Eugène Delacroix aimait tout, savait tout peindre, et savait goûter tous les genres de talents. […] Que des hommes d’un talent mûr et profond (M. […] Ce qui caractérise plus particulièrement son talent, c’est une solennité subjuguante. […] Le résultat fût-il excellent, c’est abuser de son temps et de son talent. […] Mais de quel droit limitez-vous ainsi la portée des talents de chacun ?
Mais arrêté dans son désir par le caractère de ses œuvres, qui étaient les œuvres d’un artisan, et non d’un poète ou d’un savant, il lui demandait une fois, s’il n’avait pas un autre talent que celui d’ornemaniste. […] C’était un littérateur, un littérateur donnant ses inspirations à Hokousai, et qui à la fin fut si charmé, si séduit par son talent, qu’il devint peintre et se fit son élève. […] Rosny ajoute que les deux frères ne pouvaient se faire la guerre, c’est-à-dire travailler, chacun de leur côté, et que cela l’a décidé à lui donner l’hospitalité dans son talent. […] Celui qui le ramènera recevra 2 talents de cuivre, et 3 000 drachmes ; celui qui indiquera seulement le lieu de sa retraite, si c’est dans un lieu sacré, 1 talent et 2 000 drachmes, si c’est chez un homme solvable et passible de la peine, 3 talents et 5 000 drachmes. […] Je porte à ta connaissance que l’an XXXIV du double règne de Philométor et d’Evergète II, lorsque Lochus est venu à Diospolis-la-Grande, certaines personnes ont envahi l’un des tombeaux qui m’appartiennent dans le Péri-Thèbes ; l’ayant ouvert, ils ont dépouillé quelques-uns des corps qui y étaient ensevelis, et en même temps ont emporté tous les effets, que j’y avais mis, montant à la somme de dix talents de cuivre.
Mme Gautier, qui a tous les dons, n’est pas seulement l’écrivain au style brillant et pur que nous admirons, le poète et le romancier que l’on sait, elle est aussi un sculpteur plein de fantaisie et de talent, et ce talent, elle le mit au service de la « cause ». […] Camille Rogier et Nanteuil eussent aimé son talent. […] On sait trop le talent si indépendant et si averti d’Emile Faguet pour qu’il soit besoin de chercher à le caractériser ici. […] Les auteurs, qu’ils soient de génie ou de talent, ont tous un style, ou s’efforcent d’en avoir un. […] La Pouplinière se fait rarement l’ami des talents reconnus ; il est le protecteur des jeunes, des débutants, des étrangers.
Les vrais talents s’y risquent peu d’ordinaire ; ils y préludaient volontiers autrefois. […] On y voit avec douleur combien M. de Chateaubriand, malgré son grand nom et ses talents, est dupe des hommes d’esprit et des meneurs de son parti.
On y embrasserait dans un seul coup d’œil les premiers essais gigantesques, excessifs, un peu extravagants, d’un talent pittoresque et passionné, tout neuf, sa perfection presque aussitôt, sa saison toute classique dans René et dans Eudore, sa manière parfaite encore, mais déjà un peu sèche et roide, dans l’Abencerage. […] Mais quand on a dit tout cela, on n’a rien prouvé ; le talent de l’auteur, dans ce qu’il a précisément de neuf, de puissant et de grand, ne laisse pas de vous prendre, de vous remuer étrangement et de triompher.
Voilà un homme tout à fait remarquable par le courage, l’énergie, la patience, la persévérance, la lucidité d’esprit, le talent d’organiser et de commander. […] Bien entendu, je ne compare point le talent d’expression, ne me faites pas dire une sottise : je ne parle que de la clarté du tableau.
Là, se révélèrent deux talents puissants dont la rencontre fut le premier lien de l’école symboliste. […] Il jugeait de haut et, d’un seul mot, clouait ses désaveux au front des faux talents.
La décadence même de son talent n’est pas le motif qui nous guide, c’est l’anomalie compromettante de cette décadence. […] Pour nous, nous repoussons l’idée d’irrespect, pleins d’admiration pour le talent immense qu’a souvent déployé l’homme.
Ce que nous enseignons, ce serait « la mise en œuvre des procédés de l’art d’écrire préalablement décomposés par un habile homme, tandis que l’art est l’exercice spontané et ingénu d’un talent naturel ». […] et, si la page est de Montesquieu ou de Flaubert, direz-vous que ce n’est pas de « l’art spontané », qu’il n’y a pas de talent naturel, parce que le travail y a dissimulé le travail ?
