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2258. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Jules Levallois » pp. 191-201

La liberté morale, comme il dit, et à laquelle il tient comme un monsieur de ces derniers temps, sa liberté morale prend la force des chênes au pied des chênes, et le rend plus apte à servir les hommes et à se dévouer à leur bien-être et à leur grandeur. […] Je sais bien que l’auteur de L’Année d’un Ermite n’est pas un négateur de Dieu à la manière insolente et nette des athées du temps. […] C’est le vice du temps, c’est l’oubli des idées religieuses et l’embarras de faire des livres, qu’on veut faire moraux, en croyant pouvoir se passer de ces idées-là.

2259. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Véron »

» Ni M. de Coislin, ni ce fameux capitaine de vaisseau qui mourut d’une révérence en reculant, pour son troisième salut, sur un pont trop étroit, et qui tomba à la mer, n’eurent de leur temps des grâces plus onctueuses, et ne s’escrimèrent en révérences plus circonflexes et plus respectueuses que celles de Véron à l’assemblée dont il entend bien ne pas cesser de faire partie… Seulement, les questions qu’il soulève seront-elles aussi agréables au Corps législatif que les révérences qu’il lui fait ? […] les temps ont bien changé. […] C’est un heureux de ce temps.

2260. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Car dans l’intervalle tous les instincts imaginables auraient eu le temps de se représenter et de commenter le fait divers. […] Il a son art à lui, en tout temps le même, qui est très caractéristique de ses mœurs. […] Le peuple de tous les temps est un « troupeau » d’êtres timides et nonchalants. […] Qu’il s’arrange ici de l’honneur d’être appelé l’écrivain le plus libre de tous les temps. […] Le temps de la pleine vigueur imaginative d’une race c’est l’époque de l’épopée.

2261. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

De la Grèce à l’Asie Mineure les îles sont posées comme des pierres sur un gué ; par un temps clair, un navire qui fait ce trajet a toujours la côte en vue. […] Déjà au temps d’Homère nous leur trouvons les mêmes mœurs ; à chaque instant on lance un navire à la mer ; Ulysse en construit un, de ses mains ; on va commercer, piller sur les côtes environnantes. […] En ce temps-là un navire de guerre n’est qu’un bateau de cabotage, contient tout au plus deux cents hommes et ne perd guère de vue les côtes. […] Deux sortes de culture les forment en tout temps et en tout pays : la culture religieuse et la culture laïque, et l’une et l’autre opèrent dans le même sens alors pour les garder simples, aujourd’hui pour les rendre compliqués. […] Le vice grec, inconnu au temps d’Homère, commence, selon toutes les vraisemblances, avec l’institution des gymnases.

2262. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Nous subissons les inconvénients du temps où nous vivons, ayons-en du moins les avantages. […] C’était, comme on le sait, dans un salon réservé, à l’ombre d’une de ces hautes renommées de beauté auxquelles nul n’est insensible, puissance indéfinissable que le temps lui-même consacre et dont il fait une muse. […] Sauf quelques mots, quelques écarts dus à la tourmente des temps et aux engagements de parti, on le voit constamment viser à une conciliation entre la liberté moderne et la légitimité royale. […] Il discute cette généalogie, il nous y intéresse : « Mais n’est-ce pas là, se dit-il, d’étranges détails, des prétentions malsonnantes dans un temps où l’on ne veut que personne soit le fils de son père ? […] C’était le composé de toutes les femmes qu’il avait entrevues ou rêvées, des héroïnes de l’histoire ou du roman, des châtelaines du temps de Galaor, et des Armides ; c’était l’idéal et l’allégorie de ses songes ; c’est quelquefois sans doute, le dirai-je ?

