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342. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

Qu’est-ce que reconnaître un objet usuel sinon savoir s’en servir ? et qu’est-ce que « savoir s’en servir » sinon esquisser machinalement, quand on le perçoit, l’action que l’habitude a associée à cette perception ? […] Nous nous rendons bien compte alors que les sons distinctement entendus nous servent de points de repère, que nous nous plaçons d’emblée dans un ordre de représentations plus ou moins abstraites, suggéré par ce que notre oreille entend, et qu’une fois adopté ce ton intellectuel, nous marchons, avec le sens conçu, à la ren contre des sons perçus. […] L’intellection ne peut être franche et sûre que si nous partons du sens supposé, reconstruit hypothétiquement, si nous descendons de là aux fragments de mots réellement perçus, si nous nous repérons sur eux sans cesse, et si nous nous servons d’eux comme de simples jalons pour dessiner dans toutes ses sinuosités la courbe spéciale de la route que suivra l’intelligence. […] Dewey, toutes les fois que nous faisons servir des habitudes acquises à l’apprentissage d’un exercice nouveau.

343. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

C’est en grand seigneur de la presse qu’il fait au public les honneurs de son feuilleton, où l’on ne sert que des primeurs musicales. […] L’argument a si peu de force que je le ramasse, et le retournant, je le fais servir à prouver immédiatement le contraire. […] de la critique, et cette audace l’a bien servi : il a improvisé sa musique… et sa réputation. […] la citation du Dante sert d’épigraphe à une brochure qu’on vend dans l’intérieur du théâtre et qui est la traduction de l’œuvre de M.  […] Voulez-vous me passer une comparaison triviale, mais qui va servir à rendre palpable une idée juste ?

344. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Comment s’en servir, si l’on ne le comprend pas ? […] Les historiens se sont longtemps servis des textes qu’ils avaient à leur portée, sans en vérifier la pureté. […] Mais l’histoire ne peut pas servir au progrès des sciences directes. […] On peut donc les prévoir dans un questionnaire général qui servira pour tous les cas. […] Les mêmes principes servent à décider l’ordre où on rangera les faits.

345. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Le plus simple, ce serait, sans doute, de tout tirer de l’opinion et de servir au public ce qu’on sait être dans la moyenne de ses idées et de son goût : mais ce serait se condamner à la médiocrité, à la banalité. […] Puis le poète se sert du vers. […] Enfin la grande règle, sans laquelle toutes les règles ne servent à rien, c’est le travail : il faut patiemment, laborieusement, chercher, refaire, corriger, effacer ; la perfection est le prix d’une lutte longue et douloureuse par laquelle la matière rebelle est soumise à l’art inexorable. […] Le plaisir du lecteur était l’objet principal de l’écrivain ; les plus grands, Molière ou Racine, ne se sentaient pas humiliés de réduire là leur fonction, et c’était parce qu’ils tentaient cette « étrange entreprise » de faire rire ou pleurer « les honnêtes gens », qu’ils tâchaient de les servir à leur goût. […] C’est assez que Boileau ait loué La Fontaine, et même avant les Fables, pour nous garantir qu’il a connu le charme de la vraie simplicité : il se sert des mêmes termes presque que Mme de Sévigné pour caractériser la poésie du bonhomme.

346. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

Du mot qui sert à caractériser le besoin de l’esprit français au commencement du dix-septième siècle, et de l’écrivain qui le premier a contenté ce besoin. — § II. […] Du mot qui sert à caractériser le besoin de l’esprit français au commencement du dix-septième siècle, et de l’écrivain qui le premier a contenté ce besoin. […] Tous les mauvais ministres, tous les vilains traits des gens de cour servaient d’ombre au portrait du cardinal. […] Du moins, Balzac eut le solide mérite d’indiquer la voie à de plus habiles ; et s’il est vrai que son édifice se soit écroulé, une partie des matériaux, employée par des mains plus heureuses, a servi à des constructions qui ne périront pas. […] Presque tout Voiture n’est qu’une défroque de cour, dont les rubans fanés et les paillettes ternies ne peuvent plus servir, et qu’on garde par curiosité d’antiquaire.

347. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Il me plairait d’expliquer par le détail et de montrer comment la gageure paradoxale de garder les vertus cléricales, sans la foi qui leur sert de base et dans un monde pour lequel elles ne sont pas faites, produisit, en ce qui me concerne, les rencontres les plus divertissantes. […] Du moins n’ai-je jamais cherché à tirer parti de cette qualité inférieure, qui m’a plus nui comme savant qu’elle ne m’a servi par elle-même. […] La bonne règle à table est de se servir toujours très mal, pour éviter la suprême impolitesse de paraître laisser aux convives qui viennent après vous ce qu’on a rebuté. […] Il est bien d’avoir sous ses ordres un homme armé d’une courbache dont on l’empêche de se servir. […] Il a fallu bien plus d’indulgence à mes amis pour me pardonner un autre défaut : je veux parler d’une certaine froideur, non à les aimer, mais à les servir.

348. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

Guizot, je pris la liberté d’adresser à l’illustre écrivain quelques objections : ces objections me procurèrent la bonne fortune d’une réponse des plus intéressantes que nous sommes autorisés à publier, et qui peut servir de commentaire à la pensée de l’auteur sur le rôle et la valeur de la science philosophique. […] Guizot admet les mêmes principes, les mêmes vérités, et il s’en sert pour prouver la révélation. […] Réciproquement, si l’on est autorisé à se servir de ces principes pour prouver la révélation, comment ne serait-on pas autorisé à s’en servir pour prouver Dieu ? […] Le mariage équivoque de la philosophie et de la théologie, qui a été recommandé pendant longtemps, n’a servi en rien à la cause de la religion, et il a gravement compromis la cause de la philosophie, surtout de la philosophie spiritualiste. […] S’en servir pour rendre plausible et vraisemblable l’hypothèse que vous nous proposez, c’est supposer ce qui est en question.

349. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

Au moins ne doit-on pas regarder comme copiste celui qui, vu la date de son invention, a pu servir de modele. […] Voilà l’heureux expédient dont se servent les bons Romanciers Anglois. […] Ces Mémoires, au surplus, doivent servir de modele quant au style. […] Les poignards, les cavernes, les tombeaux, les bûchers, tout, jusqu’à l’anthropophagie, sert d’aliment ou de base à ses fictions. […] Mais, dira-t-on (& on l’a même déja dit), les Artamenes, les Clélies, les Cassandres, ne servent qu’à énerver l’esprit & le cœur.

350. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre neuvième. »

Il me semble que les princes qui servent un grand souverain dans ses guerres, sont rarement dans le cas de Raton. […] Si ce sont de petits princes, alors ils servent dans un grade militaire considérable, ont de grosses pensions, de grandes places, etc… Enfin, cette fable me paraît s’appliquer beaucoup mieux à cette espèce très-nombreuse d’hommes timides et prudens, ou quelquefois de fripons déliés qui se servent d’un homme moins habile, dans des affaires épineuses dont ils lui laissent tout le péril, et dont eux-mêmes doivent seuls recueillir tout le fruit.

351. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

Quand on ne peut plus montrer dans une figure placée et comme appendue, ainsi qu’un grand portrait, dans la préoccupation contemporaine, un trait oublié que l’admiration n’avait pas vu ou que quelque autre trait d’à côté plus développé ou plus puissant avait recouvert et caché, il faut s’en détourner sous peine de pléonasme d’idées, car la critique, cette observatrice qui se sert tout à la fois du télescope et du microscope, est tenue d’apercevoir dans ce qu’elle regarde quelque chose qu’on ne voyait pas, sous peine de manquer à son devoir. […] Eh bien, cette idée immense, utopique ou fausse si vous voulez, mais sublime, de la souveraineté, n’a pas régné que sur la pensée de Joseph de Maistre, elle a régné aussi sur tous les actes de sa vie, et elle a communiqué au royalisme de ce pauvre gentilhomme de Savoie, pour lequel le roi qu’il servait eut toutes les royales ingratitudes et toutes les royales indifférences, quelque chose de si continûment et de si obscurément héroïque, que le héros ressemble, ma foi ! […] C’était quelque chose d’incomparable, — une sensibilité, une fierté, une conscience de soi, justement révoltées, et qui, armées de toutes les puissances de l’esprit, savaient s’en servir d’une manière charmante ou poignante, sans blesser une seule fois ce respect dans lequel de Maistre avait mis l’honneur de sa vie !

352. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gustave D’Alaux »

Eunuque spirituel, même quand il semble posséder le plus de qualités cérébrales, ayant les vaines rages de l’eunuque, le nègre appartient-il à une de ces races déchues comme il en est plusieurs dans la grande famille humaine, et que la Bible, ce livre de toute vérité, a désignées comme devant servir les autres et porter les fardeaux à leur place, ainsi qu’elle s’exprime dans son style imagé et réel ? […] Les races qui servent sont aussi nécessaires dans l’ordre universel que celles qui commandent ; et, d’ailleurs, servitude n’a jamais voulu dire oppression. […] De cet illuminisme qui domine la tête de Soulouque, et de la vanité du nègre (la vanité du nègre est quelque chose de sans nom) blessée par les classes éclairées, qui se moquèrent de son fétichisme dès les premiers moments de son avènement, l’historien fait sortir le Soulouque méchant enté sur le bon nègre, l’espèce de Tibère cafre qui, tout omnipotent qu’il soit, et féroce, sacrifie au préjugé des procédés judiciaires, et, trait de caractère, se sert un jour, pour condamner à la mort qu’il a résolue, de commissions militaires qu’il pourrait ne pas invoquer dans l’état absolu de sa puissance, mais qu’il invoque, nous dit d’Alaux avec une profondeur spirituelle, « pour ne pas être volé d’une seule de ses prérogatives ».

353. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Les Mémoires d’une femme de chambre » pp. 309-321

La femme de chambre véritable n’y était pas ; elle servait dans l’obscurité. […] Elle n’a donc servi, disons le mot, que chez des coquines, et cette particularité seule ôte au livre toute nouveauté, toute profondeur et toute portée, rien n’étant plus connu et plus rabâché sur les théâtres, dans les livres et dans les journaux de ce temps, que l’existence de ces dames, qui n’a rien, du reste, de bien compliqué, puisque c’est toujours le même luxe extravagant et gâcheur, la même manière de tromper et de voler leurs hommes, la même abjection d’âme et de langage, le même mutisme de sens moral et d’autres sens, et enfin la même stupidité souveraine, que je ne reprocherais pas cependant à un observateur tout-puissant de peindre encore, s’il en tirait des effets nouveaux et des choses nouvelles ! […] Jules Janin, et en fait de vices je voudrais vraiment qu’on m’en servit d’un peu moins bêtes, — n’ennuient pas et ne dégoûtent point la masse des lecteurs, comme le prouve le succès de bruit dont je me plaignais au commencement de ce chapitre.

354. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Edgar Poe » pp. 339-351

Que nous servirait de l’étudier sur quelque impuissant ou quelque noué ? […] Doué de la force de cette race de puritains qui se sont abattus d’Angleterre comme une bande de cormorans affamés, ce qu’il prend aux préoccupations contemporaines ne vaut pas la force qu’il déploie pour se servir de ce qu’il a pris ; et ici nous arrivons à ce qui l’emporte, selon nous, dans Edgar Poe, sur les résultats obtenus de sa manière, — c’est-à-dire l’application de son procédé. […] Mais pour le faire, ce drame, pour grossir cet atome en le décomposant, il se sert d’une analyse inouïe et qu’il pousse à la fatigue suprême, à l’aide d’on ne sait quel prodigieux microscope, sur la pulpe même du cerveau.

355. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Nous nous servirons pour cela d’une méthode inductive. […] Le seul rôle que lui donne de Biran est de servir de support au moi. […] Il faut savoir ce qu’est l’intelligence avant de chercher à s’en servir. […] Elle sert ainsi à poser les principes que développe l’analyse. […] Voyons maintenant à quoi sert la méthode.

356. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

La disposition des trois premiers actes est un chef-d’œuvre de l’art, propre à servir de modèle à nos jeunes élèves de Melpomène. […] Si le dieu qu’il sert ne lui convient pas, demain il en prend un autre ; il en fait, non l’arbitre de sa destinée, mais le ministre de ses passions ; au lieu de l’adorer, il l’insulte. […] Sans doute c’était dans le temps où les disciples de Voltaire dominaient au théâtre ; mais il est bon d’observer que ces philosophes de la fin de la monarchie ne servaient pas trop bien leur Dieu, et ont encore plus mal servi leur monarque. […] Corneille n’a presque rien trouvé dans l’histoire qui pût servir à ce portrait ; mais il n’y a rien trouvé aussi qui le démente. […] Il est clair que ce n’est qu’un moyen dont elle se sert pour écarter l’orage qui la menace, en mettant les princes entre elle et leur mère.

357. (1925) Dissociations

Aussi les religieux modernes, qui s’en servent comme d’un appât, ont-ils placé le bonheur dans une vie future où il est invérifiable. […] Ce qui nous étonne, c’est qu’un animal puisse se servir d’une combinaison alphabétique, car qu’un chien dise à sa maîtresse : « Heureux !  […] Opportun de le servir avec une mayonnaise qui favorise le processus de la digestion ». […] Aussi pense-t-on à la transporter au Havre, où peut-être servira-t-elle à quelque chose. […] Dans le basque, dans les langues indigènes de l’Amérique du Nord, une femme n’a pas le droit de se servir des noms réservés aux hommes.

358. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

 » Duclos remarquait avec raison que : « l’homme de la Cour le plus instruit ne peut jamais l’être aussi parfaitement qu’un historien à qui l’on remettrait les actes, les lettres, les traités, les comptes, et généralement tout ce qui sert de fondement à l’histoire ». […] Il avait en même temps cherché à débarrasser le corps de l’histoire de tout ce qui retarde inutilement sa marche : L’historien doit chercher à s’instruire des moindres détails, parce qu’ils peuvent servir à l’éclairer, et qu’il doit examiner tout ce qui a rapport à son sujet ; mais il doit les épargner au lecteur. […] Mais dans quelle mesure s’est-il servi de son auteur et préparateur ? […] Le Dauphin, dans les premiers temps, n’en continue pas moins de servir fidèlement son père et de l’assister de son épée dans les sièges de Creil et de Pontoise contre les Anglais. […] L’abbé Le Grand, dans les pages qui terminent, lui a servi de guide comme partout.

359. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Il n’y avait point de concurrent pour ainsi dire : Il y faut (aux Affaires étrangères) un homme de robe suivant l’usage présent ; je suis, de plus, homme de condition ; mon père a bien servi le roi et a été grand officier de la couronne ; j’ai étudié assidûment les affaires politiques depuis sept ans ; M. le cardinal le sait et a vu de mes mémoires, M. le garde des sceaux Chauvelin lui en a rendu de grands témoignages en tous les temps. […] Cette position de ministre en expectative se prolongea assez longtemps pour M. d’Argenson, qui s’en accommodait fort bien ; on sentait autour de lui qu’il le deviendrait tôt ou tard : « Mes bonnes intentions, dit-il, et des méditations fort sérieuses que j’ai faites sur les affaires d’État, commencent à percer beaucoup dans le monde ; à quoi joignant de la retraite qui me donne de la rareté, cela me fait passer pour un homme singulier dans le bien, et bien des gens qui ne me connaissent que d’imagination me prônent et m’élèvent. » Il lui venait des offres de services ; on lui proposait de le pousser auprès du roi par les domesticités ; des financiers habiles et administrateurs émérites (un M. de Bercy, gendre de l’ancien contrôleur général Desmarets), lui proposaient de servir sous lui en second, de travailler sous ses ordres, ce qu’ils ne feraient avec personne autre, et qu’il se laissât porter au ministère des finances : « Voilà de l’intrigue, car il en faut, ajoute en toute bonhomie M. d’Argenson, et heureusement j’y suis passivement. […] Peut-être est-ce un défaut, et je le reconnais pour tel dans les occasions où le premier mouvement m’ôte le sang-froid ; mais quant à l’affection, ordinairement cela me donne joie et succès à ce que je fais ; cela peut plaire à ceux qui servent avec moi, me les attacher davantage et surtout à leur besogne. […] Trois ans après, en mai 1744, le cardinal de Fleury étant mort, le roi nomma M. d’Argenson conseiller au conseil royal, à la condition qu’il quitterait les affaires du duc d’Orléans, car on ne peut servir deux maîtres. […] [NdA] Il a dit aussi, en pensant aux efforts contre-nature qu’il avait dû faire pendant quelque temps pour être courtisan et pour réussir auprès de Louis XV : Il faut flatter les princes absolument pour les bien servir.

360. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

À côté de ces deux familles de guerriers, dont je n’indique que la physionomie la plus générale, il en est une autre bien essentielle et qui, dans cette grande communauté de l’armée, constitue peut-être la partie la plus solide, et, si l’on osait dire, la plus consistante : ce sont ces hommes, non pas glorieux, mais modestes, sensés mais sans être philosophes ni raisonneurs, s’abstenant de toute politique, qui ont le culte de l’honneur, du devoir, de la règle, toujours prêts à servir, à combattre, ne demandant rien, contents et presque étonnés lorsque leur vient la récompense, inviolablement fidèles au drapeau et au serment. […] Dans la retraite du lendemain, le bataillon où sert Pelleport tenait la tête de la colonne et pressait un peu trop le pas : Son allure vive et animée semblait indiquer de l’empressement à s’éloigner des tirailleurs espagnols, dont les balles tombaient dans nos rangs. […] Dans les différents régimes qu’il a traversés et sous lesquels il a servi la France, n’étant pas de ceux qui se croient appelés à gouverner ou à corriger l’État, Pelleport s’est constamment appuyé à la partie honnête et sensée de chaque régime. […] C’est ainsi que parlant plus tard du général de division Legrand sous lequel il a servi et dont il estime les sérieux talents, joints à la bienveillance pour ses inférieurs : « C’est avec vénération, dit-il, que je vais, lorsque je suis à Paris, visiter sa tombe au Panthéon. […] Le 8e bataillon, dit de la Haute-Garonne, où servait Pelleport, fit partie des quinze bataillons qui, réunis, formèrent la 18e demi-brigade.

361. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Les virtuoses de la parole et de la plume ont vu leur domaine se rétrécir d’autant, et aussi les plus habiles, les plus avisés d’entre eux n’ont rien trouvé de mieux, pour ne pas se laisser tout à fait dépouiller et amoindrir, que de se mettre en campagne à leur tour, de s’emparer de toutes ces langues spéciales, techniques et plus ou moins pittoresques, que s’interdisait autrefois le beau langage, de s’en servir hardiment, avec industrie et curiosité, se promettant bien d’ailleurs d’y répandre un vernis et un éclat que les spéciaux n’atteignent ni ne cherchent. […] On sent le professeur de rhétorique qui a eu de bons cahiers et qui, même émancipé et licencié, s’en sert agréablement. […] Lorsque l’enfant s’est endormi au sein et se réveille ivre de lait, lorsqu’il ouvre les yeux en souriant, tiède et moite dans le coin du bras qui lui sert de nid, rose de la chaleur maternelle, et rose surtout d’une joue, de la joue qui touchait le sein, comme la pêche du côté du soleil, ah ! […] Sans être précisément le jardinier en même temps que le convive, il est bon d’avoir, au sujet du fruit qu’on goûte, le plus de notions possible, surtout si l’on a charge bientôt soi-même de le servir et de le présenter aux autres. […] La critique littéraire ne saurait devenir une science toute positive ; elle restera un art, et un art très délicat dans la main de ceux qui sauront s’en servir ; mais cet art profitera et a déjà profité de toutes les inductions de la science et de toutes les acquisitions de l’histoire.

362. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Elle devint l’édification du couvent qui lui servait de prison. […] » Le génie de ce grand homme ne sert ici qu’à illustrer sa haine ; il l’emporta au tombeau. […] Une poésie éclatante et harmonieuse y servait d’organe à la vérité, et même à l’illusion. […] Les témoignages d’admiration dont il était l’objet servirent la France. […] Le service militaire réduit à cinq ans de présence sous les drapeaux ; les pensions aux invalides servies dans leurs familles, pour être dépensées dans leurs villages, au lieu d’être dilapidées dans l’oisiveté et dans la débauche du Palais des Invalides dans la capitale ; Jamais de guerre générale contre toute l’Europe ; Un système d’alliance variant avec les intérêts légitimes de la patrie ; Un état régulier et public des recettes et des dépenses de l’État ; Une assiette fixe et cadastrée des impôts ; Le vote et la répartition de ces subsides par les représentants des provinces ; Des assemblées provinciales ; La suppression de la survivance et de l’hérédité des fonctions ; Les États généraux du royaume convertis en assemblées nationales ; La noblesse dépouillée de tout privilége et de toute autorité féodale, réduite à une illustration consacrée par le titre de la famille ; La justice gratuite et non héréditaire ; La liberté réglée de commerce ; L’encouragement aux manufactures ; Les monts-de-piété, les caisses d’épargne ; Le sol français ouvert de plein droit à tous les étrangers qui voudraient s’y naturaliser ; Les propriétés de l’Église imposées au profit de l’État ; Les évêques et les ministres du culte élus par leurs pairs ou par le peuple ; La liberté des cultes ; L’abstention du pouvoir civil dans la conscience du citoyen, etc.

363. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

S’il s’agit du Condé de la Ligue ou du grand Condé, à la bonne heure ; ils sont assez considérables pour servir de centre à une histoire politique et militaire de leur temps. […] Il faut un ascendant, un je ne sais quoi d’assuré et de dominateur, qui s’impose de lui-même à ceux qui servent d’intermédiaires entre ces multitudes vivantes et vous. […] Or, je sais bien que la première fois que j’ai dû m’en servir devant l’ennemi, j’étais diablement ennuyé. […] Nous avons vu quelle place insignifiante tient Gassion dans la narration de M. le duc d’Aumale : or, avant de commencer son récit, M. le duc d’Aumale nous fait un portrait de Gassion beaucoup plus développé que celui des autres généraux, très coloré et très vivant : Gassion était connu de M. le Duc, qui avait déjà servi avec lui. […]  » — « Je vous supplie de considérer qu’on en a fait d’autres (maréchaux) qui n’avaient pas gagné des batailles si avantageuses que celle-ci : il est vrai qu’il ne commandait pas l’armée, mais il a si bien servi que je vous avoue lui devoir une grande partie de l’honneur que j’ai eu. » Et Espenan et le duc de Longueville parlent exactement de la même façon.

364. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

Il connaît ce grand centre et foyer de corruption, et, de bonne heure, il en désespère : « Au lieu de chercher à changer la température de Paris, ce qu’on n’obtiendra jamais, il faut au contraire s’en servir pour détacher les provinces de la capitale. » Il aspire constamment, dans ses divers projets, à affranchir de cette influence parisienne factice et inflammatoire et la royauté et les provinces. […] Le temps le frappera assez pour moi. » En attendant, dans les notes à la Cour qu’il eut bientôt l’occasion d’adresser, Mirabeau ne cessa de s’élever de toutes ses forces contre « cette dictature ignominieuse qui séparait le roi de ses peuples, le tenait en quelque sorte en état de guerre avec eux, leur servait d’intermédiaire, et, dans ce rôle non moins indécent que perfide, usurpait l’autorité, le respect et la confiance », absorbant à son profit toute la popularité, et ne laissant remonter au trône que le blâme : tout justement le contraire d’un vrai ministère constitutionnel ! […] Cependant, si nous nous reportons à la date des derniers mois de 89, nous trouvons Mirabeau bouillonnant d’impatience, de « cette impatience du talent, de la force et du courage », souffrant de son inaction et de son inutilité réelle au milieu de ses travaux sans nombre et de ses succès retentissants, jugeant admirablement cette cour et cette race royale qu’il voudrait servir et réconcilier avec la cause de la Révolution : Il n’y a qu’une chose de claire, écrivait-il (29 décembre 1789), c’est qu’ils voudraient bien trouver, pour s’en servir, des êtres amphibies qui, avec le talent d’un homme, eussent l’âme d’un laquais. […] Et ici l’adversaire à outrance se déclare ; son opposition de vues et son antipathie de nature se donnent toute carrière : Il n’est plus temps, écrit-il (20 juin 1790, à la veille de la Fédération), de se confier à demi, ni de servir à demi.

365. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Il fut d’abord dans les gardes-françaises en 1698, et, quand commença la guerre de la Succession (1701), il obtint d’acheter un régiment d’infanterie, à la tête duquel il servit au-delà des Alpes. […] Elle ne reçoit des nouvelles que de ricochet et par les Français qui servent dans l’armée impériale ; elle s’en plaint avec douceur, avec timidité, comme quelqu’un qui se sent à peine des droits : Je suis bien heureuse que les Français qui sont dans votre armée n’aient point encore oublié leur patrie, car sans leur secours, malgré le peu de disposition que j’ai de vous croire coupable, je serais toujours dans des alarmes que votre situation ne fait que trop naître. […]  » Ce refroidissement éloigna Bonneval de Vienne ; il était en 1724 à Bruxelles, où il servait comme général, et où il avait son régiment en garnison ; il y était sur le meilleur pied, un peu goutteux, mais recevant chez lui la meilleure compagnie, donnant soupers et concerts, très aimé tant de la noblesse que du peuple et de la bourgeoisie, quand tout à coup éclata sa fâcheuse affaire avec le marquis de Prié, gouverneur. […] Voltaire, qui, lorsqu’il a raison, l’a avec une gaieté et une grâce qui n’est qu’à lui, a jugé Bonneval à fond, en disant : Tout ce qui m’étonne, c’est qu’ayant été exilé dans l’Asie Mineure, il n’alla pas servir le sophi de Perse, Thamas Kouli Khan ; il aurait pu avoir le plaisir d’aller à la Chine, en se brouillant successivement avec tous les ministres : sa tête me paraît avoir eu plus besoin de cervelle que d’un turban. […] Il est vrai qu’il garde, à travers tout, de l’honnête homme, c’est-à-dire de l’homme aimable ; mais cet honnête homme, à quoi sert-il ?

366. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

En s’opposant de toutes ses forces à ce qu’on livrât la place de Bordeaux à Cromwell avec qui l’on avait ouvert des négociations, en s’opposant vers la fin à l’incroyable faiblesse du prince de Conti qu’on avait presque décidé à conduire sa belle-sœur, la princesse de Condé, en Espagne, Cosnac rendit un service et à son prince et au roi, et ici sa vue s’élève un peu ; on entrevoit quelque chose de cette moralité politique qui va mettre en première ligne la patrie ; c’est par ce côté que nous le trouverons digne plus tard de comprendre et de servir Louis XIV. […] Comme ils étaient prêts de jouer à la ville, M. le prince de Conti, un peu piqué d’honneur par ma manière d’agir et pressé par Sarasin, que j’avais intéressé à me servir, accorda qu’ils viendraient jouer une fois sur le théâtre de La Grange. […] Il (Sarasin) les avait suivis et soutenus dans le commencement à cause de moi ; mais alors, étant devenu amoureux de la Du Parc, il songea à se servir lui-même. […] Cosnac, qui a gagné, au mariage du prince avec une nièce de Mazarin, d’être évêque de Valence, et qui a donné une dernière fois la chemise à son maître avec larmes, reste quelque temps encore attaché à sa maison comme chargé de ses affaires ; il le sert et le mécontente à la fois par son trop de zèle, et se retire enfin de cette petite cour où il éclate trop souvent par des impétuosités et des brusqueries hors de saison. […] Cosnac, par son intelligence et sa capacité, était donc tout à fait digne de servir directement ce sage et prudent maître, ce monarque de son siècle, et non plus ces cadets chétifs et avortés, qui se consumaient dans les corruptions et les vaines intrigues.

367. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre III. De la comédie grecque » pp. 113-119

Les principes de la moralité servent communément de règles de goût aux dernières classes de la société, et ces principes suffisent souvent pour les éclairer, même en littérature. […] Les comédies d’Athènes servaient, comme les journaux de France, au nivellement démocratique, avec cette différence, que la représentation d’une comédie remplie de personnalités contre un homme vivant, est un genre d’attaque, auquel de nos jours aucun nom considéré ne pourrait résister.

368. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre III. Du meilleur plan. — Du plan idéal et du plan nécessaire. »

C’est en marquant leur place sur ce premier plan qu’un sujet sera circonscrit et que l’on en connaîtra l’étendue ; c’est en se rappelant sans cesse ces premiers linéaments qu’on déterminera les justes intervalles qui séparent les idées principales, et qu’il naîtra des idées accessoires et moyennes qui serviront à les remplir… « C’est faute de plan, c’est pour n’avoir pas assez réfléchi sur son objet qu’un homme d’esprit se trouve embarrassé et ne sait par où commencer à écrire. […] Souvent il arrive que le plan le meilleur dans la circonstance n’est pas le meilleur absolument : un plan idéal, d’une régularité, d’une exactitude, d’une proportion parfaites, ne servirait souvent qu’à accuser les lacunes de notre pensée et les faiblesses de notre science.

369. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre II. Du sens et de la valeur des mots »

Jodelle mourant s’écrie au roi qui l’a employé et ne l’a pas nourri : Qui se sert de la lampe, au moins de l’huile y met. […] Mais aussi, quand on s’en sert pour la pensée, quand l’imagination ou le sentiment les assemblent, ils s’allument, et leur contact mutuel fait jaillir la lumière et sortir de fines nuances.

370. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Georges de Bouhélier (1876-1947) »

(Théorie du pathétique pour servir d’introduction à, une tragédie ou à un roman) [1895]. — La Résurrection des Dieux (Théorie du paysage) [1895]. — Discours sur la mort de Narcisse ou l’impérieuse métamorphose (Théorie de l’amour) [1895]. — L’Hiver en méditation ou les Passe-Temps de Clarisse, suivi d’un opuscule sur Hugo, Richard Wagner, Zola et la Poésie nationale (1896). — Églé ou les Concerts champêtres, suivi d’un épithalame (1897). — La Route noire (1900). — La Tragédie du nouveau Christ (1901). […] Magre, Viollis, Signoret et surtout Abadie ont énormément servi à l’auteur d’Églé .

371. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Avant-Propos. » pp. -

Et qui doute qu’elles ne servent souvent à faire découvrir la vérité ; qu’il ne résulte de grandes lumières du choc des sentimens sur le même sujet ; que les efforts de chaque écrivain, pour défendre son opinion & pour combattre celle de son adversaire, les raisonnemens, les preuves, les autorités, l’art, employés de part & d’autre, ne répandent un plus grand jour sur les matières. […] Les haines des particuliers servent à l’aggrandissement de la république *.

372. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre III. Partie historique de la Poésie descriptive chez les Modernes. »

Celui-ci, à une imagination vive, joint un génie tendre et rêveur ; il se sert même, ainsi que La Fontaine, du mot de mélancolie dans le sens où nous l’employons aujourd’hui. […] Au reste, les tableaux répandus dans la Bible peuvent servir à prouver doublement que la poésie descriptive est née, parmi nous, du christianisme.

373. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre V. Histoire littéraire. » pp. 212-219

Les amateurs des faits littéraires ne peuvent guéres se passer des Mémoires pour servir à l’histoire des hommes illustres dans la république des lettres, par le P. […] Un autre ouvrage qui peut servir de guide à quiconque voudra connoître l’état présent des sciences & de la littérature, est la France littéraire.

374. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Taraval » pp. 282-283

Il a beau dire : c’est l’instant où Jupiter, s’apercevant qu’on lui a servi à manger l’enfant de la maison, le ressuscite, le rend à sa mère et condamne le père aux enfers… je lui répondrai toujours : ce sont trois instans et trois sujets très-distingués. […] Ce dos est beau et l’artiste le sait bien, car c’est pour la seconde fois qu’il s’en sert.

375. (1912) L’art de lire « Chapitre XI. Épilogue »

On a dit que du plus mauvais livre on peut tirer quelque chose de bon et que par conséquent un livre est toujours un ami et un bienfaiteur, et l’on a pu citer en l’appliquant aux livres, cette ligne de Montaigne : « Il sondera la portée d’un chacun : un bouvier, un maçon, un passant, il faut tout mettre en besogne et emprunter chacun selon sa marchandise ; car tout sert en ménage ; la sottise même et faiblesse d’autrui lui sera instruction : à contrôler les grâces et façons d’un chacun il s’engendrera envie des bonnes et mépris des mauvaises. » Ce n’est pas tout à fait vrai, ou je n’en suis pas tout à fait sûr. Il est plus facile d’être assoté par un sot livre que de le rendre intelligent ou de le faire servir à son intelligence par la façon dont on le lit.

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