Elle commettait bien à cette charge, selon nous, immense, d’écrire l’histoire, des hommes éprouvés et capables, qui semblaient avoir conquis une telle position, de haute lice, par l’élévation du talent et du caractère et cette conséquence de l’esprit qu’on ne connaît plus et qui est autant l’honneur de la vie que de la pensée. […] Elle n’est plus l’ondoyante et mobile interprétation individuelle, faite, avec plus ou moins de talent ou de prestige, par un écrivain quelconque, entré dans nos archives, comme dans un bois.
C’était une maison à tourelles gothiques, encadrée dans de beaux ombrages ; il la dessinait souvent avec goût et talent. […] Il se sentait trop de talent pour envier personne. […] Il était alors à Paris, jouissant dans un applaudissement universel de la fleur et de la primeur de son talent. […] M. de Vigny les lisait comme nous ; la nature un peu féminine de son talent le portait naturellement à l’imitation. […] Mais le talent a ses licences, il les justifie en les couvrant de fleurs.
La littérature n’atteint qu’incidemment les grands courants d’idées, par quelques orateurs, polémistes et penseurs ; et les hommes en qui s’est rencontré le talent littéraire, n’ont souvent pas été — tant s’en faut — les intelligences directrices du siècle. […] Pour la politique même et le gouvernement, ni les plus hauts esprits, ni les volontés les plus efficaces n’ont été toujours servis par le talent oratoire, et les partis eux-mêmes seront loin d’être représentés ici selon leur force ou leur influence. […] Un vaste orgueil de chef de secte, qui lui rendit l’accord impossible avec les autres groupes socialistes, une indifférence choquante en son temps pour les théories politiques, au point que, se détachant de la forme républicaine, il se montra tout prêt à réaliser sa doctrine par l’empire, contrepesèrent l’influence que le talent littéraire aurait pu donner à Proudhon : il occupa le public, inquiéta le pouvoir, et ne fit pas école. […] Sous la monarchie légitime, il professa la Charte avec un remarquable talent. […] Dans ces compétitions, deux hommes surtout font briller leur talent, XI.
Faguet est le critique le plus austèrement « objectif » que je sache (et c’est cela peut-être qui rend austère aussi la définition que je tente de son talent). […] Ce sont moins les talents et les connaissances que les caractères qui manquent à cette Chambre méprisée. […] Ils paraissaient croire au talent et même à la bonne foi l’un de l’autre. […] Paul Deschanel, à force de talent, mais surtout à force de sérieux, d’amour de la vérité, de franchise, de loyauté et de courage, a fini par conquérir l’estime même de ses plus irréductibles adversaires. […] Depuis quelques années, une double évolution, très intéressante, s’est accomplie dans le talent de M.
Le roi d’Égypte offrit quinze talents d’argent. Si l’on veut se rendre compte de ce que c’est que quinze talents, on n’a qu’à se dire que c’était les trois quarts du tribut annuel de rançon payé par la Judée à l’Égypte, lequel était de vingt talents et pesait à tel point sur le peuple juif que le grand-prêtre Onias II, fondateur du temple Onion, se décida à refuser ce tribut, au risque d’une guerre. […] Les quinze talents furent déposés. […] Le roi abandonna les quinze talents et garda le livre. […] Une tradition, contestée, veut qu’Évergète II ait rendu à Athènes, non l’exemplaire original d’Eschyle, mais une copie, en laissant, comme dédommagement, les quinze, talents.
Victor Le Clerc et dont était le spirituel Ampère, Beyle, qui était de la partie pour la campagne romaine, égayait les autres, à chaque pas, de ses saillies, et excellait surtout à mettre ses doctes compagnons en rapport avec l’esprit des gens du pays : « Le ciel, disait-il, m’a donné le talent de me faire bien venir des paysans. » Sa prompte et gaillarde accortise, sa taille déjà ronde et à la Silène, je ne sais quel air satyresque qui relevait son propos, tout cela réussissait à merveille auprès des vendangeurs, des moissonneurs, des jeunes filles qui allaient puiser l’eau aux fontaines de Tivoli comme du temps d’Horace. […] Le défaut de Beyle comme romancier est de n’être venu à ce genre de composition que par la critique, et d’après certaines idées antérieures et préconçues ; il n’a point reçu de la nature ce talent large et fécond d’un récit dans lequel entrent à l’aise et se meuvent ensuite, selon le cours des choses, les personnages tels qu’on les a créés ; il forme ses personnages avec deux ou trois idées qu’il croit justes et surtout piquantes, et qu’il est occupé à tout moment à rappeler. […] La Chartreuse de Parme (1839) est de tous les romans de Beyle celui qui a donné à quelques personnes la plus grande idée de son talent dans ce genre. […] Entre toutes ces pistes qui s’entrecroisent, peut-être l’homme de talent dans le genre trouvera la sienne.
