Sans doute, il continue à se soumettre extérieurement aux lois de la société ; il révère les dogmes de la religion ; il se fait une morale provisoire empruntée aux opinions moyennes des mieux sensés : tout cela est de sens commun ; mais c’est la moindre partie de lui-même que Descartes abandonne ainsi. […] Et, d’ailleurs, cet amour du spéculatif, cet isolement de toute société, ce retranchement des intérêts et des sentiments humains, tout cela, n’est-ce pas aussi une sorte d’humeur, une manière d’être individuelle ? […] Cependant il reconnaît que Bossuet s’est trompé sur deux points : « Il s’est trompé quand il a cru le protestantisme incompatible avec de grandes sociétés réglées et prospères ; il s’est trompé quand il a vu l’idéal des gouvernements dans la royauté absolue tempérée par des lois fondamentales. » Mais ce ne sont pas là deux petites erreurs, à ce qu’il me semble, et je ne crois pas qu’on puisse dire que celui qui les a commises soit toujours tombé sur le vrai. N’avoir pas deviné la grandeur des sociétés protestantes ni la grandeur des sociétés libres, c’est avoir eu les yeux fermés sur les plus grands faits des temps modernes, sur l’esprit moderne lui-même, tel qu’il est sorti du xvie siècle, génie momentanément interrompu dans ses destinées par la halte glorieuse de Louis XIV, mais qui devait en avoir de tout autres que celles que rêvait Bossuet.
Le dix-septième siècle, si curieux investigateur du cœur humain, et si grand peintre de l’homme, avait laissé quelque chose à dire même sur ce sujet en apparence épuisé ; il avait laissé beaucoup à dire sur la société française, sur l’homme tel que la France le fait ; il avait laissé presque tout à dire sur l’homme social, sur l’économie des sociétés humaines. […] Et de même qu’au dix- septième siècle l’homme avait eu son idéal, au dix-huitième les sociétés ont le leur, et c’est Montesquieu qui le leur découvre. […] Rollin semble avoir reçu, comme un legs du dix-septième siècle, la tâche d’exprimer, dans la langue qu’on y parlait, ce qu’ont pensé tous ses grands esprits sur le meilleur régime d’éducation publique dans une société civilisée et chrétienne. […] Faire des chrétiens avec des livres païens est la tâche des sociétés modernes, surtout dans notre pays qui en tient la tête. […] De tous les devoirs propres à chacun, de tous les traits qui les caractérisent il résulte comme un idéal du maître dans les temps modernes et dans une société chrétienne.
Il n’a presque plus de relations de société ! […] Presque toute la société se rallie à cette théorie, en déclarant qu’un Mirabeau échappe aux règles de la petite probité bourgeoise : « Alors, Messieurs, nous écrions-nous, il n’y a plus de morale, de justice chez les historiens en histoire, si vous avez deux mesures, deux balances, l’une pour les hommes de génie, l’autre pour les pauvres diables. […] Sur le seuil de la porte, il nous fait son admirable personnage de Boireau en société : c’est vraiment la photographie de la fange. […] dit quelqu’un de la société, qui ne saurait pas distinguer une peinture de Raphaël d’une peinture de Rembrandt. […] L’homme ne lui tient pas compagnie, il lui faut, ainsi qu’à toute femme qui a passé par la communauté féminine, la société de créatures de son sexe.
Aujourd’hui que les questions de subsistance, les questions du vivre et de l’économie, priment la question d’honneur dans une société dont l’âme a passé dans le ventre, ce dernier refuge de l’image de Dieu dans les sociétés matérialistes, il faudrait encore du bas de ces questions comprendre la Saint-Barthélemy comme on la comprend du haut des questions spirituelles, à présent délaissées. […] Incontestablement une société qui avait de la force au cœur et dans les bras ne pouvait accepter des conditions si accablantes et si certaines. […] Ne savons-nous pas le mépris que l’Histoire inflige aux sociétés qui ne savent pas se défendre ? […] Il plaçait un livre faux, sur une époque dont l’énergie répugne à notre vieille société, entre le 1572 de M. […] La peau de bête dans laquelle se cacha Adam était bonne après sa première faute ; mais lorsque les vieilles sociétés ont entassé sur elles les vices et les crimes, il faut arracher cette peau de bête des épaules qu’elle ne couvre plus et montrer à fond les ulcères !
