J’imagine que, si le petit Jupiter de la fable avait fait autant de tapage, les corybantes ne seraient pas venus à bout de couvrir sa voix et de cacher son existence au vieux Saturne. […] La formule du drame romantique est aujourd’hui presque aussi vieille que sa grande ennemie la formule de la tragédie classique. […] Si donc le naturalisme apporte réellement, ainsi qu’il l’affirme, quelque chose de nouveau et d’original, ce n’est pas, comme il le dit, ce précepte éternel et vieux comme l’art lui-même de l’observation de la réalité, c’est une certaine façon de faire cette observation, c’est une certaine méthode pour la diriger. […] Elle combine un rendez-vous dans une vieille tour voisine du château où sa passion a enfin la promesse d’être satisfaite. […] Il graisse les gonds de la porte de la vieille tour et, quand la femme y pénètre, la porte se referme sur elle.
Il était dominé par la vieille conception monarchique de la raison d’État. […] Il tue le vieux roi et s’empare de la couronne. […] Mais parmi ces vieux terriens il fait un peu figure d’intrus et de parvenu. […] Réveillon auquel est invité un vieux pauvre, image de Jésus-Christ. […] Misanthrope et maniaque, vieux bureaucrate et vieux garçon, Huysmans s’est peint lui-même sous les traits de M.
À aucune époque, nous le savons, le monde lettré n’a été plus exempt de tout ce qu’on appelle préjugé, plus dégagé de tout respect vis-à-vis des traditions, des vieilles règles, des vieilles convenances, plus impatient de toute autorité, plus sceptique devant toutes les gloires. […] Ce génie de Ballanche, si progressif, si clairvoyant, si amoureux de l’avenir, nous pourrions dire si prophétique, s’est formé à l’école des vieilles traditions. […] À quoi se réduit ce devoir si souvent proclamé par la vieille rhétorique de régenter, de contenir, de refréner l’imagination ? […] C’est un devoir pour l’artiste de se prendre lui-même au sérieux, et d’évoquer, au début de son œuvre, une divinité plus réelle que la vieille muse classique. […] N’en déplaise encore sur ce point à la vieille critique, la poésie n’a pas vécu de fictions, mais de réalités.
Les Athéniens étaient très touchés de voir la vieille Hécube couchée tout de son long ventre à terre sur le théâtre ; peut-être les Français seraient-ils tentés de rire de cette attitude. […] Écoutez Voltaire : rien n’est plus franc, plus généreux qu’Orosmane ; voyez la pièce : Orosmane est un amant très dissimulé, très fourbe, qui tend à sa maîtresse un piège digne d’un vieux tuteur. […] » répondit le vieux philosophe. […] Ses flatteries et son encens ne firent qu’augmenter le mépris du vieux pontife, sans affaiblir sa haine pour celui qui avait battu son clergé et ses valets de chambre. […] Le froid vous saisit au milieu de cet attirail tragique qui n’est qu’un vain échafaudage ; c’est une espèce de centon de tous les vieux lambeaux qui traînent dans la garde-robe de Melpomène.
Il fallait insérer dans le récit épique Rome entière, l’histoire de Rome depuis les origines jusqu’à la bataille d’Actium, la légende des vieilles races qui avaient peuplé d’abord le sol italien, une sorte de livre d’or de la noblesse, qui se disait sortie des compagnons d’Énée ; toute la religion romaine, les dieux indigènes, les dieux helléniques latinisés, les vieilles divinités locales, les mœurs et usages publics et privés du peuple romain, etc… Virgile y a réussi. […] Les malveillants diraient : un vieux garçon mécontent des femmes et un littérateur mécontent de la société. […] Il épousa, par admiration, une vieille fille très pieuse, très malheureuse, très dévouée, consommée en mérites. […] Gentilhomme éclairé, à tendances libérales, il eût écrit, dans ses vieux jours, des Mémoires où l’on remarquerait de la finesse et de l’élévation. […] Et il a restauré, en lui donnant une forme neuve, la « vieille gaieté française ».
