Toutes ces espérances me mirent un tel baume dans le sang, et me rafraîchirent si bien l’esprit, que je me rejetai tout entier entre les bras des Muses. […] « Voyant s’obscurcir de plus en plus l’horizon de ce malheureux pays, et s’établir dans le sang et par la terreur la soi-disant république, nous tînmes sagement pour gagné tout ce qui pouvait nous rester ailleurs, et nous partîmes pour l’Italie, le premier jour d’octobre.
La petite-fille de Boucher, femme galante… En effet, c’était un peu dans le sang du peintre des Grâces impures… * * * — Ô Jeunesse des écoles, jeunesse autrefois jeune, qui poussait de ses deux mains battantes le style à la gloire ! […] Elle-même n’a nullement gardé rancune d’avoir été, sur les ordres de notre grand-père, plusieurs fois plongée dans la pièce d’eau, pour lui rafraîchir le sang, quand elle éprouvait la tentation de se marier.
Le succès du Marquis de Villemer aurait-il fait circuler son sang plus activement ? […] Nous contemplons ce visage fouetté aux pommettes, la lumière fiévreuse du gris de son œil, rayé de filets de sang, cette tête forte, fruste, puissante, pour ainsi dire taillée dans la chair à grands coups d’ébauchoir, s’éclairant, par instants, d’un sourire resté jeune, — d’un sourire qui a, à la fois, de la bonhomie du paysan et de la câlinerie d’une femme.
nous n’avons plus de valet qui nous fouaille Et qui se pende à notre cou ; Du sang chaud, de la chair, allons, faisons ripaille, Et gorgeons-nous tout notre soûl ! […] Si on l’écrit contre ce qui tient le glaive, roi ou peuple, elle est un danger de mort, et on dévoue sa tête au licteur ou le sang de ses veines au suicide.
Enfin presque tous les animaux qui vivent de sang ont un cri particulier, qui ressemble à celui de leurs victimes. […] IX Ou sur le bord moussu de la fontaine obscure T’asseoir, te croyant seule, à la fin du soleil, Comme un moineau son cou, lisser ta chevelure, Dans tes petites mains prendre ton pied vermeil, En laver d’un bain froid la blessure amortie, Arracher de la peau l’épine des cactus, Ou le dard de l’abeille, ou la dent de l’ortie, Et d’une gouttelette avec elle sortie Teindre d’un peu de sang la fleur d’or du lotus ?
Parmi les plus récentes productions, ils mettent au premier rang, le Sang des Races de Louis Bertrand qui est à leur avis, la plus substantielle composition sur les mœurs algériennes. […] La France est comme un cœur trop lourd, gonflé d’un sang riche qu’il faut laisser circuler librement par des artères nouvelles.
Le sang de sa mère en elle se tempérait de sentiments plus doux et plus tendres qui lui composaient une sorte d’honneur.
Nous les recueillions comme les maximes de la sagesse ; jaloux que son silence nous dérobât trop souvent des trésors qui étaient à nous, et, s’il m’est permis de le dire, qu’il ménageât trop ses paroles à des sujets qui lui prodiguaient leur sang et leur tendresse.
Tous deux se connurent beaucoup et s’estimèrent ; ils avaient sans s’en douter le même travers, et ils le notaient réciproquement chacun chez l’autre : l’une était à cheval sur son rang de princesse, et sur le qui-vive, de peur qu’on ne lui rendît pas assez ; l’autre était intraitable, on le sait, et comme fanatique sur le chapitre des ducs et pairs : En France et en Angleterre, dit Madame, les ducs et les lords ont un orgueil tellement excessif qu’ils croient être au-dessus de tout ; si on les laissait faire, ils se regarderaient comme supérieurs aux princes du sang, et la plupart d’entre eux ne sont pas même véritablement nobles.
Jugeant le Champ-de-Mars un lieu trop honorable pour s’arroser de son sang, on exigea que l’échafaud fût dressé près de la rivière sur un tas d’immondices.
L’héroïsme militaire, d’ailleurs, vient surtout du sang et de la nature : ces cœurs de lion s’embrasent à l’approche du danger ; ils ne se possèdent plus, ils se sentent dans leur élément.
Ce Bâillon fut ce qui mordit le plus au sang la langue du malheureux Santeul ; il demanda quartier par une élégie où il en appelle à la charité chrétienne.
Mais lorsque, dans deux cents ans, ceux qui viendront après nous liront en notre histoire que le cardinal de Richelieu a démoli La Rochelle et abattu l’hérésie, et que, par un seul traité, comme par un coup de rets, il a pris trente ou quarante de ses villes pour une fois ; lorsqu’ils apprendront que, du temps de son ministère, les Anglais ont été battus et chassés, Pignerol conquis, Casal secouru, toute la Lorraine jointe à cette couronne, la plus grande partie de l’Alsace mise sous notre pouvoir, les Espagnols défaits à Veillane et à Avein, et qu’ils verront que, tant qu’il a présidé à nos affaires, la France n’a pas un voisin sur lequel elle n’ait gagné des places ou des batailles : s’ils ont quelque goutte de sang français dans les veines, quelque amour pour la gloire de leur pays, pourront-ils lire ces choses sans s’affectionner à lui ?
De ce séjour de sang, de rapine et d’horreur, etc.
si l’on est vraiment critique, si l’on a dans les veines une goutte de ce sang qui animait les Pope, les Boileau, les Johnson, les Jeffrey, les Hazlitt, ou simplement M. de La Harpe, on pétille d’impatience, on s’ennuie de toujours se taire, on grille de lancer son mot, de les saluer au passage, ces nouveaux venus, ou de les canonner vivement.
Mais les quatre chapitres qui suivent vont nous peindre successivement les mœurs des principales classes de la société, des gens de finance et de fortune, des gens de la Ville, des gens de la Cour, des Grands proprement dits et princes du sang, héros ou demi-dieux : le tout se couronnera par un chapitre, du Souverain ou de la République, avec le buste ou la statue de Louis XIV tout au bout en perspective.
Villemain ; il sue sang et eau à trouver des beautés dans les Clémentines ou dans le Pasteur d’Hermas.
Jusqu’à ce moment le roi crut y aller, pendant que tout Madrid savait dix jours auparavant qu’il n’irait point, et que les ministres l’avaient dit à leurs amis. » Voilà où ce noble pays était tombé ; et cette dissolution graduelle du gouvernement et de la société ne dura pas moins de vingt ans encore, autant que la vie de ce morne et languissant monarque, jusqu’à ce qu’un sang dynastique nouveau vînt y apporter quelque remède et quelque rajeunissement.
t’offrant ses plus doux lits, A pour toi choisi l’herbe et retiré la pierre ; On dirait qu’une main a modelé la terre Et sur la forme humaine en a moulé les plis De symboliques fleurs autour de toi rappellent Que les hommes parfois aux dieux se sont unis : Sur le sol fécondé par le sang d’Adonis, Près des eaux, l’anémone et la rose se mêlent.
Le propriétaire accourt, furieux qu’on lui ébranche son arbre ; on comptait bien d’abord payer les pommes, et c’était l’intention de Pilate ; mais, la querelle s’engageant, Judas qui a le sang chaud et la main prompte daube sur le maître du jardin et l’assomme d’un coup à la tête.
Mais les prêtres de celui-ci, qui sont de race vigoureuse, qui mordent à la vie à pleine grappe et se nourrissent de chair et de sang, ne veulent pas accueillir le pâle et efféminé transfuge ; on le traite en apostat, et le malheureux conspué reste désormais sans dieu, errant et comme mis à pied entre les deux idoles.
» vous qu’un sang généreux pousse aux nouvelles et incessantes conquêtes de l’art et du génie, et qu’impatiente, qu’ennuie à la fin cet éternel passé qu’on déclare inimitable, veuillez y songer un peu : les Anciens, si vantés qu’ils soient, ne doivent pas nous inspirer de jalousie ; trop de choses nous séparent ; la société moderne obéit à des conditions trop différentes ; nous sommes trop loin les uns des autres pour nous considérer comme des rivaux et des concurrents.
Il avait imaginé une sorte de paix rongeante et envahissante qui devait exclure les risques et les inconvénients de la guerre, pour ne laisser subsister que les avantages qu’elle aurait procurés, — beaucoup de profit sans effusion de sang et sans grosse dépense. » C’est cette paix ambiguë et d’une espèce toute particulière dont l’historien nous fait suivre pas à pas la procédure et les progrès.
Un pauvre animal écorché atteste une curiosité physiologique qu’on a satisfaite ; des taches de sang souillent encore le plancher.
On n’y voyait pas la sueur de sang.
En choisissant une princesse de cette maison, la plus puissante de l’Empire après l’Autriche et la Prusse, il visait à « consolider ses alliances allemandes. » Cette race avait aussi pour elle la vigueur du sang et la fécondité.
Mais quel intérêt, se demande-t-on, pouvait avoir Talleyrand à ce retranchement d’un prince du sang royal ?
Au moment où cette belle jeune femme au regard sombre emmène avec elle son frère à cheval, fusil sur l’épaule, et sourit d’une joie maligne, on est comme miss Nevil, et un frisson vous prend : il semble qu’Orso soit ressaisi par la voix fanatique du sang, et qu’il entré sous l’influence barbare.
La même puissance créatrice qui fait couler le sang vers le cœur, inspire le courage et la sensibilité, deux jouissances, deux sensations morales dont vous détruisez l’empire en les analysant par l’intérêt personnel, comme vous flétririez le charme de la beauté, en la décrivant comme un anatomiste.
Nous autres Français, nous avons tous Boileau dans le sang, dans les moelles : nous ne saurions nous passer de vérité, d’agrément, de clarté, de précision.
Et vous vous rappelez l’abominable dénouement : la bataille des spahis et des nègres, la mort de Jean, de Fatou-gaye et de leur enfant, cette hideuse éclaboussure de sang dans l’enchevêtrement des grands végétaux éclairés à cru et qui ont, eux aussi, l’air vénéneux et féroce… IV De cet exotisme voluptueux et triste dérivent certains sentiments très grands, très simples, éternels, par lesquels se prolongent et s’approfondissent les sensations notées.
Quand une plaie déchire nos tissus et que des microbes dangereux menacent de les envahir, le sang s’y porte pour prévenir ou pour réparer les désordres organiques, les globules sanguins accourent défendre l’organisme, de même un désordre social attire les idées, multiplie les impressions, provoque la formation de théories nouvelles et fait inaugurer bien des pratiques diverses.
La France est riche d’argent mais pauvre de sang.
Aussi, ces œuvres que nous relisons sans cesse ne sont-elles pas seulement des documents historiques auxquels nous pouvons demander les secrets des siècles éteints : elles ont, pour ainsi dire, passé dans notre sang, elles ont servi chacune à nous former tels que nous sommes, nous les retrouvons en descendant au fond de nous-mêmes comme des levains auxquels nous devons peut-être nos meilleures aspirations.
Après une lecture qui aurait un peu trop exalté l’orgueil militaire des auditeurs, on leur lirait cette belle lettre de M. d’Argenson à Voltaire, écrite du champ de bataille de Fontenoy, et qui se termine par ces mots : « Mais le plancher de tout cela est du sang humain, des lambeaux de chair humaine !
Ces jeunes princes, qui avaient en eux le sang de Henri IV et de Gabrielle d’Estrées, en combinaient les qualités et les vices au plus haut degré.
Sylla, sans doute pour l’avoir acheté par le sang des citoyens et la prise d’assaut de la patrie.
Ce spectacle me causait une émotion profonde : en voyant les hommes encore bons sur un sol bouleversé et teint de sang, j’ai souvent eu peine à retenir mes larmes.
Après ce coup à demi manqué de la Saint-Barthélemy, qui n’avait pas atteint les princes du sang, on essaie de la démarier d’avec le roi de Navarre.
L’idée saine de Franklin, inoculée dans le sang âcre de Chamfort, est devenue empestée et corrosive.
si dans sa fureur elle s’était trompée ; Si du sang de nos rois quelque goutte échappée !
La colère fit trembler nos voix quand on nous demanda nos noms, que nous jetâmes avec un timbre frémissant comme à un tribunal de sang.
L’esprit guerrier ne peut être chez nous cruel et oppresseur : aussi, dans ces temps d’opprobre où avait pu être porté cet exécrable décret de la guerre à mort, avons-nous vu nos armées reculer devant leurs propres triomphes, rester immobiles après des victoires achetées déjà par tant de sang, et refuser de ternir l’honneur de la patrie, dont elles seules alors étaient dépositaires.
., et qui est enlevé avec une supériorité décidée ; et pour les charmantes, mettez le chapitre sur le corail, que l’auteur appelle, comme en Orient, la Fleur du sang, et le chapitre sur la perle, qui, tous les deux, sont aussi beaux à mes yeux que des vers de Henri Heine et de Goethe.
Leur peinture de rêve, privée de muscles, de chaleur et de sang, de soleil et d’air, dévorée de langueur, ne s’adaptera jamais aux conditions de la terre.
Vaincu à son tour par les républicains français, déjà son propre sang en avait effacé les caractères ; il ne restait plus que le fragile édifice qui a été brisé à l’instant ; le drapeau de la République flotte aujourd’hui où était le souvenir mourant de l’orgueil des rois, et l’arbre de la liberté a remplacé la massue destructive des tyrans. […] Quand, près des ruines de la pauvre chapelle qui a remplacé celle que Charles lui-même avait construite, on regarde à ses pieds la plaine où jadis tant de braves soldats sont morts en songeant à la « douce France » qu’ils ne devaient pas revoir, on croit entendre à ses côtés les premiers frémissements du thrène immortel, né de leur sang et des pleurs de leurs frères ; on sent, à travers les âges, le lien vivant qui rattache nos âmes à l’âme de ces lointains aïeux qui, tant de siècles avant nous, ont aimé notre patrie, dont les uns ont donné leur vie pour elle, dont les autres, déjà dans notre langue, ont chanté ses gloires et ses douleurs… Ce lieu mérite d’être un but de pèlerinage. […] Cette chanson est comme une bataille d’amour ; il y coule le plus rouge sang du cœur. » Wagner s’éprit aussi de cette légende, où il trouvait, comme Heine, un thème éminemment dramatique. […] Elle développa longuement l’histoire antérieure ou subséquente de plusieurs des personnages qui apparaissent dans ce drame, de Judas par exemple, de Pilate, des deux larrons, de Joseph d’Arimathie ; elle créa les merveilleux épisodes de Bérénice (Véronique), qui recueillit sur un linge l’empreinte de la face divine ; de Longin, l’aveugle-né, qui, ayant percé de sa lance le flanc du Sauveur, recouvra la vue en se frottant les yeux avec le sang qui en coula, etc. […] Quand Charlemagne arrive à Roncevaux, il trouve, dit la Chanson, « dans la prairie les fleurs de tant d’herbes qui sont rouges du sang de nos barons !
Sans avoir rien perdu de ce feu intellectuel qu’ils tenaient de leur sang et de deux cents ans de lettres, on les vit se mouvoir dans le monde des idées avec une naïveté d’enfants, une intempérance de sauvages. […] Mais le malheureux Jean-Jacques, « né avec un sang embrasé », ne devait jamais comprendre le danger d’impatienter une femme d’esprit. […] Elle l’a fait en fille de son siècle, riche de sang, libre de tête. […] Oui, il y a chez René du sang de Valmont et de cette méchanceté dans l’amour que cultiva le XVIIIe siècle. […] Il fallait pour ce personnage une lourdeur de sang qui n’est pas de chez nous.
Dans tous les hauts lieux, on rendit culte et hommage à Charles et à Jacques, à Bélial et à Moloch ; et l’Angleterre apaisa ces obscènes et cruelles idoles avec le sang des meilleurs et des plus braves de ses enfants. […] Là il serait demeuré, torturé par son humeur diabolique, affamé de mettre au pilori et de mutiler les protestants, tourmentant les cavaliers, faute d’autres, par sa sottise et son aigreur, s’acquittant dans la cathédrale de ses génuflexions et de ses grimaces, continuant cet incomparable journal que nous ne regardons jamais sans que l’imbécillité de son intelligence nous fasse oublier les vices de son cœur, notant minutieusement ses rêves, comptant les gouttes de sang qui coulaient de son nez, surveillant de quel côté tombait le sel et écoutant les cris de la chouette. […] Il décrit les hautes terres d’Écosse, demi-papistes et demi-païennes, les voyants enveloppés dans une peau de bœuf, attendant le moment de l’inspiration, des hommes baptisés faisant aux démons du lieu des libations de lait ou de bière ; les femmes grosses, les filles de dix-huit ans labourant un misérable champ d’avoine, pendant que leurs maris ou leurs pères, hommes athlétiques, se chauffent au soleil ; les brigandages et les barbaries regardés comme de belles actions ; les gens poignardés par derrière ou brûlés vifs ; les mets rebutants, l’avoine de cheval et les gâteaux de sang de vache vivante offerts aux hôtes par faveur et politesse ; les huttes infectes, où l’on se couchait sur la fange, et où l’on se réveillait à demi étouffé, à demi aveuglé et à demi lépreux.
Ce sont encore (et cette double interprétation du même mot ne contribue guère, il faut l’avouer, à la clarté de l’œuvre), ce sont, dans chacun de nous, des idées, des préjugés transmis et qui agissent sur nous à notre insu. « … Ce n’est pas seulement, continue Mme Alving, le sang de nos père et mère qui coule en nous, c’est encore une espèce d’idée détruite, une sorte de croyance morte, et tout ce qui en résulte. […] « Je répondrai pour vous, continue le compatriote d’Ibsen : — Parce que la Norvège, quoique sa situation actuelle ne date que de 1814, est un pays très vieux qui a eu ses siècles de splendeur politique et littéraire ; où le sang est très pur (la Norvège n’est habitée que par des Norvégiens) ; où la nature, aussi grandiose et pittoresque et beaucoup plus variée qu’en Suisse, agit puissamment sur l’imagination des habitants. […] Et cet hymne amoureux est étrange, au sortir de tout ce sang. […] Corneille nous dit que, dans l’intervalle, Flavie est morte, et que Marcelle, très pressée, veut maintenant le sang de Théodore et non point son déshonneur. […] Il tombe ; sa chute fait un grand bruit sourd ; Célénia se retourne ; elle voit du vrai sang qui jaillit d’une vraie blessure, et une vraie pâleur de mort sur le visage du suicidé.
De nouveaux juges ont paru et se sont plaints que le sang ne coulât point avec assez d’abondance et de promptitude. […] Après le bain de sang, après les triumvirs et leurs proscriptions, que faire ? […] En effet, deux jours après (3 germinal), Fourcroy, orateur du gouvernement, alla clore la session du Corps législatif, et, dans un incroyable discours, il parla des membres de cette famille dénaturée « qui auraient voulu noyer la France dans son sang pour pouvoir régner sur elle ; mais s’ils osaient souiller de leur présence notre sol, s’écriait l’orateur, la volonté du Peuple français est qu’ils y trouvent la mort ! […] Il ne pouvait s’empêcher pourtant de trouver, à travers son admiration, que, dans le potentat de génie, perçait toujours au fond le soldat qui trône, et il en revenait par comparaison dans son cœur à ses rêves de Louis XIV et du bon Henri, au souvenir de ces vieux rois qu’il disait formés d’un sang généreux et doux.
Karr a rejoint le malheureux qui vivait encore, il l’a amené sur le rivage, l’a frictionné de son mieux pour rétablir la circulation du sang ; il lui a donné tant de soins, il l’a tant sauvé en un mot, que l’homme en est mort. […] — Et il tomba sur le dos, baigné dans son sang, avant que ses amis n’aient pu le rejoindre. […] Pendant une heure, Méry ne parla que de cadavres, de mares de sang, de trappes, de cachots, de chaînes, de dagues et de terreurs. […] J’ai vu plusieurs costumes grecs tachés du sang des officiers qui les portaient à Missolonghi.
À ce seul geste, et sans qu’il ait songé à s’expliquer à lui-même l’étrange vision, aussitôt — vanité de ces courages à l’épée et au premier sang ! […] Le sang revient à sa joue pâlie ; le feu à son regard ! […] Oui Don Juan change de nom, il s’appelle Tartuffe ; le peu de noble sang qui restait précieusement et audacieusement enfoui dans les veines de cet homme, est devenu un mélange bâtard d’encens frelaté et d’eau mal bénite. […] Il lui reproche d’avoir dévoré le peuple et d’avoir bu ses sueurs. : « Un million de soldats ont versé leur sang pour payer vos lauriers, un million de paysans sont morts à la peine pour vous bâtir Versailles. » Il lui reproche ses peintres, ses poètes, ses prêtres, ses architectes ; il finit par lui prédire très clairement la révocation de l’Édit de Nantes, et le règne de madame de Maintenon.