Ils sont parfois d’autant plus fantastiques que la société est plus positive. […] La science est une solitude qui nous soustrait à l’influence de la société. […] Le trouble de la société avait passé dans les esprits. […] N’est-ce pas ainsi qu’on nous plaît dans la société ? […] Il n’appartenait pas aux premiers rangs de la société.
. — La société. — La famille. — Les arts. — La philosophie. — La religion. — Quelles forces ont produit la civilisation présente et élaborent la civilisation future. […] Car en même temps que les idées, les événements ont poursuivi leur cours ; les inclinations nationales ont fait leur œuvre dans la société comme dans les lettres, et les instincts anglais ont transformé la constitution et la politique, en même temps que les talents et les esprits. […] En effet, c’est ainsi que les choses se passent ; tous les jours des centaines de gens riches quittent Londres pour passer un jour à la campagne ; c’est qu’ils ont convocation pour les affaires de leur commune ou de leur Église ; il sont justices, overseers, présidents de toutes sortes de Sociétés, et gratuitement. […] Ils soutiennent et président les Sociétés scientifiques ; si les libres chercheurs d’Oxford, au milieu du rigorisme officiel, ont pu expliquer la Bible, c’est parce qu’on les savait soutenus par les laïques éclairés et du premier rang. […] Le ministre, même au village, n’est pas un fils de paysan, mal décrassé, encore imbu du séminaire, enfermé dans une éducation monacale, séparé de la société par le célibat, à demi enfoncé dans le moyen âge1330.
L’autorité absolue était leur principe, l’obéissance était leur loi ; bien commander, bien obéir, étaient pour eux la société tout entière. […] Ces principes, vrais quand on commande au nom de Dieu et quand on obéit par humilité volontaire, étaient admirables dans la famille, inapplicables dans la société politique. […] Quelques vieux officiers retirés et quelques chanoines de la cathédrale étaient ses seules ressources de société ; il ne savait comment abréger le temps. […] Je me représente toujours des sociétés d’amis sincères et vertueux ; des époux assortis, que la santé, la jeunesse et la fortune réunies comblent de bonheur. […] Je ne dois avoir d’autre société que moi-même, d’autre ami que Dieu ; nous nous reverrons en lui.
Le lendemain de la victoire, une femme de la haute société et de beaucoup d’esprit disait à M. de Molènes : « C’est fort heureux, monsieur, que vos petits monstres n’aient pas tourné. » Cela tint à peu de chose, en effet. […] Dans le discours sur leTravail littéraire, qui se lit àla fin de Rome et Lorette et qui est une espèce de discours académique de réception dans une société religieuse, M. […] Croirait-on, à les voir couverts de cheveux blancs, de croix d’honneur, de lunettes d’or, de toges et d’habits brodés, fiers, bien nourris, maîtres de cette société qu’ils administrent, qu’ils jugent et qu’ils grugent…, croirait-on que leurs calculs sont dérangés, que leur sommeil est troublé par le bruit du fouet dont ils ont eux-mêmes armé un pauvre petit diable sans nom, sans fortune et sans talent… ? […] Mais faut-il transporter ce scandale, le risquer et le multiplier à proposde tout, à chaque instant et sur chaque point de la société, et sous sa forme la plus offensive, la plus provocante ?
Guizot a traité de la civilisation en France et en Europe ; il a montré qu’elle existe seulement dans l’ensemble des bonnes tendances de l’humanité, dans l’union des biens moraux et des biens matériels, et qu’elle implique le développement simultané de la société et de l’individu. […] Cependant, nonobstant les dissidences possibles sur plus d’un point essentiel, on ne laisse pas de s’entendre en gros sur le mouvement général et complexe qui pousse et améliore la société en bien des branches, et M. […] aux armes pour la famille, pour la société qu’on nourrit, qu’on vêtit, qu’on réchauffe, qu’on abrite, pour la ville qu’on assainit ou qu’on embellit, pour la patrie, pour l’humanité ! […] On cherche dans le passé les noms des quelques hommes qui ont assez aimé la science et la société en elles-mêmes pour s’y vouer avec cette ardeur.