D’Argenson n’aime pas seulement les vieux mots à la gauloise, victuailles, crevailles, qui, bien placés, ont leur franchise ; il a gardé du xvie siècle des débris de locutions qui effaroucheraient même le plumitif du greffe et qu’il emploie sans hésiter, sans barguigner ; par exemple : ains au contraire ; — icelle ; iceluy. […] Les vieux commissaires des guerres disaient que c’était parce que je sortais du collège, et que j’avais lu que les Romains donnaient ainsi le blé à leurs légions. […] Chauvelin vient de causer avec d’Argenson pendant deux heures dans son cabinet ou dans les allées de Grosbois, ou de le promener dans son carrosse par les rues de Paris, quand il a l’air de le consulter et de le vouloir avancer, il lui paraît avoir l’étoffe d’un grand ministre et être le dernier de la grande école de Richelieu, de Louis XIV : notre homme s’enflamme pour lui, il compte sur lui ; il le considère, dans le ministère du vieux cardinal, comme le bras nerveux d’un cerveau sénile ; il le voit déjà comme l’âme énergique d’un nouveau ministère, le vainqueur de Maurepas et de la faction des marmousets dans une nouvelle journée des Dupes ; il lui souhaite la prochaine succession de Fleury, qu’il croit prête à s’ouvrir à l’amiable, et en augure bien pour la grandeur et la restauration politique de la France. […] Chauvelin) combien c’était une chose étonnante et à jamais mémorable que cette valeur française qui, contre l’opinion de tout le monde, rendait nos soldats et officiers plus braves que les vieux soldats de M. de Turenne, et d’une constance opiniâtre inconnue au caractère attribué à notre nation, dans le moment où l’on croyait qu’ils feraient très mal les premières campagnes.
« À l’aspect attendrissant du convolvulus, qui entoure de ses fleurs pâles quelque aune décrépit, il croit voir une jeune fille presser de ses bras d’albâtre son vieux père mourant ; l’ulex épineux, couvert de ses papillons d’or, qui présente un asile assuré aux petits des oiseaux, lui montre une puissance protectrice du faible ; dans les thyms et le calamens, qui embellissent généreusement un sol ingrat de leur verdure parfumée, il reconnaît le symbole de l’amour de la patrie. […] Ma sœur, te souvient-il encore Du château que baignait la Dore Et de cette tant vieille tour Du Maure, Où l’airain sonnait le retour Du jour ? […] XL Son voyage à Rome fut lent et glorieux, comme un triomphe au milieu d’un pays réjoui par le retour de son vieux culte. […] Il alla présenter son hommage au vieux roi de Sardaigne, qui avait abdiqué sa couronne et qui vivait retiré à Rome.
Il n’invente pas une conception nouvelle du devoir : il embrasse une vieille morale, il en emplit sa raison, pour la vivre. […] Ses chefs-d’œuvre sont les Satires d’où l’abstraction et le raisonnement sont éliminés, et qui sont purement et simplement des images de la vie, qui en décomposent et fixent le mouvement : c’est cette pièce du Fâcheux, où il a surpassé Horace par la richesse de l’observation morale ; c’est cc Repas ridicule, dont Boileau n’a pu, tant s’en faut, égaler la chaude couleur et la verve comique ; c’est cette Macette, l’hypocrite vieille, que Tartufe ne fait point pâlir. […] Au reste il écrit « à la vieille française », avec une belle furia, enjambant les obstacles de la syntaxe, forçant la phrase à le suivre par-dessus les barrières des règles, n’ayant souci que d’aller au but, et sans crainte de se casser le cou : toujours clair, toujours vif, toujours fort, il a des constructions troubles, incorrectes. incohérentes, étirées ou estropiées : que lui importe ? […] L’idée capitale de la Renaissance est passée dans les faits : la substitution des genres gréco-romains aux vieux genres français est définitivement acquise, et notre littérature, à peu près détachée du moyen âge, va se relier à l’antiquité.