Il a fallu beaucoup de temps et de verve, je ne dis pas pour extirper tout à fait, mais seulement pour adoucir deux monstres funestes à la vie de société, l’orgueil du sang, la morgue, qui parque chacun dans sa caste, et le pédantisme, orgueil du métier, qui enferme chacun dans sa profession. L’orgueil du sang n’est pas tout à fait éteint, le pédantisme non plus, mais beaucoup plus cependant que le premier ; l’honneur en revient à Molière. […] Calculons plutôt combien il a fallu d’efforts, de patience, d’audace et de verve, je ne dis pas pour extirper tout à fait, mais seulement pour adoucir ces deux fléaux, si funestes à la vie de société, l’orgueil du sang, qui enfermait chacun dans sa caste, et le pédantisme, orgueil du métier, qui, avant Molière, emprisonnait chacun dans sa profession ! […] Il avance peu ; tandis qu’il s’agite, harcèle la sottise, la pique jusqu’au sang, elle reste là, massive et inébranlable ; ses petites victoires paraissent éclatantes uniquement parce qu’on voit combien c’est une chose dure de faire reculer, d’un seul pouce, cette masse pesante. […] Mettez une grisette dans le salon d’une duchesse, elle étonnera des princes du sang par la majesté de ses attitudes ; et, au bout de trois mois, il n’y aura plus que l’orthographe, écueil éternel des blanchisseuses, à quoi l’on reconnaîtra son origine.
Il revoit par la pensée tous les champs de bataille arrosés de son sang, et il songe au vieux drapeau enfoui sous la paille de son grabat. […] Il adresse au ciel une prière fervente : Que les deux jumeaux endormis maintenant dans leur berceau vengent un jour les trois couleurs ; qu’ils versent leur sang pour la patrie ; qu’ils effacent par de nouvelles victoires le souvenir de nos revers ; qu’ils obtiennent un beau trépas ! […] Son cœur éclaterait et le sang inonderait sa poitrine : c’est l’avis des médecins. […] Est-il permis de dire que le labeur des esclaves tache de sang les sillons et le cœur ? Que le sang tache les mains, qu’il rougisse les sillons, c’est une idée toute simple ; que le sang tache le cœur, c’est une idée parfaitement fausse, et, pour me servir d’une expression que les géomètres emploient sans impolitesse, une idée parfaitement absurde.
Il est poissé d’un rouge violent qui participe du sang et du vin, et rappelle le néo-rouge-antique du vieux roi Louis de Bavière. […] Le vin remit un peu de sang au cœur. […] Mais nous avions en outre un goût particulier, l’amour du rouge ; nous aimions cette noble couleur, déshonorée maintenant par les fureurs politiques, qui est la pourpre, le sang, la vie, la lumière, la chaleur, et qui se marie si bien à l’or et au marbre, et cela était un vrai chagrin pour nous de la voir disparaître de la vie moderne et même de la peinture. […] Il s’agissait de rajeunir la tragédie, de lui infuser un peu de sang rouge dans les veines, et d’assouplir ses draperies de marbre. […] Il s’assimilait les types qu’il empruntait, les faisait vivre en lui, leur infusait le sang de son cœur, leur donnait le frémissement de ses nerfs, et les recréait de fond en comble, tout en leur gardant leur physionomie.
Henri III, qui n’était pas toujours cruel, résista, dès le commencement de l’émeute, aux conseils de plusieurs capitaines (et notamment de Crillon) qui voulaient en avoir raison et qu’on la réprimât avec vigueur : Le roi, dit Mézeray, n’avait envie que de se saisir des principaux de la Ligue et voulait, par un procédé sans violence, désabuser le peuple des bruits qu’on avait semés… Il était d’ailleurs persuadé de cette opinion que la moindre goutte de sang qui se répandrait serait capable d’irriter la populace et de mettre le feu dans cette grande ville.
Il a fait de Fabrice un Italien de pur sang, tel qu’il le conçoit, destiné sans vocation à devenir archevêque, bientôt coadjuteur, médiocrement et mollement spirituel, libertin, faible (lâche, on peut dire), courant chaque matin à la chasse du bonheur ou du plaisir, amoureux d’une Marietta, comédienne de campagne, s’affichant avec elle sans honte, sans égards pour lui-même et pour son état, sans délicatesse pour sa famille et pour cette tante qui l’aime trop.
Ces multitudes d’hommes dévoués, qui ont fait d’avance à leur pays le sacrifice de leur sang et de leur vie, ne lui demandent que leurs besoins physiques, mais ils les demandent impérieusement.
Ils le regretteront peu, ils se consoleront vite, ils souffrent pourtant la nature parle, la nature pâtit, comme ils disent ; ils connaissent la tendresse du sang ; et Frédéric annonçant enfin à sa sœur cette mort, dès longtemps prévue, le fait en ces mots (1er juin 1740) : Ma très chère sœur, le bon Dieu a disposé hier, à trois heures, de notre cher père.
Ce jeune homme, et très jeune homme au temps où il servait avec Vauvenargues, avait le trait caractéristique de sa famille : « Je lui trouve dans l’humeur quelque chose des Riquetti, qui n’est point conciliant. » Vauvenargues, qui jugeait ainsi le petit chevalier, essayait de lui insinuer un peu de douceur, de politesse de ton et de mœurs, de l’assouplir. « Quant au genre de persuasion que vous soufflez au chevalier, lui disait Mirabeau, vous ne réussirez pas, s’il est du même sang que nous ; votre système est d’arriver aux bonnes fins par la souplesse ; le mien est d’arriver au bien, droit devant moi, ou par la violence ; de fondre sur le mal décidé, de l’épouvanter, et enfin de m’éloigner de ce qui n’a la force d’être ni l’un ni l’autre. » Ce système à outrance et que Vauvenargues a décrit dans un de ses caractères intitulé Masis (évidemment d’après Mirabeau), est le contraire de sa science à lui, de sa tactique dans le maniement des esprits, qui va à les gagner par où ils y prêtent, et à en tirer le parti le meilleur : Où Masis a vu de mauvaises qualités, jamais il ne veut en reconnaître d’estimables ; ce mélange de faiblesse et de force, de grandeur et de petitesse, si naturel aux hommes, ne l’arrête pas ; il ne sait rien concilier, et l’humanité, cette belle vertu, qui pardonne tout parce qu’elle voit tout en grand, n’est pas la sienne… Je veux une humeur plus commode et plus traitable, un homme humain, qui ne prétendant point à être meilleur que les autres hommes, s’étonne et s’afflige de les trouver plus fous encore ou plus faibles que lui ; qui connaît leur malice, mais qui la souffre ; qui sait encore aimer un ami ingrat ou une maîtresse infidèle ; à qui, enfin, il en coûte moins de supporter les vices que de craindre ou de haïr ses semblables, et de troubler le repos du monde par d’injustes et inutiles sévérités.
Saint-Simon, qui n’avait pas eu le temps de connaître Louvois, ne lui en. voulait pas moins personnellement comme au grand niveleur qui avait mis au pas la noblesse dans les armées, qui l’avait réduite à l’égalité dans l’obéissance et la discipline, avait assujetti les plus grands seigneurs (sauf les seuls princes du sang) à débuter par porter le mousquet et à faire le service comme les plus simples gardes, puis, les grades venus, à ne tenir de leur naissance aucune prérogative et à ne figurer qu’à leur rang selon l’ordre du tableau.
A peine le prince de Condé se fut aperçu de l’absence de son fils et de celle du duc de Longueville, qu’oubliant pour ainsi dire, si l’on ose parler ainsi du plus grand homme du monde, son caractère de général, et s’abandonnant tout entier aux mouvements du sang et de l’amitié tendre qu’il portait à son fils et à son neveu, accourut ou pour les empêcher de s’engager légèrement, ou pour les retirer du mauvais pas où leur courage et leur peu d’expérience auraient pu les embarquer ; il les trouva avec tous les volontaires aux mains avec les ennemis, qui, se voyant pressés et profitant du terrain qui leur était favorable, avaient tourné brusquement… « Cette action fut fort vive et fort glorieuse ; mais la blessure du prince de Condé au poignet, la mort du duc de Longueville et les blessures des ducs de La Rochefoucauld, de Coislin et de Vivonne, du jeune La Salle, de Brouilly, aide-major de mes gardes du corps, etc., et de plusieurs autres gens de qualité, en diminuèrent fort le prix et me donnèrent une grande mortification, particulièrement la blessure de M. le Prince, tant à cause de sa naissance et de son mérite singulier que de la faiblesse de son tempérament, exténué par la goutte, que j’appréhendais ne pouvoir pas résister à la violence du mal.
Bon sang ne peut mentir.
L’abbé Legendre, qui a écrit jusqu’à quatre Éloges de M. de Harlay, sans compter ce qu’il en dit dans ses Mémoires ; qui l’a loué une première fois en français, mais un peu brièvement40, une seconde fois en français encore41 et en s’attachant à ne mettre dans ce second morceau ni faits, ni pensées, ni expressions qui fussent déjà dans le premier ; qui l’a reloué une troisième fois en latin42, puis une quatrième et dernière fois en latin encore43, mais pour le coup avec toute l’ampleur d’un juste volume, Legendre a commencé ce quatrième et suprême panégyrique qui englobe et surpasse tous les précédents par un magnifique portrait de son héros ; je le traduis ; mais on ne se douterait pas à ce début qu’il s’agit d’un archevêque, on croirait plutôt qu’il va être question d’un héros de roman : « Harlay était d’une taille élevée, juste, élégante, d’une démarche aisée, le front ouvert, le visage parfaitement beau empreint de douceur et de dignité, le teint fleuri, l’œil d’un bleu clair et vif, le nez assez fort, la bouche petite, les lèvres vermeilles, les dents très bien rangées et bien conservées jusque dans sa vieillesse, la chevelure épaisse et d’un blond hardi avant qu’il eût adopté la perruque ; agréable à tous et d’une politesse accomplie, rarement chagrin dans son particulier, mangeant peu et vite ; maître de son sommeil au point de le prendre ou de l’interrompre à volonté ; d’une santé excellente et ignorant la maladie, jusqu’au jour où un médecin maladroit, voulant faire le chirurgien, lui pratiqua mal la saignée ; depuis lors, s’il voyait couler du sang, ou si un grave souci l’occupait, il était sujet à des défaillances ou pertes de connaissance, d’abord assez courtes, mais qui, peu à peu, devinrent plus longues en avançant : c’est ce mal qui, négligé et caché pendant plus de vingt ans, mais se répétant et s’aggravant avec l’âge, causa enfin sa mort. » L’explication que l’abbé Legendre essaye de donner des défaillances du prélat par suite d’une saignée mal faite est peu rationnelle : M. de Harlay était sujet à des attaques soit nerveuses, soit d’apoplexie plus probablement, dont une l’emporta.
»… Mais il fait beau, le temps sourit, l’été est radieux et splendide, tout vous appelle : jeune homme, laissez ces choses à ceux du métier, et si le trop de loisir ou d’activité vous tente, si le sang vous chatouille, dépensez votre zèle ailleurs ; allez à Ems, allez à Spa, et laissez-nous le soin, par ce soleil d’août, d’ajuster nos phrases qui nous clouent à notre fauteuil.
si je déchire leur cœur, ce ne sera qu’en leur prodiguant les témoignages d’un attachement et d’un respect…, etc. » Toute cette partie d’Émile est bien d’un jeune écrivain qui a en lui du sang de cette famille chez qui Jean-Jacques trouva un asile et un tombeau.
J’ai vu, dans mon enfance, une génération convaincue s’avancer intrépidement au-devant des obstacles, et je sais combien de sang et de larmes coûte chaque progrès de l’humanité ; j’ai vu, au lendemain de la Terreur, les restes de cette société égoïste et frivole se dédommager de quelques années d’abstinence en se jetant dans une licence sans limites : j’ai suivi le torrent, et, sans égard aux formes nouvelles, je continue les mœurs de mes contemporains.
Ses traductions qui font corps avec son texte sont le suc même des originaux, la chair et le sang de leurs drames.
Jeunes, la poésie nous ravit ; les Étoiles de Lamartine, ces fleurs du ciel dont le lis est jaloux , suffisent à peine à symboliser nos imaginations, nos visions d’amour et de tendresse : à l’âge où le sang se refroidit dans les veines, il est doux, d’une douceur sévère, de connaître par leurs noms, d’épeler quelques-uns des astres qui roulent sur nos têtes, de distinguer ceux qui errent véritablement de ceux qui sont fixes par rapport à nous, de s’orienter, de se démêler à travers les cercles brillants ou les traînées lumineuses, de soupçonner dans ces abîmes d’en haut, dans ces profondeurs étincelantes où nous sommes plongés, tout ce qui peut se produire à l’infini d’étranger à nous, de différent de nous ; de ramener nos passions, nos désirs, nos gloires à ce qu’elles sont, de se dire le peu qu’on est, mais de sentir aussi que ce peu a réfléchi un moment, la puissance créatrice universelle, éternelle, — l’infini presque ou du moins l’incommensurable et l’immense24.
Pour cela il l’attaqua par son faible : il lui proposa qu’au moment de la mort du roi, les ducs, — tous ceux qui seraient présents à la Cour, — allassent ensemble, en corps, à la suite du duc d’Orléans et des princes du sang et en se distinguant du reste de la noblesse, saluer le nouveau roi.
On sent dans maint endroit le vieux sang ligueur qui, toujours chaud, continue à fermenter.
Par malheur, il est trop vrai que, de nos jours, plus d’un jeune auteur s’est accoutumé à tout mettre dans la chaleur du sang et dans la fougue du désir ; leur talent a passé de bonne heure dans le tempérament, et s’y est comme fixé.
Il lui apprend le patriotisme par le récit des exploits de ses héros, qui quittent leur royaume paternel, qui s’arrachent des bras de leurs mères et de leurs épouses pour aller sacrifier leur sang dans des expéditions nationales, comme la guerre de Troie, pour illustrer leur commune patrie ; il lui apprend les calamités de ces guerres dans les assauts et les incendies de Troie ; il lui apprend l’amitié dans Achille et Patrocle, la sagesse dans Mentor, la fidélité conjugale dans Andromaque ; la piété pour la vieillesse dans le vieux Priam, à qui Achille rend en pleurant le corps de son fils Hector ; l’horreur pour l’outrage des morts dans ce cadavre d’Hector traîné sept fois autour des murs de sa patrie ; la piété dans Astyanax, son fils, emmené en esclavage dans le sein de sa mère par les Grecs ; la vengeance des dieux dans la mort précoce d’Achille ; les suites de l’infidélité dans Hélène ; le mépris pour la trahison du foyer domestique dans Ménélas ; la sainteté des lois, l’utilité des métiers, l’invention et la beauté des arts ; partout, enfin, l’interprétation des images de la nature, contenant toutes un sens moral, révélé dans chacun de ses phénomènes sur la terre, sur la mer, dans le ciel ; sorte d’alphabet entre Dieu et l’homme, si complet, et si bien épelé dans les vers d’Homère, que le monde moral, le monde matériel, réfléchis l’un dans l’autre comme le firmament dans l’eau, semblent n’être plus qu’une seule pensée et ne parler qu’une seule et même langue à l’intelligence de l’aveugle divin !
Le prêtre devenait Dieu, et Dieu parlait : ceci est mon corps, ceci est mon sang.
Ainsi arrivait-il qu’on voyait, à l’acte iv de la Force du sang, une femme sur le point d’être mère dans la scène I, et dans la scène IV la même femme accompagnée d’un fils de sept ans.
Ou bien (243) : « Un flot de sang montait, l’étourdissait… elle se retrouvait avec son orgueil et sa passion, toute à l’inconnu violent de son origine ».
On en fait de pareils, si l’on a des nerfs, de la bile, du sang et de la fierté. » M.
Mais quand la foudre eut grondé, quand il fallut se dévouer à l’erreur ou à la vérité, donner à l’une ou à l’autre sa parole, sa gloire et son sang, ce bonhomme eut le courage de demeurer académicien, et s’éteignit dans Rotterdam, au bout d’une phrase élégante encore, mais méprisée.
Je me suis écrié, et j’ai compris alors seulement cette phrase d’une lettre qu’elle écrivait l’an dernier, du fond de son Berry, à une personne de ses amies qui la poussait sur la politique : « Vous pensiez donc que je buvais du sang dans des crânes d’aristocrates ; eh !
Et par exemple, est-ce un homme revenu des préjuges de noblesse et de sang qui nous parle ?
La personne de l’écrivain, son organisation tout entière s’engage et s’accuse elle-même jusque dans ses œuvres ; il ne les écrit pas seulement avec sa pure pensée, mais avec son sang et ses muscles.
Vauvenargues avait sur la noblesse de sang, non pas des préjugés, mais de hautes idées qui la lui faisaient envisager comme une institution qui consacrait le mérite et la vertu des ancêtres et en imposait l’héritage à leurs descendants.
Au sortir de cette guerre où coula tant de sang, et après laquelle toutes choses furent remises en Allemagne sur le même pied que devant, sauf les dévastations et les ruines, Frédéric se plaît à faire sentir la faiblesse et l’inanité des projets humains : Ne paraît-il pas étonnant, dit-il, que ce qu’il y a de plus raffiné dans la prudence humaine jointe à la force soit si souvent la dupe d’événements inattendus ou des coups de la fortune ?
Il avait reçu de la nature, nous dit son fils, un cœur délicat et sensible, avec un sang vif qui s’allumait aisément ; et, comme la promptitude n’est pas incompatible avec la plus grande bonté, il aurait pu être fort prompt, s’il se fût laissé aller à son tempérament ; mais ce n’était que son visage qui trahissait, malgré lui, une émotion entièrement involontaire.
Petite-fille de l’illustre capitaine d’Aubigné du xvie siècle, fille d’un père vicieux et déréglé, d’une mère méritante et sage, elle sentit de bonne heure toute la dureté du sort et la bizarrerie de la destinée ; mais elle avait au cœur une goutte du sang généreux de son aïeul, qui lui redonnait de la fierté, et elle n’aurait pas changé sa condition contre une plus heureuse, et qui eût été de qualité moindre.
Le sang me montait à la tête.
Le roi d’abord à part et seul dans un vers ; Condé de même, qui le méritait bien par son sang royal, par son génie, sa gloire et son goût fin de l’esprit ; Enghien, son fils, a un demi vers : puis vient l’élite des juges du premier rang, tous ces noms qui, convenablement prononcés, forment un vers si plein et si riche comme certains vers antiques : …………………… Que Colbert et Vivonne, Que La Rochefoucauld, Marcillac et Pomponne, etc.
Venise et son originalité de site et de mœurs, le sang si doux de ses heureux habitants, cette vie molle et de volupté silencieuse qui se berce et glisse sur les eaux, y est délicieusement retracée.
Le sang de mes troupes m’est précieux, j’arrête tous les canaux d’une plus grande effusion…, et je vais me livrer de nouveau à la volupté du corps et à la philosophie de l’esprit.
Un requin est ouvert, on enlève son cœur et ses viscères, et pendant plusieurs heures l’animal privé de cœur, de sang et d’entrailles, se débat, essaie de mordre, témoigne d’une force prodigieuse.
Il me disait qu’il n’y comprenait rien, qu’il n’aurait jamais pu croire qu’il pût vivre quinze mois, qu’il avait un caillot de sang dans la cervelle de la grosseur de son verre à bordeaux.
On lui dira, oui, cela est beau, mais cela est triste ; un homme qui tient la main sur un brasier ardent, des chairs qui se consument, du sang qui degoute : ah fi, cela fait horreur ; qui voulez-vous qui regarde cela.
La crainte que son enfant ne se fit mal en sucçant du sang au lieu de lait, étoit si bien marquée sur le visage de la mere, toute l’attitude de son corps accompagnoit si bien cette expression, qu’il étoit facile de comprendre quelle pensée occupoit la mourante.
Sous la peau blanche et fine, le sang afflue et fait éclater dans toute leur force la vie et la santé.
mais qui tourne le sang aux autres.
Déjà une première Correspondance, non de diplomatie, mais de famille, avait bien étonné les badauds en leur montrant que le fond du cœur, dans Joseph de Maistre, n’était pas entièrement plein de sang de tigre.
C’est une organisation à sang blanc et froid, et je ne veux point nommer toutes les espèces de bêtes auxquelles il ressemble.
Un critique le disait l’autre jour (Thierry, du Moniteur), dans une appréciation supérieure : pour trouver quelque parenté à cette poésie implacable, à ce vers brutal, condensé et sonore, ce vers d’airain qui sue du sang, il faut remonter jusqu’au Dante, Magnus Parens !
Ils ont la fureur, le déchirement et la durée, — et la large poitrine qui les pousse crache avec eux de son sang, quoiqu’elle soit d’airain !
Rien de plus dangereux que de montrer une goutte de sang se transformant elle-même, et par elle seule, en un animal qui vit et qui pense.
Les forces prennent la matière, la conforment et s’annoncent en se peignant à la surface par leurs effets, se signifient et s’interprètent par les qualités qu’elles imposent à la matière. » Par exemple, la circulation du sang est produite par une cause. « Mais est-elle l’acte même de cette cause ?