Partout ailleurs ce sont plutôt de fidèles impressions de mœurs, des coins de société ou de politique, des anecdotes. […] Pourquoi la société n’a-t-elle pas su s’y tenir et s’est-elle ennuyée de son bonheur ? […] Quelles vivantes peintures de cette société, aimable encore et légère jusque dans les prisons, à la veille du supplice ! […] Beugnot non seulement comme un homme d’une société fort agréable, mais comme fort distingué en affaires et « le plus capable de naturaliser les institutions françaises dans le Grand-duché. » C’est dans ces termes qu’il en parlait à l’Empereur.
Cette autre lettre est adressée à l’un des familiers du prince, M. d’Élèvemont (ou Delvemont), qui sera l’un de ses prochains acteurs de société à Berny. […] Rien de plus éphémère que ces jeux et ces spectacles de société. Laujon, qui en était le grand artisan à Berny, le disait avec grâce en publiant après plus d’un demi-siècle son Mélange de Fêtes… « Puissiez-vous ne pas oublier que le principal attribut du poëte de société, c’est la complaisance, et que le désir de plaire est le seul vœu qu’elle lui prescrive ! […] Qu’une société, hélas !
Et osera-t-on bien comparer aussi, du plus loin qu’on veuille s’y prendre, à cette dame plus que vulgaire de Tourvoie, Mme de Montesson, qui tenait dans les dernières années la Cour du duc d’Orléans et qui réussit à être épousée ; celle-ci, une vraie madame de Maintenon en diminutif, un parfait modèle de maîtresse de maison dans la plus haute société, faible auteur de comédies sans doute, mais actrice de salon excellente, ingénieuse dans l’art de la vie et dans la dispensation d’une fortune princière, personne « de justesse, de patience et de raison », qui ne pouvant, sur le refus du roi, être reconnue pour femme légitime, sut par son tact sauver une position équivoque, éviter le ridicule et désarmer l’envie, saisir et observer, en présence d’un monde malin et sensible aux moindres nuances, le maintien si délicat d’une épouse sans titre ? […] Enfin, lorsque sous le Consulat la bonne société eut sa renaissance et que l’épouse du premier Consul, Joséphine, renouant la chaîne des traditions polies, eut l’idée de rallier les élégants débris de l’ancien monde, à qui donc songea-t-elle d’abord à s’adresser si ce n’est à Mme de Montesson elle-même qui vivait encore, et qui avait su conserver ou reformer après la Révolution son cercle distingué d’amis ? […] La tête d’une société est bien malade quand elle prend pour son idéal de pareils Don Juans, dont le vice surtout est contagieux. Le maréchal de Richelieu, dans les camps comme dans la société, a été un dépravateur public.
Elles sont d’abord un tableau de la vie humaine et de la société française. […] Il connaît l’homme comme Molière, la société comme Saint-Simon. […] Bussy et Mme de Sévigné423 nous ont laissé des témoignages décisifs du succès du bonhomme : et qui peut mieux représenter qu’eux le goût de la haute société du xvie siècle ? […] Nombre de ces petits poètes, et les meilleurs, vivent dans les plus libres sociétés du siècle.
Élevé par un précepteur particulier dans une maison opulente en vue de toutes les séductions de la société, il fallait que ses dispositions fussent de bonne heure bien décidées, et son amour de l’étude bien ardent, pour pouvoir lutter contre de tels attraits. […] Walckenaer, frais, vif, rose et riant, peint par Greuze, menant de front les plaisirs et le travail, ardent à l’étude, au monde, à la société, sensible aux passions, présentant l’image d’une jeunesse à la fois sérieuse et amoureuse ; nous ne pouvons que le deviner, mais littérairement il se trahit, et toujours il gardera dans son style, dans sa manière de dire, même quand il voudra peindre le siècle de Louis XIV, quelque chose de ce qui caractérise l’époque de Louis XVI. […] En attendant qu’il se fît connaître par des travaux plus précis, un ouvrage de lui, Essai sur l’histoire de l’espèce humaine (1798), nous le montre sous sa forme encyclopédique et traçant une esquisse d’une histoire naturelle générale de l’humanité et de la société. […] S’il parle d’un homme célèbre, il le voit dans sa famille, dans sa race, dans sa province, dans ses relations de toutes sortes ; s’il parle d’un des écrits de son auteur, il met de même cette production dans tout son jour ; il la rapproche des événements qui lui ont donné naissance ; il explique tout ce qui peut s’y renfermer d’allusions personnelles et de peintures de la société.
