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55. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre premier. Les sensations totales de l’ouïe et leurs éléments » pp. 165-188

En attendant, il doit, pour bien comprendre la sensation, la séparer de cet accompagnement, laisser de côté tous les appendices que le temps vient souder sur elle, la considérer simple et brute. — Enfin, il faut la distinguer, au moins provisoirement, de l’état du nerf et des centres nerveux qui, par leur ébranlement, la font naître. […] On ne sait pas en quoi consiste la sensation elle-même ; si l’on en considère une, par exemple celle de l’odeur de rose, on la trouve comprise dans l’espèce des odeurs parfumées avec celle de lis, de violette, de musc, et une infinité d’autres. […] On y démêle les sensations élémentaires ; on reconnaît que chacune d’elles comprend un renflement et un abaissement, c’est-à-dire une augmentation et une diminution d’intensité ; on peut remarquer les limites de chacune d’elles ; ces limites ne sont qu’à demi effacées. […] Donc le son qu’elle donne en une seconde, lorsqu’elle est pourvue de toutes ses dents, comprend mille sons pareils, successifs et perceptibles à la conscience. […] Mais, comme on vient de le voir, chacune de celles-ci comprend elle-même au moins deux sensations élémentaires successives, lesquelles, isolées, ne tombent pas sous la conscience et ont besoin, pour être perceptibles, de s’agglutiner deux à deux en un total.

56. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Très agile et très mobile, Sainte-Beuve a traversé tous les milieux, romantisme chrétien, xviiie  siècle sceptique, sciences médicales, saint-simonisme : rien ne l’arrête ; dès qu’il a compris, il échappe. […] Son esprit est plus compréhensif que toute doctrine : il ne veut que comprendre et expliquer ; et comprendre, pour lui, c’est aimer ; expliquer, c’est justifier. […] Je comprends bien pourquoi il y a eu une tragédie française : mais pourquoi l’individu Corneille, pourquoi l’individu Racine ont-ils fait des tragédies ? […] En histoire, Taine a repris le sujet qui avait tenté Tocqueville faire comprendre, par la description de l’ancien régime, de la Révolution, du régime nouveau, ce qu’est la France contemporaine. […] Il n’a pas de prétentions d’historien ni de penseur : mais il utilise l’histoire et il est philosophe, toutes les fois qu’il le faut pour comprendre.

57. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

Riemann, au contraire, appelle de suite la Géométrie à son secours, chacune de ses conceptions est une image que nul ne peut oublier dès qu’il en a compris le sens. […] L’aura-t-on compris même quand, par un effort de mémoire, on sera devenu capable de répéter cette démonstration en reproduisant toutes ces opérations élémentaires dans l’ordre même où les avait rangées l’inventeur ? […] Si vous assistez à une partie d’échecs, il ne vous suffira pas, pour comprendre la partie, de savoir les règles de la marche des pièces. […] Comprendre la partie, c’est tout autre chose ; c’est savoir pourquoi le joueur avance telle pièce plutôt que telle autre qu’il aurait pu faire mouvoir sans violer les règles du jeu. […] Cette vue d’ensemble est nécessaire à l’inventeur ; elle est nécessaire également à celui qui veut réellement comprendre l’inventeur ; la logique peut-elle nous la donner ?

58. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Cela se comprend. […] Il lut et il comprit. […] Savoir sans comprendre, c’est ignorer. […] C’est du jargon, mais leur idée se comprend. […] — Et ne comprendra pas.

59. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

J’ai dit qu’il excellait à ne pas comprendre ; je dois le prouver. […] Si donc l’expérience nous montre que la première de ces phrases, une fois comprise, nous laisse dans notre état normal, au lieu que la seconde, une fois comprise, elle aussi, et même, selon moi, avant qu’on l’ait comprise pleinement, fait passer en nous un certain frisson, le moyen, je vous le demande, d’attribuer ce frisson à la joie que nous procure l’acte de comprendre ? N’ai-je pas aussi bien compris la première que la seconde ? […] N’étant pas sûr de les bien comprendre, je ne saurais les discuter. […] N’essayez pas de comprendre.

60. (1874) Premiers lundis. Tome I « J. Fiévée : Causes et conséquences des événements du mois de Juillet 1830 »

Cette réflexion m’avait frappé avant même qu’on eût proclamé que l’arrivée d’un Bourbon ne nous apportait qu’un Français de plus ; elle a dominé mes pensées dans tous les écrits que j’ai publiés, elle est la seule explication des motifs qui m’ont toujours porté du côté de l’opposition ; aucun parti arrivé au pouvoir n’ayant jamais compris que le salut de la royauté et de nos libertés était dans l’exécution de la Charte, dans le renversement sans pitié d’une administration formée pour l’empire. […] « Sortis des malheurs attachés à la caducité des rois par des événements que nous n’avons pas provoqués, on nous a offert les malheurs d’une minorité que l’instinct du peuple ne comprendrait pas ; et c’est sérieusement que des hommes d’honneur, de bon sens, qui se sont montrés capables de combinaisons politiques, trouvent des paroles qu’ils appellent des principes, et des phrases qui ressemblent à du sentiment, pour nous dire que ce terme moyen entre le passé et l’avenir pouvait suffire à toutes les exigences ! Cela me se comprend pas. […] Deux jours sans direction, le peuple des rues agit de lui-même ; tandis que le peuple des palais, des salons et des Chambres regardait l’action sans pouvoir comprendre comment la force qu’on avait toujours appelée brutale était devenue intelligente sans rien perdre de son énergie, au contraire. […] Trois jours de combat, et les ateliers se rouvrirent avec la certitude d’une longue sécurité ; c’est ce que voulait un peuple qui craint le joug du besoin, mais qui a accepté la nécessité du travail depuis qu’il jouit d’un peu d’aisance et d’un peu d’instruction qui doivent tendre à s’accroître, dès que des habitudes nouvelles lui ont fait comprendre qu’il n’y a rien de plus moral que le travail pour ceux qui ont leur fortune à commencer, et que la vie publique pour ceux dont la fortune est faite. » Après ce qui s’est passé dans les rues, l’auteur de la brochure comprend et indique très-bien ce qui doit se passer dans le gouvernement par rapport à la société.

61. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

Laissez-moi vous interroger, et je comprendrai la sagesse ! […] L’intelligence comprend et pense. […] Si l’âme n’avait que cette faculté de comprendre, elle ne souffrirait pas, elle ne s’agiterait pas, elle n’agoniserait pas dans sa peine, elle ne se tourmenterait pas dans sa prison mortelle ; elle verrait et elle comprendrait ; ou, si elle avait une douleur, elle n’en aurait du moins qu’une, la douleur de ne pas pouvoir comprendre Dieu ; car, excepté Dieu, elle se sent capable de tout scruter, de tout pénétrer, de tout embrasser, de tout comprendre dans l’ordre matériel et dans l’ordre moral des créations. […] L’adorer sans le comprendre encore, c’est notre devoir et notre vertu ! Si nous le comprenions, il n’y aurait plus de vertu, il y aurait évidence.

62. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

On admirait sans comprendre. […] Il ne suffit pas de croire, il faut comprendre. […] Tocqueville ne s’est pas contenté de croire à la démocratie, il a voulu la comprendre, et par là il s’est assuré un nom durable dans la philosophie politique. […] La conséquence de cette tyrannie obscure exercée sur la pensée est une sorte de servilisme nouveau et de courtisanerie démocratique digne d’être étudiée. » Cette servitude d’un nouveau genre peut se comprendre aisément. […] On comprend l’extrême facilité des révolutions dans ces sortes de sociétés.

63. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

On comprend que cette étrange déviation mentale ait influé sur son esthétique. […] Il n’a pas compris dès lors qu’un art nouveau était en train de naître ; et sa merveilleuse sensibilité, sa nature puissante se sont égarées à la défense de théories rétrogrades et d’opinions abolies. […] Et lorsqu’il s’agit d’un homme tel que Carlyle, qui ne comprend l’étrange anomalie d’un tel procédé ?‌ […] Voilà de quelle façon quelques artistes ont compris l’art moderne. […] Ce qu’ils ont été pour l’art contemporain, on le comprendra plus tard, lorsque la mort de ces artistes amènera celle de quelques-uns des préjugés qui s’opposent maintenant à leur gloire.

64. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Tout le monde comprenait. […] Je n’y ai rien compris. […] On ne comprend pas bien ; peu s’en faut qu’on ne comprenne pas du tout. […] — Je comprends, et ce n’est pas difficile à comprendre. […] Nous la comprenons très bien.

65. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

L’individu et la société bien comprise seront d’accord. […] Mais je tâche de comprendre leur nature. […] L’égoïsme bien compris le lui ordonne absolument. […] Pour le moment, je tâche de le comprendre. […] Et la société pourrait aussi, sans renoncer à vivre et à se défendre, comprendre le cas de l’individu.

66. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Il y a eu un public pour comprendre ce qui fait la beauté des Propylées et la supériorité des sculptures du Parthénon. […] On comprit ; on enterra le saint et on bâtit son église en ce lieu. […] On ne comprendra jamais ce qu’il y avait de bonté dans ces vieux Celtes, et même de politesse et de douceur de mœurs. […] On ne comprenait pas, mais on sentait en lui quelque chose de supérieur ; on s’inclinait. […] Je compris l’effet que fit Lakanal quand il revint d’Amérique en 1833 et qu’il apparut à ses confrères de l’Académie des sciences morales et politiques comme un fantôme… Je compris Daunou et son obstination à voir dans M. 

67. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

Quant à ceux qui méprisent la science comme ils méprisent la haute poésie, comme ils méprisent la vertu, parce que leur âme avilie ne comprend que le périssable, nous n’avons rien à leur dire. […] Car le barbare, avec ses rêves et ses fables, vaut mieux que l’homme positif qui ne comprend que le fini. […] Les âmes religieuses et pures les comprennent ; et le philosophe les admire, comme toute manifestation énergique d’un besoin vrai, qui s’égare faute de critique et de rationalisme. […] j’aime ces folies, j’aime ces moines de Ribéra et de Zurbarán, sans lesquels on ne comprendrait pas l’Inquisition. […] Le Moyen Âge, qui assurément entendait moins bien que nous la vie réelle, comprenait mieux à quelques égards la vie suprasensible.

68. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

Spencer a fort bien compris que la classification méthodique des types sociaux ne pouvait avoir d’autre fondement. […] C’est un agrégat social qui ne comprend et n’a jamais compris dans son sein aucun autre agrégat plus élémentaire, mais qui se résout immédiatement en individus. […] On rencontrera d’abord des agrégats formés par une simple répétition de hordes ou de clans (pour leur donner leur nom nouveau), sans que ces clans soient associés entre eux de manière à former des groupes intermédiaires entre le groupe total qui les comprend tous, et chacun d’eux. […] On en connaît au moins un cas ; c’est l’Empire romain, qui comprenait dans son sein les peuples les plus divers de nature55. […] On comprend en effet que les phénomènes sociaux doivent varier, non pas seulement suivant la nature des éléments composants, mais suivant leur mode de composition ; ils doivent surtout être très différents suivant que chacun des groupes partiels garde sa vie locale ou qu’ils sont tous entraînés dans la vie générale, c’est-à-dire suivant qu’ils sont plus ou moins étroitement concentrés.

69. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

Enfin, c’est la nécessité d’être superficiel, pour être plus vite compris ; car les conférenciers sont à l’heure, comme les fiacres. […] et dispense aussi de l’attention qu’il faudrait pour le lire et de la réflexion pour le comprendre. […] Nous sommes les disciples des premières sociétés de l’Église… » ce qui n’est pas facile à comprendre. Je comprends qu’on soit le disciple d’un homme, mais le disciple de plusieurs sociétés n’est pas aussi aisé à admettre, et quand il ajoute, pour être plus clair et pour n’arriver qu’à être plus vague : « de la partie de ce siècle sur laquelle les Apôtres eux-mêmes ont exercé leur direction », je ne comprends plus du tout, ou plutôt je comprends que le protestant Gasparin n’est que le disciple de lui-même, et que sa foi religieuse ne relève que de sa critique, de la partie du siècle dont il se dit le disciple, et de sa propre interprétation… La personnalité protestante du comte de Gasparin est si large, si forte et si absorbante, qu’il n’admet que celle de Dieu vis-à-vis de la sienne. […] la moralité du monde chrétien en proie aux erreurs les plus monstrueuses, — aucun de ces événements, qu’il fallait comprendre, n’a été jugé dans cette histoire au bout de la langue, et dans laquelle tout roule précipitamment et pêle-mêle, emporté par cette idée que l’Église romaine n’est pas la véritable Église, parce qu’elle a eu l’audace de vivre, de s’organiser et de devenir un gouvernement !

70. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Habituons-nous à ne pas confondre ce mot avec le mot d’Allemagne ; l’Allemagne n’est qu’une partie du monde germain ; le monde germain comprend tout ce qui en Europe a conservé pur le sang Aryen. […] Mais lorsque ce désir ne se comprit pas lui-même et rejeta le Sauveur loin de lui, l’action du salut fut donnée au monde entier. […] Alors il se comprit lui-même, il comprit son Wotan, et de la morale de la compassion il déduisit avec Schopenhauer la philosophie esthétique et éthique de l’art et du christianisme, et il créa Tristan et Parsifal. […] Wagner seul comprit que pour qu’il y eût un théâtre allemand vraiment original, il fallait déclarer la guerre à l’autre, et rompre tout lien avec lui. […] Le programme comprenait le premier acte et la scène troisième du troisième acte de la Walkyrie, version de M. 

71. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Et je l’ai aimé davantage, à mesure que j’ai compris quelle rare et forte et originale espèce de chrétien il avait été. […] Il n’aurait rien compris à ce raisonnement que j’ai souvent fait en songeant à la mort : — « Oui, c’est le noir, c’est l’inconnu. […] Nul n’a mieux compris ni exprimé que c’est par l’âme que nous sommes grands et que « c’est de là que nous nous relevons ». […] Et notez bien que vous, je vous comprends, je vous aime, je vous pardonne tout. […] Comprenez donc un peu !

72. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

En ce sens, un mouvement est appris dès que le corps l’a compris. […] On peut encore suivre et comprendre la parole alors qu’on est devenu incapable de parler. […] Autre chose est, en effet, comprendre un mouvement difficile, autre chose pouvoir l’exécuter. […] Mais pour savoir l’exécuter, il faut en outre l’avoir fait comprendre à son corps. […] Nous rapprocherions encore de ces phénomènes les cas si singuliers de surdité verbale ou le malade comprend la parole d’autrui, mais ne comprend plus la sienne.

73. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Il faut comprendre combien la vie déborde l’art pour mettre dans l’art le plus de vie. » L’art pour l’art, la contemplation de la pure forme des choses finit toujours par aboutir au sentiment d’une monotone Maya, d’un spectacle sans fin et sans but. […] Si le réalisme bien compris doit laisser une certaine place aux dissonances mêmes et aux laideurs dans l’art, c’est qu’elles sont la forme extérieure des misères et limitations inhérentes à la vie. « Le parfait de tout point, l’impeccable ne saurait nous intéresser, parce qu’il aurait toujours ce défaut de n’être point vivant, en relation et en société avec nous. […] « Aujourd’hui, nous comprenons qu’il y a une autre manière d’être grand : c’est d’être profondément quelqu’un, n’importe qui, l’être le plus humble. […] Il s’est peint lui-même et il a peint le véritable artiste, en disant : « Pour comprendre un rayon de soleil, il faut vibrer avec lui ; il faut aussi, avec le rayon de lune, trembler dans l’ombre du soir ; il faut scintiller avec les étoiles bleues ou dorées ; il faut, pour comprendre la nuit, sentir passer sur nous le frisson des espaces obscurs, de l’immensité vague et inconnue. […] Nul ne pouvait mieux comprendre cette vérité que Guyau, dont l’âme fut toujours si profondément désintéressée. « Mon amour, dit-il, est plus vivant et plus vrai que moi-même.

74. (1897) L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales

Si nous voulons les comprendre, il nous faut sortir de nous-mêmes, nous mettre à leur école, apprendre d’elles ce qu’elles sont, c’est-à-dire recourir à l’observation et à l’expérimentation. […] L’humanité a trop conscience qu’il y a beaucoup de choses qu’elle ne comprend pas pour se tromper à ce point sur ses propres forces. […] Si pendant ces temps derniers, elle paraît avoir souffert d’un certain discrédit, c’est pour avoir été mal comprise. […] Elle ne peut que nous faire mieux comprendre les préceptes que nous suivons machinalement ou nous aider à les modifier en connaissance de cause, quand il y a lieu, et que des changements sont devenus nécessaires. […] Ils n’ont donc de ce qu’ils attaquent qu’une notion bien confuse Le héros du Disciple, qui a ouvert la campagne il y a environ neuf ans, n’est pas seulement un triste caractère, c’est un médiocre esprit, un mauvais élève qui n’a pas compris son maître.

75. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Et pourtant, si bassement utilitaire qu’on soit, comment ne point comprendre, en de telles heures, qu’une attitude simple et sans défaillance importe mille fois plus que toutes les habiletés procédurières. […] Combien, parmi nos antisémites catholiques, comprendront comme vous les paraboles évangéliques et le « pieux dédain des biens et des richesses » ? […] Je découvre sur le tard que c’est une grande force que de ne pas comprendre. […] Tu es la faculté de comprendre un peu, toujours assez pour sourire, jamais assez pour t’arrêter. […] Il ne comprend pas l’ironie.

76. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Et j’oserai avancer que la perfection de cette forme littéraire exige tant de conditions et de si subtiles, qu’il faut, pour la comprendre et pour la goûter complètement, pour en tirer un autre profit que celui, très banal souvent, d’une anecdote, une intelligence déjà mûre et ornée. […] De nos jours, il y a bien aussi quelques écrivains, et notamment quelques romanciers, qui ont compris le rôle nécessaire, constant et subordonné du décor. […] Le secret est là, et peut-être n’existe-t-il qu’un ou deux maîtres qui l’aient toujours compris, sans jamais subir l’entraînement de ce peintre, brosseur de fresques, aquarelliste ou pastelliste, qui habite aujourd’hui dans l’âme de tout romancier. […] Il est nécessaire d’avoir vécu pour bien comprendre les fictions de la vie. […] Ceux qui ont souffert, ignorants ou savants, comprendront toujours quelque chose aux récits de la vie.

77. (1890) L’avenir de la science « VI »

VI Pourquoi donc la science, dont les destinées tiennent de si près à celles de l’esprit humain, est-elle en général si mal comprise ? […] La littérature, en effet, est bien mieux comprise. […] La légèreté d’esprit, qui ne comprend pas la science, le pédantisme, qui la comprend mal et la rabaisse, viennent également de l’absence d’esprit philosophique. […] Nous la rappelons à sa grande et belle forme, que l’esprit français sait du reste si bien comprendre. […] Comprendrions-nous des séances solennelles et publiques occupées par les lectures suivantes : Sur la nature de la conjonction. — Sur la période allemande. — Sur Les mathématiciens grecs. — Sur la topographie de la bataille de Marathon. — Sur la plaine de Crissa. — Sur les centuries de Servius Tullius. — Sur les vignes de l’Attique. — Classification des prépositions. — Éclaircissement sur les mots difficiles d’Homère. — Commentaire sur le portrait de Thersite dans Homère, etc. 

78. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Mais il n’est pas compris de celle-là même qui l’avait pressenti et appelé. […] Tout cela lui semble un rêve, il n’a rien compris à ce qu’il a vu. […] Il commence à comprendre qu’il a vécu jusqu’à ce jour comme un fou sans mémoire et sans conscience. […] Mais Parsifal a compris que pour mettre fin à la souffrance, il faut en tarir la source. […] Cette phrase, nullement ironique : « Les jeunes hommes comprenaient le Seigneur exactement aussi peu qu’un chien fidèle comprend son maître ; mais ils l’aimaient, l’écoutaient — sans le comprendre — et ils ont fondé une nouvelle Religion. » (p. 118).

79. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre II. Le cerveau chez les animaux »

Elle comprend elle-même plusieurs organes distincts, dont la description serait trop compliquée, et dont il suffira de connaître les noms. […] Je comprends que l’on compare un organe au reste du corps lorsque les fonctions de cet organe ont précisément rapport au corps tout entier : par exemple, le système musculaire ayant pour fonction de mouvoir le corps, si l’on veut en mesurer la force, il faut évidemment comparer le poids des muscles au poids du corps, car c’est dans cette relation même que consiste leur fonction. […] Je comprends et j’apprécie la valeur de cette considération ; mais on voit aussi combien elle jette d’obscurité et d’incertitude sur tout le débat, car tant qu’on n’aura pas spécifié quelle est la partie du cerveau qui exerce les fonctions motrices et sensitives, on ne peut pas s’assurer que cette partie soit plus ou moins grande dans telle ou telle espèce, la taille n’étant elle-même qu’une indication très-insuffisante : de ce qu’un animal est plus gros, il ne s’ensuit pas que son cerveau contienne plus de force motrice qu’un plus petit, ni plus de finesse sensorielle. […] « Le cerveau et le crâne sont étroits et pointus quand l’animal fouilleur doit se servir de son front et de son museau pour creuser la terre ; larges, au contraire, quand il lui faut pour se nourrir, pour voir et pour entendre, une large bouche, de vastes yeux, de vastes oreilles, entraînant le reste du crâne dans le sens bilatéral, développés en arrière, hérissés de crêtes osseuses, lorsque les exigences de l’équilibre ou celles du mouvement nécessitent elles-mêmes une telle forme. » Ajoutons, d’ailleurs, qu’il est difficile de comprendre à priori, comme le fait remarquer avec justesse M.  […] Dans les fonctions mécaniques, la forme a une signification évidente, et on comprend très bien, par exemple, que les dents, selon leur structure, seront propres à broyer ou à couper ; on comprend l’importance de la forme pour « le tube digestif, les leviers osseux ou musculaires des membres, les parties articulaires du coude ou du genou ».

80. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Conséquemment, les groupes aujourd’hui considérables, et qui, en général, comprennent beaucoup d’espèces dominantes, tendent à continuer encore à s’accroître en puissance et en nombre. […] Le lecteur comprendra mieux ce que j’entends, s’il veut prendre la peine de consulter encore la figure du quatrième chapitre. […] Ils y comprennent les monstres ; ils y comprennent les variétés, non seulement parce qu’elles ont d’étroites ressemblances avec la forme mère, mais aussi parce qu’elles en sont issues. […] — En partant des mêmes principes, on comprend aisément quelle importante distinction il faut faire entre des affinités réelles et des ressemblances purement analogiques ou d’adaptation. […] Ainsi nous pouvons comprendre pourquoi les organes rudimentaires sont relativement plus grands chez l’embryon que chez l’adulte.

81. (1865) Du sentiment de l’admiration

Étrange illusion, indigne de vous, digne tout au plus de ceux qui, loin de ces sanctuaires des fortes études, s’imaginent découvrir le goût dans un manuel et se figurent qu’on peut se préparer à sentir et à comprendre le génie ! […] C’est qu’un tel élève a compris le secret des hautes études, ce secret que nous cherchons à vous faire entendre et qu’il vous est trop facile d’oublier. Il a compris le mot profond et définitif de Bossuet : « Malheur à la connaissance stérile qui ne se tourne pas à aimer !  […] Mais pour comprendre de bonne heure que cette recherche platonicienne et surtout chrétienne de l’idéal dans les chefs-d’œuvre de l’art est la fin supérieure des vraies études, il faut bien un peu de cette folie dont je parlais tout à l’heure, folie qui a son nom et l’un des plus beaux noms qui soient ici-bas, l’enthousiasme. […] C’est peu qu’il vous fasse plus intelligents et plus capables de comprendre le beau : il vous rend meilleurs.

82. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre premier. Sujet de ce livre » pp. 101-107

Le troisième et le quatrième étaient autant d’artifices salutaires que permettait la Providence, afin qu’il se formât des philosophes capables de la comprendre et de la reconnaître pour ce qu’elle est, un attribut du vrai Dieu. Nous verrons d’un bout à l’autre de ce livre que tout ce que les poètes avaient d’abord senti relativement à la sagesse vulgaire, les philosophes le comprirent ensuite relativement à une sagesse plus élevée (riposta) ; de sorte qu’on appellerait avec raison les premiers le sens, les seconds l’intelligence du genre humain. On peut dire de l’espèce ce qu’Aristote dit de l’individu : Il n’y a rien dans l’intelligence qui n’ait été auparavant dans le sens ; c’est-à-dire que l’esprit humain ne comprend rien que les sens ne lui aient donné auparavant occasion de comprendre.

83. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Decamps sait faire comprendre un personnage avec quelques lignes. […] Ingres comprend les choses, le grand maître ! Dans le portrait compris suivant la seconde méthode, MM.  […] Les plus forts d’entre eux sont ceux qui ne comprennent que le joli. […] Vous comprenez maintenant ce que c’est qu’un bon paysage tragique.

84. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

est une question qui témoigne que l’on n’a pas compris la doctrine de Jésus-Christ (p. 175). […] Comprenons où est le bonheur, et nous atteindrons le bonheur. […] Comprenons la vie et ce que nous sommes. […] Tolstoï et Wagner l’ont également compris. […] Mais j’avoue, naïvement, n’avoir pu bien comprendre aucune d’elles.

85. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Lorsqu’un penseur nouveau se présente, il cherche d’abord à détruire entièrement l’œuvre de ses prédécesseurs, et la raison en est assez facile à comprendre. […] On ne peut échapper à cette vérité évidente, que « tout système est étroit et erroné », ni à cette autre non moins évidente, « que la raison ne peut comprendre le tout des choses sans être elle-même ce tout. » Et cependant que deviendrait la philosophie, s’il n’y avait plus de système ? […] Le bon sens aspire à comprendre le plus de choses possible et à se tromper le moins possible. Le bon sens, ainsi entendu, ne se confondra pas avec les opinions vulgaires ; il pénétrera même aussi avant que possible dans les profondeurs de la pensée, pourvu qu’il soit guidé par les hommes de génie, supérieur à eux en ce qu’il les comprend tous, tandis qu’ils ne se comprennent pas entre eux. […] Quelques grands hommes ont su joindre les deux philosophies, et à la gloire d’inventer et de créer ils ont ajouté celle de comprendre, de recueillir, de concilier.

86. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface des « Burgraves » (1843) »

De là entre eux et nous cette cohésion intime, quoique lointaine, qui fait que, tout en les admirant parce qu’ils sont grands, nous les comprenons parce qu’ils sont réels. […] Chaque jour, avec cette passion que comprendront les archéologues et les poètes, il explorait quelque ancien édifice démoli. […] On comprendra aisément qu’au milieu de ces contemplations et de ces rêveries, les burgraves lui soient revenus à l’esprit. […] De nos jours, le peuple est grand ; pour être compris de lui, le poëte doit être sincère Rien n’est plus voisin du grand que l’honnête. […] Quand il l’aura fait, on saisira mieux l’ensemble des ouvrages qu’il a produits jusqu’ici ; on en pénétrera la pensée ; on en comprendra la cohésion.

87. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre I : Une doctrine littéraire »

Or, pour peu que l’on fasse ce partage entre les plaisirs, on s’aperçoit que, parmi les œuvres de l’esprit, il en est précisément qui plaisent toujours, qui plaisent à tous, ou au moins aux esprits éclairés, capables de les comprendre, qui plaisent à l’esprit et au cœur, et non aux sens : ce sont ces œuvres que l’on nomme belles, et elles le sont plus ou moins, suivant qu’elles se rapprochent plus ou moins du modèle que je viens de tracer. […] Jouir sans comprendre le pourquoi de sa jouissance est le fait du public, mais comprendre ce pourquoi est le fait du critique. […] A côté de certaines vérités excellentes et évidentes, toujours bonnes à rappeler et trop oubliées des critiques contemporains, ne trouve-t-on pas dans sa doctrine un esprit de restriction qui rappelle telle époque de lutte et de combat, et telle défiance d’école dont l’avenir ne se souciera pas, et qu’il ne comprendra plus ? […] Au contraire, tout ce qui n’intéresse qu’un temps particulier, un lieu particulier, quelques hommes, quelques professions, tout ce qui a besoin de commentaires pour être compris et goûté (je ne parle pas de l’intelligence des textes), tout ce qui se rapporte à des usages disparus, à des habitudes spéciales et locales, peut plaire à des érudits, ou a pu plaire dans un temps donné, mais n’est pas universellement, éternellement beau. […] C’est cette partie universelle et profonde que l’on peut saisir et comprendre dans tous les pays, quoique exprimée sous une forme particulière et par cela même plus vivante ; c’est la peinture des lassitudes de la science et des ardeurs du désir chez l’homme rassasié de doute, c’est Faust ; c’est la peinture de la tentation ironique et de l’égoïsme infernal du cœur humain, c’est Méphistophélès ; c’est enfin la peinture de l’innocence sacrifiée et vaincue, et de la douleur sans bornes d’un cœur trompé, c’est Marguerite.

88. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Les animaux savent et comprennent tout ce qu’il faut qu’ils comprennent et sachent pour les nécessités et même pour les agréments de leur vie. […] Comprendre l’univers c’est croire en Dieu ; croire le comprendre c’est croire en Dieu ; essayer de le comprendre c’est encore croire en Dieu ; supposer l’univers intelligible c’est être déiste, même quand on se croit athée. — Pensée profonde, que Nietzsche voit très bien, jusqu’au fond, du regard le plus clair qu’il ait jamais eu. […] L’avez-vous compris ? […] Il faut bien comprendre cela pour être juste. […] que ne comprenez-vous ma parole ?

89. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

L’enseignement secondaire, tel qu’il est actuellement compris, nous prépare des générations de contre-maîtres. […] Cette lutte doit suffire à nous faire comprendre en quel extrême péril vont se trouver ceux qui n’ont pas été nourris au sein de la « madre Roma ». […] … Je reste sur ce point d’interrogation, désespérant non seulement de résoudre, mais même de comprendre la question. […] Quant à une arrière-pensée politique, je ne comprends pas. […] Hé bien, le rôle des nouveaux venus, s’ils le comprennent, sera de mettre un peu d’ordre et de style dans les excès d’une sensibilité trop aiguë.

90. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

s’emmêleront, infiniment affinées, toutes les anciennes formes de l’expression artistique ; il a compris, et il a osé ; il nous a montré la définition et l’exemple de l’Art totalbp, parfait, vers lequel, isolément et obscurément, nous marchons, de si loin ; son œuvre est un signal pour les générations futures, — pour des époques si distantes, que Wagner est, plutôt que le Précurseur à l’Art de l’avenir, son Prophète. […] Paul Lindau, qui avait eu l’étonnant courage de se rendre à Bayreuth et d’expliquer par lettres à ses combourgeois comment il n’y comprenait rien. […] Et tous ces menus détails, le palais, le lac, la grande salle d’hôtel remplie de figures étrangères et résonnante d’une langue que je comprenais mal, tout cela se perd dans le rayonnement de la représentation dont les moindres détails sont demeurés gravés en moi. […] — Il avait compris que l’œuvre d’art doit être complète et vraie, c’est à dire le drame, mais un drame d’art complet, non de musique seule, et un drame d’action vraie, non de virtuosité conventionnelle ; il avait compris, encore, que cette œuvre d’art, complète et vraie, n’est point une frivole distraction, qu’elle est la création suprême de l’esprit, et que cette création, faite, d’abord, par l’auteur, et devant être, en suite, refaite, entièrement, par les auditeurs, peut par eux être connue, seulement dans l’oubli des soucis temporels et dans la paix, non troublée, de la contemplation intérieure, aux jours, très rares, de la sérénité ; enfin, il avait compris que l’art, demeurant complet et vrai, doit, aussi, donner à l’homme une révélation religieuse de la Réalité transcendante, être un culte offert à l’intelligence du Peuple, — de ce peuple idéal, qui est la Communion universelle des Voyants. […] … Par un double développement génial, unique en l’histoire des hommes, Richard Wagner, artiste et philosophe, rêva, et peu à peu vit, et comprit une novation artistique et une novation philosophique ; et il apporta, en une Œuvre d’art nouveau, un nouvellement moral.

91. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Il n’eut pas besoin fois de répéter la question, il fut compris à l’instant16 […] Il en parut le Restaurateur et le Père ; c’est le titre que lui donnait en 1594 l’avocat Loisel, en lui dédiant un vieux poème de la Mort attribué à Hélinand, qu’il publiait sans le bien comprendre. […] Ce sont des textes tels quels, en gros, qu’ils reproduisent, qu’ils finissent par comprendre à force d’en copier, mais dans l’examen desquels ils n’apportent aucune vue philologique subtile et fine, ou supérieure. […] Apulée raconte (Metam., IX, 39) qu’un soldat romain parlant à un jardinier grec et lui parlant latin ne fut pas compris, ce que voyant, il répéta sa question en grec (græce) ; et alors le paysan comprit à merveille. […] En lisant ces articles piquants et rigoureux, on comprendra toute la difficulté de l’entreprise.

92. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

De ce système je ne toucherai qu’un seul mot, qui suffira à faire comprendre ce que j’ai à dire des qualités morales et littéraires de l’abbé Gerbet. […] On comprend toutefois, même sans entrer dans le vif des matières, que lorsqu’en 1824, l’abbé Gerbet eut fondé, de concert avec M. de Salinis, un recueil religieux mensuel intitulé Le Mémorial catholique, et qu’il eut commencé à y développer ses idées avec modération, avec modestie, et pourtant avec ce premier feu et cette confiance que donne la jeunesse, il y eut là, pour ne parler que de la forme extérieure des questions, quelque chose de ce qui signala en littérature la lutte d’un esprit nouveau contre l’esprit stationnaire ou retardataire. […] La polémique s’engagea souvent entre les deux recueils comme entre des adversaires qui se comprennent et qui s’estiment, qui sentent où est le nœud du combat. […] …………………………………………………… J’ai sondé d’un regard leur poussière bénie,                    Et j’ai compris Que leur âme a laissé comme un souffle de vie                    Dans ces débris ; Que dans ce sable humain, qui dans nos mains mortelles                    Pèse si peu, Germent pour le grand jour les formes éternelles                    De presque un dieu ! […] Vous ne comprendrez pas tout ce que je vais vous dire : je ne peux vous parler de ces choses que dans la langue nouvelle que le christianisme a faite ; mais vous en comprendrez toujours assez.

93. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Nous nous figurons aujourd’hui mieux comprendre Homère que le dix-septième siècle ; nous le comprenons différemment, voilà tout. […] Il comprend l’acte exprimé ou ne le comprend pas ; s’il le comprend il l’accueille ou le rejette pour des raisons qui n’ont rien à voir avec l’art, puisque l’art, indifférent aux actes, ne s’intéresse qu’à la manière dont l’acte est simulé. […] Il fut d’ailleurs un des premiers à comprendre la valeur de certaines tentatives et le premier à essayer de les faire comprendre. […] On ne comprendrait plus. Comprendrait-on : l’œuvre complète de Rembrandt ?

94. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Fénéon avait toutes les qualités d’un critique d’art : l’œil, l’esprit analytique, le style qui fait voir ce que l’œil a vu et comprendre ce que l’esprit a compris. […] Il faut que tout le monde meure, y compris M.  […] nous finissons par comprendre que tu sois si volage, si aveugle, si dur. […] Le simplificateur veut comprendre. […] Ayant médité, il comprend, car il est apte à comprendre tout, et il comprend à l’inverse du savant.

95. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Alors voici mon doute, et où je cesse de comprendre. […] Or, si nous comprenons quelque chose au système de M.  […] Nous apercevons maintenant, nous comprenons dans quel sens l’âme est immortelle. […] Or dans un tel être je ne comprendrai jamais la conscience de soi-même. […] Je réponds : Pouvez-vous comprendre qu’un infini de temps soit réalisé ?

96. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

D’ailleurs, je ne comprends pas ce maçon qui a la peau fine et un nez transparent. […] Courbet, cela se comprend ; mais contre M.  […] Encore s’ils avaient compris le fond de la poésie et de la sculpture grecques ! […] Qui est-ce qui a compris cette bonhomie ! […] Je comprends les gros livres sur cette matière.

97. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Or, la pensée ne se comprend qu’avec elle-même, comme au fond elle ne comprend jamais qu’elle-même ; c’était elle encore qu’elle comprenait dans les différentes sphères que nous venons de parcourir ; mais elle se comprenait mal, parce qu’elle s’y apercevait sous une forme plus ou moins infidèle ; elle ne se comprend bien qu’en se prenant elle-même comme objet de sa pensée. […] On peut trouver encore d’autres manières de comprendre cette loi. […] Aujourd’hui nous y comprenons davantage. […] Nullement ; car les noms, les mots, les signes à l’aide desquels nous pensons, nous ne pouvons les admettre qu’à la condition de les comprendre, et nous ne pouvons les comprendre qu’à la condition générale de comprendre, de nous entendre avec nous-mêmes. […] Croire, c’est connaître et comprendre en quelque degré.

98. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

. — Cela fait, pour comprendre la connaissance que nous avons des corps et de nous-mêmes, on a trouvé des indications précieuses dans les analyses profondes et serrées de Bain, Herbert Spencer et Stuart Mill, dans les illusions des amputés, dans toutes les illusions des sens, dans l’éducation de l’œil chez les aveugles-nés auxquels une opération rend la vue, dans les altérations singulières auxquelles, pendant le sommeil, l’hypnotisme et la folie, est sujette l’idée du moi. — On a pu alors entrer dans l’examen des idées et des propositions générales qui composent les sciences proprement dites, profiter des fines et exactes recherches de Stuart Mill sur l’induction, établir contre Kant et Stuart Mill une théorie nouvelle des propositions nécessaires, étudier sur une série d’exemples ce qu’on nomme la raison explicative d’une loi, et aboutir à des vues d’ensemble sur la science et la nature, en s’arrêtant devant le problème métaphysique qui est le premier et le dernier de tous. […] Un écoulement universel, une succession intarissable de météores qui ne flamboient que pour s’éteindre et se rallumer et s’éteindre encore sans trêve ni fin, tels sont les caractères du monde ; du moins, tels sont les caractères du monde au premier moment de la contemplation, lorsqu’il se réfléchit dans le petit météore vivant qui est nous-mêmes, et que, pour concevoir les choses, nous n’avons que nos perceptions multiples indéfiniment ajoutées bout à bout. — Mais il nous reste un autre moyen de comprendre les choses, et, à ce second point de vue qui complète le premier, le monde prend un aspect différent. […] Entre autres renseignements, nous lui devons la distinction capitale de deux groupes de centres dans l’encéphale : le premier, qui comprend la protubérance annulaire, les pédoncules cérébraux et les ganglions de la base, notamment les couches optiques, et qui est le siège des « sensations brutes » ; le second, qui comprend les lobes cérébraux proprement dits et où se fait « l’élaboration intellectuelle » de ces sensations. — À notre tour, nous pouvons lui fournir un renseignement non moins utile. […] On s’aperçoit que, pour comprendre les transformations que subit telle molécule humaine ou tel groupe de molécules humaines, il faut en faire la psychologie. Il faut faire celle du puritain pour comprendre la Révolution de 1649 en Angleterre, celle du jacobin pour comprendre la Révolution de 1789 en France.

99. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

L’érudit a l’esprit court : l’épigraphie l’empêche de comprendre l’histoire ; la philologie l’empêche de comprendre la littérature ; l’archéologie l’empêche de comprendre l’art. […] Ainsi comprises, les études communes, poursuivies avec le même esprit dans tous les pays civilisés, forment au-dessus des nationalités restreintes, diverses et trop souvent hostiles, une grande patrie qu’aucune guerre ne souille, qu’aucun conquérant ne menace, et où les âmes trouvent le refuge et l’unité que la cité de Dieu leur a donnés en d’autres temps. » Et voici une autre page où cet amour de la vérité s’exprime comme ferait la foi jalouse d’un croyant, en laisse voir les scrupules, les délicatesses, les pieuses intransigeances : … Il y a au cœur de tout homme qui aime véritablement l’étude une secrète répugnance à donner à ses travaux une application immédiate : l’utilité de la science lui paraît surtout résider dans l’élévation et dans le détachement qu’elle impose à l’esprit qui s’y livre ; il a toujours comme une terreur secrète, en indiquant, au public les résultats pratiques qu’on peut tirer de ses recherches, de leur enlever quelque chose de ce que j’appellerai leur pureté. […] Paris comprend le moyen âge, mais qu’il le sent, qu’il a pénétré l’âme de nos aïeux et qu’il a su la faire revivre, sans quitter l’attitude du savant, par la vivacité de son impression, et, sans quitter le ton de l’exposition scientifique, par la magie des mots. […] Mais, de ce que cette irruption de l’antiquité a été, voilà trois siècles et demi, soudaine (autant que peuvent l’être ces choses), irrésistible et telle qu’elle a fait perdre à nos aïeux l’amour et presque le souvenir de leur passé, il s’ensuit qu’aujourd’hui, bien que plus éloignés de la foi religieuse du moyen âge que les hommes d’il y a trois cents ans, nous sommes cependant beaucoup plus capables de goûter et de comprendre son art et sa littérature et nous nous en sentons même beaucoup plus près. […] Pour comprendre et pour aimer certains sentiments, il faut du moins en porter les germes en soi, il faut être capable de les ressusciter, fût-ce par jeu, de les éprouver, fût-ce un moment et en sachant bien que c’est une comédie intérieure qu’on se donne et dont on reste détaché.

100. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

La digne Mme de Goethe, qui a en elle le sentiment du réel et le bon sens, a compris tout d’abord que cet amour de la jeune fille pour son fils ne tirait pas à conséquence, que cette flamme, ce feu de fusée, ne brûlerait personne. […] Personne n’a mieux parlé que lui de Voltaire même, ne l’a mieux défini et compris comme le type excellent et complet du génie français ; tâchons à notre tour de lui rendre la pareille en le comprenant, lui le type accompli du génie allemand. […] Goethe comprenait tout dans l’univers, — tout, excepté deux choses peut-être, le chrétien et le héros. […] Quelquefois cette effusion à laquelle elle se livre est bien étrange et touche de près au ridicule : « Quand je suis au milieu de la nature, dont votre esprit, lui écrit-elle, m’a fait comprendre la vie intime, souvent je confonds et votre esprit et cette vie. […] Beethoven était certes aussi amoureux de l’art que Goethe pouvait l’être, et l’art serait toujours resté sa passion première ; mais il souffrait, il vivait superbe et mélancolique dans son génie, séparé du reste des hommes, et il aurait voulu s’en séquestrer davantage encore ; il s’écriait avec douleur et sympathie : « Chère, très chère Bettine, qui comprend l’art ?

101. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

L’homme éternel, voilà ce que l’homme comprend. […] Pour comprendre Musset, il suffit presque d’avoir aimé ; pour comprendre Lamartine, il suffit, bien souvent, d’avoir rêvé au clair de lune, tantôt avec douceur, tantôt avec tristesse. […] Pour comprendre certaines de ces naïvetés généreuses, il faut pouvoir comprendre l’étrange baiser mystique posé sur les pieds d’une prostituée par tel personnage d’un grand romancier russe contemporain. […] Pour exercer, il faut comprendre. […] Sans méconnaître l’abus de l’antithèse chez Hugo, il faut comprendre aussi que c’était pour lui l’expression exacte des antinomies qu’il trouvait au fond même de ses idées.

102. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVII » pp. 306-312

Pitt n’est pas bien compris, et sur ce point on a complétement raison. […] Pitt a compris du premier coup d’œil que Bonarparte avait du gigantesque dans l’ambition, et qu’on ne pouvait s’en remettre à sa modération pour pacifier le monde. […] Thiers, qui a si bien compris et a su honorer par ses jugements impartiaux les autres adversaires de la France, a manqué ici à cette disposition à l’égard du plus grand de ces adversaires. […] — Le duc de Raguse vient de publier sous ce titre, Esprit des institutions militaires, un volume plein de feu, d’intérêt, de science et d’agrément ; il rend accessibles au lecteur une foule de questions qui semblaient du ressort des hommes spéciaux ; il fait comprendre la guerre, l’empereur, Wellington, le génie de la France et de l’Angleterre.

103. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

Il n’y a que l’amour qui puisse faire comprendre les cruautés de son gouvernement contre les ennemis de sa foi, contre les blasphémateurs et les négateurs du Dieu qu’il aimait. […] — qui puisse faire comprendre qu’il ait toute sa vie voulu la même chose : la gloire de Dieu, son triomphe, son règne, et qu’il ait vengé son honneur — l’honneur de Dieu outragé !  […] Il n’en est pas assez sorti pour rentrer dans l’idée du Catholicisme et pour la comprendre, comme doit la comprendre même l’homme qui fait l’histoire de sa défaite. […] Il est plus à l’aise avec Henri IV, qu’il comprend intégralement, lui, et, qu’on me passe le mot, de pied en cap.  […] Quand on vient de le lire, c’est alors que l’on comprend la nécessité de livres comme ceux de MM. 

104. (1911) Études pp. 9-261

Il aime les choses parce que, de les comprendre, il les domine. […] Le sens des choses ne se comprend que par Lui. […] Je comprends comment il faut y répondre. […] mesure, comprends l’espace compris entre ces feux solitaires ! […] Elle n’a pas attendu de se comprendre.

105. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Ce temps-ci l’a du moins compris ; c’est une des justices que nous ne refusons pas de lui rendre. […] » Le peuple, qui ne comprenait pas bien d’abord ce murmure, parce que l’esprit de conquête l’avait fauché comme un pré, finit par s’y associer sans le comprendre, par la puissance d’une éternelle répétition. […] Comprises par les contemporains, elles ne le sont plus par les descendants. […] La passion du peuple était si acerbe, à cette époque, contre les Bourbons, contre la noblesse, contre le clergé surtout, que cette passion aidait le cabaret et la caserne à comprendre les finesses trop littéraires de ce style ; même quand il ne les comprenait pas, le peuple y entendait malice de confiance. […] Pourrait-on supposer un copiste de musique qui ne comprendrait pas les notes ?

106. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

Cependant Bacon n’était point un savant, et il n’a point compris le mécanisme de la méthode expérimentale. […] Il est facile de comprendre que cette dissection sur le vivant suppose la dissection préalable sur le mort. […] Je ne comprends pas qu’on puisse arriver à une science pratique et précise en se fondant sur la statistique. […] Ce serait, on le comprend, rassembler tout ce qui doit être développé plus tard dans cet ouvrage. […] Il semblait pourtant difficile de comprendre comment tout cela pouvait être la cause de la mort.

107. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Le Mage a compris son pouvoir : il l’emploie. […] Mais il comprend mieux, et perçoit plus finement, la nature de l’âme. […] Elle fut d’abord populaire, universelle, très simple et comprise par tout un peuple. […] Mais Beethoven a compris encore une vérité plus profonde. […] Sabatier nous a montré saint François d’Assise tel que nous pouvions le comprendre.

108. (1896) Écrivains étrangers. Première série

ils ne tardèrent pas à comprendre de quelle nature était cette guérison ! […] J’avoue même que, cette fois, je serais assez fâché d’être compris d’elle. […] Il se peut que nous comprenions mieux le passé que le présent : mais certes les phases du passé que nous comprenons le mieux sont celles qui ont avec le présent le plus d’analogie. […] Il avait besoin de beaucoup de temps pour voir, et aussi pour comprendre. […] Ibsen pourrait aider à comprendre, ou, si l’on veut, à ne pas comprendre, cette pièce extraordinaire.

109. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

Ce n’est pas un extrait des images, obtenu en appauvrissant chacune d’elles : on ne comprendrait pas alors que le schéma nous permît, dans bien des cas, de retrouver les images intégralement. […] La plupart des actes de rappel comprennent à la fois une descente du schéma vers l’image et une promenade parmi les images elles-mêmes. […] Il faudrait maintenant étudier l’effort d’intellection en général, celui que nous fournissons pour comprendre et pour interpréter. […] Comprenons-nous la solution d’un problème autrement qu’en résolvant le problème à notre tour ? […] L’effort intellectuel pour interpréter, comprendre, faire attention, est donc un mouvement du « schéma dynamique » dans la direction de l’image qui le développe.

110. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

Mais enfin abondance de preuves ne nuit pas, surtout quand elles sont d’un genre, nouveau, imprévu, et qu’elles se produisent en un langage que chacun comprend à l’égal au moins de celui du dessin et des images : je veux parler des preuves écrites et littéraires. […] Elle ne comprend pas toute la puissance du désir qu’elle inspire ; elle ne le ressent pas : tout au plus elle daignera par moments faire semblant de le partager et de le ressentir. […] Il essaye de se mettre au point de vue de Marie, et quand elle a fort raisonné sur ce qu’il implore d’elle et qu’elle a épilogué sur les différentes manières d’aimer et sur celle même qu’elle ne comprend pas, il lui dit : « Eh bien ! […] Marie est une exception, à ses yeux ; il la comprend, elle ; il l’accepte et la croit sur ce qu’elle dit et sur ce qu’elle oppose de résistance sincère : « tes femmes ont le semblant d’une chose dont vous avez la réalité. […] Michel la rassure tout en la raillant : « Que vous me comprenez peu si vous ne voyez pas que j’aurai toujours pour la faiblesse le respect que je pourrais refuser à l’orgueil, si vous croyez descendre à mes yeux en devenant femme, simple et bonne : vous vous élevez au contraire !

111. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Mais si l’on entend par ce mot de marguillier, mal choisi pour tout le monde, ce que je ne veux pas comprendre, je dirai, moi, à son critique, qu’il est marguillier comme Platon — lequel, du reste, avait vendu de l’huile — était épicier. […] Je ne sache pas, en effet, de meilleure occasion de parler maintenant de Saint-Bonnet, et vous allez tout à l’heure le comprendre. […] Il faut l’apprendre pour la comprendre, et on lui préfère les plus vils argots ; c’est plus vite appris ! […] Le mérite est la forme qui rend l’homme visible au milieu de la gloire, et l’amour est le signe de race qui doit le réunir à Dieu… » Est-ce assez plein, assez carré, assez cubique, pour qui sait comprendre ? […] J’ai dit plus haut que cet ouvrage devait faire comprendre la douleur et l’accepter, mais ce n’était pas assez dire.

112. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre V. Les esprits et les masses »

Exister, c’est comprendre. […] qui n’est pas libre n’est pas homme ; qui n’est pas libre ne voit pas, ne sait pas, ne discerne pas, ne grandit pas, ne comprend pas, ne veut pas, ne croit pas, n’aime pas, n’a pas de femme, n’a pas d’enfants, a une femelle et des petits, n’est pas. […] Certaines théories sociales, très distinctes du socialisme tel que nous le comprenons et le voulons, se sont fourvoyées. […] Comprend-on cette chose étrange, une littérature qui est un aparté ! […] Ce magnifique enseignement, le peuple le comprendra-t-il ?

113. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre I : La science politique au xixe  siècle »

Pour bien comprendre la philosophie politique de M. de Tocqueville, il importe d’abord de le placer au milieu des écoles politiques de son temps. […] Le premier, inflexible et étroit, ne comprend rien d’autre que la société de l’ancien régime : pour lui c’est la société absolue. […] Mais en même temps, il porte l’esprit aristocratique à un point qu’il est impossible à notre temps de comprendre ; il a pour l’industrie un mépris digne d’un grand seigneur féodal. […] Il fallait l’entendre parler de la Révolution, personne ne faisait mieux comprendre la grandeur de ce temps. […] Destutt de Tracy, qui est un excellent économiste, comprend très-bien le caractère des sociétés modernes, sociétés laborieuses, industrielles, commerçantes, qui ont besoin d’ordre et de liberté, et non de lois somptuaires.

114. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 4, de l’art ou de la musique poëtique, de la mélopée. Qu’il y avoit une mélopée qui n’étoit pas un chant musical, quoiqu’elle s’écrivît en notes » pp. 54-83

Voilà les trois genres de melopée, qui peuvent se subdiviser en plusieurs especes, à cause de quelque difference qui se rencontre entre des melopées comprises sous le même genre. Telle est la melopée des vers tendres qui comprend celle des épithalames ; telle est encore la melopée des vers comiques et celle des panegiriques. " ainsi la melopée étoit la cause, et la melodie l’effet. à la lettre, melopée signifioit la composition des chants, de quelque nature qu’ils fussent, et melodie des chants composez. […] On en comprendra mieux le sens du passage de Boéce. […] Dans cette supposition, il n’y avoit rien de plus facile à comprendre que la mécanique de la composition et de l’execution de la declamation des anciens, et saint Augustin aura eu raison de dire qu’il n’en traiteroit point, parce que c’étoient des choses connues du comedien le plus chetif. […] C’est faute d’avoir eu cette notion de la melodie théatrale, et pour l’avoir cruë un chant musical, comme pour n’avoir pas compris que la saltation n’étoit point une danse à notre maniere, mais une simple gesticulation, que les commentateurs ont si mal expliqué les auteurs anciens qui parlent de leur théatre.

115. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

Je désirerais seulement que les uns et les autres voulussent bien comprendre que, s’ils ne s’entendent pas entre eux, cela vient de ce qu’ils ont cessé de parler la même langue ; car, comme dans l’antique Orient, les uns parlent une langue divine, et les autres une langue mortelle ; et non point de ce qu’ils ont cessé d’avoir les mêmes raisons de s’aimer et de s’estimer. […] À peine pouvons-nous comprendre ce que fut la royauté dans les temps anciens. […] D’autres encore, abandonnés tout à fait aux idées nouvelles, ne comprennent pas même les idées anciennes. […] Enfin il en est qui, sentant un obstacle invincible à comprendre les idées nouvelles, mais sentant aussi que ces idées doivent être fondées en raison, veulent s’expliquer ce qui leur est si profondément antipathique. Ceux-là sont venus à comprendre qu’il s’est opéré un grand changement dans l’intelligence humaine, et que ce changement a pénétré dans le sanctuaire même de la pensée.

116. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

Elle avait pu condescendre avec son nom de Guiccioli, immortalisé par Byron, à épouser le marquis de Boissy, ce personnage de comédie politique dont, en ce temps-là, toute la France riait ; et la marquise de Boissy ne devait pas oser, avec la décence comme le monde comprend la décence, tout dire de l’intimité de la comtesse Guiccioli avec lord Byron, L’embarras qu’elle éprouvait fut si grand, qu’il résista aux picotements de l’amour-propre du bas-bleu, du bas-bleu qui l’excitait à profiter de cette position, unique pour le succès d’un livre, d’avoir été la maîtresse de lord Byron ! […] Vous pouvez chercher dans l’histoire, cette grange d’observations accumulées par les siècles, si les femmes aimées des plus grands hommes ont compris quelque chose aux âmes égarées jusqu’à elles ! […] IV Et d’ailleurs, je l’ai dit déjà, dans ce volume27, de tous les grands hommes dont la grandeur embarrassa leur siècle, et put, du même coup, embarrasser leurs maîtresses, lord Byron est évidemment le plus difficile à comprendre et à pénétrer… Qui sait si pour lui, sans l’amour, ce n’a pas été comme dans la vie ? […] Ceux qui n’ont pas compris Byron l’ont traité de bizarre. […] Elle n’a rien compris à ce pensif et capricieux, qui eut le caprice au même degré que la pensée… Je parlais d’arc-en-ciel.

117. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VII. Dernières preuves à l’appui de nos principes sur la marche des sociétés » pp. 342-354

Ainsi ils sentirent imparfaitement, s’ils ne purent le comprendre, que les droits sont indivisibles. […] Dans l’introduction des Institutes, Justinien parle des fables du droit antique, antiqui juris fabulas  ; son but est de les tourner en ridicule, mais il doit avoir emprunté ce mot à quelque ancien jurisconsulte qui aura compris ce que nous exposons ici. […] L’intelligence consiste ici à comprendre l’intention que le législateur a exprimée dans la loi, intention que désigne le mot jus. […] Ils durent comprendre que cet intérêt était spirituel de sa nature, puisque tous les droits qui ne s’exercent point sur des choses corporelles, nuda jura, furent dits par eux in intellectu juris consistere. […] Aristote comprit la justice, reine des vertus, qui habite dans le cœur du héros, parce qu’il avait vu la justice légale, qui habite dans l’âme du législateur et de l’homme d’état, commander à la prudence dans le sénat, au courage dans les armées, à la tempérance dans les fêtes, à la justice particulière, tantôt commutative, comme au forum, tantôt distributive, comme au trésor public, ærarium [où les impôts répartis équitablement donnent des droits proportionnels aux honneurs].

118. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Avertissement »

Ils assoupliront la rudesse de leurs esprits masculins ; ils dépouilleront leur logique d’une certaine âpreté sèche et brutale ; ils comprendront ce qu’a d’efficace pour persuader et convaincre cette force subtile qui ne s’analyse pas, la sincérité d’un cœur ému ; capables de poursuivre méthodiquement la vérité, ils acquerront de plus le sens de ces choses insaisissables, que nulle méthode ne révèle, et qui sont presque toute la beauté, dans la littérature comme dans l’art ; enfin, ils gagneront insensiblement cette politesse de l’esprit, qui ne se rencontre pas toujours avec la culture, et qui rend la science aimable. […] Ils pourront apporter bien du fatras : ce sera au maître de le trier, de faire dans chaque cas particulier la part du bien et du mal, et de leur faire comprendre pourquoi chaque chose, en chaque lieu, est bonne ou mauvaise. […] Peut-être l’absence de formules les obligera-t-elle à comprendre, à réfléchir, pour s’assimiler le fond des choses. […] L’essentiel est de lire les réflexions développées dans ce volume, d’une manière désintéressée, sans le vulgaire désir d’y apprendre des procédés rapides et mécaniques ; si l’on y prend des points de départ, des matériaux, une direction, un stimulant, pour penser par soi-même, pour comprendre comment les écrivains bâtissent leurs ouvrages, ordonnent et expriment leurs conceptions, et comment on doit soi-même travailler, insensiblement l’esprit, familiarisé avec les grandes lois de l’art d’écrire, dont il aura pénétré la vérité et mesuré la portée, s’y conformera en composant, et il conduira, disposera, traduira ses pensées selon des règles qui ne seront plus logées dans la mémoire, mais feront partie de lui-même et auront passé dans sa substance.

119. (1881) Le naturalisme au théatre

Ils n’y comprendraient absolument rien. […] Plus tard, on s’étonne, on ne comprend plus. […] Au contraire, elle comprend toujours un opéra. […] J’avoue ne pas bien comprendre. […] J’ai à peine compris les deux premiers tableaux.

120. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Je comprends comment il fut amené par la force et par la justesse de son esprit à chanter le monde invisible. […] Je comprends d’autant mieux le plan de cette épopée que moi-même, hélas ! […] C’est lui qui m’a fait épeler le Dante, c’est à lui que je dois le droit de le comprendre et d’en parler aujourd’hui. […] On n’a pas voulu le traduire seulement, on a voulu le comprendre, et cet effort a produit le bel ouvrage de M.  […] Dante le comprit, et, franchissant les limites de l’espace et du temps pour entrer dans le triple royaume dont la mort ouvre les portes, il plaça de prime abord la scène de son poème dans l’infini.

121. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Quant au public, il ne comprit nullement le danger. […] Vous comprenez combien ce fut alors une belle et glorieuse existence pour Molière ! […] En ce moment déjà, il comprenait qu’il serait le maître absolu des esprits et des intelligences de son temps. […] Pourquoi moi et pas celui-là, celui-là qui arrive, sans rien comprendre, et sans rien deviner ? […] Elle n’a plus d’amour dans le cœur, mais on comprend si bien que l’amour a passé par là !

122. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

Une page de Démosthènes, de Cicéron et de Bossuet fait mieux comprendre l’éloquence que tous les traités sur l’art oratoire. […] Gardez-vous de penser que par le mot critique nous comprenions uniquement l’art de trouver des défauts. […] Sans doute, il est des beautés si universelles, si éternelles, que toutes les intelligences peuvent les comprendre et les admirer. […] Cet examen répété sur plusieurs poèmes nous permettra, en les comparant les uns aux autres, de bien comprendre le plaisir qu’ils nous font éprouver. […] Nous nous ferons les concitoyens, les contemporains de ces puissants génies qui ont éclairé le monde, afin de les mieux comprendre, et de les voir de plus près qu’à travers les siècles.

123. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Elle a compris le devoir que lui imposent ses dons merveilleux et qu’elle serait coupable envers son génie si elle ne le complétait de talent. […] Malheureusement, il ne se contente pas de dire son émotion ; il veut l’analyser et on s’aperçoit immédiatement qu’il ne comprend rien au poète dont il parle. […] Le voici en face de ce qu’il peut comprendre le moins. […] La foule ne comprend pas ; elle s’irrite. […] Aujourd’hui, mieux regardée et mieux comprise, c’est l’œuvre entière que j’aime en sa beauté diverse et savante, en la haute signification de son ensemble.

124. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Lefebvre voulut se retirer ; mais la reine le retint et lui fit comprendre que ses sages conseils l’avaient émue et troublée. […] Frappé au mois de juin 1862, à l’âge de soixante-deux ans, d’un accident soudain qui le saisit et le paralysa dans toute la force de la pensée, il ne se releva pas, assista deux années durant à sa lente destruction, et succomba le 1er septembre 1864, avant d’avoir pu terminer l’Histoire des Cabinets de l’Europe, « cette œuvre, tourment et bonheur à la fois de sa vie. » Je dis tourment, et on va le comprendre. […] Il avait publié, dès avril 1838, dans la Revue des Deux Mondes un grand morceau de son travail, qui comprenait l’histoire politique des Cours de l’Europe, depuis la paix de Vienne (1809) jusqu’à la guerre de Russie (1812) ; il s’était hâté de détacher ce travail pour ne pas se laisser devancer par M.  […] Armand Lefebvre le comprit ; il ne visa point à une concurrence impossible avec l’historien national et populaire ; seulement, par provision, pour sauvegarder son droit et réserver l’originalité de ses vues, il se hâta de publier les trois volumes qu’il avait tout prêts, et qui parurent de 1845 à 1847 ; ces volumes comprenaient les événements politiques et diplomatiques accomplis depuis 1800 jusque dans l’été de 1808, c’est-à-dire depuis les premiers jours du Consulat jusqu’au drame espagnol de Bayonne. […] Il me reste à donner l’idée la plus nette que je pourrai de sa manière de comprendre le Consulat, l’Empire et Napoléon.

125. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Notes sur l’Ancien-Régime »

La terre de Blet comprend 1 437 arpents, exploités par 7 fermiers, auxquels le propriétaire fournit des bestiaux estimés 13 781 livres. […] Un seul a une grosse ferme et paye 7 800 livres par an, les autres payent 1 300, 740, 640, 240 livres par an  La terre des Brosses comprend 515 arpents exploités par 2 fermiers, auxquels le propriétaire fournit des bestiaux estimés 3 750 livres ; ils payent ensemble au propriétaire 2 240 livres803  Toutes ces métairies sont pauvres ; une seule comprend deux chambres avec cheminées ; deux ou trois, une chambre avec une cheminée ; toutes les autres consistent en une cuisine, avec four extérieur, étables et granges. […] La terre de Blet, suivant l’usage du pays pour les terres nobles, est évaluée au denier 25, c’est-à-dire 373 060 livres, dont il faut défalquer un capital de 65 056 livres représentant les charges annuelles (portion congrue du cure, réparations, etc.), non comprises les charges personnelles comme les vingtièmes. […] Les dîmes se lèvent à la 13e gerbe ; elles sont comprises dans les baux. […] En réalité, les fermes de Blet et des Brosses ne rapportent presque rien au propriétaire, puisque les dîmes et le champart (articles 22 et 23) sont compris dans le prix des baux.

126. (1903) Zola pp. 3-31

Pas un mot, non plus, de philosophie, à quoi, je crois, du reste, qu’il n’eût rien compris. […] Avec un peu de Taine mal compris et peut-être de Claude Bernard mal lu, et peut-être avec le souvenir d’une boutade de Sainte-Beuve : « Je fais l’histoire naturelle des esprits », il se dit que l’homme était le produit de sa race et un peu de son milieu, et il se dit qu’il serait intéressant de faire l’histoire d’une famille de 1840 à 1870. […] On ne s’arrêta pas au non-sens de l’expression qui suppose que l’on peut faire des expériences sur les caractères des hommes, alors qu’on ne peut faire sur eux que des observations ; et l’on comprit que M.  […] Ainsi s’était déformé et comme avili le romantisme aux mains d’un homme qui n’était pas capable d’en comprendre les parties hautes et qui était trop prédisposé à en saisir comme avec ravissement les aspects vulgaires, ou bien plutôt qui n’en pouvait comprendre que les dehors et était parfaitement inapte à en pénétrer le fond. […] Jules Lemaître fut le plus indulgent et, dans son célèbre article de 1884, s’attacha surtout à « comprendre » ce que du reste il n’aimait pas et à faire comprendre ce que du reste il était étonné qu’on aimât.

127. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

Ce n’est plus assez aujourd’hui de réfuter une doctrine, il faut encore la comprendre, et il est plus utile de décrire un homme à la façon des naturalistes que de le combattre à la façon des logiciens. […] Comprenez-vous ? […] La première fois que j’ai vu deux objets avec deux autres objets, et que j’ai compris qu’ils faisaient quatre, je n’ai pas remarqué que toujours, partout et nécessairement, deux et deux font quatre. […] Je prends une phrase très-courte, je suppose qu’un analyste du dix-huitième siècle soit ici et veuille la comprendre : comptez toutes les tranformations qu’il devra lui faire subir, et jugez par le nombre des traductions à quelle distance la pensée philosophique de M.  […] Un homme ordinaire ne comprendra pas ces mots : faits volontaires.

128. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

On comprend donc très bien M.  […] Et ce que nous affirmons là, on le comprendra mieux quand on aura lu M.  […] Cousin, qui aime tant son sujet, ne l’a pas compris. […] On le comprend quand on regarde ce portrait. […] C’est un des plus beaux spectacles qu’on puisse contempler dans l’histoire que ce changement de ceux qui comprennent le pouvoir à mesure qu’ils le touchent et qu’il leur pèse !

129. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

Fromentin ne fut compris que de quelques-uns. […] Fromentin a compris d’intuition que la description trop appuyée n’est pas du grand art, par cette raison qu’elle n’est pas humaine, qu’elle n’est pas vraie. […] mais, ceux qui ont dit cela comme un reproche n’ont donc jamais compris ce qu’il y a d’infinie douceur et de suavité dans l’automne ? […] Elle est tout dans le livre, et je ne comprends pas l’expression de George Sand écrivant à Fromentin et parlant de cette « passion sage ». […] Peut-être n’a-t-on pas, autour de vous, compris, comme nous le comprenons maintenant, ce qu’il y avait de rare et d’achevé en vous.

130. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Édouard Rod »

» Et, si j’ai bien compris, il finit par se faire à lui-même cette réponse ou à peu près : « Si la vie a un sens, elle a celui que lui donnent les honnêtes gens et les braves gens, quels que soient, d’ailleurs, l’espèce et le degré de leur culture. » Seulement il a l’air de songer tout le temps : « Peut-être bien que la vie n’a pas de sens du tout. » Et c’est pourquoi son livre est triste, aussi triste, en vérité, que la Course à la mort. […] Un commerçant, un ouvrier, un paysan ne le plaindraient point, ne le comprendraient même pas. […] Non seulement ils s’adorent, mais ils se comprennent, ils ne s’ennuient pas un moment ensemble. […] On a beau la haïr et la mépriser, on l’aime pourtant ; elle a, jusque dans ses pires cruautés, des saveurs qui la font désirable, et, quand on a senti la mort passer tout près, quand on a failli voir disparaître une de ces existences qui sont la vôtre même, on comprend alors que la vie, affreuse, inique, féroce, vaut encore mieux que le néant. » À la bonne heure ! […] Et ni Bossuet, ni Balzac, ni Musset ne furent des dilettantes… Il y a dans le dilettantisme un désir de tout comprendre, et un don de souple sympathie — avec une arrière-pensée de reprise, dans la crainte d’être dupe.

131. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 22, que le public juge bien des poëmes et des tableaux en general. Du sentiment que nous avons pour connoître le mérite de ces ouvrages » pp. 323-340

Le lecteur en faisant attention aux temps, aux lieux, comme à la nature de l’ouvrage dont il sera particulierement question, comprendra beaucoup mieux encore que je ne pourrois l’expliquer, à quel étage d’esprit, à quel point de lumieres et à quelle condition le public dont je voudrai parler sera restraint. […] Or, dès que le mérite d’un ouvrage attire l’attention du public, ces beautez que le public ne sçauroit comprendre sans quelqu’un qui les lui explique, ne lui échappent pas. […] Deux ou trois vers qu’il a laissez passer sans y faire attention, et qui lui auroient plû, s’il en avoit compris tout le sens, ne l’auroient pas empêché d’être ennuïé par quinze cens autres qu’il a parfaitement entendus. […] On en croit l’homme, même quand on ne comprend pas le raisonneur. […] Ceux qui prétendent expliquer cette verité par principes, ne disent que des choses obscures et que peu de gens croïent comprendre.

132. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La révocation de l’Édit de Nantes »

Le xixe  siècle diffère trop essentiellement du xviie pour bien comprendre et pour apprécier toutes les manières de sentir, de penser et d’agir, d’un temps si dissemblable à lui-même ; il en diffère trop… et il n’en est pas assez loin. Si seulement il en était plus éloigné, s’il n’y avait pas entre eux une révolution, cette grande rupture qui saigne encore ; si le temps les avait séparés par ces espaces qui permettent de juger des faits dans leur véritable perspective et qui sont comme les clairières de l’Histoire, nous le verrions mieux et nous le comprendrions davantage. Nous le comprendrions comme nous comprenons le siècle d’Auguste, de Périclès, de Charlemagne, et autant du moins qu’il est possible à l’homme de comprendre ce qui n’est plus.

133. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

Ni poème inédit de Goethe ou de Byron, ni drame perdu et retrouvé de Calderon ou de Shakespeare, ni roman, ni histoire, ciselés par les maîtres de l’observation et de l’analyse, ni chefs-d’œuvre quelconques, ne sauraient, selon nous, lutter en intérêt et en importance avec ce modeste livre écrit par un moine, traduit par un prêtre, et dans lequel se joue un souffle qui n’est ni le talent ni le génie de l’homme, et qu’il faut bien appeler la force de Dieu pour y comprendre quelque chose ! […] Grand enseignement pour qui sait le comprendre ! […] Mgr Salvado aurait pu ajouter aux paroles si sensées et si courageuses du docteur, ce passage des Monthly Records, plus courageux et plus explicite encore : « S’il est un fait incontestable, — disent les Monthly Records, — qui nous humilie et qui nous afflige, c’est que là où nous, anglicans, nous agissons timidement, dans nos possessions australiennes, l’Église de Rome est activement à l’œuvre avec un zèle et une sagesse que nous ferions bien d’imiter… Ses évêques sont partout où il y a des âmes à conquérir et à changer… Une maîtresse pensée (master mind) anime et dirige leurs travaux… Quand un seul membre de notre clergé poursuit solitairement une tâche accablante, sans être assisté des conseils de ses supérieurs, l’Église de Rome ne cesse d’apparaître avec tous ses moyens d’action au grand complet… » Certainement, jamais le sentiment de ce qui manque à sa patrie n’a inspiré à un anglais plus de noble jalousie et de justice, et il n’y aurait qu’à admirer, si, en sa qualité d’anglican, l’écrivain auquel on applaudit ne provoquait pas le sourire en nous parlant des moyens d’action au grand complet de cette Église romaine dont il faut bien compliquer le génie pour en comprendre la puissance, quand on ne croit plus à sa divine autorité ! […] Mais l’Angleterre, qui ne croit qu’aux œuvres de l’homme, et qui, nous ne le nions pas, a de bonnes raisons pour y croire, l’Angleterre, tout en témoignant de ce fait, n’a rien compris à ce qu’il cache. […] Mais le comprendra-t-elle un jour ?

134. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

Comprend-elle la matière et la forme ? […] C’est là une double nécessité qui résulte de la nature même des choses et qui se comprend facilement. […] Après avoir vu comment la psychologie entend son objet, voyons comment elle comprend sa méthode. […] La Phrénologie et la Crânioscopie, qui ont avorté, en ont mieux compris l’importance. […] Une étude complète de la psychologie anglaise contemporaine devrait comprendre nécessairement ces deux écoles.

135. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Il donna l’exclusion à la comédie, bien qu’il fît des œuvres immortelles de Molière le cas qu’elles méritent ; mais, disait-il, on ne les comprend pas en Allemagne. […] On assiste à l’intimité des deux empereurs ; on comprend la grandeur de l’un, on partage la fascination de l’autre ; on peut pressentir aussi que cette fascination aura son terme. […] Mot profond que bien peu de critiques de nos jours sont capables de comprendre. […] Napoléon lui-même ne s’était guère donné le loisir de bien comprendre cette nature universelle de Goethe ; il voyait toujours en lui l’auteur de Werther, c’est-à-dire ce que Goethe avait été à un instant de sa jeunesse et ce qu’il n’était plus. […] Sa tâche et son habileté consistent à nous faire comprendre son héros comme si nous étions du métier, et il y réussit.

136. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Alors je compris que, dans nos moments d’émotion et de fièvre, parlant et agissant, nous étions tous laconiques et éloquents, pleins de verve et d’action, vrais poètes enfin lorsque nous n’y songions pas ; et je compris aussi qu’une muse pouvait, à force de travail et de patience, en arriver à être tout cela en y songeant. […] Cet oncle a compris qu’il s’agit pour elle de Jacques : il vend sa vigne, et, avec ce premier fonds, si Marthe guérit et travaille, on aura bientôt de quoi acheter le congé du soldat. […] La langue qu’il parle aujourd’hui, la langue qu’il chante n’est celle d’aucun lieu en particulier, d’aucun coin de Gascogne, de Languedoc ni de Provence ; c’est une langue un peu artificielle et parfaitement naturelle, qui s’entend également par tous ces pays et que les Catalans eux-mêmes comprennent. […] Aujourd’hui, c’est fête à Vergt pour la religion, mais aussi pour la poésie qui la comprend et qui l’aime. […] M. l’archevêque, homme d’esprit, et qui comprend la race des poètes, promit d’essayer au dessert d’introduire la pièce de vers entre le fromage et le café : « Mais vous aurez un fort rival dans le café ! 

137. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

III Ce don d’intime et délicate pénétration qui a peut-être écarté Tourguénef des émotions littéraires tragiques ou violentes, lui a assuré, eu retour, de comprendre les âmes qu’il analyse, c’est-à-dire de les aimer. […] Ensuite viennent sans doute, comme à l’ordinaire, le froid, les ténèbres, le vide et puis on se déshabitue de tout, on ne comprend plus rien. D’abord on ne comprend pas qu’on puisse aimer, puis on ne comprend même pas comment on peut vivre. » Le pessimisme calme de cette conclusion assombrit tous les livres de Tourguénef. En lui l’observateur est indulgent parce qu’il comprend, mais il est triste aussi parce qu’il comprend. […] Ce que sa notion des hommes et des choses avait de menu, de nuancé, d’épais, de peu concluant, de peu poussé, le laissait comme en une sorte d’admiration rêveuse pour un spectacle qui lui apparaissait étrangement varié, singulier, multiple surtout et compliqué ; une douce sympathie lui venait pour les êtres qu’il avait connus intimement et confusément comme penché sur eux de trop près, l’intelligence de leurs erreurs, la tristesse de leurs fautes, l’étonnement navré de les apercevoir eux si intensément vivants et complexes, bornés, faibles, isolés, perdus et passagers en ce vaste monde dont le romancier ne parvenait à comprendre ni l’arrangement ni le but, ni l’infinie petitesse.

138. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. Ve et VIe volumes. »

Initié à la raison des choses, le lecteur n’aurait qu’à se laisser aller de toute sa conviction au récit, et à reposer son intelligence dans le spectacle à la fois varié et continu qui se produirait sous ses yeux par un développement nécessaire, et qu’il ne pourrait s’empêcher de voir ni de comprendre. […] Dès lors, qu’on ne s’en étonne pas, les forces humaines, égarées de leur sphère, se manifestent sous des formes inaccoutumées, et semblent emprunter aux forces physiques quelques-uns de leurs caractères : comme elles, sourdes, aveugles, inflexibles, accomplissant jusqu’au bout leur loi sans la comprendre. […] De la sorte, tout se comprend. […] Sans doute c’eût été le propre d’une grande perspicacité de comprendre dès lors que l’affreux système dans lequel on entrait à l’aveugle aboutissait au salut de la France, et de voir dans cette Montagne, plus sanglante que la Roche tarpéienne ou les gémonies, le Capitole de la patrie en danger.

139. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Il aime ce qu’il ne comprend pas, parce qu’il aime à ne pas comprendre. […] Valville n’a pas compris ! […] Montesquieu comprend l’histoire jusqu’à la prédire. […] Il est impossible de trouver quelqu’un qui ait mieux compris ce qu’il comprenait, et pour ainsi dire ce qu’il ne comprenait pas. […] Pour comprendre à fond quelque chose, — que vais-je dire là, et qui peut rien comprendre à fond ?

140. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

mais, en attendant, il était bon de chercher et de choisir dans l’œuvre de Wagner des pages aptes à être comprises isolément et aptes à donner du système une idée un peu complète. […] Pour regretter d’ailleurs l’absence d’ouvrages entiers, qui ne comprend que ces auditions fragmentaires doivent être une préparation aux auditions totales que de plus en plus chacun demande chaque jour ? […] Je n’ai jamais compris, les respectant fort, les colères des critiques qui jugent, au nom de l’art, ces estimables denrées. […] Ils ont compris, seulement, que ces deux tendances exigeaient deux arts différents, et qu’ils devaient choisir, sans compromission, l’un ou l’autre de ces deux arts. […] Il essaya, quelque temps, la reproduction impressionniste de ses visions ; puis — et c’est une surprenante conscience théorique, — il comprit qu’une autre peinture lui était destinée.

141. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

Quand je ne comprends presque rien : il faut, me dis-je, que ce soit un Symboliste. […] vous ne comprenez pas… Ah ! […] que c’est d’un rire dont se casse, contre notre cœur qui comprend, le sanglot. […] J’ai lu de ses vers et n’en ai pas compris un traître mot. […] — Votre excellence a merveilleusement compris.

142. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Il faut, je crois, si l’on veut en comprendre le caractère et l’influence, faire trois parts de l’énorme amas des romans bretons. […] Ce Champenois avisé et content de vivre était l’homme le moins fait pour comprendre ce qu’il contait. […] Rien ne l’embarrasse : il clarifie tout, ne comprend rien, et rend tout inintelligible. […] Le doux Chrétien ne comprend pas ces orages intimes. […] Est-ce Chrétien qui ne comprenait pas la légende celtique ?

143. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Cela se comprend ; nos hommes du jour n’ont pas de sens moral. […] L’archevêque serait disposé à comprendre cela ; il est capable de fonder le christianisme pur en France. […] Vous le comprendrez, mon ami, quand je vous aurai exposé les épreuves par lesquelles j’ai dû passer, et celles qui me sont encore réservées. […] Ceci est, mon ami, une des passes les plus singulières de ma vie ; j’aurais mille peines à le faire comprendre à qui que ce soit ; nul ne l’a, je pense, bien compris. […] L’Université s’est alors offerte à moi : ici, vous le comprendrez, nouvelles difficultés.

144. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Il disait donc, parlant de la Belgique : « Nul mieux que nous ne comprend le charme de la maison fermée et sommeillante, du feu qui flambe clairement, et de la lampe discrète. […] Nous avons bien compris et bien aimé Henri Conscience, comme un ami véritable. […] On peut souhaiter surtout que des hommes nouveaux, sur qui n’aura pas pesé le joug des écoles anciennes, comprennent la mission très belle qui s’offre à eux. […] » Et d’abord, soyez simples, afin d’être compris. […] Vous serez compris et aimés.

145. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Il était donc vrai qu’elles ont un désir de se chercher, de se comprendre, de se pénétrer et de s’aimer ! […] Un degré de plus ou de moins dans l’éducation ou le génie, et les hommes ne se comprennent plus. […] Il ne comprend pas mieux les mensonges du cœur que les mensonges de l’esprit ; que dis-je, les mensonges ? il n’en comprend pas même les oublis, et il appelle hypocrisie ce qui est sécheresse naturelle et égoïsme fatal. […] Je voudrais vous faire comprendre le bonheur dont je jouis, et en vérité c’est une tâche difficile.

146. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

Le jour où ils s’intéresseront à Homère sans grimace et de bonne foi, ils auront beaucoup gagné : ils auront compris l’extrême simplicité, et qu’en art comme en morale la perfection est dans l’abnégation, dans l’entier oubli de soi-même. […] Je n’oserais conseiller Pindare : sans la connaissance de la langue ils pourraient l’admirer, mais le comprendre, non. […] Quelques bons ouvrages de critique féconde et d’érudition sans vétilles aideront à comprendre les anciens et les étrangers, comme aussi à s’orienter dans la littérature française. […] Votre cœur vous fera comprendre la pièce qui, par réaction, vous fera mieux lire dans votre cœur. […] Que Malebranche et Pascal vous éclairent sur Montaigne ; que Bossuet vous fasse comprendre Corneille et Racine, et la nature du poème dramatique ; anathème à part, il y a peu de critiques qui aient mieux entendu le théâtre que Bossuet.

147. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

Ils n’y comprirent rien, et suppléèrent par de naïves conjectures à ce qu’il y avait d’obscur pour eux dans la grande âme de leur maître. […] Jésus adressa à Juda quelques paroles qui renfermaient un sanglant reproche, mais ne furent pas comprises des assistants. […] Sur le moment, ce repas ne frappa personne, et à part les appréhensions dont le maître fit la confidence à ses disciples, qui ne comprirent qu’à demi, il ne s’y passa rien d’extraordinaire. […] On comprend que le ton exalté de Jean et sa préoccupation exclusive du rôle divin de Jésus aient effacé du récit les circonstances de faiblesse naturelle racontées par les synoptiques. […] Cela se comprendrait d’autant moins que Jean met une sorte d’affectation à relever les circonstances qui lui sont personnelles ou dont il a été le seul témoin (XIII, 23 et suiv. ; XVIII, 15 et suiv. ; XIX, 26 et suiv., 35 ; XX, 2 et suiv. ; XXI, 20 et suiv.).

148. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

À force de génie, le voyageur peut tout racheter ; mais la facilité d’écrire un voyage touche littérairement à une corruption, comme toute facilité… Et, cependant, qu’on daigne nous comprendre ! […] Assurément, comme on va le voir, il est impossible de les confondre ; mais c’est précisément la différence existant entre eux qui fera mieux comprendre la triste identité du genre incomplet, faux et presque prostitué de littérature auquel ils se sont livrés tous les deux. […] Franchement, c’est à ne rien comprendre à la logique humaine ! C’est à ne rien comprendre à la consistance du caractère, et aussi — ce qui, du moins, est comique au milieu de tant de tristesse, — c’est à ne rien comprendre non plus à l’étonnante fascination exercée par cette vieille momie d’Académie sur les esprits qui semblent les plus vivants… « Agenouille-toi là-dessus, vieille ducaille !  […] S’ils n’étaient rien, je comprendrais qu’ils voulussent être académiciens !

149. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Un pur Parisien comprendra difficilement combien les provinciaux (y compris la rive gauche) tiennent à Dominique, et quittent avec soulagement Sodome et Gomorrhe pour rentrer dans la propriété des Trembles. […] Nul n’y pouvait comprendre un enfant alors tout en imagination et en grâce. […] Son père finira plus tard par le comprendre à peu près. […] Les qualités ont leur raison d’être ; les erreurs on parvient enfin à les comprendre ». […] Essayons de comprendre plutôt que de déclamer.

150. (1893) Alfred de Musset

Les Fantasio comprennent tant de choses. […] Le monde n’y comprendra jamais rien. […] Il comprend si bien ma tristesse ! […] Il n’y comprend rien ; c’est un accès de folie. […] Mais j’aime le vin, le jeu et les filles ; comprends-tu cela ?

151. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

C’est ce que je ne puis comprendre. […] Je ne vous comprends pas. […] Il le prit et essaya de le lire, mais il ne comprenait pas un des mots que ses yeux parcouraient, et ne comprenait pas même ce qui se passait en lui. […] Je t’en prie, fais-lui bien comprendre ces idées en lui montrant ma lettre. […] On y comprenait ses signes.

152. (1886) Le roman russe pp. -351

J’avoue ne la comprendre pas, du moins dans le sens où on l’entend aujourd’hui. […] On comprendra mieux les nuances que je signale par des exemples pris en terrain connu. […] Le malheureux Gogol comprit qu’il avait frappé trop fort. […] Étant donné le sujet, j’imagine comment diverses écoles littéraires l’auraient compris. […] La censure comprit la dernière, mais enfin elle comprit, elle aussi.

153. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Il est plus facile de comprendre le sens exact du mot poésie que de l’exprimer. […] Ils ont vite compris que le domaine de la science est clos de murs. […] Comprendre une œuvre, c’est la recréer par sympathie. […] Mais ceux qui m’auront suivi jusqu’ici m’auront compris, et cela suffit. […] Ne sentant pas, Une comprendra jamais.

154. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Remarquez que Lamartine ne connaissait qu’à peine et de loin seulement Mme Valmore ; mais la divination du génie est comme une seconde vue, et du premier coup d’œil il avait tout compris de cette existence, il avait tout exprimé en images vivantes et dans un tableau immortel : Ils n’ont, disais-je, dans la vie Que cette tente et ces trésors ; Ces trois planches sont leur patrie. […] Ici l’on passe ; là-bas où vous êtes, on existe, on s’aime, on s’apprécie, on se comprend, on se respecte jusques après la mort. […] Tout se régénère, dès qu’elle comprend qu’il faut changer de robe ; tout tremble sous la calotte du ciel, dès que ce Jupiter fronce le sourcil. […] Chantez, ma muse, cette admirable France, héroïque, spirituelle, bonne et affectueuse, économe et libérale, un peu coquette et essentiellement aimante, un peu narquoise, mais toujours juste et impartiale, grande maîtresse du progrès indéfini qui entraîne dans son tourbillon jusqu’aux Cosaques et aux Hurons ; chantez cette mère, vous sa fille adoptive106, qui la comprenez si bien ; et permettez-moi de vous appeler ma muse, puisque mon prosaïque lot ne me donne aucun droit de vous appeler ma sœur ; et soyez sûre qu’en vous admirant, je vous aime. » Et maintenant on comprendra que quand Mme Valmore disparut, M.

155. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VIII »

Dumont, entre autres, a publié contre moi un long article vaticinatoire et violent, qui prouve que son auteur non seulement manque de courtoisie, mais ne comprend pas grand’chose à la littérature et au style27. […] On nous déclare ne pas comprendre que « si ce style est outré dans les peintures, il soit aussi incolore, et que, s’il est poétique, il puisse être en même temps plat ». […] Il y a décidément beaucoup de choses que ce monsieur ne comprend pas.‌ […] Emile Faguet, on le comprend, les gênent un peu plus. […] Toujours perplexe et ne parvenant pas, dit-il, à comprendre comment une expression peut être à la fois redondante (outrée) et agréable, fleurie et sans relief, M. 

156. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

Le livre qu’Ernest Semichon a publié sous ce beau titre : La Paix et la Trêve de Dieu 21, est une tentative de justice rendue au Moyen Âge par un esprit qui croit aimer le Moyen Âge dans l’Église, qui comprend la grandeur du rôle que l’Église a joué alors, — et même qui la comprend trop, car ce rôle-là, il l’exagère, et c’est le vice profond et dangereux de son travail. […] Il n’a pas même compris ces brigandages, qui, pendant un temps assez court d’anarchie féodale, furent l’exception, pour ces générations et nations guerrières, quand la règle était le point d’honneur ! […] Grandement compris, excusé en ce qu’il a de vrai, saisi sur le vif de la nature humaine elle-même, le point d’honneur, cette opinion plus forte que les institutions au Moyen Âge, aurait mis sa lumière au sein des faits incohérents. […] Il est prodigieux qu’il n’ait absolument rien compris à la grandeur de la féodalité et à son action, manifeste même dans l’établissement de ces Trêves de Dieu qu’Ernest Semichon a raison de regarder comme un progrès.

157. (1929) Dialogues critiques

Je comprends cela. […] Paul Qu’avez-vous compris ? […] Et comprenez-vous cet idéalisme ? […] C’est ainsi qu’il comprend l’hellénisme. […] Ce sont des choses que ces gens comprennent.

158. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Sans doute il l’a compris beaucoup moins que Descartes et surtout que Newton ; mais il est sur la même voie que l’un et l’autre. […] Pour comprendre et expliquer le mouvement, ils ont dû tenter de se rendre compte des idées de l’espace, du temps, de l’infini et de la nature du mouvement lui-même. […] Si des deux parts on ne la comprenait pas, il n’y aurait point de liaisons ni de contrats possibles. […] La raison voit et comprend le bien ; la liberté fait souvent le mal. […] Cela se comprend sans peine.

159. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

que je comprends qu’il ait éclaté un jour contre Béranger et son influence ! […] Inutiles tous deux en ce monde, qui ne comprend que ce qui le dompte ou le sert, fuyons ensemble vers l’Éden splendide des joies de l’âme, celui-là même que nos saints virent dans leurs songes. […] Renan ne se satisfait point à si peu de frais ; il comprend trop d’idées et de manières de voir différentes pour s’en tenir à une seule exclusivement ; le négatif surtout lui répugne, et il se résigne difficilement à nier une chose dans un sens, sans la reconnaître presque en même temps et l’admettre dans un autre sens, par un autre aspect. […] L’éloge de Channing se compose d’une quantité de : Il n’avait pas… Il ne comprenait pas… S’il n’était pas ceci, il n’était pas non plus cela… Ce qui ne laisse pas de devenir fort piquant à la longue. […] un professeur savant, respectueux, éloquent, mais d’une éloquence appropriée, qui ne fait en rien appel aux passions et qui ne s’adresse, qu’à l’entendement, ne pourrait obtenir, même de ceux qui se portent comme futurs contradicteurs, cette patience d’une heure entière d’horloge, ce silence indispensable pour être bien compris !

160. (1886) De la littérature comparée

Ainsi comprise, la critique a produit, en France surtout, toute une littérature, dans laquelle des écrivains plus ou moins remarquables ont pu faire briller leur talent : Théophile Gautier et de M. de Banville l’ont quelquefois prise pour prétexte à leur éblouissante fantaisie ; M.  […] comment comprenait-il l’amour ? […] Seule, la sympathie critique peut nous faire comprendre combien ces variations, de forme ont peu d’importance. […] Ghiberti s’écrie « qu’une statue a des suavités infinies que l’œil ne peut comprendre, que la main seule peut découvrir par le toucher ». […] Par des œuvres comme la Mort de César et Iphigénie, Shakespeare et Goethe ont montré qu’ils connaissaient l’antiquité, qu’ils en avaient compris les beautés et pénétré le sens.

161. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

J’ai toujours éprouvé un regret, je l’avoue, quand je pensais à ces trois professeurs célèbres, dont l’enseignement (quoi qu’ils aient pu faire depuis) restera la plus grande gloire : ce regret, c’est qu’ils n’aient pas assez compris ce que je dis en ce moment, que leur vraie gloire et leur vraie force était là. […] Cousin, l’espèce d’attaque et de défaveur dont sa philosophie a été l’objet, et l’on a besoin d’y ajouter quelques éclaircissements pour le faire comprendre. […] Cousin, et le maître lui-même semble l’avoir compris en se réfugiant dans la littérature proprement dite, qui le distrait et le possède de plus en plus. […] Quand il parle de poésie proprement dite, il lui manque, je le crains, quelque chose : « Celui qui veut comprendre le poète, a dit Goethe, doit aller dans le pays du poète. » M.  […] je crains que La Rochefoucauld, bien compris, n’ait en définitive raison ; car, sans nier l’élan de l’amour-propre sous sa forme sublime et glorieuse, et en se bornant à l’expliquer, c’est précisément au solennel qu’il en veut dans l’habitude de la vie, c’est à toutes les comédies même sérieuses, à toutes les emphases et à tous les charlatanismes ; il les voit, il les perce à jour, il les remet à leur place d’un mot.

162. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

) Comprenez-vous où cela nous conduit ? […] Ou bien a-t-on fini par comprendre qu’il était arrivé à son heure ? […] Cela est exceptionnel, je le veux bien, et je comprends qu’on s’en étonne. […] Ils se sont arrêtés, ils ont écouté, ils ont compris. […] Pour les comprendre, il faut d’abord les posséder.

163. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

À cette heure, où la moyenne thermométrique est comprise entre 33 et 34 degrés centigrades, la voix des mammifères et des oiseaux se tait. […] L’homme qui prétend tout expliquer par un seul mot n’est pas digne d’en comprendre deux. […] Cette loi est évidente, mais ne peut être comprise que par celui dont elle émane. […] Nous ne le comprenons pas, mais nous lui obéissons. […] Ce recueil est le télescope universel qui rapproche les îles et les continents de nous, pour nous faire comprendre le Cosmos intellectuel, le globe pensant. — M. 

164. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

Le meurtrier, qui avait paru au premier moment à sa lucarne, les deux mains crispées à ses barreaux, ne s’y montrait plus ; j’en fus réjouie malgré l’impatience que j’avais de le voir ; je compris qu’il avait reconnu l’instrument de son père, et qu’il s’attendait à quelque chose de moi, semblable à la surprise qu’il avait eue la nuit, du haut de la tour, en entendant l’air d’Hyeronimo et de Fior d’Aliza, que l’un de nous deux seul pouvait jouer à l’autre, puisque nous ne l’avions appris à personne. […] … Aucun bruit ne sortit de la loge du meurtrier, je compris à ce silence que mon intention avait été saisie par Hyeronimo, et que je pouvais, sans danger, laisser la zampogne, reprendre ma cruche et ouvrir le cachot. […] Toi, tu lui attacheras un fil à la patte pour me dire : Je pense à toi, je t’ai comprise, je suis content ou je suis en peine. […] Je compris par là qu’on m’avait cherchée et que, sans doute, on me cherchait encore, et que je devais plus que jamais éviter de me laisser reconnaître pour ce que j’étais. […] Mais il n’y avait que Hyeronimo qui comprît ma pensée et la sienne dans les joies ou dans les tristesses de la zampogne : nos deux âmes s’unissaient dans le même son !

165. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Sauvé à la Révolution, puis compris dans la galerie du cardinal Fesch, ce tableau a été racheté par la compagnie de Saint-Sulpice ; il orne aujourd’hui la chapelle du séminaire. […] Pour comprendre ce qui va suivre, il faut être très versé dans les choses de l’esprit humain et en particulier dans les choses de la foi. […] Je crois que toi, du moins, tu saurais le comprendre. […] Tu comprends qu’il faut des ménagements pour ma mère. […] Ma mère devinait tout sans bien comprendre.

166. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Au premier mot, nous avons compris. […] Ces choses sont, pour les profanes, très mystérieuses ; difficiles à comprendre, elles sont encore plus difficiles à faire comprendre. […] La solidarité ainsi comprise serait intéressante. […] Mais il est peut-être possible de les comprendre. […] Les romantiques ne purent jamais comprendre cela.

167. (1903) Propos de théâtre. Première série

Tu ne m’as pas compris. […] Tu m’écouterais sans me comprendre. […] « Ne m’as-tu pas compris ? […] Et je crois que je me fais suffisamment comprendre. […] Mais je sais, par le texte, qu’elles étaient figurées, et je sais que j’en ai besoin pour comprendre, et Sophocle pour me faire comprendre.

168. (1891) Esquisses contemporaines

Voilà ce qu’Amiel n’a jamais compris d’une façon durable. […] On s’était reconnu frères, et d’un pays à l’autre on s’était compris et apprécié. […] Aujourd’hui c’est autre chose : on se garde de tout jugement et l’on pense avoir achevé sa tâche si l’on a compris et fait comprendre. […] La portée de ces tentatives ne nous semble pas avoir été suffisamment comprise par la critique. […] Comme lui, nous nous efforcerons de tout comprendre ; mais nous ne saurons, comme lui, tout absoudre.

169. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Il faut traduire ce mot pour bien comprendre et les qualités et les insuffisances de ce talent. […] Ne le fait-il pas chaque fois qu’il comprend et qu’il s’identifie à l’objet de sa pensée ? […] Il n’est pas malaisé de comprendre quelles causes de pessimisme M.  […] Eux-mêmes ont compris ainsi leur rôle littéraire, et l’un des deux frères écrivait à M.  […] Il les comprend.

170. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Il faut garder à la pensée de Freud sinon un certain vague, du moins une certaine généralité pour bien en comprendre toute la valeur. […] On comprend tout ce qu’elle permet à Freud d’expliquer. […] Et avant que Swann eût eu le temps de comprendre, et de se dire : « C’est la petite phrase de la sonate de Vinteuil, n’écoutons pas !  […] Je compris tout de suite que c’était la grande œuvre de notre époque et que son influence, son succès allaient être immenses. […] Et avant que Swann eût eu le temps de comprendre, et de se dire : « C’est la petite phrase de la sonate de Vinteuil, n’écoutons pas ! 

171. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

La vraie science ne supprime rien, elle cherche toujours et regarde en face et sans se troubler les choses qu’elle ne comprend pas encore. […] Je ne saurais le comprendre ; en attendant, le savant n’a rien de mieux à faire que de marcher sans cesse, parce qu’il avance toujours. […] Comment comprendre en effet qu’un appareil quelconque du domaine de la nature brute ou vivante puisse être le siège d’un phénomène sans en être l’instrument ? […] Les vitalistes n’ont point compris la nutrition. […] En effet, la genèse vitale comprend des phénomènes de synthèse chimique arrangés, développés suivant un ordre particulier qui constitue leur évolution.

172. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Ce serait là une lourde accusation, que j’ignorerais cependant, si y répondre n’était, du même coup, éclairer bien des choses. « Question wagnérienne et question personnelle », ai-je mis en tête de cet article ; et mes lecteurs comprendront que ma propre sécurité doit être la garantie, pour eux, de ma franchise et de mon exactitude absolue. […] Reyer — le public réentendait les merveilles bafouées jadis, et comprenait enfin la grandeur du génie disparu. […] Ainsi, c’est Tristan et Isolde, la cause de votre antipathie, je comprends que cette œuvre puisse blesser et éloigner une pure nature de jeune fille. […] Errata à distribution de Lohengrin que nous avons publiée : le rôle d’Ortrude devait être tenu en double par Mlle Janvier ; les chœurs comprenaient 72 chanteurs (16 soprani, 16 alti, 20 ténors, 20 basses). […] On comprendra donc bien que le terme «  suspect  » renvoie à une possible homosexualité du compositeur.

173. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Ribot, s’exalter dans leur portion saine : et ceci fait comprendre l’état de l’homme qui ne pense que par clichés ; il y a là un phénomène très curieux d’exaltation de la mémoire partielle. […] C’est un long cortège dont le défilé surprend, même après qu’on en a compris le mécanisme. […] Le style de Mallarmé doit précisément son obscurité, parfois réelle, à l’absence quasi totale de clichés, de ces petites phrases ou locutions ou mots accouplés que tout le monde comprend dans un sens abstrait, c’est-à-dire unique. […] Quand nous parlons, nous ne pouvons être compris que si nos paroles sont admises comme les représentantes non de ce que nous disons, mais de ce que les autres croient que nous disons ; nous n’échangeons que des reflets. […] Pour comprendre Balzac, il faut 1° le considérer comme un historien, soucieux avant tout d’être exact, et de bien expliquer la vie ; 2° en référer à sa méthode de travail : « En travaillant trois jours et trois nuits, j’ai fait un volume in-18 intitulé : Le Médecin de Campagne.

174. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Dans la hâte de tout savoir et de tout comprendre, on aboutit à l’abâtardissement unanime des genres. […] Il fallait tout comprendre, partant tout admettre. […] Le lecteur aura moins à comprendre qu’à deviner. […] Il ne s’agit pas, comprenez-moi bien, de fonder une école, mais d’exprimer une idée en une formule commode, et qui soit le moins inadéquate possible. […] Il faut savoir regarder, comprendre et sentir pour être un écrivain, mais cela ne suffit pas.

175. (1927) André Gide pp. 8-126

Amédée perd pied tout à fait ; c’est trop compliqué, il n’y comprend plus rien. […] Il s’irrite et s’indigne, parce qu’il n’a pas compris. […] Depuis qu’il a compris que je n’étais ni l’un ni l’autre, il est devenu tiède. […] Ce jeune homme n’y comprend exactement rien, et avec sa permission, c’est précisément le contraire. […] On ne comprend rien à ses procédés fuyants et versatiles.

176. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vielé-Griffin, Francis (1864-1937) »

On essaie d’abord de comprendre, ce qui, pour nous autres, Français de France, est toujours la première démarche de notre esprit, jusqu’à ce qu’on ait compris qu’il n’y a rien à comprendre et qu’il faut plutôt se laisser bercer par une mélodie qui n’est pas sans charme. […] Nous ne pouvons pas les comprendre de la même façon, ni les envisager avec le même esprit.

177. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IV »

Bien comprise, elle le crée et l’augmente. […] Ainsi comprise et définie, l’imitation a été conseillée et pratiquée à peu près par tous les grands auteurs classiques. […] Albalat n’arrivera-t-il jamais à comprendre que La Bruyère, écrivain français, n’a pu, au sens réel et péjoratif du mot, imiter Théophraste, écrivain grec16. […] M. de Gourmont « n’arrivera-t-il jamais à comprendre » que nous avons formellement affirmé ce qu’il nous reproche de n’avoir point dit ?

178. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Mallarmé) « ne s’applique point, même comme leur élargissement sublime, à d’antiques conditions, mais éclate la génératrice de toute vitalité. » « La musique ne s’applique point, même comme leur élargissement sublime, à d’antiques conditions, mais éclate la génératrice de toute vitalité… » Richard Wagner comprit l’art, ayant compris enfin la musique. […] » Donc, si Beethoven a osé employer le pur langage de la musique, Wagner, moins confiant en nos intelligences, ou plus soucieux d’être davantage compris, Wagner dira : « Aidons comprendre aux hommes !  […] ne comprenait-il pas plutôt la fatalité de la prédominance de la musique en sa Tétralogie ? […] Sous la quelconque anecdote du sujet apparent du Parsifal, comprenons donc le véritable sujet et le dessein du Parsifal : cette évocation, par la musique, du désir d’accomplissement, essence de ce que nous sommes. […] (Car la demie heure qui précède le Verwandlungsmusikah me paraît, avec quelques exceptions, une concession au commentaire anecdotique, et en dehors de l’œuvre, sans intérêt ; ou, plutôt, est-ce que je n’ai pas encore compris ce commencement du Parsifal ?)

179. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Voix intérieures » (1837) »

N’est-il pas entièrement compris sous ce triple aspect de notre vie : Le foyer, le champ, la rue ? […] Le résultat de l’art ainsi compris, c’est l’adoucissement des esprits et des mœurs, c’est la civilisation même. […] On le comprendra, en présence de ces deux monuments, le trophée de l’Étoile, le tombeau de son père, l’un national, l’autre domestique, tous deux sacrés, il ne pouvait y avoir place dans son âme que pour une pensée grave, paisible et sereine.

180. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

Résumé : La loi d’unité de type et celle des conditions d’existence sont comprises dans la théorie de sélection naturelle. […] Les Cirripèdes pédonculés n’ont point de branchies : toute la surface du corps et du sac, y compris le frein lui-même servant à la respiration. […] C’est ce qu’affirme d’ailleurs l’axiome d’histoire naturelle, souvent mal compris ou exagéré : Natura non facit saltum. […] mais si nous comprenons dans son ensemble tous les êtres des temps antérieurs, il serait, d’après ma théorie, de la plus stricte exactitude. […] On le comprend d’autant mieux qu’une variété qui a commencé à varier, varie assez rapidement et presque à chaque génération.

181. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre I. De la sélection des images, pour la représentation. Le rôle du corps »

Je ne comprends pas, je ne comprendrai jamais qu’il y puise la miraculeuse puissance de se transformer en représentation des choses, et je tiens d’ailleurs cette hypothèse pour inutile, comme on le verra tout à l’heure. […] Le mécanisme de cette opération est d’ailleurs aisé à comprendre. […] Et je comprends aussi comment naît alors la notion de l’intérieur et de l’extérieur, qui n’est au début que la distinction de mon corps et des autres corps. […] Nous comprendrons aussi comment on passe d’une perception, qui occupe de l’étendue, à une affection qu’on croit inextensive. […] Il faut voir de plus près les choses, et bien comprendre que la nécessité de l’affection découle de l’existence de la perception elle-même.

182. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Berthelot vont nous aider à le mieux comprendre. […] L’homme un peu simple s’irrite aisément contre les finesses qu’il ne comprend pas. […] Il faut décrire cette nature pour comprendre cette œuvre, comme pour comprendre le génie d’un peintre il faut décrire son œil. […] Comprenez-les, vous comprendrez tous les phénomènes secondaires. […] La raison en est aisée à comprendre : M. 

183. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

On comprend aussi que Port-Royal en ait eu peur. […] Comprends-tu quelle a été ma peur ? […] Comprendre une œuvre d’art, c’est comprendre une sensibilité, un spiritualiste dirait : une âme. […] Les comprendre, c’est comprendre du coup un groupe de personnes et chaque personne de ce groupe. […] Nous voyons à la fois et nous comprenons.

184. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

Il disait un jour (on m’a rapporté son mot) : « J’ai un avantage sur Lamartine : c’est que je le comprends tout entier, et qu’il ne comprend pas la partie dramatique de mon talent. » C’était juste et c’était vrai. V Je n’ai jamais compris les drames de son théâtre, et je m’en accuse. […] Lisez et comprenez l’histoire. […] Je ne me crois ni plus ni moins d’intelligence que la généralité des hommes de mon siècle, et, à mon tour, je vous déclare que j’ai appliqué, pendant la moitié de ma vie, toute l’intelligence telle quelle dont Dieu m’a plus ou moins doué à comprendre ce que vos apôtres et vos faux prophètes vous promettent dans ce que vous appelez l’organisation du travail, et que, malgré toute mon application et tous mes efforts, il m’a été impossible d’y rien comprendre. Ce serait donc à moi à vous demander de me déchiffrer cette énigme, et de me révéler ce que vous croyez comprendre.

185. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

Il leur était permis de l’observer plus à l’aise et plus fréquemment que cela n’était possible au temps d’Hiram ou des Ptolémées, sous la domination romaine et sous celle des Arabes, quand on était borné à la mer Rouge ou à l’océan Indien, c’est-à-dire à l’espace compris entre le détroit de Bab-el-Mandeb et la presqu’île occidentale de l’Inde. […] Faux nom, puisqu’en réalité nous ne savons que ce que nous comprenons, et que, même dans l’ordre matériel, l’homme ne comprend absolument rien. — Donc il ne sait rien. — Rien que des mots qui n’ont aucune signification, sauf des significations matérielles. […] Qu’en ajoutant un poids de plus à ces milliers de poids, à ces univers, on arriverait à les former comme à les comprendre ? […] Il comprend qu’elle reste jusqu’à présent l’héritage exclusif de l’homme des arbres, — le singe. […] Les vides compris entre les contreforts, qui sont généralement des cloisons ligneuses, forment des chambres spacieuses que l’on peut comparer aux stalles d’une écurie ; quelques-unes sont assez grandes pour contenir une demi-douzaine de personnes.

186. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

Or la Russie n’a pas besoin de ces artifices pour comprendre et pour sentir la musique. […] Richard Wagner avait compris autrement le rôle de l’orchestre. […] C’est ainsi que Richard Wagner avait compris le rôle de l’orchestre et des voix dans le drame musical. […] Benjamin Godard, Saint-Saëns, Massenet, Delibes, Théodore Dubois, je pense qu’ils ont mieux compris la profondeur des théories wagnériennes sur le drame musical. […] Tous les chapitres sont écrits dans une langue facile, sans détails techniques, pour être lus et compris aisément et donner de l’œuvre Wagnérienne une idée claire, simple.

187. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

Elle fut d’abord populaire, universelle, très simple et comprise par tout un peuple. […] Pourtant les Grecs, race de théoriciens et de raisonneurs, comprirent, mieux peut-être que ne l’a fait depuis aucun peuple, la nature véritable de l’art musical. […] Tous avaient les mêmes émotions : tous purent comprendre le même langage musical recréant ces émotions. […] Ils ne comprirent point que les sons, par eux multipliés, étaient purement des signes, appelant un vocabulaire précis, et leur rattachement défini à l’émotion qu’ils devaient traduire. […] Moi-même j’ai encore à résoudre le problème de cette représentation, car le bizarre succès des représentations du théâtre de Munich, auxquelles je ne participai pas, m’a prouvé combien jusqu’à présent mon œuvre a été mal comprise ; si elle avait été bien comprise en effet, personne n’aurait songé à me demander la cession de tels fragments pour des concerts.

188. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

Elle est bien du Midi en cela : ce qu’elle comprend, elle le voit. […] Elle n’hésita pas et s’adressa directement à l’empereur qui comprit son scrupule et la releva de l’étiquette. […] Elle goûte les chefs-d’œuvre du pinceau en tout genre, mais elle ne les classe pas indifféremment ; elle ne met pas sur une même ligne et ne comprend pas dans une admiration égale et souveraine tout ce qui peut-être y aurait droit, je veux dire tout ce qui excelle. […] La subtilité en tout genre la choque et lui est antipathique ; et dernièrement, à propos des écrits fort vantés d’une femme d’esprit, mais alambiquée, mais subtile et étrangement mystique, elle se refusait à comprendre qu’il fallût être aussi parfaite pour bien vivre et bien mourir : « L’un, disait-elle, est facile à faire avec un bon cœur et de la droiture, l’autre avec la résignation et la confiance. » La princesse Mathilde passe régulièrement une moitié de l’année à Paris, et l’autre moitié à la campagne, au château de Saint-Gratien. […] Comprendre ainsi la vie, quand on est des privilégiés du sort, accorder le moins possible aux opinions vaines, s’en remettre à l’impression vraie, à la lumière naturelle ; distribuer ce qui vous est donné en surcroît ; remplir sa part d’un rôle auguste, et mener une existence ornée, mais simple ; jouir des arts, des élégances, de la nature aussi et de l’amitié, ce n’est pas seulement avoir un beau lot, ce n’est pas seulement savoir être heureuse, c’est répandre le bonheur et cultiver l’affection autour de soi.

189. (1895) Histoire de la littérature française « Avant-propos »

On ne comprendrait pas que l’histoire de l’art dispensât de regarder les tableaux et les statues. […] Je ne comprends donc pas qu’on étudie la littérature autrement que pour se cultiver, et pour une autre raison que parce qu’on y prend plaisir. […] Mais il ne faut jamais perdre de vue deux choses : l’une, que celui-là sera un mauvais maître de littérature qui ne travaillera point surtout à développer chez les élèves le goût de la littérature, l’inclination à y chercher toute leur vie un énergique stimulant de la pensée en même temps qu’un délicat délassement de l’application technique ; c’est là qu’il nous faut viser, et non à les fournir de réponses pour un jour d’examen ; l’autre, que personne ne saura donner à son enseignement cette efficacité, si, avant d’être un savant, on n’est soi-même un amateur, si l’on n’a commencé par se cultiver soi-même par cette littérature dont on doit faire un instrument de culture pour les autres, si enfin, tout ce qu’on a fait de recherches ou ramassé de savoir sur les œuvres littéraires, on ne l’a fait ou ramassé pour se mettre en état d’y plus comprendre, et d’y plus jouir en comprenant. […] J’ai profité de tous les travaux qui pouvaient apporter des notions positives sur les écrivains et sur les écrits : faits biographiques ou bibliographiques, sources, emprunts, imitations, chronologie, etc. ; ce sont là des éléments d’informations qui font comprendre plus et mieux. […] Il m’aurait été même impossible de réduire mon sujet ainsi compris en un seul volume, si je n’avais très rigoureusement défini ma matière.

190. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VII. Le langage et le cerveau »

L’enfant nouveau-né, qui exprime sa douleur par des cris, ne comprend pas encore la signification des cris chez un autre enfant. […] Nous pouvons, jusqu’à un certain point, parler une langue étrangère sans comprendre ce qu’on nous répond. […] On peut donc comprendre jusqu’à un certain point le fait de M.  […] Bridaine, et cela avec la plus parfaite netteté d’articulation et avec le ton le plus juste et le plus approprié, quoique évidemment il fût devenu incapable de comprendre un seul mot de ce qu’il disait. […] La mémoire des mots consiste à apprendre facilement par cœur, et à retenir plus ou moins longtemps ce qu’on a appris ; le sens du langage est le talent de la philologie, l’habileté à apprendre et à comprendre les langues.

191. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Sahara algérien et le Grand Désert »

Nul n’a mieux compris, et ne devait mieux comprendre, que cette intelligente tête d’officier, les mœurs familiales et guerrières de ces tribus qui se dressent encore avec tant de majesté devant les Européens, leurs vainqueurs et leur offrent, comme une leçon, le spectacle de Barbares qui ont conservé l’intelligence de la hiérarchie, quand les peuples éclairés, comme on dit, en ont perdu jusqu’à l’instinct… La Féodalité, qui n’existe plus qu’au désert, ce fragment du Moyen Age retrouvé vivant dans les sables du Sahara, a captivé singulièrement le Croisé de la civilisation, et, malgré ses réserves un peu trop discrètes de civilisé, l’on voit bien, aux caresses de son pinceau, l’ardeur attentive et charmée de sa sympathie ! […] Nous comprenions bien que ce dernier panorama du désert, que ces dernières fantasias d’un peuple équestre et nomade, seraient un spectacle que ne verraient pas nos enfants ; mais nous nous disions aussi que toute cette poésie qui doit céder à la prose, que ces mœurs éloquentes qui seront un jour — un jour plus prochain qu’on ne croit, — remplacées par les habitudes étriquées et plates des temps modernes, auraient du moins ici leur daguerréotype ineffaçable et fidèle, et que l’image qu’elles y auraient laissée en consacrerait le souvenir. […] Et voilà le miracle que nous devons à notre guerre d’Afrique, et que les livres du général Daumas font aisément comprendre ! Quand, par exemple, nous lisons sa Grande Kabylie, qui est l’histoire pied à pied de la plus rude de nos conquêtes, nous comprenons parfaitement les résultats que devait donner cette magnifique gymnastique en permanence pendant vingt-cinq ans, cette lutte acharnée contre un peuple qui avait, au plus haut degré, toutes les énergies de la résistance !

192. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Th. Ribot. La Philosophie de Schopenhauer » pp. 281-296

On se rappelle le mot de Hégel mourant : « Je croyais qu’il m’était resté un disciple qui me comprenait, et je n’ai plus que moi !  […] Vera s’est dévoué et l’a traduit en français avec un grand talent ; eh bien, il a été accusé par un autre traducteur, — un traducteur russe de ce grand homme, à ce qu’il paraît intraduisible, — de l’avoir singulièrement défiguré et très peu compris. C’est là, du reste, une particularité de la philosophie, et surtout de la philosophie allemande, de ne jamais être bien comprise que de ceux qui la font. […] Les étrangers qui ont traduit Descartes n’ont jamais été accusés par les philosophes français de ne l’avoir pas compris, ni, en Angleterre, ceux qui ont traduit Locke non plus. […] L’homme comprend que la réalité est une illusion, la vie une douleur ; que le mieux pour la volonté est de se nier elle-même, car du même coup tombent l’effort et la souffrance qui en est inséparable.

193. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

Rien de plus simple, en apparence, que de remarquer que cette loi d’association est le phénomène vraiment fondamental, irréductible de notre vie mentale ; qu’elle est au fond de tous nos actes ; qu’elle ne souffre point d’exception ; que ni le rêve, ni la rêverie, ni l’extase mystique, ni le raisonnement le plus abstrait ne s’en peuvent passer ; que sa suppression serait celle de la pensée même ; cependant aucun ancien ne l’a compris, car on ne peut sérieusement soutenir que quelques lignes éparses dans Aristote et les stoïciens constituent une théorie et une vue claire du sujet169. […] Les attributs primitifs et fondamentaux de l’intelligence sont : la conscience de la différence, la conscience de la ressemblance et la rétentivité (retentiveness) qui comprend la mémoire et le souvenir. […] Pour bien comprendre la pensée de l’auteur, remarquons que la conscience ne se produit que par le changement. […] Tout le monde a l’expérience de la peur, de la colère, de l’amour, etc. ; ce sont les faits élémentaires qui servent à nos constructions ; mais il est impossible de comprendre un sentiment dont on n’a pas en soi la source : c’est ce qui rend inintelligibles, pour tant de gens, les formes religieuses ou artistiques différentes de celles qui leur sont habituelles. […] Grote, par exemple : « On ne peut comprendre, dit-il, la terreur des Athéniens apprenant la mutilation des Hermès, qu’en se rappelant qu’à leurs yeux c’était un gage de sécurité d’avoir les dieux habitant leur sol. » L’association constructive dans les beaux-arts, ou imagination proprement dite, présente une particularité : c’est la présence d’un élément émotionnel dans les combinaisons.

194. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

La stance telle que la comprend M.  […] Leurs cerveaux indolents ne comprennent rien à mes divines pensées. […] Je comprends difficilement comment il a pu séduire Jeanne Talbot. […] Comprendre M.  […] Mon rôle est plus modeste et plus facile à comprendre.

195. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Toujours : < Passez les vingt pages qui suivent ; vous ne les comprendriez pas… J’écris pour une centaine d’esprits d’élite… Je serai compris en 1900… Ici dix pages qui seraient sublimes. […] Ce n’est autre chose que sa façon de comprendre. […] Que ne puis-je écrire dans un langage sacré compris d’elles seules !  […] Cela se comprend très bien et n’est point sans raison. […] Il veut tout aimer pour tout comprendre.

196. (1888) Études sur le XIXe siècle

Il a été compris dans son pays : les triomphes de Bayreuth sont là pour le prouver. […] Est-ce les pénétrer, les comprendre, revivre leur vie, les évoquer ? […] … Mais non, le mariage est définitif : de plus, il est mal compris, il est une duperie réciproque. […] M. de Amicis la comprend comme il comprend la vie. […] Ses œuvres doivent se faire comprendre et goûter par elles-mêmes, non à la suite d’une recherche difficile.

197. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Armance ne réussit pas et fut peu comprise. […] Beyle, après Latouche, eut le tort de s’exercer sur ce thème impossible à raconter et peu agréable à comprendre. […] avoir trop vu l’Italie, avoir trop compris le xve  siècle romain ou florentin, avoir trop lu Machiavel, son Prince et sa vie de l’habile tyran Castruccio, a nui à Beyle pour comprendre la France et pour qu’il pût lui présenter de ces tableaux dans les justes conditions qu’elle aime et qu’elle applaudit. […] Fabrice, d’après ses débuts et son éclair d’enthousiasme en 1815, pouvait devenir un de ces Italiens distingués, de ces libéraux aristocrates, nobles amis d’une régénération peut-être impossible, mais tenant par leurs vœux, par leurs études et par la générosité de leurs désirs, à ce qui nous élève en idée et à ce que nous comprenons (Santa-Rosa, Cesare Balbo, Capponi). […] En 1825, il y avait une école ultra-critique et toute raisonneuse qui posait ceci en principe : « Notre siècle comprendra les chefs-d’œuvre, mais n’en fera pas.

198. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre II. Les privilèges. »

Souvenons-nous toujours de ce qu’ils ont été pour comprendre ce qu’ils sont encore. […] Le provincial des Dominicains de Toulouse accuse, pour ses 236 religieux, « plus de 200 000 livres de rentes de revenu net, non compris leurs couvents et leurs enclos, et, dans les colonies, des biens-fonds, des nègres et autres effets, évalués à plusieurs millions ». […] Dans ces domaines qui comprennent plus de douze de nos départements, les princes du sang nomment aux offices de judicature et aux bénéfices. […] Cette autorité, le plus souvent ils la méritent ; nés et élevés pour l’exercer, ils trouvent dans la tradition, dans l’exemple et dans l’orgueil de famille des cordiaux puissants qui nourrissent en eux l’esprit public ; il y a chance pour qu’ils comprennent les devoirs dont leur prérogative les charge […] Plus tard (séance du 13 février 1791), Amelot estimait les biens vendus et à vendre, non compris les bois, à 3 700 millions.

199. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Car, je le répète, le reste ne se comprend pas. […] je ne comprends pas tout, loin de là ! […] qui vous répond qu’on les comprendra encore ? […] Goncourt l’a bien comprise. […] Tenez, vous allez comprendre.

200. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Dès 1833, on voit le jeune Gandar à Metz dans le pensionnat Laffitte, puis au collège de la ville ; il y fit toutes ses classes, y compris la rhétorique. […] Le Clerc ajoute : Sacrifiez plutôt le Nord au Midi, et si vous pouvez parcourir la campagne de Naples et la Sicile, vous comprendrez mieux la Grèce que vos aînés. […] Havet, de ceux qui comprennent après un coup d’œil et prononcent après une lecture. […] que j’avais besoin de venir à Islington pour comprendre la scène du cimetière ! […] En prenant la parole, Gandar n’eut pas de peine à faire comprendre l’inopportunité de cette demande.

201. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Philippe II »

C’est un esprit d’après la Révolution française, sans hostilité (du moins montrée) contre le catholicisme, mais parfaitement indifférent à sa destinée et trouvant même bon, dans les intérêts de la civilisation comme il la comprend, qu’il ait perdu la partie au temps de Philippe II ; car, il faut bien le dire, nous, les vaincus, il l’a perdue ! […] Il n’en est pas assez sorti pour rentrer dans l’idée du catholicisme et pour la comprendre, comme doit la comprendre même l’homme qui fait l’histoire de sa défaite. […] Il est plus à l’aise avec Henri IV, qu’il comprend intégralement, lui, et, qu’on me passe le mot !

202. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre V. Du gouvernement de la famille, ou économie, dans les âges poétiques » pp. 174-185

Ils doivent laisser ce patrimoine dans des lieux qui jouissent d’un air sain, qui possèdent des sources d’eaux vives, et dont la situation naturellement forte leur assure un asile dans le cas où les cités périraient ; il faut enfin que ce patrimoine comprenne de vastes campagnes assez riches pour nourrir les malheureux qui, dans la ruine des cités voisines, viendraient s’y réfugier, les cultiveraient, et en reconnaîtraient le propriétaire pour seigneur. […]   Sous le nom seul du père de famille étaient compris tous ses fils, tous ses esclaves et serviteurs. […] Les grammairiens ont dit, sans en comprendre le sens, que clientes était quasi colentes. […] Mais à cette époque où les hommes avaient encore tout l’orgueil farouche de la liberté bestiale, cette simplicité grossière où ils se contentaient des productions spontanées de la nature pour aliments, de l’eau des fontaines pour boisson, et des cavernes pour abri pendant leur sommeil ; dans cette égalité naturelle où tous les pères étaient souverains de leur famille, on ne peut comprendre comment la fraude ou la force eussent assujéti tous les hommes à un seul.

203. (1824) Épître aux muses sur les romantiques

Vous ne comprenez pas ces figures sublimes ! […] Quand on sait l’esclavon, l’on comprend leur système , Et s’ils étaient d’accord je l’entendrais moi-même ; Mais un adepte enfin m’ayant endoctriné, Je vais dire à peu près ce que j’ai deviné. […] C’est un je ne sais quoi dont on est transporté ; Et moins on le comprend, plus on est enchanté,      J’en ai fait l’autre jour une épreuve cruelle : J’étais dans un salon, dont la dame encor belle Depuis dix ou trente ans tient un bureau d’esprit, Et fait de nos auteurs la gloire ou le crédit. […] Si vous dictez un vers qui ne sente l’effort, Et qu’avant d’applaudir, on comprenne d’abord, Je le mets au rebut comme un vieil invalide.

204. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

« Une fille fut saisie d’une fièvre dangereuse, et, dans le paroxysme de son délire, on observa qu’elle parlait une langue étrangère que, pendant un certain temps, personne ne comprit. […] J’avais sept ans, je ne pouvais rien comprendre ; mais le puits de velours cramoisi était si peuplé, si doré, si illuminé, qu’au bout d’un quart d’heure je me trouvai comme ivre et que je m’endormis. […] Mais alors elle sembla avoir perdu toute connaissance du français ; car, lorsque son mari lui parlait dans cette langue, elle ne paraissait pas comprendre le moins du monde ce qu’il disait, quoiqu’elle pût converser en anglais sans difficulté ». […] Elle ne pouvait se faire comprendre qu’en allant dans la maison et en montrant du doigt les divers objets. — Un gentleman avait cessé de comprendre les noms prononcés, mais entendait très bien les noms écrits. […] Il regardait alors les mots de sa liste écrite, et, toutes les fois que les mêmes mots écrits frappaient ses yeux, il les comprenait parfaitement60. » Cette suppression des aptitudes ordinaires fait comprendre la résurrection d’aptitudes perdues.

205. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

« Je ne comprends rien, dit le chevalier de Folard, aux rapports d’Hamilcar et Hannon. » En lisant Salammbô, il aurait tout compris. […] L’étude mal comprise a produit l’archéologie équivoque, et de l’érudition fantasque est née la fausse poésie. […] et comment s’intéresser à un personnage qu’on a tant de peine à comprendre ? […] Flaubert n’était pas somnambule, comment comprendre la scène bestiale du python ? […] Il poursuit l’exactitude littérale, et il défigure ses modèles ; il vise à la clarté absolue, et il faut des efforts redoublés pour le comprendre.

206. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

Quant à la fin du chapitre, à l’endroit où l’évêque se laisse débiter un tas de choses inintelligibles par ce vieux terroriste qui va mourir, et qui déclame encore sur son lit de mort des énigmes au-dessus de ma portée en l’honneur de la guillotine, et qui font apostasier d’admiration le saint évêque, jusqu’au point de tomber à genoux et de demander sa bénédiction à cet entêté d’impénitent : franchement, vous devez comprendre cela, vous, Monsieur, c’est votre affaire ; mais, moi, je n’y ai rien compris du tout. […] Hugo a parfaitement compris, admirablement exécuté dans le portrait de son évêque M.  […] Je ne puis comprendre que Victor Hugo, qui prononce de si énergiques protestations contre cette machine à meurtre appelée guillotine, élevée sur nos places publiques contre une seule tête coupable dont la société veut se défaire pour prémunir ses membres innocents ; je ne puis comprendre, dis-je, qu’il innocente, qu’il excuse et qu’il exalte cette machine à dix mille coups, montée par la mort et pour la mort, pour faucher, comme une moissonneuse à la vapeur, des milliers d’innocents, de vieillards, de femmes, d’enfants de quinze ans, assez vaincus pour se laisser conduire, en charrettes pleines, à travers les places et les faubourgs de Paris, leur roi en tête, à guillotiner, désarmés et sans résistance ! […] « Il songeait à la grandeur et à la présence de Dieu ; à l’éternité future, étrange mystère ; à l’éternité passée, mystère plus étrange encore ; à tous les infinis qui s’enfonçaient sous ses yeux dans tous les sens ; et, sans chercher à comprendre l’incompréhensible, il le regardait. […] Je comprends très bien que Victor Hugo, plus libre, plus plein de loisirs que moi, ait été tenté par ce seul sujet, véritablement digne de l’homme, par ce poème, terrible et touchant à l’invraisemblable, de la misère des êtres humains : seulement je ne comprends pas autant pourquoi il fait de cette souffrance universelle des êtres un sujet d’amertume, de critique acerbe, d’accusation contre la société.

207. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

Elle est tout entière comprise dans une seule formule, l’unité absolue de l’être par la réduction au mouvement de tous les phénomènes de la vie universelle. […] En sa qualité d’être raisonnable, l’homme comprend une loi morale, c’est-à-dire une règle obligatoire pour ses actions. […] Nous en sommes encore à comprendre comment Kant n’a pas vu que la conception d’une loi morale, toute nécessaire qu’elle soit, suppose deux faits de conscience parfaitement indépendants l’un de l’autre, une raison qui ne comprend pas seulement l’utile et comprend aussi le bien, une volonté libre pour le réaliser. […] Le chimiste et le physicien comprennent que ces atomes eux-mêmes qui se combinent sous l’action de lois chimiques et mécaniques pour former les corps ne se meuvent ainsi qu’en vertu d’une activité spontanée. […] C’est parce que l’homme sent son être sous les phénomènes qui le manifestent extérieurement, qu’il comprend, sans le sentir, l’être des choses qui l’entourent.

208. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

L’année passée, quand je me trouvai inopinément avec lui, j’étais hors de moi ; je voulus parler, mais la voix me manqua ; il posa la main sur ma bouche et il me dit : “Parle des yeux, je comprends tout ! […] Elle ne marchait pas, elle glissait ; vous comprendrez ce que j’entends par ce mot. […] Elle disait toujours : “Beaucoup apprendre, beaucoup comprendre par l’esprit, et mourir jeune ! […] On lui a beaucoup reproché, faute de le comprendre, de n’avoir pas été assez homme par la sensibilité qui fait aimer davantage Schiller. […] Tel fut Goethe, homme aussi peu compris en Allemagne que M. de Talleyrand est encore peu compris en France : grands par leur souverain mépris pour les axiomes de la politique populaire ou pour les médiocrités de l’esprit humain.

209. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Stéphane Mallarmé »

Au moins voudrais-je savoir au juste pourquoi je ne les comprends pas  C’est peut-être, direz-vous, que c’est inintelligible  Mais non, puisqu’ils sont trois qui comprennent, et probablement quatre, en comptant l’auteur. […] Je ne suis pas sûr d’avoir bien compris le 4e vers, ni le 5e et le 6e, ni le 9e, ni le 12e, ni le 14e.

210. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

M’as-tu compris ? […] L’intérêt d’une pareille analyse se comprend aisément. […] Qu’on me comprenne bien. […] Il a compris le danger de broyer le lecteur sous une avalanche de mots. […] C’est dans le sens de profondeur qu’il faut comprendre la réforme accomplie par les symbolistes.

211. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Loin de pouvoir les indiquer, on rougirait d’avoir l’air de les comprendre. […] Or voilà comment M. de Balzac a compris et professé l’absolutisme. […] sans vouloir faire, à propos de poésie, une morale trop rigoriste, nous comprenons qu’on écrive des vers d’amour, de dix-huit à trente ans ; mais nous ne comprenons pas qu’on les publie à cinquante-cinq. […] Comment n’a-t-il pas compris que le trait final et charmant, c’est moi, ne le dis pas ! […] L’homme que n’a pas ébloui le génie de Richelieu était digne de comprendre le cœur d’Anne d’Autriche.

212. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Ils comprirent pour la première fois comment les rêves de l’imagination peuvent peupler et animer la solitude. […] Il a compris son devoir en vrai chevalier français. […] Voilà ce que Dussault ne peut comprendre […] Vitet, Mérimée, et de Vigny, ceux qui l’ont le mieux compris, aient été si peu productifs. […] Mais ces œuvres si profondément allemandes furent comprises à la française.

213. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

. — Il comprend tout, aspire à tout, et n’est maître de rien ni de lui-même. […] Il n’a pas pris assez de fierté et d’étendue pour dominer toute cette nature, pour l’écouter, la comprendre, la traduire dans ses grands spectacles. […] Les raisons, si on les cherchait en dehors du talent même, seraient longues à donner, et elles sont de telle nature qu’il faudrait toute une confession nouvelle pour les faire comprendre. […] Les enfants ont pu vous comprendre, et les sages ont eu la certitude d’être compris par leur commentateur. […] On comprend l’homme par sa vie avant de le comprendre par ses œuvres.

214. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

L’Art antique, l’Art du moyen âge ne nous sont plus rien : pour les comprendre, il faut les voir en savant, en érudit : ils sont hors nous, pour une autre civilisation. […] En agissant de la sorte, vous ferez œuvre véritablement nationale, et le public vous comprendra, car il retrouvera dans votre drame, issu du cœur même de la nation, la vie, l’enthousiasme, la gaîté, tout ce qui constitue la personnalité de la race française. […] Cette œuvre d’art, dont Shakespeare et Beethoven avaient institué les éléments, Wagner comprit, encore, qu’il devait la faire. […] C’est en elle qu’il oublia et perdit, pleinement, le monde des sons, cet art extérieur qu’il ne devait plus comprendre, désormais. […] On comprend alors l’allusion au Roland de Lully sur un livret de Quinault (1865).

215. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

Au théâtre, il n’y a qu’à voir et entendre ; on n’a pas une page à tourner, même pas cela ; et si l’on a mal compris, on n’est pas tenté de revenir en arrière. […] Et cela se comprend : qui donc aime à s’ennuyer ? […] On réédite, en mauvais français, les idées des littérateurs d’hier, et l’on comprend qu’une pareille lecture n’ait aucun attrait. « Aujourd’hui comme hier, il y a des gens capables de lire et de comprendre, mais à condition qu’on leur offre des idées véritablement nouvelles et des sensations d’art originales. […] Nous nous instruisons, en attendant, au théâtre ; nous apprenons à comprendre l’évolution d’où sortira le monde futur.

216. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

L’Harmonie, en ce sens, comprend les timbres aussi bien que les harmonies proprement dites, ou rapports organiques des tons sonores ; elle est tout ce qui est son, c’est à dire vibration et rayonnement. Le Rythme, en ce sens, comprend la mesure, comme les rythmes proprement dits ; il est le mouvement dans la durée. […] On comprendra mieux par un exemple. […] Vielé-Griffin ne comprend pas ainsi la musique du vers. […] Il ne serait pourtant pas si difficile d’arriver à se comprendre.

217. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Je suis dans la même ignorance à l’égard de Lugdunum, et je ne comprends pas trop, en outre, comment Lugdunum a pu devenir Lyon. […] Quoi qu’il en soit, une langue ne vient à être bien comprise et parfaitement analysée qu’à un âge très avancé de la société ; encore y a-t-il peu d’hommes qui parviennent à cette profondeur de l’analyse. […] Il fallait commencer par faire comprendre ce qu’il y a de l’âme dans cette voix de l’homme, qui est un souffle de Dieu. […] Je suis loin de m’étonner des lenteurs qu’apportent dans leur travail les rédacteurs du Dictionnaire de l’Académie, parce que j’en comprends bien toutes les difficultés. […] Oui, si l’homme eût fait les langues, il eût fait plus qu’il ne peut comprendre.

218. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

La littérature, ainsi comprise et cultivée, se peut appeler la fleur et le parfum de l’âme. […] Toutefois, si l’on met à part un certain nombre de grands noms, on peut dire qu’en général, l’homme de lettres du xvie  siècle adore l’antiquité, sans la bien comprendre, dédaigne le présent qu’il comprend moins encore, vit seul ou avec ses pareils, lit beaucoup, écrit assez et pense peu. […] Le besoin ou la passion du gain détournera donc l’homme de lettres de composer des ouvrages solides mais sérieux, que cinq cents personnes comprennent et achètent, et qui n’en sont pas moins quelquefois le flambeau où toute une époque emprunte de proche en proche sa lumière. […] Nous ressemblons à un enfant qui, nourri sur les bords d’une étroite rivière, ne comprendrait pas l’océan. […] Qu’il soit vrai, qu’il soit grand ; qu’il comprenne son siècle et l’exprime ; que, pareil aux végétaux du globe, il aspire l’atmosphère et la respire purifiée ; qu’il s’élève à toutes les hauteurs de l’art, il atteindra en même temps à celles de la morale.

219. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Tout ce beau texte évidemment déborde un parti et c’est tous les Français qu’il décrit, mais il aide à comprendre comment des ouvriers révolutionnaires font souvent d’excellents soldats, collaborateurs dévoués de leurs chefs. […] Ils ont compris que le problème de la discipline militaire se pose de la même manière que le problème de la discipline industrielle, et bien qu’ayant l’âme toute pleine de justice égalitaire, ils se sont rangés sous des chefs que la veille ils croyaient exécrer. […] Les socialistes surtout, nous devons les comprendre, parce que leurs idées flottent dans l’air, et nous ont mille fois effleurés. […] Comprendre dans quelles conditions la paix s’établira entre tous les États et dans chaque État, c’est une entreprise qui passe l’horizon d’un soldat et d’un instituteur. […] Son livre, qu’il songeait à nommer « la Volonté de justice », comme un bouclier, une épée à opposer à « la Volonté de puissance » de ce Nietzsche qu’il comprenait maintenant.‌

220. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

Paul Bourget est sans doute poète et romancier, mais est peut-être avant tout un critique — et non pas un critique qui juge et qui raconte, mais un critique qui comprend et qui sent, qui s’est particulièrement appliqué à se représenter des états d’âme, à les faire siens. […] Les plus marqués, les plus originaux, non seulement parmi les hommes mais parmi les écrivains, sont ceux qui ne comprennent pas tout, qui ne sentent pas tout, qui n’aiment pas tout, dont la science, l’intelligence et les goûts sont nettement délimités. […] Paul Bourget tienne grand’chose, encore qu’il les comprenne merveilleusement. […] Le seul fait de ne rien comprendre au monde et de n’y voir aucune explication est quand on y songe, suffisamment douloureux. […] Il devrait la croire et, même en la croyant, ne pouvoir pas l’aimer — et n’en pas souffrir autrement  Mais je comprenais mal.

221. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

On le comprend bien, l’œuvre d’art exclusivement formiste n’est un symbole qu’au même titre que les diverses images de la nature. […] Il faut évidemment qu’un poème ou un tableau puissent être compris, fût-ce de quelques-uns seulement. […] C’est que la fin de cette tirade prétend alors achever ou expliquer ce qu’on avait déjà compris. […] Ce mot, emblème, paraît être compris de façons bien diverses, il est vrai. […] Mais je ne cherche qu’à préciser le sens des termes fût-ce avec maladresse, pour me bien faire comprendre.

222. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Il y a la zone la plus basse, très variée pourtant, très accidentée ; elle comprend les jardins du bas, les collines, les abords cultivés des gorges et le tapis des premières pentes ; elle finit où finissent les noyers. […] Ici va se bien comprendre l’originalité de Töpffer et son coin de découverte pittoresque. […] Personne ne fait mieux comprendre que Töpffer comment, sans avoir rien des procédés convenus et artificiels, on parvient à épeler, à bégayer, puis à parler, chacun selon sa mesure et avec son accent, la langue du pittoresque. […] Malherbe avait dit : « J’apprends tout mon français à la place Maubert. » Lui, Töpffer, il veut qu’à deux siècles de distance cette parole bien comprise signifie : Je rapprends et je retrempe mon français chez les gens simples, restés fidèles aux vieilles mœurs, comme il en est encore dans la Suisse romande, en Valais, en Savoie, en dessus de Romont, à Liddes, à Saint-Branchier, au bourg Saint-Pierre. […] S’il vivait, il n’aurait sans doute qu’à se relire, nous n’aurions pas même à le lui faire comprendre.

223. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Pour moi, qui n’ai pas même l’honneur de comprendre et de lire dans leur langue les mémoires de haute science où il s’est montré inventeur, ces considérations sur les profondes et fines parties de l’optique et du magnétisme où il a gravé son nom ; qui n’ai eu que le plaisir de l’entendre quelquefois, soit dans ses cours à l’usage des profanes, soit dans les séances publiques de l’Académie, je ne puis ici que m’approcher respectueusement de lui par un aspect ouvert à tous ; je ne puis que l’aborder, si ce n’est point abuser du mot, par son côté littéraire. […] Les comprendre et les lire est déjà une grande et noble chose, et l’acte le plus accompli de l’entendement. […] L’astronome Méchain, qui, après avoir observé, de concert avec Delambre, l’arc terrestre compris entre Dunkerque et Barcelone, s’était chargé de la prolongation de la méridienne en Espagne et qui voulait la pousser jusqu’aux îles Baléares, venait de mourir à la peine et laissait un grand travail interrompu : M.  […] Ainsi dans la biographie de James Watt, l’immortel perfectionneur et l’applicateur véritable de la machine à vapeur, celui qui, le premier, lui a donné l’organisation et la vie, on aurait besoin de figures pour tout comprendre. […] Voilà les caractères et les défauts que je pourrais appuyer et démontrer par maint exemple : mais, à côté de cela, on sent l’homme compétent et supérieur quand il parle du fond des sujets ; on s’efforce de le comprendre et de le suivre, et on y parvient avec quelque application.

224. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

L’innéité comprise ainsi est un mot vide de sens. […] Le plus illustre partisan de la raison ainsi comprise est Kant. […] Mais à quel prix arrivons-nous à comprendre ? […] Le souvenir complet comprend ces trois moments. […] Cela est impossible à comprendre.

225. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VIII. M. de Chalambert. Histoire de la Ligue sous le règne de Henri III et de Henri IV, ou Quinze ans de l’histoire de France » pp. 195-211

on nous comprendra quand nous dirons qu’une histoire de la Ligue, pour peu qu’elle fût ce qu’elle devrait être, serait évidemment la meilleure réponse à toutes nos préoccupations. […] Assurément M. de Chalambert est au fond trop historien, il a trop l’instinct de ce qu’il fait pour ne pas avoir compris que ce qui importait plus peut-être que les actes même de la Ligue, c’était son origine, sa nécessité, son droit d’existence, c’étaient enfin les précédents de ce fait nouveau qui se produisait pour la première fois en 1584, contre l’hérédité monarchique dans le pays, naturellement et politiquement, le plus monarchique de la terre. […] Le peuple, menacé au xvie  siècle dans tout ce qui était sa vie, sentait absolument cette identité que les historiens devraient montrer davantage pour expliquer une action qui ne fut point une révolte dans le sens que les révolutions modernes ont donné à ce terrible mot, et pour l’expliquer aux penseurs politiques de nos jours qui ont rayé, il est vrai, les questions de foi de leurs programmes, c’est-à-dire toute l’économie de la vie morale, mais qui, en présence des intérêts matériels, comprendront peut-être que la Ligue, c’est-à-dire la société même, courût aux armes pour se sauver ! […] Son règne, pour qui comprend les institutions qui formaient la monarchie française, est une véritable vacance du trône, car sa reconnaissance du chef du parti protestant, comme héritier présomptif de la couronne de France, était le suicide du pouvoir dont l’ensemble des institutions l’avait investi. […] Il est tellement pénétré, pour son propre compte, de tout ce que son devoir (qu’il nous permette d’écrire ce mot-là) serait de pousser vigoureusement dans l’esprit de ceux qui ne veulent pas comprendre, comme on pousse une épée dans le cœur de ceux contre qui on se bat et qui résistent, que, chose singulière et naturelle !

226. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Oberman, édition nouvelle, 1833 »

Voyons, poëte, si tu comprends encore la douleur ; voyons, jeune homme, si tu crois encore à l’amour. » Eh quoi ! […] Tu as bien compris la manière dont je voudrais vivre. […] jouissons du seul plaisir qui nous reste ; regardons couler nos jours rapides, savourons l’amère volupté de nous comprendre et de nous sentir tous entraîner pêle-mêle : du moins nous nous perdons ensemble, nous n’allons pas seuls vers la fin terrible !  […] Cet homme eut l’oppression des montagnes sur le cœur ; il en eut la noble infirmité et le chaos dans les hasards de ses délirants systèmes ; il en eut les contours et la virginité dans le galbe sans soleil de son style blanc et terne. » Mais c’est en entrant dans le Valais seulement que l’on comprend bien certaines descriptions désolées d’Oberman et ces contrées d’un amer abandon : le pays et le livre s’expliquent l’un par l’autre, et je me suis dit tout d’abord à cette vue : Et l’ombre des hauts monts l’a durement frappé !

227. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

Mais j’avais compris que je la fatiguais, Elle. […] — Tu comprends, petite, disait M.  […] Était-ce la fièvre qui m’aida à comprendre ? […] — Qu’est-ce que tu veux qu’elle y comprenne ? […] je ne comprenais pas !

228. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Le théâtre annamite »

Du drame qu’ils jouaient, je n’ai pas compris un mot. Et ceux qui vous disent qu’ils y ont compris quelque chose se vantent impudemment. […] Il faut élargir son cerveau, afin de tout comprendre et de tout aimer.

229. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dupont, Pierre (1821-1870) »

C’est en le lisant que nous comprenons, nous autres serfs de l’existence moderne et prisonniers des villes, à quel point notre existence est un long crime contre la nature. […] S’il est vrai, comme le dit une parole magnifique, qu’« aimer c’est comprendre », nul n’aura compris à ce point.

230. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une petite revue ésotérique » pp. 111-116

Et la vie d’une œuvre d’art comprend les mêmes éléments que la vie d’un homme. […] Papus a grandement raison quand il pense qu’on peut tout publier parce que, seuls, comprendront ceux qui doivent comprendre.

231. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Leur premier devoir est de le comprendre. […] Je ne comprends pas. […] On comprend très bien l’influence qu’il a exercée. […] Mme de Staël comprend très bien ce génie du Nord. […] Elle comprenait l’art classique, parce qu’il n’était chose qu’elle ne comprît ; mais elle ne le sentait pas très vivement.

232. (1900) La culture des idées

Cependant nous nous comprenons. […] Il faut comprendre tous les états d’âme et connaître la diversité des désirs. […] Qui n’est pas à même de tout sentir ne peut tout comprendre, et ne pas tout comprendre c’est ne comprendre rien. […] Les Français de Lyon ne comprendront plus ceux de Nantes, ni ceux de Paris ceux de Rennes. […] Swinburne, tandis qu’il faut délaisser le dixième pour comprendre les vers de M. 

233. (1888) Portraits de maîtres

Peut-on comprendre René dédaignant Hamlet ? […] On comprend qu’il ait osé dire en sa correspondance que Sapho l’ennuyait. […] Béranger le comprit ; car il n’a cessé de traiter les novateurs en alliés et en amis. […] Sainte-Beuve ne l’a pas assez compris. […] Le troisième, trop succinct, comprend le Consulat et l’Empire.

234. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Burnier, Charles »

Burnier la comprend et la fait comprendre, car il a cette délicatesse du cœur qui sympathise.

235. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Mounet comprend le personnage exactement comme il faut le comprendre, et quand il le comprendrait mal, la manière dont, en ce cas, il le créerait est logique, naturelle, vraie, d’une vérité générale et extrêmement forte. […] Il comprend tout et fait tout comprendre avec un art consommé, avec des différences presque insensibles d’intonations. […] On comprend exactement chaque vers et comme il le faut comprendre, rien qu’à l’écouter. […] Je ne sais si je me fais comprendre. […] M. d’Argout ne comprenait pas.

236. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

— Il nous est aisé de comprendre pourquoi une espèce, une fois éteinte, ne saurait reparaître, même dans le cas où les mêmes conditions de vie, organiques ou inorganiques, viendraient à se reproduire de nouveau. […] Nous pouvons par là comprendre aisément pourquoi les plus anciens fossiles sont ceux qui diffèrent le plus des formes actuelles. […] Ainsi, nous ignorons pourquoi certains Brachiopodes ne sont que légèrement modifiés depuis les périodes géologiques les plus reculées, mais nous comprenons du moins comment ils ne sont pas nécessairement modifiés. […] Les sept autres espèces comprises dans les anciens genres ont dû périr sans laisser de postérité. […] Nous pouvons comprendre encore pourquoi, une fois qu’une espèce a disparu, elle ne saurait plus reparaître avec des caractères identiques.

237. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

« Vous l’avez compris, vous l’avez fait. […] … Et quand tu te le rappellerais, le comprendrais-tu ? […] Si c’est une loi éternelle, comprenons-la, tout en la subissant. […] Il n’aima jamais cette forme ; il ne la comprit pas ; il en eut peur. […] J’étais irrésolu, ébahi, et j’écoutais avec cette sorte de stupidité du paysan qui ne comprend pas vite, mais qui finira par comprendre.

238. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

… Je ne le comprends pas moi-même aujourd’hui… Je voyais les choses. […] On croit comprendre un mot tel qu’il est écrit ? […] La phrase était vague ; l’abbé la comprit. […] Mme Surgère le comprit. […] Mallarmé, il me paraît vraiment désolé de ne plus le comprendre ; mais, de fait, il ne le comprend plus : « C’est, avoue-t-il, un métier qui, aujourd’hui, dépasserait mes forces ; car je dois bien avouer que je ne comprends plus avec la même précision littérale ces beaux poèmes de M. 

239. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Comprendre le scientisme de Haeckel, c’est mieux comprendre pourquoi. […] C’est, au contraire, l’étudier, le connaître, le comprendre. […] — comment comprendre cette limitation de sa durée ? […] Il faut qu’il en comprenne le principe et l’équité foncière. […] Par suite, il est difficile de la connaître, et de la comprendre.

240. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

C’était à n’y rien comprendre. […] Nous nous regardions sans rien comprendre. […] Vois-tu, mon fils, on ne comprendrait plus cela maintenant, c’est trop ancien. […] On ne comprendrait plus cela maintenant à Paris, où l’église signifie peu de chose. […] Quand il apprit que le roi était parti, il comprit mieux que jamais qu’il avait été de la fin d’un monde.

241. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Il a sur lui tous les droits, y compris celui du seigneur, car il a fait de la nièce du drôle sa maîtresse et sa maritorne. […] Navarette, qui n’est pas jalouse, le laisse en tête à tête avec sa rivale, et l’on comprend que la marquise ne soit pas tout à fait fascinée. […] On ne comprend rien d’abord à cette métamorphose si soudaine ; puis, lorsqu’on l’a comprise, son invraisemblance saute aux yeux. […] De toute l’assistance, d’Estrigaud et Navarette sont seuls capables de comprendre un pareil langage : les autres ne l’entendent pas plus qu’André ne les comprendrait lui-même, s’ils lui parlaient javanais. […] Hippolyte, ayant arrêté ses coursiers qui ont fini par reconnaître que le Monstre était en carton, viendrait galamment comprend la vertu de Phèdre.

242. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

En l’absence d’une autorité sociale et littéraire à la fois, les langues se modifient si rapidement que le vieillard ne comprend plus ses petits-enfants . […] Voilà une parole et un geste que nous ne pouvons plus comprendre. […] Ce n’est qu’après avoir consulté la liste de l’abbé Desfontaines que l’on comprend bien la question de M.  […] Et Villehardouin aurait-il compris Bossuet et Villon aurait-il compris Racine ? […] Mais il est plus facile de blâmer que d’expliquer et de comprendre.

243. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Dès lors, elles semblent avoir tout ce qu’il faut pour nous mettre en état non seulement de comprendre ce qui est, mais de prescrire ce qui doit être et les moyens de l’exécuter. […] Au lieu de chercher à comprendre les faits acquis et réalisés, elle entreprend immédiatement d’en réaliser de nouveaux, plus conformes aux fins poursuivies par les hommes. […] D’autre part, il est clair que cette définition devra comprendre, sans exception ni distinction, tous les phénomènes qui présentent également ces mêmes caractères ; car nous n’avons aucune raison ni aucun moyen de choisir entre eux. […] Non certes, ce n’est pas la peine qui fait le crime, mais c’est par elle qu’il se révèle extérieurement à nous et c’est d’elle, par conséquent, qu’il faut partir si nous voulons arriver à le comprendre. […] Et en effet, il suffit de se représenter en quoi consiste l’œuvre de la science pour comprendre qu’elle ne peut pas procéder autrement.

244. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Seulement, vous comprenez, Francis Coppée, c’est dur à l’oreille. […] Comprenez-vous ? […] Et, vous comprenez, il faut toujours se dire : Je ne comprends pas, mais est-ce la faute de ce que je lis ou est-ce ma faute ? […] Si c’était nous qui avions tort de ne pas comprendre ? […] Nous ne comprenons pas, parce qu’il n’y a rien à comprendre, parce que ces vers n’ont pas de sens, parce que les auteurs n’ont pas voulu qu’ils eussent de sens.

245. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Ils n’ont pas compris que son scepticisme était fait de tolérance, de modestie et de sincérité. […] Seulement comprend, conçoit, juge et formule trop vite. […] Ce serait mal comprendre sa doctrine que de la séparer de sa méthode. […] Tous peuvent la lire et la comprendre. […] dans la manière même dont il a compris l’histoire ?

246. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Il n’a plus été question de comprendre : il s’est agi de retenir. […] Sainte-Beuve n’a pas compris la puissance d’une pareille tentative. […] On peut faire effort pour comprendre l’avarice et l’ambition : l’amour est compris de tous. […] Ne sentant pas, il ne comprendra jamais. […] Comme Jean Aicard a compris tout cela !

247. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Carlyle a son style propre, et note son idée à sa façon ; c’est à nous de la comprendre. […] Ce don est proprement le don de comprendre (begreifen). […] Nous commençons à comprendre le sérieux des puritains ; peut-être les Anglais finiront-ils par comprendre la gaieté de Voltaire ; nous travaillons à goûter Shakspeare, ils essayeront sans doute de goûter Racine. […] Puisqu’il est le ressort de tout mouvement, c’est par lui que l’on comprendra tout mouvement. […] Il a voulu faire comprendre une âme, l’âme de Cromwell, le plus grand des puritains, leur chef, leur abrégé, leur héros et leur modèle.

248. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVI. De l’éloquence et de la philosophie des Anglais » pp. 324-337

Les Français feraient un livre mieux que les Anglais, en leur prenant leurs idées ; ils les présenteraient avec plus d’ordre et de précision : comme ils suppriment beaucoup d’intermédiaires, leurs ouvrages exigent plus d’attention pour être compris ; mais la classification des idées y gagne, soit par la rapidité, soit par la rectitude de la route que l’on fait suivre à l’esprit En Angleterre, c’est presque toujours par le suffrage de la multitude que commence la gloire ; elle remonte ensuite vers les classes supérieures. […] Les vers blancs n’offrant que très peu de difficultés, les Anglais ont réservé pour la poésie tout ce qui tient à l’imagination ; ils considèrent la prose comme la langue de la logique, et le seul objet de leur style est de faire comprendre les raisonnements, et non d’intéresser par des expressions. […] Les orateurs anglais, de même que Cicéron, répètent souvent des idées déjà comprises ; ils reviennent quelquefois aux mouvements, aux effets d’éloquence déjà employés avec succès. […] S’il fallait prolonger un raisonnement, sa fausseté serait plus sensible ; si l’on pouvait le réfuter avec les formes qui servent à développer les vérités élémentaires, les esprits les plus communs finiraient par comprendre quel est l’objet de la question.

249. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Marie-Antoinette » pp. 171-184

Nous comprenions bien, du reste, qu’ils en eussent la pensée ; mais nous, nous avions peur pour leur audace. […] Redevenus naturels de pitié, de respect et d’irrésistible enthousiasme pour cette victime royale qui seule, peut-être, empêchera Dieu de pardonner à la Révolution, ces mignards enfants d’un siècle faux, qui n’avaient jusque-là compris que les jouissances arrangées et savantes de la vie, ont, du premier coup et sous l’empire des impressions que Marie-Antoinette causera toujours à toute âme passablement faite, peint la douleur et peint la mort comme jamais ils n’avaient peint les joies de l’existence et ses ivresses. […] Par une de ces anomalies, par une de ces ironies de la puissance qui se joue de l’esprit de l’homme, c’est le côté sombre et poignant de la mort que ces riants historiens de la vie, dépaysés cette fois, ont le mieux rendu et le mieux compris ! […] car si cette monarchie des adultères de Louis XIV et de Louis XV pouvait encore être sauvée, c’était par cette enfant qui faisait entrer le naturel à Versailles, et qui avait compris que pour être la maîtresse triomphante, comme elle était la femme légitime et la Reine, il fallait d’abord chasser l’étiquette et humaniser le plaisir !

250. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XII. Marie-Antoinette, par MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 283-295

Nous comprenions bien, du reste, qu’ils en eussent la pensée ; mais nous, nous avions peur pour leur audace. […] Redevenus naturels de pitié, de respect et d’irrésistible enthousiasme pour cette victime royale qui seule, peut-être, empêchera Dieu de pardonner à la Révolution, ces mignards enfants d’un siècle faux, qui n’avaient jusque-là compris que les jouissances arrangées et savantes de la vie, ont, du premier coup et sous l’empire des impressions que Marie-Antoinette causera toujours à toute âme passablement faite, peint la douleur et peint la mort, comme jamais ils n’avaient peint les joies de l’existence et ses ivresses. […] Par une de ces anomalies, par une de ces ironies de la puissance, qui se joue de l’esprit de l’homme, c’est le côté sombre et poignant de la mort que ces riants historiens de la vie, dépaysés cette fois, ont le mieux rendu et le mieux compris ! […] car si cette monarchie des adultères de Louis XIV et de Louis XV pouvait encore être sauvée, c’était par cette enfant qui faisait entrer le naturel à Versailles, et qui avait compris que, pour être la maîtresse triomphante, comme elle était la femme légitime et la reine, il fallait d’abord chasser l’étiquette et humaniser le plaisir !

251. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXV. Le Père Ventura »

Bourdaloue et Bossuet, au dix-neuvième siècle, auraient compris, ces grands hommes, quelle initiative est maintenant de rigueur pour ceux-là qui tiennent l’anneau de Salomon dans leur main. Ils auraient compris enfin que, si le chrétien manque de précision dans ses initiatives, Proudhon est dans son droit et qu’il déborde comme un flot. […] Ventura, le Guizot de la chaire, qui comprend comme M. Guizot comprenait qu’il y a quelque chose à faire, ce refrain qui depuis trente ans court les rues, mais qui ne dit pas résolument quoi, n’a que des aspirations, des pressentiments et d’incohérentes lueurs.

252. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre V. Autres preuves tirées des caractères propres aux aristocraties héroïques. — Garde des limites, des ordres politiques, des lois » pp. 321-333

Jugeant de l’antiquité par leur temps (axiome 2), les jurisconsultes romains du dernier âge ont cru que la loi des douze tables avait appelé les filles à hériter du père mort intestat, et les avait comprises sous le mot sui, en vertu de la règle d’après laquelle le genre masculin désigne aussi les femmes. […] Il craignait que dans le mot natus on ne comprit point la fille posthume. […] Mais lorsqu’ensuite se formèrent les monarchies modernes, lorsque reparut dans plusieurs cités la liberté populaire, le droit romain compris dans les livres de Justinien fut reçu généralement, en sorte que Grotius affirme que c’est un droit naturel des gens pour les Européens. […] Aussi tout le système de la république romaine fut compris dans cette triple formule : Senatus autoritas, populi imperium, plebis potestas.

253. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Il a compris l’enseignement manifeste de la Providence, l’aveuglement incorrigible des vieilles races, et il s’est dit qu’à l’ère expirante des dynasties succédait l’ère définitive des peuples et des grands hommes. […] Han d’Islande, commencé dès 1820, et qu’il ne publia par suite d’obstacles matériels qu’en 1823, devait être, à l’origine et dans la conception première, un tendre message d’amour destiné à tromper les argus, et à n’être intimement compris que d’une seule jeune fille. […] Hugo n’y comprenait rien : il fallut lui expliquer que, dans le temps, sa lettre avait été décachetée à la poste, et mise le soir même sous les yeux du roi Louis XVIII, comme c’était l’usage pour toutes les révélations de quelque importance . […] Sa fièvre de royalisme passée, il est revenu à la liberté, mais à la liberté vraie, plénière et pratique, à celle que bien des libéraux n’ont jamais comprise, et que nous réclamons vainement encore. […] Vers 1828, à cette époque que nous avons appelée le moment calme et sensé de la Restauration, le public avait fait de grands progrès ; l’exaspération des partis, soit lassitude, soit sagesse, avait cédé à un désir infini de voir, de comprendre et de juger.

254. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

Il avait compris la situation par tous ses côtés. Trop comprendre est souvent une difficulté de plus pour agir. […] Placé entre une religion et une raison, il les comprit, il les balança, il essaya de les concilier. […] Marmont, dès les premiers mots, comprit que cette décision changeait tout, et qu’il ne pouvait continuer de s’isoler en négociant. […] Ce qu’étaient Lyon et le département du Rhône en septembre 1817, au moment où le maréchal y fut envoyé avec de pleins pouvoirs comme lieutenant du roi, se pourrait difficilement comprendre aujourd’hui.

255. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

Réduire le critique à n’être plus que le conseiller dogmatique, ou que le prophète enthousiaste, ou que le libelliste, ou même que le simple metteur en pages de documents, c’est, nous semble-t-il, comprendre imparfaitement ce rôle de critique. […] Comprenne qui pourra ! […] Mais, comme il est clairvoyant et soucieux de beauté, il comprendra sans doute en quelle maritorne mafflue, il risquerait de couronner la déesse immortelle qu’il a suivie d’abord. […] Pour arriver à comprendre ainsi les œuvres et en jouir, une patiente et complète éducation artistique était nécessaire. […] Jean Mélia, devraient être compris dans cette étude, mais nous retrouverons ailleurs tous ces noms et d’autres — car les limites de l’essai sont vagues et le domaine de l’érudition se subdivise en tant de districts qu’il nous serait impossible de les connaître tous.

256. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

On comprend, à de tels accents du beau page et de la comtesse, associant leur talent prédestiné au génie du Chérubin de la musique, on comprend que les religions antiques et modernes aient fait des concerts divins une des éternelles béatitudes du ciel, sans doute parce qu’il n’y a que les anges dignes de les chanter. […] Mais les hommes doués du sens musical, tels que ces grands compositeurs ou tels que ceux qui sont dignes de les comprendre, qu’en ont-ils besoin ? […] Elle me dit que la musique était sa vie entière, et que souvent elle croyait comprendre, en chantant, mainte chose qui gisait ignorée en son cœur. […] Mais vous, vous me comprenez, car je sais que l’empire de l’imagination et du merveilleux où se trouvent les sensations célestes vous est ouvert aussi. […] Le poète seul comprend le poète ; les âmes qui ont reçu la consécration dans le temple devinent seules ce qui reste ignoré des profanes.

257. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Mais celui qui n’a pas connu le père ne peut pas comprendre le fils. Il lui fallait, pour comprendre sa valeur, un gouvernement dictatorial assis sur la popularité d’un nom indiscutable, et pouvant tout oser. […] car je ne l’avais pas connu et ne comprenais pas encore la mort ! […] « Les chefs de famille comprendront les inquiétudes de nos parents en cette circonstance. […] … Vous ne comprenez donc pas qu’avant de me mettre au travail, j’ai quelquefois à répondre à sept ou huit lettres d’affaires ?

258. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

Il s’agit, en un mot, de comprendre le « symbole » contenu dans cette œuvre. […] Nous répondrons oui, après avoir étudié les œuvres théoriques de Wagner ; mais nous devons exposer comment Schopenhauer et Wagner comprenaient le Christianisme. […] Il est resté insensible à l’invitation des chevaliers de venir à eux, et Gurnemanz le chasse, comme indigne de comprendre. Ainsi l’homme, dans son désir de vivre, ne comprend pas le spectacle que lui présente la vie : il en ignore et veut en ignorer le sens. […] En présence de la souffrance du inonde, Parsifal a compris sa mission.

259. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

On comprend bien que c’est moins encore pour donner une idée exacte du livre que je me suis appliqué à cette longue analyse, que pour constater au fur et à mesure la suite de mes impressions et me donner à moi-même, en les recueillant, le droit d’exprimer mon jugement sans mollir, en toute fermeté et sécurité. […] Flaubert ; il est celui de presque tous les romanciers de ce temps, à commencer par Walter Scott, lequel, ayant à nous montrer un étranger entrant le soir dans une salle de festin, s’amuse à nous le décrire de la tête jusqu’aux pieds, y compris les bas, les souliers, comme si des convives assis pouvaient distinguer cette partie inférieure de l’individu, ce qui serait tout au plus possible de jour. […] Goethe, qu’on n’accusera pas d’étroitesse et qui comprenait tout, ce critique universel au goût le plus large et le plus hospitalier, reculait toutefois devant les tableaux odieux et hideux trop prolongés ; il voulait que l’art tournât en définitive au beau, au digne, à l’agréable. […] Madame Bovary n’est pas Gil Blas, et Salammbô est bien plus forte que Sèthos ; mais on me comprend. […] Rien n’est perdu ni compromis, et je me serais bien mal fait comprendre si je n’avais marqué mon estime même pour l’auteur, en le critiquant si longuement.

260. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Cet énoncé devrait comprendre l’énumération de tous les antécédents en vertu desquels un conséquent donné pourra se produire. […] J’annonce alors avec une quasi-certitude que les coordonnées de Saturne à telle heure seront comprises entre telles et telles limites. […] Je n’irai certes pas jusqu’à dire que l’objectivité ne soit que quantité pure (ce serait trop particulariser la nature des relations en question), mais on comprend que je ne sais plus qui se soit laissé entraîner à dire que le monde n’est qu’une équation différentielle. […] Non seulement nous ne pouvons deviner la réponse, mais si on nous la donnait, nous n’y pourrions rien comprendre ; je me demande même si nous comprenons bien la question. […] Pour comprendre le sens de cette nouvelle question, il faut se reporter à ce que nous avons dit plus haut sur les conditions de l’objectivité.

261. (1890) L’avenir de la science « V »

Le trait général des œuvres religieuses est d’être particulières, c’est-à-dire d’avoir besoin, pour être comprises, d’un sens spécial que tout le monde n’a pas : croyances à part, sentiments à part, style à part, figures à part. […] C’est notre gloire à nous d’en appeler toujours à la lumière ; c’est notre gloire qu’on ne puisse nous comprendre sans une haute culture, et que notre force soit en raison directe de la civilisation. […] Si mes études historiques ont eu pour moi un résultat, c’est de me faire comprendre l’apôtre, le prophète, le fondateur en religion ; je me rends très bien compte de la sublimité et des égarements inséparables d’une telle position intellectuelle. […] Il faut se défier des gens qui ne peuvent être compris que d’un comité. […] À cet excès doit aboutir tout ce qui est monopole dans le monde de la pensée, tout ce qui exige pour être compris une sorte de révélation particulière, un sens à part que n’a pas l’humanité.

262. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Mieux la comprendre, c’est mieux la défendre. […] Ces hypothèses elles-mêmes sont des suggestions pour le lecteur à qui elles apprennent à mieux se comprendre et à mieux comprendre son pays. […] Plus on les comprendra, mieux on connaîtra l’auteur. Inversement, plus on le connaîtra, mieux on les comprendra. […] Arrêté, il fut compris dans le procès des vingt et un et condamné à mort.

263. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Comment s’en servir, si l’on ne le comprend pas ? […] Pour comprendre un texte, il faut d’abord en connaître la langue. […] Quels faits doit-il lui faire comprendre ? […] — Comment faire comprendre le caractère des événements et des coutumes ? […] — Comment faire comprendre l’enchaînement des faits et l’évolution ?

264. (1874) Premiers lundis. Tome I « Dumouriez et la Révolution française, par M. Ledieu. »

Cet épicurisme politique n’était pas une simple affaire de calcul ou d’indifférence : il y avait mieux chez lui ; sans préjugés surannés, sans passions profondes, doué d’une conception éminemment prompte et lucide, Dumouriez était fait pour comprendre à merveille les divers partis de la scène révolutionnaire, et, si l’on excepte les jacobins stoïquement féroces, il lui était aisé de sympathiser plus ou moins vivement avec tous. […] On peut assez le comprendre et l’excuser sans lui faire honneur d’une probité si inflexible. […] Mais, en se rendant à Saint-Pétersbourg, Dumouriez réfléchit beaucoup sur cette petite circonstance ; il comprit que si on lui contestait si obstinément un grade, on n’était guère disposé à céder sur des points bien autrement importants ; et dès lors il se tint sur la réserve avec la cour de Mittau.

265. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Hernani » (1830) »

Cette vérité est déjà comprise à peu près de tous les bons esprits, et le nombre en est grand ; et bientôt, car l’œuvre est déjà bien avancée, le libéralisme littéraire ne sera pas moins populaire que le libéralisme politique. […] Le principe de la liberté littéraire, déjà compris par le monde qui lit et qui médite, n’a pas été moins complètement adopté par cette immense foule, avide des pures émotions de l’art, qui inonde chaque soir les théâtres de Paris. […] Il n’ose se flatter que tout le monde ait compris du premier coup ce drame, dont le Romancero general est la véritable clef.

266. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Quand l’homme est dévoré, ou plutôt réduit en poussière par l’incrédulité, cet esprit merveilleux est le seul qui rende à l’âme une puissance d’admiration, sans laquelle on ne peut comprendre la nature. […] Comprennent-ils la diversité des pays, l’accent et le caractère des idiomes étrangers ? […] Quiconque ne discerne pas cette double philosophie de la révolution française ne peut ni la comprendre, ni la juger, ni l’aimer, ni la raconter. […] Or madame de Staël ne comprenait de cette révolution que ce qui en était compris, en 1789, dans le salon aristocratique et courtisanesque, et dans l’esprit étroit de M.  […] Je les aurais blessés dans leurs sentiments en allant à Coppet ; ils n’auraient pas compris que je fusse à la fois royaliste et admirateur passionné de madame de Staël.

267. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Je ne comprends guère, pour ma part, qu’on puisse s’égayer de bon cœur au spectacle de son grotesque martyre. […] M. de Trélan fait semblant de ne pas comprendre ; il se boutonne, il se renferme, il rentra dans la maison à vendre que l’on discutait tout à l’heure. […] Je dirai tout à l’heure comment j’aurais compris la mise en scène de cette maladie aussi réelle qu’elle est bizarre, la nostalgie du vice ; mais, telle qu’elle est représentée dans la pièce de M. Augier, elle déconcerte le spectateur, qui comprend à peine. […] On l’eût comprise, expliquée, presque excusée.

268. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre III. Des idées générales et de la substitution à plusieurs degrés » pp. 55-71

Remontons aux origines, pour mieux comprendre cette opération. […] Bien mieux, quand, pour comprendre un théorème de géométrie, nous traçons une figure sur le tableau, nous nous soucions fort peu que sa justesse soit parfaite ; nous la fabriquons grossièrement à la craie ; nous souffrons sans difficulté des lignes tremblotantes à notre polygone, ou une rondeur bosselée à notre cercle. […] Nous en prenons un fragment, telle courte portion de durée comprise dans nos sensations successives, telle étroite portion d’espace comprise dans nos sensations simultanées. […] Si une page est manuscrite, nous en comprenons le sens plus difficilement que si elle est imprimée ; notre attention se porte en partie sur la forme extérieure des caractères, au lieu de se porter tout entière sur le sens qu’ils ont ; nous remarquons dans ces signes, non plus seulement leur emploi, mais encore leurs particularités personnelles.

269. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre II : Partie critique du spiritualisme »

L’unité de conscience veut un vrai centre, un centre effectif, et la raison humaine sera toujours hors d’état de comprendre que la pluralité puisse se percevoir elle-même comme unité sans l’être effectivement. […] L’hypothèse qui ferait de l’intelligence de tous les hommes sans exception une sorte de réfraction ou de diffraction de la mienne propre, cette hypothèse suivant laquelle les pensées d’un Newton ou d’un Laplace seraient encore mes propres pensées, même lorsque je suis absolument incapable de les comprendre, une telle hypothèse, si contraire au sens commun, n’a jamais été explicitement, que je sache, soutenue par aucun philosophe. […] Pour bien faire comprendre cette philosophie, il faudrait pouvoir exposer avec détail et précision toutes ces belles théories, qui resteront dans la science : la théorie de l’effort volontaire, par laquelle Biran établit contre Kant et contre Hume la vraie origine de l’idée de cause ; la théorie de l’obstacle, par laquelle il démontre, d’accord avec Ampère, l’objectivité du monde extérieur ; la théorie de l’habitude, dont il a le premier démontré les lois ; ses vues, si neuves alors, sur le sommeil, le somnambulisme, l’aliénation mentale, et en général sur les rapports du physique et du moral ; la classification des opérations de l’âme en quatre systèmes : affectif, sensitif, perceptif et réflexif ; enfin sa théorie de l’origine du langage. […] Si la philosophie cartésienne conduit à nier la personnalité divine, la philosophie allemande, au contraire, conduit nécessairement à l’affirmer, et nous inclinons à croire que cette philosophie si décriée par nous-mêmes peut être, bien comprise, le salut du spiritualisme. […] Nous n’affirmons ni ne nions l’unité de substance, nous ne la comprenons pas plus que la doctrine opposée.

270. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

« Vauvenargues comprit alors les ennuis de l’oisiveté, les charmes du travail, et même du travail douloureux ; il conçut un mépris profond pour l’oisiveté, une estime extrême pour les actions fortes. […] Dans ces deux premiers volumes, qui comprennent l’Assemblée constituante et presque toute la législative, le jeune historien débute, on le voit bien ; il n’a pas encore trouvé sa méthode ni son originalité. […] Ce budget normal bien connu lui servait ensuite à comprendre les expériences financières de Robert Lindet et de Cambon. […] On le croirait uniquement fait, tant il les comprend, pour habiter en ces clartés sereines de l’intelligence. […] La première livraison, qui comprend jusqu’au Consulat à vie, va former trois volumes ; nous achevons la lecture du premier.

271. (1890) Dramaturges et romanciers

L’âme ainsi touchée aura vécu et compris la vie, elle ne l’aura pas créée. […] On comprend bien qu’il expose sa vie pour ne pas rester sous le coup des soupçons de Marguerite ; ce que l’on comprend moins, c’est que son amour ne soit pas atteint profondément après cette scène. […] Octave Feuillet a comprise, exprimée et favorisée. […] Feuillet nous a si souvent fait comprendre la douceur. […] Augier que de l’avoir compris.

272. (1929) La société des grands esprits

Mais s’il est bon de comprendre le gothique, il ne serait pas mauvais non plus de comprendre pourquoi nos pères ne l’ont pas compris. […] Assurément, y compris la relativité d’Einstein. […] Et l’on comprend la douleur de M.  […] Mais un Byron comprend les raisons des choses. […] L’ironie est rarement comprise.

273. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

Ils conçoivent bien comment la cour de Louis XIV applaudissait Racine qui travaillait pour elle et qui la copiait quelquefois : mais que des tragédies composées pour nos arrières grands-pères nous attirent encore, voilà ce qu’ils ne sauraient comprendre, en vérité. […] Le dénouement de la première n’est point ajourné à la seconde, ou à la troisième ; et celle-ci se suffit à elle-même, sans qu’on ait besoin pour la comprendre, d’avoir vu les deux précédentes. […] Plus tard on en exigea quatre, y compris une farce ou satire, et cela s’appela Tétralogie. […] Ceci peut nous aider à comprendre enfin en quoi consiste la différence du classique et du romantique. […] Tout en reconnaissant l’énorme distance qui sépare ces deux littératures, nous ne trouvons encore là rien qui nous fasse comprendre pourquoi la première s’appelle romantique.

274. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

De nos jours (et cela rend la tâche des réformateurs difficile ), ce sont les peuples qui doivent comprendre. […] Parlez au paysan, au socialiste de l’Internationale, de la France, de son passé, de son génie, il ne comprendra pas un tel langage. […] C’est Paris qui lève les hommes, qui absorbe l’argent, qui l’emploie à une foule de fins que la province ne comprend pas. […] Essentiellement borné, le suffrage universel ne comprend pas la nécessité de la science, la supériorité du noble et du savant. […] Il y a cent ans, pour arriver, il lui suffit d’être compris et apprécié de l’abbé de Véry, prêtre philosophe, très écouté de madame de Maurepas.

275. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Comme on aura pu le remarquer, cette connaissance est jusqu’ici diffuse, analytique, fragmentaire, ne comprend l’ensemble qu’en ses parties et ne l’exhibe que par aspects successifs ; cette connaissance est limitée à son objet qu’elle révèle en lui-même seulement, non dans ses relations et ses effets. […] L’œuvre se comporte de même, et quand on a compris ses organes et énuméré ses énergies, il reste à la révéler en acte, agissante, développant dans une âme humaine les ondes d’émotions qu’elle est faite pour susciter. […] Les contemporains, les auteurs de mémoires, les comiques et les moralistes du temps, les représentations graphiques, des tableaux aux caricatures, les mille faits épars de la vie de tous les jours, la reconstitution architecturale et géographique des lieux, des monuments et des villes, tous les départements de la vie publique, de la politique à la théologie, seront mis à contribution, fouillés en quête de détails typiques et significatifs ; ces notions sur le vêtement, la demeure, le séjour, sur les habitudes intimes et sociales, sur le type ethnique, sur les relations célestes et humaines, sur toute la vie en somme du groupe formé autour d’une œuvre ou autour d’une famille d’œuvres, groupe qui comprendra tantôt tout ce qui est notable d’une nation, tantôt toute une classe, tantôt enfin un nombre épars d’individus dont il faudra rechercher les points d’union, — seront dégagés, fondus ensemble, ordonnés, et plaqués enfin sur la sorte de squelette psychologique que l’on aura obtenu antérieurement par l’ordre de recherches que nous avons exposé au précèdent chapitré. […] Il s’agit de comprendre l’acte créateur en le rejouant, une fois débarrassé de toute forme de « mystère » ou de transcendance.

276. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

Comment faire goûter à ces articliers quelque chose d’audacieux, et leur faire comprendre que l’allégorie est un des plus beaux genres de l’art ? […] Nous voudrions voir déployer ce même talent au profit d’idées plus modernes, — disons mieux, au profit d’une nouvelle manière de voir et d’entendre les arts — nous ne voulons pas parler ici du choix des sujets ; en ceci les artistes ne sont pas toujours libres, — mais de la manière de les comprendre et de les dessiner. […] — Nous comprendrions plutôt qu’un musicien voulût singer Delacroix, — mais un sculpteur, jamais ! […] Nous ne comprenons pas l’effroi de Marion Delorme à l’aspect de ces aimables fous. […] Celui-là sera le peintre, le vrai peintre, qui saura arracher à la vie actuelle son côté épique, et nous faire voir et comprendre, avec de la couleur ou du dessin, combien nous sommes grands et poétiques dans nos cravates et nos bottes vernies. — Puissent les vrais chercheurs nous donner l’année prochaine cette joie singulière de célébrer l’avénement du neuf !

277. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Nous comprenons ses motifs : M.  […] Qu’il se comprenne lui-même, nous n’en doutons pas ; mais qu’il soit compris par l’avenir, nous en doutons. […] Aucun historien ancien ou moderne n’a si bien exposé les affaires, si bien démêlé les négociations, si bien compris les campagnes. […] Thiers comprend tout et fait tout comprendre. […] ” « Tout le monde comprit le vote de M. 

278. (1925) La fin de l’art

Il nous a fallu presque cent ans pour commencer à faire semblant de la comprendre. […] Ils ne me comprendraient pas d’ailleurs, peut-être trouveraient-ils seulement que j’ai bien mauvais goût. […] Il ne se comprendrait pas, la médecine fût-elle une science exacte. […] Que ces questions de nationalités sont donc mal comprises ! […] Peut-être que pour comprendre la nature, il faut d’abord en respecter les formes.

279. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bataille, Frédéric (1850-1946) »

Les enfants aimeront ces fables et les parents les comprendront. Or, comme comprendre est encore le meilleur moyen d’aimer, le livre a sa fortune faite.

280. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » p. 333

L’Epitaphe dont il honora le tombeau de la belle Laure, en passant à Avignon, fait honneur à sa Muse : En petit lieu compris, vous pouvez voir Ce qui comprend beaucoup par renommée, Plume, labeur, la langue & le devoir, Furent vaincus par l’Amant de l’aimée.

281. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Si les naturistes sont parvenus à la notoriété, on n’a guère compris la haute portée de leurs intentions. […] Il a compris l’homme qui travaille, et qui aurait droit à un peu de bonheur et à un peu de poésie lui aussi. […] Notre génération a enfin compris le danger qu’il y avait à laisser les masses incultes. […] Il sent se développer en lui une étrange misanthropie et l’on comprend peu à peu que la crise doit avoir lieu. […] Certes, je comprends plus que tout autre les hautes visées de MM. 

282. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

C’est ainsi que nous comprenons l’importance purement directrice et provisoire des théories. […] Cela nous permettra ensuite d’aller plus vite dans notre exposition, et d’être mieux compris. […] On comprend maintenant que la bile ne peut plus être versée dans l’intestin et qu’elle s’échappera de la vésicule au fur et à mesure qu’elle se produira. […] Vous comprendrez l’usage de cet instrument, quand je vous aurai indiqué le point où il faut le porter. […] Vous comprenez maintenant la raison de la présence de cette pointe.

283. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Il lui apprend des vers très faciles à comprendre. […] Personne, d’ailleurs, ne le comprend ni ne se soucie de le comprendre ; comprendre est du dernier bourgeois, et le besoin de comprendre une sorte de vice dont on travaille à se défaire. […] — Vous ne comprenez pas ? […] « — Comprenez-vous ? […] vous ne comprenez pas ?

284. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Il est vrai que nous étions si mal préparés pour le comprendre. […] On comprendra, sans peine, qu’ils ne pouvaient se contenter de l’esthétique en cours. […] Dès que la foule ne comprend plus, elle rit. […] Et c’est là aussi l’erreur, car pour l’instant, elle ne comprendra pas plus l’un que l’autre. […] Et je comprends moins encore ces magnificences de visions que l’expression de symboles qui le sont véritablement.

285. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

Il n’en faut pas davantage pour n’irriter personne et se faire comprendre de tous. […] Descartes et Malebranche, Kant et Schelling, ces penseurs abstraits, sont-ils mieux compris et goûtés que les grands poètes ? […] Il ne mérite ni respect ni dédain, n’ayant point de droits à exercer, mais un devoir strict à remplir, qui est d’écouter et de comprendre. […] Je me refuse absolument à comprendre le titre général donné aux cinq morceaux qui suivent. […] La grandeur et la beauté de cette légende tragique ne furent pas comprises.

286. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Disons ce qu’était l’un : nous essayerons ensuite de faire comprendre ce qu’est l’autre. […] Je conçois bien que le vent agite les feuilles, enfle les voiles d’un navire ; mais je ne comprends pas, je ne crois pas que personne comprenne comment le vent agiterait les corps célestes : la figure employée par M.  […] — Pardon, mon ami, mais tu le comprends bien, l’oubli peut se réparer. […] Il a compris que lorsque, dans une époque qui compte au rang de ses auteurs dramatiques MM.  […] Comprenez-vous, cher ami, que M. 

287. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Nous ne comprenons, nous autres, que la majesté royale ou aristocratique. […] Il y a en lui un monde de pensée et de sentiment, que ne sauraient comprendre ni la grossière stupidité ni le scepticisme frivole. […] Une proposition ne vaut qu’en tant qu’elle est comprise et sentie. […] Dites-leur d’aimer Dieu, de ne pas offenser Dieu, ils vous comprendront à merveille. […] Le polythéisme ne nous paraît absurde que parce que nous ne le comprenons pas.

288. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Je cherche à rendre l’impression du livre, je tâche d’être compris plutôt que je n’explique ma pensée. […] Il n’y a que ceux qui ne veulent pas comprendre, qui ne comprendront pas. […] Baudelaire d’avoir compris ces conditions nouvelles de la poésie, car c’est assurément une preuve de force que de se trouver du premier coup à la hauteur de son temps. […] Les poètes en ce temps-là n’écrivaient que pour les poètes ou pour les âmes assez grandes pour comprendre l’Art. […] Ils m’ont donc déjà compris lorsque j’ai cherché à indiquer le caractère de cette poésie abondante dans sa sobriété, de cette forme serrée où parfois l’image fait explosion avec l’éclat soudain de la fleur d’aloès.

289. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Cette histoire, telle qu’il a su l’établir et la bâtir, est tout à fait le contraire de ces histoires générales, systématiques, où l’auteur prête de ses intentions et de son parti pris aux personnages et aux événements eux-mêmes, tellement qu’en les lisant le vulgaire des esprits qui aime à être mené croit tout comprendre et se déclare charmé, tandis que tout esprit politique et qui a tâté des affaires humaines sent aussitôt que ce n’est pas ainsi que les choses ont dû se passer. […] Né en janvier 1641 et de trois ans plus jeune que Louis XIV, Louvois comprit dès l’enfance la vérité de ce que La Bruyère, a mis en maxime : Jeunesse des princes, source des belles fortunes . […] Rousset, le seul point où son excellent esprit me paraît avoir cédé à la prévention, est celui-ci, et j’ai peine à comprendre qu’au moment où il nous produit tant de preuves directes et nouvelles de l’élévation de sentiments, de la magnanimité et du bon esprit du jeune monarque, il soit si attentif à nous le présenter sous l’aspect le plus saillant de ses défauts. […] Vous savez mieux que moi qu’il n’y a que les gens qui en usent de la sorte qui soient capables de servir un maître comme il faut. » — « Je ne comprends pas, lui répond Louvois noblement susceptible et délicat à sa manière, ce que veut dire la fin de votre lettre, par laquelle il semble que vous vous excusiez de me dire la vérité avec trop de franchise. […] Louis XIV, enfin, s’y montre dans sa grandeur d’âme et son ambition de roi, avec son esprit de travail, son application de détail, son besoin de tout prescrire et de tout régler, ou du moins de tout comprendre, de se rendre un compte exact de la marche et de la conduite suivie en chaque affaire.

290. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Casimir Delavigne semblait comprendre de loin que ce monde si aimable, si flatteur et tout à fait engageant, s’il aguerrit l’homme, intimide parfois le talent. […] La famille comprenait tout cela, on lui ménageait des loisirs, on faisait silence autour de lui ; il pouvait être rêveur et distrait à ses moments. […] Casimir Delavigne comprit qu’une révolution dramatique était imminente vers 1830 ; il voulut être, lui aussi, là où il y avait péril, là où peut-être il jugeait à son point de vue qu’il y avait émeute : il y fut de sa personne, constamment, et durant huit ou dix années ses œuvres ne furent jamais plus nombreuses, plus réitérées, plus faites pour attester sa présence. […] Lui aussi, il avait compris que la popularité n’est bonne qu’à être dépensée, risquée à un certain jour, jetée, s’il le faut, par le balcon. […] Certaines personnes ont cru voir dans cette opinion hautement proclamée une concession, une rétractation presque ; ces personnes-là ne se sont pas donné la peine de bien comprendre ma vraie pensée, et ce qui suit y suppléera. — Voir l’Appendice, à la fin du volume.)

291. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

M. de Tocqueville, légitimiste et chrétien, a tâché de comprendre son temps, cette France nouvelle qui rejetait la légitimité et faisait la guerre à l’Église. […] Thierry chercha une forme pour l’histoire ainsi comprise. […] Son père qui, dans sa pauvreté, avait foi à l’instruction, le mit au collège Charlemagne : et l’enfant comprit ; obstinément, virilement, il s’efforça jusqu’à ce qu’il fût des premiers de sa classe. […] Il n’avait pas grand effort à faire pour comprendre la puissance du christianisme au moyen âge. […] On comprendrait moins bien le génie historique de Michelet, si l’on n’avait vu dans ces ouvrages à quel point la poésie de son style et ce don d’évocation qui rend ses récits si vivants résultent d’une communion d’âme avec toutes les manifestations de la vie.

292. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Je suis de ceux qui doutent, en effet, qu’il soit donné à l’homme d’embrasser avec cette ampleur, avec cette certitude, les causes et les sources de sa propre histoire dans le passé : il a tant à faire pour la comprendre bien imparfaitement dans le présent, et pour ne pas s’y tromper à toute heure ! […] Supposez que, dans le poème de l’Iliade, une syllabe soit douée, un moment, d’âme et de vie : cette syllabe, placée comme elle l’est, pourrait-elle comprendre le sens et le plan général du poème ? C’est tout au plus si elle pourrait comprendre le sens du vers où elle est placée, et le sens des trois ou quatre vers précédents. […] Sorti de race calviniste, il en a conservé un certain tour austère, l’affinité pour comprendre et rendre ces naturels tenaces, ces inspirations énergiques et sombres. […] Mais ils comprenaient leur temps ; les vues et les efforts de leur politique étaient en harmonie avec ses besoins, avec l’état et le mouvement général des esprits.

293. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Des improvisateurs de progrès, de fulminants ouvriers de révolutions, qui en soixante-six ans en ont dépêché six, ne comprennent pas plus, ne doivent pas plus comprendre que ce frondeur en retard, tombé après coup dans la monarchie de Richelieu, parachevée par Louis XIV, ce rayonnement de l’autorité unitaire qui calme et rassied les nations. […] Il s’est mépris sur Louis XIV, et tellement mépris, qu’on peut dire qu’il ne l’a pas compris, et que, de hauteur avec le siècle qu’il a su peindre, il ne l’a plus été avec son modèle quand il s’est agi de la tête du siècle, de son chef. […] Cette personnalité de Louis XIV, odieuse, comme tout ce qui est grand, à tout ce qui est petit, Saint-Simon ne l’a pas pénétrée plus que nous qui la voyons après lui, et qui, malgré les bénéfices et les leçons du temps, ne la comprenons pas davantage. […] Il fit toute sa vie — comme on faisait alors — de l’opposition politique, comme n’en font jamais les hommes nés pour le commandement, qui se retirent du pouvoir, en tombent, ou même n’y entrent pas, comme Saint-Simon, mais ne s’abaissent pas à tracasser un gouvernement ; et comme tous les gens destinés de nature à l’opposition politique, il ne comprit rien aux mérites, nets et positifs, des hommes taillés pour gouverner. […] Certes, on comprend cette caricature à plus d’un endroit des Mémoires, — à tous, si l’on veut, — mais pas là.

294. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

On peut tout à la fois se comprendre et se tromper. […] Quand vous voudrez comprendre celui-ci, traduisez-le. » Là-dessus, il prit le livre, relut le passage, vérifia mot à mot la traduction. […] La proposition est si énorme, qu’on croit d’abord n’avoir pas compris. […] Une fois la force constatée et comprise, la nature s’ouvre et les sciences entrent en révolution. […] Comprenons donc que ni la volonté, ni la résolution, ni son efficacité, ni aucune force ne sont des êtres.

295. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 517-518

Sa Bibliotheque des Auteurs Ecclésiastiques comprend tous les Siecles de l’Eglise, l’Histoire des Auteurs, le Catalogue, le Sommaire & la Critique de leurs Ouvrages. La partie qui comprend le dix-septieme Siecle n’a pas dû couter beaucoup à l’Auteur ; il n’a fait que copier les Extraits du Journal des Savans ; mais comme M. l’Abbé du Pin avoit travaillé long-temps à ce Journal, il peut se faire qu’il n’ait fait que revendiquer un bien qui lui appartenoit.

296. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Tu me comprends si bien que tu m’écoutes. […] Si je le comprenais, il ne serait plus Dieu. […] Ils ne comprennent pas cela. […] Vous ne comprenez pas ? […] Je ne comprends pas.

297. (1874) Premiers lundis. Tome I « Hoffmann : Contes nocturnes »

Les phénomènes singuliers et subtils dans lesquels se complaît le génie d’Hoffmann, lorsqu’il ne les tire pas d’un concours plus ou moins romanesque d’événements tout extérieurs, et lorsque la nature humaine et l’âme sont sur le premier plan, se rapportent plus particulièrement, comme on peut le penser, à ces âmes sensibles et maladives, à ces natures fébriles et souffrantes, qui peuvent en général se comprendre sous le nom d’artistes : ce sont elles qui font le sujet le plus fréquent et le plus heureux de ses expériences. […] Eugène est si simple qu’il a peine à comprendre ; et quand il a compris, la douleurs de ne plus coucher près de la serre chérie et de ses fleurs favorites est telle, qu’il trouve plus facile d’épouser la veuve de son professeur, que de quitter la maison.

298. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire et philosophique »

Quatre périodes historiques y sont plus particulièrement traitées : 1° La période de la philosophie orientale, dans laquelle les spéculations de la philosophie brahminique et chinoise sont exposées par une plume très au courant des plus récentes connaissances ; 2° la période de philosophie grecque, fort complète aussi, et embrassée avec une sérieuse intelligence des grands systèmes ; 3° la période chrétienne qui comprend les Pères des cinq premiers siècles ; 4° le moyen âge dans ses philosophes contemplatifs ou scolastiques. […] Après l’examen et la discussion des mobiles, l’auteur aborde les devoirs et leurs diverses branches, devoirs envers Dieu, envers nos semblables et envers nous-mêmes ; dans ce traité sur la vertu, qui comprend tout le second volume, on rencontre les plus hautes questions de la nature humaine, aplanies avec cette aisance particulière à l’aimable philosophe, et accompagnées de digressions bien assorties. […] Damiron avec lequel nous sommes, bien malgré nous, en retard, a publié, il y a quelques mois, la seconde partie de son cours de philosophie : la première contenait la psychologie proprement dite ; le volume nouveau comprend la morale.

299. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Rêveries sur un empereur »

  Il a commencé par aller visiter, à la file, ses cousins les empereurs et les rois (jusqu’au Grand Turc, qui n’y a rien compris), comme s’il sentait qu’au temps où nous sommes, les souverains que la démocratie n’a pas encore emportés ont des choses graves à se dire, des questions solennelles à débattre, une sorte d’examen de conscience royal à faire ensemble. […] Et le jeune autocrate, dans sa bonne volonté, songeait : « Mais ils ne comprennent pas ! Ils ne comprennent rien !

300. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Le termite »

Si j’ai bien compris, le « termite » qui ronge Noël Servaise, c’est la recherche du « document », du petit fait bas, insignifiant, méprisable. […] répondit Jouveroy, je ne me plais qu’avec les gens qui s’embêtent. » La Bruyère dit en parlant de certains financiers : « De telles gens ne sont ni parents, ni amis, ni citoyens, ni chrétiens, ni peut-être des hommes : ils ont de l’argent. » Je dirais volontiers des pareils de Servaise : « Ils ne sont ni chrétiens, ni citoyens, ni amis, ni parents, ni peut-être des hommes : ce sont des littérateurs  chacun d’une religion littéraire distincte à laquelle il est seul à croire, et qu’il est seul à comprendre  quand il la comprend ».

301. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VII. L’Histoire de la Physique mathématique. »

Cette crise en effet n’est, pas la première et il importe, pour la comprendre, de se rappeler celles qui l’ont précédée. […] Je m’explique ; comment les anciens comprenaient-ils la Loi ? […] Dirons-nous qu’il nous est impossible de rien comprendre à cette machine tant qu’on ne nous permettra pas de la démonter ?

302. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Conclusion »

Mais en réalité, si les faits fondamentaux des autres règnes se retrouvent dans le règne social, c’est sous des formes spéciales qui en font mieux comprendre la nature parce qu’elles en sont l’expression la plus haute. […] Du moins, si elle s’y intéresse, c’est dans la mesure où elle y voit des faits sociaux qui peuvent l’aider à comprendre la réalité sociale en manifestant les besoins qui travaillent la société. […] On comprend trop bien l’écart qu’il y a entre de telles causes et de tels effets.

303. (1860) Ceci n’est pas un livre « Les arrière-petits-fils. Sotie parisienne — Deuxième tableau » pp. 196-209

Je ne me suis peut-être pas fait comprendre. […] Je comprends, monsieur, que j’ai besoin de me mettre en règle. — Je m’y mettrai. […] Ah ça, je n’y comprends plus rien.

304. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — IV »

C’est un grand plaisir de comprendre. Cherchons donc à comprendre pourquoi M. Taine comprend de cette façon ses compatriotes.

305. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Arvers, Félix (1806-1850) »

» et ne comprendra pas. […] Henri Blaze de Bury Le sonnet d’Arvers, isolé dans son œuvre, ne vise pas telle ou telle personne de la société ; il vise la femme, être essentiellement réfractaire aux choses de la poésie quand son amour propre n’y est pas intéressé, et qui ne comprend vos vers et vos hommages que le jour où votre gloire les lui renvoie et que vous avez fait d’elle une Elvire.

306. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre I. Malherbe »

Mais rappelons-nous qu’il s’acharnait, comme dit Balzac, à dégasconner la cour, et nous comprendrons que le « courtisan », au nom duquel il blâmait Desportes, était pour lui un idéal plus qu’une réalité. […] Ses adversaires dont plusieurs eurent plus de génie que lui, le combattirent sans le comprendre. […] … Belle chose vraiment, pour tant de personnes qui ne savent que les mots, s’ils savent persuader au public qu’en leur distribution gise l’essence et la qualité d’un écrivain… Eux et leurs imitateurs ressemblent le renard qui, voyant qu’on lui avait coupé la queue, conseillait à tous ses compagnons qu’ils s’en tissent faire autant pour s’embellir, disait-il, et se mettre à l’aise… Ils ont vraiment trouvé la fève au gâteau d’avoir su faire de leur faiblesse une règle et rencontrer des gens qui les en crussent. » Elle criait que cette poésie correcte et populaire était trop facile à faire, trop facile à comprendre. […] Il exprimait aussi ce besoin non moins universel de comprendre, cette disposition rationaliste, qui n’a pas été créée par le cartésianisme, mais qui l’a créé au contraire : il était avide de clarté, de netteté, prenant pour guide et souverain maître « le sens commun, contre lequel, disait-il, la religion à part, vous savez qu’il n’y a orateur au monde qui me pût rien persuader ».

307. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire de la Révolution »

L’histoire de la Révolution n’a pas moins de soixante années, — soixante années qu’Hippolyte Castille, qui comprend un peu l’unité historique comme la Convention comprenait l’unité politique, prétend faire tenir, bon gré, mal gré, dans dix volumes, — ni plus ni moins, — par la seule force du poignet. […] Ce volume de près de cinq cents pages ne comprend guères que quatre années (de 1789 à 1792), et encore s’arrête-t-il au mois de juin. […] … Gagnant de salle en salle, de galerie en galerie, cette émotion étrange déborde, arrive aux postes extérieurs et se répand bientôt comme une alarme sur la ville entière. » Certainement, voilà qui est enlevé, d’un très beau mouvement, très gradué, très puissant, qui vous saisit et vous fait merveilleusement comprendre l’ivresse de ce dernier banquet, la veille du martyre — Ôtez le riant chasseur, qui est trop riant et rappelle trop Capefigue, et la divinité mythologique, qui rappelle trop les dessus-de-porte d’Arsène Houssaye, et vous avez une vraie page d’une sensibilité contagieuse.

308. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XII. MM. Doublet et Taine »

L’autre : Les Philosophes français du dix-neuvième siècle (non y compris l’auteur, bien entendu), est encore, sous une autre forme, une histoire de l’intelligence, mais de l’intelligence en acte, puisqu’il s’agit des systèmes et des plus beaux esprits philosophiques contemporains. […] de ne rien comprendre aux philosophies contemporaines, il est descendu en lui-même pour y chercher l’affirmation qui ne s’y trouve pas, mais là précisément a été le mal : il est descendu en lui-même, comme les philosophies contemporaines. […] Seul, en effet, cet enseignement de la tradition, depuis qu’il existe des philosophies, a su tout comprendre et tout expliquer. […] … III Certes, quand on touche de pareils résultats, quand on lit ce livre laborieux dans le rien où l’abstraction met le monde en, poudre, on comprend que M. 

309. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Guizot »

Quant à saint Louis, c’est le Roi sans péché du Moyen Âge, l’idéal de la royauté chrétienne dans sa pure beauté ; mais est-ce bien Guizot qui peut comprendre la grandeur surnaturelle d’un tel homme ? […] Shakespeare lui-même, devant lequel tout nom et tout génie s’abaissent, n’y a rien compris, et quand j’ai nommé celui-là, je n’ai pas besoin de nommer les autres. […] L’énergie de Calvin n’est pas plus comprise par Guizot que l’orthodoxie de saint Louis. […] Un sympathique ennui — vous le comprenez ! 

310. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Madame Sand et Paul de Musset » pp. 63-77

La Critique même, qui a le triste devoir de juger les autres, et qui, pour cette raison, est tenue à plus de décence que ceux-là qui n’ont qu’à parler, voudrait taire ce que personne ne tait qu’elle n’en serait pas moins, sans risquer de noms, très bien comprise… Sa réserve, si elle en avait, serait donc inutile ; mais elle n’est pas assez Jocrisse pour garder le secret d’une comédie dont tout le monde se passe le mot. […] Déjà, et bien avant que Paul de Musset n’opposât à l’Elle et Lui de madame Sand la foudroyante réplique de Lui et Elle, ce premier roman d’Elle et Lui avait été compris, interprété, commenté, expliqué, et on en avait reconnu, ou du moins on avait cru en reconnaître et les sentiments, et les caractères, et les situations ! […] Cela se comprend, du reste ! […] On comprend qu’il n’y a pas d’analyse à faire de cet exercice, horriblement monotone et prolongé dans ce livre.

311. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Deux romans scandaleux » pp. 239-251

La Critique même, qui a le triste devoir de juger les autres, et qui, pour cette raison, est tenue à plus de décence que ceux-là qui n’ont qu’à parler, voudrait taire ce que personne ne lait, qu’elle n’en serait pas moins, sans risquer de noms, très-bien comprise… Sa réserve, si elle en avait, serait donc inutile, mais elle n’est pas assez Jocrisse pour garder le secret d’une comédie dont tout le monde se passe le mot. […] Paul de Musset n’opposât à l’Elle et Lui, de Mme Sand, la foudroyante réplique de Lui et Elle, ce premier roman d’Elle et Lui avait été compris, interprété, commenté, expliqué, et on en avait reconnu, ou du moins on avait cru en reconnaître et les sentiments, et les caractères et les situations ! […] Cela se comprend, du reste ! […] On comprend qu’il n’y a pas d’analyse à faire de cet exercice, horriblement monotone et prolongé dans le livre de Mme Sand.

312. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Armand Pommier » pp. 267-279

C’est ce que Balzac, le plus grand romancier de notre temps et de tous les temps, sans exception, avait compris. […] La Critique, qui doit tout comprendre et tout embrasser, excepté le faux, la Critique, qui doit même se réjouir de ce que la science ait investi l’art d’une force nouvelle, devait non-seulement applaudir à l’influence physiologique dans le roman, et dans le roman de la moralité la plus spirituelle, mais elle devait même encourager, sous toute réserve, le genre spécial du roman, qui allait fatalement tendre à se constituer, et qu’on peut appeler le roman purement physiologique. […] Dans sa Madame Gil Blas, où j’ai noté pourtant une scène très-belle, d’un tragique très-nouveau, inspirée par la physiologie (c’est un duel, horrible d’acharnement et de longueur, entre deux rivaux, au bord du lit d’une cataleptique, qu’ils croient morte, et qui, rigide, les voit, lus comprend, seul les coups qu’ils se portent et ne peut faire un cri, un geste, un mouvement de paupière pour les empêcher de se massacrer sous ses yeux ouverts, immobiles, marbrifiés par la catalepsie ! […] Je crois que l’auteur de La Dame au manteau rouge ne l’a pas comprise.

313. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Et encore une fois, on ne les comprend pas toujours, on ne voit pas très bien où ils vont, on ne mesure pas la portée de leurs principes. […] C’est ce que Leconte de Lisle et Flaubert n’ont pas voulu comprendre ; — et c’est dans la vérité de cette leçon que le naturalisme, après avoir transformé la littérature, a trouvé le grand obstacle à sa propagation. […] Mais les auteurs dramatiques l’ont mieux compris encore, eux, dont nous avons vu que l’art s’évanouissait tout entier s’ils perdaient le contact du public. […] Les choses ne sont pour lui que ce qu’elles doivent être, et dès qu’il les a comprises, il ne les trouve pas légitimes seulement, mais « naturelles » et par conséquent nécessaires. […] Qui ne sacrifierait à ce généreux idéal un peu de son « individualisme », et l’étrange vanité d’être seul à s’admirer ou à se comprendre lui-même ?

314. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Âges sacrés, âges primitifs de l’humanité, qui pourra vous comprendre ? […] On dirait que toutes les races et tous les siècles ont compris Dieu, l’âme, le monde, la morale d’une manière identique 94. […] On comprendra alors que la science de l’âme individuelle, c’est l’histoire de l’âme individuelle, et que la science de l’esprit humain, c’est l’histoire de l’esprit humain. […] Cela même en fait l’intérêt : aucune étude ne fait mieux comprendre l’état médiocre de l’esprit humain. […] Ils ne voient que le côté littéraire et esthétique ; bien plus, ils ne peuvent le comprendre grandement et profondément.

315. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Par suite, il est difficile de la connaître et de la comprendre. […] Avant d’essayer de le modifier, il est nécessaire de le comprendre. […] Elle se préparait à durer, en essayant de se comprendre. […] Il a tout compris, tout analysé. […] Elle se comprend néanmoins.

316. (1881) Le roman expérimental

Il lui faudra voir, comprendre, inventer. […] Dès lors, on ne comprend plus les grandes indignations contre l’argent. […] On ne veut pas comprendre que le sens moral n’a pas d’absolu. […] je déclare ne pas comprendre. […] Qu’il attaque, mais qu’il comprenne d’abord !

317. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

Ce qui m’y frappe avant tout et partout, c’est combien l’auteur, soit qu’il raisonne, soit qu’il interroge l’histoire littéraire, ne comprend que sa propre manière d’être et sa propre individualité ; par cela même il nous avertit qu’il n’est pas un critique. Tant pis pour qui ne comprend dans l’art que ce qu’il peut faire ! […] Il admet des idées en l’air, sans forme : comprenne qui pourra ! […] M. de Laprade ne comprend pas plus cela qu’il ne comprendrait sans doute que l’Allemagne saluât son Luther.

318. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

Tels comprirent, avertirent. […] À la vérité s’ils m’émeuvent davantage, c’est que la beauté de leur objet m’est plus familière, par les lyriques grecs et siciliens, et que ma sensibilité mieux avertie comprend mieux. […] Mais le grand article, l’étude de revue, est-ce compris dans l’enterrement de première classe, avec les fleurs de Vaillant-Rozeau et les chanteurs de Saint-Gervais ? […] Sans doute il avait horreur du christianisme, mais il ne comprenait pas tant l’hellénisme. […] Pour l’Anthologie, je suis sûr que nous ne la comprenons pas.

319. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

L’imbécile qui a suivi sans peine est fier d’avoir compris de la « pensée » et de la « psychologie », et sa digestion n’a pas été troublée. […] Celui qui en est doué ne peut guère éviter d’ironiser et, si l’ironie bourgeoise qui consiste à ne pas comprendre est précieuse comme un bouclier orné de grotesques, l’ironie aiguë de celui qui comprend est une arme offensive. Et puis il est vraiment trop différent, celui qui comprend : son originalité est une dernière raison de le haïr ou plutôt de fermer les yeux, de refuser de l’apercevoir. […] Chez nous, le professeur de philosophie, prêtre de traditions que souvent il ne comprend même plus, est exactement le contraire du philosophe.

320. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Madame Récamier. » pp. 121-137

Le regard rencontrait d’abord un sourire qui disait si bien : Je comprends, et qui éclairait tout avec douceur. […] Pourtant, comme on ne peut bien comprendre le caractère et le doux génie de Mme Récamier, cette ambition de cœur qui, en elle, a montré tant de force et de persistance sous la délicatesse ; comme on ne peut bien saisir, disons-nous, son esprit et toute sa personne sans avoir une opinion très nette sur ce qui l’inspirait en ce temps-là, et qui ne différait pas tellement de ce qui l’inspira jusqu’à la fin, j’essaierai de toucher en courant quelques traits réels à travers la légende, qui pour elle, comme pour tous les êtres doués de féerie, recouvre déjà la vérité. […] C’est là un côté sérieux que sa charité finale n’a pas été tout à fait sans comprendre ; c’est une leçon que la gravité suprême qui s’attache à sa noble mémoire n’interdit pas de rappeler. […] Elle comprit qu’après de tels succès de beauté, le dernier moyen de paraître encore belle était de ne plus y prétendre. […] Du jour où j’ai vu que les petits Savoyards dans la rue ne se retournaient plus, j’ai compris que tout était fini. » Elle disait vrai.

321. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Des deux volumes sur Abélard, il n’y a que la moitié du premier volume qui soit à notre usage, je veux dire à l’usage des esprits qui tiennent à ce que le sérieux ne soit pas dénué de tout agrément ni de tout profit, et qui ne se paient pas du pur amour-propre de comprendre. […] Enfin, un jour, il fut plus heureux, et il écrivit aussitôt l’espèce d’allocution et de prière où il s’empressa de l’encadrer ; car, chez Anselme, c’est toujours la prière qui précède et qui suit les opérations de la science ; chez lui, ce n’est pas la raison qui cherche la foi, c’est la foi fervente et sincère qui cherche simplement les moyens de se comprendre et, pour ainsi dire, de se posséder par le plus de côtés possible ; c’est la foi, comme il le définit excellemment, qui cherche l’intelligence d’elle-même. […] Et il ajoute dans une note, en développant un peu la pensée de Descartes : « Il faut avouer que tous ces raisonnements abstraits sont assez inutiles, puisque la plupart des têtes ne les comprennent pas. » Il est heureux, au point de vue religieux et moral, que la croyance en Dieu trouve des appuis plus naturels et plus sentis dans le cœur de l’homme. Le fait est que j’ai invariablement remarqué, pour mon compte, que s’il y a une certaine quantité et une certaine qualité d’esprits qui admettent, qui embrassent volontiers cet ordre métaphysique d’idées et croient les comprendre, il y a, pour le moins, une très grande moitié du monde, même du monde intellectuel, qui ne s’en trouve pas plus convaincue après qu’auparavant, et qui continue d’attendre la preuve après qu’on a prouvé. […] Voilà une ébauche bien faible de mon rêve ; je crois pourtant qu’aucun caractère ne s’abaisserait dans un tel rôle, simplement compris et nettement accepté ; dans tous les cas, je demande pardon à ceux ou plutôt à celui des amis absents à qui je m’adresse, de m’être ainsi laissé aller à l’exprimer : car tout cela, ne le devinez-vous pas ?

322. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

Johnson, l’affreux docteur Johnson, l’hippopotame de la lourde Critique anglaise, fut en Angleterre un de ceux qui se moquèrent le plus de Sterne et qui ne durent rien comprendre à l’imagination de l’auteur du Tristram Shandy et du Voyage sentimental. […] Stapfer a écrit son livre ; car il a essayé de leur faire comprendre ce qu’évidemment ils ne comprennent pas d’eux-mêmes. […] Sterne, qu’il voit trop en petit, par une bonté que je ne comprends pas pour M.  […] … Pour ceux qui n’entendent pas l’arabe comme pour ceux qui le comprennent, ce mot de Koran a beau signifier, dans son sens primitif et grammatical, une collection de chapitres, il n’en fait pas moins, dès qu’on le prononce, passer devant nous le monde de l’Orient avec ses dogmes, ses coutumes, ses mœurs, ses tableaux.

323. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

Mais les peuples de l’Orient diffèrent de ceux de l’Occident par bien d’autres caractères que par la forme des corps ; ils en diffèrent, par exemple, par la forme des sociétés : dès lors, qui nous dit que, encadrés en des groupements analogues, leurs membres, différents de nous par le sang, n’auraient pas été capables de comprendre les idées égalitaires ? Admettons que, pour la comprendre, une certaine capacité cérébrale minima soit indispensable : on imagine mal qu’une société faite d’hommes à qui leur cerveau ne permet pas de distinguer le tien du mien ou de compter jusqu’à dix s’élève à l’égalitarisme. […] — Oui, mais cause indirecte ; et si nous voulons comprendre comment elle agit sur l’opinion publique, nous sommes obligés de considérer d’abord l’effet qu’elle produit sur les éléments sociaux, qu’elle assimile, puis l’effet que produit, sur les idées régnantes, cette assimilation même. […] Afin que la propagation d’une idée dans un milieu se laisse comprendre, il faut des raisons tirées de l’observation de ce milieu même. […] Mais ce ne serait encore qu’une loi empirique. — Supposons donc que nous ayons montré comment, lorsque les sociétés affectent une forme centralisée, les esprits qui les composent se trouvent naturellement amenés, en vertu des lois de la formation des idées, à penser, non par classes, mais par individus, et à mettre, vis-à-vis du centre unique, tous les individus sur le même plan, alors nous aurions pleinement compris la relation établie.

324. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

On comprend maintenant le mot et la chose. […] On comprend qu’il ait fait plus d’impression qu’un autre dans un esprit qui recevait, traduisait ou interprétait la métaphysique, mais ne la créait pas. […] Il s’agit du système de Schelling dont il dit33 : « Selon lui la philosophie doit s’élever d’abord jusqu’à l’Être absolu, substance commune et commun idéal du moi et du non-moi, qui ne se rapporte exclusivement ni à l’un ni à l’autre, mais qui les comprend tous deux, et en est l’identité. […] Voici l’abrégé de celle qu’ils enseignent, grossière esquisse, mais qui fera comprendre le cours de 1828, et mesurer les courbes décrites par la philosophie de M.  […] Comprenez-vous maintenant ces phrases de M. 

325. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre IV. L’espace et ses trois dimensions. »

Pour ceux qui savent déjà la géométrie, il serait aisé de le leur faire comprendre en raisonnant comme il suit. […] Il est aisé de le comprendre. […] Bien entendu, cette classification est beaucoup plus compliquée que cela, mais cela suffira pour faire comprendre mon raisonnement. […] Si, en effet, j’ai bien compris la théorie, il me suffira de l’exposer pour qu’on comprenne qu’il est impossible de concevoir une expérience qui la confirme. […] On ne comprendrait pas pourquoi le créateur nous aurait donné des organes destinés à nous crier sans cesse : Souviens-toi que l’espace a trois dimensions, puisque le nombre de ces trois dimensions n’est pas sujet au changement.

326. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Il aima mieux attendre qu’elle fût comprise et voir si elle le serait. […] Comment donc les gens du roi comprennent-ils le mot civilisation ? […] Transformez de cette façon la formule des criminalistes, nous la comprenons et nous y adhérons. […] Voilà de la peine de mort bien comprise. […] C’est la façon la plus humaine de comprendre la théorie de l’exemple.

327. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Ceci est un peu délicat, mais vous allez tout de suite très facilement comprendre. […] Il disait : « Ces fables, je les comprends, mais elles sont ironiques, les enfants ne peuvent pas comprendre l’ironie, c’est-à-dire prendre la fable juste au rebours du texte où ils la lisent : La raison du plus fort est toujours la meilleure, Nous l’allons montrer tout à l’heure. […] L’enfant aura-t-il la force de comprendre qu’il faut prendre ces choses à rebours et qu’il y a de l’ironie dans cette singulière moralité ?  […] C’est un mot de Sainte-Beuve, et il n’y a rien de tel comme les hommes comme Sainte-Beuve, pour savoir ce que c’est que la générosité, parce que nous comprenons très bien ce que nous sommes et aussi le contraire de ce que nous sommes. […] Que voulez-vous qu’il comprît à cette morale toute ménagère, à cette morale des humbles et à cette morale qui n’ouvre pas d’une façon très vaste les abîmes ni même les sources du cœur ?

328. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Mais aujourd’hui nous sommes en face d’un homme d’une immense, d’une incontestable renommée, et dont l’œuvre est bien autrement difficile à comprendre et à expliquer. […] Je serai compris de tous les gens qui ont comparé entre elles les manières de dessiner des principaux maîtres en disant que le dessin de M.  […] D’après tout ce qui précède, on comprendra facilement que M.  […] J’ai tant entendu plaisanter de la laideur des femmes de Delacroix, sans pouvoir comprendre ce genre de plaisanterie, que je saisis l’occasion pour protester contre ce préjugé. […] D’abord il faut remarquer, et c’est très-important, que, vu à une distance trop grande pour analyser ou même comprendre le sujet, un tableau de Delacroix a déjà produit sur l’âme une impression riche, heureuse ou mélancolique.

329. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

L’anatomie headriptive est à la physiologie ce qu’est la géographie à l’histoire, et de même qu’il ne suffit pas de connaître la topographie d’un pays pour en comprendre l’histoire, de même il ne suffit pas de connaître l’anatomie des organes pour comprendre leurs fonctions. […] C’est une collaboration impossible à disjoindre, et nous devons comprendre qu’en l’absence d’un des facteurs, l’être ne saurait vivre. […] On comprend dès lors que la chaleur qui, à cette époque, n’avait pu déterminer le développement de l’œuf, le puisse faire maintenant. […] Liebig comprit autrement les fermentations. […] Comment comprendre dès lors leur production ?

330. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Il y a là évidemment l’apparence d’une contradiction, assez fréquente chez les désespérés, et qu’on a relevée souvent avec ironie, faute de la comprendre. […] Un groupe infime seulement d’amateurs raffinés comprit et admira, et c’est par leurs louanges seules que Théophile Gautier connut la gloire. […] On sait que de temps et de peine il leur fallut pour s’imposer au public ; et, aujourd’hui encore, par combien de lecteurs pensent-ils être compris ? […] Mais, mieux que les hommes de 1830, Baudelaire avait compris le procédé qu’ils avaient employé et qui leur avait réussi. […] Leur instinct les pousse vers l’idéalisme, vers la fantaisie lyrique comme l’avait comprise Henri Heine.

331. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

En effet, un certain nombre d’œuvres à la fois semblables et diverses sont comprises sous la dénomination commune de comédies. […] Grâce à Dieu, elle n’y pouvait rien comprendre. […] Mais il y a des intelligences qui comprennent diversement la poésie, le comique, le beau : la dispute est donc nécessaire, et la dispute est interminable. […] Mais pourquoi ne comprenez-vous pas le comique du Shakespeare et de l’Aristophane français aussi bien que la France et que l’Europe ; pourquoi ? […] Vous comprenez, vous goûtez, vous aimez Molière autant que personne.

332. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

lui disait un visiteur. — Allons, ne jouez pas au fin avec moi ; vous avez bien compris que c’était Bacciocchi !  […] Non, non, je ne comprends pas ! […] alors, vous n’êtes plus compris du tout. » Prenant au hasard un petit journal : « Tenez, voilà comme il faut écrire pour être compris… des nouvelles à la main… La langue française s’en va positivement… Eh ! […] Critiques et louanges m’abîment et me louent sans comprendre un mot de mon talent. […] L’étonnant est qu’elle mange, le miraculeux est qu’il finit par finir, l’insupportable est qu’elle veut être comprise.

333. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Le terme inévitable de cette affection est un sentiment continu de malaise et d’amertume, de déclin et d’arrêt, que l’on peut le mieux comprendre par le mauvais effet produit sur la marche d’une machine par la présence et le frottement d’un appareil enregistreur. […] Ainsi fatalement, le spectacle du monde qu’il voyait mal, comme de loin, et qu’il comprenait moins encore, dont l’image confuse se résolvait en lui en violents mouvements de peur et de pitié, devait lui donner le mysticisme désespéré et pitoyable qu’il professe, le renoncement à comprendre et la certitude que tout s’explique et s’apaise en Dieu. […] Elle comprend donc deux éléments associés en un rapport infiniment variable : l’un de reproduction de la nature, l’autre d’altération, d’arrangement, d’idéalisation et d’excès. […] Il est en bon renom auprès de tous les organes supérieurs de la presse française ; il faut donc croire que le mélange de bonté attristée, d’observation délicate et de haute méditation qui le caractérisent sont compris et partagés par un groupe notable de lecteurs qu’il faut chercher dans la bourgeoisie riche des trente dernières années. […] On commence à le comprendre ; la répartition des charges de l’état est inégale et tend à le devenir de plus en plus, tandis que les bienfaits publics sont pour tous les mêmes.

334. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

La Cité de Londres, invitée, n’envoya pas de délégation aux funérailles du poète : des membres de son conseil prétendirent qu’ils n’avaient rien compris à la lecture de ses ouvrages ; c’était en effet bien mal comprendre Victor Hugo que de motiver son refus par de telles raisons. […] Il faut lire Rouge et Noir pour comprendre à quel point Napoléon s’empara de l’imagination des hommes de vouloir et de pouvoir. […] Le poète commençait à comprendre que dans les petites bourses des pauvres, se trouvaient de meilleures rentes que dans les fonds secrets des gouvernements et les coffres-forts des riches. […] Victor Hugo, lui-même, semble, avoir été intimidé par les expressions révolutionnaires qu’il maniait et dont il ne comprenait pas exactement le sens. […] Hugo, ainsi que tout bourgeois, ne peut comprendre l’existence d’une société sans police et sans exploitation ouvrière.

335. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Encore je l’aurais comprise, si M.  […] Gilberte n’y comprend rien et se désespère. […] Dumas : « Monsieur, je vous estime, mais je ne vous comprends guère. […] Tout créateur n’aime et ne comprend bien que son œuvre propre. Je félicite et je plains en même temps celui qui, aimant à la fois Leconte de Lisle et Dumas, comprendrait pourquoi ils se comprennent si mal.

336. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Alors, comment voulez-vous comprendre ? […] Ce Danois polyglotte est-il certain de nous comprendre toujours ? […] Presque calmes maintenant, mais brisés, ils comprennent qu’ils ne peuvent plus se revoir. […] Ce sont aussi, vous dira-t-on, les gens qui veulent tout comprendre ou, chose bien différente, paraître tout comprendre ; ce n’est pas encore suffisant. […] Et, chose étonnante, le banal Antonin, secoué par cette audacieuse confession, comprend à son tour.

337. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Comprenez-vous maintenant que de pareils sujets aient fait au pacifique roi Jacques une mauvaise réputation ? […] Il oblige le spectateur à comprendre trop de choses en trop peu de temps. […] Il est disposé à tout comprendre, et, s’il a l’intelligence libre et ouverte, il comprend tout en effet, même les choses sur lesquelles son esprit ne s’était jamais arrêté auparavant. […] dit Lucifer. — Maîtres dans les arts aimables de jurer et de blasphémer, répondit le diable, gens qui comprennent le langage de l’enfer aussi bien que nous le comprenons nous-mêmes. — Vous en avez menti par la gorge, nom du diable ! […] Comprend-on un père assez dépourvu de sens moral pour insulter à ce point à la pudeur de sa fille !

338. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

On ne comprend pas du premier coup où le poète en veut venir. […] Il a prouvé qu’il comprenait sévèrement ses nouveaux devoirs. […] Mais elle ne comprend pas bien la transition des parties. […] Détaché de l’unité à laquelle il se rapporte, ce livre court le danger d’être mal compris. […] Il est heureux d’admirer comme d’autres sont heureux de comprendre.

339. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Le plus beau mot de Hégel est celui-ci : « Il faut comprendre l’inintelligible… Eh oui ! […] Que l’on combatte à mort un parti qui a été puissant, cela se comprend encore. […] Waldeck-Rousseau et ne fut plus obscur et plus difficile à comprendre que sa conduite. […] M. de Pressensé l’a compris. […] Il ne comprend rien du tout et non pas même 1789.

340. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

Pour bien vous faire comprendre et sentir la musique, il fallait vous la personnifier dans une incarnation qui la fît vivre, sentir, palpiter, chanter et mourir pour ainsi dire sous vos yeux. […] C’est par ces concerts terrestres ou aériens que j’ai compris l’art pieux, amoureux, pathétique, sublime, des Mozart et des Rossini. […] Les règles mêmes de la composition entraient dans sa frêle intelligence ; avant de comprendre les lettres il lisait les notes et comprenait la grammaire des sons ; à l’âge de quatre ans et quelques mois il jouait du petit violon de poche à la proportion de sa taille, et il étudiait par imitation le doigté de l’orgue sur les genoux de l’organiste ; semblable aux anges du tableau de Raphaël, accoudés aux pieds de sainte Cécile, esprits enfantins qui savent tout sans avoir rien appris. […] Comme le roi n’en comprend pas un mot, la reine lui traduisait tout ce que disait notre héroïque Wolfgang. […] Donnez-moi le meilleur instrument de l’Europe et des auditeurs qui n’y comprennent rien ou n’y veulent rien comprendre, et qui ne sentent pas avec moi ce que je joue ; je perds toute joie, tout honneur à jouer.

341. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

d’un Parsifal qui comprend Parsifal ; M.  […] Si nous nous réjouissons, ajoute-t-il, d’avoir un Bayreuth, comprenons combien nous sommes loin encore d’avoir ce que le Maître avait voulu. […] Wilder est plutôt une fluctuation de langage (des vers tour à tour parnassiens, classiques, romantiques) ; mais le public comprend, et c’est le premier point. […] Mais il comprend mieux et perçoit plus finement la nature de l’âme. […] Transporté à la vision constante d’un monde supérieur, il ne parle point, ou prononce des mots qu’on ne peut comprendre.

342. (1902) Propos littéraires. Première série

Elle les comprend ; et des deux manières de comprendre : j’entends par ce qu’ils ont mis dans leurs ouvrages et par ce qu’elle y met. Tous les auteurs ne sont bien compris que de ces deux façons-là. […] Aux classiques, y compris Shakespeare, elle n’entend rien. […] Celui-ci a gagné à ses études entomologiques un mal particulier qui est très bien compris. […] Alyette comprend, et, croyant que c’est pour sauver Emmeline, elle dit oui ; mais à peine l’a-t-elle dit qu’elle comprend que c’était pour sauver Bertrand, et qu’elle l’aime.

343. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Sa gloire et sa joie, c’est de comprendre et de ressusciter l’âme des générations éteintes, et sa plus grande originalité consiste à pénétrer dans l’âme des autres siècles. […] Comprenne qui pourra ! […] il ne faut pas comprendre. […] On comprend que le moyen âge féroce, misérable et éblouissant, ait arrêté un artiste impie et amoureux des bizarreries plastiques de l’histoire. […] L’homme comprend sur le tard que contre l’Anankè, contre le mal universel, rien ne vaut mieux et rien n’est plus fort que la protestation du contemplateur qui ne veut pas pleurer.

344. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

J’ai tâché de montrer, dans une précédente étude3, en combien de sens différens peuvent s’interpréter ces mots de « relatif » et d’« absolu » ; comment Comte n’avait eu garde de confondre le « relativisme » avec le « subjectivisme » ; et qu’enfin la doctrine de la « relativité de la connaissance, « bien comprise, n’est à vrai dire que l’expression même des conditions objectives de la connaissance. […] Renan, pour nous l’expliquer, s’en prend alors à la « science anglaise », qui, dit-il « n’a jamais compris d’une façon bien profonde la philosophie des choses. » Ce jeune homme parle là bien irrévérencieusement de Newton ! […] Il ne les a sans doute connus qu’à travers L’Allemagne de Mme de Staël et les amplifications déclamatoires de Victor Cousin, qui lui-même, dit-on, ne les avait qu’à moitié compris ! […] Quand les disciples se sentent devenus assez forts, ils n’aiment pas que leur maître continue de penser, et si surtout, il pense autrement qu’eux, c’est lui qu’ils accusent de ne plus se comprendre ! Ne terminons donc pas avant d’avoir indiqué un autre et dernier avantage de la méthode positiviste, bien comprise, et suivie jusqu’au bout de sa course, lequel est de laisser, tout le long de sa route, des questions ouvertes, parce qu’en effet, elle contient en elle tout ce qu’il faut pour se corriger ou se redresser.

345. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

Chacune comprend sous elle plusieurs espèces ou plusieurs individus. […] Homme est une abstraction qui comprend génériquement le corps et toutes ses parties, l’intelligence et toutes les facultés intellectuelles, le cœur et toutes les habitudes morales. […] Mucro, la pointe, pour l’épée ; ce dernier mot est abstrait et comprend génériquement la pomme, la garde, le tranchant et la pointe ; ce que les hommes remarquèrent d’abord, ce fut la pointe qui les effrayait. […] Mais les verbes signifient des mouvements accompagnés des idées d’antériorité et de postériorité, et ces idées ne s’apprécient que par le point indivisible du présent, si difficile à comprendre, même pour les philosophes. […] Adam Rochemberg l’a remarqué, mais sans en comprendre la cause.

346. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Comme, à toute force, il faut vêtir l’idée, les maîtres ont compris que dépouiller la forme et la simplifier, c’est-à-dire supprimer toute couleur locale, c’était se tenir aussi près que possible de la vérité… » S’il m’est permis d’avoir un avis en telle matière, je ne trouve pas que les raisons de M.  […] Les maîtres seuls sont d’intelligence avec la nature ; ils l’ont tant observée qu’à leur tour ils la font comprendre. […] Je me pénètre ainsi, par tous mes sens satisfaits, du bonheur de vivre en nomade… » Il a, en toute occasion, de ces définitions du silence, lequel sous un seul mot (comme celui de l’ombre) sous-entend et comprend tant de nuances à tous les degrés imaginables, depuis la douceur et l’atténuation fugitive des sons jusqu’à l’absence totale des bruits28. […] D’ailleurs, l’éclat du ciel s’adoucit par des bleus si tendres, la couleur de ces vastes plateaux, couverts d’un petit foin déjà flétri, est si molle, l’ombre elle-même de tout ce qui fait ombre se noie de tant de reflets, que la vue n’éprouve aucune violence, et qu’il faut presque la réflexion pour comprendre à quel point cette lumière est intense… Elle se retire insensiblement devant la nuit qui s’approche, sans avoir été précédée d’aucune ombre. […] Mais le sommet, en quelque sorte, du livre, le point culminant, c’est la station du peintre sur la hauteur, au pied de la tour de l’Est : l’aspect grandiose du pays, dans sa sévérité majestueuse et toute-puissante, y est exprimé en des traits qui se transmettent et qu’on n’oublie plus ; le génie du climat y apparaît, s’y révèle tout entier et s’y fait comprendre.

347. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Vertueuse abstention ; doute fécond, que Descartes eût compris ; respect exagéré peut-être de la vérité ! […] Et le résultat final, c’est encore que le plus grand des sages a été l’Ecclésiaste, quand il représente le monde livré aux disputes des hommes, pour qu’ils n’y comprennent rien depuis un bout jusqu’à l’autre. […] Il a compris son heure mieux que personne ; il a vécu et senti avec l’humanité de son temps ; il a partagé ses espérances, si l’on veut ses erreurs ; il n’a reculé devant aucune responsabilité. […] L’ironie lui échappait ; il ne la comprenait pas en philosophie ; elle lui déplaisait en politique. […] Il se plaisait avec le peuple ; il était compris et apprécié de lui.

348. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Bazin avait quarante ans quand il aspira publiquement à ce titre sérieux, dont il avait compris toute la responsabilité et qu’il justifia. […] Bazin, sans afficher de réflexions et sous un air d’impartialité indifférente, sont volontiers disposés de manière à donner, à qui sait les comprendre, le sentiment habituel et le mépris de la versatilité et de la sottise humaine. […] En vérité, on dirait par moments que l’historien n’est pas fâché que le lecteur candide ne sente point toute la portée de ce qu’il dit, et que son ambition n’aille à être compris que des plus fins 34. […] Bazin a très bien compris, dans ce curieux exemple du cousin de Mme de Sévigné, tout ce qu’on peut avoir de distinction et de mordant, ou même de justesse dans l’esprit, avec des travers de vanité et des vices de caractère. […] Il avait eu soin de réaliser pour lui de longue main toutes ces conditions de flânerie heureuse (y compris, bien entendu, le célibat) ; et, comme ce flâneur encore qu’il a si bien décrit, il complétait la ressemblance par la crainte des visites qui retiennent chez lui l’honnête homme qui veut sortir.

349. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

Flaubert, qui était artiste dans la moelle des os et qui s’en piquait, a exprimé cet état d’esprit avec une précision merveilleuse : selon lui, vous êtes né pour l’art si les accidents du monde, dès qu’ils sont perçus, vous apparaissent transposés comme pour l’emploi d’une illusion à décrire, tellement que toutes les choses, y compris votre existence, ne vous semblent pas avoir d’autre utilité. […] Il faut comprendre combien la vie déborde l’art pour mettre dans l’art le plus de vie. […] La seconde condition, c’est que ce personnage soit animé de sentiments que nous puissions comprendre et soient en nous-mêmes qui puissants. […] Il faut, pour comprendre cet art, se transporter à cette époque, se réadapter à ce milieu social factice, se dépouiller de son moi moderne ; tout le monde ne le fait pas volontiers. […] L’amoureux de 1830, par exemple, ou le poitrinaire de 1820, est une espèce disparue ; il nous faut aujourd’hui, pour comprendre les types d’autrefois, des recherches analogues à celles du savant déblayant des fossiles.

350. (1902) Le critique mort jeune

Avez-vous compris ?  […] Comprenons encore l’exemple de Voltaire que M.  […] Je ne crois pas que beaucoup de critiques l’auraient compris, comme a fait M.  […] Ils ne savent ni se comprendre, ni s’aider réciproquement. […] Cette définition fait comprendre les profondes affinités du Romantisme et de la Révolution.

351. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — I »

Sir Walter Scott a parfaitement compris que l’histoire de Napoléon ne commence pas, comme celle d’un individu obscur, le jour même de sa naissance, et qu’avant de l’introduire sur la scène du monde, il importe de décrire cette scène, destinée à le recevoir, ce XVIIIe siècle, dont il partagea les opinions, cette Révolution française dont il suspendit les effets. Mais il a compris la chose en auteur qui veut allonger son livre, et non le composer : c’est pourquoi il a entassé dans son Introduction force anecdotes, bons mots, récits de détails, exposés de doctrines religieuses ou politiques, sarcasmes croisés contre les philosophes et les papistes ; nulle part, il n’a placé ces vues générales qui caractérisent l’historien et révèlent en lui l’intelligence de son sujet. […] Comme sir Walter aime à la folie les comparaisons, il me permettra d’en faire une, et de trouver que sa manière de comprendre notre Révolution ressemble exactement à la manière dont le matérialiste Lamettrie comprenait l’homme physiologique, par des poids, des leviers, des soupapes et tout le gros attirail d’une mécanique vulgaire.

352. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre I. Vue générale du seizième siècle »

L’Italie la première avait retrouvé les deux clefs de l’antiquité : elle avait compris la vérité, senti la beauté des œuvres anciennes. […] Aux Latins, toujours présents et vénérés, elle avait, dans le cours du xve  siècle, ajouté les Crées : si superficiellement que soit hellénisée la Renaissance, si clairsemés qu’aient toujours été les vrais hellénistes, en Italie et ailleurs, cependant l’action des Grecs fut immense et heureuse : de Platon découvert et d’Aristote mieux compris, d’Homère et de Sophocle, sont venues les plus hautes leçons de libre pensée et d’art créateur, et ils ont peut-être le principal mérite de l’heureuse évolution par laquelle la Renaissance, échappant aux creux pastiches et aux grâces bâtardes, atteignit l’invention originale et la sérieuse beauté. […] Dans ce cadre charmant, elle posait l’idéal de l’homme complet : le corps souple, robuste, gracieux, amené à la perfection de sa force et de sa forme, non plus instrument vil et méprisé, mais valant par soi, ayant droit à l’entière réalisation de ses fins propres et particulières, droit d’être et de jouir le plus possible ; l’âme parfaite aussi en son développement, enrichie de tous les modes d’existence qu’il lui est donné de posséder, s’épanouissant avec aisance dans sa triple puissance d’agir, de comprendre et de sentir. […] Il suffit que le mouvement général soit justement indiqué ; on devra du reste se reporter aux tableaux chronologiques pour comprendre et la légitimité essentielle et les exceptions nécessaires de nos divisions.

353. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVII. Romans d’histoire, d’aventures et de voyages : Gebhart, Lemaître, Radiot, Élémir Bourges, Loti » pp. 201-217

Romans d’histoire, d’aventures et de voyages : Gebhart, Lemaître, Radiot, Élémir Bourges, Loti I La « Bibliothèque de romans historiques » comprend un nouveau volume : Autour d’une tiare (1075-1085), par M.  […] Renan l’avait fort bien compris qui, dans la préface d’un de ses derniers recueils de pages fugitives, s’excusait sans aucune sincérité, son sourire l’avouait, de ses fantaisies sans conséquence, se reprochait, à un âge où on ne devrait plus s’occuper que de travaux sérieux, de vérités éternelles, de donner ses soins à des publications qui l’amusaient sans plus. […] Il ne comprend de l’Église que la Charité : Jésus n’était ni comte, ni baron, ne possédait ni fiefs, ni bourgs, ni châteaux-forts, ni vassaux, et n’avait pas même une pierre pour reposer sa tête. […] Car, comprendre sans affectation, sourire sans faire mal, aussi, bien que ce soit de moindre prix, lire les poètes latins et italiens, voilà des mérites, assurez-vous-en, qui n’ornent pas seulement l’évêque d’Assise.

354. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre V. L’Analyse et la Physique. »

C’est ce que l’on comprendra mieux quand j’aurai montré ce que la physique reçoit de la mathématique et ce que la mathématique, en retour, emprunte à la physique. […] On comprend alors comment l’analyste, qui poursuit un but purement esthétique, contribue par cela même à créer une langue plus propre à satisfaire le physicien. […] Il en est des symboles mathématiques comme des réalités physiques ; c’est en comparant les aspects différents des choses que nous pourrons en comprendre l’harmonie intime, qui seule est belle et par conséquent digne de nos efforts. […] On comprendra mieux ce paradoxe apparent, en se rappelant dans quelles conditions le nombre s’applique aux phénomènes naturels.

355. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre II. Mademoiselle Mars a été toute la comédie de son temps » pp. 93-102

Jamais, non, jamais, vous ne l’avez vue, vous qui l’avez bien vue, plus correcte, plus ingénieuse et plus franchement aimable ; ainsi, toute seule, elle se défend à outrance ; elle comprend qu’elle va succomber, mais elle succombera, comme le gladiateur, dans toute l’énergie de la victoire ; seulement, en tombant dans cette noble arène, illustrée par elle, elle pourra dire, elle aussi, son : —  Reminiscitur Argos ! […] Firmin, à tout prendre, comprenait le rôle d’Alceste. […] il n’y a qu’elle pour comprendre les grands artistes, pour les aimer, pour les applaudir, pour se prosterner aux pieds des chefs-d’œuvre ! […] Ingrat public, qui ne comprend pas tout ce qu’il va perdre !

356. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le colonel Ardant du Picq »

Mais sa manière de comprendre le combattant donne la manière dont il comprend la nature humaine, et qui la comprend comprend tout.

357. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

La politique domine le Catholicisme dans son livre et il appelle cela le sentiment de l’Histoire… Mais ce n’est que le sentiment de l’Histoire comme il la comprend. Et il s’agit de savoir comme il la comprend. II Il la comprend en se mettant à genoux devant elle. […] Mais n’ayant rencontré, quand il tenta de pénétrer en France, que François Ier paganisé par la Renaissance, l’allié du Turc, le lecteur passionné de Rabelais et d’Érasme et le protecteur de Marot, flottant inconséquemment des bûchers allumés à des bûchers éteints, et du châtiment des Vaudois au repentir qu’il en exprima en mourant, le Protestantisme envahit bientôt, malgré la sécheresse de sa doctrine, un pays où il n’avait eu pour lui d’abord que les moqueries païennes de ses écrivains et l’attrait (lamentable toujours en France) de sa nouveauté… Révolté, dans son âme de moderne, contre la rigueur d’un temps qui avait une foi ardente et des mœurs séculairement chrétiennes, néanmoins catholique à ce point qu’il répète qu’il l’est incessamment dans son histoire, parce qu’il sait trop qu’on pourrait l’oublier, M. de Meaux ne paraît pas avoir compris que plus tard encore il était possible d’arrêter le Protestantisme envahisseur, comme l’Église, dans d’autres temps, avait arrêté l’Hérésie.

358. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vacquerie » pp. 73-89

Si c’était Racine, par exemple, si c’était la tragédie comme la comprenait ce chaste génie aux grâces décentes, Vacquerie écrirait-il encore : « L’admiration, chose admirable ! […] « Nous comprenons que les dévots à Racine, — dit-il, outré d’une admiration « qui subsiste et qui ne lui paraît plus le dernier mot de la critique humaine ; — nous comprenons que les dévots à Racine le préfèrent à Shakespeare, mais nous nous étonnons qu’ils le préfèrent à une bûche. » La tragédie, dont il n’ose pas parler dans Corneille, quoiqu’elle y soit, comme dans Racine, essence, formes, unité, langage, convention, sottises, tout enfin ! […] Nous sommes pour la liberté de cœur. » — « Nous estimons par-dessus tout — dit-il ailleurs — les natures dévouées qui s’oublient dès qu’elles aiment, et qui paieraient de leur honneur et de leur paradis les joies de l’amant. » Parmi toutes les passions que Vacquerie respecte et couronne, il n’y en a qu’une seule qu’il ne comprend pas plus que les passions de la tragédie de Racine : c’est la passion de la décence, de la chasteté et du devoir !

359. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXX. Saint Anselme de Cantorbéry »

Anselme, pour mieux comprendre S. Anselme, peut-on avouer qu’il l’ait compris ? […] Parler des hommes et des choses d’une époque, avec cette politesse qui est l’uniforme des hommes d’État, et un uniforme qui ne cache pas une bravoure, avec ce respect des faits accomplis qui est le caractère de l’école dont M. de Rémusat est sorti, n’est pas plus comprendre cette époque que toucher un objet avec l’extrémité des doigts n’est le saisir et le soulever ! […] M. de Rémusat a trop d’esprit pour insulter à cette surhumaine humilité, que Voltaire aurait traitée… nous savons comment ; mais sous le sérieux indulgent qu’il garde, M. de Rémusat ne cache pas autre chose que la vue mesquine et erronée d’un philosophe qui comprend tous les préjugés d’un siècle et d’un grand homme et qui ne les leur reproche pas.

360. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Dargaud »

Il a compris, lui qui est poète, que la plus profonde, la plus remuante poésie, c’est la poésie du passé ! Il a compris que le front de l’humanité allait à ce bandeau de veuve, et que pour cette reine de deux jours, qui soupire entre un peu d’argile et un peu de cendre, c’était bien la véritable couronne ! Il a compris enfin que, de tous les passés de l’homme, la première partie de l’existence, écoulée au sein d’une famille si vite dévorée par la mort, était le passé le plus touchant et le plus beau, et il nous a raconté le sien. […] On peut condenser en un mot la philosophie de ces vingt pages : « Toutes les religions — dit quelque part Dargaud avec une imagination qui l’égare — ressemblent à des nuées obscures à leur base et lumineuses à leur sommet. » Après une pareille conclusion, tout n’est-il pas dit, pour qui sait comprendre ?

361. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Achille du Clésieux »

On comprend encore — et ce ne sera pas très long ! […] On le comprend, parce que c’est militaire, héroïque, de grande attitude aux yeux de la galerie, malgré la philanthropie, nouvellement inventée, qui nous observe et qui nous châtre. Mais la respectueuse obéissance à la volonté paternelle, et le sacrifice de sa vie, et de celle pour qui on donnerait dix fois sa vie au serment qu’on a fait à une mère mourante ; cet obscur et cruel devoir qui n’a pas, lui, d’attitude sculpturale et plastique, est plus difficile à comprendre dans la noblesse de son humilité. […] … Quand une société en est là de ramollissement et de lâche mépris pour tout ce qui fut autrefois la force et la dignité des nations chrétiennes, le sentiment filial comme on le rencontre dans Armelle est bien près de n’être plus compris.

362. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Stendhal et Balzac » pp. 1-16

S’il y eut jamais un homme d’esprit tourné pour comprendre Henri Beyle, c’est à coup sûr Paulin Limayrac. Critique fin comme un lynx, — trop fin peut-être, — ayant ce ton détaché qui est à cent lieues en l’air du pédantisme et que Beyle aurait aimé plus que personne, spirituel, incisif, pénétrant, mais pénétrant comme une pointe, ayant sous chaque mot dont il se sert une aiguille d’or qu’il enfonce délicatement dans la tête des sots, Paulin Limayrac devait comprendre ce mélange de dandy, d’officier, d’artiste, d’homme du monde, de penseur original, d’humoriste, de touriste, d’excentrique et d’ironique que fut cette Chimère fabuleuse qui répondait au nom de Beyle… ou plutôt qui n’y répondait pas. […] Prodigieuses contradictions, du reste, dans un esprit qui comprenait si bien la peinture, cet art exclusivement chrétien, et qui était devenu si féroce d’aristocratie, quand il s’agissait du talent, qu’il demandait des décorations et des crachats pour les artistes afin de les isoler de la foule et de préserver leurs célestes rêveries de l’importunité des sots. […] Il avait l’impartialité sereine d’un homme de génie qui en comprend un autre, et qui le dit simplement et grandement, en ajoutant pourquoi il l’admire.

363. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Xavier Aubryet et Albéric Second » pp. 255-270

Ceux qui la parlent le mieux sont plus spirituels entre barrières que hors barrières… Mais, en province, on ne doit guères comprendre que la moitié de ce qu’ils disent. […] Il s’agit d’une femme restée vierge, quoique mariée, par une convention conjugale assez incompréhensible ; car de toutes ces conventions-là on ne comprend, sans rire, que celle des Saints (comme, par exemple, celle de sainte Édith et de saint Édouard le Confesseur, qui, elle, est auguste et touchante !). […] L’histoire d’Albéric Second est si bien racontée, il la fait glisser sur des événements si ingénieusement inventés, et la capitonne de tant de naturel et de rondeur dans la manière dont il la conte, qu’on finit par comprendre que la comtesse Alice ait pu aimer le fou — en cravate rouge et en chemise bleue — qu’elle a traité comme un mendiant. […] Albéric Second, qui me fait l’effet d’être un très habile constructeur de romans, quant aux faits qu’il ramène très bien à ses fins, Albéric Second, qui a peut-être dans l’esprit, sans qu’il en ait conscience, ses Trois Mousquetaires, s’amuse et s’attarde, au lieu d’attaquer quelque long sujet de récit, à un roman de chronique, fait avec des événements de chronique, et il est si naturellement et si habituellement chroniqueur qu’il n’écrit même pas en italique, dans son roman, une foule de locutions qu’on ne comprendra peut-être que dans dix ans, à cent cinquante lieues de Paris.

364. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. De la France en 1789 et de la France en 1830 »

Aujourd’hui nous voudrions réfuter ceux qui s’alarment d’une comparaison superficielle de 1830 avec 1789 ; qui dirigent leur politique comme si de sombres catastrophes sociales étaient là toujours menaçantes devant eux ; et qui ne comprennent pas le moins du monde dans quelle acception véritable nous sommes revenus à 89, dans quel sens pacifique il est exact de dire que nous allons le continuer. […] L’hostilité violente a disparu des doctrines ; la philosophie accepte, comprend, explique autant qu’elle peut ; l’histoire, sans aigreur ni colère, s’est accoutumée à étudier chaque peuple, chaque époque, selon ses conditions. […] Mais c’est ce que ne comprennent pas les hommes de transition, les hommes de restauration mitigée, qui dans les Chambres et dans les Conseils pèsent encore sur nous ; gens qui font les capables et les prudents ; sans physionomie, sans caractère décidé, à courte vue, égoïstes au fond, qui, la main sur le cœur, n’ont de sympathie réelle ni avec la Révolution de 89, ni avec celle de 1830 ; qui ne fléchiraient pas le genou devant nos grands vieillards politiques, et ne céderaient pas non plus un pouce de terrain à notre virile et patriotique jeunesse.

365. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIV. De la plaisanterie anglaise » pp. 296-306

La gaieté, qu’on doit pour ainsi dire à l’inspiration du goût et du génie, la gaieté produite par les combinaisons de l’esprit, et la gaieté que les Anglais appellent humour, n’ont presque aucun rapport l’une avec l’autre ; et dans aucune de ces dénominations la gaieté du caractère n’est comprise, parce qu’il est prouvé, par une foule d’exemples, qu’elle n’est de rien dans le talent qui fait écrire des ouvrages gais. […] Ils développent toutes les idées, ils exagèrent toutes les nuances, ils ne se croient entendus que lorsqu’ils crient, et compris qu’en disant tout. […] Ce qui est vraiment utile est très facile à comprendre, et l’on n’a pas besoin d’un regard perçant pour l’apercevoir.

366. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Pronostics pour l’année 1887. »

si doucement   mais elles voudront être aimées, non consolées ; et puis elles ne comprendront pas qu’il en console trois en même temps. Mais lui ne comprendra point qu’elles n’aient pas compris, et ce sera très subtil, et tous les quatre s’écrieront : « Oh !

367. (1890) L’avenir de la science « XX »

XX Ce serait bien mal comprendre ma pensée que de croire que, dans ce qui précède, j’aie eu l’intention d’engager la science à descendre de ses hauteurs pour se mettre au niveau du peuple. […] Il serait infiniment désirable que la masse du genre humain s’élevât à l’intelligence de la science ; mais il ne faut pas que la science s’abaisse pour se faire comprendre. […] Le grand malheur de la société contemporaine est que la culture intellectuelle n’y est point comprise comme une chose religieuse ; que la poésie, la science, la littérature y sont envisagées comme un art de luxe qui ne s’adresse guère qu’aux classes privilégiées de la fortune.

368. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 312-324

On a compris que ces Sirenes perfides ne cherchoient à flatter les hommes par leurs chants, que pour les conduire à des écueils, & se repaître du spectacle de leur naufrage. […] La vue des désordres qui naissent de l’indépendance, n’est-elle pas un nouveau motif pour ramener à la soumission & faire comprendre qu’elle captive nos idées, non pour les contraindre, mais pour les arrêter au moment de l’erreur ? […] Qu’il se glorifie de mépriser ses loix : victime de ses révoltes, pour peu qu’il rentre en lui-même, il comprendra que ces loix ne mettent un frein aux désirs, que pour les diriger au bien, prévenir les crimes, & éparger les remords.

369. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre VIII »

Mais c’est en étudiant l’anglais dans le français que l’on comprendra le mieux les dommages que peut causer à une langue devenue respectueuse, un vocabulaire étranger. […] Cette niaiserie est d’ailleurs internationale, et le français joue chez les autres peuples, y compris l’Angleterre, le rôle de langue sacrée que nous avons dévolu à l’anglais. […] Son vocabulaire technique comprenait les mots : passe, débutter, archet, roüet, boule, ais, mettre au beau ; boule fendue, dérobée, qui tient de la pierre, du fer, etc. ; crocheter, lever, lève, porte-lève, etc.

370. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

moi, j’aurais compris ! […] Dumas cite lui-même avec un plaisir queje comprends : « La fable, dit M.  […] » Je ne comprenais le génie que sous la forme littéraire. […] De jour en jour, par l’indulgence et l’attention, il comprendrait un plus grand nombre de choses. […] Comment eût-elle pu comprendre ?

371. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Les hommes de 1550 ont si bien compris cela, que quelques-uns, les extrêmes, les exagérés, ont voulu que même leur style, leur expression, ne pût pas être compris du premier coup. […] Pour l’avoir senti et compris, Malherbe a bien mérité des lettres françaises. […] Des faits ; et l’intelligence humaine qui les comprend peu à peu. […] Il eût répondu : « Je ne comprends pas. […] Leterrier, des philosophes dignes de comprendre M. 

372. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

La liberté Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi la question de la liberté met aux prises ces deux systèmes opposés de la nature, mécanisme et dynamisme. […] Mais il est aisé de comprendre pourquoi le déterminisme physique étend cette liaison à tous les cas possibles. […] Mais ne nous ferait-il pas tout aussi bien comprendre comment notre propre volonté est capable de vouloir pour vouloir, et de laisser ensuite l’acte accompli s’expliquer par des antécédents dont il a été la cause ? […] Tel est cet ensemble de sentiments et d’idées qui nous viennent d’une éducation mal comprise, celle qui s’adresse à la mémoire plutôt qu’au jugement. […] De là un symbolisme de nature mécaniste, également impropre à prouver la thèse du libre arbitre, à la faire comprendre, et à la réfuter.

373. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Comprends-tu ce que cela veut dire ? […] Parce que son mari ne la comprend pas. […] Alors, vraiment, je comprenais Jeanne. […] Vous ne comprenez donc rien ?… » Non, il ne comprend rien, ce mari !

374. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

On aurait mieux compris s’il avait dit : l’âme. […] Je dirai même que plus on comprend et mieux on classe. […] Mais l’enfant le comprendra-t-il ?  […] Cet infini ne pourrait être compris que de lui-même. […] Paul Claudel ne l’ont pas compris.

375. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Moins pour le poète que pour qui le comprend ou l’admire. […] Quiconque a souffert comprendra la souffrance d’autrui. […] Le prodigieux visionnaire a compris la douleur comme il comprenait tout. […] La raison ne comprend rien aux actes de l’imagination. […] À ce sujet, je ne comprends pas très bien comment M. 

376. (1903) La pensée et le mouvant

Les uns et les autres datent de la période comprise entre 1903 et 1923. […] Et il comprendra peut-être mieux que d’autres le rôle de ces institutions. […] S’agit-il enfin de comprendre ? […] Autant elle comprend de pas, autant vous pouvez y distinguer de parties. […] Mais il comprit sa tâche autrement.

377. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

Cela trouvé, il n’y aura point de difficulté à comprendre comment se forment les deux prémisses où elle entre et la conclusion qui en jaillit. […] Comme tout à l’heure, les deux données, antécédent et conséquent, sont liées par l’entremise d’un caractère compris dans la première, et c’est la première, je veux dire la vibration déjà propagée jusqu’au nerf, qu’il faut étudier avec toutes ses circonstances, pour y constater et en dégager la possibilité d’une propagation ultérieure et complète qui est la raison de la loi. […] Pareillement, dans ces sociétés humaines dont les caractères fixes ou changeants sont l’objet de l’histoire, les éléments, aisément saisis, nous font comprendre l’ensemble. […] Tous les jours, à mesure que la science se précise et s’augmente, nous voyons la première série croître aux dépens de la seconde, et l’analogie nous porte à croire que les cas encore compris dans la seconde sont pareils à ceux qui ont cessé d’y être compris. […] Il était d’abord indéterminé et vague ; peu à peu, il devient limité et précis ; à la fin, il ne comprend plus qu’un fragment défini de conditions expresses.

378. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Il admet pourtant, non pas dans la Législation primitive mais dans les Recherches philosophiques, que l’idée qui attend et demande son expression « ne se montre pas encore pleinement à l’esprit », mais se montre déjà ; il admet que parfois « on se souvient vaguement, faute d’un mot » que les esprits distraits et lents conçoivent souvent leurs pensées imparfaitement durant un certain temps avant d’en trouver l’expression, qu’un écolier intelligent « devine à peu près le sens d’un passage » avant de le bien comprendre. […] En somme, il n’a pas compris Bonald, et Bonald en retour, n’a pas compris que Damiron, en lui signalant les petites perceptions, avait touché le point faible de son système. […] Selon Maine de Biran, le langage est l’oeuvre de la volonté humaine ; l’homme ne s’approprie un langage qu’en le refaisant lui-même, et il n’y a pas de langage extérieur sans un « langage intérieur » préalable ; ce qu’il appelle improprement ainsi, c’est d’abord le langage personnel et volontaire de l’enfant, qui se comprend lui-même avant de comprendre le langage de ses parents ; — c’est ensuite une sorte d’écho musculaire par lequel les organes de la voix s’associent instantanément aux impressions que l’oreille reçoit de la voix d’autrui ; par ces ébauches de mouvements, l’enfant s’approprie la langue qu’il entend et se fait des signes avec les sons ; — c’est enfin la parole personnelle par laquelle nous imitons les sons que nous nous souvenons d’avoir entendus. […] Il nous semble qu’on l’a généralement réfuté avant de l’avoir compris ; c’est qu’il était plus facile de prouver contre lui la possibilité de l’invention humaine du langage que de saisir la suite de ses idées avec leur vraie portée, leurs contradictions cachées, et ce qu’elles contenaient d’aperçus justes ou suggestifs. […] Essai sur le langage (2e éd., 1846), p. 132-134 : il s’agit de la doctrine de Bonald, qui est bien compris et nettement réfuté ; pourtant un argument, ingénieux et nouveau, ne porte pas : Charma admet (avec Bonald et Cardaillac) l’écriture intérieure : « Nous pensons donc notre écriture comme nous écrivons notre pensée ; en conclura-t-on que pensée et écriture sont une seule et même chose et que l’homme pense parce qu’il écrit ? 

379. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 301-304

Nous remarquons que ce mot Tolérance, n’est ordinairement prononcé que par ceux qui ne le comprennent pas. […] L’approche de sa derniere heure lui fit comprendre que le triste honneur de mourir dans l’impiété, ne valoit pas le sacrifice de ses lumieres & de ses sentimens.

380. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

. — Entre autres idées, elle comprend l’idée d’un être permanent lié à tel corps organisé. — Ce que nous entendons par cette liaison. — Idées plus précises dont se compose l’idée du moi. — Idée d’un groupe de capacités ou facultés. […] De plus, outre ces capacités communes à tous les hommes, j’en ai qui me sont particulières ; par exemple, je suis capable de comprendre un livre latin ; ce portefaix est capable de porter un sac de trois cents livres ; voilà des attributions précises qui déterminent le quelque chose inconnu. […] Cela signifie que ce mouvement de mes membres et cette persistance de mes idées sont possibles ; ce mouvement est possible, parce que sa condition, un certain état de mon appareil musculaire et nerveux, est donnée ; cette persistance est possible, parce que sa condition, un certain équilibre de mes images, est donnée. — J’ai la faculté de comprendre un livre latin, et mon voisin le portefaix a la faculté de porter un sac de trois cents livres ; cela signifie que, si je lis un livre latin, je le comprendrai ; que, si le portefaix a sur le dos un sac de trois cents livres, il le portera. […] Car une idée est toujours l’idée de quelque chose, et, partant, comprend deux moments, le premier, illusoire, où elle semble la chose elle-même ; le second, rectificateur, où elle apparaît comme simple idée. […] Nous l’admettons et sans grand scrupule, sinon sur une démonstration directe, du moins d’après un cortège de confirmations innombrables et comme une hypothèse que justifie tout l’ensemble de l’expérience, des vérifications et des prévisions humaines. — Cela posé, il nous suffit de l’expliquer, et nous n’avons qu’à regarder le mécanisme décrit pour comprendre la justesse presque infaillible de son jeu.

381. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

Ces caractères sont la portion uniforme et fixe de l’existence dispersée et successive, et cela seul suffirait à faire comprendre l’intérêt que nous avons à les dégager et à les saisir. […] Une idée générale et abstraite est un nom, rien qu’un nom, le nom significatif et compris d’une série de faits semblables ou d’une classe d’individus semblables, ordinairement accompagné par la représentation sensible, mais vague, de quelqu’un de ces faits ou individus. […] — Un nom de classe, le nom d’araucaria, prononcé ou entendu mentalement, c’est-à-dire un son significatif, lequel est compris, et qui, à ce titre, est doué de deux propriétés. […] Si nous avions en main les corps simples inconnus que les raies du spectre nous indiquent aujourd’hui dans les étoiles, et si nous pouvions soumettre l’eau à leur action, très certainement l’eau manifesterait des propriétés inconnues qu’il faudrait ajouter à sa liste. — En attendant, pour tout objet, cette liste, en vain allongée, reste toujours ouverte ; et l’idée que nous avons d’une espèce, d’un genre, bref d’une file quelconque de caractères généraux, ne comprend jamais et ne peut jamais comprendre qu’un fragment limité de leur chaîne illimitée. […] Quand nous lisons et que nous comprenons un de ces groupes de signes, par exemple 2 327 648, nous n’examinons point si la nature fournit un objet qui corresponde à notre idée.

382. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Je ne prendrai pas pour exemple, dans ce volume même, tout ce qui tient au blocus continental et à ces questions de douanes qu’il fait suffisamment comprendre, à la seule condition d’y donner tout leur développement : mais si l’on s’attache à cette expédition de Masséna en Portugal, expédition ingrate s’il en fut, pleine de mécomptes, où tout avorte, où les combats acharnés restent indécis, où personne n’a d’illusions, et où, si peu qu’on en ait, le résultat trouve encore moyen de tromper un reste d’espérance ; si l’on suit cette expédition dans l’Histoire de M.  […] On comprend bien comment et pourquoi nos meilleures armées y fondent, quelles pertes chaque jour amène, même sans bataille ou avec d’apparents succès. […] Je comprends que lorsqu’on a à écrire, non pas seulement quelques pages, mais des volumes tout entiers, et à fournir un long cours de récit, on ne se laisse pas trop aller à ces bonnes fortunes qui tentent, que l’on choisisse de préférence un ton simple, uni, qu’on s’y conforme et qu’on y fasse rentrer le plus possible toutes choses, au risque même de sacrifier et d’éteindre quelques détails émouvants. […] On comprend ce que ce mot de ridicule a ici de poignant ; ce fut le coup d’éperon qui fit partir Masséna. […] Chacun, s’il se laisse aller, parle bien ou assez bien de ce qu’il sait à fond, de ce qu’il a vu, de ce qu’il a compris en détail ; et s’il, laisse courir sa plume avec naturel, il trouve moyen d’intéresser.

383. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

J’aime à croire que non, car le fond de mon opinion est le même ; mais j’aime tout ce qui est de l’homme quand l’homme est distingué et supérieur ; je me laisse et me laisserai toujours prendre à la curiosité de la vie, et à ce chef-d’œuvre de la vie, — un grand et puissant esprit ; avant de la juger, je ne pense qu’à la comprendre et qu’à en jouir quand je suis en présence d’une haute et brillante personnalité. […] La correspondance diplomatique actuelle ne commence qu’en 1814 ; la précédente, qui était composée d’extraits et morcelée, comprenait l’intervalle de 1803 à 1810 : elle pourra un jour, nous fait espérer l’éditeur, se rejoindre plus exactement à celle qui nous est aujourd’hui livrée tout entière. […] Seul, sans mission réelle, jeté avec ce titre de ministre à l’extrême Nord par une royauté qui s’est réfugiée à Cagliari et qui se soucie très peu de lui, n’en recevant ni instructions ni directions, et à peine quelque traitement, n’ayant pas toujours de quoi prendre une voiture, n’ayant pas même de quoi payer un secrétaire, il a su par la noblesse de son attitude, par sa dignité naturelle, par sa probité parfaite, par l’éclat et les lumières de sa parole sitôt qu’il se montre, se faire estimer, considérer au plus haut point, pénétrer dans l’intimité des premiers personnages de l’empire, y compris l’empereur lui-même qui le goûte, qui l’écoute, qui lui demande des mémoires et des notes, et qui certainement a dû penser un moment à se l’acquérir. […] En rabattant tout ce qu'on voudra des impressions de De Maistre, qui varient d’ailleurs au jour le jour au gré des nouvelles et des bruits divers, mais qui n’excèdent pas (car rien ne saurait les excéder) de pareilles réalités, il reste très curieux d’observer avec lui cette grande et unique année par le revers russe, de passer par toutes les vicissitudes d’émotions qui, là-bas, répondaient aux nôtres en sens inverse, et de connaître autrement que par nos bulletins ces physionomies singulières et expressives des Koutousov, des Tchitchagov, du Modenais Paulucci et de tant d’autres ; de comprendre enfin le génie russe dans son originalité, dans sa religion nationale et sa foi inviolable. […] ) La puissance de la nation française pour agir sur les autres, même sur les moins changeantes, même sur celles qui la haïssent, est un phénomène que je n’ai jamais cessé d’admirer sans le comprendre.

384. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Son sujet, dans sa simplicité même, est double : il s’agit de présenter et de fixer dans la mémoire deux suites, celle de la Religion et celle des Empires : « Et comme la Religion et le Gouvernement politique sont les deux points sur lesquels roulent les choses humaines, voir ce qui regarde ces choses renfermé dans un abrégé et en découvrir par ce moyen tout l’ordre et toute la suite, c’est comprendre dans sa pensée tout ce qu’il y a de grand parmi les hommes et tenir, pour ainsi dire, le fil de toutes les affaires de l’univers. » Jamais prétention plus haute ne fut plus magnifiquement et plus simplement exprimée : c’est celle, ni plus ni moins, d’un vicaire de Dieu dans l’histoire. […] Des hommes du XVIIIe siècle eux-mêmes l’ont compris : d’Alembert, Daunou. […] La suite du peuple de Dieu, comprenons bien toute la force de ces mots dans la langue de Bossuet ; suite, c’est-à-dire enchaînement étroit, dont pas un anneau n’est laissé flottant ni au hasard, un seul et même spectacle dès l’origine, sous des aspects et à des états différents : le Judaïsme n’est que le Christianisme antérieur et expectant. […] Bossuet les a admirablement compris tous deux dans son sens d’orthodoxie et les a célébrés de la plume ou de la parole, comme nul autre que lui ne l’a su faire. […] Je conçois au Moyen-Age de grandes intelligences, de celles qui sont surtout de grands talents, je les conçois comme n’ayant jamais dépassé ni essayé de franchir le cercle rigoureux que la foi traçait autour d’elles : mais je ne comprends plus pareille chose au XVIIe siècle.

385. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

En mesurant une œuvre, il se souvient de toutes celles qu’il a déjà mesurées : il porte en lui une sorte d’étalon immuable ; Il demeure le même en face des œuvres multiples qui lui sont soumises : et c’est pour cela que l’on comprend les raisons de tous ses jugements et qu’ils peuvent former un corps de doctrine. […] On turlupine les maîtres reconnus et acceptés, et on ne s’est pas seulement donné la peine de les comprendre. […] Ce passage et beaucoup d’autres du même genre nous font parfaitement comprendre les jugements portés par M.  […] On comprend maintenant que M.  […] Il voit comment un homme qui a vu et rendu le réel d’une certaine façon est à son tour compris et traduit par un autre homme.

386. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

Pour bien comprendre la nuance de la piété de Jésus, il faut faire abstraction de ce qui s’est placé entre l’Évangile et nous. […] Si Dieu, en effet, est un être déterminé hors de nous, la personne qui croit avoir des rapports particuliers avec Dieu est un « visionnaire », et comme les sciences physiques et physiologiques nous ont montré que toute vision surnaturelle est une illusion, le déiste un peu conséquent se trouve dans l’impossibilité de comprendre les grandes croyances du passé. […] Les hommes qui ont le plus hautement compris Dieu, Çakya-Mouni, Platon, saint Paul, saint François d’Assise, saint Augustin, à quelques heures de sa mobile vie, étaient-ils déistes ou panthéistes ? […] On comprend, d’un autre côté, que Jésus, partant d’une telle disposition d’âme, ne sera nullement un philosophe spéculatif comme Çakya-Mouni. […] Ni le juif, ni le musulman n’ont compris cette délicieuse théologie d’amour.

387. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

J’ai dit combien les tribunaux comprennent peu les questions intellectuelles. […] Tout le reste, pour y mettre de l’ordre, ils ont envie de le jeter au feu, sans même deviner ou comprendre qu’il peut se trouver là, dans ce qu’ils vont brûler, une œuvre magistrale. […] Qu’on comprenne bien : il ne s’agit pas de satisfaire une passion, la curiosité populaire, mais d’apporter de la vérité. […] L’action et la révolte ne se comprennent justement que dans le but de rejeter les erreurs et les préjugés d’un monde imbécile et pour maintenir ses trésors les plus purs. […] Sans doute la jurisprudence a essayé d’étendre les articles actuels aux cas nouveaux, mais qui ne sont cependant pas compris dans la loi.

388. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

S’il l’eût été vraiment, il eût compris le Parthénon. […] N’est-il pas toujours bon de comprendre et de s’instruire ? […] Albalat déclare qu’il ne comprit rien à Madame Bovary. […] Tolstoï n’a peut-être pas compris Napoléon, mais il l’a très bien vu. […] Il n’y comprendra rien.

389. (1898) Essai sur Goethe

Comment l’Olympien eût-il pu les comprendre ? […] Quelques exemples nous le feront comprendre. […] Mais « comprendre » est une fonction limitée. […] Il l’a compris, en un mot, à travers Rousseau. […] Vous comprenez ce que j’entends par là.

390. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Comment ne se contente-t-on pas d’un si charmant métier quand on le comprend si bien ? […] On comprend que M.  […] Comprendrait-on un lutteur qui ferait un usage constant de l’opium ? […] Le lecteur comprendra que cette dernière réflexion n’est pas de M.  […] » Les réponses, on le comprend, différaient selon le lieu où elles se faisaient.

391. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Je comprends très bien. […] Les anciens philosophes grecs étaient tous convaincus de cette idée qui n’est pas si fausse, du reste, que tant qu’on ne comprend pas l’ensemble on ne comprend aucun détail, et que tant qu’on ne comprend pas tout on ne comprend rien. […] Comprenez bien cela comme une manière de panthéisme intellectuel. […] Il faudrait, pour jouir du souverain bien, non pas comprendre l’absolu, mais être l’absolu. […] L’objet de l’amour bien compris c’est l’éternité de la vie ; l’amour est résurrection.

392. (1896) Le livre des masques

Maeterlinck voit venir des temps où les hommes se comprendront d’âme à âme, comme les mystiques se comprennent d’âme à Dieu. […] Il ne fait aucun choix, mais il comprend tout, parce qu’il aime tout. […] Huysmans a compris tout cela, et c’était difficile à conquérir. […] Là, s’il s’agit de sentir et de comprendre, il s’agit surtout de voir. […] Moréas ne comprendra jamais combien il est ridicule d’appeler Racine le Sophocle de la Ferté-Milon.

393. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Sans s’en douter, il comprenait la peinture. […] Pour bien comprendre l’étendue du sens impliqué dans cette phrase, il faut se figurer les usages nombreux et ordinaires du dictionnaire. […] Il est bien un des rares élus, et l’étendue de son esprit comprend la religion dans son domaine. […] Ainsi l’a très-bien compris M.  […] Son regard, fin et judicieux, comprend plutôt tout ce qui confirme l’harmonie que ce qui accuse le contraste.

394. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Il y a encore des initiés et des profanes ; il y a les secrets de l’atelier ou du Conservatoire, et en voyant, en écoutant l’œuvre dont il ne comprend pas la formation et dont il n’a pas à son usage la langue ou les instruments, le public subit un premier émerveillement qui se confond souvent avec l’admiration et qui aide dans tous les cas à l’estime. […] Les générations sont vite remplacées par d’autres, et il y a des choses exquises qui se comprennent moins, qui ne se comprennent plus de même à quelques années d’intervalle. […] Il n’y a pas lieu à une pareille accusation, si la méthode est bien comprise et si elle est employée comme elle doit l’être ; car, quelque soin qu’on mette à pénétrer ou à expliquer le sens des œuvres, leurs origines, leurs racines, à étudier le caractère des talents et à démontrer les liens par où ils se rattachent à leurs parents et à leurs alentours, il y aura toujours une certaine partie inexpliquée, inexplicable, celle en quoi consiste le don individuel du génie ; et bien que ce génie évidemment n’opère point en l’air ni dans le vide, qu’il soit et qu’il doive être dans un rapport exact avec les conditions de tout genre au sein desquelles il se meut et se déploie, on aura toujours une place très-suffisante (et il n’en faut pas une bien grande pour cela) où loger ce principal ressort, ce moteur inconnu, le centre et le foyer de l’inspiration supérieure ou de la volonté, la monade inexprimable. […] Je nie que pour les grandes œuvres du passé, Homère, Dante, Shakespeare, je nie absolument qu’on les puisse bien comprendre, et par conséquent bien goûter, sans des études fort longues et où la méthode a sa grande part. […] Épicurisme du goût, à jamais perdu, je le crains, interdit désormais du moins à tout critique, religion dernière de ceux même qui n’avaient plus que celle-là, dernier honneur et dernière vertu des Hamilton et des Pétrone, comme je te comprends, comme je te regrette, même en te combattant, même en t’abjurant16 !

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