Pour s’en garder une bonne fois, il avait placé parmi les portraits de ses ancêtres deux vieilles figures d’homme et de femme ; au bas de l’une était écrit : Adam de Stanhope ; et au bas de l’autre : Ève de Stanhope. […] Déjà vieux et tout à fait retiré du monde, il écrivait à une dame française : Vos bons auteurs sont ma principale ressource ; Voltaire surtout me charme, à son impiété près, dont il ne peut s’empêcher de larder tout ce qu’il écrit, et qu’il ferait mieux de supprimer sagement, puisqu’au bout du compte on ne doit pas troubler l’ordre établi. […] Son esprit se jouait en cent façons sur ce triste thème ; parlant de lui et de l’un de ses amis, lord Tyrawley, également vieux et infirme : « Tyrawley et moi, disait-il, voilà deux ans que nous sommes morts, mais nous n’avons pas voulu qu’on le sût. » Voltaire qui, avec la prétention d’être toujours mourant, était resté bien plus jeune, lui écrivait, le 24 octobre 1771, cette jolie lettre, signée Le vieux Malade de Ferney : … Jouissez d’une vieillesse honorable et heureuse, après avoir passé par les épreuves de la vie.
Je citerai une partie de cette lettre peu connue, et qui ne se trouve point dans les Œuvres de Saint-Évremond19 : N’en déplaise à ce vieux rêveur (Solon) qui ne trouvait personne heureux devant la mort, je vous tiens, lui écrit-il, en pleine vie comme vous êtes, la plus heureuse créature qui fut jamais. […] Quand on les retrouve s’écrivant de nouveau, ils sont décidément vieux, très vieux l’un et l’autre, et leur plus grand plaisir est de parler du passé avec regret ou de badiner de la vieillesse avec agrément. […] « Les femmes courent après Mlle de Lenclos, disait Mme de Coulanges, comme d’autres gens y couraient autrefois. » Et là-dessus Mme de Sévigné écrivait à M. de Coulanges : « Corbinelli me mande des merveilles de la bonne compagnie d’hommes qu’il trouve chez Mlle de Lenclos ; ainsi elle rassemble tout sur ses vieux jours, quoi que dise Mme de Coulanges, et les hommes et les femmes. » Aucun livre ne nous rend mieux ce qu’était dans les derniers temps le salon de Mlle de Lenclos, que le Dialogue sur la musique des anciens, par l’abbé de Châteauneuf : c’est une conversation qui se tient chez elle, et où on l’entend dire son mot avec goût, avec justesse, et en excellente musicienne qu’elle était.
Après la messe, il faut voir tout le village assemblé comme s’ils attendaient un grand seigneur, et Marthe, la fille au front pur, à côté du vieux prêtre, tous riants et plantés là, debout, à l’entrée du chemin : vous avez le tableau, et le grand chemin devant vous dans sa longueur : Rien au milieu, rien au bout de cette longue raie plate, rien que l’ombre déchirée à morceaux par le soleil (encore un de ces vers heureux qui peignent sans rien interrompre). […] Il y introduit discrètement des mots pittoresques de son invention, des diminutifs, de vieux mots rafraîchis, mille alliances et mille grâces dont autrefois nous-mêmes nous n’étions pas absolument dépourvus dans le français d’Amyot et de Montaigne, mais que la régularité classique nous a retranchées. […] Mais, de souvenir en souvenir, Jasmin s’aperçoit, dans son propre clos, de plus d’une haie épaisse qu’enfant il a trouée, de plus d’un pommier qu’il a ébranché, de plus d’une vieille treille où on lui a fait la courte-échelle pour atteindre le fin muscat, et il se promet, à son tour, de ne pas être plus dur aux autres qu’on ne l’a été pour lui : Que voulez-vous ? […] Avant la révolution de Février, en avril 1847, dans la pièce intitulée Riche et pauvre, ou les Prophètes menteurs, il montrait la bienfaisance des uns désarmant la colère et l’envie des autres, et faisant mentir les sinistres prédictions ; il montrait aux plus pauvres la charité mieux comprise que jamais, se déployant partout, donnant d’une main et quêtant de l’autre ; et aux riches il disait : « N’oubliez pas un seul moment que des pauvres la grande couvée se réveille toujours avec le rire à la bouche, quand elle s’endort sans avoir faim. » Dans son poème Ville et campagne, composé pour la fête du comice agricole de Villeneuve-sur-Lot (septembre 1849), il montrait les avantages qu’il y a à ne pas déserter son sol natal pour les glorioles et les ambitions des villes ; il faisait porter une santé par le plus sage et le plus vieux, « non à l’esprit nouveau, plein de venin, mais à l’aîné de l’esprit, au bon sens ».