On ne seroit point en danger de compromettre sa réputation devant la multitude qui fait circuler, dans la société, comme un très-grand ridicule, un moment d’absence de mémoire. […] Il se répandit dans toutes les sociétés des villes où on l’envoya. […] Les occupations du ministère sacré l’empêchoient de se livrer à la société autant qu’il auroit voulu. […] C’est lui qui produisit la conversion de la célèbre Fanchon Moreau, actrice de l’opéra, qui épousa depuis un capitaine aux gardes ; cette même Fanchon, admise à la société du grand-prieur de Vendôme, & pour laquelle il fit à table cet in-promptu.
Portrait de la société, nourrie de faits, positive, scientifique, basée sur l’observation de l’individu et de la société, elle professe le culte de la forme artistique et le pratique à la fois, non plus avec la sereine simplicité classique, avec abondance et avec recherche. […] L’histoire s’appuie chaque jour davantage sur la science et sur la connaissance analytique des sociétés. […] Chateaubriand, au moins, s’étudiait lui-même et étudiait la société dans laquelle il vécut. […] Il hait par dessus tout la société moderne, ce que l’on a coutume d’appeler l’intelligence, le progrès, les découvertes, l’industrie et les libertés. […] Ce n’est pas non plus le satirique qui aspire à frapper au cœur l’individu ou la société.
Convenez de leurs maximes, et l’univers entier retombe dans un affreux chaos ; et tout est confondu sur la terre ; et toutes les idées du vice et de la vertu sont renversées ; et les lois les plus inviolables de la société s’évanouissent ; et la discipline des mœurs périt ; et le gouvernement des États et des Empires n’a plus de règle ; et toute l’harmonie des corps politiques s’écroule ; et le genre humain n’est plus qu’un assemblage d’insensés, de barbares, de fourbes, de dénaturés, qui n’ont plus d’autres lois que la force, plus d’autre frein que leurs passions et la crainte de l’autorité, plus d’autre lien que l’irréligion et l’indépendance, plus d’autres dieux qu’eux-mêmes : voilà le monde des impies ; et si ce plan de république vous plaît, formez, si vous le pouvez, une société de ces hommes monstrueux : tout ce qui nous reste à vous dire, c’est que vous êtes dignes d’y occuper une place. » Que l’on compare Cicéron à Massillon, Bossuet à Démosthène, et l’on trouvera toujours entre leur éloquence les différences que nous avons indiquées ; dans les orateurs chrétiens, un ordre d’idées plus général, une connaissance du cœur humain plus profonde, une chaîne de raisonnements plus claire, enfin une éloquence religieuse et triste, ignorée de l’antiquité.
Que seront et que doivent être les femmes dans la société de l’avenir ? […] Or, Michelet sait bien, au fond de sa conscience d’historien (et les embarras de son livre, et le vague tourment de sa pensée dans les conclusions de ce livre, le prouvent avec éloquence), que ce n’est pas aux femmes de la Renaissance qu’une société qui fut chrétienne peut rester aujourd’hui sans périr !
La société n’a pu changer la loi divine de la nature : afin que le sang coule, elle a la guerre, et elle a le bourreau672. […] Les débats parlementaires eurent plus d’ampleur sous la Restauration : en toutes circonstances éclatait le conflit de deux mondes, de deux sociétés ; il s’agissait de conserver ou de détruire l’œuvre de la Révolution. […] Il estimait la religion nécessaire à l’ordre et à la conservation de la société ; elle était partie intégrante de sa raison : il voulait des Églises fortement organisées, Église catholique, Église calviniste, Église spiritualiste, excluant ou matant les têtes ardentes ou indisciplinées, les ultras de toute couleur, unies entre elles par une bonne confraternité administrative et par une coopération journalière. […] Il écrivit sur la société du xviie siècle des études, toujours oratoires et passionnées, souvent arbitraires et inexactes, qui eurent le grand mérite de faire connaître bien des documents ignorés et curieux. […] Il avait renouvelé l’étude de la littérature selon l’esprit, de Mme de Staël ; il développait le principe, que la littérature est l’expression de la société, et il avait choisi les deux cas les plus favorables peut-être qu’il y ait à la démonstration de ce principe : il faisait l’histoire de la littérature du xviiie siècle, et l’histoire de la littérature du moyen âge.
