peu d’esprits ont le loisir et la faculté de tout lire, d’avoir présents au même instant à la pensée les différents termes de comparaison, et de ne se décider qu’après examen et toutes pièces vues, toutes parties entendues. […] Telle est depuis longtemps mon idée sommaire de Marie-Antoinette, et rien de ce que je viens de lire dans les volumes nouveaux ne m’en a fait revenir et n’a réfuté en moi un jugement qui n’a rien d’ailleurs d’une accusation ni d’un reproche. […] L’abbé de Vermond, s’il revit en effet les endroits qu’on vient de lire, put y mettre quelques points et virgules et peut-être l’orthographe ; mais il n’y donna pas le mouvement et ce je ne sais quoi de léger qui tient à la personne. […] Feuillet ou de moi, a dû lire l’autre. […] Feuillet tenait à ne pas avoir lu, — à ne pas paraître avoir lu, — ce premier article avant d’avoir publié lui-même son Introduction : or, dans cette Introduction, il me semble, au contraire, qu’il y a trace et indice très-probable qu’il m’a lu, comme il était naturel d’ailleurs qu’il le fît tout en terminant son travail et en corrigeant ses épreuves.

123. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Il lisait couramment le grec et rendait compte en français de ses progrès à son ancien précepteur, un pasteur français réfugié, M.  […] Lisez La Bruyère le matin, et voyez le soir si ses portraits sont ressemblants. » Mais ces excellents guides ne doivent eux-mêmes avoir d’autre utilité que celle d’une carte de géographie. […] On n’en peut lire une page sans avoir à en retenir quelque observation heureuse. […] Pourtant rien n’approche de l’ouvrage qui, pour lui, n’en était pas un, de ces lettres, qu’il comptait bien que personne ne lirait, et qui sont aujourd’hui le fonds de sa richesse littéraire. […] [NdA] Ce n’est plus une conjecture, mais une certitude, d’après ce que je lis dans l’édition de Lord Chesterfield’s Letters, donnée à Londres par lord Mahon en 1847 (4 vol.).

124. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Il n’y a que ceux qui lisaient avant 1800, qui se souviennent de lui. […] Le billet du catholique et ultramontain de Maistre à celui qu’il prenait ainsi pour parrain de son premier écrit, commençait par ces mots : « Monsieur, qui vous a lu vous estime… » Avec cela. […] Pour tous ceux qui liront ces Mémoires, il restera désormais démontré que Mallet du Pan doit être placé et maintenu au premier rang des observateurs et des juges les plus éclairés du dernier siècle. […] S’il était lu dans ces classes obscures, qu’y porteraient ses maximes incendiaires, sinon d’impuissants regrets et la rage du désespoir ? […] Ils trouvent commode qu’un homme s’occupe tous les huit jours, au risque de sa vie, de sa liberté, de ses propriétés, de leur faire lire quelques pages qui amusent leurs passions durant l’heure du chocolat ».

125. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Quand on a peu lu Le Brun, et qu’on a simplement entendu parler de lui, puis quand on voit son buste, on accorde sans difficulté que c’était et que ce devait être un poète. […] Il fit une pièce en 1749, à vingt ans, pour être lue à la distribution des prix. […] Cet usage de lire en public et sur la scène des ouvrages nouveaux existait chez les Grecs et les Latins : c’était une source de gloire et d’émulation ;’ j’ai vu M. de Voltaire regretter qu’il soit aboli. […] Il le prônait partout ; il lut de ses vers à la reine ; il le poussa auprès de M. de Calonne. […] … Mais qu’avons-nous à apprendre à ceux qui ont lu son ancienne invocation À Némésis, et quelle rage pourrait étonner de sa part après l’imprécation contre sa mère ?

126. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre VI. Des Livres qui traitent de la Rhétorique. » pp. 294-329

Rapin & tous ceux qui ont lu l’ouvrage d’Aristote ont applaudi à l’éloge que ce savant Jésuite en fait. […] La traduction françoise que Boileau en a donné, a rendu la copie facile & aussi agréable à lire que l’original. […] Les femmes qui veulent réunir les talens du cabinet & de la société, ne peuvent se dispenser de lire ce bon ouvrage. […] Lisez les Maximes sur le ministère de la Chaire, par le P. […] Cette préface au reste, est un morceau digne d’être lu, si l’on en excepte le fade panégyrique de Louis XIV.

127. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Il faut d’abord avoir lu, et on parle de ce qu’on a lu. […] Mais ces livres du jour eux-mêmes, quand on n’a pas le temps de les lire, on ne se résigne pas à n’en point parler : c’est en en parlant avec ceux qui les ont lus qu’on trouve moyen d’en parler sans les avoir lus. […] Évidemment un critique honnête n’écrit à fond que sur ce qu’il a lu. […] J’ai lu, depuis vingt ans, toutes les œuvres importantes de Fontenelle et pris des notes sur elles. […] Et le vrai public ne peut qu’acheter, lire et dire.

128. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre premier. Des signes en général et de la substitution » pp. 25-32

Lorsque j’entends prononcer ce mot : lord Palmerston, ou que je lis les quatorze lettres qui le composent, il se forme en moi une image, celle du grand corps sec et solide, vêtu de noir, au sourire flegmatique, que j’ai vu au Parlement. De même, lorsque je lis ou j’entends ce mot Tuileries, j’imagine plus ou moins vaguement, en formes plus ou moins tronquées, un terrain plat, des parterres encadrés de grilles, des statues blanches, des têtes rondes de marronniers, la courbe et le panache d’un jet d’eau, et le reste. […] III Maintenant, supposons qu’au lieu de m’appesantir sur ce mot Tuileries et d’évoquer les diverses images qui lui sont attachées, je lise rapidement la phrase que voici : « Il y a beaucoup de jardins publics à Paris, des petits et des grands, les uns étroits comme un salon, les autres larges comme un bois, le Jardin des Plantes, le Luxembourg, le bois de Boulogne, les Tuileries, les Champs-Élysées, les squares, sans compter les nouveaux parcs qu’on arrange, tous fort propres et bien soignés. » Je le demande au lecteur ordinaire qui vient de lire cette énumération avec la vitesse ordinaire : quand ses yeux couraient sur le mot Tuileries, a-t-il aperçu intérieurement comme tout à l’heure quelque, fragment d’image, un pan de ciel bleu entre une colonnade d’arbres, un geste de statue, un vague lointain d’allée, un miroitement d’eau dans un bassin ? […] Lisez cette phrase : « Londres, la capitale de l’Angleterre, renferme plusieurs beaux jardins, Hyde Park, Regent’s Park et les Tuileries. » — Vous éprouvez une sorte de heurt et d’étonnement ; vous portez involontairement la main de deux côtés, vers Paris et bien loin vers une autre ville.

129. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Léon Bloy »

Le comte Roselly de Lorgues a écrit son nom à une telle profondeur dans le nom de Christophe Colomb, qu’on ne peut plus lire l’un sans lire l’autre, dans la clarté que l’Église répand sur eux de son flambeau. […] Elle n’a à dire que les deux mots de la voix mystérieuse qui disait à saint Augustin, sous le figuier : « Prends et lis ». Augustin lut, et on sait le reste. Les hommes de ce temps liront-ils ce livre, trop pesant pour leurs faibles mains et leurs faibles esprits ?

130. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Renan, qui publie cette Vie de Jésus, laquelle est à bien des égards une version et interprétation de l’Évangile, telle que le Vicaire savoyard l’eût conçue et désirée en ce temps-ci, vit tranquille, prend les bains de mer en Bretagne avec sa famille, et voit son livre se débiter, se lire, se discuter dans tous les sens. […] Renan est fort combattu en même temps que prodigieusement lu : on ne saurait s’en étonner ni s’en plaindre. […] Renan a eu la confiance de s’adresser, et ce grand et nombreux public aussitôt a tressailli ; il a répondu, il a lu. […] Il touche, il intéresse, même lorsqu’il étonne ; il se fait lire jusqu’au bout, même de ceux qui regimbent et se cabrent à certains endroits. […] Aux âmes simples, aux fidèles qui vivent rangés et soumis autour de la houlette pastorale, je ne conseillerai pas de le lire ; mais on sait que le nombre de ces fidèles et de ces humbles n’est pas infini ; et pour tous les autres, sceptiques, indifférents, hommes d’étude et d’examen, gens du monde, gens d’affaires, pour peu que vous ayez un coin sérieux de vacant et de libre en vous, je dirai avec confiance : Lisez et méditez, lisez et relisez ces beaux chapitres, Éducation de Jésus, Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus, Prédications du lac et apprenez le respect, l’amour et l’intelligence de ces choses religieuses auxquelles il n’est plus temps d’appliquer la raillerie et le sourire.

131. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

voyons, lisez-nous cela, Daru. » L’Empereur, non plus qu’aucun des auditeurs présents, ne put se douter que l’ode fût d’un autre que du fameux Lebrun-Pindare, quoique celui-ci fût resté boudeur et un peu républicain. […] Cette remarque s’applique à la plupart des vers qu’on lira : on y retrouve, dans presque tous, quelques-uns des tons qui ont prévalu depuis sur d’autres lyres. […] Lebrun, dans ses premières années, dépensa sa verve poétique en bien des pièces douces et touchantes que le public lira aujourd’hui pour la première fois. […] Avoir lu trois cent mille vers20 de Ronsard en 1808 ! […] A l’Académie, il se fait une loi et un plaisir de lire ces recueils nombreux qu’on y présente chaque année ; ce fut lui qui me dénonça avec instance les vers naturels et ingénument pittoresques de M. 

132. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

Ceux qui ont lu les dernières Lettres de Lamennais publiées par M. Forgues, ont dû être frappés d’une phrase qui revient souvent sous la plume de l’illustre agitateur catholique, avant qu’il fût devenu un agitateur démocrate en sens inverse : « Avez-vous lu Rubichon » écrit-il à plusieurs reprises à son correspondant, le marquis de Coriolis. — ; « Vous a-t-on envoyé le dernier ouvrage de Rubichon ? Si vous ne  l’avez pas lu,  lisez-le vite…  Il faut  absolument le  lire : c’est une des choses les plus remarquables qu’on ait publiées depuis longtemps ; des faits extrêmement curieux et presque  tout à  fait ignorés,  des réflexions  profondes et piquantes, un esprit original, voilà ce qui s’y trouve… Il serait à désirer que ce livre fût très répandu ; je n’en connais point de plus propre à dissiper une foule de préjugés très dangereux. » Et plus loin (car cela lui tient au cœur) : « Vous ne m’avez pas dit si vous avez lu l’admirable livre de Rubichon sur l’Influence du Clergé dans les Sociétés modernes. » (Juillet 1829.) […] s’écriait Mirabeau dans cet admirable discours que M. de Talleyrand vint lire à l’Assemblée nationale l’après-midi même du jour où le grand orateur avait rendu le dernier soupir ; eh quoi ! […] Augustin Cochin, le 10 octobre 1864 : « Je lis le livre de Le Play, et j’en suis émerveillé.

133. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

L’un d’eux nous disait : « Il a voulu glorifier la femme, et quand on aura lu son livre, on sera quinze jours sans pouvoir en regarder une. […] Enfin, ce n’est pas le ravi d’un enfant à barbe grise qui n’avait pas lu Baruch et à qui la naïveté de l’impression fait tout pardonner. […] Nous avons celle où de telles choses sont gravement et imperturbablement racontées, et cela paie de tout, même d’avoir lu le livre, cette préface-là ! […] Nous qui l’avons lu, comme nous lisons tout ce qui vient de son auteur, bien plus pour l’expression que pour le renseignement, bien plus pour l’agrément que pour les profits graves, nous ne sommes pas, du reste, de ceux qui croient qu’un livre ne peut avoir qu’un seul accent. […] Ainsi, il a lu Maury ces vacances, Maury, c’est son Baruch pour l’heure.

134. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Grâce à de respectables amis que j’ai en Hollande et qui sont en partie les héritiers (et de bien dignes héritiers) des derniers papiers manuscrits, des dernières reliques de Port-Royal, j’ai pu lire une Correspondance tout intime d’un des plus fidèles amis du poète, de l’un de ceux qui l’assistèrent dans sa dernière maladie et jusque dans ses derniers instants. […] Les comédiens lui en avaient donné un faux air, il l’a rectifié, et il est de mise partout, jusqu’au chevet du lit du roi, où il a l’honneur de lire quelquefois : ce qu’il fait mieux qu’un autre. […] Quand on a lu cette correspondance et qu’on a vu de quoi s’entretenaient en secret ces hommes respectables ; quand on sait de plus que, peu d’années après, M.  […] Pour repérer cette petite lâcheté, Dangeau, qui était de l’Académie, crut devoir, à quelques jours de là, y faire lire l’Epître entière, en séance publique, le jour de la réception de Fontenelle (5 mai 1691) : ce fut l’abbé de La Vau qui se chargea de cette lecture. Mais un autre abbé, l’abbé Testu, directeur de l’Académie, trouva à redire après coup à ce procédé et convoqua extraordinairement les Quarante pour se plaindre qu’on eût manqué à l’ordre établi en pareil cas, à savoir que, dans les solennités académiques, on ne lirait aucun ouvrage s’il n’était de quelqu’un de la Compagnie.

135. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Il sait sa carte de Tendre, il sait son code et sa procédure des cours d’amour, il a lu L’Astrée. […] Je ne prétends pas analyser Les Grands Jours, qu’on va lire ; je n’ai voulu qu’indiquer l’esprit dans lequel cette lecture doit se faire, et quelques-unes des réflexions auxquelles elle prête. […] La seule réponse possible eût été trop longue à faire, et c’est celle qu’on va lire. […] Il n’avait jamais lu que la plume ou un crayon à la main ; il avait infiniment lu, et n’avait jamais rien oublié de ce qu’il avait lu, jusqu’à en citer le livre et la page. […] [NdA] On peut le lire à la suite de l’introduction, dans le volume des Grands Jours.

136. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 34, que la réputation d’un systême de philosophie peut être détruite, que celle d’un poëme ne sçauroit l’être » pp. 489-511

La réputation d’un poëme s’établit par le plaisir qu’il fait à tous ceux qui le lisent. […] On est même bien fondé à soutenir que les generations à venir seront touchées en lisant un poëme qui a touché toutes les generations passées qui ont pû le lire en sa langue originale. […] Mais il suffiroit de lire les poëtes dont on nous auroit exageré le mérite pour nous défaire de notre préjugé, à moins que nous ne fussions fanatiques. […] Les femmes comme les hommes, les ignorans comme les sçavans la lurent, et ils en jugerent par l’impression qu’elle faisoit sur eux. […] Enfin dans les choses qui sont du ressort du sentiment, comme le mérite d’un poëme, l’émotion de tous les hommes qui l’ont lû et qui le lisent, et leur veneration pour l’ouvrage, sont ce qu’est une démonstration en geométrie.

137. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Mais avant de parler de ce dernier poème que j’ai reçu hier, que j’ai lu d’une seule haleine cette nuit, rappelons-nous deux heureuses journées déjà loin de nous, qui nous feront connaître Laprade. […] Je n’ai jamais pu lire ce ravissant exorde en récit du Décaméron de Boccace, sans y voir une fidèle image des bienfaits de la mémoire. […] Veut-on lire ces récits dans leur candeur, on les lira dans les évangélistes. Veut-on les lire dans leur morale, on les lira dans l’Imitation de Jésus-Christ, par Gerson ; l’Imitation, le plus sublime commentaire qui ait jamais été écrit sur un texte humain ou sur un texte divin depuis que le monde est monde. […] et par le droit chemin, À mon chaste foyer j’apprends le cœur humain ; Et je lis mieux que vous dans ses pages suprêmes.

138. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Je veux au moins vous lire une de ces fables-contes, pour que vous l’ayez dans le souvenir ou pour que vous retrouviez dans vos souvenirs d’enfance et pour que vous voyiez aussi la manière tout à fait particulière qu’il y a apportée. […] Première lettre, premier mot : « Vous n’avez jamais voulu lire d’autres voyages que ceux des chevaliers de la Table Ronde ; mais le nôtre mérite bien que vous le lisiez. […] Vous avez lu tant de fois les vieux que vous les savez ; il s’en fait peu de nouveaux, et, parmi ce peu, tous ne sont pas bons. […] De même je vous lirai tout ce qu’il dit de sa grande belle fille de cousine sur laquelle il fait des vers, à laquelle il s’intéresse évidemment, dont il marque toutes les particularités de caractère avec un soin extrême. […] Mais il a de l’esprit »  Et ce caractère de lettres domestiques destinées cependant à être lues dans un petit cercle, c’est le caractère même — (comme c’est celui des lettres de Mme Sévigné) que j’affirme être celui des lettres de La Fontaine que nous lisons en ce moment : « J’emploie cependant les heures qui me sont les plus précieuses à vous faire des relations, moi qui suis enfant du sommeil et de la paresse.

139. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Tout cela fait un poème très difficile à lire, très ennuyeux, en définitive, et que La Fontaine, semble-t-il, n’était pas forcé d’écrire. […] Le poème est encadré dans une petite invocation à la duchesse de Bouillon, mais cette invocation je vous l’ai lue déjà. […] Ce qui est délicieux, ce qui rappelle les peintures les plus charmantes des peintres de l’amour les plus suaves, c’est ce que je vais vous lire. […] Le couplet, si on vous le lisait détaché de son cadre, pourrait être attribué à qui ? […] Elle n’est pas extraordinaire, mais elle est en très jolis vers que je n’ai pas le temps de vous lire.

140. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

» Mme d’Albany, au contraire, lisait sans cesse, et de toutes sortes de livres, et ne s’ennuyait jamais. […] il est moins lu qu’il ne le pense ; il est plus loué que lu ; il ne tarde pas à s’en apercevoir, et quand il a affaire à nos savants moins flatteurs que nos grandes dames, à nos académiciens alors en renom, il a des mécomptes. Il écrit pour lui seul dans son Journal : « … Quant à mes livres, ils n’en ont pas lu une ligne. […] Lorsque, quelques années après, Sismondi lut le fameux pamphlet doublé de théorie, la Monarchie selon la Charte, il en fut, très-frappé. […] Les idées des Thierry, des Guizot, ont peu influé sur lui ; on trouve, à le lire, un goût particulier de naturel et de sincérité ; c’est une lecture judicieuse, copieuse et saine.

141. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Rien n’y coule, tout s’y cristallise pour briller ; chaque phrase demande à être trois fois lue, mais relue deux ou trois fois pour être comprise. […] Mais c’est Hugo, Vigny, Dumas, Laprade, Marcellus, Autran, Lamartine, qui les lisent. […] « Comme l’entretien se prolongeait, je le priai de lire à son choix quelques lignes de son bagage élémentaire. […] Avez-vous lu le troisième chant d’Apollonius de Rhodes ? […] Christopoulos lut alors d’une voix cadencée ces vers qui dans sa bouche recevaient du rythme et de l’harmonieux idiome un charme inexprimable.

142. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre II. Le Rire » pp. 28-42

Voyez passer ce jeune homme paré avec tant de recherche : il marche sur la pointe du pied, sur sa figure épanouie se lisent également et la certitude des succès, et le contentement de soi-même ; il va au bal, le voilà déjà sous la porte cochère, encombrée de lampions et de laquais ; il volait au plaisir, il tombe et se relève couvert de boue de la tête aux pieds ; ses gilets, jadis blancs et d’une coupe si savante, sa cravate nouée si élégamment, tout cela est rempli d’une boue noire et fétide. […] Je tenais mon exemplaire et mon crayon à la main : l’on n’a ri exactement qu’une seule fois ; c’est quand le gendre, conseiller d’état, et qui va être ministre, dit au petit cousin qu’il a lu son placet. Le spectateur rit, parce qu’il a fort bien vu le petit cousin déchirer ce placet, qu’il arrache des mains d’un laquais auquel le conseiller d’état l’a remis sans le lire. Si je ne me trompe, le spectateur sympathise avec la venue de rire fou que le petit cousin dissimule, par honnêteté, en s’entendant faire des compliments sur le contenu d’un placet qu’il sait bien avoir déchiré sans qu’on l’ait lu. […] Dufrény, n’a aucun rang en littérature ; peu de gens l’ont lu.

143. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « A. Dumas. La Question du Divorce » pp. 377-390

Eh bien, le peu d’entre ceux qui l’ont lu jusqu’au bout, ce livre lourd et ennuyeux, — car, il faut bien le dire, il est ennuyeux, — n’ont à peine osé lui dire la vérité qu’en l’étouffant sous tous les entortillements de la flatterie, et avec des ramperies infatigables, à couvrir devant lui trente pieds du sol ! […] C’est un innocent, On dirait que, jeune de lecture, il n’a lu Voltaire que d’hier matin. Et, comme La Fontaine, qui venait de lire Baruch et qui disait à tout le monde : « Avez-vous lu Baruch ? » il ne dit pas : « Avez-vous lu Voltaire ?  […] » Je dis à la Révolution qui met le divorce dans sa loi ; « Tue-moi, mais ne me fais pas souffrir en me forçant à lire le livre de M. 

144. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Henry Laujol ; vous me saurez gré de vous la lire. […] Je vais vous lire cette lettre. […] On a daigné s’apercevoir que si je lisais les vers des autres, je ne lisais pas les miens. […] Et je les lus, tous ! […] Je veux vous lire quelques vers encore.

145. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

C’est une heureuse nécessité de cette étude, qu’on ne puisse lire Montesquieu sans avoir besoin de relire Bossuet, ni contenter son esprit sur un des plus grands objets de l’histoire, sans demander tour à tour des lumières à l’un et à l’autre. […] Pour connaître le détail d’exécution de la grandeur romaine, il faut lire Montesquieu ; pour en connaître l’âme, il faut lire Bossuet. […] Mauvais effet d’une lecture par tant d’autres côtés bienfaisante, si l’Esprit des lois était lu avant les Pensées, ou si Montesquieu ôtait l’envie de connaître Pascal. […] Tant que la France saura lire dans ce livre, elle sera également en garde contre les impatiences de l’avenir et les langueurs imprudentes du présent. […] On ne croit pas manquer à Montesquieu en disant que, pour s’être si gravement mépris sur le rôle des Pères de l’Eglise dans leur temps, et sur leur autorité dans toute science sociale, il faut qu’il les ait fort peu lus.

146. (1923) Au service de la déesse

Puis, ceux d’entre nos contemporains qui ont accoutumé de lire, ne lisent pas un écrivain tout seul. […] Je l’ai pourtant lu très volontiers. […] Lisez donc M.  […] Lasserre, qui venait de lire M.  […] Il lisait et ne comprenait pas.

147. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

On a beau essayer de lire ces vers et cette prose également fades, on ne peut se faire à l’idée que ce soit de Piron. […] J’ai lu même, dans les relations d’un voyage en Occident, qu’il y a un royaume là, des plus peuplés, où l’on n’en comptait que quarante. […] Non : et si encore il y avait dans l’errata du livre : quarante, lisez quatre. […] Les trois plus belles épigrammes littéraires que je connaisse sont. — celle qu’on a lue tout à l’heure de Piron contre Des Fontaines, — celle de J. […] Quand on lui demandait : « Lisez-vous le Merсure ? 

148. (1802) Études sur Molière pp. -355

Lisez la pièce de Molière. […] Lisez le Remerciement. […] Lisez la préface et le premier placet. […] Lisez le second placet. […] Lisez le poème.

149. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Je me recommandai au magnifique Dieu de ma vie pour être dispensé de boire cette coupe ; mais je lus clairement que, quoique ce sacrifice fût horrible, il le fallait faire, et je le fis en versant un torrent de larmes. […] Il y avait des jours destinés aux conférences, et où les élèves prenaient la parole ou lisaient des objections. […] Malgré cela on me laissa lire jusqu’au bout, et le professeur ne me répondit que par des assertions et des raisons collatérales, de manière que mes trois observations restent encore dans leur entier, et je puis dire qu’il s’y trouve des bases neuves que je n’aurais pas eues sans cette circonstance. […] Il mourut subitement dans le joli pays d’Aulnay, chez son ami le sénateur Lenoir-Laroche, le 13 octobre 1803. — Dans ce souvenir rapide que je viens de lui consacrer et dont j’ai cru qu’il était digne, je ne vais point jusqu’à conseiller de relire aucun ouvrage de lui : « Ceux qui ont de l’âme, disait-il, prêtent à mes ouvrages ce qui leur manque : ceux qui ne les lisent point avec leur âme leur refusent même ce qu’ils ont. » S’il disait cela en son temps et à l’heure de la publication, que sera-ce à plus de cinquante ans de distance ? […] Fut-elle lue seulement alors, en tout ou en partie, à l’issue de quelque conférence et devant le public des Écoles normales, pour produire son effet de réfutation ?

150. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 489-496

Cet article, tel qu’on vient de le lire, a servi de texte à feu M. de Voltaire, pour nous accuser d’ingratitude à l’égard de l’Auteur qui en est l’objet. […] Lisez, M., je vous prie, l’article Helvétius dans les différentes éditions des Trois Siecles, & vous verrez si je l’ai outragé, je ne dis pas avec fureur, mais d’aucune maniere ; vous verrez si, dans un Ouvrage spécialement dirigé contre les principes dangereux de la nouvelle Philosophie, il étoit possible de s’exprimer avec plus de modération sur le Livre de l’Esprit. […] Lisez, M., lisez les Questions sur l’Encyclopédie * ; & si vous vous rappelez la maniere dont certains Sauvages traitent leurs ennemis, qu’ils mettent en pieces après leur mort, vous aurez une idée de celle dont l’honnête Philosophe des Alpes a traité cet Ecrivain, jusqu’alors l’objet de ses adulations. »   *.

151. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Lisez le reste de mon ouvrage comme vous liriez les pensées détachées de La Rochefoucauld. […] Malheur à l’homme personnel qui lira cette page avec dédain ! […] Je lis, Lettre LXXXV : « Quoi ! […] Quand on n’a pas lu et relu Sénèque d’avance, on l’imite mal. […] ne le lisez pas. ; il écrivait pour d’autres que pour vous.

152. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Ce n’est pas que je vous conseille de le lire ; il n’est bon à connaître que par extraits. […] Comme pensée toutefois, comme coup d’œil moral, il est très-supérieur à cette respectable demoiselle, et on ne saurait se figurer, avant de l’avoir lu, ce qui se rencontre parfois chez lui de délicat comme observation et comme langue. […] Je m’en aperçus bien vite, parce qu’en s’informant de ce que je savois, elle me demanda si je savois lire ; et comme son mari trouvoit cette question fort plaisante de s’enquérir d’un docteur s’il savoit lire, et qu’il en rioit à ne s’en pouvoir apaiser : Il y a, dit-elle, plus de mystère à lire qu’on ne pense ; — et cela me fit bien connoître qu’elle s’y plaisoit et qu’elle avoit le sentiment délicat. […] Je fis en peu de jours tant de progrès en cette étude qu’elle ne se plaisoit plus qu’à me faire lire et qu’à s’entretenir avec moi. […] Nous lisions de temps en temps quelques rondeaux où l’adresse et la délicatesse s’étoient épuisées50. — Mon Dieu !

153. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Il a aussi de temps en temps de petites lettres pour le seul de ses premiers amis et camarades d’école et de jeunesse qu’il ait conservé, Joseph Hill, à qui il rappelle le temps où celui-ci, dans leurs promenades, « couché tout de son long sur les ruines d’un vieux mur au bord de la mer », s’amusait à lire la Jérusalem ou le Pastor Fido. […] Franklin, à qui un ami l’envoya à Passy, où il était alors, y trouva, dit-il, « quelque chose de si nouveau dans la manière, de si aisé et pourtant de si correct dans le langage, de si clair à la fois et de si concis dans l’expression, et de si juste dans les sentiments », qu’il le lut d’un bout à l’autre avec plaisir (rare louange pour des vers, surtout de la part de quelqu’un qui n’en lisait plus), et il en relut même certaines pièces plus d’une fois. […] Tous ces gens-là lisent le Monthly Review, et tous me tiendront pour une bête si ces terribles critiques leur en montrent l’exemple. […] On conçoit seulement que lorsque peu de mois après le succès fou de John Gilpin, on annonça la publication d’un poème touchant et familier, naturel et élevé, La Tâche, par le même auteur (1784), chacun le voulut lire. […] Cependant ici, dans cette description si parfaite qu’on vient de lire, Cowper a su concilier les deux ordres de qualités, la finesse et le relief de chaque détail (je dirai même le brillanté sur un ou deux points), et la gradation et la fuite aérienne de la perspective.

154. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

. — « Avez-vous lu le journal de Casaubon ? Si vous ne l’avez pas lu, lisez-le », me disait l’un des hommes qui se plaisent le plus aux saines lectures (M. de Sacy). J’ai obéi à l’excellent conseil, j’ai lu, je suis édifié et je ne puis m’en taire. […] Ce n’est pas tout de lire, il faut comprendre, et non seulement comprendre, mais faire ce qui est écrit ; cela seul ouvre les cieux. […] Ô Dieu, qui lis dans les cœurs, etc. » — On a très nettement les deux extrémités de la pensée de Casaubon, ses limites en sens opposé.

155. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Qu’on lise ce qu’il dit si admirablement du duc de Bourgogne, cet élève chéri de Fénelon, et que le prélat ne cessa de diriger de loin, jusque dans son exil de Cambrai, par le canal des ducs de Beauvilliers et de Chevreuse. […] Mais je parle des Lettres spirituelles proprement dites, et je ne crains pas que ceux qui en auront lu un bon nombre me démentent. […] Il se dérobe des moments pour lire ; il aime le mérite, il s’accommode à toutes les nations ; il inspire la confiance : voilà l’homme que vous allez voir. […] Je lisais un livre, ayant mes lunettes sur le nez, mon crayon en main, et mes jambes dans un sac de peau d’ours : tel à peu près était Archimède, quand il périt à la prise de Syracuse. […] Pour apprécier comme il convient le Télémaque il n’est que de faire une chose ; oubliez, si vous le pouvez, que vous l’avez trop lu dans votre enfance.

156. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Lisez à quelques vers de là la description du sommeil de l’innocence. […] Lisez-en ici quelques strophes, puis lisez tout ; vous serez saisi comme je le suis en ce moment moi-même d’un immense repentir de n’avoir pas lu plus tôt et de n’avoir pas apprécié assez un pareil musicien de l’âme. […] je ne les lis qu’aujourd’hui, et le cœur d’où ils ont coulé ne bat plus. […] J’écoutais, je souriais, mais je ne lisais pas. […] Je ne t’avais pas lu alors.

157. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

Le professeur nous lut avec plus de complaisance les stances dans lesquelles l’Arioste décrit ici la nature. […] Lisons : nous ne lirons rien de plus frais dans aucun poète, à moins de remonter au poème unique, mais en prose grecque, de Daphnis et Chloé. […] je connais trop ces caractères, je les ai tant vus et tant lus dans un autre temps ! […] On ne conçoit guère aujourd’hui comment la pudeur des princesses et des dames de la cour de Ferrare tolérait de tels écrits lus à haute voix pendant les soirées au palais. […] Le chanoine n’écoutait plus : il lisait pieusement son bréviaire à l’avant de la barque.

158. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Un vieux bonhomme, peu fortuné et myope, vient tous les jours lire mon feuilleton de Chérie, à la devanture du Gil-Blas, avec une lorgnette de spectacle. […] Ce cabinet de lecture où j’ai été imaginativement si heureux, tout enfant, ce cabinet de lecture, qui est resté à peu près ce qu’il était, en ces vieilles années, c’est là où je lis tous les jours les attaques et les férocités contre l’auteur de Chérie. […] Elle contient cette phrase sortie, dit le correspondant, d’une des plus jolies bouches de Paris : « Nous devons empêcher nos maris de lire Chérie, ça leur en apprend trop sur notre passé !  […] corrompre la Belgique, ce pays, où après dîner chez des bourgeois, vos honnêtes amphitryons ne trouvent rien de plus moral, que de vous emmener passer la soirée au b… Dimanche 18 mai Je suis dans un tel état de nervosité, que les articles, qui parlent — en bien ou en mal de moi, il m’est impossible d’y apporter l’attention tranquille, l’épellement reposé, qu’il faut pour lire, j’en perçois en gros l’éloge ou l’injure, mais je ne les ai pas vraiment lus. […] Et sa mère me faisait lire deux ou trois lignes de lui, où il disait que la chose qu’il aimait surtout c’était la couleur orangée : des lignes tout à fait surprenantes, où l’enfant confessait son adoration de la couleur, dont Fromentin parlait avec une voix presque religieuse.

159. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

On peut lire dans les Mémoires de Goethe le récit du séjour qu’il fit dans cette ville savante, et assister au mouvement littéraire tout germanique qui s’y agitait dans un cercle choisi d’étudiants. […] Pour préface, on lit simplement dans l’édition première : « Voici les erreurs, les infortunes des cœurs sensibles ; lis, Âme froide, et condamne. » Mais, dans un exemplaire augmenté des notes de l’auteur, je trouve cet autre projet de préface ou d’avertissement : En composant cet ouvrage, j’ai connu ou je n’ai pas connu les unités. […] Il est piquant de lire, à la fin du volume d’Élégies de Ramond, l’approbation délivrée par le magistrat suisse d’Yverdon, et qui est dans ces termes laconiques, à demi tudesques : « Permis d’imprimer les Élégies ci-devant. » Singulier passeport pour Paris ! […] voici les Pères de l’Église, dit-il, et je vois que vous les avez lus ? — « Oui, monsieur, répondit Voltaire, oui, je les ai lus et ils me le payeront ! 

160. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Cette ruine isolée nous faisait penser à l’asile de ce lépreux dont nous allions lire les tristes aventures. […] Je pressai longtemps cette lettre précieuse sur mon cœur avant de pouvoir la lire ; et, me jetant à genoux pour implorer la miséricorde divine, je l’ouvris, et j’y lus en sanglotant ces paroles qui seront éternellement gravées dans mon cœur : « Mon frère, je vais bientôt te quitter ; mais je ne t’abandonnerai pas. […] En achevant de la lire, je me sentis défaillir, épuisé par tout ce que je venais d’éprouver. […] Nous n’avions jusque-là rien lu de pareil. […] criâmes-nous tous les deux ; heureux le jour où nous pourrons lire pour seul livre : la nature !

161. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Appendice. Note concernant M. Laurent-Pichat, et Hégésippe Moreau. (Se rapporte à la page 395.) » pp. 541-544

« Il a, s’écrie-t-il, l’auréole immortelle, et je vais la faire briller à vos yeux. » J’ai eu le malheur alors, pour la notice très simple et des plus modestes que j’ai écrite sur Hégésippe Moreau, et qu’on a pu lire au tome IV de ces Causeries, j’ai eu, dis-je, le malheur de me présenter à la pensée de M.  […] Ayez de l’enthousiasme et faites-nous grâce de ces analyses pointillées. — Une gloire marchandée, versée à petits coups, convient peut-être aux écrivains à teintes grises dont vous voulez tracer un portrait composé de petites intentions rapprochées ; mais, s’il s’agit d’un poète véritable, lisez son livre et sachez vous incliner. […] Le génie de Moreau était sain et vigoureux ; il ne l’avait emprunté nulle part ; le pauvre enfant avait eu à peine le temps de lire. […] Ma pièce est faite, et jeudi je dois la lire moi-même à Monseigneur dans son cabinet, et j’espère devenir le poète lauréat de la police.

162. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

On ne s’est plus contenté de lire et de savoir, pour le plaisir de savoir et de lire. […] Le public ne lit plus, parce qu’il a trop lu. […] Peut-être, après tout, vaut-il mieux qu’on cesse de lire plutôt que de continuer à lire ce qu’on lisait. […] La force de Flaubert a été d’avoir, comme Rousseau, peu écrit avant l’âge mûr, d’avoir énormément lu et lu justement ce que ses contemporains ne lisaient pas. […] Sainte-Beuve avait plus lu que senti.

163. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XVIII » pp. 74-75

On a parlé des Souvenirs sur l’Empire de M. de Meneval, ancien secrétaire particulier de l’empereur : il n’y a pas d’habitude de composer un livre, et ceux qui ne lisent que pour avoir un récit agréable et continu peuvent y trouver du mécompte ; mais il y a beaucoup d’anecdotes précieuses, originales, que garantissent la position et la probité de l’auteur. […] — Lisez-vous le journal l’Illustration hebdomadaire, imité des journaux anglais illustrés ? […] — Si vous, qui lisez les journaux, n’y trouvez aucune protestation ni attaque contre mon article de la Revue, vous eu pourrez conclure et faire remarquer que c’est là une grande confirmation, et un grand aveu que ce silence : car depuis quand peut-on dire aux gens, au beau milieu de la foule, de telles vérités, sans qu’aucun témoin relève le gant ?

164. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

Que nos jeunes socialistes lisent donc l’histoire qu’en écrivit alors Karl Marx. […] Tous les grands à tour de rôle, quand je les lis, ou quand j’y rêve. […] Tous ceux-là je les lis « comme des anciens grecs, latins, classiques en général », donc, peut-être, je lis « comme un vivant » celui-ci : Verlaine. […] Quand je lis la Maison du Berger, mon poète est Vigny, quand je lis Dies iræ, c’est Leconte de Lisle, quand je lis Bénédiction, c’est Baudelaire. […] Tout dépend de ce qu’ils me donnent et de ce que je leur apporte à l’heure même où je les lis.

165. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

J’ai lu leurs vers, et je n’y ai même pas vu ce que voyait le dindon de la fable enfantine, lequel, s’il ne distinguait pas très bien, voyait du moins quelque chose. […] Dans leur ensemble, les Poèmes saturniens (comme beaucoup d’autres recueils de vers de la même époque) sont tout simplement le premier volume d’un poète qui a fréquenté chez Leconte de Lisle et qui a lu Baudelaire. […] J’y lis que, dans l’Inde antique, Une connexité grandiosement alme Liait le Kçhatrya serein au chanteur calme. […] Laisse aller l’ignorance indécise De ton cœur vers les bras ouverts de mon Église Comme la guêpe vole au lis épanoui. […] Je sais que, parmi les poètes connus sous le nom de décadents, il y en a qui se laissent lire et qui ont du talent Mais ceux-là ne sont, en somme, que des disciples plus ou moins habiles de Baudelaire, et j’ai pensé qu’il n’était point utile de parler d’eux.

166. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVIII » pp. 266-276

Nous parlions tout-à-l’heure de l’ancien Balzac ; mais qu’on lise le Balzac d’aujourd’hui, le fécond auteur de tant de romans bien commencés et mal finis. […] Ces messieurs auront entendu dire que le célèbre Monti s’était admirablement tiré de sa traduction d’Homère sans lire directement dans l’original : mais nos arrangeurs ne sont pas des Monti. […] 47 ; il associait tout cela, rimait comme un ouvrier à la journée, et la seule différence, c’est qu’on ne parlait plus de lui et qu’on ne le lisait pas : son talent n’étant plus porté par des sujets actuels était retombé dans le vulgaire du métier. […] Nous avons été fort étonné de lire dans un des derniers volumes de poésies de Victor Hugo : Méry, fils de Virgile ! […] Ce poëme descriptif, effrayant à lire, a été commandé, nous assure-t-on, à Barthelemy par un riche médecin empirique, M.

167. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

Pour reconnaître, sans en laisser échapper aucune, toutes les imitations d’André Chénier, il a dû commencer par lire tous les poëtes grecs et la plupart des poëtes latins : savez-vous que le chemin vaut bien le but ? […] Camille, on le savait déjà, c’est Mme de Bonneuil, « belle et spirituelle personne dont la fille épousa depuis Regnault de Saint-Jean-d’Angely. » Au lieu d’une Daphné, inventée par M. de Latouche qui avait mal lu ou voulu mal lire le chiffre à demi mystérieux, Dr., il faut lire d’Arcy ; l’honneur d’avoir deviné le tendre hiéroglyphe revient à M.  […] Ce fils et cet héritier des Grecs n’est point un Callimaque de moins de génie que d’art ; ce n’est point un Properce toujours difficile à lire, et qui, même dans ses nobles ardeurs, les complique et les masque de trop de doctes lectures : plus que Platen et comme Leopardi, il est de ceux dont l’âme moderne se laisse voir tout ardente à travers même les dépouilles de l’Antiquité dont elle s’enrichit ; il ne confond jamais l’érudition qu’il possède et qu’il maîtrise, avec la poésie dont il est possédé.

168. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Avellaneda »

L’Europe lut le roman espagnol et fut ravie. […] c’est le talent de ses lettres que nous lisons qui a éternisé l’énigme et rendu, pour la deviner, la postérité infatigable. […] M. de Lavigne aura prouvé une fois de plus la justesse du mot de Montesquieu, qui disait que les gens d’esprit faisaient les livres qu’ils lisaient. […] qui fera lire un livre qu’on ne lisait plus, de par la puissance ou le charme de sa traduction… Mais là s’arrêtera le miracle, et M. 

169. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

Et qu’est-ce que je lisais ? […] Au bout de peu de jours il nous l’apporta, déjà lu et relu par lui. […] Je ne me contentai pas de le lire, je l’appris par cœur, seulement en le lisant. […] On ne pouvait lire sans pleurer, ni pleurer sans se souvenir. […] Lisez les deux et si vous avez le goût délicat du naïf, prononcez vous-même.

170. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

J’engage ceux qui s’en choqueraient à lire, dans l’Essai sur l’indifférence en matière de religion, les extraits de J. […] C’est une complaisance qu’on n’ose plus avoir pour soi-même quand on a lu de Maistre. […] L’art de lire les bons livres serait son vrai nom. […] Il est jusqu’à trois ou quatre comédies de Beaumarchais et de Marivaux qui se jouent et se lisent. […] Tout y vient du temps, et ce qu’une mode y fait lire avec délices, une autre mode en dégoûte.

171. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 32, de l’importance des fautes que les peintres et les poëtes peuvent faire contre leurs regles » pp. 273-274

Comme nous ne voïons que successivement un poëme dramatique ou un poëme épique, et comme il faut emploïer plusieurs jours à lire ce dernier, les défauts qui sont dans l’ordonnance et dans la distribution de ces poëmes ne viennent pas sauter aux yeux comme des défauts pareils qui sont dans un tableau. […] Ils ne lisent point les poëmes pour examiner si rien ne s’y dément, mais pour jouir du plaisir d’être touchez. Ils lisent les poëmes comme ils regardent les tableaux, et ils sont choquez seulement des fautes, qui, pour ainsi dire, tombent sous le sentiment, et qui diminuent beaucoup leur plaisir.

172. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

Il aime à s’appuyer sur les anciens, à les lire plume en main et en les traduisantr. il est un peu en cela de la postérité du xvie  siècle. […] Si mon ouvrage paraît jamais, vous aurez sans doute envie de le lire, et je crois que cette lecture vous fera du bien. […] C’est avec ce surveillant ignare, avec ce Brutus qui ne sait pas lire, qu’il se suppose en conversation et discutant lequel des deux est le plus heureux au sens du sage ; lequel est le plus libre. […] Mme de Staël, que Daru avait vue pour la première fois en Suisse, à Coppet, lui écrivait qu’elle avait lu l’Épître avec son père et qu’elle en savait par cœur des passages. […] [1re éd.] à les lire la plume à la main et en les traduisant.

173. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

Les nombreux amis auxquels il lut, cahier par cahier, ces mémoires dont il était si fier, eurent raison d’en féliciter l’auteur, de lui donner des encouragements et des conseils ; de lui recommander « de les continuer dans le plus grand détail qu’il pourrait », de ne rien retrancher « de ce qui peint l’homme dans les moindres circonstances de sa vie », de ne pas trop céder sur ces points au goût simple et un peu nu du trop classique abbé Fleury, lequel en fut d’ailleurs très satisfait. […] Si peu de gens savent bien lire, et il sera si facile désormais d’en abuser ! […] Il nous l’avoue en un endroit notamment où il veut se justifier au sujet d’un sien cousin, le curé Honbrel, qui revient souvent sous sa plume : Dans le même temps, dit-il, j’achevai mon travail sur la censure de l’assemblée du Clergé de 1700, que je lus tout entier à M. de Meaux, pour mériter de plus en plus ses faveurs, et dont il me sut très bon gré et me donna mille louanges ; j’entrepris aussitôt très vivement la correction du missel et du bréviaire, dont je lus aussi le travail à M. de Meaux, qui l’approuva fort ; tout cela dans le dessein de nous le rendre favorable dans les occasions. […] Je lui ai lu le quinzième chapitre de l’Évangile de saint Jean, où il a pris un grand goût, disant : « Voilà toute ma consolation. » Puis ajoutant : « Il faut bien remercier Dieu de ce qu’il nous a donné une telle consolation dans nos maux, sans laquelle on y succomberait. » Il s’est promené environ une heure, puis on a continué la lecture des voyages, et le soir il y a eu symphonie. […] Il n’y avait que lui, en effet, qui pût bien lire les manuscrits et s’y reconnaître en qualité d’ancien secrétaire.

174. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

En Allemagne, une servante, le dimanche, lit Schiller et l’entend ; maintes fois vous rencontrez un piano dans une arrière-boutique ; les mineurs flamands, leur ouvrage achevé, chantent en parties ; partout en pays protestant la Bible, du moins, est lue et même sentie par le peuple. […] Son parent Pintrel lui avait fait lire et relire Virgile, Homère, et aussi Quintilien, Horace et Térence. […] Sont-ce des vers que vous lisez ici ou un tableau que vous avez sous les yeux, mieux qu’un tableau, puisque le sentiment y est avec les couleurs ? […] Lisez encore ces trois lignes, vous emporterez avec leur souvenir de quoi songer toute une heure, car elles enferment toute une vie : J’étais libre et vivais content et sans amour ; L’innocente beauté des jardins et du jour Allait faire à jamais le charme de ma vie. […] J’aime mieux copier une page de son Platon, une page que certes il a bien souvent lue, et qui le peint comme il voudrait l’être.

175. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Papesse Jeanne » pp. 325-340

Nous le connaissions avant de le lire, et même, dans son genre, nous connaissions mieux… Allez ! […] , et je les dispense, et ils peuvent se dispenser très bien, de lire la dissertation qui précède mon roman et les notes qui l’accompagnent. » Quel ton superbe de dandy, qui ne tient pas plus à sa science, qu’il croit énorme, que lord Byron ne tient à son génie dans quelques-unes de ses préfaces ! Selon Emmanuel Rhoïdis, la chose à lire de son livre, c’est le roman, et cela n’est vrai ni dans sa pensée ni hors de sa pensée. La chose à lire, au contraire, c’est la dissertation historique sur la Papesse Jeanne. […] Aussi, pour s’assurer qu’on la lira, cette dissertation, le charmant auteur de La Papesse dit, avec toute la langueur de l’indifférence : « Ne la lisez pas ! 

176. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IV. M. Henri Martin. Histoire de France » pp. 97-110

On ne les lisait plus. […] En effet, l’Académie, pour les bourgeois qui devaient lire l’Histoire de France de M. Martin, comme ils lisent le Dictionnaire historique et géographique de M.  […] Lorsque je lis le reste de cette Histoire de France qui n’a que le druidisme pour tout aperçu, M.  […] Les deux derniers volumes, que nous venons de lire avec moins de dégoût que les autres, contiennent la fin de Louis XIV, la Régence et les commencements de Louis XV.

177. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Nous maintenons l’abbé Delille mort et bien mort, dans le sens qu’on va lire. […] Je lis avec une grande timidité une trentaine de vers. […] On fit des cartons à ces endroits, le livre parut, et tout le monde lut Clément. […] C’est comme si on lisait Racine traduit dans la langue de Louis XV. […] Nous maintenons l’abbé Delille mort et bien mort, dans le sens qu’on va lire.

178. (1929) Dialogues critiques

celui-là… Avez-vous lu la Correspondance de Renan, qui vient de paraître ? […] Pierre Je ne les lis pas toujours. […] Pierre Vous les soupçonnez d’avoir lu Quincey ? […] Il suffisait de le lire, mais on n’avait garde. […] », vous lisez cela ?

179. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

tu ne lis donc pas dans ton flot transparent ? […] Il me demanda de lui écrire plus correctement ce cantique pour le faire lire au père Debrosse, supérieur du collège, mais il ne le lut point à ses élèves dans la classe, sans doute de peur de manquer à la discipline antipoétique de nos leçons. […] Nous remerciâmes le maître de nous avoir fait anticiper ainsi sur le plaisir que nous nous promettions, en sortant, à la fin de l’année d’études, de lire à satiété ces volumes. […] Voilà le secret de cette élégie tragique de la Jeune Captive, qui ne ressemble en rien à cette famille d’élégies grecques que nous avons lues plus tard dans ses œuvres. […] On a lu avec indulgence une page en prose de mes Confidences sous le nom de Graziella.

180. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

Froissart aimait fort le printemps : son cœur volait partout où il y avait roses et violettes : mais l’hiver, il savait aussi s’accommoder de la saison, et, se tenant coi au logis, il lisait espécialement traités et romans d’amour. […] Dans la première partie, il avait eu pour guide, comme il le dit lui-même en commençant, la chronique de Jean le Bel, chanoine de Saint-Lambert de Liège (je change à peine quelques mots dans ma citation pour qu’on puisse lire couramment) : On dit, et c’est vrai, que tout édifice est formé et maçonné une pierre après l’autre, et toutes grosses rivières sont faites et rassemblées de plusieurs ruisseaux et fontaines : de même les sciences sont extraites et compilées par plusieurs clercs et savants, et ce que l’un sait l’autre ne le sait pas : pourtant il n’est rien qui ne soit su de loin ou de près. […] Pour prendre idée du zèle et du sentiment que Froissart apportait à la confection de son œuvre, il faut lire les diverses préfaces et les passages où il s’en exprime avec effusion. […] Je n’y change toujours et n’y rajeunis çà et là que quelques mots : À la requête, contemplation et plaisance de très haut et noble prince, mon très cher seigneur et maître Gui de Châtillon, comte de Blois, sire d’Avesnes, de Chimay, etc., je, Jean Froissart, prêtre et chapelain de mon très cher seigneur susnommé, et pour lors trésorier et chanoine de Chimay et de Lille en Flandre, me suis de nouveau réveillé et entré dedans ma forge, pour ouvrer et forger en la haute et noble matière de laquelle dès longtemps je me suis occupé, laquelle traite et propose les faits et les événements des guerres de France et d’Angleterre, et de tous leurs conjoints et leurs adhérents… Or, considérez, entre vous qui me lisez, ou lirez, ou avez lu, ou entendrez lire, comment je puis avoir su ni rassemblé tant de faits desquels je traite avec tant de détail. […] Et c’est alors qu’après quelques autres propos à ce sujet, il dit brusquement à Morton : « Avez-vous jamais lu Froissart ?

181. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Quand on a lu les derniers jugements de M. de Carné sur Henri IV, ou encore ceux que M.  […] Cette dernière réponse, qu’on peut lire dans le recueil de M.  […] Il y a deux choses, a remarqué Scaliger, dont le roi n’était point capable, à savoir, de lire et de tenir gravité. […] Le marquis d’Argenson, qui avait conseillé à l’abbé ce travail, écrivait en ces termes naïfs l’impression qu’il avait reçue à la lecture : « Excellent livre, qu’on ne peut trop lire. […] [NdA] On peut lire sur Henri IV, au tome V de La France protestante, de MM. 

182. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Monsieur Jullien, j’ai lu de vos vers français, car vous en avez commis, et quels vers, bon Dieu ! […] J’en pourrais citer ici à l’appui ; je les ai lus, et j’ai compris votre sentiment sur les Anciens. […] C’est dans la jeunesse qu’il faut apprendre à lire les Anciens. […] Soyez sobre, soyez à jeun ; n’allez pas, à vos jours de communion avec l’Antiquité, lire tous les journaux dès le matin. […] Il en est ainsi des grands poètes : ils doivent être lus souvent et étudiés avec révérence, avant qu’un esprit neuf puisse acquérir quelque chose comme une connaissance égale à leur mérite.

183. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Sa mère qui, veuve d’un riche procureur au Parlement, voulait qu’il devînt un avocat célèbre, lui voyant de l’aversion pour ses cahiers, les jetait elle-même au feu, et lui donnait des romans à lire. […] À peine revenu d’Italie, et tandis qu’il lisait Cicéron et s’étudiait à sa forme oratoire, le beau Patru ne laissait pas de faire des ravages aux environs du Palais et du Châtelet. […] La première phrase de son seizième plaidoyer a été citée comme une des deux périodes françaises les plus régulières : nous pourrions la lire cent fois sans nous en douter. […] J’ai lu ces deux pamphlets de deux gens d’esprit si en renom, et je n’en saurais rien extraire à notre usage. […] Quintilius, en effet, est cet ami d’Horace à qui le poète lisait ses vers, et qui n’en laissait passer aucun de faible ni de languissant.

184. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Donc il faut le lire. […] Du moment que les femmes ne les lisent point, les poètes en sont réduits à se lire les uns les autres. […] Lisez-les. […] On ne peut guère se dispenser de l’avoir lu. […] Il faut lire les romans de Goncourt ? 

185. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires du marquis d’Argenson, ministre sous Louis XV »

On y trouvait les gazettes de France, de Hollande et d’Angleterre ; on y causait des affaires, on y lisait des extraits d’ouvrages ou des mémoires ; c’était un café d’honnêtes gens, comme dit M. d’Argenson ; en d’autres termes, c’était un essai spontané d’une Académie des sciences morales et politiques. […] Il acheva ses Considérations sur le gouvernement français dont il avait lu au club les premières ébauches et qui lui valurent dans la suite une honorable mention de Rousseau. […] Il pensait fermement que plus on lit plus on a d’esprit ; il lisait tout, même le Cyrus ; il y apprenait sinon les mœurs des Perses, du moins celles de l’hôtel de Rambouillet ; il faisait beaucoup de cas de Balzac et fort peu de Voiture ; il croyait qu’une science dont on connaît l’histoire est une science à peu près connue ; il se vantait d’avoir lu Don Quichotte plus de vingt fois en sa vie.

186. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 4, objection contre la proposition précedente, et réponse à l’objection » pp. 35-43

Quand la malignité des conjonctures auroit asservi l’homme de génie à une profession abjecte avant qu’il eut appris à lire, voilà ce qu’on peut supposer de plus odieux contre la fortune, son génie ne laisseroit pas de se manifester. Il apprendra à lire à vingt ans, pour joüir indépendemment de personne du plaisir sensible que font les vers à tout homme qui est né poëte… bien-tôt il fera lui-même des vers. […] Nous avons même pû voir un cocher, qui ne sçavoit pas lire, faire des vers, très-mauvais à la verité, mais qui ne laissent pas de prouver que la moindre étincelle du feu poëtique le plus grossier, ne sçauroit être si bien couverte, qu’elle ne jette quelque lueur. […] Que ceux qui ne voudront pas se donner la peine de lire cette histoire, fassent du moins refléxion sur la vivacité de la jeunesse, sur sa docilité, sur les voïes sans nombre, dont nous n’avons indiqué qu’une partie, et qui peuvent toutes en particulier, conduire un enfant jusques à une situation où il puisse cultiver ses talens naturels.

187. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

M. de Maistre semble n’avoir lu que la Bible : c’était un prophète de la loi de sang. […] Lisez ! […] Il faut lire ici le texte pour y croire. […] Continuez à lire ce qu’il écrit à la même date. […] Ses pensées passeront ou sont passées, mais son style restera la durable admiration de ceux qui lisent pour le plaisir de lire.

188. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Le petit Racine en vint rapidement à lire tous les auteurs grecs dans le texte ; il en faisait des extraits, les annotait de sa main, les apprenait par cœur. […] Il décelait déjà sa nature discrète, innocente et rêveuse, par de longues promenades, un livre à la main (et qu’il ne lisait pas toujours), dans ces belles solitudes dont il ressentait les douceurs jusqu’aux larmes. […] C’est dans ce chaste paradis Que règne, en un trône de lis,   La Virginité sainte ; C’est là que mille anges mortels   D’une éternelle plainte Gémissent au pied des autels. […] Le poëte est déjà tellement habitué au tracas de Paris, qu’il se considère à Chevreuse comme en exil ; il y date ses lettres de Babylone ; il raconte qu’il va au cabaret deux ou trois fois le jour, payant à chacun son pourboire, et qu’une dame l’a pris pour un sergent ; puis il ajoute : « Je lis des vers, je tâche d’en faire ; je lis les aventures de l’Arioste, et je ne suis pas moi-même sans aventures. » Tous ses amis de Port-Royal, sa tante, ses maîtres, le voyant ainsi en pleine voie de perdition, s’entendirent pour l’en tirer. […] D’après le peu qu’on vient de lire sur le caractère, les mœurs et les habitudes d’esprit de Racine, il serait déjà aisé de présumer les qualités et les défauts essentiels de son œuvre, de prévoir ce qu’il a pu atteindre, et en même temps ce qui a dû lui manquer.

189. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Mais quel livre de Diderot peut-on lire ? […] Pour apprendre à lire aux enfants, on met des dragées sur chacune des lettres de l’alphabet. […] Apprendre tard nous est donné comme le meilleur état, après ne rien savoir ; témoin Virginie qui en arrivant en France ne sait ni lire ni écrire. […] Chaque fois que je l’ai lu, aux mêmes pages, aux mêmes paroles, mes yeux se sont mouillés de larmes. […] Encore n’admirait-on les premiers que sur la foi des seconds, les seuls qui fussent lus.

190. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES » pp. 456-468

Quand je suis seul et que je souffre, dans ma chambre, près d’un livre que je ne lis pas, je rêve sans trop presser mes pensées, je me résigne, je jouis d’une tristesse sévère ; et à ma porte, sans avoir frappé, se présentent debout ces deux hôtesses silencieuses, la Philosophie et la Nécessité, belles encore dans leur attitude auguste, — mais combien différentes de ce que me furent autrefois ces deux jeunes déesses, la Grâce et le Désir ! […] — Une bonne journée aujourd’hui, j’ai lu de l’Homère ce matin et j’ai vu madame d… à quatre heures. […] — Écrire des choses agréables, et en lire de grandes. […] Dans cette ode si connue où Horace énumère tout ce qu’il nous faudra quitter bientôt à l’heure de la mort (Linquenda tellus et domus et placens uxor…), il oublie une des plus profondes douceurs, une des plus durables et des plus chères à la vie déclinante, celle de lire Horace et les Anciens : un jour viendra bientôt, charmant poëte, où nous ne te lirons plus !

191. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

mon enfant, ta voix dans le bois de Boulogne… Je ne veux pas ouvrir ses livres, parce que je voudrais tout lire, et tout citer, et qu’on ne songe au dire ici qu’un adieu. […] Jusqu’à ce qu’on ait dépouillé toute laideur, jusqu’à ce qu’on ait transformé ce monde en vastes et insipides Champs-Élysées, il faudra bien lire ses dégoûts et sa peine dans le lamentable Baudelaire. […] On connaîtra le Florilège, et le public à qui Mallarmé fut un nom jeté il y a quelques années en risée viendra, avec sérieux, lire ces Morceaux choisis, comme il a fait ceux de Verlaine, l’an d’avant. […] On a lu Taine ou on ne l’a pas lu. […] Mais sa curiosité émue s’attachait des mois à pénétrer une époque, une civilisation, un monde, à voir les paysages, à lire les chroniques, avant que sa verve poétique se plût à formuler en quatorze vers un moment d’histoire enfin possédé.

192. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Quand on a lu ce volume, et qu’on a relu tous les vers que le biographe indique et qu’il rappelle, on sait tout de La Fontaine, on a été son ami, et l’on n’a plus, pour achever son idée, qu’à faire comme lui, à sortir seul en cheminant au hasard et à rêver. […] Je voulais jouer ; vous vouliez lire. […] Je lisais, vous écoutiez, mais avec une telle attention, que vos yeux fixés sur moi semblaient suivre tous les mouvements de mes lèvres. […] Mais en revenant trop rapidement sur sa note, et cherchant à mieux traduire, il a cru lire ducenta au lieu de ducentia : de là cette surcharge singulière de deux cents. […] Grille) : Je lis, et, autour de moi, ma femme, mon fils et mes amis lisent votre ouvrage sur Mme de Sévigné avec tout le plaisir que vous pouvez imaginer.

193. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre IX. Du rapport des mots et des choses. — Ses conséquences pour l’invention »

Quand nous lisons, et même quand nous pensons, nous n’apercevons pas sous chaque mot l’image correspondante : le mot est seul dans notre esprit, notation sèche, algébrique, et qui nous suffit parce qu’elle est familière et connue, et que nous nous sentons le pouvoir de la remplacer à chaque moment par l’image. […] Nos yeux lisent, nos oreilles écoutent : nous pensons les formes et les sons des mots ; rien ne va à l’imagination ni au cœur, et rien par conséquent n’en sortira, si nous n’insistons et ne forçons le mot à céder sa place à la sensation même de l’objet, réveillée et rafraîchie. […] J’ai lu quelque part, dans une composition d’élève sur les qualités que doit avoir le style : « Quand on a donné au style la clarté et la propriété, on ajoute la brièveté. » Sur de telles conceptions, si grossières et si carrées, l’intelligence ne peut mordre : elles échappent vraiment à la prise de la pensée.

194. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gille, Valère (1867-1950) »

Marc Legrand « Lorsque nous contemplons l’antiquité avec le désir sincère de la prendre pour modèle, il nous semble que, dès ce moment seulement, nous comprenons notre dignité. » Ce mot de Goethe se vérifie à lire le recueil que M.  […] Paul Laur Je mets au défi tout cœur de vingt ans que la vie n’a pas encore racorni de lire la Cithare sans une émotion profonde. […] Voici cette dédicace : « Aux poètes Iwan Gilkin et Albert Giraud, à mes chers amis, en souvenir de notre campagne littéraire pour le triomphe de la tradition française en Belgique. » Voilà les sentiments qui se manifestent en pays belge pour la tradition française, et qu’il est si doux de lire en première page de beaux et bons livres écrits en pure et belle langue française.

195. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 9, comment on rend les sujets dogmatiques, interessans » pp. 64-66

Il est si vrai que ce sont ces images qui sont cause qu’on se plaît tant à lire les georgiques, que l’attention se relâche sur les vers qui donnent les preceptes que le titre a promis. Supposé même que l’objet, qu’un poëme dogmatique nous présente, fût si curieux qu’on le lût une fois avec plaisir, on ne le reliroit pas avec la même satisfaction qu’on relit une églogue. […] On ne lit son ouvrage que de propos deliberé, et il n’est point, comme l’éneide, un de ces livres sur lesquels un attrait insensible fait d’abord porter la main quand on veut lire une heure ou deux.

196. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Tant pis pour qui ne fait jamais de solécisme en parlant ; on pourrait dire que ces personnes-là lisent toujours et ne parlent jamais. […] apprenez un dictionnaire, si vous pouvez, et lisez beaucoup : c’est ainsi qu’en ont usé plusieurs gens de lettres. […] Ne serait-ce point pour cette raison qu’il est rare de lire, sans être fatigué, bien des vers de suite, et que le plaisir causé par cette lecture diminue à mesure qu’on avarice en âge. […] Ceux qui douteront que la concision puisse subsister avec l’éloquence, peuvent lire pour se désabuser les harangues de Tacite. […] Ce n’est assurément pas celui de l’Académie Française ; il ne faut, pour s’en convaincre, que lire les ouvrages et les discours même des principaux membres qui la composent.

197. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Où l’on voyait les règles de l’épopée appliquées avec un goût timide, on croyait lire un poème épique. […] Quand la Beaumelle disait de la Henriade : « Qui, dans cinquante ans, lira ce recueil de vers ?  […] On lisait la Henriade, il y a un siècle, les amis de Voltaire pour le plaisir qu’ils y prenaient, ses ennemis pour y trouver des raisons de ne pas l’aimer. Aujourd’hui, lire la Henriade n’est possible à personne ; j’entends la lire comme on fait des vrais poètes, pour la lire. […] Ils étaient poètes bucoliques par la mode qui faisait lire avec délices les romans de d’Urfé.

198. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

Depuis quelques jours, j’avais lu les Psaumes, l’Évangile et quelques bons livres. […] je viens à vous parce que vous m’avez invoqué. » Je n’en lus pas davantage ; l’impression subite que j’éprouvai est au-dessus de toute expression, et il ne m’est pas plus possible de la rendre que de l’oublier. […] Chamfort nous avait lu de ses Contes impies et libertins, et les grandes dames avaient écouté, sans avoir même recours à l’éventail. […] » Le maître de la maison se leva brusquement, et tout le monde avec lui… Il faut tout lire de cette Prophétie, jusqu’au dernier mot où Cazotte se prédit à lui-même sa fin et en style plus poétique et figuré. […] Sa Prophétie de Cazotte à la main, il peut se présenter même auprès des générations rebelles pour qui son Cours de littérature n’est plus une loi vivante : elles se contenteront de cette seule page mémorable, et, après l’avoir lue, elles le salueront.

199. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

J’ai lu un recueil franco-roumain. […] que n’ai-je point lu ? […] Bien entendu, je n’ai pas lu tout ce fatras. […] Ces dames lisent utilement Erckmann-Chatrian. […] Pour aimer tant le bouquin, il n’a dû lire que le titre, qui est gentil.

200. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — P.-S. » pp. 38-40

L’évêque alla sur-le-champ chercher un de ses sermons et le lut. […] La série d’extraits qu’on va lire me paraît fort curieuse pour fixer le premier temps de son éloquence, les débuts modestes, convaincus, touchants. Je lire ces passages de la correspondance manuscrite de M.  […] I, p. 487 ; en retrancher l’injure qui y est inutile et injuste ; mais y lire les faits articulés.

201. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

L’éducation historique qu’ils me donnèrent consista uniquement à me faire lire Rollin. […] Ils prenaient tout au sérieux, ainsi que font les Lapons quand on leur donne la Bible à lire. […] Mme D… aura la complaisance, si vous ne pouvez lire vous-même, de vous lire un chapitre par jour. […] Nos lettres, selon l’usage des maisons religieuses, étaient lues par un des directeurs. […] Le soir, on lisait en sa présence les places et les notes de la semaine.

202. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

mais il faut lire ! […] Hugo a beaucoup lu la Bible ; qu’il se compare ! […] Quand on l’a lu comme nous venons de le lire, on a des vertiges comme les siens. […] Nous nous entendrions tous pour ne pas les lire. […] Comparez-la, pour savoir où est la vraie poésie, aux paraboles que sa mère lui faisait lire, quand il avait une mère et une foi !

203. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Un jour, je lus sa mort dans un journal. […] Lisez : À DEUX ABSENTS. […] Continuez à écrire, nous ne cesserons pas de vous lire ! […] « Je ne sais trop si Gibbon ne met pas ici un peu du sien, si les vétérans lisaient l’épisode du vieillard de Tarente. Les fils de ces vétérans, du moins, purent le lire.

204. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

On s’aperçoit d’abord que, comme notre bon fabuliste, elle a lu de bonne heure l’Astrée, et qu’elle a rêvé dans sa jeunesse sous les ombrages mythologiques de Vaux et de Saint-Mandé. […] car cette femme, qu’on a traitée de frivole, lisait tout et lisait bien : cela donne, disait-elle, les pâles couleurs à l’esprit, de ne pas se plaire aux solides lectures. Elle lisait Rabelais et l’Histoire des Variations, Montaigne et Pascal, la Cléopâtre et Quintilien, saint Jean Chrysostome et Tacite, et Virgile, non pas travesti, mais dans toute la majesté du latin et de l’italien. Quand il pleuvait, elle lisait des in-folio en douze jours. […] Et, maintenant, si dans tout ce qui précède nous paraissons à quelques esprits difficiles avoir poussé bien loin l’admiration pour Mme de Sévigné, qu’ils nous permettent de leur adresser une question : L’avez-vous lue ?

205. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

Pour bien connaître un critique, pour se retracer au vrai sa physionomie et sa personne, il ne suffit pas de lire ses écrits. […] Le Voyage d’Anacharsis, me disait M. de Féletz, est peut-être le dernier livre moderne qu’il ait lu. […] Il lisait tout ce dont il avait à parler, condition essentielle et pourtant rare dans le métier de critique, et que Dussault lui-même ne remplissait pas toujours. Tourmenté la nuit par l’insomnie, il lisait sans cesse, et, doué d’une vaste mémoire, il n’oubliait rien de ce qu’il avait lu une fois. […] La partie positive chez Hoffman mérite toujours d’être lue.

206. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

. — Un jour, durant l’année que le docte Saumaise passa à Stockholm près de la reine Christine, comme il avait la goutte et gardait le lit, la reine le vint visiter ; or, en ce moment, pour se désennuyer et tromper son mal, le grave commentateur lisait un livre très agréable, mais assez leste (perfacetum guidem, at subturpiculum), Le Moyen de parvenir, de Béroalde de Verville. […] La reine saisit donc le livre à temps, quoique déjà sous la couverture ; elle en lut au hasard quelques lignes qui la firent bien sourire, et, ayant appelé mademoiselle de Sparre, noble et belle fille de sa suite, et sa favorite la plus chère, elle lui marqua du doigt certains passages, qu’elle lui ordonna de lire tout haut, malgré les fréquents arrêts, la rougeur et la honte de cette jeune personne, et aux grands éclats de rire de tous les assistants. — Qui nous raconte cela, s’il vous plaît, sur ce ton de badinage ? […] à ceux qui entendent raillerie de la sorte, qui l’entendent comme Huet, comme Christine, comme Saumaise, Ménage et Lamonnoie, nous croyons pouvoir, sans rien compromettre, parler des Mémoires de Casanova ; nous ajouterons pourtant, de peur que l’anecdote citée tout à l’heure ne fasse équivoque, que mesdemoiselles de Sparre ne doivent en lire aucun passage ni haut ni bas. […] Quant à Casanova lui-même, il ne tarda pas à se perfectionner, et sans avoir besoin de lire beaucoup de romans, je crois. […] On croirait lire quelque idylle d’un érotique grec.

207. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

Et il le sent si bien, cet esprit positif au fond, qui arrache un si riche lambeau de bon sens à la philosophie contemporaine dont il est féru, que, malgré sa tendance à généraliser, malgré les catégories qu’il dresse des différentes formes de la main correspondant aux différentes spécialités de l’intelligence, il n’ose pas donner à son livre un autre nom que celui d’aperçu, et qu’il dit dans l’introduction, avec une modestie antiphilosophique : « Qui n’a lu Gail et ses adeptes enthousiastes, les phrénologistes ? […] Qui n’a lu Lavater et les autres physiolognomonistes ? […] Quand on aura commencé de le lire, on le lira toujours ; mais il faut commencer. […] Pour qui sait lire et surtout comprendre, il est évident que le plus grand ennemi que d’Arpentigny ait de son talent, c’est son esprit ; mais du moins son talent résiste ! […] Comme le principe de la vitalité est dans les nerfs, Chopin est mort jeune. » Dans l’impossibilité de citer tout ce qui peut donner l’idée de ce talent inconnu qui a bien le droit d’une place au soleil, nous avons choisi ces lignes pénétrantes sur Chopin ; mais ceux qui liront, après nos citations, le capitaine d’Arpentigny, auront seuls la mesure de ce talent, qui peint Chopin avec cette profondeur nuancée et qui, du même pinceau, nous peint si différemment des natures différentes, — par exemple le général Rapp et le prince Jules de Polignac.

208. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

Lisez cette histoire, belle jusqu’aux larmes ! […] Si les enfants tombaient quelque jour dans les idées ridiculement irréligieuses que j’ai eues quelquefois moi-même, fais-leur lire cette lettre et dis-leur que l’oncle Gaston qui, plein de vie, de force et de raison, est mort entre les mains d’un prêtre, était cependant un homme intrépide… » Comparez en beauté morale, et même en beauté dramatique, la mort de Raousset à celle de Lara, et vous verrez si la vérité historique n’est pas plus grande que l’invention du grand poète ! […] Mais qu’on lise ses admirables lettres, qu’on lise les notes qu’y a attachées de la Madelène, et l’on reconnaîtra que le fond du caractère de Raousset-Boulbon fut la probité, — une probité chevaleresque, immense, étendue sur toutes les relations de la vie. […] ils ne dépassent pas le niveau poétique de tous ceux qui font des vers après en avoir lu beaucoup. Dans les rouges haillons sur ses genoux drapés, La vieille consulta les tarots fatidiques ; Elle lut dans ma main les signes symboliques ; Elle hocha la tête et puis elle me dit : Ce n’est pas moi qui parle, écoute !

209. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Hommes et dieux, études d’histoire et de littérature, par M. Paul De Saint-Victor. »

« On écrirait un livre rien que pour vous faire écrire une page. » C’est le remercîment qu’adressait Victor Hugo à M. de Saint-Victor après avoir lu son article sur les Travailleurs de la mer, un de ces beaux morceaux qui portent avec eux leur flamme. Et Eugène Delacroix, qui venait de lire un article de lui sur le Cid, lui écrivait : « Je penserai à cela pendant quinze jours, et j’en ferai de meilleure peinture. » Ce sont là des suffrages, des titres de noblesse, et ils sont justifiés par ce qu’on lit depuis près de quinze ans, chaque dimanche soir, sous cette fière et résonnante signature : analyses d’ouvrages d’art ou de pièces de théâtre, feuilletons ou salons, comptes rendus qui sortent du cadre et qui sont eux-mêmes de brillants portraits ou des tableaux. […] En un mot, dans ces volumes de critique qu’on multiplie de nos jours, je goûte certes le talent et ce qui donne la mesure d’un esprit, mais j’aime surtout l’information, l’accident, le détail et la circonstance, ce qui en restera de piquant et d’imprévu pour ceux qui les liront plus tard. […] Il excelle, à propos des nouveautés qui passent, à se tailler un sujet à part dans une étoffe souvent vulgaire qu’il rehausse aussitôt, à en détacher et à y découper pour son compte un personnage historique, une grande figure, un type, et il s’y applique, il s’y déploie avec sa vigueur d’expression, sa couleur éblouissante, avec son instruction et sa vaste lecture toujours neuve, originale, inventive et heureuse d’allusion et d’à-propos, qui n’a rien de banal ni d’usé dans ses citations, et qui même, lorsqu’elle sort d’un coffre antique, a la splendeur d’une étoffe d’Orient. « Quand je lis Saint-Victor, je mets des lunettes bleues », disait Lamartine. […] Lisez ses lettres à Pope, à Bolingbroke, et celles qu’il recevait d’eux : ce sont des trésors, à mon sens, d’expérience, d’agrément rassis et de sagesse.

210. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre V. Des Grecs, et de leurs éloges funèbres en l’honneur des guerriers morts dans les combats. »

lis tous ces noms, honore-les, et adore la patrie qui récompense ainsi le courage. » — Arrivés aux Thermopyles, ils se prosternent sur le lieu où trois cents hommes se sont dévoués contre trois cent mille. Le père fait lire à son fils cette inscription sur le rocher : Passant, va dire à Sparte que nous sommes morts pour obéir à ses saintes lois  ; et ils redescendent à travers les rochers, en silence. […] Approche, et lis sur l’airain ces vers gravés en leur honneur. » — C’est ainsi qu’ils parcourent la Grèce. […] Il faut lire tout ce morceau dans l’original même ; je doute que l’on trouve rien chez les Grecs d’une éloquence plus noble. […] Les guerriers de la Grèce, après avoir lu ou entendu de pareils discours, devaient être plus enflammés que dans les pays où le soldat mercenaire, méprisé et payé, combat sans vertu, meurt sans gloire, essuie le dédain pendant sa vie, et l’oubli après sa mort.

211. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Sur Adolphe de Benjamin Constant » pp. 432-438

Lord Byron, jugeant Adolphe au moment où il parut, en 1816, écrivait dans une lettre à un ami : J’ai lu l’Adolphe de Benjamin Constant, et sa préface niant les gens positifs. […] Le livre d’Adolphe avait paru, depuis quelques mois, à Paris, que Sismondi ne le connaissait pas encore ; il était alors en Italie, et il écrivait à son amie de Florence, la comtesse d’Albany, le 9 septembre 1816 : Il n’y a point de livre, Madame, que je désire voir comme le roman de M. de Constant ; il y a fort longtemps que j’en entends parler, même plus de deux ans avant qu’il ait songé à l’imprimer, et quoiqu’il l’ait lu à une moitié de Paris, quoique nous y ayons beaucoup vécu dans la même société, et que je lui sois réellement fort attaché, je n’ai jamais été d’aucune de ces lectures. […] Après avoir reçu le livre, il écrivait à Mme d’Albany, le 14 octobre 1816, — et cette lettre est devenue désormais le jugement et le commentaire inséparables d’Adolphe : … J’ai profité du retard pour lire deux fois Adolphe ; vous trouverez que c’est beaucoup pour un ouvrage dont vous faites assez peu de cas, et dans lequel, à la vérité, on ne prend d’intérêt bien vif à personne. Mais l’analyse de tous les sentiments du cœur humain est si admirable, il y a tant de vérité dans la faiblesse du héros, tant d’esprit dans les observations, de pureté et de vigueur dans le style, que le livre se fait lire avec un plaisir infini.

212. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre III. De la sécheresse des impressions. — Du vague dans les idées et le langage. — Hyperboles et lieux communs. — Diffusion et bavardage »

Alors on fait appel à sa mémoire ; on répète ce qu’on a entendu dire à ses maîtres, lu dans les manuels, plus tard ce qu’on a entendu dire dans le monde, lu dans la revue ou le journal. […] Eût-on quelque velléité de sentir autrement, fût-on convaincu même que la vérité des faits y oblige, la phrase est là, si tentante, si facile à prendre ; il est si commode de la ramasser ; on a si peu le loisir, si peu l’habitude de sentir sa propre pensée et d’en chercher l’exacte formule, qu’on se laisse aller ; et l’on dit blanc quand on eût pensé noir si l’on n’avait pas lu son journal. Le pis est qu’on ne s’en aperçoit pas et que l’on croit bien véritablement exprimer son sentiment personnel ; on s’y affermit, on en conçoit la vérité en le voyant partagé par tant d’autres, qui lisent aussi le journal.

213. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXIII » pp. 244-246

On se demande quand on a lu ce poëme, comme au reste après avoir lu presque tous ceux de M. de Vigny : Est-ce idéal ? […] Letronne, mérite qu’on la lise.

214. (1876) Romanciers contemporains

L’art de lire les bons livres serait son vrai nom. […] Tous nos lecteurs l’ont lue. […] Tout le monde a lu ou lira ce livre, dont les éditions s’épuisent aussitôt qu’elles apparaissent. […] Ceux qui ont déjà lu leurs œuvres ratifieront nos éloges. […] Le romancier, au contraire, est lu quand il est célèbre, et, pour être célèbre, il faut qu’il soit lu.

215. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Lire Dante à Florence comme j’ai lu Homère en Grèce, tel serait aujourd’hui mon rêve. […] Mais j’ai beau tourner mes yeux vers le soleil, c’est dans les brumes de Caen que je lis Dante, et sans autre espoir que celui d’aller lire Shakespeare dans les brumes de Londres. […] Je n’aurai jamais tant lu ni tant osé. […] J’ai lu Quatremère de Quincy. […] Plusieurs m’ont lu déjà, chose rare !

216. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 451-455

Ils sont venus à bout de persuader aux Lecteurs, comme à ceux qui ne lisent pas, qu’il avoit fait dans ses Ouvrages l’apologie de la S. […] « Ensuite, si vous lisez ce petit Ouvrage, vous serez étonné de n’y trouver qu’un homme raisonnable, humain, philosophe même, qui combat un préjugé, qui pourroit avoir tort dans le fond, sans qu’il fût possible de lui faire le moindre reproche dans la forme ; enfin, qui n’a point cherché à justifier cette abominable catastrophe dont on le suppose le panégyriste, qui a tenu, à ce sujet, le langage d’un cœur compatissant & d’un esprit éclairé. […] Linguet dans une note ; je ne l’ai jamais vu ; je n’ai jamais eu avec lui de liaison d’aucune espece, & n’en aurai jamais vraisemblablement ; mais javoue que, sur la dénonciation authentique qui a été faite à l’Europe de ses opinions & de son Livre, j’ai été long-temps, comme beaucoup de ses ennemis sans doute, à le croire, sans l’avoir lu, un homme & un Ecrivain détestable.

217. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Lisons le contexte. […] Lisons un peu. […] » Sur quoi l’on croit avoir lu ; on est persuadé qu’on a lu. […] On ne pouvait pas lire tout ce qu’écrivait Sarcey ; mais quoi qu’on lût de lui, on ne regrettait jamais de l’avoir lu. […] Mais, vous l’aviez lu déjà.

218. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

« Pardon, si je fais des pointes ; je viens de lire deux pages de La Vie de Marianne », écrivait Voltaire à M. de Mairan. […] Marianne est faite pour être lue à petites doses. […] Ce paysan est né observateur et moraliste : il lit à livre ouvert les physionomies et les visages : « Ce talent, dit-il, de lire dans l’esprit des gens et de débrouiller leurs sentiments secrets est un don que j’ai toujours eu, et qui m’a quelquefois bien servi. » L’auteur, en faisant faire à son personnage un chemin si rapide à la faveur de sa jolie figure, a échappé à un écueil sur lequel tout autre romancier aurait donné ; il lui a laissé de l’honnêteté et s’est arrêté à temps avant la licence. […] Crébillon, ainsi que quelques auteurs de son âge, comptait trop sur la licence de ses sujets et sur son libertinage de ton pour se faire lire ; il croyait se donner le lecteur pour complice. […] Cette petite comédie des Sincères est une des plus agréables à lire de Marivaux.

219. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Après la mort de Louis XIV, Mme de Maintenon, retirée à Saint-Cyr, et vivant dans le passé, lisait le journal manuscrit de Dangeau, et elle en disait à Mme de Caylus : « Je lis avec plaisir le journal de M. de Dangeau : j’y apprends bien des choses dont j’ai été témoin, mais que j’ai oubliées. » Et un autre jour, après avoir marqué le désir d’en faire prendre des extraits sur ce qui la concerne : Remerciez bien M. de Dangeau de la permission qu’il me donnera sur ses mémoires ; ils sont si agréables que j’ai tout lu : vous entendez ce que cela veut dire (cela veut dire qu’il y a des choses qu’on passe de temps en temps). […] J’ai souvent pensé qu’un homme de notre âge qui a vu le Premier Empire, la Restauration, le règne de Louis-Philippe, qui a beaucoup causé avec les plus vieux des contemporains de ces diverses époques, qui, de plus, a beaucoup lu de livres d’histoire et de mémoires qui traitent des derniers siècles de la monarchie, peut avoir en soi, aux heures où il rêve et où il se reporte vers le passé, des souvenirs presque continus qui remontent à cent cinquante ans et au-delà. […] Ouvrons donc ce Journal de Dangeau, et apprenons à le lire en y mettant de cet esprit historique que l’auteur n’avait pas, mais qu’il sert si bien. […] Et il y a lieu vraiment, il n’est que de faire attention et de savoir le lire. […] Dangeau, qui est menin de Monseigneur d’une part, et qui, de l’autre, est chevalier d’honneur de Mme la Dauphine, se garde bien d’écrire de ces crudités-là, il n’écrit que ce que tout le monde a vu et peut lire : mais son narré même, en ces endroits, devient malin à force de réticence et de fidélité, et cette phrase qui termine tant de journées comme une ritournelle : « Mme la Dauphine passa l’après-dînée chez Mlle Bezzola », pourrait sembler un refrain de couplet satirique.

220. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

Était-ce Chloridos qu’il fallait lire, ou Locridos comme le voulait le savant Bentley ? Favre s’attacha à prouver par toutes sortes de raisons qu’il faut lire Chloridos, et que ce nom de Chloris ou de Flora (car c’est encore la même chose) s’adapte tout naturellement à la Vénus Arsinoé. […] Cette circonstance détermina le choix de Favre ; vers 1810 il rédigea une Vie de cet érudit, qui est fort instructive à lire et pour laquelle il a rassemblé les notes les plus fines et les plus rares : avec lui on va hors des sentiers battus, et l’inaperçu est ce qui le tente. […] Entre ce procédé de moderne bénédictin et celui de Pline, ou, si l’on veut, de l’ancien Balzac qui ne lisait que pour trouver de belles sentences et de belles expressions à recueillir et à enchâsser, il y a, ce semble, un milieu qui est le bon, qui est celui de Montaigne, qui est l’union de la pensée et de la forme, la lecture vivifiée par l’esprit, le suc et la fleur. […] [1re éd.] il lisait tout, plume en main

221. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Taine l’ait appliquée avec la vigueur qui est en lui : son Shakespeare, son Saint-Simon ont vivement frappé l’attention de tous ceux qui lisent. […] Pour moi, ce dernier mot d’un esprit, même quand je serais parvenu à réunir et à épuiser sur son compte toutes les informations biographiques de race et de famille, d’éducation et de développement, à saisir l’individu dans ses moments décisifs et ses crises de formation intellectuelle, à le suivre dans toutes ses variations jusqu’au bout de sa carrière, à posséder et à lire tous ses ouvrages, — ce dernier mot, je le chercherais encore, je le laisserais à deviner plutôt que de me décider à l’écrire ; je ne le risquerais qu’à la dernière extrémité. […] On sait combien Tite-Live admirait le talent de Cicéron : il conseillait à son fils de lire avant tout Démosthène et Cicéron, et ensuite les autres auteurs « à proportion qu’ils ressemblaient le plus à l’un et à l’autre ». […] Il fallait, avant tout, se faire lire, et je puis assurer qu’il sera lu. […] Jouffroy, pourront désirer quelque chose pour la parfaite ressemblance et nuance des physionomies : évidemment, l’auteur, jeune et solitaire, a causé avec quelques amis qui les avaient connus, mais surtout il a lu leurs écrits, il s’est enfermé avec eux comme avec des morts d’autrefois, dans le tête-â-tête de la pensée, et il a rendu avec une vivacité sans mélange l’impression pure qu’il en recevait.

222. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Il s’acquitta de ses fonctions en conscience ; les notices que j’ai lues de lui sont simples, exactes, convenables, mais un peu sèches ; il y a peu de réflexions et de vues générales de l’Art. […] Le souvenir même de ces séances, racontés par des témoins judicieux et délicats, deviennent infidèles et se transforment, se dénaturent, tellement qu’on ne retrouve plus dans la notice lue ce que les auditeurs croient y avoir entendu d’excessif et presque de ridicule. […] Il écrivait de la musique, de la prose ou des vers, il lisait avec une attention imperturbable, lorsque l’on causait autour de lui. […] « S’il lisait de l’histoire, il aurait voulu être historien ; si des relations militaires, général d’armée ; si de la géologie, géologue ; si de la politique, homme mêlé aux grandes affaires. […] Lebrun félicitait Halévy, qui avait pris part à la séance, de ce qu’il y avait lu : « Quel joli morceau vous nous avez fait entendre ! 

223. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

Toutes les fois que j’ai lu une page, un chapitre ou un livre de M.  […] Janin maintient ce droit, et je le maintiens avec lui, bien que j’aie de moins bonnes raisons pour cela, et que depuis longtemps je ne hante plus guère, même de loin, printemps ni jeunesse ; mais je tiens à ce que le promeneur et le rêveur ait toujours droit de lire le vieux livre, fût-ce le livre le plus indifférent à nos querelles du jour, et de s’y absorber un moment. […] Ainsi pour les livres que nous lisons ou que nous écrivons. […] Se souvenant des vœux qu’il a lus tant de fois chez les poètes latins de sa connaissance, et les combinant avec les siens, il en compose sa devise : Honnêtes gens, dit-il en s’adressant au docteur son ami, et dont vous êtes un si parfait modèle ! […] rappelez-vous ce que vous lisiez l’autre jour à propos de la comédie de Mercadet.

224. (1903) Zola pp. 3-31

Tout homme qui écrit avant trente ans et qui ne consacre pas l’âge d’or de la vie, de la vingtième année à la trentième, à lire, à observer et à réfléchir, sans écrire une ligne, risque de n’avoir pas de cerveau et de n’être qu’un ouvrier littéraire. […] Il lisait peu et uniquement des auteurs contemporains pour les traiter avec un mépris souverain dans quelques essais de critique ou plutôt de polémique littéraire. […] Personne, du reste, ne fit la moindre attention à cet arbre généalogique et on lut les diverses histoires des Rougon et des Macquart sans se préoccuper un seul instant de savoir à quel degré tel Macquart était parent de tel Rougon et comment tel Rougon était allié à tel Macquart. […] On n’avoue pas un livre purement sensuel ; on est heureux de pouvoir assurer aux autres et à soi-même qu’on a lu un livre licencieux à cause du talent qui s’y trouve. […] C’est par ces morceaux où a passé souvent le souffle de Notre-Dame de Paris et de la Kermesse que Zola pourra se survivre dans les anthologies du xxe  siècle, alors qu’on aura cessé de lire ses pesants volumes.

225. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Plus je lisais, plus je me confirmais dans cette supposition. […] Je lus avec admiration les phrases, avec douleur les principes ; le radicalisme insultant à la bonne foi ne m’allait pas, mais la forme de ce style m’enchantait. […] Ainsi lisez-moi. […] Je lus et je me confirmai dans ma pensée ; c’était superbe, mais cela ne portait que sur l’imagination. […] Je n’ai pas besoin de vous dire avec quelle admiration je l’ai lu, mais aussi avec quelle sévérité de jugement je vous le rends.

226. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Ils sont trop superbes pour goûter ce qu’enfants on leur a donné à lire. […] Avait-il lu tous nos vieux poètes, et y prenait-il son bien, comme faisait Molière dans ses devanciers ? […] Molière, Racine, Boileau, lisaient les anciens pour un objet particulier. […] Lisant les modèles dans la langue originale, ils en lisaient moins. […] En lisant l’Epître à Huet, je crois lire une épître d’Horace.

227. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

il seroit peut-être moins lu, s’il s’étoit piqué d’être plus véridique. […] On lit encore à vingt ans son Hippolyte, mais il est difficile qu’à trente on puisse le lire. […] D’ailleurs M. de Crébillon a su encore se faire lire lors même qu’il a choqué & voulu choquer toute vraisemblance. […] Certainement la plupart l’auront lu tout entier. […] Qu’est-ce qu’un livre qu’une mere doit toujours tenir sous la clef, & qu’elle ne peut lire sans s’y mettre elle-même ?

228. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Riposte à Taxile Delord » pp. 401-403

Je lus ce morceau, je me sentis piqué et je ripostai à l’instant par ce petit pastiche à la façon de La Bruyère, que j’envoyai immédiatement au Constitutionnel où il fut inséré le 3 février : [3 février 1864.] Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.

229. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Louÿs, Pierre (1870-1925) »

Tout le séjour à Mytilène est plein de perversité et de la poésie saphique la plus étrange et la plus pleine de justesse dans l’observation de l’anormal que j’aie lue. […] François Coppée « Vous n’avez pas lu Aphrodite ! […] Pierre Louÿs lui-même, en guise d’avant-propos aux Lectures antiques, que depuis quelque temps il publie régulièrement dans le Mercure de France, nous a conté qu’un savant professeur de faculté, ancien élève de l’École d’Athènes, et à qui il avait envoyé son ouvrage, lui répondit qu’il avait, avant lui, lu l’œuvre de Bilitis.

230. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 38, que les remarques des critiques ne font point abandonner la lecture des poëmes, et qu’on ne la quitte que pour lire des poëmes meilleurs » pp. 554-557

Section 38, que les remarques des critiques ne font point abandonner la lecture des poëmes, et qu’on ne la quitte que pour lire des poëmes meilleurs Quoiqu’il en soit de ces fautes que les critiques passez ont trouvées, et que les critiques à venir découvriront dans les écrits des anciens, elles n’en feront point abandonner la lecture. On continuera de les lire et de les admirer, à moins que les poëtes à venir ne produisent quelque chose de meilleur. […] Tandis qu’on ne fera pas mieux, ni même aussi-bien que les anciens, les hommes continueront à les lire et à les admirer, et cette véneration ira toujours en s’augmentant à mesure que les siecles s’écouleront sans qu’il paroisse personne qui ait pû les atteindre.

231. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XI. Gorini »

… Que M. l’abbé Gorini, dès cette époque, lût assidûment l’histoire de l’Église quand il était revenu de sa chapelle ou de chez ses pauvres, rien là qui fut plus que l’ordinaire occupation d’un prêtre intelligent et sensé ; mais, pour qu’il devînt un historien lui-même, comme il l’est devenu, dans cette solitude où les livres, sans lesquels il n’y a pas d’histoire, durent lui manquer, et où il ne dut s’en procurer que de très rares, il fallait certainement plus que le sentiment vulgaire ou maladif de cette solitude. […] Ceux-là une fois lus, il s’ingéniait pour en découvrir d’autres plus loin dans la contrée. […] Il lisait d’ailleurs, comme on lit quand on n’a que très peu de livres, avec une mémoire qui retient tout et une intelligence avivée par le besoin et devenue intuitive, qui devine ce qui manque et dégage l’inconnue de l’équation. […] Le grand défaut, le seul défaut capital peut-être de l’ouvrage de M. l’abbé Gorini, qui l’empêchera d’être lu et goûté du public, nous l’avons signalé au commencement de ce chapitre, c’est de n’être pas un livre ayant son commencement, son milieu, sa fin, son organisme et son art. […] S’il n’a pas su les mettre dans un livre que tous pussent lire avec plaisir, un autre les y mettra.

232. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Georges Caumont. Jugements d’un mourant sur la vie » pp. 417-429

C’est par le fait d’un pur hasard, non parle fait d’un éditeur quelconque, que j’ai lu cette chose curieuse et cruelle, oubliée, par tout le monde, comme le testament d’un mort qui ne rapporte rien à personne, et qui m’a rapporté,, à moi, une impression profonde, que je vais essayer de faire comprendre si je ne puis pas la faire partager. […] Il faut lire cela, si vous pouvez le lire, et si vous pouvez le lire jusqu’au bout, vous ne l’oublierez plus ! […] Voilà pourquoi ceux qui aiment la beauté partout où elle est, — qui l’aiment pour elle-même et même indépendamment de ce qu’elle exprime, liront ces pages où il y a tant à condamner, mais tant à plaindre et tant aussi à admirer !

233. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « L’Abbé *** »

Les gens à qui on en avait parlé se sont mis à lire le fatras de ces trois volumes, mais personne n’y a trouvé ce qu’il y cherchait. […] il faut, pour se tromper dans une telle proportion, qu’un regard bien rapide ait été jeté sur cette rapsodie qui a eu la fatuité de s’intituler le Maudit ; mais, moi, je l’ai lu tout entier, et je puis assurer, en toute sécurité, qu’un pareil livre ne mérite point l’honneur qu’on lui fait de l’estimer dangereux ! […] En haut, n’avons-nous pas lu la Religieuse de Diderot, la Femme et le Prêtre de Michelet, le séminaire de Stendhal (dans le Rouge et le Noir), et les pamphlets de Courier sur le mariage des prêtres et les satyriasis qui les dévorent ? […] Il serait bien humilié, s’il revenait au monde et s’il lisait le Maudit, par l’abbé Trois-Étoiles, de l’adjonction d’une telle capacité à son parti, et il ne s’en consolerait qu’en pensant à la peur farouche qu’après tout une sottise peut causer à un cardinal ! […] Parce que sur les murs de Paris on lisait alors : Barbey d’Aurevilly idiot, réponse à sa critique des Misérables.

234. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Il était de Caen ; il s’était formé presque tout seul aux lettres, n’ayant commencé à apprendre Musa qu’à douze ans ; pour le grec particulièrement, où il excellait, il n’avait eu de maître que pendant très peu de mois, et s’était avancé à force de lire et d’étudier directement et aux sources. […] S’agissait-il de Florus qu’il faisait lire à sa fille, il savait très bien remarquer que l’ouvrage de ce distingué et très élégant écrivain n’a point de valeur historique, et ne doit se lire que comme une œuvre oratoire et un panégyrique tout en l’honneur du peuple romain109. […] Ce n’est pas pour les doctes qu’elle écrit, c’est pour ceux qui ne lisent point original et auxquels cette connaissance sublime est fermée. […] C’est l’Homère de Mme Dacier que lisait Mme Roland, jeune fille, avant les rêves de la vie publique, et dans sa studieuse retraite. […] avec quelle application elle lisait les livres de son père et de sa mère, notant les endroits délicats ou ingénieux !

235. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

Il est vrai que ce tort était en partie justifié par votre exemple… Peut-être aussi le chagrin m’arracha quelques remarques injustes, et le Voltaire qui m’avait nui auprès du roi de Prusse, me gâta le Voltaire que je lisais. […] Il a lu Crébillon fils au moins autant que Tacite qu’il prétend traduire ; je veux dire qu’il a le goût petit-maître. […] La Beaumelle se souvient qu’Auguste a fait une tragédie d’Ajax, et vite il fait dire à Frédéric : « J’ai lu qu’Auguste (p. 397) avait fait quelques poèmes dramatiques, entre autres un Ajax. Il les mit au feu, etc. » Frédéric n’avait rien lu et n’a rien dit de ces choses. — D’autres fois, et perpétuellement, ce sont de simples gentillesses et des ragoûts de style par où La Beaumelle relève la matière. […] Je ne crains donc pas de répéter bien haut ce que je lis dans une note écrite par M. 

236. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Les bons ouvrages, selon lui, ne doivent point être connus par extraits, mais doivent être lus : « Les mauvais ouvrages n’ont d’autre besoin que d’être oubliés. […] En général, il songe à informer les princes ses correspondants bien plus qu’à les amuser ; et, quand on était lu de Frédéric le Grand ou de Catherine, on avait certes un public qui en valait bien un autre et qui voulait du solide dans l’agrément. […] Qu’on lise tout ce morceau : ce sont là des pages de critique littéraire fermes, senties, d’un goût incorruptible, de cœur et de main de maître. […] Ses Mémoires secrets, « ouvrage qui tient un milieu fort intéressant entre le genre des mémoires particuliers et celui de l’histoire générale », sont aujourd’hui le seul livre à lire de lui : justice leur est rendue par Grimm en quinze lignes. […] Si vous voulez, d’ailleurs, ne garder aucun faux respect, aucune considération intellectuelle pour ces prétendus philosophes, tels qu’Helvétius et d’Holbach, lisez Grimm : vous les voyez réduits à leur valeur personnelle par celui qui les a le mieux connus, et qui, en les peignant si au naturel, n’a songé nullement à les dénigrer.

237. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Contre une légende »

Je n’ai point la prétention, dans un article de journal, vite écrit pour être lu cent fois plus vite encore, de parler dignement d’un tel livre. […] Paul Bourget, mal lu par les gens du monde et traduit sans finesse dans leurs conversations, a-t-il contribué sans le savoir à répandre cette idée d’un Renan sceptique et dilettante. […] Puis, au lieu de le considérer dans les plus sérieux de ses travaux (qu’ils n’avaient point lus), et notamment dans toute la partie de son œuvre antérieure aux Dialogues philosophiques, les badauds l’ont jugé presque uniquement sur certaines fantaisies, délicieuses d’ailleurs, où il avouait lui-même que son imagination s’était donné carrière. […] Oui, vous savez lire, vous verrez qu’il l’a gardée, sa foi.

238. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Laurent Tailhade à l’hôpital » pp. 168-177

« Non, messieurs, s’écrie-t-il, vous n’empêcherez pas Jean Lorrain d’être, parmi les chroniqueurs de la grande presse, le plus digne d’être lu. […] Armand Silvestre a eu le courage de préfacer le Pays du Mufle, Catulle Mendès a divulgué un beau livre : les Pleureuses, d’Henri Barbusse ; il nous a tous fait « lire » à l’Odéon. […] À l’âge où les ouvriers s’empoisonnent avec de mauvais feuilletons et des livres obscènes, il lisait l’Anthropogénie de Hæckel, l’Origine des espèces, les Maximes d’Épictète, le Livre de la Voie et de la Vertu de Lao-Tseu. […] On est libre de ne pas le suivre jusqu’au bout de ses conclusions, mais on ne peut s’empêcher, après l’avoir lu, de souhaiter la transformation des pénitenciers militaires.

239. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1851 » pp. 1-9

Et nous restons sans lire, les yeux charmés, sur ces vilaines lettres de journal, où votre nom semble imprimé en quelque chose qui vous caresse le regard, comme jamais le plus bel objet d’art ne le caressera. […] C’est une détermination prise… je n’y puis rien. » Un peu touché toutefois par nos tristes figures, il ajoute : « Que Lireux vous lise et fasse son rapport, je vous ferai jouer si je puis obtenir une lecture de faveur. » Il n’est encore que quatre heures. […] Le critique, très aimablement, nous promet de nous lire le soir et de faire son rapport le lendemain. […] tenez, j’ai, dans ma pièce, un quart d’heure de sortie… Je vous lirai pendant ce temps-là… Attendez-moi dans la salle. » La pièce dans laquelle il jouait finie, nous repinçons Brindeau qui veut bien du rôle.

240. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « A Monsieur Naigeon » pp. 9-14

Telles étaient les dispositions dans lesquelles j’écrivais, et telles sont les dispositions dans lesquelles il serait à souhaiter qu’on me lût. […] Je ne compose point, je ne suis point auteur ; je lis ou je converse, j’interroge ou je réponds. Si l’on n’entend que moi, on me reprochera d’être décousu, peut-être même obscur, surtout aux endroits où j’examine les ouvrages de Sénèque ; et l’on me lira, je ne dis pas avec autant de plaisir, comme on lit les Maximes de La Rochefoucauld, et un chapitre de La Bruyère : mais si l’on jette alternativement les yeux sur la page de Sénèque et sur la mienne, on remarquera dans celle-ci plus d’ordre, plus de clarté, selon qu’on se mettra plus fidèlement à ma place, qu’on aura plus ou moins d’analogie avec le philosophe et avec moi ; et l’on ne tardera pas à s’apercevoir que c’est autant mon âme que je peins, que celle des différents personnages qui s’offrent à mon récit. […] A cet avantage tâchons, mon ami, d’en ajouter un second, plus précieux peut-être : qu’il ne vous suffise pas d’avoir éclairci les passages les plus obscurs du philosophe ; qu’il ne me suffise pas d’avoir lu ses ouvrages, reconnu la pureté de ses mœurs, et médité les principes de sa philosophie : prouvons que nous avons su, l’un et l’autre, profiter de ses conseils.

241. (1887) Essais sur l’école romantique

J’ai lu dans une préface de M.  […] lisez les Odes […] — Nous en avons tout lu. — Sans préjugé, dites-moi ? […] Rarement pourtant livre plus intéressant fut plus digne d’être lu. […] J’attends avec impatience, et je lirai avidement cette réponse.

242. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gregh, Fernand (1873-1960) »

Mais lisez Rêve, lisez Voyages, lisez tant d’autres pièces, sans oublier ce Menuet, déjà célèbre, et vous direz avec moi : « Voilà un vrai poète !

243. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Charles (1873-1907) »

Charles Guérin soit exempte de toute tare ; il advient que, par recherche de simplicité, la langue d’ordinaire imaginée s’appauvrisse étrangement en formules abstraites et banales : Tristesse de l’esprit qui dissèque les lis Pour qui la volupté ne fut pas la luxure… Mais ces défaillances sont peu fréquentes et jamais elles ne vont jusqu’à altérer gravement l’eurythmie générale d’un poème. […] On lira la pièce intitulée : À Francis Jammes, si parfaite, et à notre sens une des plus remarquables de la jeune poésie. Nous sommes sûr qu’il n’est personne qui, l’ayant lue, n’en retienne, pour la goûter encore, la tristesse harmonieuse et tendre.

244. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

L’ennui en est la sève : on sent qu’il s’est prodigieusement ennuyé à les écrire, et quand on les a lues on sent qu’on s’est prodigieusement ennuyé à les lire. […] On éprouve en essayant à les lire toute la peine qu’Alfieri a éprouvée en les écrivant. […] Il ne m’est plus possible que de lire les ouvrages de notre ami, qui a laissé beaucoup de manuscrits pour l’impression. […] Mes journées étaient toujours trop courtes, je lisais au moins sept ou huit heures, à présent je ne puis plus ouvrir un livre. […] Delille ; je serais charmée de la lire, si ma tête peut un jour se calmer.

245. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Un jour, l’un de ceux-ci lut au supérieur, M.  […] Il affectionnait la philosophie écossaise et me et lire Thomas Reid. […] Comme livres de piété, je lisais surtout les Sermons de Bossuet et les Élévations sur les Mystères. […] Quant aux écrits d’une mysticité lus raffinée, tels que sainte Thérèse, Marie d’Agreda, Ignace de Loyola, M. Olier, je ne les lisais pas.

246. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

A le lire, à l’entendre, on le croirait davantage du midi, plus voisin d’Angoulême et des contrées de son célèbre homonyme. […] J’ai lu aussi vers 1829, dans les Annales romantiques du temps, des vers signés du nom de Balzac, harmonieux et bien rhythmés, et qui se rapprochent du faire de M. de Latouche. […] Je n’ose me flatter d’avoir tout lu. […] Le dernier roman de M. de Balzac nous a fourni l’occasion de lire une brochure dont le sujet est le même, mais qui contient une histoire vraie et bien récente. […] Le grand romancier, qui comptait sur un article tout laudatif et tout favorable, se mit lui-même à le lire tout haut.

247. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

Elle lui donne le temps de la réflexion qui est si salutaire et qui manque au journaliste auquel on conseille, s’il en veut bien parler, de ne jamais lire les livres soumis à sa critique. […] Car on la lit, on se bouscule pour mieux la lire si elle offre un texte abondant, serré, qui demande beaucoup d’efforts pour être déchiffré par-dessus les épaules des badauds pressés devant elle. […] Largement comprise, la critique en somme n’est que la philosophie, enlevée aux professionnels et mise à l’usage des gens qui ne se plaisent à lire que ce qui est lisible. […] Il faut donner au public un maximum de substance en un minimum d’espace ; 3º Je suis partisan d’une critique condensée dans les quotidiens qui se lisent vite, et d’une critique circonstanciée dans les périodiques. […] Mandin nous exhorte à apprendre l’espagnol pour lire, dans les magazines de l’Amérique du Sud, « les articles impartiaux, intelligents, documentés, que le bon poète et romancier Francisco Contreras publie » sur le mouvement poétique dans la France contemporaine.

248. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Peut-être mes ennemis ne seroient pas fâchés de me voir entrer en lice avec eux ; mais, pour cela, il me faudroit relire leurs Brochures ; & si j’ai un reproche à me faire, c’est de les avoir lues une premiere fois. […] Un vieux Radoteur, qui m’a adressé, par la voie commode de l’impression, un gros volume in-8°. de Lettres * dont je n’ai pu lire plus de vingt pages, assure très-sérieusement que l’Auteur des Trois Siecles est un Vicaire de Paroisse avec lequel j’ai été lié. […] Mais que m’importe qu’on l’attribue à d’autres, pourvu qu’on le lise, pourvu qu’on réfléchisse, pourvu que la raison & le bon goût s’affranchissent des entraves de la nouvelle Philosophie ? […] Je ne crois pas devoir dissimuler que le même Auteur & celui qui a emprunté le nom de mon Pere pour m’injurier, m’ont reproché l’un & l’autre mes jugemens sur les Pieces de Théatre, sous prétexte qu’il ne convient pas à un Abbé de lire ces sortes de Productions. […] Je tâche de les lire, comme les ont lues de tout temps les Sages & les Littérateurs éclairés : les Sages, pour n’y admettre que des mœurs, des sentimens, des caracteres, des maximes propres à donner à l’ame de l’énergie & des vertus ; comme les Littérateurs éclairés, pour condamner & rejeter les vains efforts de l’Art, les bizarreries de l’imagination, le clinquant de la fausse parure, la manie des sentences & des déclamations.

249. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

De bonne heure il lut Ovide, il aima les vers. […] Quoi qu’il en soit, quand Bussy, jeune, lisait cette ode qui faisait partie à ses yeux de l’héritage et de l’illustration domestique, il la lisait bien dans le premier texte, et son objet le plus cher fut, tant qu’il put d’associer les deux choses que séparait le poète, les plaisirs et la gloire, les entreprises de guerre et celles d’amour. […] On peut lire sa première intrigue avec la jeune veuve de qualité qu’il rencontre à Guise, son autre intrigue avec la belle comtesse qu’il voit à Moulins, et les scènes bizarres et un peu grotesques du château délabré qu’il décrit avec complaisance et avec un véritable talent littéraire. […] Telle qu’elle est, elle se fait lire avec plaisir encore. […] [NdA] Une simple remarque résume les goûts littéraires un peu gâtés de Bussy : il aimait fort Ovide, il n’avait pas lu Horace, et il s’amusait, dans l’extrême vieillesse, à traduire un petit conte latin et libertin du poète Théophile.

250. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

Si son père se portait bien et n’avait pas besoin de son aide, elle s’occupait soit à lire, soit à écrire, soit à travailler, ce qu’elle aimait beaucoup (fée par les mains comme elle l’était par l’âme !)  […] Si elle reprenait la lecture à son retour, vers les deux heures, elle prenait son tricot avec et tricotait en même temps qu’elle lisait, ne voulant pas même de l’ombre des heures oisives. À trois heures, elle revenait à sa chambre où d’ordinaire elle lisait la Visite au Saint Sacrement, par saint Alphonse de Liguori, ou bien la vie du saint du jour. […] Le reste de la soirée s’écoulait au travail d’aiguille, et à dix heures elle était couchée, ayant lu le sujet de méditation du lendemain, afin de s’endormir avec cette bonne pensée. […] Si la main, purement chrétienne et presque ascète de sa sœur Marie nous a cueilli quelques feuilles de ce beau lis double, la main poétique de Guérin a complété la corolle.

251. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Ayant lu des récits enchanteurs, il crut aux enchantements. […] Sandeau, qui vivait dans les livres, n’en lisait guère. […] On lira toujours les Confessions. […] Que ceux que aiment ainsi les vers lisent le livre de M.  […] Carrel avait beaucoup lu et beaucoup réfléchi.

252. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Il faut lire le récit du trouble où le jeta certaine visite. […] Le lendemain il ouvrait ses mémoires, lisait six lignes de détails techniques, s’endormait ; sa journée était faite. Le surlendemain, quelqu’un le priait à dîner ; un autre jour, il s’oubliait à lire Rabelais ou Platon. […] Il donna à ses amis, à Pintrel, à Maucroix, le seul bien qu’il eût, tout ce qu’il pouvait donner, c’est-à-dire son temps et sa gloire, traduisant des vers pour eux, mettant son nom à côté du leur pour qu’on lût leurs ouvrages. […] On se rappelle le jour où, par hasard, ayant lu Baruch, il aborda tout le monde avec ce nom sur les lèvres.

253. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

Jacquinet a composé là, avec un tact très sûr, pour les jeunes filles de nos lycées, un recueil délicieux que les hommes même liront avec plaisir et profit, qui prête à beaucoup de remarques et au sujet duquel se pose naturellement plus d’une question intéressante. […] , des gens qui disaient d’un air attendri : Veille, ma lampe, veille encore : Je lis les vers de Dufrénoy. […] Je les trouve plus difficiles à lire que M. de Bonald ou M.  […] Plût au ciel que nos névrosées se plussent à lire Jacques ! […] Les femmes elles-mêmes en conviendront : on général, elles n’aiment pas à lire les livres féminins.

254. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre II. Des livres de géographie. » pp. 5-31

Cette partie est mal digérée, chargée d’inutilités & quelquefois peu agréable à lire. […] Mais quelque plaisir qu’on prenne à lire de pareils livres, il faut recourir aux originaux, si l’on veut avoir des connoissances sures & étendues. […] Le défaut de la diction n’est pas toujours un inconvénient dans les livres de voyages qui, ainsi que ceux d’histoire, se font lire de quelque façon qu’ils soient écrits. […] Quant à ceux qui ne lisent que pour s’amuser en s’instruisant, les livres que nous avons indiqué suffisent. […] Si l’on en croit, l’Abbé de Choisi, rien de plus riche & de plus magnifique que la Cour de Siam ; lisez les Mémoires de Forbin, vous ne trouverez rien de plus mesquin.

255. (1761) Apologie de l’étude

J’ai donc ouvert un des deux cents journaux qu’on imprime tous les mois en Europe : ce journal faisait un grand éloge d’un livre nouveau qui ne m’était pas connu ; sur la parole du journaliste je me suis empressé de lire ce livre, qui m’est tombé des mains dès les premières pages. […] Il était loué par les uns, déchiré par les autres ; mais par malheur ceux qui lui rendaient justice louaient d’autres ouvrages que j’avais lus, et qui ne valaient pas mieux ; j’ai vu qu’il n’y avait rien à apprendre dans la lecture des journaux, sinon que le journaliste est l’ami ou l’ennemi de celui dont il parle, et cela ne m’a pas paru fort intéressant à savoir. […] Ayant ainsi appris à mes dépens qu’il ne faut montrer aux hommes, ni la vérité historique qui les blesse, ni la vérité philosophique qui les révolte, mais des vérités froides et palpables, qui ne donnent prise ni à la calomnie ni à la satire, je me suis jeté dans les sciences exactes, et j’ai fait enfin un livre dont on a dit du bien, mais qui n’a été lu de personne. […] C’était de même en sondant votre cœur, et non dans les subtilités des sophistes, que vous deviez étudier la morale ; malheur à qui a besoin de lire des livres pour être honnête homme ! […] Vous êtes excusable d’avoir essayé de lire à la fois tant de poètes, d’orateurs et de romans, mais non pas de les avoir lus jusqu’au bout ; vos premières lectures en ce genre auraient dû vous persuader que les vrais ouvrages d’agrément sont aussi rares que les gens vraiment aimables.

256. (1930) Le roman français pp. 1-197

Je n’ai pas lu La Maréchale d’Ancre de Vigny. […] J’en ai lu quelques-uns. […] Or, ce sont les femmes surtout qui lisent les romans. […] Il est à supposer qu’ils ne l’ont pas lu. […] Qu’on lise Thérèse Desqueyroux.

257. (1913) Poètes et critiques

Les jeunes filles, je suppose, ne les liront pas. […] Lisez cela, lisez la glose que le poète enroule sur sa complainte, ainsi qu’autour d’un thème usé la rhapsodie d’un rare musicien. […] Il les a lus ; il en procède. […] Il lisait et relisait Jean-Jacques Rousseau. […] N’était-il pas tenu de tout lire dans Chateaubriand ?

258. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IX. Des Epistolaires ou Ecrivains de Lettres. » pp. 265-269

Cet abrégé se fait lire avec plaisir, quoiqu’il y ait peu d’ordre, & que l’auteur n’ait presque eu en vue que de compiler ce qui regardoit les Solitaires de Port-Royal & leurs amis. […] Ces sortes de livres se font lire avec plaisir à cause de leur variété ; mais pour les lire avec fruit, il faudroit qu’ils fussent mieux digérés, plus uniformes & plus méthodiques.

259. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Les vers veulent être lus tout haut beaucoup mieux que nous ne savons lire, et ceux-ci ont fait exception. […] Pictet est le meilleur que j’aie lu. […] J’ai lu la musique. […] Moi, je ne lis jamais cela. […] Il faut donc lire tout Balzac.

260. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Lire Bossuet, c’est lire Bossuet, mais lire Fléchier, c’est lire ce qu’applaudissait la société précieuse dont il fut l’un des ornements ; tout de même que lire Corneille, c’est lire Corneille, mais lire Voiture, n’est-ce pas comme qui dirait faire visite à l’hôtel de Rambouillet ? […] On peut ne pas avoir tout lu. […] Elle les a lus peut-être. […] Il faut lire son rapport. […] Vous ne laissez pas d’ailleurs de lire quelques pages, de-ci, de-là ; c’est la bonne manière de lire Diderot, c’est la seule.

261. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) «  Poésies inédites de Mme Desbordes-Valmore  » pp. 405-416

La jeune fille et le ramier Les rumeurs du jardin disent qu’il va pleuvoir ; Tout tressaille, averti de la prochaine ondée ; Et toi, qui ne lis plus, sur ton livre accoudée, Plains-tu l’absent aimé qui ne pourra te voir ? […] Quant à elle-même, portant et cachant son mal, ce mal, dit-elle, dont on n’ose souffrir, dont on n’ose ni vivre ni mourir, elle découvre tout au fond de son cœur, un jour, qu’il n’y a qu’un remède, un consolateur ; et comme elle a en elle de cette flamme et de cette tendresse qui transportait les Thérèse et les Madeleine, comme elle a sucé la croyance avec le lait, elle regarde enfin là où il faut regarder, et elle s’écriera dans des stances qui se peuvent lire, ce me semble, après certain sermon de Massillon : La couronne effeuillée J’irai, j’irai porter ma couronne effeuillée Au jardin de mon père où revit toute fleur ; J’y répandrai longtemps mon âme agenouillée : Mon père a des secrets pour vaincre la douleur. […] Nicole, c’est-à-dire expliqué et commenté par lui ; le Pater de Mme Valmore, qu’on vient de lire, ne saurait tout à fait lui ressembler ; mais du moins c’est de la touchante poésie. […] Il y avait en Mme Desbordes-Valmore la mère : comment ceux qui l’ont connue ou qui la lisent pourraient-ils l’oublier ? […] Il faut lire encore la pièce qui suit et qui a pour titre : La Voix perdue. — Rapprochement singulier et qui est un lien entre ces natures poétiques, mystérieuses !

262. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

« Madame, « J’ai lu dans le Keepsake des vers de vous que j’ai voulu croire adressés à l’auteur des Harmonies poétiques. […] Je ne mettrai de sa réponse que deux ou trois strophes dans lesquelles elle réclamait avec confusion contre le mot de gloire que lui avait jeté magnifiquement le grand poète : Mais dans ces chants que ma mémoire Et mon cœur s’apprennent tout bas, Doux à lire, plus doux à croire, Oh ! […] Nous lisions vos belles pages sur Jean-Jacques, lorsque votre lettre m’est venue. J’ai enfermé cette ] lettre avec ce que vous avez jamais écrit de plus ardent et de plus loyal : aussi l’ai-je lue en compagnie de mon cher fils avec un intérêt indicible. […] Raspail, qui avait continué de vivre en Belgique, à la nouvelle de cette mort, ait écrit cinq jours après au fils de la chère défunte cette lettre pathétique et grave, qui mérite de rester attachée à sa mémoire comme la suprême oraison funèbre : « Monsieur, j’ai lu et relu, les yeux remplis de larmes, votre pieuse lettre ; c’est le dernier adieu que votre illustre mère vous a chargé de me transmettre, vous, le légataire universel de ses souvenirs, de ses affections et de ses grandes qualités.

263. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Note »

« En un mot, on sent que bien des choses ne se sont faites que parce que le peuple a vu au boulevard le chevalier de Maison-Rouge de Dumas, et a lu les Girondins de M. de Lamartine. » « — (Mars 1848.) […] « Pour le bien comprendre et pour deviner dans le poëte tout l’homme qui en est sorti, il faut lire le passage de Novissima verba : Aux faux biens d’ici-bas nous dévouons nos cœurs,… et les Préludes : Non, non, brise à jamais cette corde amollie… Ce qu’il disait là et ce qu’il chantait encore, il l’a fait depuis. » « — J’ai fait autrefois ce vers que je crois très-juste : Lamartine ignorant, qui ne sait que son âme. […] Cela me rappelle qu’un jour il me dit (au commencement de sa carrière politique) : « Avez-vous jamais lu de l’économie politique ? […] J’allais de l’Institut à la place Royale chez mes amis Olivier, pour leur lire le premier chapitre de Port-Royal (du troisième volume qu’on imprime). […] Je lus mon chapitre à travers les tambours.

264. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

La grande figure de Louis XIV, après sa mort, fait à Dangeau cette faveur dernière, de donner de l’importance à des Mémoires que sans lui on ne lirait pas. […] … II Franchement, c’est à ne pas y croire, qu’une telle publication, on ne sait pourquoi de douze volumes qui, si j’en juge par les quatre — que je viens de lire avec le soin et l’attention qu’on met à étudier les insectes… lorsqu’on les aime, — ne contiennent pas douze pages, et peut-être douze lignes de renseignement véritablement nouveau et historique ! […] Aussi, quand nous, venus longtemps après tous les effacements de la révolution française, nous ne lisons le duc de Luynes, qui n’était pas un écrivain, qu’à cause de son nom qui dit le rang qu’il tint et celui de son petit-fils, qui autorise la publication de ses mémoires, et quand nous ne trouvons à la place des choses qu’il pouvait savoir en raison même de son rang, que les vieilles inanités déjà connues, certes, nous avons le droit de dire que nous sommes, qu’on me passe le mot : attrapés ! Oui, c’est cette désagréable sensation d’être attrapé qui vous saisit après avoir lu ces Mémoires, et ce n’est pas tout, on se demande, sans pouvoir se répondre, au profit de qui on a été si complètement attrapé. […] Didot, le dernier conspirateur de cette conspiration à quatre contre le public à qui on tend, sous prétexte historique, cet affreux piège à ennui, dans lequel la Critique ne doit pas souffrir que ceux qui lisent encore se prennent.

265. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

On lut le contrat, et on appela les témoins à la signature. […] Il avait trop lu la Bible ; le ton d’oracle avait vicié en lui l’accent modeste de ce grain de poussière pensant qu’on appelle un homme de génie. […] Lisez, car, si vous ne lisiez pas, vous ne croiriez pas. […] Lisons de sa propre main le récit de cette incroyable échauffourée de zèle. […] On ne croirait pas, avant d’avoir lu, que la confiance dans la toute-puissance de son propre génie eût porté si loin un homme de tant de sens.

266. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

J’en conclus que la première fois il n’avait lu ni Bossuet ni Bourdaloue, et que la seconde, s’il a pris quelque connaissance de Bourdaloue, il a persévéré à ne pas lire Bossuet. […] J’entends Bossuet, quand je crois le lire. […] Quand je lis les Caractères de La Bruyère, je n’ai que faire d’une clef ; c’est ce que je lis qui vit. […] Il n’y a pas de paix possible pour qui l’a lu avec foi. […] Mais combien savent lire les livres de façon à en parler comme Vauvenargues ?

267. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Spinoza, peu lu, peu compris, était resté dans l’ombre : mais d’autres incrédules moindres et plus éloquents avaient tracé ouvertement leur sillon sous le soleil et propagé en tous sens leurs germes : bien des âmes, bon gré mal gré, les avaient reçus ; on avait beau faire, chacun se ressentait plus ou moins à son jour d’être venu au monde depuis Voltaire et depuis Rousseau. […] Que lui sert d’être loué pour avoir lu presque en prophète dans les cœurs et dans les plus secrets penchants de ceux qui l’écoutent, si les penchants résistent, si les cœurs restent les mêmes et ne se corrigent en rien ? […] Il se le faisait lire à table, et cela ne le convertissait pas : Les Sermons du père Massillon, écrivait-il à d’Argental qui s’en étonnait un peu, sont un des plus agréables ouvrages que nous ayons dans notre langue. J’aime à me faire lire à table ; les anciens en usaient ainsi, et je suis très ancien. […] — Quand Voltaire entendait lire cela en dînant, quelle figure faisait-il ?

268. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

Il a parlé d’elle avec vérité et justice, comme d’une nature mâle un peu parente de la sienne ; tout ce qu’on a lu et ce qu’on lit dans les nombreuses lettres où Madame se déclare et se montre à tous les yeux, n’est en quelque sorte que la démonstration et le commentaire du jugement premier donné par Saint-Simon. […] Au milieu de cette grande cour, je me suis retirée comme dans une solitude, et il y a fort peu de gens avec lesquels j’aie de fréquents rapports ; je suis de longues journées entières toute seule dans mon cabinet, où je m’occupe à lire et à écrire. […] Elle aimait à rire, et Le Malade imaginaire la divertissait au point qu’on croirait quelquefois, à lire ses lettres, qu’elle en a voulu imiter le genre de plaisanteries dans ce qu’elles ont de plus physique et de moins fait pour la bouche des femmes. […] Du temps de Louis XIV, on décachetait les lettres à la poste et on les lisait ; on en faisait des extraits qu’on montrait au roi et quelquefois à Mme de Maintenon. […] C’est un portrait à lire et que je voudrais citer, si je n’étais retenu par le respect du grand homme et des honnêtes gens qui ont rendu si français ce nom de Richelieu.

269. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Ce qui manquait aux gens du monde et à bien des gens de lettres, c’était de le lire : Mme Dacier leur en donna le moyen. […] La Motte était un excellent académicien, le mieux disposé de tous à payer son tribut dans les assemblées publiques ou particulières : il lut à ses confrères plusieurs de ses chants en vers, imités et raccourcis, et il reçut beaucoup d’éloges. […] Mme Dacier, ayant lu le Discours que La Motte avait mis en tête de son Homère, Discours où il s’autorisait d’elle et où il triomphait de lui après l’avoir de plus estropié dans ses vers, n’y tint pas et courut aux armes. […] Que ferait-il aujourd’hui à un rhéteur qui lui lirait l’Iliade de M. de La Motte ? […] Il s’agit de déloger l’autorité de ces derniers postes spécieux : « L’examen dans les ouvrages de belles-lettres, nous dit Terrasson, doit donc tenir lieu de l’expérience dans les sujets de physique ; et le même bon esprit, qui fait employer l’expérience dans l’un, fera toujours employer l’examen dans l’autre. » Le livre de Terrasson est à lire comme un des plaidoyers les plus directs et les plus consciencieux qui aient été faits en faveur de la doctrine de la perfectibilité.

270. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

Je lis dans les Mémoires du duc de Rovigo, lequel ne s’attendait guère à la discussion soulevée aujourd’hui et qui vient y apporter son contingent, — je lis : « Les publicistes en étaient satisfaits (de l’Acte additionnel) ; Mme de Staël elle-même applaudissait aux garanties qu’il renfermait. […] « J’ai lu hier le mot que vous avez écrit pour votre voisine. […] Pour moi, cette lettre lue, et avant toute question à son sujet, je ne puis m’empêcher de m’écrier : « Bien, très bien ! […] Les dates. — Mme de Staël devant être alors à Coppet ou à Genève, les courriers n’arrivaient pas assez vite, dit-on, pour qu’une lettre du 23 avril pût être lue à Londres le 29. […] Elle a besoin plus qu’un autre écrivain d’être lue avec des yeux amis, intelligents.

271. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

« J’ai connu dans ma province, disait-il, des savants qui ne pouvaient lire que dans leur propre bréviaire. » — « Il en est de messieurs les savants, disait-il encore, comme de nos relieurs de Weimar : le chef-d’œuvre qu’on demande au nouveau venu, pour être reçu dans la corporation, n’est pas du tout une jolie reliure dans le goût le plus moderne. […] On craint de voir apparaître le vice dans sa vraie nature… Tous les ans je lis quelques pièces de Molière, de même que de temps en temps je contemple des gravures d’après de grands maîtres italiens. […] Gœthe, à ses débuts, est un homme du xviiie  siècle ; il a vu jouer dans son enfance le Père de Famille de Diderot et les Philosophes de Palissot ; il a lu nos auteurs, il les goûte, et lorsqu’il a opéré son œuvre essentielle qui était d’arracher l’Allemagne à une imitation stérile et de lui apprendre à se bâtir une maison à elle, une maison du Nord, sur ses propres fondements, il aime à revenir de temps en temps à cette littérature d’un siècle qui, après tout, est le sien. […] Il lisait en ce même temps les Mémoires de Saint-Simon. […] La traduction de son Faust par l’aimable et gentil Gérard de Nerval lui avait fait un vrai plaisir, et il la louait comme très bien réussie : « En allemand, disait-il, je ne peux plus lire le Faust, mais dans cette traduction française, chaque trait me frappe comme s’il était tout nouveau pour moi. » Il vérifiait ainsi ce qu’il avait dit autrefois dans une poésie charmante : Emblème.

272. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Souffrir et crier, haïr ce qu’on vient de lire, est-ce un résultat de l’art ? […] Martial, dans une de ses épigrammes, classe les œuvres de son temps en deux catégories : les œuvres considérables, dites sérieuses, qu’on estime fort et qui attirent peu ; et les autres, celles dont on fait fi, et que chacun veut lire. […] Feydeau, qui depuis des années faisait de l’archéologie, s’ennuyant un matin de n’être pas lu, a fait Fanny : M. Flaubert, qui venait de faire Madame Bovary, comme s’il s’était senti humilié d’être trop lu, s’est mis à faire son roman archéologique. On l’a déjà beaucoup lu et on le lira ; mais le relira-t-on ?

273. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

Il avait d’ailleurs, sur une note assez désinvolte, répondu à ce sujet au Dr Cabanès en 1891 : … Je n’ai fait aucune étude médicale suivie, j’ai lu beaucoup de livres de médecine, de physiologie et de biologie : Le dictionnaire de Robin et de Littré, le livre de Broca, avec préface de Pozzi, la clinique de Charcot, l’anthropologie de Bossu, mais tout cela bien décousu et bien incohérent. » Il termine finement : « … Je ne crois pas beaucoup à la médecine, ce qui me permet d’aimer beaucoup les médecins, n’ayant plus rien à redouter d’eux. […] Si vous lisez ce chapitre de Madame André vous pourrez voir que j’ai d’abord relevé les symptômes du début : Les frissons, l’élévation de température, la langue tuméfiée, le gargouillement de la fosse iliaque droite se manifestant à la palpation ; puis la céphalalgie, qui vous étreint comme un étau ou vous taraude comme une vrille et qui vous met vraiment du plomb dans la tête ; je n’ai pas oublié les tranchées intestinales, ni le saignement de nez si fréquent au cours de l’affection dans la première période. […] Il n’en évita, dès lors, aucun des écueils : et d’abord le danger de voir ses écrits vieillir en même temps que les formes dont ils procédaient : « Dans le roman En famille, disait-il un peu amèrement au Dr Cabanès84, j’ai eu à guérir un aveugle ; j’ai lu l’article qui se rapportait à la maladie que je voulais traiter dans le Dictionnaire de Jaccoud. Je fais lire ce passage au Dr Aviragnet, qui est un de mes amis, un garçon distingué autant qu’aimable. […] Il a eu beau emprunter à ce qu’il a vu ou à ce qu’il a lu bien des traits exacts en eux-mêmes, ces traits rapprochés les uns des autres ne font pas un tout réel ; sans doute, chacun d’eux peut être observé isolément dans la réalité, mais leur réunion est disparate et choquante.

274. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Le centre, le corps principal du travail est Aristote lui-même et sa Poétique traduite, commentée, cette Poétique que tant de gens hier invoquaient encore et que si peu ont lue. […] Machiavel, en des années de disgrâce où il se voyait forcément mêlé à une vie vulgaire, ne les lisait qu’à une certaine heure du jour, et après avoir fait sa toilette comme pour se rendre digne de les approcher. […] Il lisait ou se faisait lire à tous les instants, prenait des notes et faisait des extraits de tout. […] Un jour qu’il se faisait lire quelque chose devant un de ses amis, celui-ci fit répéter au lecteur une phrase qui avait été mal prononcée […] Ses lettres, que chacun peut lire dans l’agréable traduction de Sacy, nous offrent tous les détails de la vie publique, de la vie domestique et littéraire d’un Romain éclairé et honnête homme, sous Trajan, à la belle époque finissante de l’Empire.

275. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Pour savoir lire les journaux du temps, pour distinguer la vraie note sous le masque gonflé et retentissant que gardent encore après le 9 Thermidor les orateurs de la Convention, il faut une clef. […] Il faut lire en entier sa lettre en réponse à cet envoyé, qui ne lui en sut aucun mauvais gré ; elle est toute à l’adresse de cette incurable et intolérante émigration : Rien au reste, disait en terminant Mallet, ne m’est plus indifférent que ces commérages. […] Il ne reste d’autre bien que l’indépendance, il faut s’en servir à se soulager. » Je n’analyserai pas l’avant-propos et l’introduction, qui mériteraient d’être lus en entier. […] Or, l’impression que produit Rousseau en politique est toute contraire : il fait que chacun, après l’avoir lu, est plus mécontent de son état. […] Ceux qui liront ces Mémoires de Mallet du Pan y trouveront nombre de lettres intéressantes qui montrent dans l’intimité, et avec le ton qui est propre à chacun, l’abbé de Pradt, Montlosier, Mounier, Lally, Portalis.

276. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

On parlait depuis longtemps d’Homère, et peu de gens le lisaient. […] Mme Dacier, par sa traduction de L’Iliade, ayant fourni le moyen de la lire à ceux qui n’entendaient pas le grec (et c’était alors l’immense majorité, même des gens réputés instruits), La Motte s’en était servi à loisir pour mettre en ordre ses arguments et tirer ses conclusions. […] Lorsque Homère nous montre les vieillards causeurs assis sur les murailles de Troie, au haut des portes Scées, au moment où ils vont louer la beauté d’Hélène, il les compare à des cigales harmonieuses qui chantent posées sur un arbre dans un bois, et exhalent leur voix de lis. Qu’est-ce qu’une voix comparée à un lis, un son à une fleur ? […] Une voix qui rappelle la blancheur du lis, c’est une voix qui a clarté et douceur, et je ne sais quoi encore qui se marie bien avec des cheveux blancs.

277. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Il faut lire dans l’ouvrage la série de tribulations qui suivit pour lui cette complaisance factieuse. […] Marmontel, échappé du cabinet de l’odieux préfet, se réfugie dans la classe de rhétorique ; il harangue ses camarades, il embrasse l’autel ; il faut lire ce discours, parodie heureuse de ceux que prononçaient les Romains de Tite-Live en se retirant sur le mont Aventin. […] Marmontel prête ces mêmes grâces à la fille d’un muletier d’Aurillac qui lui a offert l’hospitalité pendant quelques jours : il lui trouve un bras pétri de lis , « et le peu que l’on voit de son cou est blanc comme l’ivoire ». […] Il suffit de lire sa correspondance avec Voltaire pour voir que son âme n’était pas libre des animosités philosophiques et des passions de secte. […] Une instruction variée, des observations de détail ingénieuses, des nuances bien démêlées dans la pensée, une synonymie fine dans la diction, en font un livre qu’on parcourt toujours avec plaisir, et que la jeunesse non orgueilleuse peut lire avec fruit.

278. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

Cette correspondance de Voltaire avec d’Alembert est essentielle pour avoir la clef de sa vie ; il faut la lire à part et dans toute sa suite, telle qu’elle a été donnée dans les anciennes éditions, et non pas telle qu’elle a été publiée dans l’édition Beuchot où elle est fondue dans la Correspondance générale. […] Je fais grâce des pièces authentiques que chacun peut lire, et je ne vais qu’à l’esprit des choses. […] Si on ne lisait qu’une ou deux de ces lettres et sans y faire grande attention, on pourrait dire que cette mobilité de Voltaire est très naturelle à un homme d’esprit et d’imagination comme lui, qu’il n’est pas maître de la retenir, et qu’il n’y faut voir qu’une erreur de ses nerfs. […] Lisez souvent la lettre de M.  […] il n’est bon qu’à lire, et dangereux à fréquenter, etc., etc.

279. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Le mur était blanchi à la chaux, les jeunes prédécesseurs de Bonaparte l’avaient un peu charbonné, et le nouveau venu put lire dans cette cellule ces quatre inscriptions que nous y avons lues nous-même il y a trente-cinq ans : — « Une épaulette est bien longue à gagner. […] On n’a pas le temps de lire, on est forcé de voir. […] On désire apprendre à lire pour savoir ce que c’est que ce bronze. […] Au moment où nous achevions d’écrire les pages qu’on vient de lire, on a annoncé à Londres la formation d’un comité pour la célébration solennelle du trois centième anniversaire de la naissance de Shakespeare. […] Ce qu’on va lire est extrait des notes jointes par le nouveau traducteur de Shakespeare à sa traduction : « Jésus !

280. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

Pour ceux qui lisent les Pensées, le génie de l’écrivain a quelquefois donné le change sur la méthode et sur le fond. […] Je n’ai pas besoin de faire remarquer que, dans la lettre qu’on va lire, M.  […] Oui, je désire être lu, et je vous remercie de m’avoir aidé à l’être ; il ne m’est pas permis d’être modeste aux dépens de la cause que je sers ; d’ailleurs on verra bientôt, si l’on y regarde, que ces doctrines, qui font la vraie valeur de mon livre, ne sont pas à moi. […] Il y a longtemps que je me réjouissais de vous lire ; avec quel intérêt ne vous entendrai-je pas sur une école que je connais trop peu, mais qui m’est si chère par le peu que j’en connais !

281. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Paul Bourget, Études et portraits. »

J’ai lu — dans des traductions— un peu de leur littérature de tous les temps, de Chaucer à George Elliot. […] J’ai lu les Notes sur l’Angleterre de M.  […] Et quant à ses paysages, après avoir lu les descriptions de M.  […] J’en avais lu la description dans Eugène Fromentin.

282. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hebel »

Tous ceux qui aiment et lisent la poésie en Europe, lisent et sentent Burns et trouvent des saveurs singulièrement toniques dans le houblon de sa poésie. […] Quand les poésies de Hebel parurent, Goethe et Jean-Paul, qui tenaient le sceptre de la Critique en Allemagne, firent entendre de ces paroles qui étaient le jugement antidaté de la postérité, la question de toute supériorité intellectuelle n’étant jamais rien de plus qu’une avance de la Pensée sur le Temps : « Je viens de lire pour la sixième fois — s’écriait Jean-Paul — ce recueil de chants populaires qui pourrait trouver place dans celui de Herder, si on osait faire un bouquet au moyen d’un autre. […] Cela ne lui réussit pas toujours, mais, quand il réussit, son œuvre est parfaite. » Ôtez, pour les comprendre en français, toute cette phraséologie allemande d’abstractions et d’images, toutes ces bandelettes de momie dans lesquelles les Allemands cerclent leurs plus vivantes pensées, et vous trouverez, quand vous lirez Hebel, que Goethe et Jean-Paul ont dit vrai.

283. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

Bussy reçut le livre comme étant de Segrais, se disposa à le lire avec grand plaisir ; « car Segrais, disait-il, ne peut rien écrire qui ne soit joli ; » après l’avoir lu, il le critique et le loue toujours dans la même persuasion. […] Il suffit de lire la jolie lettre : « Hé bien ! […] Fontenelle lut le roman quatre fois dans la nouveauté ; Boursault en tira une tragédie, comme à présent on en eût fait des vaudevilles. […] Pour se convaincre de l’insuffisance de telles amitiés, même des meilleures et des plus chères, qu’on lise la lettre de Mme de La Fayette à Mme de Sévigné, du 8 octobre 1689, si parfaite, si impérieuse et si sans façon à force de tendresse, et qu’on lise ensuite le commentaire qu’en fait Mme de Sévigné écrivant à sa fille : « Mon Dieu ! […] Je lis dans une lettre de Racine à M. de Bonrepaux (28 juillet 1693) cette partie qui n’est pas dans l’imprimé et que je transcris d’après l’original (Collection de M.

284. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

bien, mon ami, qu’ils te lisent. […] Il n’appartient de la courir qu’à celui qui a lu sans colere & sans dedain ce que la critique a dit de lui. […] Lisez Fenelon, lorsqu’il parle de la vertu ; il l’insinue dans notre âme, & il fait aimer l’homme encore plus que l’Ecrivain. […] Lisez Richardson, lisez Shakespear ; & voyez tout ce qui repose dans le cœur d’un seul homme, & s’il y en a deux qui aient exactement le même visage, & la même attitude. […] Le Poète vint & lut ; le Roi bâilla & mourut.

285. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — II »

Elle lit Clélie et mademoiselle Barbier2, joue la comédie et du clavecin, récite après dîner l’Office de la Vierge et son rôle du soir, court les champs vêtue en Amour couleur de rose, avec le cordon rouge de chanoinesse par-dessous le carquois ; attroupe sous sa fenêtre les petits garçons du village pour leur apprendre à lire, et par certaine brochure qu’elle a vue conçoit une antipathie ineffaçable contre Voltaire. […] Madame de Genlis détestait tant ces derniers qu’elle ne voulait ni les voir, ni les lire ; Helvétius avait fait un livre infâme ; d’Alembert avait la figure ignoble ; Marmontel lui-même, malgré ses Contes moraux, La Harpe, malgré ses flatteuses épîtres, ne trouvaient point grâce auprès d’elle ; et, quant à Jean-Jacques, hors le Devin de village, elle n’en connaissait pas encore une seule ligne à trente ans. […] En 1746, année de la naissance de madame de Genlis, mademoiselle Barbier était déjà morte, mais on la lisait encore.

286. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Si vous lisez dans Swift la copie littérale d’une conversation à la mode, vous verrez qu’une femme à la mode dans ce temps-là pouvait souffrir beaucoup de choses sans se fâcher. […] Il y a là une théorie de la passion dominante qui vaut la peine d’être lue ; en somme, il a été assez loin, plus loin que Boileau par exemple, dans la connaissance de l’homme. […] Vous direz que ce mérite est mince, et que je ne donne pas envie de lire les vers de Pope. Cela est vrai, du moins je ne conseille pas d’en lire beaucoup. […] Lisez son églogue de Strephon et Chloé, si vous voulez savoir à quel point on peut ravaler la noble draperie poétique.

287. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

J’y jouais de la flûte, porté par un domestique, afin que je pusse lire plus facilement la musique. […] Alors elle me donna son lis de diamants, avec deux écus d’or, en me recommandant de lui garder le vieux or sur lequel ils étaient montés. […] Étant entrés dans le salon, nous y trouvâmes plusieurs sonnets10 que chacun de nous avait faits et envoyés à Michel-Ange ; il les lut tous les uns après les autres, et sa manière de les lire les fit paraître plus beaux. […] Pourquoi ne vient-on pas me lire ma sentence ? […] Lisez-moi ma sentence, expédiez-moi promptement, de peur que mes saintes résolutions ne m’abandonnent.

288. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

Lisez. […] N’y a-t-il donc personne qui sache lire avec soin ? […] Telles paraissent les deux œuvres, — lues, comme dans ce pays nous lisons, vivement, et d’apparence. […] Ils ont voulu leurs œuvres lues sagement, lues par nous avec un désir de les penser à notre tour, non avec la vaine envie, commune, de critiquer et de railler. […] Admettons que nous ne savons pas lire et que cela s’y trouve.

289. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

… C’est lui… il m’a parlé d’une pièce pour moi… il l’avait sur lui… je l’ai fait monter dans ma voiture… Bref, il m’a lu son premier acte en chemin… il y a bien eu à travers la lecture, quelques cahots… Tenez, le voilà qui m’attend pour me lire le second acte, en me reconduisant aux Variétés. » Et elle disparaît en pouffant de rire. […] On saura que ses discours à la Chambre, Royer-Collard les lisait tout écrits d’avance, mais pour ses discours à l’Académie, il jetait sur une feuille de papier quelques notes, et improvisait dessus une causerie plutôt qu’un discours. […] Le jour tombé, il ne lisait pas, aux lumières, une ligne d’un journal, une ligne même d’une lettre : il la mettait dans sa poche, disant qu’il la lirait le lendemain. […] » Et voici que, ce matin, d’un interview avec Berthelot, l’ami intime de Renan, il résulte pour les gens qui savent lire entre les lignes, que je n’ai pas menti tant que cela. Et je lis dans Le Figaro, un article de Magnard, qui, en blâmant indulgemment mes indiscrétions, déclare que mon Journal sue l’authenticité .

290. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Ses romans, comme Lamartine l’a remarqué dans l’Épître adressée à l’illustre enchanteur, se lisent volontiers autour de la table du soir, sans que la pudeur ait à s’embarrasser. […] Mais, pour un livre déjà lu, dans lequel (comme je le suppose) on reprend, on relit sans cesse ; dans lequel le frère, déjà étudiant, ou la sœur aînée choisit les morceaux à lire à haute voix, le soir, autour de la table à ouvrage, cette abondance, cette richesse extrême, qui laisse au choix tant de liberté heureuse, et qui rassemble en chaque endroit tant de genres de beautés, a bien aussi ses avantages. […] Le jardin, qu’à grand’peine un quart d’arpent compose, Comme un autre a son lis, son œillet et sa rose.  […] lisez pour vous, lisez aux autres ; baignez-vous, baignez-les dans ces salutaires et abondantes douleurs ! […] Aussi l’un est populaire, relativement à l’autre qui a eu peine à se faire accepter, à se faire lire.

291. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « JULES LEFÈVRE. Confidences, poésies, 1833. » pp. 249-261

Aucun de nos poëtes novateurs n’avait tant lu ni mieux lu que lui. […] Pour qui sait lire les poëtes et se rendre compte avec soin, l’ouvrage de M. […] Avant d’arriver, en effet, à l’expression directe du sentiment qui l’émeut, le poëte érudit fait volontiers le grand tour ; il se souvient de tout ce qu’il a lu en diverses langues de plus ou moins analogue à ce qu’il sent ; il traverse laborieusement cette infinité de réminiscences ; il y réfracte mainte et mainte fois sa pensée primitive, et elle ne nous parvient, quand il l’exprime, que déjà détournée de sa route et dépouillée de son rayon. […] Cela doit ressembler un peu à Lycophron, que je n’ai guère lu ; mais à coup sûr Du Bartas n’inventait pas d’image plus abstruse.

292. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Des soirées littéraires ou les poètes entre eux »

Des soirées littéraires ou les poètes entre eux Les soirées littéraires, dans lesquelles les poëtes se réunissent pour se lire leurs vers et se faire part mutuellement de leurs plus fraîches prémices, ne sont pas du tout une singularité de notre temps. […] Une fois, chez madame Necker, Bernardin de Saint-Pierre, alors inconnu, essaya de lire Paul et Virginie : l’histoire était simple et la voix du lecteur tremblait ; tout le monde bâilla, et, au bout d’un demi-quart d’heure, M. de Buffon, qui avait le verbe haut, cria au laquais : Qu’on mette les chevaux à ma voiture ! […] Il répondait aux importunités d’usage, qu’il n’avait rien, et que d’ailleurs il ne lisait guère. […] sans doute, s’il vit de nos jours et parmi nous, celui qui nous a engendré à la mélodie, dont les épanchements et les sources murmurantes ont éveillé les nôtres comme le bruit des eaux qui s’appellent, celui à qui nous pouvons dire, de vivant à vivant, et dans un aveu troublé, (con vergognosa fronte), ce que Dante adressait à l’ombre du doux Virgile : Or se’ lu quel Virgilio, e quella fonte Che spande di parlar si largo tiume ?  […] Milton, vieux, aveugle et sans gloire, se faisant lire Homère ou la Bible par la douce voix de ses filles, ne se croyait pas seul, et conversait de longues heures avec les antiques génies.

293. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Appendice sur La Fontaine »

Rien qu’à lire une de ses fables ou l’un de ses contes après l’Épître au Roi ou l’Iphigénie, on sent qu’il a son idiome propre, ses modèles à part et ses prédilections secrètes. […] Ce n’était pas à beaucoup près un travailleur opiniâtre ni un érudit que La Fontaine, ni encore moins un investigateur de manuscrits, comme on l’a récemment avancé196, et il employait ses nuits à tout autre chose qu’à feuilleter de poudreux auteurs, ou à pâlir sur Platon et Plutarque, que d’ailleurs il aimait fort à lire durant le jour. […] Et, d’abord, on a droit de regarder comme non avenus, par rapport à La Fontaine et à son époque, les anciens poëmes français antérieurs à la découverte de l’imprimerie, si l’on excepte le Roman de la Rose, dont le souvenir s’était conservé, grâce à Marot, durant le xvie  siècle, et qu’on lisait quelquefois ou que l’on citait du moins. […] Sur le conseil de son parent Pintrel et de son ami Maucroix, il se remit sérieusement à l’étude de l’antiquité : il lut et relut avec délices Térence, Horace, Virgile, dans les textes ; Homère, Anacréon, Platon et Plutarque, dans les traductions. […] N’oublions point, toutefois, que bien des rapports d’inclinations et même de talent le liaient à Chapelle et à Chaulieu ; que, jusqu’au temps de sa conversion, il venait fréquemment deviser et boire sous les marronniers du Temple, à la même table où s’assirent plus tard Jean-Baptiste Rousseau et le jeune Voltaire ; et que ce dernier surtout, vif, brillant, frivole, puisa au sein de cette société joyeuse, où circulait l’esprit des deux Régences, certaines habitudes gauloises de licence, de malice et de gaieté, qui firent de lui, selon le mot de Chaulieu, un successeur de Villon, quoiqu’à dire vrai Voltaire n’eût peut-être jamais lu Villon, et que, pour un convive du Temple, il parlât trop lestement de La Fontaine… 196.

294. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « José-Maria de Heredia.. »

Lorsque je pus lire ses Erreurs amoureuses, ma déception fut grande : pourtant je continuai d’aimer Ponthus pour le noble esprit qui paraît çà et là dans ses méchants vers et surtout pour la sonorité de son nom. […] Et plus tard c’est à la Havane, dans la cour de l’École de droit et de théologie, sous les orangers d’une fontaine, qu’il lisait ses auteurs favoris, Ronsard, Chateaubriand et Leconte de Lisle. […] Lisez, par exemple, le sonnet du Vieil orfèvre : Mieux qu’aucun maître inscrit au livre de maîtrise, Qu’il ait nom Ruyz, Arphé, Ximeniz, Becerril, J’ai serti le rubis, la perle et le béryl, Tordu l’anse d’un vase et martelé sa frise. […] A ce groupe de poèmes se rattachent encore les tierces rimes, plus espagnoles que le Romancero, qu’on a pu lire dernièrement dans la Revue des Deux Mondes. […] Rappelez-vous l’adorable sonnet Sur un marbre brisé, où la bonne Nature enveloppe de feuilles et de fleurs la vieille statue éclopée : La mousse fut pieuse en fermant ses yeux mornes… Lisez les « sonnets épigraphiques » : le Dieu Hétre, Nymphis Augustis sacrum, le Vœu.

295. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XV. Mme la Mise de Blocqueville »

Elle n’avait rien lu que saint François de Sales (et c’était tant pis, car elle lui a pris de ses grâces mignardes) avant son arrivée à Paris. […] On n’a pas d’idée de ces entêtantes Soirées au jasmin et à tous les genres de quintessences, si on n’a pas lu ou du moins essayé de lire ce livre inouï d’une femme qu’on peut donner comme la plus sublime Cathos de la préciosité mystique. […] Lisez aujourd’hui le livre ambitieux qu’elle publie et dont elle n’a plus pudeur comme de ses autres livres, qu’elle ne signait pas, puisqu’elle signe celui-ci avec faste, et vous y verrez tous les caractères de cette folle vanité du bas-bleuisme que je viens de vous énumérer ! […] Les hommes qui liront comme moi Mme de Blocqueville partageront-ils cette sensation étrange ?

296. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Edgar Quinet »

Toujours frères et amis, Michelet et Quinet, ces historiens de la démocratie et de la libre pensée, qui se sont fait trente ans pendant l’un à l’autre, comme le fifre et le tambour sur le même panneau d’une salle à danser, se sont improvisés également les historiens de la nature pour avoir lu, de hasard, quelques bouquins d’histoire naturelle. […] Rien, en effet, de tout ce que j’en pourrais dire ne donnerait une idée suffisante de cet amphigouri transcendantal, si on ne se risquait à la citation, si on ne montrait, par des exemples, comment l’auteur de la Création procède pour donner confiance aux savants et les engager à lire son livre, et pour se maintenir bien avec les poètes. […] Ce verbiageur, que le Dictionnaire des Sciences naturelles, qu’il vient de lire, ravit et grise, ce pédant qui nous dégorge, ore profundo. […] Dans le chapitre intitulé : Psychologie (ne pas lire Physiologie surtout !) […] On aurait fait comme ont fait ceux qui l’ont lu, et probablement sans l’achever.

297. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Hector de Saint-Maur »

je le sais bien et je ne le dirai pas, le défaut de ce poète que j’aime et qui est le défaut de la presque universalité des poètes de ce temps, mais je dirai ce que je me permets de regretter dans son livre : c’est qu’on y voit qu’il a trop lu les poètes de son époque ; il s’est trop imprégné de ceux qu’il admire. Sans doute, l’auteur du Dernier Chant vit assez par lui-même, il a assez en lui de la substance du poète, pour être poète à son tour malgré ceux qu’il a lus. […] Il n’aurait jamais lu de poète, — ce que j’aurais souhaité, — qu’il le serait encore. […] Lisez-la ! […] lisez tout Le Dernier Chant, si vous êtes digne de boire à cette coupe d’Hercule de poésie, de cette poésie filtrée, épurée, gardée tant d’années en bouteille parle poète, et devenue ainsi plus savoureuse, comme le vin, ce fils du soleil et du temps !

298. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

Pas du tout ; lisez : « Jean Valjean sortit de la ville, comme s’il s’échappait. […] Il alla à l’école à quarante ans, et apprit à lire, à écrire, à compter. […] Mais il faut lire cette scène, écrite comme elle est pensée, dans le roman, ici trois fois vertueux, de Victor Hugo. Encore une fois, lisez. […] Et cependant lisez, encore une fois lisez !

299. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

Je lus et relus vingt fois ma première composition ; je l’envoyai à ma mère par l’ordre de mes maîtres ; on la lut à la fin de l’année, à la cérémonie publique de la distribution des prix, au collège des Jésuites, devant les mères et devant les enfants qui l’applaudirent. […] On lisait sur sa physionomie ce mot de Machiavel sur la fortune : « Je donne carrière à sa malignité, satisfait qu’elle me foule ainsi aux pieds pour voir si à la fin elle n’en aura pas quelque honte ! […] C’était le plus souvent M. de Vaudran qui lisait quand le livre était dogmatique ; l’abbé lisait les journaux, les pamphlets acerbes, les anecdotes analogues à son âge ; mon père lisait admirablement les poètes. […] Lisez les annales des peuples ; vous vous convaincrez d’un coup d’œil que, tant qu’ils n’ont pas été littéraires, ils n’ont pas été, et que leur mémoire commence avec leur littérature. […] Sur ces pages où ils me reprochent d’entasser des monceaux de vanité, ce n’est pas de l’encre que vous lisez, sachez-le bien, c’est de la sueur !

300. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Sa fille, assise auprès d’elle, lisait, Dieu soit loué ! […] ils lisent autre chose, ou ils ne lisent rien. […] Ceux qui me lisent l’auront sans doute lu, et pour ceux qui ne le connaissent pas, peu de mots suffiront. […] On ne se demande plus : Lisez-vous tel roman ? […] Où avait-on lu ces promesses ?

301. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

À peine ma brochure terminée, je l’ai lue, ou plutôt j’ai tenté de la lire à quelques bons amis brûlant de me siffler ; on s’assoit, j’ouvre mon cahier, il commençait par le manifeste académique. […] Pour comprendre Swift, il faut un commentaire pénible, et personne ne se donne la peine de lire ce commentaire. […] Nous étions Français, c’est-à-dire ne manquant pas de vanité, et pleins du désir non de lire Homère, mais de juger Homère. […] Comme je lisais cette liste de son impuissance, plusieurs honnêtes voyageurs la copiaient pour faire venir les ouvrages qu’elle indique. […] Chez nous lisons des romans, et jouons des proverbes hardis.

302. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

Louis Lurine a lu ensuite un discours vivement applaudi, auquel a succédé une autre cantate, paroles de M.  […] Sainte-Beuve, de l’Académie française, a lu le rapport, que nous reproduisons plus bas, sur les résultats de ce concours, et a proclamé les noms des lauréats. […] Enfin, Mme Arnould Plessy, de la Comédie française, a lu avec une grâce charmante Les Chercheurs d’or, de M.  […] Sainte-Beuve, au nom du jury d’examen pour les prix proposés par la Société des gens de lettres, et lu dans la séance publique du jeudi 17 avril. […] — Apportez le bien-être ; De la grande famille acquittez la rançon ; Au joug des ateliers l’enfant ne doit plus naître, Et le beau lis éclos des larmes du gazon, La vierge, qu’au travail comme un bœuf ou attelle, La vierge, en fredonnant, doit tisser la dentelle, Et briller dans son charme au seuil de la maison.

303. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Dans une des lettres si aisées et si spirituelles du maréchal (alors colonel) de Saint-Arnaud, je lis ce passage : « Je suis parti mardi (25 novembre 1846) pour aller chercher le maréchal (Bugeaud) à l’Oued-Fodda avec un escadron… Il avait avec lui MM. de Tocqueville, de Lavergne, Béchamel et Plichon, députés, et Broët et Bussière, gens de lettres. […] Ce peu pourtant est très digne d’être lu… » M. de Tocqueville avait un peu du dédain des esprits établis pour les aventuriers qui se risquent et commencent, pour ceux qui, engagés à corps perdu dans l’action, ne s’avisent pas d’en raisonner ; il oubliait qu’on ne raisonne pas des choses à perte de vue quand on les touche à bout portant. Lisant une autre fois les Mémoires historiques du grand Frédéric, il en dira : Je vous renverrai sous peu les Mémoires du grand Frédéric, que j’ai lus ; c’est assurément une œuvre remarquable, bien moins cependant que l’homme même dont elle émane. […] Le grand Frédéric n’avait pas de ces dédains et ne fait pas de ces mystères ; lisez ses lettres. […] — Et sur Bossuet prédicateur : J’ai lu aussi des sermons de Bossuet.

304. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

Qui pourrait les lire sans les admirer ? […] Oscar Plumeret, comme il l’appelle en un endroit, dans un de ces petits contes dévots que je viens de lire. […] Il n’a pas lu Bayle ; on dirait qu’il a profité de ses leçons. […]  » Mais il n’est pas si sot, ce bourgeois. il n’a pas lu Locke, mais il lui est arrivé, je ne sais comment, — à travers l’air, — quelque chose de sa réserve prudente. Il a trop lu Béranger, Il croit à ce qu’il appelle le Dieu des bonnes gens, c’est-à-dire à un Dieu plutôt indulgent que cruel et vengeur.

305. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

Ce sont celles avec lesquelles on achève la pensée de la veille et l’on commence le rêve d’aujourd’hui, celles dont on s’entretient d’abord en se revoyant, dont on se conseille la lecture, qu’on marque légèrement du doigt dans le volume qu’un autre lira tout à l’heurec. Ces sortes d’ouvrages qu’une génération accueille à leur naissance, qu’on peut lire à deux, et avec lesquels, pour ainsi dire, on aime, sont très délicats à analyser ; il semble que le critique, en venant y relever ce qui le choque et ce qui détonne, s’immisce plus ou moins dans des sentiments particuliers et chers, et qu’il fasse le rôle d’un trouble-fête. […] Pour moi qui, en qualité de critique, suis de ce lendemain plus que je ne veux, je me demande, après avoir lu Raphaël non pas s’il y a assez de beautés pour nous toucher çà et là et pour ravir les jeunes cœurs avides et qui dévorent tout ; mais je me demande si les esprits devenus avec l’âge plus délicats et plus difficiles, ceux qui portent en eux le sentiment de la perfection, ou qui seulement ont le besoin du naturel jusque dans l’idéal, ne sont pas arrêtés à tout moment et ne trouvent pas, à cette lecture, plus de souffrance de goût que de jouissance de cœur et d’émotion véritable. […] Quand on l’a lu longtemps, on est charmé de voir la verdure et les arbres moins colorés dans la campagne qu’ils ne le sont dans ses écrits. […] [1re éd.] qu'un autre lira.

306. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

Heureusement ce dernier ne la lut point ; il mourut comme elle étoit encore sous presse : mais, né sensible à l’excès à la critique, on dit qu’il seroit mort à la lecture. […] Des personnes, qui n’avoient guère lu Cicéron ni Démosthène, qui connoissoient à peine de nom ces génies puissans & créateurs, joignirent leur voix à la sienne, pour empêcher tout jeune prédicateur de se remplir de leurs plus beaux traits, & de s’embraser de leur feu. […]   La troisième dispute regarde cette question, encore indécise, s’il ne seroit pas plus avantageux de lire un sermon que de le prêcher de mémoire. […] Il ne pensoit pas que ce fût nuire à l’action que de tenir un cahier à la main & d’y lire d’excellentes choses, que d’être au moins rassuré par une personne dont l’emploi seroit de suggérer ce qui ne s’offre plus à la mémoire. […] C’est de tous les prédicateurs celui qu’on lit le plus souvent, & qu’on lira le plus lontemps.

307. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXI » pp. 323-327

La librairie sérieuse en souffre, et les gens de province qui se cotisent pour lire trois ou quatre feuilletons se croient au fait de tout. — Le prince héréditaire de Saxe-Weimar était dernièrement à Paris ; comme il causait avec M. […] Mais ce que tous les esprits sérieux liront avec intérêt, c’est le livre qui retrace la vie et le caractère d’Abélard. […] Les illusions de cette petite cour sont singulières ; elles étonnent de la part d’un esprit sensé comme l’était après tout celui de Louis XVIII ; on n’a qu’à lire les instructions qu’il donnait à M. de Saint-Priest auprès de M. de Thugue et de la cour de Vienne, à la veille de Marengo.

308. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Je faisais ces jours-ci une expérience : je lisais, et avec le plus de fruit que je pouvais, l’admirable sermon de Bourdaloue Sur la pensée de la mort, mais je le lisais haut et devant de jeunes amis. […] Je lisais tout cela à haute voix ; et avec ce ressouvenir des premières années où l’on eût la foi vive et entière, avec ces sentiments sérieux et rassis que l’âge nous rend ou nous donne, et aussi avec ce goût d’une littérature apaisée, qui est désormais la mienne en vieillissant, je trouvais ce discours aussi excellent de forme que de fond, beau et bon de tout point. […] Ce dernier, dans sa conclusion, a dit avec un bon sens élevé qui l’honore : Enfin je ne puis lire les ouvrages de ce grand homme sans me dire à moi-même (en y désirant quelquefois, j’oserai l’avouer avec respect, plus d’élan à sa sensibilité, plus d’ardeur à son génie, plus de ce feu sacré qui embrasait l’âme de Bossuet, surtout plus d’éclat et de souplesse à son imagination) : Voilà donc, si l’on ajoute ce beau idéal, jusqu’où le génie de la chaire peut s’élever quand il est fécondé et soutenu par un travail immense ! […] Ce prince, qui m’avait écouté, a depuis écouté votre voix secrète, et, parce qu’il avait un cœur droit, il a suivi l’attrait de votre grâce… On voit bien que ceux qui dénient l’onction à Bourdaloue n’ont pas entendu de sa bouche ces passages, et ils les ont lus négligemment. […] Cette nouvelle se rapporte à ce que je lis dans le Journal manuscrit de M. de Pontchâteau, à la date du 17 avril 1679 : « Le père Bourdaloue a quatre cents écus de pension que le roi lui donne comme à son prédicateur. » 66.

309. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

En face de cette nature « où le climat est le plus grand des artistes », ses Promenades ont le mérite de donner la note vive, rapide, élevée ; lisez-les en voiturin ou sur le pont d’un bateau à vapeur, ou le soir après avoir vu ce que l’auteur a indiqué, vous y trouvez l’impression vraie, idéale, italienne ou grecque : il a des éclairs de sensibilité naturelle et d’attendrissement sincère, qu’il secoue vite, mais qu’il communique. […] Pourtant, pour qui sait lire, il y a de jolies choses comme partout avec lui, et des aperçus d’homme d’esprit qui font penser. […] avoir trop vu l’Italie, avoir trop compris le xve  siècle romain ou florentin, avoir trop lu Machiavel, son Prince et sa vie de l’habile tyran Castruccio, a nui à Beyle pour comprendre la France et pour qu’il pût lui présenter de ces tableaux dans les justes conditions qu’elle aime et qu’elle applaudit. […] Quand on a lu cela, on revient tout naturellement, ce me semble, en fait de compositions romanesques, au genre français, ou du moins à un genre qui soit large et plein dans sa veine ; on demande une part de raison, d’émotion saine, et une simplicité véritable telle que l’offrent l’histoire des Fiancés de Manzoni, tout bon roman de Walter Scott, ou une adorable et vraiment simple nouvelle de Xavier de Maistre. […] [NdA] L’anecdote qu’on va lire est authentique, et je la tiens d’original : On sait que Balzac admirait Beyle à la folie pour sa Chartreuse de Parme et qu’il l’a loué à mort dans sa Revue parisienne.

310. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

Il nous a été lu deux pièces en un acte : l’une d’Alexandre Duval, intitulée Les Amours de Shakespeare. […] Picard nous a lu Monsieur Musard, ou Comme le temps passe ! […] Je dois lire dimanche prochain Le Mariage clandestin, que j’ai recommencé et mis en trois actes… Je n’en suis pas trop content et voudrais que vous fussiez ici pour m’en dire votre avis. […] Sages paroles, et qui peuvent se lire dans le même moment qu’on a entre les mains les Épîtres d’Horace. […] [NdA] On peut lire la lettre et les vers dans le Bulletin du bibliophile (septembre 1851), avec une note de M. de Stassart, à qui l’on en doit la communication.

311. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

» Elle lut Lamartine à seize ans, les Méditations, et ne retrouva jamais depuis, au même degré, ce charme indicible, cette extase première ; Lamartine resta toujours pour elle « le cher poëte » par excellence. […] De loin donc, elle prie pour lui, elle écrit à son intention ce petit Journal qu’il aime pour en avoir vu les premiers cahiers, et qu’il lira un jour. […] Elle se retourne sur elle-même, elle souffre tout bas ; quand elle se prête aux rires de ses jeunes amies, charmantes compagnes qu’on entrevoit passer, Louise, Marie, Lili, « ce lis intelligent », comme elle l’appelle, il y a de sa part moins de laisser-aller que de complaisance et d’indulgence ; mais elle, elle est ailleurs, ce n’est plus une jeune fille ; elle aspire déjà à se consumer uniquement du côté de son frère et de Dieu. […] Ils sont doux les baisers d’enfant / il me semble qu’un lis s’est posé sur ma joue. […] Je lis à un endroit du Journal : « Filé ma quenouille et lu un sermon de Bossuet. » Ou bien, après quelque élan mystique où elle s’est sentie comme ravie dans la quiétude défloraison : « Allons, ma pauvre Âme, reviens aux choses de ce monde.

312. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Elle est bien facile à appliquer présentement, cette doctrine : il s’agit d’aller à la Bibliothèque impériale où le manuscrit est déposé, de bien lire et de copier exactement. […] Comme si, en consignant ce vilain détail dans ses Mémoires, — un de ces détails pour lesquels le président d’un tribunal ordonne le huis-clos, — elle n’avait pas commis par là même un acte immortel d’impudeur et n’avait pas donné jour à un récit que désormais les mères ne seraient pas seules à y chercher et que les jeunes filles, en ouvrant le volume, pourraient également y lire. […] Quelqu’un me dit, après avoir lu ce récit : « C’est le dévergondage de la vertu. » Je n’aime pas à prédire, et je désire me tromper ; mais soyez sûr que la page déshonnête, inutile, et qu’un coup de ciseau filial aurait bien fait de couper, va prendre désormais une place disproportionnée dans les Mémoires restaurés de Mme Roland. […] Que ce soit agréable ou non à lire, ce n’est pas la question ; que l’effet de ces nouveaux passages doive être très favorable et ajouter en bien à l’idée qu’on a pu se faire de Mme Roland, surtout pour l’agrément, pour la grâce, je n’en réponds pas du tout ; mais c’est très remarquable et infiniment curieux. […] Je me permets pourtant de lui signaler une faute évidente de transcription, page 377 ; il faut lire : « Rabaut, que l’on croit à Nîmes à répandre la vérité, végète obscurément dans un coin de Paris » ; et non pas : « Rabaut, que l’on croit à Nîmes, a répandu la vérité. »

313. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Voltaire, en faisant l’histoire de la civilisation, avait donné une esquisse de l’histoire de France : en dehors de ses ouvrages, les Français ne pouvaient rien lire de passable sur l’histoire de leur nation. […] Cet admirable ouvrage n’est pas aussi lu chez nous qu’il devrait l’être : et la raison en est qu’il y a trop de pensée pour le commun des lecteurs : jamais de saillies, rien pour l’amusement ni le délassement : c’est un enchaînement austère et vigoureux de faits, de jugements, de prévisions. […] Malgré cette insuffisance, il lui reste d’avoir été le premier qui ait su chercher et lire dans les faits le caractère particulier d’une époque, mettant ainsi l’histoire d’un seul coup dans sa véritable voie. […] Nous lisons notre histoire dans l’âme lyrique de Michelet, ce sont les réactions subjectives du narrateur qui nous livrent la réalité objective des faits. […] Il lira dans les textes tout ce qu’il voudra, avec une subtilité féroce d’inquisiteur ; il n’y aura bassesse, ou crime, qu’il ne prête à ceux qu’il n’aime pas.

314. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Les jours où l’on est trop entêté de soi-même et de son importance, je ne sais rien de plus calmant que de lire un voyage en Perse ou en Chine. […] Ferdousi n’a pas besoin d’avoir lu Horace ni Ovide pour dire les mêmes choses qu’eux, avec la haute conscience de sa force, et dans un sentiment plus poignant. […] Dans les premiers instants, le chef religieux de la ville refusa de lire les prières d’usage sur sa tombe, sous prétexte de cet ancien soupçon d’hérésie, et par crainte sans doute de déplaire au sultan. […] À le lire naïvement, on y saisit à la fois le fond des choses qui ont dû être transmises, et le génie individuel qui les a prises en main et rehaussées. […] Voltaire n’avait pas lu assurément Ferdousi, mais il a eu la même idée, celle d’un père, dans un combat, aux prises avec son fils, et le tuant avant de le reconnaître.

315. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Né à Paris le 12 janvier 1628, dans une famille de bonne et riche bourgeoisie, sa mère lui apprit à lire ; il eut son père pour premier précepteur et répétiteur ; il fit ses études au collège dit de Beauvais, et il revenait le soir à la maison paternelle. […] Nous lûmes presque toute la Bible et presque tout Tertullien, l’Histoire de France de La Serre (ou plutôt de Jean de Serres) et de Davila ; nous traduisîmes le traité de Tertullien, De l’habillement des femmes ; nous lûmes Virgile, Horace, Tacite, et la plupart des autres auteurs classiques, dont nous fîmes des extraits que j’ai encore. […] S’il continuait de lire les anciens pêle-mêle et à la diable, il ne les respectait guère ; il les parodiait d’abord par instinct et divertissement avant que ce fût par calcul. […] Enthousiaste des beautés de son siècle, et recueillant en faisceau les admirations de sa jeunesse, il les consacra dans un petit poème intitulé : Le Siècle de Louis le Grand, qu’il lut à l’Académie le 27 janvier 1687, c’est-à-dire le jour où elle s’assemblait pour témoigner sa joie de la convalescence du roi, qui avait subi une opération. […] [NdA] Fléchier fut le premier qui en profita (1673) et qui donna l’exemple de ce genre de menuet solennel et applaudi. — Vingt ans après (1693), le discours de réception de La Bruyère, qui fit bruit et même tapage, et qui parut excéder la mesure, amena un nouveau statut de l’Académie qui décida que le discours du récipiendaire serait lu désormais devant une commission avant d’être prononcé en séance publique.

316. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Je signalerai aussi le merveilleux passage où l’auteur de l’Infaillibilité applique à l’Église le mot étonnant d’Hippocrate : « Si l’homme était un, il ne mourrait pas », et enfin tous les corollaires de cet axiome qu’il a trouvé et qui eût réduit Pascal au silence : « Toute loi n’est qu’un miracle perpétuel. » Seuls, ces différents chapitres, lus à part de l’œuvre entière, donneraient une idée suffisante, à qui craindrait d’aborder un livre si grave et si gros, des sveltes facultés de l’homme qui a pu l’écrire. […] Avec tout son génie, indiscutable pour ceux qui l’ont lu et médité, que serait Saint-Bonnet, réduit à sa seule aptitude métaphysique, sans la réalité de la Révélation et de l’Histoire ! […] Le mot de Shakespeare, que Saint-Bonnet, — ce penseur par lui-même, — assez fort pour pouvoir se passer de lire (Malebranche ne lisait pas), n’a peut-être pas lu dans Shakespeare, a été redit par son génie et à la manière du plus religieux et du plus métaphysique des génies. […] tout cela a le malheur, définitif et suprême, d’exprimer la vérité, l’invalidante vérité, et cette vérité est si haïe et méprisée que ceux qui pourraient lire ce livre pour sa seule beauté ne le lisent pas et n’y touchent pas, à cause de sa vérité !

317. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Ricard n’a pas lu M.  […] C’est écrit pour être dit plus encore que pour être lu. […] Si nous ne le lisons plus, son siècle l’a lu, beaucoup lu, les plus fameux eux-mêmes dans son siècle, Diderot et Rousseau notamment. […] Diderot les eût-il seulement lus ? […] De même que Rousseau, et de même que Walter Scott, Chateaubriand a lu Prévost, et ne l’a pas lu vainement.

318. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Et il faut les faire lire et relire à son entourage, à ses amis, à son voisin le menuisier. […] Lisez la préface que M.  […] C’est donc un livre à lire. […] Lisez son article sur la Banqueroute du préraphaélisme. […] Si nous lisons ensuite les études sociales de M. 

319. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Mendès de lui permettre de lire le manuscrit, jurant qu’il ne pouvait pas attendre la fin. […] Gastineau ; celui-ci, après l’avoir lu avec soin, crut qu’on on pouvait tirer un vaudeville en trois actes pour les Variétés. […] Après l’avoir lu, il rencontra M.  […] Chacun s’attendait à y lire le nom de M.  […] J’ai lu de lui, ou pour mieux dire, feuilleté le Ventre de Paris et la Faute de l’abbé Mouret.

320. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Il compilait, compilait, lisait beaucoup et n’imaginait rien, comme Trublet. […] Le Wilhelm Meister, bien moins lu, moins célèbre, mais plus long. […] aient lu et aient achevé le Wilhelm Meister et les Affinités électives. […] Et ce qu’il dit de ce chef-d’œuvre peut se lire encore après le livre de Lessing. […] On ne le lit guères déjà ; bientôt on ne le lira plus.

321. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mistral, Frédéric (1830-1914) »

Ce dénouement est triste comme deux lis couchés dans le même vase après un débordement du Rhône dans les jardins de la Crau. […] nous avons lu, depuis que nos cheveux blanchissent sur des pages, bien des poètes de toutes les langues et de tous les siècles. […] Homère, nous n’en avons lu aucun qui ait eu pour nous un charme plus inattendu, plus naïf, plus émané de la pure nature, que le poète villageois de Maillane — Si nous étions riche, si nous étions ministre de l’instruction publique ou si nous étions seulement membre influent d’une de ces associations qui se donnent charitablement la mission de répandre ce qu’on appelle les bons livres dans les mansardes et dans les chaumières, nous ferions imprimer à six millions d’exemplaires le petit poème épique dont nous venons de donner une si brève et si imparfaite analyse et nous l’enverrions gratuitement, par une nuée de facteurs ruraux, à toutes les portes où il y a une mère de famille, un fils, un vieillard, un enfant capable d’épeler ce catéchisme de sentiment, de poésie et de vertu, que le paysan de Maillane vient de donner à la Provence, à la France et bientôt à l’Europe. […] Théophile Gautier Chacun a lu Mirèio, ce poème plein d’azur et de soleil, où les paysages et les mœurs du Midi sont peints de couleurs si chaudes et si lumineuses, où l’amour s’exprime avec la candeur passionnée d’une idylle de Théocrite, dans un dialecte qui, pour la douceur, l’harmonie, le nombre et la richesse, ne le cède en rien au grec et au latin.

322. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

N’oublions pas que dans ce temps il lisait continuellement Homère, et qu’il était plein de ces magnifiques images de l’Olympe. […] Ce qui est certain, c’est que toute la jeunesse allemande lut à l’instant et profondément atteinte et ébranlée. […] Je sais ce que dira Lotte quand elle le lira, et je sais ce que je lui répondrai. » Et encore : Ô Keslner, je me trouve bien heureux ! […] Croirait-on, quand on n’a lu de Goethe que Werther, qu’à un moment c’est lui, l’enthousiaste d’hier, qui va donner à Kestner, à l’ancien Albert lui-même, le meilleur conseil de vie pratique ? […] Les imitateurs français se sont surtout rattachés à Werther par la fièvre de tête, par les dehors, le costume, le suicide et l’explosion finale, enfin par les défauts. — Je lis dans la Revue des deux mondes du 15 juillet 1855 un article sur Werther, par M. 

323. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

Que d’années d’étude ou de loisir durant lesquelles il dut se borner à lire avec douceur et réflexion, allant au fond des choses et attendant ! […] « m’est venu voir à Auteuil et m’a lu quelque chose de son Théophraste. […] On doit lire sur La Bruyère trois morceaux essentiels, dont ce que je dis ici n’a nullement la prétention de dispenser. […] Les deux autres morceaux essentiels à lire sur La Bruyère sont une Notice exquise de Suard, écrite en 1782, et un Éloge approfondi par Victorin Fabre (1810). […] Voltaire, à Sceaux, aurait pu questionner sur La Bruyère Malezieu, un des familiers de la maison de Condé, un peu le collègue de notre philosophe dans l’éducation de la duchesse du Maine et de ses frères, et qui avait lu le manuscrit des Caractères avant la publication ; mais Voltaire ne paraît pas s’en être soucié.

324. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Il faut être un peu recueilli pour lire Ronsard. […] Avez-vous lu, s’écrie M.  […] Je ne l’avais pas lu tout de suite à son apparition. […] Qu’eût-il mis pour lire les vers de M. de Heredia ? […] Tous les médecins qui me lisent ont déjà frémi à ces mots redoutables.

325. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Flaubert n’avait pas lu cela. […] Voltaire a pourtant assez lu la Bible. […] Mais les acteurs de 1897 ne savent pas lire, et, du reste, qui sait lire en 1897 ? […] Mais il aimait infiniment à lire. […] et qu’est-ce qu’il a pu lire ?

326. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Le récit qu’on vient de lire et qui ne laisse rien à désirer, ce me semble, pour la précision et l’exactitude, nous permet aujourd’hui de faire à chacun sa part. […] Je ne persuade personne, mais j’espère que je serai plus heureux cet été aux Tuileries quand j’irai lire la Gazette avec les opposants. […] Et parlant d’une de ces séances les plus goûtées : « M. le duc de Nivernais a lu une demi-douzaine de fables d’une moralité juste, mais commune, et d’une versification aussi mince que sa voix est flûtée : l’une semble être faite pour l’autre. […] Il y lisait de petites fables spirituelles et même élégantes. […] [NdA] Pour tous les détails essentiels et les différents temps de la conversion du prince et de la princesse de Conti, il faut lire la Vie de M. 

327. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Étienne Pascal, devenu intendant à Rouen, s’étant cassé la jambe sur la glace, fut visité par deux gentilshommes normands qui firent lire au jeune Blaise Jansénius, Saint-Cyran, Arnauld. […] Il avait lu deux fois la Théologie morale d’Escobar343 ; et ses amis lisant les autres casuistes lui fournissaient des citations, qu’il vérifiait toujours scrupuleusement. […] Il a pris sa matière partout : peu érudit en théologie, il a causé avec M. de Saci et d’autres solitaires, il a lu saint Augustin. […] Ou bien qu’on lise ceci : « Quelle est donc cette nature sujette à être effacée ? […] Il est du petit nombre que la lecture seule révèle, et qui, une fois lus peuvent toujours se relire, découvrant, suggérant toujours de nouvelles idées à l’esprit attentif.

328. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Aussi (je crois l’avoir dit ailleurs), aucune femme, pas même Ninon, ne peut se plaire à le lire ou à en parler. […] Que ne lisez-vous dans le mien l’attendrissement avec lequel il m’a dicté ce mot-là ! […] Vous voyez, monsieur, que vous n’êtes point absent de moi… C’est ici où j’ai commencé à vous lire, où je formai le désir de vous connaître. […] dernière jouissance de ceux qui ont beaucoup vécu dans leur chambre, qui ont peu agi et beaucoup lu ! […] J’avais déjà fait mon premier travail, lorsque, averti d’une publication si curieuse en soi et qui l’était pour moi en particulier, j’ai lu la totalité de ces lettres.

329. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

» Moi j’en lus jusqu’à l’aurore, je relus encore le lendemain et les jours suivants ! […] Lisons donc : c’est moi qui parle, mais c’est lui qui chante. […] Lisez cela. […] Ce dénouement est triste comme deux lis couchés dans la même vase après un débordement du Rhône dans les jardins de la Crau. […] nous avons lu, depuis que nos cheveux blanchissent sur des pages, bien des poètes de toutes les langues et de tous les siècles.

330. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

A peine daignoit-on lire ses productions. […] De dix-huit pièces de théâtre qu’à composé cet abbé, il n’y en a pas une qu’on lise aujourd’hui. […] Mettons aussi les romans qu’elle suppose que j’ai lus, pour les deux cent fois qu’elle a lus avec plaisir quelques pièces du cinique Aristophane. […] Elles ne laissoient pas d’être lues, & généralement admirées. […] On croit que, pour se faire lire, il faut uniquement sçavoir amuser : on met à tout un coin romanesque.

331. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

L’erreur des optimistes est de n’en lire qu’un, progrès ; l’erreur des pessimistes est de n’en lire qu’un, décadence. […] Si quelqu’un voulait écrire l’histoire des idées, je vous défierais de le lire ; mais qu’il écrive l’histoire des hommes qui ont représenté ces idées, il sera lu d’un bout de la terre à l’autre. […] Je sortais des livres, et je ne voyais, dans tout ce qui frappait mes regards, qu’un autre grand livre vivant à lire. […] J’avais lu aussi ses mémoires, qui venaient d’être publiés par la comtesse d’Albany, peu de temps après la mort de son ami. […] Qui n’a lu les mémoires d’Alfieri ?

332. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Tiraboschi, dans sa savante Histoire de la Littérature italienne, cite le décret du concile de Carthage qui interdit aux évêques la lecture des auteurs antérieurs au christianisme ; il cite également le passage de saint Jérôme où ce Père gourmande amèrement ceux qui, au lieu de lire la Bible et l’Évangile, lisent Virgile. […] J’y ai lu moi-même ses plus beaux vers, peut-être écrits sous les mêmes arbres, au bruit lointain des mêmes brises de l’Adriatique. […] Voici le crime ; lisez. […] Il nous suffit d’avoir donné au lecteur, qui voudra lire les trois poèmes tout entiers, la clef de ces interprétations retrouvées et présentées par un judicieux et savant esprit. […] On ne peut lire sans attendrissement le prologue inachevé de son œuvre.

333. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

 » Madame Lu en fit un grand serment. […] Le désespoir de madame Lu passa tout ce qu’on peut imaginer. […] Tao, la tristesse de madame Lu était devenue plus humaine. […] Sans souci des courants d’air froid qui leur glissaient sur le dos, ils lisaient ce que le hasard et le pli des feuilles leur permettaient de lire. […] J’ai lu l’histoire sur un cornet de tabac.

334. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VI » pp. 50-55

Selon Voltaire, Anne d’Autriche avait apporté à la cour de France une galanterie noble et fière qu’elle tenait du génie espagnol, et y avait joint les grâces, la douceur et une liberté décente qui n’était qu’en France : l’anecdote des férets d’aiguillettes en diamants qu’elle avait reçus du ici, et qu’elle donna presque aussitôt au duc de Buckingham, les vers où Voiture lui parle à découvert de son amour pour ce charmant Anglais et le plaisir qu’elle prit à les lire, le soin qu’elle mit à les garder, ces détails attestés par madame de Motteville annoncent dans la reine toute l’inconsidération d’un goût très vif, et sortent des bornes de cette galanterie noble et fière et de cette liberté décente que Voltaire lui attribue. […] Ne voulant pas souscrire au jugement porté sur Voiture par une multitude d’écrivains qui ne l’ont pas lu, j’ai courageusement entrepris de le lire, et voici ce que j’ai recueilli de ma lecture : Voiture, dans sa première jeunesse, écrivit à la manière du temps, avec recherche et affectation.

335. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 23-32

Helvétius, que vous avez longtemps vécu de ses bienfaits ; qu’en reconnoissance vous avez fait, pour lui plaire, un Livre d’athéisme, qu’il n’a pu lire, & ensuite rimé des ordures que vous lui disiez être votre véritable genre ; qu’après cela vous écrivîtes des Libelles contre des gens qu’il estimoit, qu’il vous chassa de chez lui, en continuant cependant de vous faire l’aumône . […] Thomas, Marmontel, Saint-Lambert, & plusieurs autres illustres dont la Philosophie s’honore ; il prétend de l’autre, que j’ai beaucoup trop loué Jacques Abadie, qu’il traite de déclamateur qu’on ne peut lire ; M. l’Abbé de la Bletterie, dont il trouve le style ridicule ; M. […] Un homme sage qui lira les Libelles enfantés par ses défenseurs, verra toujours la personnalité substituée à la raison directe, l’injure mise à la place de la justification, un faux air de dédain opposé à la honte & au ridicule dont on les couvre, &c. »  

336. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Lettre a monseigneur le duc de**. » pp. -

Vous paroissez résolu à ne lire que des Livres françois. […] Ils ont compilé de volumes, pour apprendre au public que les Livres qu’il pouvoit lire, se réduisoient à un très-petit nombre. […] C’est en unissant ainsi ce qui peut être agréable & ce qui n’est simplement qu’instructif, qu’on peut se flatter de se faire lire, ou du moins de se faire supporter à ses Lecteurs ; car je n’aspire qu’à cela, & avec des talens médiocres peut-on avoir sans témérité des vues plus élevées ?

337. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XII »

Après avoir lu le consciencieux article qu’il a bien voulu consacrer à mon Travail du style, j’ai lieu de me féliciter que mes théories ne l’aient point tout à fait courroucé, et je suis encore en doute si, au fond, il n’y est pas pleinement converti. […] Charles m’a lu et qu’il sait parfaitement que j’ai dit le contraire dans tous mes chapitres. […] Nos contradicteurs nous lisent bien mal.)

338. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Qu’on lise mes vers ! […] Quand il est en peine d’un sujet, lisait où le trouver. […] Cela m’a frappé quand j’ai lu sa conversation avec vous. […] Tenez, je viens de lire l’Argent. […] J’ai lu cette curieuse série d’interviews !

339. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Lisez l’admirable page du départ de Léopold après l’arrestation de François. […] Je ne l’ai pas encore lu, mais j’ai lu le premier qui va jusqu’en 1800, et les souvenirs de cette lecture me paraissent apporter quelque réponse à cette question. […] Les mystères sont une façon pour les clercs, qui savent lire, de montrer la Bible à ceux qui ne savent pas lire. […] Où donc ai-je lu cette variante de l’Évangile ? […] Paul Bourget, j’avoue que je n’ai pas lu les pages de doctrine.

340. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Il faut lire les belles et éloquentes pages que M.  […] Jésus est un livre où puiseront tous ceux qui aiment à lire et à dire de beaux vers et de courts poèmes. […] Écrire fiévreusement des vers qu’elle ne daignera peut-être jamais lire ! […] Marc Legrand dont je viens de lire un volume intitulé : l’Âme antique. […] Il faut lire le récit de ses audaces bien prouvées pour y croire.

341. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Gabriel Naudé est bien le patron, en effet, de ceux qui avant tout lisent et dévorent, qui parlent de tout ce qu’ils ont lu, et chez qui l’idée ne se présente que de biais en quelque sorte, ne se faufile qu’à la faveur et sous le couvert des citations. […] Je prie qu’on veuille bien ne pas se méprendre sur ma pensée et n’y rien lire de plus que je ne dis : ce ne sont pas le moins du monde les estimables recherches en elles-mêmes que je viens blâmer ; personne au contraire ne les prise plus que moi quand l’esprit s’y contient à son objet ; je parle simplement des conclusions exagérées qu’on y rattache. […] Assistez à telle séance de la Chambre des députés, ou écoutez celui qui en sort tout animé de l’esprit des orateurs et vous en exprimant l’émotion, les péripéties, les jeux de scène, et puis lisez le lendemain le procès-verbal de cette séance : cela fait-il l’effet d’être la même chose ? […] Les lis alors étaient d’accord avec l’honneur et avec l’espoir de la France. […] que n’avait-il pas lu !

342. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Condillac écrit le Traité des sensations d’après les idées de Mlle Ferrand, et donne aux jeunes filles des conseils sur la manière de lire sa Logique. […] Grâce à cette méthode on est compris ; mais, pour être lu, il faut encore autre chose. […] Il faut en avoir pour le lire : car, de parti pris, il écourte les développements, il omet les transitions ; à nous de les suppléer, d’entendre ses sous-entendus. […] Les célèbres discours sur l’influence des lettres et sur l’origine de l’inégalité nous semblent des amplifications de collège ; il nous faut un effort de volonté pour lire la Nouvelle Héloïse. […] Cette mère vient de lire l’Émile ; rien d’étonnant si tout de suite elle déshabille la pauvrette, et fait le projet de nourrir elle-même son prochain enfant. — C’est par ces contrastes que Rousseau s’est trouvé si fort.

343. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

J’avais acheté et j’avais lu avec un vif intérêt ses ouvrages sur l’intimité de la révolution. […] Lisez. […] On m’a accusé d’avoir fait des héros : qu’on lise donc avant d’accuser ! […] Le voici ; lisez : « Telles furent la vie et la mort de Charlotte Corday. […] Vatout, son confident et son bibliothécaire, qu’il avait lu les Girondins, et qu’il me remerciait de la justice rendue à son père.

344. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Il lisait tout avec une attention ingénieuse. […] Lui, il était devenu incapable de soutenir même une discussion, une contradiction directe, et à l’Institut, un jour qu’il y lisait un mémoire, il fut désarçonné… par qui ?  […] Non content de vouloir l’éditer, comme il fit ensuite en 1822, sous forme tout à fait respectable et savante, il l’avait d’abord traduit en français à l’usage de ceux qui aiment les anciens et qui ne peuvent les lire en leur langue. […] « Je lis Wolf, disait-il, je l’admire, mais il ne m’arrache pas mon assentiment. […] Dübner possède au complet ces carnets qui contiennent les particularités les plus curieuses, les anecdotes académiques les plus piquantes, assure-t-on : il ne s’agit que de pouvoir les lire.

345. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Cassat, me disait : « Quand j’ai lu Théocrite, je lis encore Fontenelle ; je préfère l’un, mais je sais passer à l’autre. […] Mais puisque nous en sommes à ce qui est fini, il est une femme poëte, plutôt nommée que lue, qui me paraît à certains égards de l’école dont j’ai parlé, et en reproduire qualités et défauts, avec la différence des époques, Mme Dufrénoy. […] Béranger y songeait surtout, quand il a dit : Veille, ma Lampe, veille encore, Je lis les vers de Dufrénoy. […] Pour les dilettanti qui aiment les rapprochements et les contrastes, lire en regard le sonnet de Milton au Rossignol. […] Coulmann, quelques pages sur Mme Dufrénoy (p. 145 et suiv.), qui se rejoignent bien à ce qu’on vient de lire.

346. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre II. Des poëtes étrangers. » pp. 94-141

Il est composé de vingt Livres ou de vingt Chants ; & on ne peut guéres les lire tous sans beaucoup d’ennui. […] Aussi Dom-Quichotte est lu de toutes les nations, & Hudibras n’est guéres lu que des Anglois. […] On apprendra à mieux connoître ces auteurs & on lira même une partie de leurs ouvrages dans le Théâtre Anglois que M. de la Place donna en 1748. […] Brumoi, a été lu avec plaisir & peut l’être avec fruit par ceux qui veulent travailler pour la scène. […] Ceux qui voudront connoître la plûpart de leurs Poëtes ne manqueront pas de lire l’Idée de la Poésie Angloise, ou traduction des meilleurs Poëtes Anglois, qui n’ont point encore paru en notre langue, par M. l’Abbé Yart, in-12.

347. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

On peut ne pas les lire, c’est même un droit : il ne faut pas les calomnier. […] Qui peut oublier, après l’avoir lue, cette phrase où ressuscitent à la vie les cuirassiers du maréchal Ney qui vont charger : « Ils étaient 3 500 ; ils faisaient un front d’un quart de lieue ; c’étaient des hommes géants sur des chevaux colosses… » ? […] Le grand poète sait bien qu’il faut s’arrêter sur ces idylles brèves des vies misérables ; que la pitié de ceux qui lisent le lui demande. […] Je lisais récemment, dans un grand journal de Belgique, une étude sur le roman-feuilleton. […] » Et nous leur répondons par des livres écrits pour d’autres et qu’ils ne peuvent lire, et ils lisent le roman-feuilleton, où ils ne trouvent rien.

348. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

On a les extraits et cahiers de ses lectures en ces années ; car il eut de bonne heure l’habitude de lire et de penser plume en main. Il lisait tous les ouvrages de philosophie, de politique, de législation, de morale et d’histoire les plus autorisés de son temps, Locke, Adam Smith, Bonnet, Montesquieu et les économistes. […] On avait beau lui faire lire Loysel, Mézeray à l’article Avocat de son Dictionnaire historique, il répugnait à ces travaux sur des objets de contestation la plupart si ingrats ou si minces. […] [NdA] J’ai lu un discours de lui prononcé à la Société des Amis de la Constitution (les Jacobins), dans la séance du dimanche 22 avril 1792. […] Tout ce discours est pénible à lire ; les discours de ces temps insensés sont des cauchemars dans les temps paisibles.

349. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

La jeune Phlipon, dans son avidité de savoir, dans son instinct de talent, lit toutes sortes d’auteurs, s’en rend compte, en fait des extraits, et s’en entretient, non sans étude, avec son amie : « Car, dit-elle très-judicieusement, on n’apprend jamais rien quand on ne fait que lire ; il faut extraire et tourner, pour ainsi dire, en sa propre substance, les choses que l’on veut conserver, en se pénétrant de leur essence. » Esprit ferme et rare, chez qui tout venait de nature, même l’éducation qu’elle s’est donnée ! […] Les lettres de 1772 à Sophie sont d’un sérieux qui fait sourire : on sent que la jeune prêcheuse vient de lire Nicole, comme plus tard elle aura lu Rousseau. […] Pourquoi, le jour où vous avez revu celui que vous évitez de nommer, le jour où il vous a fait lire les feuilles d’épreuve d’un ouvrage vertueux qu’il achève, et où vous vous sentez toute transportée d’avoir découvert que, si l’auteur n’est pas un Rousseau, il a du moins en lui du Greuze, pourquoi conciuez-vous si passionnément la lettre à votre amie : « Reçois les larmes touchantes et le baiser de feu qui s’impriment sur ces dernières lignes ?  […] Et pourquoi enfin, quand plus tard une situation nouvelle s’établit décidément, quand le mariage, non pas de passion, mais de raison, vient clore vos rêves, pourquoi la dernière lettre de la Correspondance que nous lisons est-elle justement celle de faire part ? […] Son père se dérange et se ruine ; elle s’en aperçoit, elle veut tout savoir, et il lui faut sourire au monde, à son père, et dissimuler : « J’aimerais mieux le sifflement des javelots et les horreurs de la mêlée, s’écrie-t-elle par moments, que le bruit sourd des traits qui me déchirent ; mais c’est la guerre du sage luttant contre le sort. » Elle venait de lire Plutarque ou Sénèque, quand elle proférait ce mot stoïque ; mais elle avait lu aussi Homère, et elle se disait, dans une image moins tendue et avec sourire : « La gaieté perce quelquefois au milieu de mes chagrins, comme un rayon de soleil à travers les nuages.

350. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

On avait lu avec curiosité les récits de Bernier, de Chardin, de Tavernier. […] Il a été idolâtre de la grandeur romaine, de l’éloquence romaine, de la vertu romaine : il a lu Tite-Live et Tacite avec enivrement, il les a longuement médités. […] Mais en ce temps-là, cela faisait lire l’ouvrage. […] Qu’on lise en effet les Réflexions sur la politique : le dessein en est moral, et nous révèle ainsi la jeunesse de l’auteur. […] Il a une ample information : il a lu, il a voyagé ; depuis les anciens Grecs jusqu’aux Suisses de son temps, depuis les sages Chinois jusqu’aux plus grossiers sauvages, tous les peuples fournissent des documents à son enquête.

351. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Il me semble que jusqu’à ce qu’un homme ait lu tous les livres anciens, il n’a aucune raison de leur préférer les nouveaux. » C’est Usbek ou plutôt c’est Montesquieu qui dit cela dans les Lettres persanes, et il est juste de le lui appliquer. […] Il lisait plume en main et en réfléchissant : « Au sortir du collège, on me mit dans les mains des livres de droit ; j’en cherchai l’esprit. » Cet esprit des choses du droit et de l’histoire fut la recherche de toute sa vie : il ne se reposa que quand il crut l’avoir trouvé. […] On a de lui non pas seulement des rapports sur les travaux des autres, mais des observations directes d’histoire naturelle, lues en novembre 1721. […] Une de ses pensées m’a toujours frappé : « Fontenelle, a-t-il dit, autant au-dessus des autres hommes par son cœur qu’au-dessus des hommes de lettres par son esprit. » Je lis et relis cette pensée, et, me rappelant ce qu’a été Fontenelle, je crois d’abord qu’il faut lire : « Fontenelle autant au-dessous des autres hommes par son cœur que…, etc. » Mais non : il paraît bien que c’est un éloge que Montesquieu a voulu faire de Fontenelle ; il lui reconnaît ailleurs une qualité excellente pour un homme tel que lui : « Il loue les autres sans peine. » Montesquieu admirait réellement en Fontenelle l’égalité, l’absence d’envie, l’étendue et la prudence, l’indifférence même peut-être. […] Un coup d’œil de divination perce comme un éclair dans cette phrase jetée en passant, et qui prédit l’émancipation de l’Amérique anglaise : « Je ne sais pas ce qui arrivera de tant d’habitants que l’on envoie d’Europe et d’Afrique dans les Indes occidentales ; mais je crois que, si quelque nation est abandonnée de ses colonies, cela commencera par la nation anglaise. » Je l’avouerai en toute humilité, dussé-je faire tort à mon sentiment de l’idéal, si l’on pouvait avoir dans toute sa suite ce journal de voyage de Montesquieu, ces notes toutes simples, toutes naturelles, dans leur jet sincère et primitif, je les aimerais mieux lire que L’Esprit des lois lui-même, et je les croirais plus utiles.

352. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

Il lisait volontiers Montaigne, traduit par Florio. […] Sur le tome second du registre du Stationers’ Hall, on peut lire encore aujourd’hui en marge du titre des trois pièces, Comme il vous plaira, Henri V, Beaucoup de bruit pour rien, cette mention : « 4 août, à suspendre. » Les motifs de ces interdictions échappent. […] Shakespeare avait marié ses deux filles, Suzanne à un médecin, Judith à un marchand ; Suzanne avait de l’esprit, Judith ne savait ni lire ni écrire et signait d’une croix. […] Les historiens de la vieille école donnent de ces certificats à tous les princes, qu’ils sachent lire ou non. […] En 1707, un nommé Nahum Tate publia un Roi Lear, en avertissant les lecteurs « qu’il en avait puisé l’idée dans une pièce d’on ne sait quel auteur, qu’il avait lue par hasard. » Cet on ne sait qui était Shakespeare.

353. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

Voltaire de son côté, qui recevait le premier volume de l’Histoire de l’astronomie, de Bailly, s’empressait de lui répondre gaiement : J’ai bien des grâces à vous rendre, monsieur ; car ayant reçu le même jour un gros livre de médecine et le vôtre, lorsque j’étais encore malade, je n’ai point ouvert le premier ; j’ai déjà lu le second presque tout entier, et je me porte mieux. […] Il adressa donc à Voltaire des Lettres sur l’origine des sciences et sur celle des peuples de l’Asie ; ce volume, en tête duquel on lisait les lettres de Voltaire à l’auteur, parut en 1777. […] Il voulait être lu de tous, et il le fut. […] Je n’ai jamais lu Le Feu central de M. de Mairan, et, depuis qu’on ne croit plus au Tartare et au Phlégéton, il me semblait que le feu central n’avait pas grand crédit. […] Je l’ai connu chez le président de Ménières, et sa modestie, comme son embarras, étaient tels qu’on aurait eu peine à lire dans sa physionomie et sa conversation le nom de l’auteur des très spirituelles Lettres sur l’Atlantide, adressées par lui à M. de Voltaire.

354. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

. — L’abbé de Polignac, qui venait de composer son poème de l’Anti-Lucrèce, souhaita que le jeune prince le lût en manuscrit. Le duc de Bourgogne l’admira si fort qu’il en traduisit de beaux morceaux et les fit lire à Louis XIV, qui là-dessus reprit en gré l’abbé négociateur, depuis quelque temps tombé en disgrâce. […] Fénelon ne se fait là-dessus aucune illusion, et, à bien lire sa Correspondance, il en ressort que, pour être guéri non sans peine de « ses défauts les plus choquants », le prince ne lui paraît nullement arrivé à la perfection humaine et royale. […] Il lui était venu en réponse à ces questions de nombreux mémoires, jusqu’à former 42 volumes manuscrits in-folio ; il avait commencé par tout lire et dépouiller d’un bout à l’autre, étant de ces esprits qui cherchent sans doute la délivrance et la sortie du labyrinthe, mais qui se plaisent aussi dans le dédale. […] Je lis, dans les Recueils divers que des témoins dignes de foi et amis du prince ont publiés de ses vertus, des détails tels que ceux-ci : « Ce grand prince ne faisait pas seulement sacrifice de son argent, mais encore de sa personne, particulièrement les jours de jeûne qu’il observait dans la dernière exactitude.

355. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

Don Quichotte relu tout naturellement, lorsqu’on vient de lire une notice exacte de la vie de l’auteur, ne laisse guère de difficulté dans l’esprit. […] G. de Lavigne que l’ouvrage du continuateur n’est nullement méprisable et qu’il n’est difficile à lire aujourd’hui que parce que la place est prise et que chaque lecteur a dans l’esprit la suite si agréable de Cervantes, c’est tout ce que vraiment on pourrait faire ; je viens, dans mon désir d’impartialité, d’essayer de lire quelques chapitres de ce Don Quichotte d’Avellaneda ; tout ce que j’en ai vu me paraît lent, logique et lourd ; on ne peut s’empêcher de dire à chaque instant : « Ah ! […] Un jour, Philippe III, du balcon de son palais, voyant un étudiant qui, sur les bords du Mançanarès, lisait un livre et interrompait souvent sa lecture en se frappant de la main le front et en faisant des mouvements extraordinaires de plaisir et de joie : « Cet étudiant est fou, dit le roi, ou il lit Don Quichotte. » Les courtisans qui étaient là coururent vérifier le fait, et c’était vrai. […] Soldat, aventurier, esclave algérien, employé de finance, prisonnier, romancier, c’est un Gil Blas, mais un Gil Blas assombri, et qui n’est pas destiné à s’écrier comme l’autre dans sa jolie maison de Lirias : Inveni portum… » C’est étrangement rabaisser Cervantes (toujours d’après notre auteur), que de soutenir qu’il a employé la fleur de son génie à combattre l’influence de quelques romans de mauvais goût, dont le succès retardait sur les mœurs du siècle et n’avait plus aucune racine dans la société d’alors : « Ce que je crois plutôt, s’écrie le nouveau commentateur, qui a lu son Don Quichotte comme d’autres leur Bible ou leur Homère, et qui y a tout vu, c’est que le chevaleresque Cervantes, qui s’était précipité dans ce qui, à la fin du xvie  siècle, restait de mouvement héroïque, dut se sentir abattre par le désenchantement d’un croyant plein de ferveur qui n’a pas trouvé à fournir carrière pleine, qui dans l’exagération de son idéal s’est heurté et blessé contre les réalités, et qui, après avoir été contraint d’abdiquer l’action, s’est condamné à une retraite douloureuse, s’est réfugié dans ses rêves, et en dernier lieu, dans un testament immortel, lance à son siècle une satire qui n’était pas destinée à être comprise de ce siècle et dont l’avenir seul était chargé de trouver la clé. » Et nous adjurant à la fin dans un sentiment de tendre admiration, essayant de nous entraîner dans son vœu d’une réhabilitation désirée, l’écrivain, que je regrette de ne pas connaître, élève son paradoxe jusqu’aux accents de l’éloquence : « Ah ! […] Il faut savoir lire, particulièrement les livres du xvie  siècle ; il y a dans presque tous, à cause des menaces pendantes sur la liberté de pensée, un secret qu’il faut ouvrir et dont la clef est souvent perdue : Rabelais a un sous-entendu, Cervantes a un aparté, Machiavel a un double fond, un triple fond peut-être.

356. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Ses vers à effet, sa vigueur éloquente, sa phrase magnifiquement gonflée, ses passages éclatants n’y font rien : on pourra le faire admirer dans d’habiles extraits, mais le faire lire d’un bout à l’autre, jamais. […] Ce qui tua l’éloquence, ce lut le triomphe de la cause que ces deux hommes éloquents servaient : ce fut le triomphe de la royauté. […] On put lire en 1587 ses Discours politiques et militaires, où il avait versé toute son expérience et tous ses souvenirs ; Français autant que protestant, il réclamait énergiquement la paix et la tolérance, seuls moyens de rétablir le royaume et les impurs : il s’adressait aux catholiques autant qu’aux protestants ; car l’union dépendait des deux partis, mais surtout de celui qui avait la majorité du peuple et la faveur du roi. Quand on songe combien L’Hôpital, Du Vair, Bodin, La Noue sont peu connus aujourd’hui, et combien la Satire Ménippée est sinon lue, au moins connue, on ne peut s’empêcher de trouver un peu d’injustice dans cette inégale répartition de la gloire. […] La septième pièce, dans les Œuvres, est un discours non prononcé, un vif et fort pamphlet, que Du Vair fit courir au commencement de 1594, sous le titre de Réponse d’un bourgeois de Paris à un écrit publié sous lu nom de M. le cardinal de Sega.

357. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

Un esprit commun, qui n’a qu’une première vue, peut en être choqué, et quelque déclamateur vulgaire y verra des injures contre la nature humaine, mais quiconque sait lire au fond de son cœur, sans crainte d’y apercevoir, sur les indications si sûres de la philosophie chrétienne, ce fond de corruption où sont les tentations et tout le prix de l’innocence, reconnaîtra dans les plus sévères de ces maximes un avertissement menaçant donné par un des penseurs qui ont le mieux connu ce fond. […] Les réfutations de Voltaire sont le moins lu de ses ouvrages ; toute sa grâce et tout son bon sens n’ont pas réussi à ébranler une seule des Pensées. […] Il en faut lire avec d’autant plus d’attention et de confiance la dernière édition, soit pour les maximes ainsi modifiées, qui marquent le point où la raison du moraliste s’est dégagée tout à fait des rancunes et des arrière-pensées de l’homme, soit pour les maximes dont il a gardé la rédaction primitive. […] Ces maximes, venues tout d’abord dans leur perfection à l’esprit de La Rochefoucauld, je ne les lis pas sans inquiétude. […] Les Maximes de La Rochefoucauld sont comme les catégories dans des listes de suspects : les degrés du délit y sont si rapprochés, les cas si analogues, l’innocent si près de ressembler au coupable, que le plus en règle court le risque d’y lire son nom.

358. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Je noterai tel feuilleton de lui (celui du jeudi 24 décembre 1840, par exemple, sur Agnès de Méranie), duquel, après l’avoir lu, j’écrivais pour moi seul cette note que je retrouve, et que je donne comme l’expression nette de ma pensée : Excellent feuilleton. […] Après sa mort, et peut-être de son vivant, son portrait ornait la chambre de la fondatrice ; elle lisait et relisait ses billets dont elle faisait des recueils, et qu’elle gardait précieusement. […] Janin ; tout le monde le voudra lire, et mon analyse serait superflue. […] Mais c’est dans ce livre d’Arnauld précisément qu’il est parlé de Mlle de Prohenques, et de celui qu’elle épouse, dans les termes de mépris qu’on vient de lire. Au reste, tout cela importe assez peu à l’intérêt du livre, car bien peu de gens, je crois, ont lu Arnauld, et se soucient d’aller compulser de près les documents d’alors.

359. (1887) La banqueroute du naturalisme

Ce n’est pas que nous ne les ayons lus, ainsi qu’il était de notre devoir ; mais, après les avoir lus, nous n’en avions rien à dire que nous n’eussions déjà dit. […] Ils n’en ont vu que le contour, ils n’en ont su fixer que la silhouette ; et, pour cette raison, s’ils doivent durer quelque temps, si les générations qui viennent les lisent encore, ce ne sera pas comme naturalistes, ce ne sera pas non plus comme pessimistes, — un autre mot qu’ils compromettent par l’usage qu’ils en font, — ce sera comme vaudevillistes. […] Manger, boire, et le reste, il ne se passe guère autre chose dans les quatre-vingt-quinze feuilletons que j’ai lus de La Terre, et le « reste » surtout en remplit des colonnes entières. […] Car, si quelque chose est plus grave encore que tout ce qu’il peut y avoir d’énormités ou d’obscénités dans La Terre, c’est qu’il se trouve un public pour les lire ; et il se trouvera. […] Quant à ceux qui ne lui reprochent que ses obscénités, il faut vraiment qu’ils aient oublié dans quel temps ils vivent, et les autres romans qu’ils lisent, et à quelle sorte d’histoires, sur leurs vieux jours, ils s’acharnent encore eux-mêmes.

360. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Personne ne peut lire Boileau, sinon à titre de document historique ; ses dissertations sur le vrai, sur l’honneur, sur le style, ressemblent aux amplifications d’un écolier laborieux et fort en vers. […] Quittez les grands hommes, écoutez les conversations, lisez les lettres de tout le monde ; vous ne concevrez pas qu’on ait pu écouter sans bâiller des choses si vides. […] On ne peut imaginer, avant d’avoir lu les mémoires originaux, dans quel abîme de petitesses cet orgueil a précipité la noblesse. […] Au contraire, priez un lecteur ordinaire de lire l’histoire de Mme de Sablé et de Mme de Longueville ; l’expérience est aisée, et je l’ai faite : il n’emportera qu’une impression vague ; il ne pourra dire exactement quel fut l’esprit de cette époque ; il saura seulement que, selon M.  […] Lire les sonnets de Job et d’Uranie, et les disputes, dissertations, démonstrations et admirations sans nombre excitées par deux pauvretés.

361. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — II » pp. 261-274

Ainsi chassé d’une académie, ayant eu une autre académie tuée sous lui, l’abbé, toujours serein et impassible, continua d’écrire tous les matins ses idées, de les lire tous les soirs à qui voulait l’entendre (ne fût-ce qu’à une jolie femme), et d’échec en échec, il ne laissa pas de dire : « Patience ! […] Être lu et traduit par un homme d’esprit comme Voltaire, c’est tout profit pour l’abbé ; il devient alors un 48 vrai répertoire d’idées, même pratiques, et c’est en ce sens qu’il a pu influer indirectement. […] Il a surtout rassemblé les principaux points de sa doctrine dans le portrait d’Agaton, archevêque très vertueux, très sage et très heureux ; c’est son vicaire savoyard à lui, et, s’il a échappé aux tracasseries du Parlement et de la Sorbonne, c’est qu’on ne le lisait pas et que, de son vivant, personne ne le prenait au sérieux. […] On lui a tenu compte de toutes ses bonnes intentions, et il est plus accepté aujourd’hui qu’il ne l’a jamais été, sans avoir plus de chance d’être lu. […] Pour ceux qui y regardent de près et qui tiennent à voir les hommes tels qu’ils ont été, sans se contenter de l’à-peu-près des statues, une petite question se pose et revient toujours, bon gré mal gré, dès qu’on s’occupe de ses œuvres et de ses mérites : Était-il donc aussi ennuyeux à écouter qu’à lire ?

362. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « M. Viguier »

C’était Sophocle ou Euripide, texte grec, qu’il lisait. […] Je lis dans une des lettres affectueuses et touchantes que j’ai sous les yeux, écrites de Vienne à son vieil ami Théodore Gaillard, des aveux et des semblants de remords de cette flânerie délicieuse, de cette humeur incurablement vagabonde qui le promenait par toutes les capitales, prenant de chacune ce qu’elle avait d’original et d’excellent : « Quelle existence frivole ! […] — Je l’ai beaucoup lu et beaucoup feuilleté, je vous assure. […] Viguier, quand il lisait et expliquait à sa conférence de l’Aristophane, — de ce Voltaire-Rabelais, et qui était encore quelque chose de plus, — était lui-même tout à fait à peindre, ne se tenant pas d’aise et de surprise à chaque instant, trépignant de plaisir, riant et pleurant tout ensemble, rougissant lorsqu’une énormité succédait dans le texte à des détails exquis ; et il s’écriait avec une douceur charmante : « Ah ! […] C’est un bâtiment parfaitement accommodé pour une cinquantaine de cours de diverses facultés. — Je n’ai que l’embarras du choix tous sont ouverts sans nulle façon. — Sur la même place est un grand bâtiment dit Muséum qui est le casino des professeurs et des étudiants, des bourgeois et des étrangers, immense collection de journaux où règne le silence dans les salons de lecture, et qui contient une bibliothèque libéralement servie, des salles de conversation paisible, un vaste salon de concerts, institution des plus honorables (j’omets la fameuse bibliothèque de Heidelberg qui est à la disposition du public). — Enfin je me trouve ici sollicité par une prodigieuse envie de tout lire, de tout entendre, de tout voir et de tout dire, — de m’emparer de la langue la plus familière, de tous les cours, de tous les professeurs, de tous les journaux, de tous les livres, de tous les paysages et de toutes les montagnes.

363. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

Le fait est que ces agréables Mémoires, dont nous avons rendu compte dans ce journal en nous y complaisant249, qui ont été lus ici de chacun avec tant d’intérêt et qui ont singulièrement rajeuni et, pour tout dire, ravivé la renommée sommeillante d’un grave prélat, ont causé dans le pays d’Auvergne un véritable scandale. […] Après la mort de cette dame et pendant les premiers temps de la retraite que fit Rancé à sa terre de Veretz, il se développe un peu plus et laisse entrevoir à son digne précepteur quelque chose de l’état de son âme : « Les marques de votre souvenir m’étant infiniment chères, lui écrit-il à la date du 17 juillet 1658, j’ai lu vos deux lettres avec tous les sentiments que je devois, quoique je me sois vu si éloigné de ce que vous imaginez que je suis, qu’assurément j’y ai trouvé beaucoup de confusion. […] Au reste, quelque temps après, Rancé pris pour juge reçut la Relation manuscrite de son ami ; il la lut sans dégoût, et il lui en écrivit agréablement et assez au long, non sans y insinuer quelques conseils qui ont probablement été suivis : « J’ai lu avec plaisir, disait-il, les marques de votre estime et de votre amitié ; vous m’y faites, à la vérité, jouer un personnage que je ne mérite point, et on auroit peine à m’y reconnoître. […] Ce passage, lu dans le Journal des Débats par Mme Swetchine, a passé depuis dans ses Pensées et a été imprimé sous son nom.

364. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Banville, Théodore de (1823-1891) »

Victor Hugo Je viens de lire vos Odes. […] J’ai lu votre ravissant livre d’un bout à l’autre, d’un trait, sans m’arrêter. […] Lorsque morions ou salades Coiffaient pédaille et chevalier, Furent faites maintes ballades Par le très joyeux bachelier Que le temps ne peut oublier ; J’ai lu cent poèmes sublimes Qu’hier on a vu publier. […] Il faut lire les Exilés d’un cœur pieux et les relire en prenant conscience de la valeur métaphysique de nombreux mots splendides. […] Le printanier soleil, dieu d’argent des beaux rythmes Père des anémones, des jacinthes et des lis, Inspirateur des odes et donneur des cadences.

365. (1860) Ceci n’est pas un livre « Décentralisation et décentralisateurs » pp. 77-106

ce n’est point parce qu’on n’a pas voulu lire leurs manuscrits ; c’est, au contraire, parce qu’on les a lus, qu’on n’édite pas leurs livres et qu’on ne joue pas leurs pièces. […] Que ne se contentent-ils de se lire à eux-mêmes — à eux seuls — leurs élucubrations vides et mal ponctuées ; et, tenant leur manuscrit d’une main, de s’applaudir de l’autre ? […] Les quatre, qui ont lu les Treize de Balzac, et qui se sentent fort gênés par le cinquième, se réunissent dans un serment d’extermination ; car le cinquième empoche, à lui seul, les dépenses d’admirations et d’applaudissements que font les 80 000 habitants de l’endroit. — Écrasons l’infâme ! […] Lorsqu’il écrivit ces lignes, l’auteur n’avait pas encore lu Pro aris, nouvelles poésies de M. de Laprade pleines de mouvement et de vigueur.

366. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — I » pp. 143-149

Et M. d’Argenson, qui est sans gêne dans son tête-à-tête et dont tous les jugements d’ailleurs ne sont pas articles de foi, note dans ce volume de l’abbé de Pons qu’il vient de lire « un petit traité De l’origine des âmes qui est, dit-il, une miniature de métaphysique. » L’abbé Trublet, autorité peu considérable en matière le goût, mais témoin exact des faits, nous dit de son côté : Je n’ai connu personne qui écrivît plus facilement que l’abbé de Pons, quoique d’un style très singulier et en apparence très recherché. […] Ce sont des feuilletons, et des feuilletons consciencieux ; ils durent être fort lus et discutés. Dans son jugement de Rhadamiste, qui parut en brochure, le critique, après avoir reconnu qu’il y a dans la pièce des traits hardis, heureux, et des situations intéressantes, se met à la suivre scène par scène et à démontrer les invraisemblancesk, les incohérences du sujet, l’action peu liée, les caractères peu soutenus ; il n’en laisse à peu près rien subsister : Enfin, dit-il, je n’ai pas d’idée d’avoir jamais lu une tragédie plus embarrassée, plus fausse, et moins intelligible ; j’ai l’avantage de pouvoir dire ici tout ce que je pense, sans crainte de faire tort à l’auteurl ; car, ou je m’égare dans le jugement que j’expose, et en ce cas le public le vengera de moi, ou le public déférera à mes remarques, et en ce cas même il en rejaillira beaucoup de gloire à M. de Crébillon : on estimera à la vérité un peu moins sa pièce, mais il paraîtra d’autant plus grand, qu’il aura mieux trouvé l’art de fasciner les esprits, en leur cachant les défauts de sa tragédie à force de splendeur et de magnificence. […] Celui-ci lui ayant lu sa pièce du Lot supposé avant la représentation, il l’avait approuvée, et il se croyait comptable devant l’auteur et devant tous de son premier jugement : Il me semble, disait-il, que lorsqu’un ouvrage livré à notre censure nous a semblé bon, nous devons à l’auteur l’hommage public du jugement avantageux que nous en avons porté… Quand il me serait arrivé de trouver bon un ouvrage que le public aurait ensuite jugé mauvais, il n’y aurait pas grand mal à cela, et j’ose assurer que je serais en ce cas moins mécontent de moi, que si, dissimulant lâchement mon estime, je m’étais épargné cette espèce d’humiliation.

367. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre II. Utilité de l’ordre. — Rapport de l’ordre et de l’originalité »

Il n’y a pas de maçon bâtissant une grange qui ne s’abandonne plus à l’instinct du génie que Michel-Ange construisant Saint-Pierre de Rome : il n’y mit point une pierre, pour ainsi dire, sans savoir d’avance pourquoi, sans en avoir médité l’utilité, les rapports avec tout l’édifice, ce qu’elle ajoutait à lu solidité de la masse, ce qu’elle devait porter de poids et fournir de résistance. […] Saisi à chaque moment de la vérité de ce qu’il exprime, il poussera devant lui ; il s’enfoncera dans les affirmations de plus en plus absolues, et il ne s’apercevra pas que ce  qu’il dit maintenant contredit ce qu’il a dit tout à l’heure, que ce sont des vérités partielles et relatives, qui doivent se tempérer et se limiter mutuellement L’humeur du moment donnera le ton à son œuvre, et l’on y lira toutes les lassitudes, tous les caprices, toutes les faiblesses de son esprit pendant l’exécution. […] Il prodiguera les vues originales, les pensées profondes, les mots d’esprit, les traits touchants : il sèmera dans son œuvre de quoi faire un chef-d’œuvre : et le lecteur, ne sachant pas où on le mène, égaré, rebuté, étourdi, aveuglé, n’y comprendra rien, bâillera, et jettera le volume : car tous les hommes ne sont pas d’humeur à refaire le livre qu’ils lisent. Quelques lecteurs d’élite goûteront ce qu’il y a d’exquis, trouveront que c’est dommage, qu’il y avait là quelque chose, que le public a jugé bien rigoureusement, et deux cents ans après la mort de l’auteur on le réhabilitera, c’est-à-dire qu’on l’éditera une fois, qu’on en parlera quelques jours et qu’on ne le lira guère plus.

368. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 5, explication de plusieurs endroits du sixiéme chapitre de la poëtique d’Aristote. Du chant des vers latins ou du carmen » pp. 84-102

D’autres passages du sixiéme chapitre de la poëtique d’Aristote rendront encore plus claire l’explication qu’on vient de lire. […] Pour citer un contemporain de Quintilien, Juvenal dit à un de ses amis qu’il invite à souper, que durant le repas on lira quelque chose des plus beaux endroits de l’iliade et de l’éneide. Celui qui lira n’est pas, ajoûte Juvenal, un lecteur bien merveilleux, mais qu’importe, de pareils vers font toûjours un grand plaisir. Dans un autre endroit, Juvenal appelle encore carmina la simple recitation des vers hexametres de la Thébaïde de Stace, que Stace devoit lire lui-même et prononcer à son gré.

369. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Biot » pp. 306-310

Biot a voulu lire lui-même son discours ; il a pensé que la personne même donnait un intérêt de plus aux paroles, qu’elles n’avaient tout leur sens et tout leur accent que sur les lèvres de celui qui les disait comme il les avait trouvées ; et en effet, si la physionomie avec sa finesse, si le geste dans son naturel et sa bonhomie pouvaient suppléer au timbre et à l’organe, on aurait eu un plaisir complet. […] Il a été trop bien loué dans les deux discours qu’on va lire pour que je me permette d’y rien ajouter en ce moment. […] Je raisonne trop longuement ; il est temps de céder la place à ceux qu’on a hâte de lire.

370. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « En guise de préface »

Brunetière fût devenu réellement incapable de « lire pour son plaisir ». […] Lire un livre pour en jouir, ce n’est pas le lire pour oublier le reste, mais c’est laisser ce reste s’évoquer librement en nous, au hasard charmant de la mémoire ; ce n’est pas couper une œuvre de ses rapports avec le demeurant de la production humaine, mais c’est accueillir avec bienveillance tous ces rapports, n’en point choisir et presser un aux dépens des autres, respecter le charme propre du livre que l’on tient et lui permettre d’agir en nous… Et comme, au bout du compte, ce qui constitue ce charme, ce sont toujours des réminiscences de choses senties et que nous reconnaissons ; comme notre sensibilité est un grand mystère, que nous ne sommes sensibles que parce que nous sommes au milieu du temps et de l’espace, et que l’origine de chacune de nos impressions se perd dans l’infini des causes et dans le plus impénétrable passé, on peut dire que l’univers nous est aussi présent dans nos naïves lectures qu’il l’est au critique-juge dans ses défiantes enquêtes.

371. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Chénier, André (1762-1794) »

Voilà le secret de cette élégie tragique de la Jeune Captive, qui ne ressemble en rien à cette famille d’élégies grecques que nous avons lues plus tard dans ses œuvres. […] Fontanes et Joubert avaient lu ses manuscrits. […] Peut-être l’habitude de l’antiquité nous égare, peut-être avons-nous lu avec trop de complaisance les premiers essais d’un poète malheureux ; cependant nous osons croire et nous ne craignons pas de le dire, que, malgré tous ses défauts, André de Chénier sera regardé comme le père et le modèle de la véritable élégie… Il est hors de doute que si André de Chénier avait vécu, il se serait placé un jour au rang des premiers poètes lyriques.

372. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

Je lis, autant que mon impuissance de méditation me le permet, le livre de Cabanis, et j’en suis enchanté. […] Je brûle d’impatience de lire ce commencement, sûr de la satisfaction la plus complète. […] Pour moi, qui viens de lire au long les volumes de M. […] J’attends avec impatience la troisième partie de cet extrait que je n’ai pas lue encore. […] On peut lire dans le Journal des Savants (avril et mai 1838) deux articles de M.

373. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Je voudrais que vous m’envoyassiez ce numéro du Défenseur que je n’ai jamais lu. […] Je n’ai rien lu qui ait été plus au fond de mon âme. […] « J’ai reçu deux lettres de vous, cher Matthieu, que je n’ai pu lire sans beaucoup de larmes. […] J’ai lu avec un vif intérêt ce qu’on nous dit dans les journaux de votre discours. […] Apportez ce morceau sur Klopstock, nous le lirons. — Cela se peut-il qu’il n’y ait plus ni sentiments ni pensées ?

374. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

J’ai lu Milton. […] Scribe, si vous lisez les bonnes lettres naïves qu’il écrivit alors à sa femme et à ses enfants, vous n’aurez pas besoin, pour comprendre la théorie hegelienne de la comédie, de remonter à la création du monde. […] Puis, pour saisir par le contraste le caractère propre de cet esprit et de ce style, lisez une page de Shakespeare. […] Elle fut lue dans les principaux salons de Paris. […] Je ne néglige jamais de lire tous les ans quelque pièce de lui, afin de m’entretenir sans cesse dans le commerce de ce qui est excellent.

375. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Thierry se met à lire. […] Ils vous déplaisent à les lire comme si on les voyait. […] Des oiseaux qui étaient posés sur la voiture se sont dépêchés de s’envoler… J’ai lu alors : SERVICE DES PRISONS. […] Ce monsieur ne connaît pas notre nom, n’a jamais lu un livre de nous. […] Nous demandons L’Entr’acte, et lisons et relisons les noms de nos acteurs.

376. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

Ils y sont encore souvent lus, souvent feuilletés par moi et par mes amis. […] on lisait avec charme pourtant. […] qui ne le plaindrait, ce jeune et malheureux cœur, si on y lisait ce qu’il souffre ! […] Qui n’a de l’Homme-Dieu lu la sublime histoire                  Dans un jaune missel ? […] J’ai lu avec reconnaissance les deux articles du Globe.

377. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Perthuis de Laillevault, Edmond Edouard Charles de (1822-1904) »

On a donc lu et on lira encore beaucoup le sérieux et beau livre de M. le comte de Perthuis.

378. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article »

Les Gens de Lettres peuvent les lire avec plaisir, parce qu’ils sont écrits avec aisance, avec méthode, & même avec une sorte d’élégance ; les Gens de Loix peuvent les lire avec fruit, parce que les principes en sont clairs, bien discutés, & presque toujours sûrs.

379. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Mais pour qui sait lire, toutes les réserves y sont sous la forme la plus courtoise et la plus délicate. […] J’ai lu aussi de M.  […] Je m’arrête ; tout le livre est à lire, mais tout le monde ne le devra pas lire ; il est fait d’une douceur et d’une résignation qui le rendent plus cruel encore quand on sait par expérience à quel prix elles ont été achetées. […] À lire aussi de M.  […] Il n’a pas lu la Critique du jugement.

380. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Louise était savante, elle lisait les maîtres, elle avait contracté dans le commerce des Anciens cette sorte d’audace et de virilité d’esprit qui peut bien n’être pas toujours un charme chez une femme, mais qui n’est pas un vice non plus. […] Le début ressemble par l’idée au fragment de Sophocle qu’on vient de lire ; le poëte chante la Déesse qui fait naître le désir au sein des hommes et des Dieux, et chez tout ce qui respire. […] … Mais, après ce qu’on a lu, l’impression ne pourrait que s’affaiblir. […] Monfalcon en tête de la belle et rare édition des Œuvres de la belle Cordière (1853), il est dit à l’occasion d’une des dernières pages qu’on vient de lire : « M. […] reghot du Lut, à Lyon, en 1830, dans une Note pour servir de supplément à l’édition de 1824 ; ce post-scriptum dérange un peu les conclusions mêmes de l’excellente édition.

381. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Il est si Grec et si Latin, qu’à tous ceux qui ne savent que le français, il déclare que l’entrée de ses vers leur est fermée : Les François qui mes vers liront, S’ils ne sont et Grecs et Romains, Au lieu de ce livre ils n’auront Qu’un pesant faix entre les mains92. […] L’admiration pour Ronsard était une note de grand savoir : ne le lisait pas qui voulait. […] Lisez Estienne Pasquier, s’échauffant à prouver l’égalité du français et des langues anciennes. […] Ailleurs, s’adressant à son luth il lui fait hommage de sa renommée : Par, toy je play, et par toy je suis lu ; C’est toy qui fais que Ronsard soit eslu Harpeur françois et quand on te rencontre, Qu’avec le doigt par la rue on le montre. […] D’autres imperfections empêchent de lire certaines pièces d’un genre élevé qui appartiennent plus à Ronsard, et que lui ont inspirées les événements de son temps.

382. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Il ne m’en lisait rien, ne voulant pas, comme moi, s’exposer à la critique et à la raillerie. […] « Je lis en route un roman que j’avais déjà lu et dont je vous avais parlé : il est de l’auteur de Wilhelmina Ahrand134. […] Si vous lisez les marges de mes Grecs, je lis et conserve les adresses même des petits billets adressés chez mon Esculape. […] Je m’occupe à présent à lire et à réfuter le livre de Burke contre les levellers français. […] Decazes, et Louis XVIII, après l’avoir lue, le raya, de sa main, de la liste des proscrits.

383. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Mme Campan le lut au roi et à la reine. […] On vient d’en lire plus haut un extrait. […] Il faut lire cette comparaison dans le livre de M.  […] On ne peut rien lire de plus gracieux que les Amoureuses de M.  […] Il ne peut, écrit-il, lire René sans pleurer.

384. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Je viens seulement de le lire. […] On a envie de ne pas lire. […] Luchaire est à lire. […] France, qui a tout lu (oh ! […] Est-il lu, il me parle du sien.

385. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 533

Ses Poésies recueillies bordent aujourd’hui les Quais, après avoir occupé quelques pages dans le Mercure, & avoir fait dire à M. l’Abbé le Blanc, qui étoit sans doute son ami : Quand je lis ces Ecrits où ta plume s’exerce A peindre avec tant d’art les amoureuses loix, Je croirois lire Ovide, ou Tibulle, ou Properce, Si l’un des trois, jadis, eût fait des vers François.

386. (1890) Nouvelles questions de critique

Lisons un peu plus d’abord, lisons surtout plus consciencieusement. […] Quiconque lira seulement Voltaire, et le lira consciencieusement, y trouvera sûrement encore de quoi renouveler le sujet. À plus forte raison, quiconque lirait Bossuet ou Fénelon, lesquels sont d’abord moins lus, et dont les leçons, ensuite, sont moins vivantes parmi nous que les leçons de Voltaire. […] Tel reproduit en soi quelques traits de Diderot, qui ne l’a jamais lu. […] Avait-il également lu Buffon ?

387. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers, Tome xix. (L’île d’Elbe, — L’acte additionnel. — Le champ de mai.) » pp. 275-284

J’ai lu ces livres dont les uns étaient composés avec l’esprit le plus chatoyant et le plus malicieux, dont les autres étaient le produit d’une science concentrée et morose. […] Et que viens-je de lire encore ? […] Vous qui avez lu Plutarque, savez-vous dans l’antiquité une page plus grande, plus touchante et plus simple ? […] Quelques lâches à relever çà et là dans le volume que je lis, quelques négligences qui se ressentent de la dictée et qui se corrigeraient d’un trait de plume, des hélas !

388. (1874) Premiers lundis. Tome II « Des jugements sur notre littérature contemporaine à l’étranger. »

On nous croit malades, pestiférés : on fait défense à toute personne saine et bien pensante de nous lire ; à la bonne heure ! […] On a bien de la peine à leur expliquer que ce n’est plus du tout la même chose, qu’il peut bien avoir son mérite, qu’il l’a probablement ; mais qu’on ne sait pas au juste, qu’on ne l’a pas lu. […] Scott a été lu, admiré, aimé, et, si l’on ose dire, compris ici de telle sorte, qu’on n’est pas suspect quand on lui refuse une part de plus. […] Les œuvres les plus suaves et les plus chastes de sa plume ont passé, chez l’auteur anglais qui nous lisait en masse, dans une même bouchée, pour ainsi dire, que les plus fortes ; Lavinia n’a fait qu’un seul morceau avec Leone Leoni.

389. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Ceux qui liront Calvin verront qu’il a opéré heureusement le passage de son dogme à sa morale. […] Qui voudra s’en convaincre n’aura qu’à lire les chapitres 15 et 17 du premier livre, et ces admirables chapitres 6 à 10 du livre III, sur la vie de l’homme chrétien182. […] Qu’on lise ses Commentaires des Êpitres de saint Paul, on sera surpris, à travers tant de gravité dogmatique, de rencontrer un parler si familier, tant de rappels à la réalité commune, métaphores, comparaisons, apologues. […] Lire aussi 1. 1, ch. 

390. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Barthélemy Saint-Hilaire »

Et cependant voici un écrivain impersonnel comme la Raison et comme la Science, que je lis comme si j’avais affaire à une forte ou à une ardente personnalité ! […] Or, je l’avouerai, cette Histoire des Histoires de Mahomet m’a impatienté, non lorsque je la lisais, mais après coup, quand elle a été entièrement lue et que j’ai songé à ce que l’auteur aurait pu faire, s’il n’avait pas eu au cou son collier de chien d’Académie, dont l’esprit qui le met reste toujours un peu pelé, comme le cou du chien. Il n’a fallu rien moins, pour m’apaiser, que la supériorité absolue du Mémoire (car c’en est un) de Barthélemy Saint-Hilaire ; de ce chef-d’œuvre de critique impartiale, juste et presque généreuse, dont le double caractère est d’augmenter, par la manière dont il les expose et par le parti qu’il en tire, le désir de lire ces histoires, et de pouvoir en dispenser.

391. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Feuillet de Gonches »

C’est un livre très réfléchi sous prétexte d’enfantillages, très littéraire, de très scélérate naïveté, qui peut être lu en tous temps et goûté de ces autres enfants qui n’ont pas les yeux si beaux et qui sont des hommes. […] Ceux qui lisent n’ont pas oublié cet intéressant fragment de critique d’art et de biographie sur Léopold Robert, publié au moment où l’on croyait le plus Feuillet enfoncé, englouti dans le protocole, dans ce terrible bonnet fourré du protocole qui doit entrer jusqu’au nez d’un homme quand il se le met sur la tète, et qui doit calfeutrer sa cervelle contre tout ce qui n’est pas cette majestueuse procédure. […] Il a lu les Contes d’enfants et de la maison, les Forêts tudesques et les Légendes allemandes, et avec cette nature d’esprit qui le distingue et qui lui fait rencontrer parfois les unissons les plus heureux, il s’en est admirablement inspiré. […] Désormais les enfants qui liront cet Arioste du coin du feu et à leur usage garderont, dans cette imagination qui se souvient toujours des premiers baisers qu’on lui donne, la trace des deux lèvres paternelles qui s’y seront appuyées et y auront laissé leur phosphore.

392. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Pour bien juger de l’esprit de ces lettres, il ne faut point les prendre par telle ou telle phrase détachée, mais il convient de les lire dans leur ensemble. […] Quand les circonstances m’ont poussé comme malgré moi sur le grand théâtre, les lettres ont fait dire à tout le monde : « Au moins celui-là sait lire et écrire. […] Je lis dans les Tables de l’édition de Voltaire dressées par Miger pour l’estimable Beuchot : « Bernis propose à Voltaire de traduire en vers les Psaumes de David. […] Voltaire, un jour, a un peu trop ricané : il a écrit au cardinal-archevêque une lettre gaie et même bouffonne pour ses étrennes (22 décembre 1766) ; en lui envoyant à lire sa tragédie des Scythes, il ajoutait : Pour moi, chétif, je fais la guerre jusqu’au dernier moment : jansénistes, molinistes, Fréron, Pompignan, à droite, à gauche, et des prédicants, et J. […] Pour moi, c’est ainsi que j’aime à lire les écrits des hommes célèbres et à en tirer ce qu’il y a de meilleur, de plus élevé : il me semble que c’est de la sorte qu’on est le plus vrai, même au point de vue de l’histoire.

393. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

Duclos a fait quelques ouvrages qui prouvent ou supposent de l’érudition : comme membre de l’Académie des inscriptions et belles-Lettres, il y lut plusieurs mémoires sur des points d’Antiquité ou de Moyen Âge ; mais la première production importante, par laquelle il rompit avec les romans et se déclara un écrivain tout à fait sérieux et solide, fut son Histoire de Louis XI, publiée en 1745 avec la nouvelle année. […] L’historien doit tout lire, et ne doit écrire que ce qui mérite d’être lu. […] Celle qu’obtint d’abord le Louis XI de Duclos fut grande : « Le livre a été lu de tout le monde avec avidité, surtout des dames, dont il a mérité l’approbation » ; c’est ce qu’écrivait l’abbé Desfontaines, assez favorable d’ailleurs à l’ouvrage58 : ce critique nous fait remarquer que des dames illustres et aimables s’intéressaient même au débit matériel et en plaçaient des exemplaires. […] Voltaire, déjà historien, qui s’occupait de son Siècle de Louis XIV, et qui avait donné son Histoire de Charles XII, s’empressa d’applaudir à Duclos, et il lui laissa, en passant chez lui, ce petit billet des plus scintillants et qui semble écrit sous le coup de l’enthousiasme : J’en ai déjà lu cent cinquante pages, mais il faut sortir pour souper. […] Le roi, dans sa reconnaissance, s’empresse de récompenser les religieux en accordant à l’abbaye les plus grands privilèges : l’abbé Le Grand les énumère : par exemple, « l’exemption de tout impôt pour les domestiques et fermiers de l’abbaye, le droit de pêche dans la rivière de Sèvres, la permission à l’abbaye de porter pour armes de gueules à une fleur de lis d’or, surmontée d’une couronne de même au chef de France ».

394. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Il y serait venu, j’imagine, vers 1786, un peu avant son voyage d’Italie ; il aurait trouvé l’ancienne société française dans sa dernière fleur ; il aurait été un moment à la mode comme tous ces princes du Nord qui y passèrent, comme tous ces princes de l’esprit et de la pensée, Hume, Gibbon, Franklin ; on se serait mis à lire Werther et le reste comme on aurait pu, à la volée, pour lui en parler et le bien recevoir. […] Je veux mordre ici en plein et sans tant de façons ; je veux parler de ces Entretiens, comme je les ai lus, au long, et en m’aidant moins encore de la traduction de M.  […] Cependant il lisait et s’instruisait sans cesse. […] Quant à Faust, qui, avec tous ses abîmes de corruption humaine et de perdition, m’effraya d’abord et me fit reculer, mais dont l’énigme profonde me rattirait sans cesse, je le lisais assidûment les jours de fête. […] Ainsi, lorsqu’on jouait le Comte d’Egmont de Gœthe, à la scène de la prison, pendant qu’on lisait au comte sa condamnation, Schiller chargé de l’arrangement et de la mise en scène, avait pris sur lui de faire apparaître dans le fond le duc d’Albe en masque et en manteau, pour qu’il pût se repaître de l’impression que la condamnation à mort produirait sur Egmont.

395. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Capefigue à l’occasion de certains passages de son Histoire d’Europe sous l’Empire, Jomini a résumé en termes élégants et dignes la substance des précédents opuscules (février 1841) ; mais les curieux et ceux qui aiment les traits pris sur le vif ne sont point dispensés de les lire. […] Vous connaissez assez la disposition actuelle de mon esprit pour présumer que je ne suis pas bien éloigné de partager votre avis ; cependant lire une ode d’Horace, une élégie de Parny64, quelque morceau d’un éloquent historien tel que Tacite ou Tite-Live, c’est bien s’occuper du passé, et c’est ce que Denys le Tyran ne manquerait pas de faire avec quelque plaisir s’il revenait dans ce bas monde. […] Lisez bien ce portrait : sous sa touche flatteuse, il ne dément pas absolument le mot célèbre de Napoléon qu’on ne saurait oublier : C’est un Grec du Bas-Empire. […] Si différents que soient ces termes (tome IV, p. 368) de ceux qu’on a lus dans la Correspondance impériale, il n’est pas impossible qu’en dernier lieu Napoléon n’ait en effet porté sur lui un jugement qui se rapprochait de celui-là. […] Si je ne commençais (et les lecteurs sans doute eux-mêmes) à sentir vivement le besoin de finir et de conclure, je n’aurais pas de peine à montrer que les deux tiers de ce Traité sont à la portée de tous les lecteurs, même les moins guerriers et les plus civils ; qu’ils sont à lire et à consulter pour la quantité de résultats historiques et de faits curieux qu’ils renferment.

396. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

On y lisait, entre autres choses : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . […] … Je lus en entier ce livre singulier, je le relus encore, et, malgré les négligences, les néologismes, les répétitions et l’obscurité que je pus quelquefois y remarquer, je fus tenté de dire à l’auteur : « Courage, jeune homme ! […] Louis XVIII, après l’avoir lue, avait dit : « Je connais ce jeune homme ; il se conduit en ceci avec honneur : je lui donne la prochaine pension qui vaquera. » La lettre, recachetée par les suppôts de police, n’était pas moins arrivée à madame Delon, qui aurait pu donner dans le guet-apens. […] Les soirées de cette belle saison des Orientales se passaient innocemment à aller voir coucher le soleil dans la plaine, à contempler du haut des tours de Notre-Dame les reflets sanglants de l’astre sur les eaux du fleuve ; puis, au retour, à se lire les vers qu’on avait composés. […] Le futur recueil dont on a lu le prologue, sera pour le public la preuve de ceci, nous l’espérons.

397. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Derrière ma faiblesse il y a de la force ; la faiblesse est dans l’instrument. » Mais s’il n’écrivait pas de livres, il lisait tous ceux des autres, il causait sans fin de ses jugements, de ses impressions : ce n’était pas un goût simplement délicat et pur que le sien, un goût correctif et négatif de Quintilius et de Patru ; c’était une pensée hardie, provocante, un essor. […] J’y ai souvent pensé, et j’aime à me poser cette question quand je lis quelque littérateur plus ou moins en renom aujourd’hui : « Qu’eût-il fait sous Louis XIV ? […] Après avoir, de là, redoublé et professé même quelque temps aux Doctrinaires de Toulouse, il vint jeune et libre à Paris, y connut presque d’abord Fontanes dès les années 1779, 1780 ; une pièce de vers qu’il avait lue, un article de journal qu’il avait écrit, amenèrent entre eux la première rencontre qui fut aussitôt l’intimité : il avait alors vingt-cinq ans, à peu près trois ans de plus que son ami. […] la voici ; elle lui échappe à la fin de cette même lettre : « Il me reste à vous dire sur les livres et sur les styles une chose que j’ai toujours oubliée : achetez et lisez les livres faits par les vieillards qui ont su y mettre l’originalité de leur caractère et de leur âge. […] Joubert, pour qu’il demeurât à jamais gravé dans l’esprit : il suffît maintenant pour cela, en ouvrant son volume au hasard, d’avoir lu.

398. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Les traductions de quelques ouvrages d’Aristote n’impliquent aucune intelligence de la langue ni surtout de la pensée grecques : on lisait la Poétique, et nous voyons, dans un traité de métrique du xive  siècle, les poèmes de Lucain et de Stace donnés comme exemples de tragédies. […] Elle ne voyait pas de mal à ce qu’un chrétien lût l’Écriture ou priât en sa langue, mais elle n’avait pas de doctrine ; elle s’accommodait de Calvin comme de Briçonnet. […] Son érudition est du moyen âge : J’ai lu des saints la légende dorée, J’ai tu Alain, le très noble orateur (Alain Chartier), Et Lancelot, le très plaisant menteur. J’ai lu aussi le Roman de la Rose, Maître en amours, et Valère et Orose Contant les faits des antiques Romains. […] Pour se faire lire de ces seigneurs et de ces dames qu’entouraient toutes les élégances et que tous les plaisirs sollicitaient, il fallait être bref, pour ne pas ennuyer ; clair, pour ne pas fatiguer ; spirituel, pour divertir.

399. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Lorsque M. le duc d’Aumale lut à l’Académie le récit de la bataille de Rocroy, l’auditoire fut traversé d’un frisson qu’il n’aurait probablement point senti si le lecteur n’avait pas été un descendant de Henri IV. […] J’ai lu, pour ma part, avec une sorte d’admiration mêlée de pitié ce récit de l’éducation d’un prince. […] Vous n’y trouverez ni art ni politesse ; mais vous les lirez avec indulgence, parce qu’ils sont d’un apprenti, et peut-être avec plaisir, parce qu’ils sont de votre fils. ) Voilà qui n’est point mal pour un enfant de onze ans ; mais mon insupportable méfiance me suit partout. […] Ce mouvement de Gassion, la seule trace que j’en découvre, c’est peut-être dans ce bout de phrase qu’on a lu : « Laissant Gassion à droite avec quelques escadrons pour dissiper tout nouveau rassemblement de la cavalerie wallonne, Anguien », etc. […] Mais je lis encore dans le mémoire favorable à Gassion : «… Quant au duc d’Anguien, il n’est pas en arrière de son infanterie, à l’endroit d’où l’on domine l’action, mais en avant de l’un des escadrons, comme un simple capitaine d’avant-garde.

400. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Diderot nous a très bien rendu pourtant l’apologue du Coucou, du Rossignol et de l’Âne, et on le peut lire dans ses Œuvres ; mais, en fait d’apologue de Galiani, j’aime mieux rappeler celui que je trouve rapporté dans les Mémoires de l’abbé Morellet et qui est célèbref. […] Les amis de Galiani, et l’abbé lui-même avaient coutume de dire de son livre sur les blés : « C’est moins un livre sur le commerce des blés qu’un ouvrage sur la science du gouvernement : il faut savoir y lire le blanc et l’entre-deux des lignes. » Le gouvernement chargea l’abbé Morellet de répondre à Galiani, et cet autre abbé, aussi grand de taille que l’autre était petit, aussi didactique et pesant de plume que l’autre était léger, fit cette réponse de manière à n’être pas lu. […] Il semble, en vérité, pour qui ne lirait que le petit nombre de pages qu’il a mises en tête de sa compilation écourtée, que tout le monde, excepté lui, a plus ou moins déraisonné et battu la campagne jusqu’ici, sur le compte du spirituel abbé napolitain. […] répondrai-je dans la même forme et avec le même appareil, si vous ouvrez les Mémoires de l’abbé Morellet (Paris, 1821, 2 vol. in-8º), à la page 131 et suiv. du tome I, vous lisez précisément tout au long et en très gros caractères le conte même que j’ai cité. […] [NdA] On peut lire cet article à la page 283 de la Bibliographie parémiologique de M. 

401. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

Il faut avouer que ses compliments sont à peu près dans ce goût : « Autrefois, je ne vous connaissais pas, je ne vous lisais pas, je ne rencontrais que des gens qui me disaient du mal de vos romans… Maintenant tout est changé… alors je vous lis, je vous lis avec un grand plaisir… et vous trouve vraiment beaucoup de talent… Mais au fait, on dit que vous avez aussi publié des livres d’histoire très curieux… moi je n’y croyais pas, quand j’ai commencé à lire vos romans… je les ai trouvés si bien, que ça me mettait en défiance contre vos autres livres… Je me disais : ils sont trop romanciers pour être des historiens… » * * * — Voltaire n’a que l’esprit, tout l’esprit d’une vieille femme du xviiie  siècle ; mais jamais de son esprit ne jaillit une pensée, ayant la moindre parenté avec une pensée de Pascal, avec une pensée de Bacon, avec n’importe quelle pensée d’une grande cervelle philosophique. […] Mercredi 6 avril Je lis le commencement de La Faustin, devant les ménages Zola, Daudet, Hérédia, Charpentier, et les jeunes de Médan. […] … Ce sera un des plus compliqués que j’aie encore faits… il y a soixante-dix personnages. » En disant cela, il brandit un affreux petit volume stéréotypé, qui se trouve être un Paul et Virginie, qu’il a emporté pour lire en voiture. […] Quelqu’un me dit avoir lu, dans un journal, que Saint-Victor est mort.

402. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 430

Campigneules, [Charles-Claude-Florent Thorel de] Trésorier de France, des Académies d’Angers, de Ville-Franche, de Lyon, de Caen & des Arcades de Rome, né à Montreuil sur mer en 1737 ; Auteur qui a débuté par un Roman intitulé le Temps perdu, titre des plus convenables au temps qu’il a employé à le composer, & à celui que le Lecteur emploieroit à le lire. Ses autres Productions mériteroient aussi un pareil titre ; pour être moins mauvaises, elles n’en sont pas plus dignes d’être lues.

403. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

Nous venons de les lire en italien, pour y trouver quelques traces justes et vives de son intimité artistique avec Mozart. […] Lisons rapidement. […] Il est curieux de lire ce que d’Aponte raconte, dans ses Mémoires, de sa première entrevue et de sa liaison constante ensuite avec le génie encore méconnu de la musique. […] Lisez. Mais supposez, de plus, qu’au lieu de lire dans ma traduction française, langue trop virile et trop peu souple pour ces mollesses efféminées de l’âme, vous lisez en vénitien, langue aussi balbutiante et aussi transparente que le murmure des lagunes sur le sable du Lido.

404. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Cependant il lisait et s’instruisait sans cesse. […] Il avait lu Werther dans sa jeunesse et Faust dans sa maturité. […] Il ouvrit la porte d’une pièce, sur le seuil de laquelle on lisait en passant le mot Salve, présage d’un accueil amical. […] Goethe me pria de m’asseoir près de la lumière : il voulait me donner quelque chose à lire. […] Lorsque j’eus fini de lire, Goethe revint vers moi : — Eh bien !

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