Parmi ces lettres attribuées après coup à de grands hommes, et qui ne sont pas indignes d’eux par le talent et l’art, je n’ose compter les lettres fort nobles de Brutus à Cicéron ; elles méritent trop d’être vraies, et s’il y a moyen de continuer à les croire telles, tenons-nous-y. […] Appellerai-je l’homme de talent qui a composé ce recueil un faussaire ? […] Apulée cependant, ne le surfaisons pas, est surtout un écrivain de style et à qui il n’est pas indifférent de faire montre de son talent. […] Psyché est devenue pour les modernes un de ces thèmes à éternelles variations, où se sont joués et complu bien des talents, bien des pinceaux.
N’ai-je pas trop dit en insistant, ainsi que je l’ai fait, sur la distinction comme caractère principal de son talent et de son crayon au milieu même de la vulgarité ou plutôt de la réalité des sujets ? […] si vous le voulez à toute force, — vous voyez que je n’y tiens pas, pourvu qu’il ait un peu de malice et qu’il soit tout nu et bien gentil. » Je ne voudrais pas abuser du plaisir de citer parmi ces pages, déjà si nombreuses, d’un livre inachevé ; mais cette finesse de sentiment et d’analyse, cette délicatesse d’expression sous forme écrite, jettent certainement un jour sur le talent de Gavarni, et nous expliquent les distinctions secrètes de son crayon, même lorsque ensuite il ira, comme il dit, au cabaret. […] Il avait bien, on le voit, à l’origine et par goût, l’aristocratie du talent. […] Ainsi, derrière un ironique, il y a eu un croyant, un cœur confiant du moins, aimant, affectueux, et ce Michel, pour l’appeler d’un nom, cet amoureux d’autrefois, cet homme délicat et humain n’est jamais mort chez Gavarni : il a eu jusqu’à la fin des retours marqués dans son talent.
Émile n’a cessé depuis de se former et d’apprendre ; il ne tardera pas à en appeler de ces trois classes, et, tout en marquant toujours sa place dans les premiers rangs, il ne verra bientôt plus autour de lui qu’une société moderne, ouverte à tous, et ne portant sur sa bannière que trois mots inscrits : Activité, talent, fortune. […] La morale a changé de nom ; elle s’appelle maintenant statistique : c’est de la comparaison seule des faits que la vérité doit désormais jaillir… » Tel est ce petit livre où l’on ne saurait méconnaître le talent et dans lequel, à défaut d’éclat et d’originalité de forme ou de style, il y a exaltation, chaleur, et même de l’éloquence. […] L’un, homme d’épée, républicain plus théorique que pratique, sachant l’histoire, se rattachant aux anciens partis, ayant ses principes, mais aussi ses prédilections, ses antipathies, ses haines, cherchant à combiner et à nouer dans un seul faisceau plus de choses sans doute qu’il n’est donné d’en concilier, représentait avec un talent vigoureux et des mieux trempés la presse sévère, probe, mais fermée, exclusive, ombrageuse et méfiante, un peu sombre, la presse à la fois libérale, guerrière, patriotique et anti-dynastique ; moins encore un ensemble de doctrines ou un système d’idées qu’une position stratégique et un camp. L’autre représentait, à cette date, l’esprit d’entreprise, l’innovation hardie, inventive, l’esprit économique et véritablement démocratique, le besoin de publicité dans sa plénitude et sa promptitude, les intérêts, les affaires, les nombres et les chiffres avec lesquels il faut compter, la confiance qui est l’âme des grands succès, l’appel à tous, l’absence de toute prévention contre les personnes, y compris les personnages dynastiques, l’indifférence aux origines pourvu qu’il y eût valeur, utilité et talent ; il était l’un des chefs de file et des éclaireurs de cette société moderne qui n’est ni légitimiste ni carbonariste, ni jacobine ni girondine, ni quoi que ce soit du passé, et qui rejette ces dénominations anciennes, surannées déjà ; qui est pour soi, pour son développement, pour son progrès, pour son expansion en tous sens et son bien-être ; qui, par conséquent, est pour la paix et pour tout ce qui la procure et qui l’assure, et pour tout ce qu’elle enfante ; qui aurait pris volontiers pour son programme, non pas la revanche des traités de 1815 ou la frontière du Rhin, mais les chemins de fer avant tout.