Frédéric est un jeune homme, fils d’une grande dame déjà vieille et d’un jeune et beau valet de chambre : cela sent son Directoire à chaque page. […] Il est loin de déconseiller la méthode de ralliement et d’absorption appliquée aux anciens Conventionnels et aux révolutionnaires, mais c’est à condition de les réduire à l’inaction et à la nullité d’influence : Qu’on puisse dire du Premier consul que, s’il engraisse les vieux philosophes et les vieux révolutionnaires, c’est pour les mettre hors de cause, à peu près comme les athlètes dans la Grèce étaient forcés de renoncer aux combats quand ils avaient trop d’embonpoint. […] » Qualifiant l’influence alors régnante, la double influence inverse, mais également dangereuse, de Rousseau et de Voltaire, il dit : Les Français vivant sur deux opinions également dangereuses, l’une formée par un éloquent écrivain qui a grandi toutes les petites choses, l’autre formée par un écrivain railleur qui s’est plu à dégrader tout ce qui était grand, il faut s’écarter avec soin de l’une et de l’autre route, pour refaire l’opinion publique et en revenir, comme au vieux temps, à la simplicité et au sérieux.
La seule explication satisfaisante de ce fait, c’est d’admettre que les conditions de vie leur ont été extrêmement favorables, qu’il y a eu conséquemment une moindre destruction des individus vieux ou jeunes, et que presque tous ces derniers ont pu se reproduire à leur tour. […] Lorsqu’on observe la nature, il est de la dernière nécessité d’avoir toujours présent à l’esprit que chaque être organisé qui vit autour de nous doit être regardé comme s’efforçant dans toute la mesure de son pouvoir de multiplier son espèce ; que chaque individu ne vit qu’en raison d’un combat livré à quelque période de sa vie et dont il est sorti vainqueur ; et qu’une loi de destruction inévitable décime, soit les jeunes, soit les vieux, à chaque génération successive, ou seulement à des intervalles périodiques. […] Là s’étendent de vastes landes parsemées de quelques massifs de vieux Pins d’Écosse, qui couronnent les sommets des collines. […] Dans un yard carré60 à la distance de quelques cents mètres de l’un des vieux massifs, je comptai jusqu’à trente-deux jeunes Pins ; et l’un d’eux, marquant vingt-six anneaux de croissance, avait durant autant d’années essayé d’élever sa cime au-dessus des tiges de Bruyère sans pouvoir y parvenir.
Il s’ancre en nous, et son charme est tel, à ce livre, que la Critique, cette vieille tête froide, presque enivrée, car l’attendrissement a ses ivresses, se met de la glace autour des tempes, pour convenablement en parler. […] Ces trois vieilles étoiles si banales, si poncif, les voilà aujourd’hui de vraies étoiles, mystérieuses, brillantes et chastes, remplaçant le nom qu’elles ne disent pas par un symbole qui le traduit ! […] Écoutez-la, vous vous y méprendrez : « C’est là, dit-elle, qu’on est bien perdu ; c’est là que s’exhalent de ces parfums sans nom, fraîches émanations de la terre, des vieux troncs, de la jeune feuillée. […] Ce ne sont là que des inductions sublimes, des désirs qui s’élèvent de la coupe d’un cœur embrasé ; mais qui sait, disait profondément le vieux Gœthe, qui n’était pas toujours profond, si le désir n’est pas le pressentiment du possible ?