Déjà on nous a parlé des conflits de la morale religieuse ou civile avec l’autre, la grande, celle qui n’est pas inscrite sur des Tables ; et déjà, chez nous, on a opposé les droits de l’individu à ceux de la société ; et l’on a cherché le néo-christianisme, le vrai, le seul, la religion en esprit. […] Ce n’était ni l’Église, ni la monarchie, ni la société, ni la réputation, ni les lois qui lui dictaient son sacrifice et son courage, c’était sa conscience. […] Seulement, tandis que les révoltés d’Ibsen se soulèvent contre la loi et la société en général, les insurrections de M. […] Page si belle ; vision si profonde de misère et de bonté, si révélatrice du lien qui unit la bonté et la souffrance, et encore de cette vérité troublante et contradictoire, que la société est fondée sur l’injustice et que l’injustice est la condition de la vertu qui permet au monde de durer, — que M. […] Et c’est bien, ici et là, un moment historique qui nous est peint dans sa totalité : ici, la société russe durant les grandes guerres napoléoniennes, de 1805 à 1815 ; là, la société française de 1845 à 1851.
C’est trop insister cependant sur ce côté sombre de la société anglaise. […] Or qu’est-ce que ces trois forces qui agissent sur l’individu, sinon les mêmes qui agissent sur les sociétés ? […] Qu’est-ce que cette force du milieu ou de la société, sinon la création même de l’homme des temps passés ? […] Rien n’est aussi lugubre que les origines de cette société. […] La société et la littérature anglaise sont donc une société et une littérature germaniques ; c’est la conclusion de M.
Il étoit doux, agréable dans la société, brillant même dans la conversation, sensible à l’amitié. […] La société voit du poison à chaque page de leurs écrits ; le P. […] En le signant, ils vouloient accabler de faits authentiques la société. […] Le jésuite ne manqua pas de rappeller ce trait si flatteur pour la société. […] Pope, Driden, Congreve, ne furent point de la société royale de Londres.
Il va de cabaret en cabaret, autour de la barrière de l’Étoile, organiser une société de-jeu parmi les compagnons maçons, pour laquelle il ira jouer en Allemagne, sous la surveillance d’un comité d’une dizaine de maçons, costumés en habit noir, et qui n’auront qu’à manger et à se promener. […] Voici donc la promenade et la distraction de ces deux débris du monde antique dans la société moderne : l’athlète et la matrulle. […] » C’est ainsi qu’un ami commence le récit suivant : À Biarritz, il y a une bibliothèque de 25 volumes, votre Histoire de la société française pendant le Directoire s’y trouvait. […] » — Les sociétés commencent par la polygamie et finissent par la polyandrie. […] * * * — Dans cette concurrence des falsifications, on arrivera, peut-être avant cent ans, à désigner du doigt dans la société un homme qui aura mangé, une fois dans sa vie, de la viande, de la vraie viande venant d’un vrai bœuf.
La vie de société ne laisse pas aux émotions profondes de l’individu le droit de s’exprimer, et élimine de plus en plus rigoureusement par la tyrannie des formes les réalités de sentiment et d’action qui pourraient servir de modèle à la tragédie. […] Ce n’est plus qu’un exercice littéraire, un jeu de société, où il ne s’agit que de passer adroitement par les conditions convenues. […] Voltaire n’eut pas tort de vouloir exprimer sa conception de la vie, du bien, de la société, par son théâtre : mais il n’eut pas le génie qu’il fallait pour traduire dramatiquement cette conception.
L’état de grossièreté où reste, chez nous, par suite de notre vie isolée et tout individuelle, celui qui n’a pas été aux écoles est inconnu dans ces sociétés, où la culture morale et surtout l’esprit général du temps se transmettent par le contact perpétuel des hommes. […] La terre lui paraît encore divisée en royaumes qui se font la guerre ; il semble ignorer la « paix romaine », et l’état nouveau de société qu’inaugurait son siècle. […] Les charmantes impossibilités dont fourmillent ses paraboles, quand il met en scène les rois et les puissants 140, prouvent qu’il ne conçut jamais la société aristocratique que comme un jeune villageois qui voit le monde à travers le prisme de sa naïveté.
La plus haute société n’a point dédaigné de lire ce livre bas… On a respiré avec avidité cette petite infection comme une cassolette, et on a trouvé que cela sentait presque bon… Ah ! […] La société qui lit avec plaisir des productions de cette espèce a certainement quelque infirmité… Ce n’est plus, cela, simple affaire de littérature. […] Je ne discuterai pas la question, pour ne pas être impertinent envers mon époque et ses lumières… On vivait alors sur les vieux reliefs de la société féodale, et il ne faut pas trop prendre au sérieux les valets de la comédie.