Victime d’une fatalité qu’elle porte dans son corps ardent et dans le sang de ses veines, pas un instant elle ne consent au crime. […] Il y a un fleuve de sang entre eux deux, et vous voulez qu’elle flirte avec le bourreau de sa famille ? […] C’est, comme dit la baronne Thérèse, « un petit cheval de sang avec lequel il faut avoir la main légère ». […] Si on lui donnait un coup de fourche, il ne sortirait pas de sang. […] Et ce dieu a souffert, a répandu son sang avant d’être assis dans l’éternelle paix.
Avec ce système, on s’explique tout, mais on se gâte tout ; on perd sa fraîcheur d’impression ; le moi se dédouble ; on devient un appareil photographique ; on s’épuise à trouver, on se fouille jusqu’au sang ; on se consolerait presque de mourir, si on pouvait noter son agonie. […] C’est avec du sang français qu’il a infusé dans notre littérature l’exotisme provençal. […] Nos maîtres contemporains ont notre sang et nos nerfs. […] D’autre part c’est justement parce qu’ils ont notre sang et nos nerfs qu’il faut les lire. […] Forçat du feuilleton, obligé d’écrire à jour fixé, il a tiré de son inspiration tout le sang qu’il a pu.
Les usuriers musulmans, comme les tyrans dantesques, nagent à perdre haleine dans un lac de sang, vers une rive d’où les chassent les démons en leur jetant des pierres brûlantes. […] Mais, en l’envoyant à un ami, il l’accompagnait de ce commentaire : « L’Epipsychidion est un mystère : quant à la chair et au sang, vous savez que je n’ai rien de commun avec eux. […] Ces rois dont les chevaux ont du sang jusqu’au ventre… ces vers nous annoncent ceux des Châtiments et de la Légende des siècles. […] Mais un parricide n’a pas besoin d’être un prince ou un roi pour que le sang de sa victime retombe sur lui ; et il nous importe peu que Hugo pense au Deux Décembre, si nous, nous n’y pensons pas. […] Pas une goutte de sang français ne coule dans ses veines.
Leur bizarrerie est tout intellectuelle : ce sont des inventions cérébrales que le sang d’un cœur n’anime point. […] Au lieu de sang circule dans leurs veines une fluide et spirituelle ambroisie pareille à celle qui anime Dohlia, Médée, Florinde, Gulnare ou Benedicta et leurs sœurs. […] Les personnages que l’on y rencontre sont tous esclaves de leurs sens, depuis l’adolescent réservé qui anime le Chalet dans la Montagne de ses brûlantes aspirations, jusqu’à ce farouche Écartelance que l’on voit dévoré dans la Belle Enfant de désirs qu’il ne parvient à assouvir que dans le sang. […] Ses meilleures pages rendent un son si véridique qu’il déchire : une main chirurgienne a recueilli ces larmes et ce sang, un œil de peintre a fixé ces gestes et ces décors changeants. […] Et maintenant — mes yeux, ma bouche et tout mon être ivres d’un sang nouveau d’où ma force en mon corps avec lui va renaître — je jette ce roseau (Id.
Telle qu’elle est, c’est bien une Muse et véritable et du pur sang des filles du Parnasse. […] Ces pensées sanglantes, familières aux poètes de l’Allemagne moderne, à ceux du moins qui se présentent comme novateurs, ne nous font pas l’effet de tendre à un autre but qu’à se poser en hommes plus prévoyants que les girondins, les jeunes artistes se piquent de ne pas être surpris par les excès inséparables des Révolutions, et pour prouver qu’ils sont bons jacobins, ils évoquent d’eux-mêmes les spectacles les plus horribles et se lavent les mains dans un sang idéal. […] Janin a souvent fait bouillir d’indignation le sang irritable de plus d’un critique.
Il s’empêtre parmi les ajoncs et les ronces, son pantalon se déchire ; il roule, revient sur la route, la figure en sang. […] Les « cloportes » de son roman, c’est une famille de villageois apathiques, de gens « calfeutrés, chez qui le sang avait cessé de couler et s’arrêtait à fleur de peau, changé en humeurs, gonflé en furoncles », Cette apathie accable leurs esprits et leurs corps. […] Seulement, l’hiver, Fuseline bien charmante n’apaise pas sans difficulté « sa soif inextinguible de sang ». […] Puis elle s’en retourne au bois, un peu pocharde, le jabot taché de sang, la robe salie, et grosse et grasse, extrêmement gaie, Fuseline si bien charmante. […] Il coule du sang, qui tombe du ciel sur la terre.
Pour avoir trouvé les lois de la circulation du sang, Harvey est toujours présent, toujours agissant. […] Des alliances, comme celle-là, où le sang d’oïl se mélange au sang d’oc, constituent le meilleur de notre race française. […] Il est le dévoué par excellence, le dévoué jusqu’au sacrifice du sang, jusqu’au sacrifice de la volonté. […] Elles disent mieux que tous les commentaires le prestige bienfaisant d’une telle âme et d’une telle mort : « … J’ai trouvé ses deux médailles et sa Légion d’honneur tachées de sang. […] Elles attestent qu’il était vraiment du même sang que son aîné : « Combien il me serait pénible de finir sur un lit d’hôpital, au lieu de tomber au champ d’honneur, avec mes frères d’armes !
Car c’est seulement à partir de l’institution du régime féodal que le maître, le seigneur, et son épouse, « la dame », la maîtresse, furent servis, non plus par des esclaves, mais par des hommes de leur caste, de sang également « noble », toutefois unis à eux par le lien de vassalité. […] Nous ne nous rappelons plus guère, de cette époque de la Restauration, que les poètes et les dramaturges, parce que la renaissance littéraire s’étendit alors à tous les genres, et que le drame romantique, la poésie romantique, éclatent de mérites que n’eurent pas fréquemment sous la Restauration tant de romans déjà « romantiques », mais d’ordinaire d’une tonalité « troubadour », ou bien au contraire fort noirs — tel le Han d’Islande de Hugo, ce Han qui boit dans un crâne humain « le sang des hommes et l’eau des mers », trait qui me fait aujourd’hui pouffer de rire, malgré l’admiration que je professe pour le géant du romantisme. […] Il y a en Provence et en Languedoc beaucoup de David, protestants ou même catholiques, dans les veines de qui n’a jamais coulé une goutte de sang hébreu. […] Le Sang des races fait éclater ce phénomène aux yeux, à la pensée : le roman le plus dru, le plus brave. […] Nécessité pour Barrès de la renouveler perpétuellement dans de nouveaux paysages : Un amateur d’âmes ; Du sang, de la volupté, de la mort ; Le Jardin de Bérénice même : Le Voyage de Sparte ; Le Greco ; La Colline inspirée, noble ouvrage, un des plus nobles, mais qui n’est pas un roman.
Le meurtre de Banquo, exécuté de la même manière et pour les mêmes motifs que ceux que lui attribue Shakespeare, est suivi d’un grand nombre d’autres crimes qui lui font « trouver une telle douceur à mettre ses nobles à mort que sa soif pour le sang ne peut plus être satisfaite, et le peuple n’est, pas plus que la noblesse, à l’abri de ses barbaries et de ses rapines ». […] Le More brûlé du soleil, au sang ardent, à l’imagination vive et brutale, crédule par la violence de son tempérament aussi bien que par celle de sa passion ; le soldat parvenu, fier de sa fortune et de sa gloire, respectueux et soumis devant le pouvoir de qui il tient son rang, n’oubliant jamais, dans les transports de l’amour, les devoirs de la guerre, et regrettant avec amertume les joies de la guerre quand il perd tout le bonheur de l’amour ; l’homme dont la vie a été dure, agitée, pour qui des plaisirs doux et tendres sont quelque chose de nouveau qui l’étonne en le charmant, et qui ne lui donne pas le sentiment de la sécurité, bien que son caractère soit plein de générosité et de confiance ; Othello enfin, peint non seulement dans les portions de lui-même qui sont en rapport présent et direct avec la situation accidentelle où il est placé, mais dans toute l’étendue de sa nature et tel que l’a fait l’ensemble de sa destinée ; c’est là ce que Shakspeare nous fait voir. […] Aussi le sang et les morts ne sont-ils pas épargnés dans cette pièce, bien que, de ces quatorze batailles, on n’en voie ici que quatre, auxquelles l’auteur a eu soin de rapporter les principaux faits des quatorze combats : ces faits sont, pour la plupart, des assassinats de sang-froid accompagnés de circonstances atroces, quelquefois empruntées à l’histoire, quelquefois ajoutées par l’auteur ou les auteurs. Ainsi la circonstance du mouchoir trempé dans le sang de Rutland, et donné à son père York pour essuyer ses larmes, est purement d’invention ; le caractère de Richard est également d’invention dans cette pièce et dans la précédente. […] Macbeth, une fois tombé, ne se soutient que par l’ivresse du sang où il se plonge toujours davantage ; et il arrive à la fin fatigué de ce mouvement étranger à sa nature, désabusé des biens qui lui ont coûté si cher, et ne puisant que dans l’élévation naturelle de son caractère la force de défendre ce qu’il n’a presque plus le désir de conserver.
Près de là, je voulus tirer quelques oiseaux avec mon arquebuse ; un petit fer qui s’y trouvait me déchira la main droite ; et, sans ressentir beaucoup de mal, ma main versait beaucoup de sang. […] Cette arme, le sang que je versais, et notre accoutrement, leur firent une peur effroyable, d’autant plus que ce lieu était un nid à voleurs.
Puis, quand ces nœuds du sang relâchés avec l’âge T’auront laissé, jeune homme, au tiers de ton voyage, Avant qu’ils soient rompus et qu’en ton cœur fermé S’ensevelisse, un jour, le bonheur d’être aimé, Hâte-toi de nourrir quelque pure tendresse, Qui, plus jeune que toi, t’enlace et te caresse ; À tes nœuds presque usés joins d’autres nœuds plus forts ; Car que faire ici-bas, quand les parents sont morts, « Que faire de son âme orpheline et voilée, À moins de la sentir d’autre part consolée, D’être père, et d’avoir des enfants à son tour, Que d’un amour jaloux on couve nuit et jour ? […] non, tout n’était pas dans l’éclat des cheveux, Dans la grâce et l’essor d’un âge plus nerveux, Dans la chaleur du sang qui s’enivre ou s’irrite !
Cette blonde réjouie, expansive, drue, d’un sang passionné (vous vous rappelez la sombre ardeur de son aïeule Chantal, enjambant le corps d’un fils pour entrer au cloître), cette femme trop bien portante, veuve à vingt-six ans et qui demeura évidemment honnête, eut pour exutoires ses lettres — et Mme de Grignan. […] Ce déterministe, qui regarde l’histoire comme un développement de faits inéluctables et qui a souvent goûté en artiste les manifestations de la force, s’est troublé, s’est fondu en compassion, dès qu’il a vu le sang et la souffrance d’un peu près.
Nous parlerons à mots couverts… L’un des fournisseurs en vogue des bas de colonne de la petite presse, qu’avait poussé de bonne heure dans cette voie la chance d’un heureux parentage, venait de faire accepter, sur le seul énoncé du titre, qui sera, si vous voulez : la Buveuse de sang ou la Buveuse de perles, un roman dont il n’avait pas commencé la première ligne. […] Son principal roman-feuilleton fut les guerres de l’Empire : il eut fort à faire de l’écrire avec son sang ; il n’eut point en tête d’autre romanesque.
Bien qu’on ait longtemps montré à Dublin la maison où naquit Swift, bien qu’il ait passé la plus grande partie de sa vie en Irlande et y soit devenu populaire, Swift n’avait rien d’Irlandais, ni dans le sang, ni dans le caractère. […] Mais un homme sensé, qui voit des bandes de vautours planer sur deux armées près d’en venir aux mains, ne fait pas retomber sur eux le sang versé dans la bataille, bien que les cadavres soient leur partage. » Sans cette altération des principes de la constitution, ajoute Swift : « Un misérable comme Antoine, un enfant comme Octave, auraient-ils osé rêver qu’ils donneraient des lois à un tel empire et à un tel peuple !
Enchaîner à ce roc battu par l’orage un dieu du même sang que moi ! […] Le Centaure Chiron, qu’Hercule avait involontairement percé d’une flèche empoisonnée par le sang de l’Hydre, souffrait de cette blessure dans son antre, en proie à d’incurables douleurs.
Il fut triste, au fond, comme un protestant, ce catholique qui avait fait ses études dans Rousseau, et qui, quand il ne l’aima plus, n’en garda pas moins toutes les mélancolies sur sa pensée… Chateaubriand, de race de chevaliers français qui teignaient de leur sang les armes de France (sa devise), n’avait point la gaîté de la vieille et gaie France, la gaîté du roi saint Loys et du sénéchal Joinville, qui étaient des hommes gais, quoique héros et saints ! […] Après le sang coulèrent les larmes.
Bientôt la famille ne se composa pas seulement des individus liés par le sang. […] À l’âge de sept ans, il perdit beaucoup de sang par suite d’une chute, et le chirurgien décida qu’il mourrait ou resterait imbécile ; la prédiction ne fut point vérifiée.
Dans cette absence d’ordre et de direction supérieure, le duc de Richelieu avait voulu revenir à Paris comme s’il n’y avait eu rien à faire en Hanovre (janvier 1758) ; tous les généraux demandaient à revenir de même : « Ce sont les Petites-Maisons ouvertes. » Le comte de Clermont, prince du sang, envoyé pour commander en chef, fit faute sur faute ; il commença par une retraite précipitée, d’une longueur exagérée, et semblable à une déroute.
La mort de Charles IX, assiégé de terreurs lorsqu’il se voit tout baigné de son sang dans son lit, et qu’il se rappelle celui des innocents qu’il a fait répandre, est peinte en quelques mots énergiques.
C’est Montaigne, je crois, qui a dit : « Les hommes se font pires qu’ils ne peuvent. » Beyle, ce sceptique, ce frondeur redouté, était sensible : « Ma sensibilité est devenue trop vive, écrivait-il deux ans avant sa mort ; ce qui ne fait qu’effleurer les autres me blesse jusqu’au sang.
Le conseil habituel du père Lefebvre à son jeune ami, c’est de profiter de son heureuse flexibilité qui tend à se porter sur toutes sortes de genres et de sujets, mais de ne s’y point livrer trop rapidement, d’attendre avant de publier : « L’âge est le meilleur des Aristarques. » Ses scrupules de traducteur, dans le travail qu’il avait entrepris sur la Bible, fatiguaient et consumaient le père Lefebvre : « Ce métier de traducteur dont je me suis occupé toute ma vie, disait-il, me paraît toujours plus difficile à mesure que j’avance, soit que l’âge me glace le sang, soit que mon goût s’épure à force d’approfondir ; une page de traduction m’épuise pour huit jours. » Et ailleurs : Je suis revenu de la campagne à la ville, mais j’étais si essoufflé qu’il m’a fallu un grand mois pour reprendre haleine.
Les princes du sang, les Condé, en se convertissant à la religion catholique, n’avaient pas affaibli, selon Rohan, la position des réformés ; car ces princes, s’ils maintenaient le parti, en étaient maintenus et faisaient le plus souvent leurs affaires aux dépens de tous.
Enfin, après les revers de 1708 et le calamiteux hiver qui suivit, Louis XIV se décida, par raison d’économie, à ne plus mettre de princes du sang à la tête de ses armées, et Villars fut envoyé pour commander en Flandre, à la frontière la plus exposée.
Cette belle Euménide, au front calme, au dédaigneux sourire, était, on le sait, par le sang, de la race du vieux Corneille, une arrière-petite-fille du grand tragique.
Il peut nous sembler un peu singulier d’être présenté à une princesse du sang à cette heure-là ; mais je vous ai dit qu’il n’est pas un seul de nos usages qui ressemble à ce qu’on voit ici.
Ce n’est pas qu’on ne puisse et qu’on ne doive même se sacrifier au besoin, une fois s’il le faut, à l’occasion et dans quelque grande circonstance ; mais habituellement, non : « Je ne veux pas qu’on refuse aux charges qu’on prend l’attention, les pas, les paroles et la sueur, et le sang au besoin… : mais c’est par emprunt et accidentellement ; l’esprit se tenant toujours en repos et en santé, non pas sans action, mais sans vexation, sans passion. » Cet équilibre intérieur, cette possession de soi est ce que Montaigne a à cœur plus que tout le reste.
Sous prétexte de chasser, à la maison de campagne où je me suis retirée, il va, vient, regarde, écoute, indiscret autant qu’osé, et, pour me faire dépit, il tire à mon colombier ; les flèches qu’il lance en l’air, à mon cœur sont adressées : le sang de mes colombelles a rougi mon tablier… » Ce sont des restes de chants populaires qui ont passé dans le drame, et dont un auteur espagnol n’aurait osé se priver.
Ce n’est point pourtant un bonapartiste pur sang que M.
Voici la page : « Mirabeau était harassé : il avait déjà le germe de la maladie dont il est mort ; ses yeux enflammés et couverts de sang sortaient de leur orbite ; il était horrible ; mais jamais je ne lui ai vu plus d’énergie, plus d’éloquence : « Il n’est plus temps, me dit-il, de calculer les inconvénients.
On t’a peut-être fait croire que Paris avait été à feu et à sang.
On l’examine, on aime à toucher la corde des angoisses, pour jouir du plaisir d’étudier son cœur au moment de la convulsion de la douleur, comme ces chirurgiens qui suspendent des animaux dans des tourments, afin d’épier la circulation du sang et le jeu des organes.
Il y a ainsi de beaux sangs, et forts, où la magnanimité se perpétue.
Lagneau, certains économistes conseillent d’insuffler quelques sangs étrangers dans nos veines appauvries, d’autres cosmopolites convaincus promettent, par la transfusion du théâtre exotique, la convalescence du nôtre : le malheur est qu’on ne veut pas comprendre les traductions, et que les adaptations ne servent à rien. — Notre esthétique est d’une triste exactitude, si la prévision négative suggérée par le séparatisme contemporain se réalise aussi juste.
Lagneau, certains économistes conseillent d’insuffler quelques sangs étrangers dans nos veines appauvries, d’autres cosmopolites convaincus promettent, par la transfusion du théâtre exotique, la convalescence du nôtre : le malheur est qu’on ne veut pas comprendre les traductions, et que les adaptations ne servent à rien. — Notre esthétique est d’une triste exactitude, si la prévision négative suggérée par l’individualisme contemporain se réalise aussi juste.
Chez les animaux inférieurs, il n’y a ni sang ni canaux circulant dans la masse du corps, et unissant ainsi les diverses parties ; mais dès que l’être devient plus complexe, c’est une nécessité : chaque portion de l’organisme doit recevoir des matériaux qu’il s’assimile.
Médée, la sorcière tragique, herborisant dans les lieux sauvages, venait cueillir, au pied de son gibet, une plante qui germait de la terre rougie par son sang, pour en extraire des philtres terribles.
Cette parole est celle qui lui échappa dans la séance du 23 juillet 1789, à l’occasion des assassinats de Foulon et de Bertier, dont Lally-Tollendal tirait politiquement parti en les dénonçant : « Le sang qui vient de se répandre était-il donc si pur ?
Je ne veux qu’y prendre çà et là quelques mots pour donner l’idée de ce qui est partout à l’état de lave et de torrent : Mon ami, je vous aime comme il faut aimer, avec excès, avec folie, transport et désespoir… Mon ami, je n’ai plus d’opium dans la tête ni dans le sang, j’y ai pis que cela, j’y ai ce qui ferait bénir le ciel, chérir la vie, si ce qu’on aime était animé du même mouvement.
Turgot écrivait à Condorcet : « Je plains cette pauvre Mme Geoffrin de sentir cet esclavage, et d’avoir ses derniers moments empoisonnés par sa vilaine fille. » Mme Geoffrin ne s’appartenait plus ; même en revenant à elle, elle sentit qu’il lui fallait choisir entre sa fille et ses amis, et le sang l’emporta : « Ma fille, disait-elle en souriant, est comme Godefroy de Bouillon, elle a voulu défendre mon tombeau contre les Infidèles. » Elle faisait passer sous main à ces mêmes Infidèles ses amitiés et ses regrets ; elle leur envoyait des cadeaux.
S’il se trompe et s’abuse en faisant de lui une manière de dernier grand seigneur féodal, en le donnant comme issu du plus noble sang et, au moins par les femmes, de la lignée de Charlemagne, cette illusion devient un principe de générosité et de vertu.
Et, en général, toutes les facultés d’improvisation, d’imagination pittoresque et prompte, dont il était doué ; tous ses trésors d’idées profondes, ingénieuses et hardies ; l’amour de la nature, du paysage et de la famille ; même sa sensualité, son goût décidé de toucher et de décrire les formes, le sentiment de la couleur, le sentiment de la chair, de la vie et du sang, « qui fait le désespoir des coloristes », et que, lui, il rencontrait au courant de la plume, toutes ces qualités précieuses de Diderot trouvent leur emploi dans ces feuilles volantes qui sont encore son titre le plus sûr auprès de la postérité.