2263. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

Les étrangers mêmes contribuaient à nous égarer, car enfin il fut un temps où ils faisaient aux chefs-d’œuvre de notre théâtre l’honneur de les imiter. […] La captivité n’est pas la vieillesse, et s’il est triste d’être dans les fers, il serait bien plus désolant de retomber dans l’enfance ; ce n’est qu’à la décrépitude qu’il ne reste plus de remède ni d’espoir, et il y aurait du délire à l’accepter avant le temps, parce qu’elle s’annoncerait sous le nom mystérieux de romantique. […] Mais d’abord si la pièce s’ouvre par un entretien de César et d’Antoine, ou par une séance du sénat romain, c’est l’action même qui commence dès la première scène : voilà l’exposition pleinement classique, elle ne prépare l’intérêt qu’en l’établissant déjà ; elle nous plonge dans l’illusion dramatique sans nous laisser le temps de nous en défendre. […] Il a conduit Élisabeth auprès de sa captive Marie Stuart, quoique les relations du temps s’accordent à dire qu’il n’y eut jamais à Fotheringay ni ailleurs d’entrevue entre les deux princesses. […] Les passions politiques que l’histoire nous montre si énergiques chez les anciens, si dégradées et si perfides au moyen âge, si actives et si profondes dans les temps modernes, sont le principal ressort de plusieurs pièces romantiques.

2264. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Ce n’est pas du reste la faute de son humeur, s’il y avait plus à blâmer qu’à admirer dans le temps dont il a tracé la chronique. […] Il voyait un Etat ruiné, la médiocrité dans les conseils et à l’armée, l’hypocrisie religieuse, et tout ce qu’elle ajoute d’odieux aux vices communs à tous les temps, le peu qui restait de génie, disgracié, s’il ne s’abaissait pas à faire sa cour par la dévotion. […] Donnez-lui Trajan, Nerva, et « ces heureux temps, dit-il, où l’on peut penser ce que l’on veut et dire ce que l’on pense189 », il ne regrettera pas une forme de gouvernement qui n’a pas su durer. […] Si l’on voulait avoir quelque modèle du genre de ses récits chez les anciens, il faudrait les chercher dans les lettres de Cicéron, qui sont autant de fragments des Mémoires de son temps, ou, parmi les historiens, dans le seul Tacite. […] Il a pris un certain archaïsme qu’il a gardé jusque vers le milieu du dix-huitième siècle, comme une mode du temps.

2265. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Nous sommes au quinzième siècle, et non plus dans les temps modernes. […] De son temps, on n’avait que des morceaux choisis. […] Va, le temps te consolera… Un mort n’est rien ! […] Au moins s’étaient-ils accordé le temps de créer une œuvre. […] Les temps étaient rudes.

2266. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XX » pp. 84-86

… » Cette exaltation et cette glorification de lui-même vont continuant sur ce ton : « Le sentiment de la vie morale, qui seul révèle les causes, éclaira, dans mes livres et dans mes cours, les temps de la Renaissance. Le vertige de ces temps ne me gagna pas, leur fantasmagorie ne m’éblouit point, l’orageuse et brillante fée ne put me changer comme elle en a changé tant d’autres ; elle fit en vain passer devant mes yeux son iris aux cent couleurs… D'autres voyaient tout cela comme costumes et blasons, drapeaux, armes curieuses, coffres, armoires, faïences, que sais-je ?

2267. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 163-165

Il est plus à propos, pour l’honneur de notre Poésie, que nous ayons des Pieces qu’on puisse lire, que d’être amusés pendant quelque temps par des représentations qui ne laissent après elles que le dépit d’avoir accordé son suffrage à des fantômes tragiques. […] Sa Collection dramatique n’en est pas moins une des plus intéressantes qu’on ait publiées de notre temps, où l’on a perdu totalement de vue les grands modeles qui regardoient le style, le dialogue & le naturel, comme les premieres parties de l’art théatral.

2268. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 179-182

Cette Piece fut sifflée avec justice ; & par une inconséquence du Public, elle fit tort pendant quelque temps à l’Ouvrage qui l’avoit précédé, & qui n’est pas moins bon pour cela. […] Il entra en lice avec Ménage, Richelet, Mlle Scudéry, & quelques autres Gens de Lettres de son temps.

2269. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 308-311

Il paroît trop éclairé, pour ne pas savoir que dans tous les temps & dans toutes les classes d’hommes, il y a eu des erreurs & des vices ; que c’est être Juge injuste & mauvais raisonneur, que de vouloir faire rejaillir sur les membres actuels d’un Etat quelconque, les fautes de quelques-uns de ses membres, dans les Siecles précédens. […] La philosophie elle-même est d’autant plus intéressée à l’observation de cette loi, que les délires de nos Philosophes actuels sont plus propres à tourner à la honte de l’ancienne Philosophie, comme les égaremens des Philosophes anciens peuvent contribuer à faire sentir les abus de la Philosophie dans tous les temps.