Il fallait, de plus, apprendre à toute la terre ce que les savants et les historiens savaient seuls, c’est que, depuis plus de cent ans, d’énormes manuscrits, laissés par un homme de génie et dont la gloire a ce côté grandiose et pur d’avoir été posthume, confisqués par l’État et traités comme de vieilles momies égyptiennes, dormaient d’un sommeil qu’on pouvait croire éternel, sous leurs tristes pyramides de cartons incommunicables, au ministère des affaires étrangères, qu’on avait bien le droit d’appeler, à ce propos, des affaires étranges ! […] Mais à l’heure qu’il est, où l’atavisme est une idée admise par les savants et où la jeune physiologie moderne conclut, en matière d’hérédité, comme la vieille théologie, on reconnaîtra bien peut-être qu’il y a dans l’âme comme dans le corps des races d’épouvantables transmissions, et c’est la preuve expérimentale de cette vérité que Saint-Simon a faite avec une largeur de génie qui a dépassé de ses ailes l’étroite envergure d’un Mémoire… Il a recherché toutes les bâtardises des races royales qui ont régné dans notre histoire, et, à toutes les hauteurs, il a trouvé ce résultat formidable : c’est que partout où il y a eu bâtardise, il y a eu pour l’État trouble, péril et trahison… Saint-Simon n’est pas, lui, un nigaud à métaphysique. […] Le chevet touchait au billot… C’était la fin de toutes les coutumes et de toutes les traditions pour lesquelles ce vieux héros, comme l’appellerait Carlyle, ce vieux pair de Saint-Simon, qui n’entendait pas plus qu’on violât la pairie que la royauté, n’a cessé de se démener et de combattre !
c’était moi ; c’est le vieux Lysidas. […] avant que ces souliers fussent vieux, avec lesquels elle avait suivi le corps de mon pauvre père. […] Quant à moi, je ne vois point comment il pourrait éviter de rentrer dans le sein du vieux dogmatisme qui lui tend les bras. […] Vous me rappelez un vieux professeur de philosophie, qui, pour réfuter Spinoza, disait : Je veux mouvoir mon bras, je le meus. […] Ils goûtaient, comme il faut, notre vieille littérature.
La France entière regretta Cinq-Mars ; sa jeunesse, sa bonne mine, son ambition si naturelle à cet âge et dans cette position, l’amour caché qu’on lui supposait pour une grande princesse (Marie de Gonzague), et qui conviait son cœur à de vastes desseins, tout répandait sur lui un charme que relevait encore l’atrocité du vieux prêtre moribond. […] Le vieux Bassompierre et Bouillon prédisent, par sa bouche, la Révolution, parce qu’on abat la féodalité.
Ce dernier et vieux bras du grand fleuve de la légitimité, qui semblait peu guéable et qu’on essayait depuis longtemps de tourner ou de saigner de mille manières, parce qu’il gênait à chaque pas le développement social, avait été brusquement franchi par un accident sublime, par un miracle de l’audace populaire. […] Les coups qu’il a portés, non pas au talent éminent de ces hommes, mais à l’influence prolongée, à l’importance absolue de leurs doctrines, n’ont pas été perdus pour beaucoup d’esprits et ont hâté le désabusement de plusieurs, en même temps que la vieille admiration des autres s’en est émue.
La Chanson de vieille mortalité — dit l’alliance par les automnes et par les soirs des doux messagers de vie, « passés, venus, puis disparus ». […] Une tabarinade impudente et prometteuse, des images légendaires : le Pont de Troyes et le Vieux Mendiant, une Affiche pour music-hall de couleur violente, et ces mélancolies hautaines : les Papillons du Temps, Alla Tzigane, le Souci, la Rencontre, la Destinée, forment une liasse chatoyante et rose qui bruit suavement.
Écoutez-la parler de son pays : « La rue sent le pain de maïs chaud, l’huile de noix et les raisins mûrs… Les colporteurs vendent des mouchoirs écarlates et des bijoux de cuivre ; les vieilles femmes en marmottes étalent sous des parapluies rouges des tomates et des piments doux ; les lépreux se font traîner sur de petits chariots, et les enfants viennent les regarder dans l’ombre grouillante de vermine et de mouches. […] La vieille cathédrale étire désespérément, aux bords du fleuve roulant des eaux sinistres, ses deux bras vers le ciel qu’on ne voit plus.
Enfin, il lui prêtait dans l’économie du mystère chrétien une place à part, qui faisait de lui le trait d’union entre le vieux Testament et l’avènement du règne nouveau. […] Par son genre de vie, par son opposition aux pouvoirs politiques établis, Jean rappelait en effet cette figure étrange de la vieille histoire d’Israël 571.