Cet épuisement de la nation était réel et sensible en 1814, épuisement physique plutôt encore que moral, et qui ne venait que d’une perte de sang trop abondante.
Toutes ces nièces du cardinal avaient un don singulier d’attrait et comme une magie : « La source des charmes est dans le sang Mazarin », disait Ninon.
Elle fut écrasée brutalement dans sa fleur, et comme noyée dans le sang de ceux qui la cultivaient.
Voulant donc convaincre le prince de Condé qu’il y a un grand et incomparable rôle à jouer dans cette crise entre la magistrature et la Cour, voulant tempérer son impatience et ses colères à l’égard du Parlement, et lui prouver qu’on peut arriver moyennant un peu d’adresse, quand on est prince du sang et vainqueur comme il l’est, à manier et à gouverner insensiblement ce grand corps, Retz, dans un discours qu’il lui tient à l’hôtel de Condé (décembre 1648), s’élève aux plus hautes vues de la politique, à celles qui devancent les temps, et à la fois il touche à ce qui était pratique alors.
Dans les troubles qui s’élevèrent bientôt, Mme de Motteville nous montre la reine avec des qualités qu’il serait injuste de lui refuser au milieu de ses fautes : elle avait le courage et la fierté ; « le sang de Charles-Quint lui donnait de la hauteur » et bouillonnait dans ses veines.
Un crachement de sang, un voyage aux eaux, la mort de son beau-père, M.
Quelquefois le geste est plus grand, moins familier ; l’orateur se lève : « C’est ici qu’il faut se donner le spectacle des choses humaines… » Et il énumère dans un mouvement digne de Bossuet tout ce travail du peuple romain et du Sénat, tant de guerres entreprises, tant de sang répandu, tant de triomphes, tant de sagesse et de courage, le tout pour arriver finalement « à assouvir le bonheur de cinq ou six monstres ».
Il y a des exceptions cependant, mais fort rares, et c’est alors un grand honneur réservé ou aux princes du sang, ou aux femmes étrangères de la première distinction, ou aux généraux qui viennent de gagner une bataille, ou à un ministre en crédit, à la condition cependant pour celui-ci, qu’il soit assez considéré pour laisser en doute si ce n’est pas à son mérite seul qu’on rend hommage.
L’esprit n’égalera jamais les choses en ramifications et en sinuosités ; seulement il faut que, dans toutes ces ramifications, la sève de la vie circule, comme le sang court dans les innombrables fibres qui relient entre elles les cellules cérébrales.
Ne sera-t-elle pas tentée par cette grande et mystérieuse possession du corps et du sang de Notre-Seigneur par le moi, et, pour parler comme elle, le moi tout entier !
C’était la paternité souillée de la chair et du sang qui se retournait contre l’auguste paternité morale qui est la vertu de l’homme et la vie même des nations.
Le sang de Louis XVI a refait une pourpre à la Royauté déshonorée qui n’en avait plus.
L’auteur de ce testament l’a signé de son sang, certifié de sa mort.
Il faut y mettre sérieusement sa chair et son sang pour être si enragés ; vous savez bien, monsieur, que c’est le dernier endroit où il y ait de ces grandes discussions littéraires qui semblent homériques. […] Galimard, c’est n’avoir pas l’esprit fraternel et méconnaître la voix du sang. […] Au matin bois le vin blanc, le rouge au soir pour le sang. […] Soit ; mais cette boue sera comme celle dont fut formé Adam, une boue qui se change en chair et en sang et qui donne la vie. […] Les idéalistes sont féroces, ils préfèrent toujours le spectacle d’un martyre, le sang, les scènes cruelles et sans variété, aux mille aspects des gens joyeux, originaux, amusants qu’on voit dans certains tableaux hollandais et espagnols.
Dupanloup, une onction et une politesse dont il ne se départira jamais Aussi, à l’inverse du puissant pamphlétaire qui déchire la question romaine avec une éloquence de sang, il préférera toujours le dédain, qui est une fine et discrète volupté et produit presque toujours un style délicat, à la colère, qui cherche indiscrètement à se communiquer, ne recule pas devant les déclamations et tombe dans le mauvais goût. […] La jeune femme a eu tous les bons exemples sous les yeux ; en outre, elle est d’un sang pâle qui ne la tourmente d’aucun désir. […] Or, ce qui leur importe, c’est qu’un œil bienveillant et sûr dirige leurs mouvements, c’est que ceux qui leur parlent ne les laissent pas s’égarer et se morfondre dans des doutes qui, pour eux, auraient de bien autres résultats que pour les philosophes et les dilettanti : le bon ordre de ces masses, dont l’ensemble confus forme la société, n’est pas un vain mot, les cris et le sang des époques de trouble et les sanglots de la misère l’attestent avec une brutale éloquence. […] Et dire ce qu’il en aura coûté de vies et d’écrits, d’encre et de sang, d’enthousiasme et de sacrifices pour réaliser cet idéal10 » N’allez pas croire que ces généralités soient des plaintes d’un esprit chagrin, qui soulage en grommelant sa mauvaise humeur. […] Bourget, ils cherchent à s’en dégager, ils la condamnent, ils la combattent ; mais quoi qu’ils fassent, sous une forme ou sous une autre, ils en restent les adeptes : elle a passé dans leur sang.
Pour tempérer à propos ce scintillement trop français de bons mots et de fines reparties, elle avait puisé dans le sang italien de sa mère, Francesca Peretti, une Florentine d´une rare beauté, un vif sentiment de la musique, un sincère amour et une intelligence passionnée des arts. […] Un véritable sang rouge circule dans leurs veines au lieu de l’encre qu’infusent à leurs créations les auteurs ordinaires. […] De leurs fleurs férocement bariolées et tigrées, d’un pourpre semblable à du sang figé ou d’un blanc chlorotique, s’exhalent des parfums âcres, pénétrants, vertigineux. […] On dirait une de ces Javanaises, vampires d’amour, succubes diurnes, dont la passion tarit en quinze jours le sang, les moelles et l’âme d’un Européen. […] La mystérieuse voix du sang, qui se tait pendant des générations entières ou ne murmure que des syllabes confuses, parle de loin en loin un langage plus net et plus intelligible.
Il m’a fallu me battre avec la muse pour écarter cette mauvaise pensée ; encore ne m’en suis-je tiré qu’avec cinq ou six pages de folie, comme on se fait saigner quand le sang porte à la tête. » Une tristesse qui n’exclut pas la verve est, sans doute, supportable, et contient de puissantes consolations. […] Marlinski avait aussi du Byron dans le sang. […] Tourguéneff, se rencontraient à chaque pas, surtout en province, et en particulier dans l’armée et dans l’artillerie ; ils parlaient et correspondaient dans sa langue ; ils gardaient dans le monde un air sombre, renfermé, l’orage dans l’âme et le feu dans le sang, comme le lieutenant Belozor de la frégate Nadèdja. […] Les influences transmises avec le sang sont peut-être, en effet, la meilleure explication des troubles dont ils ont souffert tous deux. […] ô muette Pythie, brise donc ta tête aux rochers de ton antre, et mêle ton sang fumant de rage à l’écume de la mer ; car tu crois avoir possédé le Verbe tout-puissant, et depuis dix mille ans tu le cherches en vain !
Mélange du sang français et du sang allemand, il forme la nuance entre ces deux nations. […] Par quel prodige la Croix reparaît-elle en triomphe dans cette même cité où naguère une dérision horrible la traînait dans la fange ou le sang ? […] Sont-ce les pères, les mères, les frères, les sœurs, les enfants de ces victimes qui prient pour les ennemis de la foi, et que vous voyez à genoux de toutes parts, aux fenêtres de ces maisons délabrées, et sur les monceaux de pierres où le sang des martyrs fume encore ? […] Que Pharsâle revoie encor nos bataillons Du plus beau sang de Rome inonder nos sillons ! […] « Le fleuve Bétis coule dans un pays fertile, et sous un ciel doux, qui est toujours serein… Ce pays semble avoir conservé les délices de l’âge d’or69, etc. » Paraît ensuite cet Annibal, dont la puissante haine franchit les Pyrénées et les Alpes, et ne fut point assouvie dans le sang des milliers de Romains massacrés à Cannes et à Trasymène.
Je ne veux pas verser le sang des miens. […] Mais remarquez déjà que ce costume, pour burlesque qu’il fût, et justement parce qu’il l’était, n’était point du tout celui du temps, celui qu’un prince du sang portait dans la rue ; c’était un grotesque costume de théâtre, mais c’était un costume de théâtre. […] Bien loin de l’avoir poursuivie, J’allais baiser la main qui t’arracha la vie, Rendre un respect de fille à qui versa ton sang ! […] C’étaient même, puisqu’ils ne demandent point d’effort, encore une fois, c’étaient même ce qu’il appelait des « faiblesses », les « douces faiblesses du sang ». […] Et leur neveu Fontenelle est bien du même genre, comme du même sang.
Rayer et Davaine avaient observé dès 1854 des bâtonnets cylindriques très ténus dans le sang des animaux morts du charbon. […] En 1861, Pasteur montre que l’argent de la fermentation butyrique est un bâtonnet microscopique analogue à ceux du sang des animaux charbonneux. […] Des idées explicatives pouvaient venir rattacher en un système le fait de la maladie, et le fait de la présence des microbes dans le sang de l’animal. […] En voici le sujet : Le vieux roi, inquiet du sang versé et soucieux de l’œuvre à laquelle il a collaboré, s’adresse à Dieu pour être rassuré et demande sinon une prolongation de sa vie, au moins une association moins imparfaite aux desseins du Maître. […] « Pourquoi tout cela et ce sang versé ?
Héritier du sang du martyr ! […] toujours du sang et toujours des supplices : Ma cruauté se lasse et ne peut s’arrêter : Je veux me faire craindre et ne fais qu’irriter. Rome a pour ma ruine une hydre trop fertile ; Une tête coupée en fait renaître mille ; Et le sang répandu de mille conjurés Rend mes jours plus maudits et non plus assurés.
Pitt déclarait en plein Parlement, aux applaudissements universels1182, « que les traits dominants du nouveau gouvernement républicain étaient l’abolition de la religion et l’abolition de la propriété. » Toute la classe pensante et influente se levait pour écraser cette secte de jacques, brigands par institution, athées par principes, et le jacobinisme, sorti du sang pour s’asseoir dans la pourpre, fut poursuivi jusque dans son enfant et dans son champion « Bonaparte, qui l’avait centralisé et intronisé1183. » Sous cet acharnement national, les idées libérales s’effaçaient ; les plus illustres des amis de Fox, Burke, Windham, Spencer, le quittèrent : de cent soixante partisans dans la chambre des communes, il ne lui en resta que cinquante. […] Montrons notre personnage tel qu’il fut, grotesque ou non, avec son costume et son langage : qu’il soit féroce et superstitieux s’il le faut ; éclaboussons le barbare dans le sang, et chargeons le covenantaire de sa dossée de textes bibliques. […] Wi’ quaffing and laughing, They ranted and they sang, Wi’ jumping and thumping The very girdle rang.
Le marquis, gentilhomme royaliste, dévoué à sa cause jusqu’au fanatisme, tout occupé de complots, de haines violentes, de projets à perte de vue, homme d’action, condamné à la solitude d’un vieux castel, homme de cœur, réduit à conspirer, essayait, mais vainement, de ranimer la Vendée expirante dans son sang, tandis que sa femme élevait dans la paix, le recueillement et l’étude, deux jeunes enfants, frêle espoir de sa noble maison. […] Il faut trop souvent qu’elles trempent dans le sang les générations qu’elles prétendent rajeunir. […] Plus de cent villageois furent appelés des bourgs et des hameaux voisins ; je m’entretins avec eux de leur ancien genre de vie et de leurs occupations présentes ; la plupart de ces hommes avaient versé le sang humain.
En 1804, à la veille de l’Empire, causant avec lui aux Tuileries, pensant tout haut, exprimant son impatience des injustices de l’opinion parisienne à ce moment, son ennui des résistances qu’il éprouvait dans ses vues de la part même de quelques-uns de ses proches, le premier consul disait ces paroles qui renferment une trop haute et trop soudaine définition personnelle pour ne pas être recueillies : Au reste, moi je n’ai point d’ambition… (Et se reprenant :) ou, si j’en ai, elle m’est si naturelle, elle m’est tellement innée, elle est si bien attachée à mon existence, qu’elle est comme le sang qui coule dans mes veines, comme l’air que je respire.
Au premier signal des discordes et des déchirements civils, l’horreur et le dégoût le saisissent ; il veut fuir, il ne peut habiter dans le désordre et dans le sang ; il est prêt à renoncer même à la patrie pour retrouver la paix, la règle, la sécurité et la décence de la vie.
Ouvrez la brochure des Réactions politiques (1797), on y voit « une tendance de l’esprit humain à englober dans ses regrets tout ce qui entourait ce qu’il regrette » ; on y voit « un mouvement rétrograde qui, se prolongeant au-delà de ses bornes nécessaires, ne laisse enfin pour vestige du changement qu’on voulut opérer, que des débris, des larmes, de l’opprobre et du sang. » Depuis lors, la langue de Benjamin Constant se rompit et se brisa ; elle devint facile, et parut encore plus élégante qu’elle ne l’était.
Les Anciens aimaient à se figurer, en les unissant et les accouplant dos à dos, les types et figures représentant les genres les plus contraires : ainsi ils assemblaient dans un même marbre, en les opposant nuque à nuque comme les deux faces de Janus, la figure d’un Aristophane et celle d’un Sophocle : si ce n’était une profanation, à cause du sang qui tache le front de Danton, je me figurerais ainsi, ne fut-ce qu’un instant, Danton et Royer Collard enchaînés, et leurs deux faces tournées vers des fins toutes contraires, — deux antagonistes éternels !
Avoir le cœur séparé de soi-même, être maintenant en paix, ores en guerre, ores en trêves ; couvrir et cacher sa douleur ; changer visage mille fois le jour ; sentir le sang qui lui rougit la face, y montant, puis soudain s’enfuit, la laissant pâle, ainsi que honte, espérance ou peur nous gouvernent ; chercher ce qui nous tourmente, feignant de le fuir, et néanmoins avoir crainte de le trouver ; n’avoir qu’un petit ris entre mille soupirs ; se tromper soi-même ; brûler de loin, geler de près ; un parler interrompu ; un silence venant tout à coup : ne sont-ce tous signes d’un homme aliéné de son bon entendement ?
Rien en lui ne rappelle le sang des Habsbourg.
J’ai été quatre ou cinq jours bourrelé et n’ai presque point dormi, ayant besoin d’efforts pour manger ; à quoi j’ai suppléé pour aliment en prenant quelques écuellées de lait pour apaiser le sang… » C’était pour un homme de cœur une position cruelle en effet que de se voir obligé d’attendre des renforts, des moyens d’agir, et de supporter cette infériorité évidente d’un air d’indécision et de timidité.
L’automne où il mourut, il venait d’avoir une visite d’une élite de femmes de la Cour, une princesse du sang, Mademoiselle de Sens, à leur tête.
L’esprit de parti a pu vous diviser un instant, mais le sang de Winkelried coule encore dans vos veines… Dites-vous bien qu’une nation assez faible pour supporter un attentat contre son territoire est une nation perdue, et qu’il vaut mieux encore succomber avec honneur comme les Bernois en 1798, que d’imiter l’exemple des hommes pusillanimes de 1813.
Mais comment reprocher à des hommes de vingt-cinq ans qui, en présence d’une littérature contemporaine futile, fade, puérile, triviale ou sophistiquée, viennent de se plonger dans ces belles lectures de l’Antiquité dont l’art de l’imprimerie ressuscitait les textes désormais tout grands ouverts et accessibles, comment leur reprocher d’en être tout remplis, d’en vouloir communiquer l’émotion généreuse, d’en vouloir verser la sève et comme transfuser le sang dans une langue moderne qui, certes, à cette date (je ne parle ni de Rabelais ni de sa prose), laissait si fort à désirer pour les vers et pour toute élocution sérieuse, élevée ?
c’ruban teint de mon sang Va me servir pour acheter les vôtres69.
Les journaux, dès l’année 626 environ, y auraient suppléé et auraient rendu compte des affaires publiques, des édits, des procès scandaleux, des orages, pluies de sang et autres phénomènes atmosphériques, etc. ; les actes de l’assemblée du peuple, selon la conjecture très-avenante de M.
Je conçois le sentiment de discrétion et de délicatesse qui fait qu’on hésite à toucher à de vieilles blessures et à remuer les cicatrices d’un cœur ; mais ce mot humilier en pareil cas n’est pas français : tant que la dernière source, la dernière goutte du vieux sang de nos pères n’aura pas tari dans nos veines, tant que notre triste pays n’aura pas été totalement régénéré comme l’entendent les constituants et les sectaires, il ne sera jamais humiliant pour un homme, même vieux, d’avoir aimé, d’avoir été aimé, fût-ce dans un moment d’erreur.
Seulement ces effets violents ne réchauffent pas la tragédie, précisément par ce que le public fait la réduction convenable, et par ce que le sang versé au théâtre n’est pas pathétique physiquement, par son aspect, mais moralement, par les causes de l’acte.
Et cette invocation si belle : D’où vous êtes aujourd’hui, Clémentine, dis-je en moi-même, regardez ce cœur maintenant refroidi par l’âge, mais dont le sang bouillonna jadis pour vous, et dites s’il ne se ranime pas à la pensée d’aimer ce qui reste de vous sur la terre.
Sans doute les marquis et les comtesses ont remplacé tes princes d’Arménie et les reines de Trébizonde ; sans doute l’amour parle chez lui une langue moins diffuse, et les aventures qu’il imagine sont moins invraisemblables et plus intéressantes ; sans doute aussi ses amoureux et ses amoureuses ont plus de chair, plus de sang et surtout beaucoup plus de nerfs, que ceux des romans d’autrefois.
Suétone nous décrit les crimes de Néron avec un sang froid qui nous surprend, en nous faisant presque croire qu’il ne sent point l’horreur de ce qu’il décrit ; il change de ton tout-à-coup & dit : l’univers ayant souffert ce monstre pendant quatorze ans, enfin il l’abandonna : tale monstrum per quatuordecim annos perpessus terrarum orbis tandem destituit.
À ce compte, un poète qui suera sang et eau pour faire de mauvais vers sera sacré grand poète de préférence à un poète heureusement doué, dont le génie et la facilité diminueront le mérite.
Il avait, dans les veines, du sang de lutteur.
Dans cette période elle représente le moment où la France, qui a mis un siècle entier à digérer toute la nourriture intellectuelle qu’elle avait dévorée avec avidité depuis la Renaissance, achève ce travail d’assimilation, et, ayant éliminé l’excès de substance venu de l’étranger et du passé, garde incorporée à la mœlle de ses os et au sang de ses veines la quintessence de la pensée antique.
Élevé à Hohenschwangau, cette légende du cygne, avec son indicible charme poétique, m’avait pénétré dans la chair et le sang.
Arès, avant d’être forgé dans sa splendide armure, sur l’enclume de l’épopée, n’était qu’un vieux glaive rongé par la rouille, auquel on donnait à boire des filets de sang.
Qu’il y a loin de la grande fille déniaisée du château de Grandchamp aux deux sensitives frissonnantes du jardin de Laerte, et comme ces pudeurs positives et raisonneuses qui sentent le parloir et le pensionnat ressemblent peu aux rougeurs d’albâtre éclairée par dedans qui colorent ces strophes diaphanes, à travers lesquelles circule le sang ému et ivre de la seizième année !
Elle le menace, elle l’insulte presque ; puis se radoucit, fond en grosse tendresse : il est son maître, elle l’a dans le sang.
Si j’osais, je lui offrirais ma plume pour soutenir ses intérêts et pour vous servir de second, et je répandrais très volontiers pour un si juste et si digne sujet jusqu’à la dernière goutte de mon encre et de mon sang.
Un mol et court gazon est tout ce qui marque désormais la place où les héros ont versé leur sang.
Mais s’il fallait prononcer entre les deux erreurs, entre l’opinion de ceux qui le considèrent comme dès lors établi légitimement à l’état de dynastie, et ceux qui ne veulent voir en lui qu’un aventurier coupable, M. de Maistre trouverait que la plus fausse des deux opinions est encore la dernière : Un usurpateur qu’on arrête aujourd’hui pour le pendre demain, ne peut être comparé à un homme extraordinaire qui possède les trois quarts de l’Europe, qui s’est fait reconnaître par tous les souverains, qui a mêlé son sang à celui de trois ou quatre maisons souveraines, et qui a pris plus de capitales en quinze ans que les plus grands capitaines n’ont pris de villes en leur vie.
Cazotte arrive par gradations à faire sentir que de plus grandes dames encore que la duchesse iront à l’échafaud, des princesses du sang et de plus grandes que ces princesses elles-mêmes.