2270. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Avant-propos » pp. 1-5

Un charme secret nous attache donc sur les imitations que les peintres et les poëtes en sçavent faire, dans le tems même que la nature témoigne par un fremissement interieur qu’elle se souleve contre son propre plaisir. […] Le dessein de leur être utile, est même un des motifs qui m’engagent à publier ces reflexions que je donne comme les répresentations d’un simple citoïen qui fait usage des exemples tirez des tems passez, dans le dessein de porter sa republique à pourvoir encore mieux à l’avenir.

2271. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Dangy a été l’amant de la duchesse durant le temps convenable, puis s’est lassé d’elle. […] Jean lui laisse à peine le temps de parler : il la « colle » tout le temps, avec une extrême douceur, mais avec une accablante prolixité, et avec un tel sentiment de sa supériorité intellectuelle et morale ! […] Il hait la « philosophie », la fausse humanité, la sensiblerie du temps. […] Et enfin il y avait quelque temps que je n’avais entendu un dialogue aussi spirituel. […] Quelle économie de son temps et du nôtre !

2272. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

Chacun peut remarquer qu’à partir du cinquième ou sixième mois, pendant deux ans et davantage, les enfants emploient tout leur temps à faire des expériences de physique. […] Nous sommes restés quelque temps sans le comprendre, car elle l’employait depuis longtemps et l’emploie encore aussi dans le sens de chien. […] Il faut bien du temps et bien des pas à un enfant pour arriver à des idées qui nous semblent simples. […] De très bonne heure, on l’avait promené au grand air ; dans les premiers temps, sitôt qu’il était dehors, il dormait ; puis il a moins dormi, et il a regardé. […] Par bonheur, l’un des plus éminents linguistes de notre temps, M. 

2273. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

« L’historien pourrait se placer au sein de l’âme humaine, pendant un temps donné, une série de siècles, ou chez un peuple déterminé. […] On la leur a donnée, et depuis ce temps on voit tout changer en histoire : l’objet, la méthode, les instruments, la conception des lois et des causes. […] Tâchons donc de supprimer, autant que possible, ce grand intervalle de temps qui nous empêche d’observer l’homme avec nos yeux, avec les yeux de notre tête. […] Des images, ou représentations des objets, c’est-à-dire ce qui flotte intérieurement devant lui, subsiste quelque temps, s’efface, et revient, lorsqu’il a contemplé tel arbre, tel animal, bref, une chose sensible. […] Rien de plus délicat et rien de plus difficile ; Montesquieu l’a entrepris, mais de son temps l’histoire était trop nouvelle, pour qu’il pût réussir ; on ne soupçonnait même point encore la voie qu’il fallait prendre, et c’est à peine si aujourd’hui nous commençons à l’entrevoir.

2274. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

J’allai le voir dans sa cellule comme un disciple en histoire va consulter, sur la ressemblance, l’oracle du temps qui a vu à la fois les portraits et les personnages. […] Dans les desseins de Dieu, le temps paraît être un élément de la vérité elle-même ; demander la vérité définitive à un seul jour, c’est demander à la nature des choses plus qu’elle ne peut donner. […] Dans les temps réguliers, le gouvernement est partout en proportion égale. Dans les temps extrêmes, le gouvernement est, non de droit, mais de fait, partout où on le saisit. […] Mais la justice que l’on doit à la mort et la vérité qu’on doit à l’histoire passent avant ces retours que l’écrivain peut faire sur son propre temps.

2275. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Mais cette fois encore ces feux mobiles furent un présage pour Humboldt, ce Colomb scientifique des temps modernes. […] Tous deux, enchaînés si étroitement d’amitié, dans une vie de communs travaux, avaient, de tout temps, partagé peines et plaisir. […] « Mais, dans les derniers temps, les années de l’illustre octogénaire avaient réclamé leurs droits naturels. […] Vers sept heures du soir, il rentrait au logis où, jusqu’à neuf heures, il passait son temps à lire ou à écrire. […] Toutefois les nombreuses infirmités survenues dans les dernières années avaient plus ou moins modifié cette distribution habituelle du temps.