Cet argument est vicieux, Et ne vaut une vieille gaine ; Car l’habit ne fait pas le moine. […] Aussitôt qu’il fut temps, on visita le coffre : on n’y trouva que de vieilles ardoises, sur lesquelles le Meun avoit tracé de l’arithmétique & des figures de géométrie.
La simplicité du poète de Chio est celle d’un vieux voyageur qui raconte au foyer de son hôte ce qu’il a appris dans le cours d’une vie longue et traversée. […] Ces mœurs-là sont plus vieilles encore que les mœurs homériques, parce qu’elles sont plus simples ; elles ont aussi un calme et une gravité qui manquent aux premières.
Les habitants de Vouziers, en allant à Paris, s’arrêtaient à Rethel : dans le bureau de la voiture publique, tenu par les tantes de Taine, ils admiraient les guéridons délicats, les vieilles poteries, certain gros vase de thériaque tout fleuri, et une foule d’arbustes rares que les dames soignaient tendrement. » M. […] Enveloppé d’un par-dessus de fourrure grise, avec ses lunettes, sa barbe grisonnante, il semblait un personnage du vieux temps, un alchimiste hollandais.
Dans nos vieux poètes, nos romanciers et nos trouvères, le sentiment du printemps, du renouveau, est toujours très-vif, très-frais, très-abondamment et très-joliment exprimé. […] Avec les gens simples et sans vanité, comme Mustel, comme le Genevois Duval, Taubenheim et Ducis, il était tel que ses ouvrages le montrent, tel que nous le voyons dans ses promenades au mont Valérien avec Rousseau, quand il reçut de lui, comme on l’a dit heureusement, le manteau d’Élie, tel enfin que l’aimait sa vieille bonne Marie Talbot ; mais il ne fallait qu’un certain vent venu du monde pour réveiller ses âcretés et ses humeurs. […] Bernardin se contente de dire délicieusement : « Il y a dans la femme une gaieté légère qui dissipe la tristesse de l’homme. » Quand Bernardin de Saint-Pierre se promenait avec Rousseau, comme il lui demandait un jour si Saint-Preux n’était pas lui-même : « Non, répondit Jean-Jacques, Saint Preux n’est pas tout à fait ce que j’ai été, mais ce que j’aurais voulu être. » Bernardin aurait pu faire la même réponse à qui lui aurait demandé s’il n’était pas le vieux colon de Paul et Virginie. […] Le bon vieux frère capucin est devenu l’adolescent accompli, ayant taille d’homme et simplicité d’enfant : ainsi va cette fée intérieure en ses métamorphoses. […] » — Toujours et partout la vieille histoire de Saturne et de Jupiter ; toujours les générations d’autant plus inexorables qu’elles se touchent davantage, et empressées de se nier l’une l’autre quand elles ne peuvent se dévorer !
Mais croyez-vous donc que ces vieux poètes eux-mêmes, que Virgile ou l’Aveugle divin, s’ils renaissaient aujourd’hui, négligeraient d’étendre la main, leur savante main, sur ces trésors ? […] D’une part, ce sont les anciennes doctrines philosophiques ou religieuses, les vieilles institutrices de l’humanité, menacées par ces conquérants nouveaux jusque dans les domaines jusqu’alors inviolables de l’absolu, contraintes à renouveler leurs arguments et leur défense, grandissant par cette contrainte même, brusquement réveillées de leur quiétude et rajeunies elles-mêmes dans leur commerce avec la science, dont elles acquièrent de plus en plus l’intelligence et le goût, et dans laquelle elles puisent, avec une conception plus étendue et plus précise de l’univers, des idées plus approfondies sur le vrai sens de la finalité et sur les grands aspects de l’ordre universel. […] Même dans les plus brillants morceaux où le poète nous donne des fragments de l’œuvre future et des modèles de ce qu’il voudrait faire, à côté de vers superbes et forts, sortis de la source nouvelle qu’il vient de faire jaillir, combien d’autres issus des vieux moules, remplis d’expressions élégantes et vagues qui ne sont que des artifices pour éluder le mot propre et tromper l’idée précise ! […] La justice est un cri du cœur, dit la Voix. — L’univers n’a pas de cœur, répond le Chercheur : il n’y a que des lois éternelles et le monde est vieux comme elles. […] La science positive triomphe dans les sonnets, mais l’instinct des vieilles croyances réclame avec énergie dans les strophes alternées, qui n’ont ni moins d’éloquence ni moins d’éclat.