Laffitte, celui même qui avait parlé si vivement pour les Bourbons le soir du 30 mars 1814 dans le salon du maréchal, rue Paradis-Poissonnière, s’adressant à lui encore, lui dit : « Monsieur le maréchal, nous venons nous adresser à un général qui a le cœur français, pour lui demander de faire cesser l’effusion du sang. » Le maréchal répondit qu’il était prêta arrêter le feu des troupes si les hostilités cessaient du côté des habitants.
Rien ne manqua à la solennité ni à l’éclat de cette première représentation : Ç’a été sans doute aujourd’hui, disent les Mémoires secrets, pour le sieur de Beaumarchais qui aime si fort le bruit et le scandale, une grande satisfaction de traîner à sa suite, non seulement les amateurs et curieux ordinaires, mais toute la Cour, mais les princes du sang, mais les princes de la famille royale ; de recevoir quarante lettres en une heure de gens de toute espèce qui le sollicitaient pour avoir des billets d’auteur et lui servir de battoirs ; de voir Mme la duchesse de Bourbon envoyer dès onze heures des valets de pied, au guichet, attendre la distribution des billets indiquée pour quatre heures seulement ; de voir des Cordons bleus confondus dans la foule, se coudoyant, se pressant avec les Savoyards, afin d’en avoir ; de voir des femmes de qualité, oubliant toute décence et toute pudeur, s’enfermer dans les loges des actrices dès le matin, y dîner et se mettre sous leur protection, dans l’espoir d’entrer les premières ; de voir enfin la garde dispersée, des portes enfoncées, des grilles de fer même n’y pouvant résister, et brisées sous les efforts des assaillants.
Mais, au moment où elle allait éclater et où déjà le président lui avait écrit une lettre polie et ferme, Voltaire, selon un procédé qui lui était habituel, se jeta dans une question plus générale, et qui semblait intéresser l’humanité : Il ne s’agit plus ici, monsieur, écrivait-il de Ferney (30 janvier 1761), il ne s’agit plus de Charles Baudy et de quatre moules de bois (notez comme, sans en avoir l’air, il glisse quatre au lieu de quatorze), il est question du bien public, de la vengeance du sang répandu, de la ruine d’un homme que vous protégez, du crime d’un curé qui est le fléau de la province, et du sacrilège joint à l’assassinat… Hélas !
Le fer des piques ne produit que du sang : le pain ne s’acquiert qu’avec la charrue… On a voulu nous éblouir de la gloire des combats : malheur aux peuples qui remplissent les pages de l’histoire !
Chaque jour, où je m’assieds à ma table de travail, et où je me dis : « Allons, il faut encore m’arracher un chapitre de la cervelle », j’ai le sentiment douloureux, qu’aurait un homme à qui on viendrait, tous les jours, demander un peu de son sang, pour une transfusion.
Ni le style de Stendhal, ni celui de Mérimée, ni le style même du Code ne sont exempts d’images ; seulement ces images sont tellement usées, elles ont si longtemps roulé dans les vagues de la parole que voilà des galets unis et ronds où il semble que nul regard mental ne puisse découvrir les linéaments du paysage ancien. « Tout condamné à mort, dit le Code, aura la tête tranchée » ; cela est net, sec et froid ; cela ne laisse à l’entendement aucune alternative ; ce n’est plus une image, c’est une idée, mais une idée qui, à peine comprise, redevient l’image que les mots, sans le savoir, ont tracée avec du sang.
Il y a longtemps que Haller constatait que le son du tambour exagérait l’écoulement du sang d’une veine ouverte.
Il est inutile d’exposer que la naissance d’attractions littéraires ou le dévouement à des causes communes, coïncide avec le relâchement des liens de clan, de cité, de nation, de famille ; que les arts aussi bien que l’humanitarisme tendent à favoriser le cosmopolitisme, et qu’ainsi les liens d’une admiration ou d’une entreprise générale remplacent en un sens ceux du sang.
Il vous montre une mère, Constance mère d’Arthur, et quand il vous a amené à ce point d’attendrissement que vous ayez le même cœur qu’elle, il tue son enfant ; il va en horreur plus loin même que l’histoire, ce qui est difficile ; il ne se contente pas de tuer Rutland et de désespérer York ; il trempe dans le sang du fils le mouchoir dont il essuie les yeux du père.
Le mouvement de la terre a été condamné au nom d’un texte sacré, et la circulation du sang au nom d’un texte profane.
Ce n’est donc pas un tissu de jolis sentiments, de déclarations tendres, d’entretiens galants, de portraits agréables, de mots doucereux, ou quelquefois assez plaisants pour faire rire, suivi à la vérité d’une dernière scène où les3 mutins n’entendent aucune raison, et où, pour la bienséance, il y a enfin du sang répandu, et quelque malheureux à qui il en coûte la vie.
Avec plus de fougue que de mesure, avec plus d’enthousiasme que de sens critique, l’auteur du Sang des races, glorifiait le culte de la Tradition, de la terre et des morts, l’Âme, la Race, l’Épée.
On a imaginé que la nature agit toujours par le chemin le plus court, qu’elle emploie le moins de force et la plus grande économie possible : mais que répondraient les partisans de cette opinion, à ceux qui leur feraient voir que nos bras exercent une force de près de cinquante livres pour lever un poids d’une seule livre ; que le cœur en exerce une immense pour exprimer une goutte de sang ; qu’une carpe fait des milliers d’œufs pour produire une ou deux carpes ; qu’un chêne donne un nombre innombrable de glands, qui souvent ne font pas naître un seul chêne ?
En lui pardonnant sa manière de pyramider, sa disposition est bien entendue, les groupes s’y multiplient sans confusion ; sa couleur est forte, les effets d’ombres et de lumières sont grands ; ses figures noblement et naturellement dessinées, leurs attitudes variées ; ses combattans bien en action, ses morts, ses mourans, ses blessés bien jettés, bien entassés sous les pieds de ses chevaux ; ses animaux vrais et animés ; ce sont des bataillons rompus, des postes emportés, un feu perçant à travers les rougeâtres tourbillons de la poussière et de la fumée ; du sang, du carnage, un spectacle terrible. à l’une de ses tempêtes sa mer est trop agitée aux parties éloignées du tableau.
Sur le point de boire mon sang, comme Beaumanoir, — faute d’une choppe, — j’avise, entre deux rochers, une maisonnette que j’appellerai une chaumière, pour flatter les faiseurs d’idylles.
Je le désarmais en lui choisissant, au lieu d’une mère, une maîtresse au sein de ce peuple élu dont le sang l’eut contaminé, mais dont le contact charnel le révoltait beaucoup moinss.
En effet, ces dessins sont souvent pleins de sang et de fureur.
Ils s’attirent l’un l’autre, et le souvenir-fantôme, se matérialisant dans la sensation qui lui apporte du sang et de la chair, devient un être qui vivra d’une vie propre, un rêve.
Un grand progrès dans le sens de l’égalitarisme a été réalisé le jour où, à l’idée que les individus ont les mêmes droits parce qu’ils sont du même sang, s’est substituée l’idée qu’ils ont les mêmes droits parce qu’ils habitent une même terre.
Ce poème établit un litige entre Lamartine et un prince du sang qui devait être roi, le duc d’Orléans, le futur Louis-Philippe. […] Qui se serait alors douté dans la cathédrale de Reims que ce Lamartine, illustre en tant que poète, mais obscur dans l’État, apprenti diplomate, hier simple garde du corps, modeste assistant d’une cérémonie où Chateaubriand était l’un des douze pairs, serait à vingt-trois ans de distance le successeur provisoire mais utile et glorieux de ce roi et de ce prince du sang, que ce petit gentilhomme maçonnais deviendrait l’héritier momentané de quatorze siècles de monarchie, d’un interrègne républicain, d’un intermède impérial et de deux périodes de royauté constitutionnelle. […] Et ce huitain éclatant : Montez sur ces hauteurs d’où les fleuves descendent Et dont les mers d’azur baignent les pieds dorés, À l’heure où les rayons sur leurs pentes s’étendent, Comme un filet trempé ruisselant sur les prés ; Quand tout autour de nous sera splendeur et joie, Quand les tièdes réseaux des heures de Midi, En vous enveloppant comme un manteau de soie, Feront épanouir votre sang attiédi…… Ce sont des images comme en trouvent seulement les premiers poètes à l’imagination encore vierge, les aèdes légendaires ou les chanteurs du Rig Véda. […] Ajoutez que leur langue de fer les secondait à merveille, pauvre en moralités, singulièrement riche et à l’aise, quand il s’agit d’armures, de hauberts rompus et démaillés, de sang vermeil, de vassaux navrés et de cervelles répandues. […] Il est dans la légende ce que Gengiskhan fut dans l’histoire, le conquérant prodigieux et foudroyant, le destructeur capricieux ou systématique, un de ces fondateurs de dynasties qui s’écouleront après eux comme une onde fugitive, d’empires qui après eux seront emportés comme une feuille morte ; il est celui qui marche au pas de course à travers les royaumes subjugués, les amas de cadavres, les longues files des captifs, les ruines, les incendies, les cris des mères, le sang et les larmes, pesant et terrible comme un fléau, rapide comme un rêve, faisant au-dessus de l’épouvante humaine un grand bruit qui n’a de comparable que le silence qui lui succède.
Un écrivain, renfermé dans son cabinet, ignorant les hommes et les affaires, loin de toute réalité, s’enflamme par ses propres discours ; les révolutions, les guerres, l’effusion des flots de sang, la destruction des peuples, ne lui paraissent plus qu’un grand spectacle, l’ornement du triomphe de ses opinions. […] Elle a eu un enthousiasme de commande, et a fait entendre sa voix au milieu du sang et des larmes. […] Il faut songer à ce qu’était ce terrible moment : à ce palais des rois canonné comme une citadelle ennemie, et pris d’assaut au milieu de l’incendie ; à ses défenseurs égorgés ; aux massacres de Septembre ; à cette funeste habitude du sang, qui enivre l’homme et le rend insensé, quand il n’émeut plus sa pitié ; à cet effroi de l’invasion étrangère ; à ce langage déclamatoire qui avait comme effacé la vérité et la raison ; à ce cynisme qui, sans conviction aucune, avait pris cependant un caractère fanatique ; à ce calcul féroce de quelques hommes qui voulaient rendre impossible à la nation, comme à eux, de revenir en arrière. […] Nous avons pleuré, nous pleurons encore sur tout le sang qui a coulé dans la journée du 10 Août ; et si nous avions cru Louis coupable des inconcevables événements qui l’ont fait répandre, vous ne nous verriez pas aujourd’hui, avec lui, à votre barre, lui prêter, oserai-je le dire, l’appui de notre courageuse véracité. » C’était aux auteurs eux-mêmes des complots du 10 Août qu’il parlait, leur renvoyant le cri du sang qu’ils avaient versé ; c’était devant eux qu’il se présentait vaillamment, non plus comme avocat, mais comme Français ; non plus remplissant un office, mais professant un sentiment personnel. […] Une telle victime ne pouvait être immolée seule ; sa mort jetait la France dans une situation où de toute nécessité beaucoup de sang devait couler.
Et pour les moyens qu’il indique d’« enrichir » ou d’« ennoblir » la langue, de l’accroître et de l’amplifier, on en voudrait de plus précis que cette éternelle « imitation » où nous le voyons constamment revenir, sans en autrement définir l’objet et la limite que par la métaphore si souvent citée : qu’il ne faut pas « imiter » platement les anciens, mais « se les convertir en sang et en nourriture ». […] Des rois ou des héros en tiendront les principaux rôles ; elle roulera sur des événements qui enveloppent le destin des empires ; et elle finira dans le sang. […] Le mot ou le corps d’une devise ; la façon d’une livrée ; le rapport d’un domestique ; un conte fait au coucher du roi lie sont rien en apparence, et par ce rien commencent les tragédies dans lesquelles on versera tant de sang, et on verra sauter tant de têtes. […] Il s’agit de savoir si notre poésie continuera de s’inspirer d’Homère et de Virgile ; de leur emprunter ses machines ; de se nourrir de fictions auxquelles ni le poète ni son public ne peuvent croire ; et, chrétiens dans le sang, il s’agit de savoir si notre art, toujours païen, continuera d’être une espèce d’insulte à tout ce que nous croyons. […] J’estime seulement, pour ma part, que l’on a trop donné, beaucoup trop, à l’influence du sang ou de la race, et je tâcherai de vous le montrer.
Et de plus, ce qu’il y avait d’humain, de juste, de généreux dans les âmes, put trop aisément envelopper la fermeté des convictions positives dans la haine excitée par un despotisme d’esprit qui faisait couler tant de sang. […] La vie consiste en sang. Sang est le siege de l’ame ; pourtant ung seul labeur poine ce monde, c’est forger sang continuellement. […] Peut-on les arracher de ses épaules autrement qu’avec la chair et le sang ? […] Cette circoncision était déjà type de l’effusion salutaire du sang de Christ.
« Heureux encore une fois Crassus, qui n’a point vu son proche parent Publius, citoyen du plus grand courage, mourir de sa propre main ; la statue de Vesta teinte du sang de son collègue, le grand pontife Scévola, ni l’affreuse destinée de ces deux jeunes gens qui s’étaient attachés à lui : Cotta, qu’il avait laissé florissant, peu de jours après, déchu de ses prétentions au tribunat par la cabale de ses ennemis, et bientôt obligé de se bannir de Rome ; Sulpicius, en butte au même parti, Sulpicius, qui croissait pour la gloire de l’éloquence romaine, attaquant témérairement ceux avec qui on l’avait vu le plus lié, périr d’une mort sanglante, victime de son imprudence et perdu pour la république ! […] N’est-ce qu’après avoir calculé leur intérêt qu’ils entrent dans le combat et qu’ils versent à flots leur sang pour la patrie ?
Il tient à ma famille par les liens du sang ; Astyage est déjà vieux, et n’a point d’enfant mâle. […] » Harpagus, tandis que le roi parlait, ayant aperçu le pâtre, ne chercha point à recourir à un mensonge qui l’aurait perdu dès qu’il en aurait été convaincu, et répondit en ces termes : « Ô roi, lorsque cet enfant m’a été remis, je me suis consulté sur la manière dont j’exécuterais vos ordres, et j’ai cherché comment, en ne me rendant pas coupable de désobéissance envers vous, j’éviterais cependant de verser de ma main le sang de votre fille et le vôtre même.
Supposons que le mont Athos ait été sculpté, selon le plan d’Alexandre, en une colossale statue humaine. « Les paysans qui eussent ramassé les broussailles dans son oreille n’eussent pas plus songé que les boucs qui y broutaient à chercher là une forme aux traits humains ; et je mets en fait qu’il leur eût fallu aller à cinq milles de là pour que l’image géante éclatât à leurs regards en plein profil humain, nez et menton distincts, bouche murmurant des rythmes silencieux vers le ciel et nourrie au soir du sang des soleils ; grand torse, main qui eût épanché perpétuellement la largesse d’un fleuve sur les pâturages de la contrée. […] Les murs, les lambris sont teints de sang ; cette salle, ce vestibule sont pleins de larves qui descendent dans l’Erèbe, à travers l’ombre.
Comme dans la plupart des groupes d’animaux des organes très importants, tels que ceux qui servent à la circulation du sang et à son oxygénation, ou ceux qui ont pour fonction de reproduire la race, se montrent presque uniformes, on les considère comme de grand usage en classification ; mais en quelques groupes, au contraire, chacun de ces organes vitaux, quelle que soit son importance, se trouve offrir parfois des caractères d’une valeur très subordonnée. […] Ces caractères peuvent avoir autrefois appartenu à quelque ancêtre du Pigeon Biset ; ou bien, quelque race particulière et déjà domestique du Pigeon Biset peut avoir été croisée avec les descendants, également domestiques et modifiés, d’une autre souche sauvage proche-alliée, mais à bec plus court, sinon très court, et provenant peut-être de cette même souche dont le sang mêlé dans toutes les races du Pigeon domestique tend à reproduire des variétés huppées ou à pieds pattus.
Et nous hésiterions entre les figures vénérables de Vigny et Stéphane Mallarmé, si le profond, multiforme et magnifique Baudelaire en qui précisément tout son siècle se résume et qui ouvre un siècle nouveau (car tous ceux qui sont venus après lui et ceux qui viennent encore, datent de lui et « l’ont dans le sang »), si Baudelaire ne suffisait à combler notre esprit, notre cœur et nos sens. […] Certes, sa poésie, à peine littéraire, tremble et trébuche, oscille entre le vagissement et le radotage sénile ; elle est l’expression douloureusement fidèle du sang appauvri, des nerfs cassés, du cerveau affolé par la corrosion des luxures.
À Oxford, il jeûne et se fatigue jusqu’à cracher le sang et manquer de mourir ; sur le vaisseau, quand il part pour l’Amérique, il ne mange plus que du pain et dort par terre ; il mène la vie d’un apôtre, donnant tout ce qu’il gagne, voyageant et prêchant toute l’année, et chaque année, jusqu’à quatre-vingt-huit ans820 ; on calcule qu’il donna 30000 livres sterling, qu’il fit cent mille lieues et qu’il prêcha quarante mille sermons. […] Appeler dans une alliance civilisée le sauvage féroce et inhumain des forêts, — lancer contre nos établissements, parmi nos parentés, nos anciennes amitiés, le cannibale impitoyable qui a soif du sang des hommes, des femmes et des enfants, — désoler leur pays, vider leurs demeures, extirper leur race et leur nom par ces horribles chiens d’enfer de la guerre sauvage ! […] Il avait défendu, avec des recherches immenses et un désintéressement incontesté, les Hindous tyrannisés par l’avidité anglaise, et « ces derniers misérables cultivateurs qui survivaient attachés au sol, le dos écorché par le fermier, puis une seconde fois mis à vif par le cessionnaire, livrés à une succession de despotismes que leur brièveté rendait plus rapaces, et flagellés ainsi de verges en verges, tant qu’on leur trouvait une dernière goutte de sang pour leur extorquer un dernier grain de riz869. » Il s’était fait partout le champion d’un principe et le persécuteur d’un vice, et on le voyait lancer à l’attaque toutes les forces de son étonnant savoir, de sa haute raison, de son style splendide, avec l’ardeur infatigable et intempérante d’un moraliste et d’un chevalier.
De brûler Mme Guyon de sa propre main, et de se brûler lui-même ; ce qui fait dire à Bossuet : « Il n’y a rien à brûler ici. » On sourit de ces expressions, qui lui partent trop fréquemment pour que la sincérité n’en perde pas de son prix : Je le signerai, je l’eusse signé, je suis prêt à le signer de mon sang. Qu’y a-t-il donc à signer du sang d’un archevêque ? […] On ne rencontre pas ces violences de paroles chez le défenseur de l’universel ; loin qu’il tombe dans l’excès d’engager son sang, il ne daigne pas même prendre acte de l’offre que Fénelon fait du sien.
S’ils n’offraient au public mêlé qui pouvait assister aux représentations de leurs ouvrages rien de ce qui prend l’homme par les sens, un spectacle brillant, des scènes de tuerie, des coups, du sang et des clameurs, ils faisaient parler à leurs personnages (mis à part quelques tours et quelques mots conventionnels, rançon de la mode du temps, le mot chaînes, le mot flamme dans l’expression des sentiments de l’amour) un langage poli, mais cependant clair et direct : il suffisait d’écouter pour entendre. […] Mais avec eux, eh dépit de l’infusion de quelques gouttes de sang shakespearien, elle deviendra exclusivement oratoire. […] Il porte dans le sang la plus aimable tradition française, mi-chrétienne, mi-galante, chevaleresque.
Les pluyes de sang, les inondations subites, suivies d’embrasemens aussi prompts, des chevaux parlans, des trépieds qui vont seuls aux assemblées des dieux, des statues d’or qui agissent et qui pensent ; tout cela ne coûte rien à Homere, et quelqu’avide que son siecle fut de fables et de miracles, il doit avoir eu pleine satisfaction. […] Telles parurent alors, divin Ménélas, vos jambes, quand on les vit teintes de ce beau sang qui couloit jusques sur vos pieds. […] C’est dans cette occasion que Jupiter fait gronder la foudre et pleuvoir le sang : prodiges qui découragent les deux armées, tandis qu’ils redoublent encor la valeur des deux héros.
Que l’homme, après avoir blasphémé contre le ciel, se couche pour mourir, ou que, le regard voilé de sang, il se lève pour accomplir une œuvre de vengeance et de haine, la raison cachée de sa conduite est dans le christianisme qu’il conserve et dans le christianisme qu’il rejette. […] pour guérir l’âme passionnée Ou pour te rajeunir et te laver le sang ! […] Il tourna contre son frère le courage qui lui était venu et rougit de sang humain les armes qui l’avaient délivré des bêtes de la forêt. […] Les ardeurs du sang se sont calmées ; la raison délibérante a tempéré les impétuosités passionnelles, et, ramenant la pensée sur elle-même, lui ouvre des horizons nouveaux. […] Votre sentiment de la justice s’indigne, les entrailles de votre pitié s’émeuvent à la pensée de tout ce que la terre boit chaque jour de pleurs et de sang.