2276. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

Voyons, pensez un peu ; je vous donne pour réfléchir le temps que l’ombre de cette branche mettra à se replier jusqu’à ses racines. […] Pendant ce temps, il faisait signe aux autres de frapper plus fort sur l’entaille déjà ouverte dans le tronc du châtaignier, et les éclats de l’écorce et du bois saignant jonchaient l’herbe aux pieds des ouvriers. […] Nous cédons à ses menaces pour ne pas ensanglanter le débat, nous prenons acte de son délit et nous réservons les droits à l’exécution de l’ordre, auquel nous sommes délégués, pour les faire exécuter en leur temps par la force publique. […] Nous n’avions de notre côté que la Providence ; mais il y a des temps où elle se cache comme pour épier jusqu’où va la patience des bons et la perversité des méchants. En ce temps-là, elle paraissait nous avoir entièrement oubliés.

2277. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

Dans la Dame de la mer, Ellida, mariée au docteur Wangel, pour qui elle a de l’amitié et de l’estime, mais qui est de vingt-cinq ou trente ans plus âgé qu’elle, aime un marin, un pilote, un personnage mystérieux et vague, qui vient de temps en temps la visiter. […] Et, si je la nomme de nouveau, c’est qu’elle eut un merveilleux don de réceptivité et qu’elle refléta toutes les idées et toutes les chimères de son temps. […] Brunetière, au temps où il goûtait peu Flaubert, n’a pu se tenir de citer comme un chef-d’œuvre cette page extraordinaire. […] Si « l’indifférence mystique » où l’on nous dit que Bézouchof et Tolstoï lui-même (pour un temps) finissent par se réfugier, présuppose la douleur et la compassion, l’ataraxie philosophique où aspire Flaubert les implique tout justement au même titre. […] Disons plus équitablement : — Ces échanges et ces reprises d’idées entre les peuples, on les a vus de tout temps, et encore plus depuis que la rapidité des relations commerciales a entraîné celle des relations intellectuelles.

2278. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. »

. — Je mettrais dans le même groupe, si j’avais le temps de m’y arrêter, Albert Glatigny, un osé et un téméraire, qui, après les Vignes folles, est venu lancer les Flèches d’or 38 : quelques-unes portent loin. […] Il faut y pénétrer et vivre à côté de lui quelque temps pour distinguer ce qu’il a en propre, pour ne pas méconnaître les délicatesses qui lui sont chères et qui constituent son individualité d’un jour. […] Mais le moyen, mais le temps, mais l’espace ? […] Et hier encore, une femme qui s’est révélée à elle-même et aux autres en ces tout derniers temps, Mme Ackermann, la docte solitaire de Nice, me donnait une fête de l’esprit en me récitant sa poésie philosophique, le Nuage, admirable d’expression et de couleur comme de vérité.

2279. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

La reine saisit donc le livre à temps, quoique déjà sous la couverture ; elle en lut au hasard quelques lignes qui la firent bien sourire, et, ayant appelé mademoiselle de Sparre, noble et belle fille de sa suite, et sa favorite la plus chère, elle lui marqua du doigt certains passages, qu’elle lui ordonna de lire tout haut, malgré les fréquents arrêts, la rougeur et la honte de cette jeune personne, et aux grands éclats de rire de tous les assistants. — Qui nous raconte cela, s’il vous plaît, sur ce ton de badinage ? […] A partir de ce temps, Bettine soigna, peigna, lava si exactement et si longuement chaque matin le petit Casanova dans sa chambre, qu’il faillit en résulter mille accidents ; cette fille malicieuse et ce précoce enfant s’en tirèrent, l’une avec duplicité et coquetterie consommée, l’autre avec une fermeté rare et une sorte de vertu qu’il ne devait pas garder longtemps. […] Vers ce même temps, Casanova fut présenté chez une courtisane et actrice à la mode, J…, qu’il trouva singulière, et aux impertinences de laquelle il résista : « Chaque fois qu’elle me regardait, elle se servait d’un lorgnon, ou bien elle rétrécissait ses paupières comme si elle eût voulu me priver de l’honneur de voir entièrement ses yeux, dont la beauté était incontestable : ils étaient bleus, merveilleusement bien fendus, à fleur de tête et enluminés d’un iris inconcevable que la nature ne donne quelquefois qu’à la jeunesse, et qui disparaît d’ordinaire vers les quarante ans, après avoir fait des miracles. […] De nouvelles chances l’avaient ramené de Corfou à Venise, où, tombé dans la misère et presque dans l’avilissement, il s’était relevé à temps par la connaissance qu’il avait faite du bon M. de Bragadin, riche sénateur, qui l’avait adopté pour son fils.