Voltaire avait connu Bernis poète et galant ; il l’avait beaucoup vu en société et sous sa première forme dissipée et légère. […] Il indique alors quelques ridicules du jour qui sont un sujet tout fait pour la moquerie : « Il est plaisant, dit-il, que l’orgueil s’élève à mesure que le siècle baisse : aujourd’hui presque tous les écrivains veulent être législateurs, fondateurs d’empires, et tous les gentilshommes veulent descendre des souverains. » Il finit surtout par un conseil que Voltaire a trop peu suivi, et qui, au lieu de cette ricanerie universelle à laquelle il s’abandonnait, aurait dû être le but idéal suprême du grand écrivain en ces années de sa vieillesse : Riez de tout cela et faites-nous rire, lui dit Bernis en lui développant son plan ; mais il est digne du plus beau génie de la France de terminer sa carrière littéraire par un ouvrage qui fasse aimer la vertu, l’ordre, la subordination, sans laquelle toute société est en trouble. […] Bernis personnellement n’avait rien d’hostile à la fameuse société. […] Bernis, à part de rares instants où il eut à prendre l’initiative, dut se borner à assister l’Espagne, qui exigeait impérieusement du pape la suppression de cette société ; mais, en assistant l’ambassadeur d’Espagne, il s’efforça souvent de modérer l’âpreté de sommation de cette cour et d’écarter toute voie d’intimidation sur le pontife, au risque de se compromettre lui-même et de paraître tiède à ses alliés. […] À un autre endroit il parle encore des conversations ou assemblées du cardinal en homme ébloui. — La liaison établie, l’habitude de société que le cardinal eut jusqu’à la fin avec la princesse de Santa Croce, et dont quelques voyageurs ont fait la remarque, n’avait rien qui choquât dans les mœurs romaines.
Élevé à Juilly, au collège de l’Oratoire, puis venu à Paris pour ses études de droit et répandu alors dans des sociétés diverses, particulièrement dans le monde parlementaire, M. de Barante père garda toujours ses premières impressions contre le coup d’État Maupeou. […] Homme distingué d’ailleurs plutôt que précisément laborieux, de société plutôt que de cabinet, sachant et donnant beaucoup par la conversation, il appartenait à cette classe d’esprits éclairés que produisit avec honneur la fin du xviiie siècle. […] Comme nous l’avons déjà observé pour mademoiselle de Meulan et pour d’autres esprits influents sortis du même milieu, nous rencontrons ici un nouvel exemple d’un intéressant berceau placé dans cette haute classe moyenne, au sein de cette haute société administrative qui vivait avec l’aristocratie sans en être, et qui devait, dans la génération prochaine, la remplacer. […] Jeune, au sein de cette société enthousiaste, il ne se départit point de la réserve ni du goût. […] L’école d’où sortait M. de Barante la ramena aux idées, et rétablit le point de vue élevé que la littérature doit tenir dans une société polie, mais sérieuse.
Elle manifestait son adoption des idées nouvelles par toutes sortes d’indices plus ou moins frivoles, par l’anglomanie dans les modes, par la simplicité du frac et des costumes : « Consacrant tout notre temps, dit M. de Ségur, à la société, aux fêtes, aux plaisirs, aux devoirs peu assujettissants de la cour et des garnisons, nous jouissions à la fois avec incurie, et des avantages que nous avaient transmis les anciennes institutions, et de la liberté que nous apportaient les nouvelles mœurs : ainsi ces deux régimes flattaient également, l’un notre vanité, l’autre nos penchants pour les plaisirs. […] Jusqu’alors il n’avait fait qu’entremêler avec agrément les camps et la cour, cultiver la littérature légère, et arborer les goûts de son âge, non sans profiter vivement de toutes les occasions de s’éclairer ou de se mûrir au sein de ces inappréciables sociétés d’alors, qu’il appelle si bien des écoles brillantes de civilisation. […] Chaque événement, chaque anniversaire de cette vie intérieure était célébré par de petites comédies, par des vaudevilles qu’on jouait entre soi, par de gais ou tendres couplets qui parfois circulaient au-delà : quelques personnes de cette société renaissante se rappellent encore la chanson qui a pour titre : les Amours de Laure. […] Mémoires tirés des papiers d’un Homme d’État, t. 1, p. 180-194. — Un adversaire et sans aucun doute un ennemi personnel du comte de Ségur, Senac de Meilhan, a écrit, à ce sujet, cette page peu connue : « … La présomption que l’homme est porté à avoir de ses talents et de son esprit faisait croire à plusieurs jeunes gens qu’ils joueraient (en 1789) un rôle éclatent ; mais la Révolution, en mettant en quelque sorte l’homme à nu, faisait évanouir promptement cette illusion, qu’il était aisé de se faire à l’homme de cour, à celui du grand monde, qui se flattait d’obtenir dans l’Assemblée les mêmes succès que dans la société. […] Les succès qu’il avait eus dans la société avaient enflé son ambition, il crut avoir dans la Révolution une occasion de s’élever promptement, et se flattant, d’être l’oracle de l’Assemblée, il quitta une Cour (la Cour de Russie) où quelques agréments dans l’esprit et des connaissances en littérature lui avaient obtenu un accueil flatteur.