Trop souvent nous parlons de nos sentiments de plaisir et de peine comme s’ils naissaient vieux, comme si chacun d’eux n’avait pas son histoire. […] Et lorsque Scapin vient annoncer au vieux Géronte que son fils a été emmené prisonnier sur la fameuse galère, qu’il faut le racheter bien vite, il joue avec l’avarice de Géronte absolument comme Dorine avec l’aveuglement d’Orgon. […] Voici par exemple (j’ai pris au hasard une « série d’Épinal ») un visiteur qui entre avec précipitation dans un salon : il pousse une dame, qui renverse sa tasse de thé sur un vieux monsieur, lequel glisse contre une vitre qui tombe dans la rue sur la tête d’un agent qui met la police sur pied, etc. […] On nous montre d’abord, faisant leur quotidienne partie de cartes ensemble, un vieux garçon et une vieille fille qui sont de vieilles connaissances.
Est-ce un vieux érudit ? […] Attaché dès ses premières études aux bancs de la vieille école, vous le verrez, plus ferme qu’un roc, se tenir fixé aux erreurs bien accréditées, et n’en jamais démordre. […] Au lieu de cela, je m’en suis saisi pour erré un nouvel avocat des vieilles règles ; et le bonheur d’avoir ici désabusé ceux qui m’en croyaient l’adversaire n’est pas un des moindres motifs de la reconnaissance que je porte à votre utile établissement. […] Les circonstances présentes rajeunissent encore cette vieille fiction. […] Strépsiade, trop vieux pour être un bon disciple, n’a ni l’entendement mieux ouvert, ni la mémoire plus sûre que M.
Au fond du vieux calendrier. […] Il suivait les représentations du vieux Will, dont Hay-Market reprenait quelques drames à propos de l’Exposition universelle. […] Il portait haut et en preux chevalier la vieille bannière déchirée dans tant de combats. […] L’égout de la vieille rue du Temple n’était couvert qu’à moitié. […] Cette gentille espèce a disparu avec beaucoup d’autres bonnes choses du vieux Paris, qui ne vivent plus, que dans les romans, à tort méprisés, du vieux Paul de Kock, dont le nom survivra à bien des célébrités du moment, car il représente avec fidélité, avec verve et rondeur toute une époque évanouie.
L’écrivain illustre, l’académicien gentilhomme a demandé que ses jeunes camarades de l’armée suivissent au cimetière le vieux capitaine d’infanterie. […] Ce n’est plus que par une vieille habitude que certaines gens font semblant aujourd’hui de craindre les envahissements du parti prêtre. […] Napoléon enfant rencontre dans la campagne une vieille Égyptienne qui lui prédit les miracles de sa fortune. […] dit-elle en s’éveillant : J’épousais un vieux mari et j’étais riche ! […] L’univers n’a pas de cœur, répond le Chercheur : il n’y a que des lois éternelles et le monde est vieux comme elles.
Une vieille femme portait dans sa main droite une écuelle pleine de feu, et dans sa gauche une fiole pleine d’eau. — Que veux-tu faire de cela ? […] Qu’il continue à vivre, le pauvre vieux papisme, tant qu’il sera capable de fortifier ou de consoler une âme, d’inspirer une vie pieuse ou une bonne action ! […] De là ces prétendues merveilles épisodiques extraites du fatras de nos vieux poèmes français ; de là cette critique superficielle et commode qui se borne à compter les « perles » enfouies dans le « fumier » d’Aristophane. […] Lorsqu’un livre n’a pas en lui l’âme de vie qui, l’affranchissant de la matière, le rend apte à se perpétuer dans une suite infinie de métempsycoses, lorsque toute sa valeur réside dans son enveloppe corporelle, il n’est absolument qu’un meuble ; et le sort qui l’attend est, le plus justement du monde, celui de tous les meubles : les vieux bois pourris font du feu, les vieilles ferrailles retournent à la fonderie et à la forge. […] Vers 1840, dans un grenier, à Berlin, on trouva un vieux volume relié : c’était un recueil factice, c’est-à-dire composé de morceaux associés par la seule reliure, de soixante et une vieilles farces et moralités françaises, imprimées en caractères gothiques au xvie siècle.