Baptisée du sang du martyr, touchée de la grâce, elle reparaît sur la scène pour déclarer à son père qu’elle est chrétienne et veut mourir comme Néarque, comme Polyeucte : Je vois, je sais, je crois, je suis désabusée ! […] Je ne vois que des tours que la cendre a couvertes, Un fleuve teint de sang, des campagnes désertes, Un enfant dans les fers. […] À d’illustres parents s’il doit son origine, La splendeur de son sang doit hâter sa ruine ; Dans le vulgaire obscur si le ciel l’a placé. Qu’importe qu’au hasard un sang vil soit versé ? […] Dans l’infidèle sang baignez-vous sans horreur.
Avec le sang de mes colombes il a ensanglanté mes jupes.
Elle écrivait alors de Nohant à une de ses amies : « Vous croyez que je bois du sang dans des crânes d’aristocrates ?
Pour le moment, Dieu, qui nous a éprouvés jusqu’au sang et aux larmes, soutient miraculeusement notre vie avec ses blessures inguérissables. — Le doux soleil, la croyance, l’amour des miens !
… J’écris une longue épître à l’Empereur pour lui expliquer tous les motifs de ma démarche… Je n’ai pas besoin de vous dire où je vais ; le souverain généreux qui m’a donné asile en 1 810 doit disposer dès aujourd’hui de la dernière goutte de mon sang.
Qu’il y a loin des vers au fils unique de Louis XIV : Noble sang du plus grand des rois, Son amour et notre espérance, etc.
Quoi qu’il en soit, cette indifférence du siècle se révéla comme fait capital à M. de La Mennais, et il résolut de la contrarier par toutes les faces, de secouer de terre sa lâcheté assoupie, de l’insulter dans l’arène, comme on fait au buffle stupide, de la toucher au flanc de la pointe de cette lance trempée au sang du Christ.
Il est un peu comme ces généraux qui n’emportent la moindre position qu’en prodiguant le sang des troupes (c’est l’encre seulement qu’il prodigue) et qu’en perdant énormément de monde.
Il voyait avec chagrin que les princes du sang et les grands-officiers remplissaient la chambre du roi, et qu’ils ne la quittaient pas, empêchant Mme Dubarry d’y arriver.
La vertu devient alors une impulsion involontaire, un mouvement qui passe dans le sang, et vous entraîne irrésistiblement comme les passions les plus impérieuses.
Toujours est-il que chez les continuateurs de Chrétien l’incompréhensible Graal devient le vaisseau où fut recueilli le sang de Jésus-Christ.
Il est prêtre enfin, c’est-à-dire (pesez bien les mots et tâchez d’en concevoir tout le sens : ils sont étranges et stupéfiants) ministre et représentant de Dieu sur la terre, choisi et consacré par lui pour distribuer ses grâces aux autres hommes par les sacrements, investi du pouvoir exorbitant de changer du pain et du vin au corps et au sang de Dieu lui-même.
Vous entrevoyez ici les légataires idéals, substitués à la filiation directe ou par le sang.
Enfin, Berne, qui jusqu’alors avait ouvert ses murs à tous ses ennemis, se réconcilie avec lui, chasse Boisée, un de ses plus ardents contradicteurs, et scelle du sang d’un autre, Gentilis, un traité de confédération avec Genève.
Un de ces enfants perdus, Lamettrie, justifiait l’athéisme, définissait le remords une faiblesse d’éducation, faisait sortir l’homme du limon de la terre comme un végétal, qualifiait le vol de vice, le vice et la vertu d’effets du sang ; donnait à la vie pour but suprême le bonheur par les sens, par l’opium, le rêve ou la folie, et pour fin le néant.
Bernard bondit sous l’insulte, tous les ressentiments qu’il étouffe depuis si longtemps éclatent dans un transport indigné. « Vous calomniez, cela devait être, car vous avez du sang qui ment dans les veines.
. — Non, me dit-il,-c’est du sang de ces coquins… Et jusque dans cette satirique Histoire des Gaules, il nous le représente ainsi : Le prince Tiridate (le Grand Condé) avait les yeux vifs, le nez aquilin et serré, les joues creuses et décharnées, la forme du visage longue, et la physionomie d’une aigle 34 les cheveux frisés, les dents mal rangées et malpropres ; l’air négligé, et peu de soin de sa personne, la taille belle.
(André Chénier) fut un des cinq ou six que ni la frénésie générale, ni l’avidité, ni la crainte, ne purent engager à ployer le genou devant des assassins couronnés, à toucher des mains souillées de meurtres, et à s’asseoir à la table où l’on boit le sang des hommes.
Ç’a été une douleur au cœur, et le sang si fort à la tête que je craignais à tout moment de tomber.
Je ne suis plus protégé contre le pouvoir public à titre de prince du sang, de seigneur, de parlementaire, de bourgeois, comme possédant tel nom, ayant acheté telle charge, jouissant de telle immunité, ayant été gratifié de telle charte.
Mais lorsqu’on le lit de sang froid, on ne sauroit se dissimuler que son Poëme, à le prendre à la rigueur, n’a ni commencement ni milieu ni fin.
L’idée écrite, livre ou journal, est le sang qui circule et porte partout la vie.
Enfin, sans comparer spécialement à telle ou telle fraction de la littérature indo-européenne, nous aurons à mettre en regard des procédés généraux communs de celle-ci les procédés indigènes ci-après : La croyance à la voix du sang.
Nous sommes des familles diverses, mais alliées, parentes, où circule un même sang, et souvent nous avons dans l’âme, à notre insu, ce que nous contredisons dans des âmes voisines.
Imaginez un être incarnant un rêve énorme et constant, vivant une perpétuelle ivresse débordante ; non pas un rêve inconsistant et trop loin de la terre pour s’y mêler, mais un rêve modelé dans la chair et nourri du même sang, un rêve puissamment lié aux choses vitales, animé du souffle de la vie totale, « où grondent les sèves et s’élaborent les germinations splendides »40 et vous entreverrez le poète.
Ce jeune Shelley, mélancolique ennemi d’une société où il était né heureux et riche, et où il vivait libre, ce poëte sceptique qui, sur le registre des moines hospitaliers du mont Saint-Bernard inscrivait ironiquement son nom de visiteur, en y ajoutant l’épithète Ἄθεος, dans son rêve du passé et sa folle anticipation de l’avenir, faisait, sous le titre antique de Promet fiée délivré, une sorte de dithyrambe pour l’âge de raison de Thomas Payne, vaine tentative méditée par des esprits faux, dès l’abord noyée dans le sang par des furieux, stérilement reprise par des plagiaires insensés, et dont l’apparente menace ne sert qu’au pouvoir absolu, qu’elle arme d’un prétexte étayé sur la peur publique !
La guérison ou du moins le soulagement d’atroces épreuves leur vient d’une application continue à une tâche positive, d’une soumission quotidienne à de très petits devoirs, mais ennoblis, mais interprétés, mais ordonnés par une discipline d’habitudes religieuses dont Balzac a donné la loi mécanique, quand, à propos des Frères de la Consolation, il résume ainsi le secret de leur énergie : « La concentration morale des forces, par quelque système que ce soit en décuple la portée. » Ce système de concentration bienfaisante, nous l’avons en France, sous une forme intimement mêlée à notre caractère national, à nos traditions séculaires, à notre langue et à notre sang : c’est notre Eglise. […] Ce que ses lettres de jeunesse nous montrent, c’est l’énergie avec laquelle il avait adhéré aussitôt à une thèse mêlée dans son sang, on peut le dire, à toutes les hérédités d’une vieille famille de bourgeoisie terrienne. […] Elle reçut sa religion, non comme une leçon, une cérémonie, mais dans la forme populaire et naïve d’une belle histoire de veillée, comme la foi simple d’une mère… Ce que nous recevons ainsi avec le sang et le lait, c’est chose vivante et la vie même. […] L’abus de l’esprit latin, ce besoin de reproduire, jusqu’à la fausser par excès de servilisme, l’administration romaine, n’a pas détruit l’instinct d’indépendance propre au sang celtique et au sang germanique, ces deux autres éléments dont est issue notre race.
Et s’il arrivait, malheureusement pour vous, que l’ouvrage que vous venez de publier produisît cet effet, qu’il y eût un seul coup de poignard de donné, un seul de vos concitoyens d’égorgé, Rousseau, je vous connais ; vous verriez sans cesse le sang de ce citoyen couler ; le cadavre de l’infortuné serait sans cesse sous vos yeux, et vous péririez de chagrin ! […] Monsieur et cher maître, je sais bien que quand une bête féroce43 a trempé sa langue dans le sang humain, elle ne peut plus s’en passer ; je sais bien que cette bête manque d’aliment, et que, n’ayant plus de Jésuites à manger, elle va se jeter sur les philosophes. […] Il me semblait n’avoir plus mie goutte de mon sang qui m’appartînt. […] Ils sont connus pour des hommes de sang, des brigands capables de se porter aux plus effroyables extrémités. […] Le fanatisme, cette sombre fureur qui s’est allumée dans l’âme de l’homme à la torche des enfers, et qui le promène l’œil égaré, le poignard à la main, cherchant le sein de son semblable pour en faire couler le sang et la vie aux yeux de leur père commun.
IV Cependant il avait échappé aux dangers de la révolution ; le 9 thermidor et le 18 brumaire avaient tari le sang et ramené l’ordre, quand Bernardin, veuf de mademoiselle Didot et père de deux enfants, nommé membre du premier Tribunat national, comme le premier écrivain de sentiment de la France et investi d’une considération immense et d’une aisance due à son logement du Louvre, à ses opérations littéraires, à ses pensions, éprouva le désir d’assurer une seconde mère à ses enfants. […] Robespierre, qui cherchait à couvrir le sang qu’il versait du manteau de la philosophie, sachant que je demandais à son comité la restitution d’une pension, mon unique revenu, me fit dire qu’il n’y avait point de fortune où je ne pusse prétendre, si je voulais représenter sa conduite comme le résultat d’une mesure philosophique.
Ce ne fut donc pas seulement ardeur du sang ; Louis XIV aima sérieusement, jusqu’au sacrifice. […] Louis XIV eut à entendre de sévères paroles sur « ces victoires et ces conquêtes qui remplissent ici-bas la vanité des histoires, auxquelles on élève des monuments pompeux pour en éterniser le souvenir, et qui ne seront regardées, au jour du jugement, que comme des agitations stériles ou le fruit de l’orgueil et des passions humaines255. » Il se vit représenter les malheurs que ses fautes, avaient en grande partie suscités ; des batailles perdues lors même que la victoire paraissait assurée ; des villes imprenables tombées à la présence seule des ennemis ; un royaume, le plus florissant de l’Europe, frappé de tous les fléaux que Dieu peut verser sur les peuples dans sa colère ; « la cour remplie de deuil, et toute la race royale presque éteinte : malheurs singuliers que Dieu préparait à Louis XIV pour purifier les prospérités de son règne256. » Il eut à se reconnaître dans la peinture de ces guerres « où l’on voit les disciples de celui qui vient apporter la paix aux hommes, armés du fer et du feu les uns contre les autres ; les rois s’élever contre les rois, les peuples contre les peuples ; les mers, qui les séparent, les rejoindre pour s’entre-détruire ; chacun voulant usurper sur son voisin, et un misérable champ de bataille, qui suffit à peine pour la sépulture de ceux qui l’ont disputé, devenir le prix des ruisseaux de sang dont il demeure à jamais souillé257. » Massillon, devant ce roi plus que sexagénaire, parlait déjà le langage sévère de l’histoire.
Il dépeignit en praticien, doublé du littérateur, unissant la couleur à la crudité, les fièvres des sens, les réveils du sang, les prurits de la chair on la sentait frissonner et palpiter sous sa plume. […] Si Nana est le produit de quatre générations d’ivrognes et de buveurs d’absinthe ayant, par leur intempérance et l’absorption d’une boisson traîtresse, contracté et légué l’horrible maladie, Nana ne peut avoir dans les veines qu’un sang appauvri et vicié elle doit être la triste victime de l’inexorable loi de l’hérédité, la transmission pathologique étant bien plus certaine que la transmission morale.
Lui-même sent battre dans ses veines un sang royal et il fait appel à la noblesse de la Diète de Pologne pour qu’elle épouse sa cause. […] Traiter Hypérion de « monument d’architecture cyclopéenne en vers » est assez mauvais, mais l’appeler un « Stonehenge de réverbération » est absolument détestable, et nous n’en savons guère plus long sur la Veille de la Saint Marc quand nous apprenons que la simplicité en est « pleine de sang et singulière ». […] Ainsi se fait-il, quand une face divinement belle se dévoile devant vos yeux nous montrant une femme d’une indicible beauté : Et le sang court plus vite, et l’esprit bondit, et le désir d’adorer fait fléchir les genoux dociles, et le souffle s’arrête de lui-même. […] tandis que Février, c’est la « Vraie Déméter », et éclaboussé du talon au genou du riche et chaud sang de la vigne il arrive tout radieux à travers les bois jaunissants. […] La victime est retrouvée « contusionnée et couverte de sang parmi les débris des pots à fleurs » par un policeman comique.
L’injure, le sang, l’orgie, voilà la pâture où se rua cette populace de nobles. […] V Au sortir de ce sang, ils couraient à la débauche. […] Son sang s’émeut alors, un flot de fureur lui monte à la face, et il lui crie tout bas d’une voix sifflante : « Ah ! […] Il rentre enfin « couvert de sang et de boue », grondant comme un dogue, les yeux gonflés, rouge, appelant sa nièce salope et sa femme menteuse.
En deux bonds, je fus près de l’homme… je l’appelai ; il ne bougea pas… Ma balle lui avait traversé le cou, au-dessous de l’oreille, et le sang coulait d’une veine rompue avec un bruit de glou-glou, s’étalait en marge rouge, poissait déjà à sa barbe… Je lui tâtai la poitrine à la place du cœur : le cœur ne battait plus… Alors, je le soulevai davantage, maintenant sa tête sur mes genoux, et, tout à coup, je vis ses deux yeux, ses deux yeux clairs, qui me regardaient tristement, sans une larme, sans un reproche, ses deux yeux qui semblaient vivants ! […] C’est, par exemple, en moi, dans le moment où j’écris, tout un chaos de perceptions, bruits de voix, roulements de voiture, coups sourds de marteaux sur l’enclume, et la palpitation du sang aux tempes, l’afflux de mille sensations de bien-être ou de malaise, et ma pensée courant au travers, toute à sa tâche de réflexion. […] Malot prendrait toute une page : Zyte, Micheline, Les Millions honteux, Ghislaine, Le Sang bleu, Le Lieutenant Bonnet, Une belle-mère, Clotilde Martory, Sans famille, Madame Obernin, etc.), pour la langue, qui est chez M. […] Jules Mary écrit cette phrase : « On eût dit que l’occupation des Flandres par les Espagnols, mêlant le sang des deux races, revivait tout à coup en lui par-dessus les générations », s’exprime-t-il beaucoup mieux que M.
il paraît que la salle n’est remplie tous les jours, pour « ces soupers de l’esprit où Shakespeare donne à manger sa chair et à boire son sang », que de gens qui ont des échéances difficiles, d’ouvriers qui ne sont pas sûrs de dîner le lendemain, et de poitrinaires condamnés. […] Mais tous ces personnages romantiques qui se trémoussent en dix volumes on ne sait pourquoi, qui n’ont ni vraie passion, ni vraie vie, tous ces batailleurs, qui vivent de sang, d’amour et d’eau fraîche, m’ennuient, je veux la vérité avant tout, « Rien n’est beau que le vrai, etc. » dit Boileau, et c’est une des rares fois qu’il a raison. […] Après s’être bien étonnés de l’homme qui marche la tête en bas, ils songent que le sang lui descend vers le cerveau et que ce système est malsain. […] il paraît que la salle n’est remplie tous les jours, pour « ces soupers de l’esprit où Shakespeare, donne à manger sa chair et à boire son sang », que de gens qui ont des échéances difficiles, d’ouvriers qui ne sont pas sûrs de dîner le lendemain, et de poitrinaires condamnés.
lecteur voudra-t-il m’accompagner cette fois en haut du boulevard Saint-Michel, là où cette artère principale du quartier Latin, proprement dit, perd son sobriquet de Boul’ Mich’, pour rentrer dans le calendrier honnête et poncif et pénétrer avec moi dans un hôtel — que d’hôtels, bon sang ! […] On me découvrit quelque chose, on me traita par l’iodure de potassium qui détermina une ébullition, un bouillon de mauvais sang et d’« humeurs peccantes » (ils appellent plus terriblement que dans Molière, aujourd’hui nos bons médecins qui sont les mêmes que ceux du grand siècle, car je suis sûr qu’au fond Fagon et ses confrères en savaient plus long que leur latin de cuisine, de même ceux-ci sont évidemment au-dessus des mots dérivés du grec, qu’ils emploient, comme microbes et du latin, aussi, bacilles, etc.). […] A, noir corset velu des mouches éclatantes Qui bombillent autour des puanteurs cruelles, Golfes d’ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes, Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles, I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles Dans la colère on les ivresses pénitentes. […] Comme elle sortait, escortée de ses gardes, elle s’écria subitement dans un mouvement de fierté : — Au moins j’ai du sang.
Qu’aurait servi le bois de tant de sang lavé ? […] Son amour est si fort qu’elle a besoin d’exciter sans cesse en elle la représentation de son père mort, de ses plaies, de son sang, de tous les objets sensibles qui sont joints à l’idée de son devoir : c’est un moyen, comme on dit, de se fouetter, de produire en soi de la force pour l’action obligatoire et voulue. […] toujours du sang et toujours des supplices ? Je veux me faire craindre et ne fais qu’irriter… Et le sang répandu de mille conjurés Rend mes jours plus maudits, et non plus assurés. […] Léo Claretie, qui vient de consacrer à Le Sage romancier un livre exact et bien informé21, montre qu’il a du sang de romancier dans les veines : en deux coups de crayon, il vous met un personnage sur ses pieds, et je voudrais que Le Sage eût esquissé quelques paysages d’Espagne dans le goût de la vue de Sarzeau qui est à la première page de l’étude de M.
C’est ainsi qu’il faut avoir dans les veines le plus pur sang de littérature pour engendrer Zôhar ou Grande Maguet, ou la Femme-enfant, de l’admirable poète qu’est M. […] Ce besoin de l’exactitude, le naturalisme nous l’a mis dans le sang : tels son rôle et son bienfait. […] Et les deux mouvements littéraires auront fait chacun leur besogne : le romantisme aura infusé du sang neuf dans l’anémie de la langue de la Restauration ; le naturalisme aura remplacé l’humanité de dessus de pendule du romantisme par de l’humanité d’après nature. […] Nul de nous n’est jusqu’ici parvenu à purger complètement son sang du virus romantique héréditaire. […] Ayant entendu célébrer l’exemple unique en littérature de la collaboration des Goncourt, frères par le sang et frères par l’esprit, Rosny, sans doute, n’a pas voulu qu’il fût dit que quelque chose de rare et de difficile lui était impossible à réaliser… Et il y a aujourd’hui les Rosny, comme il y a les Goncourt !
On n’a pas dans les veines une goutte de sang parisien, si l’on ne comprend le pacifique Brossette, qui ne les pouvait lire sans devenir ligueur à l’excès. […] Que veut dire, par exemple, « un soleil noyé dans son sang qui se fige » ? […] Saint-Simon fit le saut périlleux, et mêla, sans scrupule, le sang de Charlemagne à celui de M. […] À la seule idée que la royauté puisse subir en France un joug semblable à celui de la Chambre des communes, le sang lui monte au visage. […] Il y a mille têtes et, pour les accentuer, mille turbans divers ; une seule trahit le sang de dix races.
Aussi, comme tous ceux qui ont des idées contradictoires, cherche-t-il la synthèse et il sue sang et eau pour trouver une méthode de conciliation. […] C’est dans les larmes et le sang que s’enfante un monde nouveau. […] Houssaye nous la montre comme éventrée et agonisante en 1815, comme rajeunie et pleine d’une sève puissante et d’un sang généreux dès 1820, et il conclut qu’il n’y a jamais lieu de désespérer d’un tel peuple « qui, depuis dix siècles, est allé de résurrections en résurrections ». […] Qualité morale de la noblesse de sang et de race et qui fait se ressembler en tous points la femme la plus répandue dans le monde élégant et la pauvre fille qui n’a jamais quitté la tourelle de son château de province.