Tout ce que nous avons étudié jusqu’ici, les chansons de geste, les romans gréco-romains, byzantins ou bretons, la poésie lyrique, l’histoire même, est au moins par essence et par destination une littérature aristocratique : c’est aux mœurs, aux sentiments, aux aspirations des hautes parties de la société féodale que répondent les œuvres maîtresses et caractéristiques de ces divers genres. […] C’est tout un monde, organisé sur le modèle de la société humaine. […] La société d’animaux qu’on nous présente est, par hypothèse, tout idéale et toute fantaisiste : elle combine des actions et des formes propres à l’homme avec des actions et des formes propres aux bêtes. […] Quelle que soit la fantaisie qui se joue dans l’invention de cette société d’animaux, et quand elle n’aurait été créée que pour fournir un divertissement sans fatigue et sans amertume par le spectacle d’une agitation sans conséquence et sans gravité, il n’en serait pas moins vrai que le monde où luttent Renart et Ysengrin s’est organisé à la ressemblance de celui que connaissaient narrateurs et auditeurs. […] Les points extrêmes où nous conduisent toutes ces aventures de bourgeois et de vilains sont à peu près Decize, Avranches, Anvers et Cologne : mais la scène le plus souvent est située quelque part entre Orléans, Rouen, Arras et Troyes, en pleine terre française, champenoise et picarde, dans toutes ces bonnes villes et villages où l’homme ne peut ni se passer de la société de son voisin, ni s’abstenir d’en médire, où, tout aux soucis et aux joies de la vie matérielle, pourvu qu’il ait de bons écus dans sa bourse et de bon vin dans sa cave, l’esprit libre et la langue alerte, il se moque allègrement du reste, qu’il ignore.
Les assemblées politiques tiennent trop de place dans notre régime de société, et y exercent une trop grande influence, pour pouvoir être omises dans une étude un peu variée et complète des hommes de ce temps. […] C’est parce qu’il existe, imprescriptible, inexpugnable, au-dedans de chacun de nous, qu’il existe collectivement dans les sociétés ; l’honneur de notre espèce en dépend. […] M. de Broglie eut en ces années (1828-1829) un véritable rêve d’homme de bien, de philosophe élevé qui croit à Dieu, à la vérité idéale et suprême, à la vérité et à l’ordre ici-bas, à la perfectibilité de l’esprit humain, à la sagesse et au progrès de son propre temps, au triomphe graduel et ménagé de la raison dans toutes les branches de la société et de la science, dans l’ensemble de la civilisation même : « N’en déplaise aux détracteurs officieux de notre temps et de notre pays, écrivait-il en 1828, tout va bien, chaque jour les saines idées gagnent du terrain ; l’esprit public se forme et se propage à vue d’œil. » Il s’agissait, dans ce cas, d’une simple pétition sur les juges auditeurs ; mais on sent la satisfaction généreuse qui déborde du cœur d’un homme de bien. […] Lucas sur le système pénal, et en particulier sur la peine de mort, il essaie de fixer dans ses limites et de rattacher à son principe le droit qu’a la société de punir, qu’il recherche les raisons qui rendent la vie humaine respectable encore jusque chez les criminels, et qu’il s’inquiète des moyens de régénérer ceux mêmes qu’on châtie ; soit que, réfutant la théorie brutalement matérialiste de Broussais, il se complaise à rétablir les titres authentiques, selon lui, et irréfragables, de la spiritualité et de l’énergie propre de l’âme ; soit enfin qu’abordant, à propos de l’Othello de M. de Vigny, la question de l’art dramatique en France, il se félicite de la disposition du public, et que, de ce côté aussi, il marque sa foi en un certain bon sens général qui semble mûr pour le vrai et pour le beau. […] Il se plaisait à indiquer que le ministère dont il était chef, que lui-même en particulier, prenait volontiers sur lui tout l’odieux des lois proposées, et que d’autres recueilleraient un jour le fruit plus facile de ces rudes journées de lutte et de labeur. — « On nous fera responsables, on s’attaquera à nous, nous deviendrons le bouc émissaire de la société ; soit. » Il en prenait hautement son parti, et d’un ton demi-railleur, accentué de dédain, il faisait beau jeu à l’avance aux amis douteux ou aux adversaires : Pendant ce temps, disait-il, les périls s’éloigneront ; avec le péril, le souvenir du péril passera, car nous vivons dans un temps où les esprits sont bien mobiles et les impressions bien passagères.