Taine : le critique nous fait bien comprendre cette vie mélangée, besogneuse, et ce talent qui va un peu au hasard comme la vie, mais ample, abondant, imaginatif, et qu’une sève vigoureuse anime, qu’une veine de copieuse poésie nourrit et arrose. […] Taine dans la personne et dans le talent de Pope ; car nul n’apprécie mieux que lui Addison, le premier type de l’urbanité anglaise, en tant qu’il y a urbanité : il juge excellemment Addison et son genre moyen, discret, moral, bienséant, ce Quod decet que le premier il enseigna à ses compatriotes ; il rend toute justice aux divers personnages si bien esquissés dans son Spectateur, et qui sont si anglais toujours de physionomie. […] » Convient-il d’abuser tout aussitôt contre son esprit charmant de ses infirmités corporelles et de dire : « Il ne peut se lever ; c’est une femme qui l’habille ; on lui enfile trois paires de bas les unes par-dessus les autres, tant ses jambes sont grêles ; puis on lui lace la taille dans un corset de toile roide, afin qu’il puisse se tenir droit, et par-dessus on lui fait endosser un gilet de flanelle… » Ce n’est pas moi qui blâmerai un critique de nous indiquer, même avec détail, la physiologie de son auteur et son degré de bonne ou mauvaise santé, influant certainement sur son moral et sur son talent ; le fait est que Pope n’écrivait point avec ses muscles et ne se servait que de son pur esprit. […] Et en général je dirai : combinons nos efforts, ne les opposons pas et ne détruisons rien, Vous nous invitez, vous nous obligez, à force de talent, à marcher avec vous vers le grand, le fort, le difficile, vers ce que nous n’aurions pas abordé à ce degré sans vous ; mais aussi ne nous supprimez pas nos points de vue habituels et agréables, nos paysages de Windsor et nos jardins de Twickenham.
M. de Rémusat, en parlant de Mme de Gasparin48, a été surtout frappé de voir combien ses ouvrages différaient de ses origines, et combien le talent de l’auteur ressemblait peu à ses opinions, à ses croyances premières, toutes calvinistes et genevoises. […] Le talent ose et s’aventure : la secte retient. […] Il y a eu dans les deux communions des réveils, des coups de baguette impérieux et puissants, des coups de trompette, de grands talents, de belles âmes éloquentes, ardentes, qui ont essayé de fondre les divisions artificielles, de dégager le vrai courant, de reporter les esprits aux hauteurs et aux sources, de ne s’attacher qu’à ce qui est la vie ; et je le dirai avec la conscience de ne faire injure à aucun, s’il y a eu d’un côté Lacordaire, ce regard flamboyant, cette parole de feu, on a eu de l’autre Adolphe Monod, cette âme d’orateur et d’athlète chrétien qui, à ceux qui l’ont vue de près dans son agonie suprême, a rappelé le martyre et l’héroïsme de Pascal. […] mais encore une fois, bien de la sève et de la vitalité, et, en même temps que le talent supérieur du paysage, un beau et large jet de sentiment moral épanoui.
On a beau être artiste jusqu’au bout des ongles, on est d’un temps, d’une époque ; on exprime les choses avec art et talent, pour être, apparemment, en sympathie avec quelqu’un, avec le plus d’amateurs ou d’admirateurs possible. […] Il faut donc se bien garder d’abjurer le talent qu’on a acquis, le sens particulier qu’on a aiguisé, l’instrument subtil et sûr dont la main sait tous les secrets, mais aviser seulement à l’appliquer là où il porte à propos et où il atteint son effet. […] Je n’ai point flatté les auteurs, des amis pourtant dont les qualités me sont précieuses et chères ; je me suis pris chez eux à l’essentiel, à ce qui est caractéristique et qui constitue leur nature ou la vocation qu’ils se sont donnée : mais je me serais bien mal fait comprendre, si l’on ne concluait avec moi que MM. de Goncourt sont des artistes aussi distingués que convaincus et sincères, un talent rare en deux personnes, de parfaits gentilshommes de lettres. […] Virgile a résumé tout cela d’un mot et dans une image : Nox pluviam ne colligat ante… Voilà le verbe rare qui marque le talent tout autant que ferait une épithète.