Il semble que le sang soit devenu pour tous, bourreaux et victimes, l’hysope purificateur, et que chacun lui dise : Lavabis me et mundabor. […] Mais ne l’interrogez pas sur les grandes questions : il vous dirait peut-être que madame Roland était « un mauvais bas-bleu éclaboussé de sang ! […] Savez-vous que nous détenons le bien de l’innocent, l’héritage de sang ? […] Jules Favre, son dernier défenseur, fait la triste énumération : « La mère de Lesurques est morte folle ; sa femme, après avoir perdu momentanément la raison, a succombé à ses fatigues et à ses chagrins ; son fils a trouvé la mort sur le champ de bataille, en cherchant à reconquérir avec son sang la réhabilitation de son père ; sa fille n’a pu supporter un mot de doute sur son innocence, et a préféré une mort volontaire à l’anéantissement de l’œuvre de toute sa vie. » Ajoutez à cela la misère pendant de longues années, suite de la confiscation totale et illégale des biens du condamné, dont une portion seulement fut restituée en 1825. […] Son parfum de Rome n’est ni cet arome subtil de la mort qui s’échappe des urnes brisées que tient encore dans ses mains débiles la Niobé des nations, ni l’odeur de sang qui s’élève de ses amphithéâtres en ruine, sang que les barbares, nos pères, ont si bien vengé, ni même l’émanation pénétrante et suave de l’épouse mystique du Cantique des cantiques : Odor vestimentonim tuorum sicut odor thuris, sponsa… C’est un mélange à la fois irritant et fade de l’odeur de bouquins d’histoire ecclésiastique, de vieil encens laïque, de journaux sortant de la presse, de chair d’hérétiques brûlés, et enfin de cette boue du ruisseau de Paris dont M.
La sotte aventure dont vous parlez dans votre dernière lettre m’a forcé à des courses et causé des insomnies et des inquiétudes qui m’ont enflammé le sang. […] Louis XIV est mort détesté, humilié, ruiné ; Philippe V, mélancolique et à peu près fou ; les subalternes n’ont pas mieux fini ; et puis voilà à quoi aboutit une suite d’efforts, du sang répandu, des batailles sans nombre, des travaux de tout genre ; et l’homme ne se met pas une fois pourtant en tête qu’il ne vaut pas la peine de se tourmenter aujourd’hui quand on doit crever demain. […] Je voudrais qu’on pût empêcher mon sang de circuler avec tant de rapidité, et lui donner une marche plus cadencée ; j’ai essayé si la musique pouvait faire cet effet : je joue des adagio, des largo, qui endormiraient trente cardinaux.
De là vient, d’abord, cette vigueur de sa constitution physique, où l’on sent les richesses d’un sang jeune et les ressources inépuisables d’une nature intacte. […] Ils laissent s’égayer ceux qui vivent un temps, Mais les festins humains qu’ils servent à leurs fêtes Ressemblent la plupart à ceux des pélicans ; Quand ils parlent ainsi d’espérances trompées, De tristesse et d’oubli, d’amour et de malheur, Ce n’est pas un concert à dilater le cœur, Leurs déclamations sont comme des épées : Elles tracent dans l’air un cercle éblouissant, Mais il y pend toujours quelque goutte de sang. […] Ses yeux étaient noyés de pleurs ; Comme les anges de douleurs, Il était couronné d’épine ; Son luth à terre était gisant, Sa pourpre, de couleur de sang, Et son glaive, dans sa poitrine.
L’orateur Calvus, chez les anciens, nous est représenté comme atteint de cette superstition qui le faisait ressembler à un malade imaginaire : pour trop craindre d’amasser du mauvais sang, on se tire des veines le plus pur et le meilleur. — Il compare encore ces écrivains uniquement élégants, qui prennent tant de peine aux mots, aux nombres, et si peu à la pensée, à ceux « qui s’amusent à cribler de la terre avec un grand soin pour n’y mettre ensuite que des tulipes et des anémones » ; belles fleurs, il est vrai, agréables à la vue, mais de peu de durée et de nul rapport.
Du Bellay n’hésite pas à nous faire voir le revers misérable de toute cette pompe et de tout cet orgueil qui s’étalait aux yeux et qu’il perce à jour : Quand je vois ces Messieurs, desquels l’autorité Se voit ores ici commander en son rang, D’un front audacieux cheminer flanc à flanc, Il me semble de voir quelque divinité ; Mais les voyant pâlir lorsque Sa Sainteté Crache dans un bassin, et d’un visage blanc Cautement épier s’il y a point de sang, Puis d’un petit souris feindre une sûreté : Oh !
La noblesse, celle du sang royal surtout, marquait au front ses élus d’un signe qui ne semblait pas appartenir à la race d’Adam.
. — Dans l’hallucination maladive, le cordon tire encore, mais son effort est vaincu par la puissance plus grande des sonnettes ; et diverses causes, l’afflux du sang, l’inflammation du cerveau, le haschich, toutes les circonstances qui peuvent rendre les hémisphères plus actifs, produisent cet accident ; le tiraillement des sonnettes, plus faible à l’état normal que celui du cordon, est devenu plus fort, et l’équilibre ordinaire est rompu, parce qu’une des fonctions qui le constituent a pris un ascendant qu’elle ne doit pas avoir.
Decazes, favori de Louis XVIII, d’avoir trempé dans l’assassinat du duc de Berry : — Le pied lui a glissé dans le sang !
Autour du grand homme se formait un petit groupe d’amis discrets et dévoués : Fontanes, pur et froid poète, Joubert645, penseur original et fin, tous les deux utiles conseillers, sans envie et sans flatterie ; et puis ces femmes exquises, dont Chateaubriand humait le charme, l’esprit, l’admiration, faisant passer ces « fantômes d’amour » à travers son ennui, sans se douter assez que c’étaient là des êtres de chair et de sang qui le berçaient dans leur angoisse : Mme de Beaumont, Mme de Custine, Mme de Mouchy.
C’est la vertu de notre nourriture, c’est la force de notre sang qui nous arrête au moment de commettre une mauvaise action littéraire.
Ces images sont le plus souvent des effets du sang, des fumées qui montent au cerveau.
Il en est d’autres chez qui la promptitude de l’esprit est un effet de la chaleur du sang.
Le Saint-Graal était une coupe remplie du sang sorti de la blessure que le Christ reçut sur sa croix.
Si l’on remarque que les centres sensitifs sont diversement affectés par les mêmes stimulus, qu’un courant électrique cause des sensations sapides au goût, odorantes à l’odorat, auditives au nerf acoustique, lumineuses au nerf optique, tactiles au nerf du tact ; si l’on remarque que des narcotiques, introduits dans le sang, causent des effets analogues ; de ces faits, et de bien d’autres, on conclura que la sensation dépend des centres et non des stimulus externes ; que l’impression doit devenir sensation.
C’étaient des élancements qui ressemblaient à des envolées d’oiseau blessé, en même temps que sur sa figure apaisée, aux yeux congestionnés de sang, au front tout blanc, à la bouche entr’ouverte et pâlement violette, était venue une expression qui n’était plus humaine, l’expression voilée et mystérieuse d’un Vinci.
Pour que les meurtriers disparaissent, il faut que l’horreur du sang versé devienne plus grande dans ces couches sociales où se recrutent les meurtriers ; mais, pour cela, il faut qu’elle devienne plus grande dans toute l’étendue de la société.
Certes, elle était fort capable de tremper son gant de Suède dans le sang d’un assassinat, elle qui n’avait vécu que de trames, de complots et de trahisons ; mais enfin, cette abominable gloire, elle ne l’a pas plus que toutes les autres.
À cette époque-là, tout le monde fut frappé, en lisant le très beau récit de Michelet (car il est très beau), de l’insistance curieuse et troublée avec laquelle l’historien s’arrêtait sur le secret qui devait rester entre la jeune fille et Dieu, sur le mystère humain du virginal Archange dont le sang de la femme n’a jamais, dit-on, terni la splendeur.
La nourrice, c’est une Bretonne, petite avec des sabots à talons hauts, coiffée d’une coiffe à deux ailes rondes et plissées comme un cyclamen, une de ces filles des côtes qui ont le sang léger et le cœur aussi.
Il est du sang de Vercingétorix. […] Et lui : « Sur la bouche de la prophétesse, j’ai bu le feu sacré de Bélen ; le sang des dieux a passé dans mes veines ; maintenant je puis donner à la Gaule une âme nouvelle et vaincre en mourant ! […] Puis elles déchirent les cadavres des naufragés et leur sucent le sang. […] Marie-Dorothée a dans les veines, par mégarde et par bonheur, une goutte de sang napoléonien. […] Le type idéalisé de ce vif adolescent qui a dans les veines le sang des grands soldats victorieux et qui parvint à l’âge d’homme quand l’épopée était finie.
Le sang de son père, l’empereur sarrasin Desramé, et de ses aïeux bouillonne en lui ; mais s’il veut, comme ceux de sa lignée, porter les armes, en tant que chrétien c’est contre eux qu’il veut lutter et il demande à Guillaume d’aller se battre contre les infidèles. […] Qu’on retourne au paganisme, qu’on écoute le sang païen, qu’on rejette toute influence de l’Évangile : tout le monde héros, et surhomme, comme des philosophes le diront après lui ; redevenir l’homme qui est dieu par la force et la splendeur, sur les débris de l’homme-dieu par solidarité et résignation. […] Mauvais Sang). […] Je regrette les temps où la sève du monde, L’eau du fleuve, le sang rose des arbres verts Dans les veines de Pan mettaient un univers. […] E, candeur des vapeurs et des tentes, Lance des glaciers fiers, rois blancs, frisson d’ombelles ; I pourpre, sang craché, rires des lèvres belles Dans la colère ou les ivresses pénitentes.
Le puissant agaric, qui du sang épanché Arrête les ruisseaux, et dont le sein fidèle Du caillou pétillant recueille l’étincelle. […] … Sinon vous ne mangerez cette lamproye dignement avec son sang, duquel est faite la bonne sauce, c’est à sçavoir le mérite de la passion… Par le safran qui doit estre mis en tous potages, sauces et viandes quadragésimales, s’entend la joie de paradis, laquelle nous devons penser en toutes nos opérations, odorer et assortir. […] » Christine, véritable martyre de l’hystérie, avait des hallucinations de tous les sens, où dominaient les impressions répugnantes et tristes ; de plus, par dévotion, elle se lacérait le corps avec des clous aigus ; elle était couverte de blessures ; son sang coulait : un jour elle donna à Pierre un de ces clous sanglants « tout chaud encore de la chaleur de son sein ». […] Saint Augustin parle des esprits mauvais comme aujourd’hui on parle des microbes : « Ils abusent de notre chair, outragent notre corps, se mêlent à notre sang, engendrent les maladies50. » Ils résident spécialement dans les eaux, dont la nocivité est ainsi expliquée, aussi clairement, en somme, par la liturgie que par la science : il faut que les eaux soient bouillies ou stygmatisées du signe de la rédemption, car les démons redoutent également le feu et la croix. […] Le pain que vous lui offrez, il ne devrait le manger que trempé dans le sang amer de vos veines rompues.
Très liée avec Flaubert, George Sand s’ébahissait de voir le malheureux auteur de Madame Bovary suer sang et eau, crier jour et nuit son martyre, « tourner et retourner deux jours entiers un paragraphe sans en venir à bout », et presser sa malheureuse cervelle pour trouver un mot. […] La lame sortit de la plaie, lancée par un bouillon de sang gros comme le bras. […] Et il fut penché de l’autre côté, et la coupe tomba à lui de la main, (lui) ayant été frappé ; et aussitôt un jet épais de sang humain vint à travers les narines, et promptement (l’) ayant frappée du pied, il écarta de lui la table et renversa les mets à terre ; et le pain et les viandes grillées furent souillées. […] Il tomba à la renverse et la coupe s’échappa de sa main inerte, et un jet de sang sortit de sa narine et il repoussa des pieds la table, et les mets roulèrent épars sur la terre, et le pain et la chair rôtie furent souillés. […] Vous retrouvez chez lui : « Le sang de Jésus a inondé nos têtes, (Innundaverunt aquae super caput meum) « Versez des larmes avec des prières (Effundo orationem meam) et surtout l’incessant emploi des substantifs bibliques, que nous avons souvent signalés : « Nos ignorances (ignorantias meas), les profondeurs de Satan » (altitudines Satanae).
Le Romantisme lui donne de l’humeur, comme jadis la circulation du sang, ou la philosophie de Newton à la Sorbonne ; rien de plus simple, les positions sont pareilles. […] « Beaumanoir, bois ton sang ».
Au feu baptême et mariage, et le marquisat, et l’auguste seing dont votre prédécesseur a daigné honorer notre famille. » Et comme Esmond parlait, il jeta les papiers dans le brasier ; puis, continuant : « Vous voudrez bien, sire, vous rappeler que notre famille s’est ruinée par sa fidélité pour la vôtre, que mon grand-père a dépensé son domaine et donné son sang et le sang de son fils pour votre service, que le grand-père de mon cher lord (car vous étés lord maintenant, Franck, par droit et par titre aussi) est mort pour la même cause, que ma pauvre parente, la seconde femme de mon père, après avoir sacrifié son honneur à votre race perverse et parjure, a envoyé toute sa fortune au roi et obtenu en retour ce précieux titre que voilà en cendres et cet inestimable bout de ruban bleu.
Il faut que l’idéal soit respirable… C’est l’idéal qui a le droit de dire : Prenez, ceci est ma chair, ceci est mon sang. […] Les mauvais, ignorant quel mystère les couvre, Les êtres de fureur, de sang, de trahison, Avec leurs actions bâtissent leur prison ; . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Il est admis en physiologie que le cerveau, pour acquérir une grande activité, a besoin d’être baigné de sang chaud, ce qui exige une respiration aérienne ; de sorte que les mammifères à sang chaud qui habitent les eaux y vivent à quelques égards avec quelque désavantage, comparativement aux poissons.
Dans la Cina, une robuste et véhémente Italienne, l’auteur avait voulu évidemment symboliser l’Algérie future, la nouvelle race, la nouvelle nation, faite de sang latin. […] Barrès lui-même, une pointe extrême de la Lorraine, pareille à cette pointe extrême d’Europe que Du sang évoquait ? […] Cette présence entière, puissante et sombre, de l’amour donne l’être et le sang à Ellénore et rejette Adolphe dans le monde des ombres faibles, rongées par une conscience mauvaise. […] Puis ce fut la guerre, le moment où on sortait de soi de manière plus originale et plus difficile qu’au temps de Du sang, de la volupté et de la mort ou des Nourritures terrestres. […] Il aurait pu, pour le repos des siens, emporter avec lui son affreuse maladie, mais il a fallu qu’avant de mourir il parlât tout juste assez pour la communiquer, comme M. et Mme Lormier, à son sang.
C’est à un degré à peine atténué ce qui se produit dans la somnolence d’une lourde après-midi d’été, quand sans fermer tout à fait les yeux on s’accorde quelques minutes de rêvasserie ; ou bien en wagon, dans cette sorte d’excitation cérébrale un peu trouble que cause la trépidation du train, dans cette demi-fièvre qui brouille et accélère les associations d’idées, qui fait apparaître et disparaître brusquement les images, « comme si l’on avait secoué la boîte à souvenirs de l’esprit22 » ; ou bien encore au coin du feu, après une longue marche par la pluie et le vent, quand on s’engourdit dans le bien-être de la réaction physique, et que l’afflux du sang au cerveau fait reparaître en demi-hallucination les souvenirs de la journée. […] Soient ces lignes de prose : « Le duel reprend ; la mort plane ; le sang ruisselle. […] Soient maintenant ces vers : Le duel reprend, la mort plane, le sang ruisselle. […] Voici une métamorphose caractéristique : « Son beau corps, à la forme élancée, s’était séparé en mille et mille brillantes pierreries ; la vieille, en voulant prendre sa corbeille, l’avait heurté par mégarde, et l’on ne voyait plus rien de la forme du serpent, mais seulement un beau cercle de pierres étincelantes, semées sur le gazon. » De telles images, quel que puisse être leur sens symbolique, ont été évidemment inspirées de ces phosphènes que la circulation du sang sur la rétine fait spontanément apparaître.
Tout ce que j’ai pû faire afin que sa cruauté excitât moins d’horreur, c’est de la donner pour un effet de l’orgüeil, et non pas pour un goût à répandre le sang humain. […] L’honneur, la vérité, le sang des malheureux, rien ne lui a été sacré auprès de son ambition ; et tremblant encore au souvenir du dieu qu’il blasphême, il voudroit, en renversant son temple, et à force d’attentats, se délivrer, s’il étoit possible, de ses remords. […] Dès le premier acte, la Grece, par Oreste, demande à Pirrhus le sang d’Astianax ; et Andromaque est déja réduite au choix de laisser périr son fils, ou d’épouser le fils du meurtrier de son époux. […] Il s’échauffe lui-même de commande ; et comme s’il ne doutoit plus de la rebellion de son fils, il pese déja l’énormité du crime, proteste que malgré l’amour qu’il a pour dom Pedre, l’éclat de sa gloire, ni les droits du sang ne le sauveroient pas de la sévérité des loix ; il appuïe sententieusement sur la fidélité qu’un roi doit à sa parole, jusqu’à dire qu’il n’y a pas à balancer entre les intérêts d’un fils et un devoir aussi sacré.
Je prendrai tout : je suis sans scrupule et sans doute ; Vous, soleil, allumez la clarté de mes dents Et mon sang le plus beau dans mes veines heureuses. […] Pour rendre sensible les commencements ou le terme de l’existence, le cours des journées et des nuits, le bondissement du sang ou de la sève, l’agitation de l’air et des eaux, il y a là des intuitions d’une finesse et d’une puissance insoupçonnées jusqu’alors, un sens miraculeux des symboles, des correspondances et des harmonies. […] Et lorsque, tout dégouttant de sang, il quitte ses sombres fonctions, c’est pour retrouver Élodie que la pensée de tous ces meurtres emplit d’une terreur délicieuse. […] Mais celui-là seul a le droit d’invoquer la vérité et la justice, pour qui chaque parole doit avoir un retentissement éternel, pour qui, de chaque goutte de sang versé, doit naître une source intarissable.
Jamais de repos, sinon lorsqu’on avait un biscaïen dans le corps ou la fièvre jaune dans le sang. […] On cède à la griserie des lourds parfums, tout en désapprouvant la puissance bizarre qui s’amuse à faire des voluptés avec du sang et des larmes. […] Justement, au moment où il soupirait le plus après la fraîcheur de l’Indou-Kousch et la poussière du Turkestan, il trouva un compagnon jeune, décidé, de figure ouverte et de caractère gai — ce qui est indispensable en voyage, — bref, un gaillard solide, désireux d’entreprise et « taillé pour la course », bien qu’il fût prince de sang royal. […] Plusieurs déceptions, un mariage mal assorti, un veuvage précoce, les taquineries d’un beau-père maniaque et acariâtre, une sensibilité vive, une conscience inquiète, l’ardeur d’un sang riche, une foi solide, un sincère désir de perfection, engagèrent de bonne heure, dans des pratiques de dévotion et d’ascétisme, Jeanne-François Frémyot, baronne de Chantal. […] Tout à coup, par une fissure miraculeuse, un souffle salubre entra dans la geôle ; il venait de très loin, nous fouettait le sang et avait un bon goût de neige fondue : c’était le vent glacé et pur des steppes ; il chassa les miasmes, nous donna la force de soulever la pierre du sépulcre.
On devinait là-dessous une protestation indirecte contre toute participation de son fait dans le meurtre du duc d’Enghien, seule accusation en effet qu’eussent à cœur de réfuter la famille et les amis : on ne tient qu’à enlever cette tache de sang ; sur tout le reste on est coulant désormais.
Abel était heureux à la face de ses parents inconsolés, le lendemain de la chute du monde : tandis que le sang d’André Chénier, de Marie-Antoinette et de madame Roland arrosait l’échafaud, l’hymne de ces deux enfants planait et montait au ciel dans le printemps d’avant Thermidor, et de dessus leur piédestal embaumé.
avoir le cœur séparé de soi-mesme, estre maintenant en paix, ores en guerre, ores en trefve ; couvrir et cacher sa douleur ; changer visage mille fois le jour ; sentir le sang qui lui rougit la face, y montant, puis soudain s’enfuit, la laissant pâle, ainsi que honte, espérance ou peur nous gouvernent ; chercher ce qui nous tourmente, feignant le fuir, et néanmoins avoir crainte de le trouver ; n’avoir qu’un petit ris entre mille soupirs ; se tromper soi-mesme ; prusler de loin, geler de près ; un parler interrompu, un silence venant tout à coup, ne sont-ce tous signes d’un homme aliéné de son bon entendement ?
Une lettre de février 93, écrite par elle de Leipsick à Bernardin de Saint-Pierre199, prouve seulement que de grandes douleurs personnelles, la mort d’un père, quelque secret déchirement d’une autre nature peut-être, le climat aussi de Livonie, avaient, durant les quatorze derniers mois, porté dans cette organisation nerveuse un ébranlement dont elle commençait enfin à revenir : « La fièvre qui brûlait mon sang, dit-elle, a disparu ; mon cerveau n’est plus affecté comme il l’était autrefois, et l’espérance et la nature descendent derechef sur mon âme soulevée par d’amers chagrins et de terribles orages.