2280. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

Un savant617 peut alors concevoir le projet de ramasser dans un ouvrage de vulgarisation toute la civilisation grecque, telle que la science du temps l’a restituée, vie publique et vie privée, religion et philosophie, poésie et art, monuments et paysages. […] Il appartient au xviiie  siècle, et il est tout classique, le dernier des grands classiques : ce qui a trompé sur lui, c’est qu’il était poète, en un siècle qui avait ignoré la poésie ; et c’est qu’il avait retrouvé, parmi les pseudo-classiques de son temps, le secret du véritable art classique. […] Mais il a fait les Églogues et les Limbes, et c’est par là qu’il semble se séparer de son temps. […] Au commencement de 1793, il se fixa à Versailles, venant de temps à autre à Paris, visitant des amis à Passy, à Luciennes, à Saint-Germain.

2281. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

J’ai parlé précédemment, pour n’y pas revenir, de l’éloquence religieuse : l’orientation nouvelle de l’Église, dans notre société, n’a pas encore eu le temps de donner des résultats littéraires, que peut-être elle donnera bientôt. […] Il se tua en juillet 1870 : de tout temps il avait, me dit-on, considéré le suicide comme un moyen de sortir des situations sans issue.Éditions : Du rôle de la famille dans l’éducation, 1857, in-8 ; les Anciens Partis, 1860, in-8 ; Quelques Pages d’histoire contemporaine, 4 séries. in-18, 1862-66 ; Études sur les moralistes français, 1864. in-18 ; la France nouvelle, 1868, in-18.A consulter : O. […] Caro (1826-18S7), professeur à la Faculté des Lettres de Paris en 1864. — Édition : Œuvres, Hachette, 17 vol. in-16 (Études morales sur le temps présent, 2 vol. […] Francisque Sarcey (né en 1828). sorti de l’École Normale en 1851. professeur de 1851 à 1858, puis journaliste, chargé de la critique dramatique au Temps depuis 1867, se fit remarquer par ses conférences dès les dernières années de l’empire. — Éditions : Souvenirs de jeunesse, in-16. 1884 ; Comment je devins conférencier, n-16.

2282. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « I. Leçon d’ouverture du Cours d’éloquence française »

N’attendez pas de moi un portrait complet, une biographie détaillée de Gustave Larroumet : je n’en ai ni les moyens ni le temps. […] Le professeur de littérature latine cultivait ses oliviers à la campagne toute la semaine, et de temps à autre passait à la ville corriger des vers latins. […] Le professeur d’histoire habitait Marseille, et le professeur de littérature française n’avait son domicile à Aix que parce qu’il séjournait la plupart du temps à Paris. […] Pour moi, ce m’est un encouragement et une force, de songer qu’en montant dans cette chaire qu’il a trop peu de temps occupée, j’y trouve installée déjà par lui, éprouvée par sa pratique et revêtue de son autorité, la méthode que je crois, sinon la plus glorieuse pour le maître, du moins la plus utile pour les auditeurs et la plus adaptée aux objets de l’histoire littéraire.