Il essaye de décomposer et d’expliquer la fortune d’André Chénier par toutes les raisons les plus étrangères au talent même et au charme de ses vers ; il côtoie complaisamment les suppositions les plus gratuites en finissant par les rejeter sans doute, mais avec un regret mal dissimulé de ne les pouvoir adopter : « On se demanda, écrit-il (lorsque ces Poésies parurent), si on n’admirait pas sous la garantie d’une muse posthume l’effort d’un esprit moderne ; si, sous la main d’un éditeur célèbre et poëte lui-même, telle épître ou telle élégie n’avait pas pu s’envoler d’un champ dans un autre, et sans qu’il lui fût bientôt permis de revenir à la voix de son premier maître. […] Et remarquez que, tout en contestant à Chénier cette part essentielle qui fait la clef de son talent, M. […] Tout au milieu, il y a mêlé l’Iris odorant de Nossis, sur les tablettes de laquelle Amour lui-même enduisit la cire ; il y a mis la marjolaine de Rhianus qui exhale l’agrément, et le jaune safran d’Érinne aux couleurs virginales…, et Damagète, cette violette noire, et le doux myrte de Callimaque, toujours plein d’un miel épais… Il a cueilli, pour y ajouter, la grappe enivrante d’Hégésippe…, et la pomme mûre des rameaux de Diotime, et la grenade à peine en fleur de Ménécrate… La ronce d’Archiloque aux dards sanglants et quelques gouttes de son amertume y relèvent la chanson de nectar et les mille brins d’élégie d’Anacréon… Le bluet foncé de Polyclète… et le jeune troëne d’Antipater n’y manquent pas…, ni surtout la branche d’or du toujours divin Platon, où tous les fruits de talent resplendissent. […] Un talent lyrique très-élevé, M.
Grandi par l’exil, déifié par la passion politique, il gagne bien sa gloire, qu’il sait administrer : c’est un robuste ouvrier aux forces intactes, et dans les huit années qui suivent le coup d’État, il donne trois grands recueils de poèmes, définitive expression de son talent. […] Aussi, dès qu’il est maître du moins de son talent, la métaphore n’est-elle jamais banale chez lui : toujours rafraîchie à sa source, renouvelée par une sensation directe, elle peut être bizarre, ridicule, elle est toujours vraie et naturelle. […] Le talent de Baudelaire est assez étroit et en même temps assez complexe. […] Le petit volume de Bouilhet est un témoin curieux des impulsions incohérentes auxquelles obéissaient entre 1850 et 1860 les talents secondaires qui n’avaient pas la force de s’affranchir et de s’orienter une bonne fois.
Mais non : il y en a une bonne moitié qui sont incontestablement des esprits ou des talents supérieurs (ce qui est une jolie proportion !) […] Car, si les membres de cette vénérable compagnie étaient nécessairement les quarante plus grands esprits de France, ce serait trop triste pour les autres : ils seraient jugés par là même ; tandis que, l’Académie se recrutant parfois d’une façon bizarre, on est tout de même content d’en être, et on n’est point humilié de n’en être pas. — L’Académie est, pour ceux qui y entrent, l’éteignoir du talent, la fin des belles et généreuses audaces ? […] Enfin, je vois que quatre ou cinq des plus grands génies littéraires de ce siècle, sans compter une douzaine de talents supérieurs, ont été repoussés ou oubliés par l’Académie. […] Ce qui m’embarrassait dans cette affaire, c’est que, sans rien perdre d’ailleurs de son grand talent, M.