Ce qui n’était pas une manœuvre et une intrigue, c’était le sentiment public alors répandu dans les classes supérieures et aisées de la société, et qui faisait explosion pour la première fois. […] Dans le traitement des sociétés, il est tout différent d’agir au hasard, sans préparation, sans consulter l’état moral de l’ensemble, ou de tenir compte de ces données générales qu’on dirige et qu’on modifie ensuite, mais qu’on ne supprime pas. Une société qui a épuisé son feu et qui a vu en face les dangers, se présente tout autre qu’une société confiante en la théorie et qui a oublié l’expérience. La société française, en juillet 1830, était dans une situation d’esprit telle que la traiter comme on l’a fait, avec ce mélange de témérité et de légèreté, avec cette absence de connaissance et de crainte, était de la folie.
L’Université, ce corps singulier composé de tant de fondations et de collèges distincts, et où le peuple latin se divisait par nations et par tribus, cette confédération aussi compliquée au sein de Paris que pouvait l’être la Confédération helvétique, avait alors un grand travail à faire sur elle-même pour se mettre en accord avec la société française et avec les lumières qui s’y répandaient de toutes parts. […] Déjà, en dehors de l’Université, une double tentative s’était faite dans un sens plus moderne et plus conforme à la société d’alentour. […] En face d’eux et dans le camp opposé, les Jésuites, si attentifs toujours aux besoins et aux goûts de la société présente, avaient également modifié l’enseignement, lui avaient donné un caractère de culture riante et fleurie, et l’avaient rendu plus accessible, au risque parfois de l’affaiblir. Entre ces diversités d’écoles et de méthodes, et en regard d’une société brillante, polie, éclairée, mais plus empressée chaque jour de jouir des plaisirs de l’esprit sans désormais les payer par trop de peine, il y avait évidemment pour l’Université à trouver une mesure d’innovation qui conciliât les mœurs, la discipline, la tradition classique, et j’oserai dire déjà, la promptitude et la facilité modernes. […] Elle ne transmettra point ces traditions qui sont l’honneur des familles, ni ces bienséances qui défendent les mœurs publiques, ni ces usages qui sont le lien de la société ; elle marche vers un terme inconnu, entraînant avec elle nos souvenirs, nos bienséances, nos mœurs, nos usages ; et les vieillards ont gémi de se trouver plus étrangers, à mesure que leurs enfants se multipliaient sur la terre.
Dans un autre endroit, combattant les athées, il dit, à propos des Sauvages qu’on croyait sans Dieu : « Mais on peut insister, on peut dire : Ils vivent en société, et ils sont sans Dieu ; donc on peut vivre en société sans religion. » En ce cas, je répondrai que les loups vivent ainsi, et que ce n’est pas une société qu’un assemblage de barbares anthropophages, tels que vous les supposez : et je vous demanderai toujours si, quand vous avez prêté votre argent à quelqu’un de votre société, vous voudriez que ni votre débiteur, ni votre procureur, ni votre notaire, ni votre juge, ne crussent en Dieu ? […] Je ne veux plus d’autre étude que celle qui peut rendre la société plus agréable, et le déclin de la vie plus doux.