2283. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Conclusion »

Mais les phénomènes de l’esprit ne sont qu’une partie des phénomènes de la vie et la loi d’association n’est qu’un cas particulier, quoique très important d’une loi qui est vraie de tous les phénomènes de la vie, — la loi d’habitude. » Il considère aussi les concepts de temps et d’espace, comme les résultats de l’expérience, mais de l’expérience de la race et non de l’expérience individuelle. […] L’ensemble des rapports de succession est le temps. […] Le caractère d’infini, propre à ces deux idées de temps et d’espace, c’est-à-dire l’impossibilité pour notre intelligence de leur concevoir des bornes, s’explique par la loi d’association. Nous ne pouvons concevoir un moment du temps sans que cette idée éveille irrésistiblement en nous celle d’un moment qui suit, puis d’un autre.

2284. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

Fût-on en apparence plus assidûment livré à d’autres études, non moins hautes, non moins fécondes, mais plus libres dans le temps et l’espace, il faut accepter, lorsqu’elles se présentent, certaines tâches austères de la pensée. […] Ce qu’elles contiennent, on le voit d’ici ; c’est l’épanchement quotidien ; c’est le temps qu’il a fait aujourd’hui, la manière dont le soleil s’est couché hier, la belle soirée ou le matin pluvieux ; c’est la voiture où le voyageur est monté, chaise de poste ou carriole ; c’est l’enseigne de l’hôtellerie, l’aspect des villes, la forme qu’avait tel arbre du chemin, la causerie de la berline ou de l’impériale ; c’est un grand tombeau visité, un grand souvenir rencontré, un grand édifice exploré, cathédrale ou église de village, car l’église de village n’est pas moins grande que la cathédrale, dans l’une et dans l’autre il y a Dieu ; ce sont tous les bruits qui passent, recueillis par l’oreille et commentés par la rêverie, sonneries du clocher, carillon de l’enclume, claquement du fouet du cocher, cri entendu au seuil d’une prison, chanson de la jeune fille, juron du soldat ; c’est la peinture de tous les pays coupée à chaque instant par des échappées sur ce doux pays de fantaisie dont parle Montaigne, et où s’attardent si volontiers les songeurs ; c’est cette foule d’aventures qui arrivent, non pas au voyageur, mais à son esprit ; en un mot, c’est tout et ce n’est rien, c’est le journal d’une pensée plus encore que d’un voyage. […] Ils n’ont d’autre objet la plupart du temps que d’éviter les redites, ou d’épargner à des tiers, à des indifférents, à des inconnus rencontrés, tantôt un blâme, tantôt une indiscrétion, tantôt l’ennui de se reconnaître. […] Si l’on se reporte aux faits généraux de notre temps, on verra que cette prévision a pu en résulter, même dans la forme précise que le hasard lui a donnée.

2285. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 12, des masques des comédiens de l’antiquité » pp. 185-210

Il nous suffit qu’Aulugelle ne l’auroit point louée ni adoptée, si de son temps les masques n’eussent point été une espece d’échos. […] Demetrius, l’un de ces comédiens, lequel Juvenal met au nombre des meilleurs acteurs de son temps, et qui avoit un son de voix fort agréable, s’étoit attaché à joüer des rolles de divinitez, des femmes de dignité, des peres indulgens et des amoureux. […] Solin qui a écrit quelque temps après Pline semble nous apprendre pourquoi l’usage de cette pierre étoit à préferer à celui de l’airain dans le revêtement intérieur d’une partie des masques. […] Vitruve se plaint que de son temps les romains négligeassent de placer de ces echaea dans leurs théatres, à l’imitation des grecs, qui étoient soigneux d’en mettre dans les leurs.

2286. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

Si j’essaye de violer les règles du droit, elles réagissent contre moi de manière à empêcher mon acte s’il en est temps, ou à l’annuler et à le rétablir sous sa forme normale s’il est accompli et réparable, ou à me le faire expier s’il ne peut être réparé autrement. […] Dès les premiers temps de sa vie, nous le contraignons à manger, à boire, à dormir à des heures régulières, nous le contraignons à la propreté, au calme, à l’obéissance ; plus tard, nous le contraignons pour qu’il apprenne à tenir compte d’autrui, à respecter les usages, les convenances, nous le contraignons au travail, etc., etc. Si, avec le temps, cette contrainte cesse d’être sentie, c’est qu’elle donne peu à peu naissance à des habitudes, à des tendances internes qui la rendent inutile, mais qui ne la remplacent que parce qu’elles en dérivent. […] Ainsi, il y a certains courants d’opinion qui nous poussent, avec une intensité inégale, suivant les temps et les pays, l’un au mariage, par exemple, un autre au suicide ou à une natalité plus ou moins forte, etc.