Nous n’aurons pas ce dédain aujourd’hui ; nous tâcherons, sans mentir en rien et sans rien surfaire, d’apprécier à sa valeur ce talent qui ne fut ni très élevé, ni très énergique, ni très étendu, mais qui fut modeste, naturel, sincère, et qui se montra gai, vif, fertile, agréable et fin, lorsqu’il osa être tout entier lui-même, et qu’il ne sortit pas de ses justes emplois. […] Il l’aborda de préférence par le genre des pastorales et des nouvelles, et lui emprunta Galatée (1783), qu’il traita avec liberté d’ailleurs, et qu’il accommoda selon le goût du temps, en y donnant une teinte plus récente de Gessner : « J’ai tâché, écrivait-il à ce dernier, d’habiller la Galatée de Michel Cervantes comme vous habillez vos Chloés : je lui ai fait chanter les chansons que vous m’avez apprises, et j’ai orné son chapeau de fleurs volées à vos bergères. » Ce roman pastoral, mêlé de tendres romances, réussit beaucoup : toutes les jeunes femmes, tous les amoureux en raffolèrent ; les sévères critiques eux-mêmes furent fléchis : « C’est un jeune homme d’un esprit heureux et naturel, écrivait La Harpe parlant de l’auteur de Galatée, et qui aura toujours des succès s’il ne sort pas du genre où son talent l’appelle. » Il est vrai que, peu de temps auparavant, le chevalier de Florian avait adressé au même M. de La Harpe des vers d’enthousiasme, au sortir de la représentation de Philoctète : Je ne sais pas le grec mais mon âme est sensible ; Et, pour juger tes vers, il suffit de mon cœur ! […] Le talent de Florian s’y montre au complet, avec son naturel gracieux, sa diction facile et spirituelle, avec une morale aimable et bienveillante, mais qui n’exclut ni la raillerie, ni la malice. […] C’est là la véritable épitaphe de Florian, de cet homme heureux, de ce talent facile et riant, que tout favorisa à souhait dès son entrée dans le monde et dans la vie, mais qui ne put empêcher un jour l’inévitable douleur, l’antique douleur de Job, qui se renouvelle sans cesse sur la terre, de se faire sentir à lui, et de lui noyer tout le cœur dans une seule goutte d’amertume.
Son talent, comme un fruit d’extrême automne, naquit tout mûr en quelque sorte, et n’eut à aucun moment cette verdeur première qui, en se corrigeant, relève plus tard la saveur et le parfum. […] Aujourd’hui, quand on relit chez son dernier biographe les morceaux qui sont donnés pour les plus éloquents, quand on relit dans les Œuvres mêmes de l’auteur ces Mercuriales tant vantées, on ne peut y rien voir que l’exercice d’un talent distingué sachant se servir habilement d’une rhétorique heureuse. […] Après ces premiers éloges, Saint-Simon se demande comment un magistrat orné de tant de vertus et de talents, qui avait été un si admirable avocat général, un si accompli procureur général, et qui aurait fait sans doute un premier président sublime, s’est trouvé un chancelier et un ministre faible et insuffisant. […] L’exemple éminent de d’Aguesseau est peut-être le cas le plus singulier et le plus frappant qu’on puisse produire de cette sorte de différence et presque d’incompatibilité entre les deux talents.
Elle eut, vers le milieu de sa carrière, un bonheur dont toutes les mères qui écrivent ne se seraient pas accommodées : elle eut des filles qui l’égalèrent par l’esprit, et dont l’une la surpassa par le talent. […] Au milieu des mille choses qu’une jeune femme, lancée dans le monde comme elle l’était, avait droit d’aimer à cette époque et à cet âge, il en était une que Mme Gay mit dès l’abord sans hésiter au premier rang, je veux dire l’esprit, les talents, la louange et le succès qui en découlent. […] De son côté, Anatole, le bel Espagnol, doué de tous les talents et de tous les charmes, et à qui il ne manque que la parole, se croit également sacrifié, et il est disposé à s’éloigner pour toujours, lorsqu’un soir, à l’Opéra (car sans Opéra point de roman), Valentine, qui a voulu le revoir, et à qui il croit aller faire du regard un éternel adieu, lui adresse de loin un signe qui veut dire : Restez ! […] Les scènes du monde d’alors, les originaux qui y figurent et qu’on y raille, les talents divers qu’on y applaudit, depuis le chanteur Garat jusqu’au républicain Daunou, y sont retracés assez fidèlement, et ce premier tome de roman n’est guère, en bien des pages, qu’un volume de mémoires.