Aussi, lorsqu’après la victoire de Fontaine-Française (juin 1595), passant en Bourgogne, il vit le président et que celui-ci parut s’étonner de l’accueil qu’un vieux ligueur comme lui recevait du roi : « Monsieur le président, lui dit Henri IV, j’ai toujours couru après les honnêtes gens, et je m’en suis bien trouvé. » C’est ainsi que ce noble roi entendait et appliquait l’espèce de menace qu’il avait faite au siège de Laon. […] Sully lui attribue ainsi qu’à Villeroi une part directe dans le rétablissement des Jésuites en France (1604) ; il suppose que ces deux conseillers, Jeannin et Villeroi, malgré leur entière conversion monarchique, avaient encore dans l’esprit quelque reste du vieux levain, « quelque diminutif de semence espagnolique et ligueuse dans la fantaisie », et qu’ils étaient portés à favoriser ce qui tenait à leur ancien parti. […] Le président Jeannin, vieux et malade, toujours généreux et plein de cœur, courait aux négociations, à ce champ de bataille pacifique qui était le sien, comme le guerrier va au feu, comme César courait à ses légions, malgré les vents et les flots et en méprisant les tempêtes.
M. de Lamartine, dans une conclusion éloquente qui termine ses Entretiens sur de Maistre, a également relevé cette suite de démentis éclatants donnés au prophète du passé ; et, comme pour les consommer et les résumer en un seul, la vieille Savoie elle-même, avec ses glaciers, ses rochers et ses chalets, ne vient-elle pas de rouler, de glisser vers la France ? […] On raconte qu’Alfred de Musset, tout enfant, eut un jour de petits souliers rouges fort jolis, qu’on appelle, je crois, des mignons, et pendant qu’on les lui mettait pour aller à la promenade, comme cela tardait un peu, il s’impatientait et disait à sa bonne : « Dépêche-toi, je yeux sortir, mes mignons seront trop vieux. » Lamennais était cet enfant, et comme lui avide, à sa manière, de jouir ; en présence de la vérité qu’il essayait, il était si pressé, si impatient, qu’on aurait dit qu’à tarder d’un seul instant, elle allait devenir trop vieille.
Ils aspireront à quelque chose de mieux, au simple, au grand, au vrai, et se dessécheront et s’aigriront à l’attendre ; ils voudront le tirer d’eux-mêmes ; ils le demanderont à l’avenir, au passé, et se feront antiques pour se rajeunir ; puis les choses iront toujours, les temps s’accompliront, la société mûrira, et lorsque éclatera la crise, elle les trouvera déjà vieux, usés, presque en cendres ; elle en tirera des étincelles, et achèvera de les dévorer. […] Je me trompe : vieux, presque aveugle, au-dessus du besoin grâce aux bienfaits du Gouvernement37, il s’était logé dans les combles du Palais-Royal, pour y trouver le calme nécessaire à la correction de ses odes ; c’était là sa tour de Montbar. […] On devine pourtant et l’on rêve à plaisir ce petit monde heureux, d’après quelques épîtres réciproques et quelques vers épars : Abel, mon jeune Abel, et Trudaine et son frère, Ces vieilles amitiés de l’enfance première, Quand tous quatre muets, sous un maître inhumain, Jadis au châtiment nous présentions la main ; Et mon frère, et Le Brun, les Muses elles-mêmes ; De Pange fugitif de ces neuf Sœurs qu’il aime : Voilà le cercle entier qui, le soir quelquefois, A des vers, non sans peine obtenus de ma voix, Prête une oreille amie et cependant sévère.