2287. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. de Lacretelle » pp. 341-357

on en vit un, presque dans le même temps… Ce fut celui de M.  […] Auguste Barbier, l’auteur des Ïambes et du Pianto, a été un de ces fleuves, bouillonnants et disparus… Mais Lamartine, l’inépuisable Lamartine n’a jamais cessé d’être le grand poète des premières Méditations ; et, jusqu’à sa dernière heure, il aurait coulé, nappe éblouissante d’une inspiration et d’une expression de la plus idéale pureté, sans la politique de son temps, dans laquelle, hélas ! […] De son temps, la sténographie n’était pas inventée, et nous avons eu pourtant un docteur Johnson, sténographié par une admiration aussi exacte que la plus exacte des sténographies. […] Mais les biographies, le Temps les entraîne, et en les entraînant les efface de la mémoire des hommes ; elles n’existent alors que pour les chiffonniers de l’histoire.

2288. (1881) Le roman expérimental

Renan devrait avoir quelque influence sur son temps ; il n’en a aucune. […] Aussi, quelle décisive influence sur son temps ! […] Il en est de même pour la question de temps. […] N’est-ce pas une note charmante sur les idées du temps ? […] Il n’y a pas de beauté particulière, et cette beauté ne consiste pas à aligner des mots dans un certain ordre ; il n’y a que des phénomènes humains, venant en leur temps et ayant la beauté de leur temps.

2289. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Durant ce temps, tu te taisais, ô Salpinx, clairon de la pensée. […] L’idée me vint que, dans les temps antiques, il put y avoir des mélanges entre des branches perdues de la race celtique et les races analogues aux Lapons qui couvraient le sol à leur arrivée. […] J’en ai vu encore le modèle expirant, il y a une trentaine d’années, dans la jolie île de Bréhat, avec ses mœurs patriarcales, dignes du temps des Phéaciens. […] En ce temps-là, il n’y avait de riches que le clergé et les nobles. […] Un temps fut où il avait eu des rapports avec les gens du pays, leur avait dit quelques-unes de ses idées ; personne n’y comprit rien.

2290. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

Dans ces derniers temps la morale aussi a réclamé son indépendance. […] Ils ne s’inquiètent point de concilier Newton avec Leibniz, ni Locke avec Kant, sur la nature du temps et de l’espace, ils acceptent les axiomes sans les discuter, sur la seule garantie du sens commun ; mais ils marchent. […] Posée dès le temps de Démocrite, elle a encore été débattue de nos jours par l’école théologique de de Maistre et de Bonald. […] Mais condamner toutes les recherches sur les raisons dernières comme une illusion dangereuse et vaine, considérer comme perdu le temps qu’on y consacre, vouloir en guérir l’esprit humain comme d’une infirmité chronique, c’est en réalité l’amoindrir. […] Ferrier, professeur de morale et d’économie politique à l’Université de Saint-André, a publié des Institutes of Metaphysics en trente-trois propositions : « l’un des plus remarquables livres de notre temps », dit M. 

2291. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

Cette fleur innocente se fanera sur sa tige ; s’il monte dans le ciel avant le temps, nos ancêtres seront privés du sacrifice qu’il leur doit, et ils en seront affligés. […] » répond-elle au demi-dieu, « j’oserais m’approcher de cet anachorète pur, sévère et terrible, au front resplendissant comme le feu du sacrifice, redoutable comme le temps qui détruit tout ? […] Le saint dit à sa fille que le temps est venu de sommer le roi d’accomplir sa promesse, et de proclamer l’enfant roi et successeur de son père. […] Sacountala, tenant son fils par la main, s’avance avec une timidité pleine de crainte et de grâce : « Ô roi », dit-elle, « les temps sont accomplis où un jeune enfant, fruit de notre légitime union, doit être sacré ! […] Vois, cette liane est toute couverte de fleurs, depuis la racine jusqu’au sommet des rameaux les plus élevés, quoique ce ne soit pas le temps de la floraison.

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