C’est bien pis pour les princes du sang ; on a vu que leurs domaines sont abonnés et ne payent que 188 000 livres, au lieu de 2 400 000.
Ses mains jointes sont tellement éloquentes par la pression des doigts contre les doigts et par les veines à travers lesquelles on voit circuler le sang brûlant de se répandre pour l’homme, son frère, que, lors même qu’on ne verrait ni le corps, ni les jambes, ni le buste, ni la tête divine, mais que ces mains seules sortiraient de l’ombre, le tableau aurait suffisamment parlé au cœur ; on aurait pleuré, on aurait compris que ces deux mains tendues par l’enthousiasme de l’agonie triomphante étaient assez fortes pour arracher l’aiguillon à la mort et le salut de l’humanité au ciel. — La passion de ces mains est égale à l’objet.
J’essayai de fermer les yeux pour dormir, mais ce fut impossible, monsieur ; plus je fermais mes paupières, plus j’y voyais en moi-même des personnes et des choses qui me donnaient un coup au cœur et des sursauts à la tête : les sbires sortant de derrière les arbres et tirant cruellement, malgré mes cris, sur mon chien et mes pauvres bêtes ; Hyeronimo lâchant sur eux son coup de feu ; le bandit de sbire mort au pied de l’arbre ; Hyeronimo, surpris et enchaîné, conduit par eux au supplice ; mon père aveugle et ma tante désespérée tendant leurs bras dans la nuit pour le retenir et ne retenant que son ombre ; des juges, un corps mort étalé devant eux ; des soldats chargeant leurs carabines avec des balles de fer dans un cimetière ou une fosse, toute creusée d’avance, attendait un assassin condamné à mort ; puis deux vieillards expirant de misère et de faim à côté de leur pauvre chien blessé dans notre cahute de la montagne, puis des ruisseaux de larmes sur des taches de sang qui noyaient toutes mes idées dans un déluge d’angoisses.
Serait-ce parce que leur gloire n’est pas rouge du sang d’autrui, parce qu’au lieu de coûter des larmes à l’humanité elle rayonne, sur elle en bienfaisante lumière ?
Alors retentit dans l’orchestre l’appel désespéré qui a traversé toute l’ouverture, et, au milieu de la tempête renouvelés, apparaît un navire, aux voiles couleur de sang, qui jette l’ancre avec un bruit formidable.
Je crois me rappeler qu’il y a du sang, de la pureté et d’« éloquentes envolées dans l’utopie possible !
» répondait le parterre. « Attendez donc, s’il vous plaît. » Sur quoi, le More allait, dans la coulisse, se munir de la vessie à sang de boeuf, qu’il devait écraser sur la poitrine d’Hédelmone au moment voulu.
Que l’on ajoute encore à toutes ces scènes certains portraits pleins d’ombre et de réticence, dont le plus grand exemple est la silhouette bizarre, sacerdotale et scélérate du docteur Geestemunde, certains ensembles brouillés et confus, la perception subtile du trouble d’une société à la veille d’une émeute, de cet instant des batailles où tout oscille : La ligne de bataille flotte et serpente comme un fil, les traînées de sang ruissellent illogiquement, les fronts des armées ondoient, les régiments entrant ou sortant, font des caps ou des golfes, tous ces écueils remuent continuellement les uns devant les autres… les éclaircies se déplacent ; les plis sombres avancent et reculent ; une sorte de vent du sépulcre pousse, refoule, enfle et disperse ces multitudes tragiques… Enfin que l’on considère cette tendance poussée à bout, que l’on fasse l’énumération de tous ces poèmes douteux où M.
Courtisan de l’envie, il la sert, la caresse, Va dans les derniers rangs en flatter la bassesse, Jusques aux fondements de la société Il a porté la faux de son égalité ; Il sema, fit germer, chez un peuple volage, Cet esprit novateur, le monstre de notre âge, Qui couvrira l’Europe et de sang et de deuil.
le sang des académiciens !
Amour, tu perdis Troie, et c’est de toi que vint Cette querelle envenimée Où du sang des dieux même on vit le Xanthe teint.
Ainsi cette phrase poétique usitée chez toutes les nations, le sang me bout dans le cœur, fut exprimée par un seul mot, στόμαχος, ira, colère.
qu’en veux-tu faire, de ce sang, bête féroce, veux-tu le boire ? […] Deux ou trois mots, passés presque en proverbes : « Le style, c’est l’homme même », et « Le génie n’est qu’une longue patience », — dont le premier doit peut-être une part de sa popularité littéraire à la facilité que l’on a de le tordre en vingt façons ; — deux ou trois pages : la description de l’oiseau-mouche ou du colibri, qui ont cela de particulier d’être extrêmement brillantes sang chaleur ; ou celle encore du cheval, qui est devenue le modèle de l’emphase, de la disproportion des mots avec les choses, de l’éloquence hors de sa place et conséquemment importune ; — enfin quelques historiettes, comme celle de l’habit de velours incarnat ou des manchettes de dentelle que ce grand seigneur de lettres, en son château, passait avant de s’asseoir à sa table de travail, voilà ce que l’on cite en général, et voilà presque tout ce que l’on sait de Buffon. […] On croit en eux, — ce qui est d’autant plus remarquable qu’ils n’ont pas l’air d’y croire eux-mêmes ; — on trouve en eux des « effets », des « beautés », des « profondeurs » que n’ont point tous les autres ; et je me suis laissé conter que, dans le lourd silence de l’étude du soir, après ceux de Baudelaire, ce sont aujourd’hui des vers comme ceux-ci qui charmeraient nos rhétoriciens : Simplement, comme on verse un parfum sur une flamme Et comme un soldat répand son sang pour la patrie, Je voudrais pouvoir mettre mon cœur avec mon âme Dans un beau cantique à la sainte Vierge Marie.
Quoique l’homme de Lettres se dise que de pareils hommes sont nés tels, que leur caractère froid & flégmatique dépend de leur sang, il ne peut s’empêcher d’avoir pour eux cette antipathie qui doit se rencontrer entre des âmes si opposées. […] C’est par cette pitoyable règle des vingt-quatre heures que dans un espace si court de tems, il nous offre trois combats singuliers & une bataille, avec plusieurs autres incidens, & qu’il ôse encore nous laisser entrevoir le futur mariage de Chimène avec Rodrigue teint du sang du père de sa maitresse. […] Il est vrai qu’un Auteur qui sent sa foiblesse & son peu d’invention, taille toujours son drap, comme fait le tailleur, sur le patron consacré : il n’ôse diriger son ciseau au-de-là de la ligne tracée ; c’est toujours la même coupe : cinq actes ou quatre repos ; quinze-cents vers distribués à quatre ou cinq personnages, & du sang répandu vers la fin.
Il n’est pas d’écrivain de valeur que, dans un badinage pervers et un accès d’étourderie froidement jouée, il n’ait bafoué pour le plaisir cruel de lui faire expier, par des pleurs de sang, un succès légitime et populaire. […] Il ne blesse pas, — il pique, — mais il pique jusqu’au sang. […] Ce n’est pas la foi qui l’enflamme, au contact de cette parenté de son esprit, c’est la voix du sang qui le réveille et le pousse à accomplir, lui aussi, sa tâche de démolisseur !
Ils disent en effet que les deux clans sont de sang diffèrent. […] Comment alors les membres de deux clans différents se persuaderont-ils à eux-mêmes, comment exprimeront-ils qu’ils ne sont pas du même sang ? […] Ensuite et surtout, le sang avait une vertu spéciale.
Cependant il n’a pas de sang genevois. […] Amiel se souvint toute sa vie de ce départ ébloui sur l’impériale, du sang riche de son corps, des idées nues dans l’air vif, de la jeune verdure vaudoise entre les cerisiers en fleur, des lilas de la Bourgogne qui, le long de la route de Paris, lui jetaient au visage leur odeur. […] Le sang de ses ancêtres réfugiés parlait, donnant cette consigne : Tout sacrifier à l’indépendance !
Car quels sont ceux qui peuplent les prisons, les bagnes, et dont le sang coule sur les échafauds ? […] Cette routine aveugle d’hommes pleins de vices et de douleurs, et s’attachant à perpétuer dans leurs enfants les mêmes vices et les mêmes douleurs ; cette lâcheté de l’esprit qui pose des principes et qui ne conclut pas ; cette vie égoïste, individuelle, sans force contre les fléaux qui assiègent l’Humanité, sans grandeur, sans variété, sans poésie, bornée au gain, et toujours exposée à la ruine, courant après de sottes distinctions qui ne sont fondées sur rien, pas même sur la naissance, sur la pureté du sang, sur la transmission du courage et de la force par voie de génération : tout cela fera gémir profondément nos descendants sur leurs pères.
Ceux-ci n’iront pas. à leur exemple, s’emplir de viandes et de boissons brûlantes pour inonder leurs veines par un afflux soudain de sang grossier, pour porter dans leur cerveau la stupeur ou la violence ; on les voit à la porte de leur chaumière, qui mangent debout un peu de pain et leur soupe ; leur vin ne met dans leurs têtes que la vivacité et la belle humeur. […] Une large application des découvertes de la physiologie et du principe de sélection pourrait amener la création d’une race supérieure, ayant son droit de gouverner, non seulement dans sa science, mais dans la supériorité même de son sang, de son cerveau et de ses nerfs.
On l’écrase, mais on lui donne des fêtes dionysiales et lénéennes, pour prix de son sang et de ses sueurs.
En ce temps-là, de même que la société était séparée en castes, les genres littéraires se divisaient en nobles et en roturiers ; l’épopée et la tragédie marchaient en tête comme des princes du sang ; l’oraison funèbre avait rang de cardinal ; l’ode et l’élégie suivaient fières et parées comme des ducs et pairs ; le sonnet était bon gentilhomme ; la comédie, quoique bourgeoise, avait par faveur ses entrées à la cour. […] On ne verrait plus couler ni le sang des héros ni les larmes des amants plus douces que leurs baisers. » Adieu du même coup la poésie, la pitié, tout ce qui a été inventé pour consoler du mal de vivre ! […] Honneur au véritable artiste qui sait créer et mettre aux prises des êtres de chair et de sang ! […] Il ne peut s’empêcher de songer que le loisir des heureux du monde est fait de la sueur et du sang des pauvres ; il plaint la misérable destinée des déshérités, des travailleurs, « forçats de la matière ».
Elle s’est formée au milieu des luttes que le sang du peuple a soulevées dans son cœur et dans sa vie, « et si plus tard certains livres firent de l’effet sur elle, c’est que leurs tendances ne faisaient que confirmer et consacrer les siennes ». […] La fraîcheur des eaux, les parfums des plantes, les harmonies du vent circulent dans le sang et les nerfs, en même temps que l’éclat des couleurs et la beauté des formes s’insinuent dans l’imagination. » La nature tout entière passe dans l’homme ; elle lui parle le langage le plus varié. […] Mais je crois que les gens de parti (sincères) doivent changer leurs formules ou s’apercevoir peut-être du vide de toute formule a priori. » Et à Mme Adam, le 15 juin de la même année : « Pleurons des larmes de sang sur nos illusions et nos erreurs… Nos principes peuvent et doivent rester les mêmes ; mais l’application s’éloigne, et il peut se faire que nous soyons condamnés à vouloir ce que nous ne voudrions pas. » Quoi qu’elle en dise, les principes eux-mêmes s’étaient, non pas ébranlés dans le fond, mais modifiés dans l’application. À un jeune enthousiaste qui lui envoyait des poésies politiques : « Merci, répondait-elle ; mais ne me dédiez pas ces vers-là… Je hais le sang répandu, et je ne veux plus de cette thèse : « Faisons le mal pour amener le bien ; tuons pour créer ».
Il en revient plein de sang et de colère, lui, le philosophe ironique et froid, contre le philosophe lyrique. […] On pourrait peut-être réhabiliter la théorie des idées innées, en la révisant soigneusement et en éliminant de son catalogue toutes sortes d’inventions platoniciennes ou chrétiennes, beaucoup trop récentes pour être entrées dans notre sang. […] La prose de Bouvard et Pécuchet n’a plus ni chair ni sang ; il ne reste que l’ossature. » Exactement comme dans celle de Molière. […] Lui, que l’on accusa, d’avoir, avec Ronsard, infecté le français de grec et de latin, il a une telle peur du sang aliène qu’il dit, à propos des mots de science em— puntés au grec : « Ces mots la donques seront en nostre langue comme étrangers en une Cité. » Il conseille de les traduire ou de les expliquer par d’élégantes tournures cicéroniennes. […] Sang— qui lave la honte. — Hénault.
Pour le moment, Dieu qui nous a éprouvés jusqu’au sang et aux larmes soutient miraculeusement notre vie avec ses blessures inguérissables54 — Le doux soleil, la croyance, l’amour des miens !
C’est là que ces neuf lyriques, dont nous ne possédons amplement qu’un ou deux tout au plus, nous auraient offert l’amas le plus exquis de leur butin ; et ces neuf lyriques, les voici tels que les célèbre et les caractérise, dans une épigramme, un anonyme ancien, l’un de leurs successeurs, et tels que l’antiquité tout entière les consacra : « Pindare, bouche sacrée des Muses, et toi, babillarde Sirène, ô Bacchylide, et vous, grâces éoliennes de Sapho ; pinceau d’Anacréon ; toi qui as détourné un courant homérique dans tes propres travaux, ô Stésichore ; page savoureuse de Simonide ; Ibycus qui as moissonné la fleur séduisante de la Persuasion près des adolescents ; glaive d’Alcée qui maintes fois fis libation du sang des tyrans, en sauvant les institutions de la patrie ; et vous, rossignols d’Alcman à la voix de femme121, soyez-moi propices, vous tous qui avez ouvert et qui avez clos toute arène lyrique !
Voir ce qui est dit dans la Satyre même, ou du moins dans le Discours de l’imprimeur, contre les gens du lendemain : « J’en vois d’autres qui n’ont bougé de leurs maisons et de leurs aises, à déchirer le nom du roy et des princes du sang de France tant qu’ils ont pu, et qui, ne pouvant plus résister à la nécessité qui les pressoit, pour avoir eu deux ou trois jours devant la réduction de leur ville quelque bon soupir et sentiment de mieux faire, sont aujourd’hui néanmoins ceux qui parlent plus haut, etc., etc. » 236.
Il y a là une force distincte, si distincte qu’à travers les énormes déviations que les deux autres moteurs lui impriment, on la reconnaît encore, et qu’une race, comme l’ancien peuple aryen, éparse depuis le Gange jusqu’aux Hébrides, établie sous tous les climats, échelonnée à tous les degrés de la civilisation, transformée par trente siècles de révolutions, manifeste pourtant dans ses langues, dans ses religions, dans ses littératures et dans ses philosophies, la communauté de sang et d’esprit qui relie encore aujourd’hui tous ses rejetons.
Ensuite la pensée des jours sans fin que nous avions passés ensemble, depuis que nous respirions et que nous grandissions dans le berceau, dans la cabane, dans la grotte, dans la vigne, dans les bois, sans songer que jamais nous pourrions être désunis l’un d’avec l’autre, et puis ceci, et puis cela, que nous n’avions pas compris d’abord dans nos ignorances, et que nous nous expliquions si bien à présent que nous nous étions avoué notre penchant, contrarié par nous seuls, l’un vers l’autre ; et puis la fatale journée de la coupe du châtaignier, et puis celle de ma blessure par le tromblon du sbire, quand il avait étanché mon sang sur mes bras avec ses lèvres ; et puis ma folie de douleur et ma fuite de la maison sans savoir où j’allais pour le suivre, comme la mousse suit la pierre que l’avalanche déracine ; et puis ma pauvre tante et mon père aveugle abandonnés à la grâce de Dieu et à la charité du père Hilario, dans notre nid vide ; et puis l’espérance que les anges du ciel nous délivreront des pièges de la mort où nous étions pris, tels que deux oiseaux, pour nous punir d’en avoir déniché, les printemps, tant d’autres dans nos pièges de noisetier, quand nous étions enfants ; et puis la confiance de nous sauver de là, plus tard, d’une manière ou d’autre, car les quatre semaines et les quatre jours nous paraissaient si longs, que nous ne pensions jamais en voir la fin.
Son père et ses oncles, qui voulaient violenter sa vocation et qui regardaient la sculpture et la peinture comme des métiers ignobles et mercenaires, indignes de leur sang, gourmandaient et frappaient en vain l’enfant pour le contraindre aux études, selon eux, plus nobles du commerce.
Enfin les passions populaires pénétreront ce corps où circule le sang du peuple, et contribueront à donner aux études une orientation, à la pensée une forme que l’Église n’a pas souhaitées.
Christine de Pisan est toute Italienne de sang : une Italienne vient épouser Louis d’Orléans, et nous donne un poète.
La société n’a pu changer la loi divine de la nature : afin que le sang coule, elle a la guerre, et elle a le bourreau672.
S’agit-il des puissances obscures et fatales de la chair et du sang, instincts, complexion physiologique, hérédité, qui nous gouvernent à notre insu ?
Né d’un vieux sang républicain et très pur ; muni des meilleures « humanités » ; formé à la fois par la fréquentation du monde, par l’étude de l’histoire et de l’économie politique, et par de longs voyages en Amérique et en Allemagne (tout à fait l’éducation d’un homme politique d’outre-Manche, comme vous voyez) ; honnête homme avec raffinement ; très courageux, et du courage le plus allègre ; et, par surcroît, ayant eu l’esprit de n’être pas encore ministre, il m’apparaît, j’ai plaisir à le dire, comme une des grandes espérances de notre pays.
Il pourrait être la meilleure et la plus féconde école, s’il n’était asservi à la triste condition d’être un délassement d’hommes fatigués par la journée et un plaisir facile ne détournant pas le sang des organes de la digestion.
Sans doute il s’agissait pour eux dans la réforme nouvelle, de supprimer la mesure, plutôt que de faire rejaillir sur le rythme le sang rouge de la vie.
Elle suça tout jusqu’à la dernière goutte dans la pauvre humanité : suc et force, sang et vie, nature et art, famille, peuple, patrie ; tout y passa, et sur les ruines du monde épuisé il ne resta plus que le fantôme du Moi, chancelant et mal sûr de lui-même.
Qui eût vu, presque à la même époque, s’élever à peu de distance l’une de l’autre, en Ombrie, la ville des gaulois de Sens, maintenant Sinigaglia, et, près du Vésuve, la ville hellénique Parthénopée, à présent Naples, eût reconnu la Gaule à la grande pierre debout toute rouge de sang, et la Grèce au théâtre.
Quel abîme, par exemple, entre les sentiments que l’homme éprouve en face de forces supérieures à la sienne et l’institution religieuse avec ses croyances, ses pratiques si multipliées et si compliquées, son organisation matérielle et morale ; entre les conditions psychiques de la sympathie que deux êtres de même sang éprouvent l’un pour l’autre75, et cet ensemble touffu de règles juridiques et morales qui déterminent la structure de la famille, les rapports des personnes entre elles, des choses avec les personnes, etc. !
pas que Flaubert, qui n’a pas une goutte du sang de Rabelais dans les veines, osât aborder par le côté bouffon, pour en rire insolemment un peu, la grande figure mortifiée de l’anachorète égyptien.
C’est la méchanceté de ceux qui ne peuvent pas faire couler le sang. — La délation, la lettre anonyme prévenant le mari, sans qu’il y ait aucun intérêt à le faire, c’est une méchanceté, un désir gratuit qu’il se produise un malheur. […] Exemple : Les amoureuses lassées Dorment sur les mols coussins Fleuris — blêmes, prélassées, Du sang aux fleurs de leurs seins. […] — Ailleurs il note un post-scriptum d’une lettre de Bonaparte où celui-ci parle de son sang de Méridional coulant dans ses veines avec la fougue du cours du Rhône. — Ailleurs il se donne comme une vision des approches de la destinée menaçant le grand Empereur : La chance ! […] Quand il entrait dans ces colères enragées où il y avait de la sincérité et de l’affectation, sans qu’il sût, en méridional qu’il était, où commençait l’une et où finissait l’autre, et qu’il criait de tous ses poumons : « J’éventrerai tout, je massacrerai tout, je ferai couler des torrents de sang » (mettez-y l’accent, qu’il ne perdit jamais) ; — la petite reine chantonnait : « Il ne tuera pas une poule ; il ne tuera pas un chat » ; et cela faisait une scène divertissante et familière qui se répandait de bouche en bouche et qui ne nuisait nullement à la popularité de la famille royale. […] Avez-vous, dans la chaleur d’une querelle, dans l’emportement de la colère, porté à une femme, à un enfant, à un domestique, à un ouvrier de ces coups furieux, ou lui avez-vous fait souffrir de sang froid de ces mauvais traitements prolongés qui défigurent le corps, en dérangent l’équilibre, en détruisent la vigueur ?
Du Marsais Articles de l’Encyclopédie Compilation établie à partir de l’édition numérisée de l’ARTFL A A, a & a s.m. (ordre Encyclopéd. Entend.