Il tâtonna, il s’essaya, il ne donna point sa mesure entière de talent tant qu’il ne fut point en chef et maître de tous ses mouvements : c’est sa première période jusqu’en août 1830. […] Carrel, à l’école de ce maître, exerça et fortifia ses qualités fermes et précises, et s’accoutuma à ne jamais les séparer de l’idée qu’il se formait du talent. […] Mme Courier aurait bien désiré que le passage où se trouvait le mot d’équipée fût modifié et adouci, et elle visita Carrel : « Je vis là pour la première fois Mme Courier, me dit un témoin fidèle, et je n’oublierai jamais ni l’esprit avec lequel elle défendit sa thèse, ni la grâce parfaite de Carrel, maintenant son dire et son jugement. » Nous avançons lentement avec Carrel ; c’est que ce n’est pas un talent littéraire tout simple ni de première venue : c’est un esprit éminent, un caractère supérieur qui s’est tourné par la force des choses aux lettres, à la politique, qui s’y est appliqué avec énergie, avec adresse, et finalement avec triomphe, mais qui était plus fait primitivement, je le crois, pour devenir d’emblée un des généraux remarquables de la République et de l’Empire. […] C’est là que son talent se déclare déjà tout formé dans ce qui le qualifiera proprement, et qu’il est curieux de le suivre.
On a besoin d’en prendre idée et de la suivre tant soit peu dans les diverses directions où elle s’est risquée, pour arriver à une conclusion équitable sur la nature de l’homme et sur celle du talent. […] Comme tous les hommes arrivés à un grand renom et très redoutés, mais qui ne se gouvernent pas avec prudence, il allait, se trouver en présence d’hommes de talent, plus jeunes, hardis, énergiques, avides de célébrité aussi, ayant leur réputation à faire, et pour qui il devenait, s’il n’y prenait garde, une proie très appétissante. […] Après une longue et lucide discussion, qu’il concluait en se demandant quel motif avait pu porter un homme d’un aussi grand talent que le comte de Mirabeau à « soumettre sa plume énergique à des intérêts de parti qui n’étaient pas même les siens », Beaumarchais avait soin pourtant de terminer par quelque expression atténuante : Notre estime pour sa personne, disait-il, a souvent retenu l’indignation qui nous gagnait en écrivant. […] On voit qu’il arrive à Beaumarchais comme à nous tous : nous devenons prudents et sages, du moment que nos passions s’apaisent, que nos intérêts (y compris les intérêts de nos talents et de nos facultés les plus chères) sont hors de cause ; celui qui a mis au monde Figaro, qui l’a poussé envers et contre tous, et qui n’a plus grand-chose de nouveau à ajouter, voudrait dire holà !
C’est à lui qu’il écrivait de Rome, le 8 janvier 1799, la première lettre (retouchée sans doute depuis) où son talent s’offre à nous dans tout son relief et toute sa grâce. […] Vers la fin, engagé dans le parti libéral, il a fait quelques politesses à ce qu’on appelait les jeunes talents ; mais, en réalité, il n’a jamais prisé les plus remarquables des littérateurs et des poètes de ce siècle, ni Chateaubriand, ni Lamartine, qu’il raille tous deux volontiers à la rencontre ; il leur était antipathique ; c’était un pur Grec, et qui n’admettait pas tous les dialectes, un Attique ou un Toscan, au sens particulier du mot : « Notre siècle manque non pas de lecteurs, mais d’auteurs ; ce qui se peut dire de tous les autres arts. » C’était le fond de sa pensée. […] Peu de matière et beaucoup d’art, c’est là toute la devise et le secret du talent de Courier. […] Les mécontents et les déclassés d’un régime, quand ils sont aussi riches de fond que Courier, et aussi armés de talent, se trouvent tout préparés du premier jour pour le régime suivant… 39.
en considérant cette lignée de frères ressemblants et inégaux, il me semble que la nature, cette grande génératrice des talents, essayait déjà un premier crayon de Nicolas quand elle créa Gilles ; elle resta en deçà et se repentit ; elle reprit le crayon, et elle appuya quand elle fit Jacques ; mais cette fois elle avait trop marqué. […] Là même encore, les idées et les sujets le trahissent plus peut-être que le talent. […] Les plus grands talents eux-mêmes auraient-ils rendu également tout ce qui forme désormais leur plus solide héritage de gloire ? […] Aussi ces hommes de talent, se sentant dans un siècle d’anarchie et d’indiscipline, se sont vite conduits à l’avenant ; ils se sont conduits, au pied de la lettre, non comme de nobles génies ni comme des hommes, mais comme des écoliers en vacances.
Et le cardinal Du Perron, le grand controversiste, disait également, quand on proposait de lui amener des calvinistes à combattre : « S’il ne s’agit que de les convaincre, je crois posséder assez de savoir pour cela ; mais, s’il est question de les convertir, conduisez-les à M. de Genève, qui a reçu de Dieu ce talent. » C’est à la fin de ce voyage de Paris que François de Sales apprit la mort de l’évêque de Genève dont il était le successeur désigné, et il s’empressa aussitôt de revenir en son diocèse. […] Ce rapprochement n’étonnera personne entre ceux qui ont pénétré sous des formes diverses les nuances des talents et des génies. […] Il s’attache aux mondains, il les amorce, il les apprivoise par le talent d’images et de similitudes dont la nature l’a doué ; il met force sucre et force miel au bord du vase. Il ne peut s’empêcher de sourire par le talent et de sembler presque se distraire par le langage, lors même qu’il est le plus sérieux au fond ; il ressemble à ces abeilles dont il parle si souvent : on dirait qu’il se joue, et il travaille.
Ce sont ces gens-là qui décident à tort et à travers des réputations ; qui ont pensé faire mourir Greuze de douleur et de faim ; qui ont des galeries qui ne leur coûtent guères ; des lumières ou plutôt des prétentions qui ne leur coûtent rien ; qui s’interposent entre l’homme opulent et l’artiste indigent ; qui font payer au talent la protection qu’ils lui accordent ; qui lui ouvrent ou ferment les portes ; qui se servent du besoin qu’il a d’eux pour disposer de son temps ; qui le mettent à contribution ; qui lui arrachent à vil prix ses meilleures productions ; qui sont à l’affût, embusqué derrière son chevalet ; qui l’ont condamné secrètement à la mendicité, pour le tenir esclave et dépendant ; qui prêchent sans cesse la modicité de fortune comme un aiguillon nécessaire à l’artiste et à l’homme de lettres, parce que, si la fortune se réunissait une fois au talent et aux lumières, ils ne seroient plus rien ; qui décrient et ruinent le peintre et le statuaire, s’il a de la hauteur et qu’il dédaigne leur protection ou leur conseil ; qui le gênent, le troublent dans son attelier, par l’importunité de leur présence et l’ineptie de leurs conseils ; qui le découragent, qui l’éteignent, et qui le tiennent, tant qu’ils peuvent dans l’alternative cruelle de sacrifier ou son génie, ou son élevation, ou sa fortune. […] Mais comment voulez-vous que le talent résiste et que l’art se conserve, si vous joignez à cette épidémie vermineuse la multitude de sujets perdus pour les lettres et pour les arts, par la juste répugnance des parents à abandonner leurs enfants à un état qui les menace d’indigence ? […] N’oubliez pas parmi les obstacles à la perfection et à la durée des beaux-arts, je ne dis pas la richesse d’un peuple, mais ce luxe qui dégrade les grands talents, en les assujettissant à de petits ouvrages, et les grands sujets en les réduisant à la bambochade ; et pour vous en convaincre, voyez la vérité, la vertu, la justice, la religion ajustées par La Grenée pour le boudoir d’un financier.
Charles Baudelaire 21 I S’il n’y avait que du talent dans Les Fleurs du mal 22 de Charles Baudelaire, il y en aurait certainement assez pour fixer l’attention de la Critique et captiver les connaisseurs ; mais dans ce livre difficile à caractériser tout d’abord, et sur lequel notre devoir est d’empêcher toute confusion et toute méprise, il y a bien autre chose que du talent pour remuer les esprits et les passionner… Charles Baudelaire, le traducteur des œuvres complètes d’Edgar Poe, qui a déjà fait connaître à la France le bizarre conteur, et qui va incessamment lui faire connaître le puissant poète dont le conteur était doublé ; Baudelaire, qui, de génie, semble le frère puîné de son cher Edgar Poe, avait déjà éparpillé, çà et là, quelques-unes de ses poésies. […] Esprit d’une laborieuse recherche, l’auteur des Fleurs du mal est un retors en littérature, et son talent, qui est incontestable, travaillé, ouvragé, compliqué avec une patience de Chinois, est lui-même une fleur du mal venue dans les serres chaudes d’une Décadence. […] on se souvient d’Auguste Barbier… partout ailleurs l’auteur des Fleurs du mal est lui-même et tranche fièrement sur tous les talents de ce temps.