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544. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

« Il y a plus de douze cents ans que la France a des rois, dit Retz ; mais ces rois n’ont pas toujours été absolus au point qu’ils le sont. » Et dans un résumé rapide et brillant, il cherche à montrer que si la monarchie française n’a jamais été réglée et limitée par des lois écrites, par des chartes, comme les royautés d’Angleterre et d’Aragon, il avait toutefois existé dans les temps anciens un sage milieu « que nos pères avoient trouvé entre la licence des rois et le libertinage des peuples ». Ce sage et juste milieu qui, en France, a toujours été plutôt à l’état de vœu, de regret ou d’espérance, qu’à l’état de pratique réelle, avait pourtant quelque ombre d’effet et de coutume dans le pouvoir attribué au Parlement, et Retz montre tous les rois sages, saint Louis, Charles V, Louis XII, Henri IV, empressés à se modérer eux-mêmes et à s’environner d’une limite de justice. […] Le peuple entra dans le sanctuaire : il leva le voile qui doit toujours couvrir tout ce que l’on peut dire, tout ce que l’on peut croire du droit des peuples et de celui des rois, qui ne s’accordent jamais si bien ensemble que dans le silence. […] Se reportant aux âges antérieurs et à l’esprit de ce qui subsistait alors, il définit en termes singulièrement heureux l’antique et vague Constitution de la France, ce qu’il appelle le mystère de l’État : Chaque monarchie a le sien ; celui de la France consiste dans cette espèce de silence religieux et sacré dans lequel on ensevelit, en obéissant presque toujours aveuglément aux rois, le droit que l’on ne veut croire avoir de s’en dispenser que dans les occasions où il ne serait pas même de leur service de leur plaire.

545. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Ou bien il faut reconnaître qu’il y a un genre de beautés dont l’ordre et la règle ne sont pas le principe, ou il faut condamner les Pensées de Pascal comme une œuvre déréglée où quelques beautés sublimes ne compensent pas le dangereux exemple d’une raison fière et solitaire, qui dans l’obéissance même a tous les caractères de la révolte, et, tout en se soumettant, ne veut se soumettre qu’à sa manière et ne servir que comme un roi vaincu. […] Pourquoi des sujets si éloignés dans le lieu et dans le temps, pourquoi des personnages si haut placés dans la hiérarchie sociale, des rois, des princes ? […] Grâce au ciel le grand roi n’a pas eu assez d’empire sur ce merveilleux génie pour polir et discipliner cette imagination biblique et orientale, naïve et sublime. […] Toutefois, après avoir fait la juste part à cette influence, je voudrais que l’on me dît en même temps ce qu’elle a pu avoir de fâcheux, ce que le goût du roi, noble sans doute, mais sec et froid, a pu retrancher de beautés libres et hardies à notre littérature. […] A peine parle-t-on de Henri IV, car il ne fallait pas qu’aucun nom pût effacer et ternir celui du grand roi.

546. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVII. Romans d’histoire, d’aventures et de voyages : Gebhart, Lemaître, Radiot, Élémir Bourges, Loti » pp. 201-217

II Les Rois, de M.  […] L’intérêt des Rois est ailleurs. Le prince Hermann, sous l’influence d’une touchante aventurière, la jeune Frida de Thalberg, ancienne amie et élève de la socialiste internationaliste Audotia Latanief, est un roi très moderne. […] « Votre cousin Renaud est un fou », avait dit à Hermann le roi Christian.

547. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre III, naissance du théâtre »

Tiré de flancs embrasés, accouché par la foudre qui dévorait sa mère, frappé de démence par une déesse hostile, attaqué par des rois qui reniaient sa divinité, aux prises avec des géants et des monstres, déchiré par les Titans, d’après d’autres mythes, il avait affronté tous les périls, surmonté toutes les épreuves d’un héros souffrant. […] C’est le Chant que la muse a sacré et qu’elle a fait roi. […] Bacchus, roi de la terre, régnait aussi aux Enfers, et sa divinité funèbre projetait des ombres de mort sur ces triomphes de la vie. […] Tour à tour dieu et roi, guerrier et messager, l’histrion, changeant de rôle et de visage, fit face à tous les incidents d’un mythe, s’adapta à toutes les péripéties d’une action.

548. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

En voici un bien extraordinaire : Les arbres voulurent un jour se choisir un Roi. […] Voyez ensuite ce scélérat de renard, ce maudit flatteur, qui ôte à son roi le remords des plus grands crimes. […] Puis vient ce trait de satire contre l’homme et contre ses prétentions à l’empire sur les animaux, reproche qui est assez grave à leurs yeux pour justifier leur roi d’avoir mangé le berger même. […] Craignait-il plus les moines que les rois ?

549. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre III. Besoin d’institutions nouvelles » pp. 67-85

La Charte donnée par le roi n’est, à proprement parler, qu’une formule pour dégager l’inconnue, c’est-à-dire une méthode pour résoudre le grand problème de nos institutions nouvelles ; ce qui le prouve, ce sont les articles transitoires, les stipulations de circonstance dont cet acte est surchargé ; ce qui le prouve encore, c’est qu’on n’invoque point la Charte, mais l’esprit de la Charte. […] Les actes qui exigent le concours du roi et des deux Chambres ne peuvent être que les conséquences de la loi. […] Et les rois, victimes augustes, seraient-ils alors comme un signe personnifié d’une telle situation, car c’est sur eux, en effet, qu’elle pèse avec le plus d’angoisse, puisqu’ils sont établis gardiens des lois, dépositaires des traditions ? faudrait-il enfin qu’un roi, lorsqu’il vient à ne plus représenter qu’une société expirante, dût mourir avec elle, et, comme elle mourir d’une mort violente et injuste ?

550. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte du Verger de Saint-Thomas »

atteindront-ils un résultat plus heureux et plus durable que les tout-puissants rois de France, avec l’action une et continue d’un pouvoir, sur cette question éternellement désobéie, pendant une succession de siècles ? Justement effrayés du développement que prenait cette coutume du duel, d’origine religieuse, — puisque les jugements de Dieu, qui furent les premiers duels, partaient de l’idée (mal entendue, il est vrai), mais de l’idée de sa justice, — les rois, en France, ne cessèrent, depuis Louis IX jusqu’à Louis XIV, de s’opposer à ce développement et de le combattre. […] Seul de tous les souverains, Louis XIV, dont Richelieu et Mazarin avaient préparé la besogne de roi absolu, fut noblement désintéressé dans son action contre le duel, et seul il se montra, dans toute la prudente et sévère beauté de cette fonction auguste, un véritable législateur ! […] on tombe rudement de haut, quand on tombe de ces maréchaux et de la fonction dont ils étaient investis par le Roi à l’intervention, sans caractère public et obscurément paternelle, de témoins choisis par les combattants qui se fient à eux ; mais, il faut bien le dire, c’est encore le meilleur moyen de moraliser le duel et d’en prévenir les conséquences désastreuses… Pour mon compte, à moi, j’aime à voir refaire la seule législation qui soit possible sur le duel au xixe  siècle, libéral et républicain, avec les miettes de la législation brisée de ce despote de Louis XIV, comme on fait une petite maison avec les débris d’un palais… Mirabeau disait un jour, à propos d’un duel qu’il avait refusé : « J’ai refusé mieux ! 

551. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVI. Buffon »

Né en 1707, sous Louis XIV, le Roi réglé et éclatant comme le soleil, qu’il avait pris pour son symbole, Buffon devait garder sur tout lui-même un impérissable reflet de ce grand règne, qui expira sur son berceau, et montrer ce reste de grandeur par la règle, comme pour faire leçon en sa personne à la société déréglée au sein de laquelle il ne vécut pas. […] Quand il n’était plus au Jardin du Roi, il était à Montbar, dans ce pavillon aérien, qu’il avait fait bâtir au-dessus de toutes les terrasses, et dans la lanterne vitrée duquel il passa « cinquante ans à son bureau ». […] Il s’occupait de mathématiques, traduisait les Fluxions de Newton, mais déjà il se mettait en mesure avec l’avenir par des mémoires sur les végétaux qui le firent passer, à l’Académie, de la classe de mécanique dans celle de botanique, et décidèrent plus tard de sa nomination à l’intendance du Jardin du Roi, qu’il visait depuis longtemps avec la tranquillité de regard de la prévoyance. […] Comme les hommes qui savent choisir ceux qui les remplacent, il fut invisible et présent au Jardin du Roi.

552. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre III. Ce que c’est que le Romanticisme » pp. 44-54

Legouvé, dans sa tragédie de Henri IV, ne pouvant pas reproduire le plus beau mot de ce roi patriote : « Je voudrais que le plus pauvre paysan de mon royaume pût du moins avoir la poule au pot le dimanche. » Ce mot, vraiment français, eût fourni une scène touchante au plus mince élève de Shakspeare. […] Dans son Orange de Malte, un E…, dit-on, préparait sa nièce à accepter la place de maîtresse du roi 10. […] Macbeth, honnête homme au premier acte, séduit par sa femme, assassine son bienfaiteur et son roi, et devient un monstre sanguinaire.

553. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre IV. Personnages des fables. »

. — Le roi des animaux dans la littérature indigène : lion, éléphant et hyène ; le riz. […] A la tête des animaux se trouve un roi qui est soit l’éléphant, soit le lion, soit même l’hyène102 et, qui pis est, l’araignée (chez les Agni). […] Les animaux ont leur roi comme ceux de notre littérature « fablesque », mais ce n’est pas toujours, le lion.

554. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

Tel est surtout l’ouvrage d’un de ces Scandinaves, qui, au neuvième siècle, fut en même temps roi, guerrier, poète et pirate, et qui, pris en Angleterre les armes à la main, condamné à mourir dans une prison pleine de serpents, chanta lui-même son éloge funèbre. […] J’ai cinquante et une fois élevé l’étendard des batailles ; j’ai appris dans ma jeunesse à teindre une épée de sang ; mon espérance était alors qu’aucun roi, parmi les hommes, ne serait plus vaillant que moi. […] Ces insulaires avaient la plus grande réputation ; ils étaient accueillis chez les rois et conservaient le souvenir de tout ce qui se faisait de grand dans le nord.

555. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Les Rois en exil. — 1879. […] — À roi d’opérette, reine de tragédie ! […] À la suite des désastres, le roi abdique en faveur de son fils. […] Tout le monde, jusqu’au roi, remarqua ces fréquents voyages. Le roi voulut savoir quel était ce nouveau Gargantua, et le fit suivre.

556. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Un roi moderne qui voudrait bien jouer son personnage devrait toujours avoir leurs discours sur sa table. […] À côté du roi est un second roi, de grande race, hautain et digne, assis dans son droit aussi fièrement que l’autre, et maître du spirituel comme l’autre du temporel. […] Par le changement des idées le caractère du prêtre a changé comme celui du roi. […] Pour la cabale, qui est-ce qui n’en peut point être accusé, si on en accuse un homme aussi dévoué au roi que je le suis, un homme qui passe sa vie à penser au roi, à s’informer des grandes actions du roi, et à inspirer aux autres les sentiments d’amour et d’admiration qu’il a pour le roi ? […] Au bout du temps fixé, il naquit et fut élevé, puis marié par le roi dont elle était l’épouse.

557. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XV » pp. 61-63

Si Villemain n’a pas proposé cette année sa loi organique sur l’instruction secondaire, c’est que le roi ne s’en est pas soucié : « Laissons faire, disait-il au ministre, laissons-leur la liberté à tous, moyennant un bon petit article de police qui suffira. » — Le roi est peut-être meilleur politique en disant cela, mais Villemin est meilleur universitaire. — Ces querelles religieuses détournent de la politique active immédiate.

558. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Mystères. » pp. 35-37

Ces sortes de spectacles parurent si beaux dans ces siècles ignorants, que l’on en fit les principaux ornements des réceptions des princes, quand ils entraient dans les villes ; et comme on chantait noël, noël, au lieu des cris de vive le roi, on représentait dans les rues la Samaritaine, le Mauvais Riche, la Conception de la sainte Vierge, la Passion de Jésus-Christ, et plusieurs autres mystères, pour les entrées des rois.

559. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Toutes ces Maintenons, occupées à distraire des rois malheureux et irrités, finissent toujours par laisser éclater leur ennui. […] Ennemi des rois, il n’hésite pas à se faire courtisan de son royal époux. […] Ennemi des tyrans, il se fixe auprès d’elle sous l’empire de la double tyrannie des rois et des pontifes. […] Il se lie avec tous les ennemis de ce roi et de cette reine leurs bienfaiteurs. […] L’ennemi des rois qui a chanté le 14 juillet invective le 10 août !

560. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Qu’on en juge par un seul fait : le comte de Surrey, un parent du roi, fut traduit devant un de ces tribunaux pour avoir manqué au maigre. […] Ce n’est pas assez d’entendre ce roi, il faut encore lui répondre, et la religion n’est complète que lorsque la prière du peuple vient s’ajouter à la révélation de Dieu. […] Le roi écouta avec beaucoup de clémence mon humble requête, tellement que j’eus pour elle un pardon tout préparé, quand je m’en retournai au logis. […] À la fin, nous lui montrâmes le pardon du roi et la laissâmes aller. […] » Certainement il songeait à devenir saint autant qu’à devenir roi, et aspirait au salut comme au trône.

561. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

demanda le roi. […] Vive le roi !” […] Le roi était roi dans sa chair. […] Louis XI avait parlé en roi. […] Marcel Schwob. — « Le Roi au masque d’or » (1 vol.)

562. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

L’Italie tout entière indépendante est une belle aspiration de l’Europe ; l’Italie annexée par force à des Sardes, à des Niçards, à des Piémontais, à des Allobroges, ne serait qu’un changement de servitude ; un roi proclamé sous le canon d’un conquérant n’est pas un roi, mais un maître ; les véritables souverainetés nationales sortent du sol et non du canon ; un cri de victoire n’est pas une élection de la liberté, c’est l’élection de la force. […] Seulement les modernes instituent des rois héréditaires au lieu de consuls temporaires, pour éviter le danger des transitions dans le pouvoir monarchique. […] Alors il n’avait pu se passer de roi ; maintenant, après l’expulsion de Tarquin, le nom même de roi lui était odieux. » Il combat ensuite, avec une vigueur qu’il puise dans la conscience autant que dans la raison, la doctrine de Machiavel, vieille comme le monde, qu’on doit gouverner les hommes par l’habileté et l’injustice, pourvu que l’habileté et l’injustice produisent la force. Cette argumentation de Cicéron, du juste contre l’utile, mériterait d’être gravée en lettres d’or sur les tables de marbre de tous les conseils des rois ou des peuples. […] « Dès qu’il me vit, le vieux roi vint m’embrasser en pleurant, puis il leva les yeux au ciel et s’écria : Je te rends grâce, soleil, roi de la nature, et vous tous, dieux immortels, de ce qu’il me soit donné, avant de quitter cette vie, de voir dans mon royaume et à mon foyer P. 

563. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Rois, pontifes, sacrements, la croisade, la confession, les funérailles, tout n’est que jeu pour cet hypocrite et ce pervers. […] Le sujet est la révolte de Renart contre Noble, le roi des animaux, honnête homme qui a des faiblesses et qui a le tort de pactiser en fin de compte avec Renart. […] Un autre vaisseau, le vaisseau du bien, construit par le roi Noble, et offrant le symbole de toutes les vertus et qualités, tient la mer et lutte contre celui de Renart ; mais le traître regagne toujours ses avantages par la ruse ; il amène le roi à une fausse paix et signale par là son triomphe : le roi consent, pour s’en retourner chez lui, à monter sur le navire de Renart, et il s’y trouve mieux que dans le sien propre. […] Lui, qui vient de s’avancer avec une sorte de jactance, il hésite et recule ; il demande à Beaumanoir de remettre la partie, d’en faire savoir la nouvelle à leurs rois, au gentil Édouard d’Angleterre et au roi de Saint-Denis

564. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Colbert fit acquisition pour la Bibliothèque du roi en 1667 ; et une seconde fois de quoi former 237 volumes in-folio, qu’il se plut à augmenter jusqu’à son dernier jour. […] Cet homme paisible, aux goûts tout littéraires, né pour le cabinet et pour la bibliothèque, ou pour une promenade modérée dans l’entretien de quelques amis, était sorti d’un des plus vaillants hommes de son temps, du brave Claude de Marolles, capitaine des Cent-Suisses de la garde du roi, célèbre par le combat singulier à la lance et la joute mortelle qu’il engagea devant les tranchées de Paris, le jour même de la mort de Henri III et le premier jour du règne de Henri IV, contre Marivaut, un des plus braves gentilshommes de l’armée du roi. […] On le destina à être d’église, et dès l’âge de neuf ans on obtint pour lui du roi un brevet d’abbaye, — d’une petite abbaye de l’ordre de Cîteaux, Baugerais près Loches. […] Son père la lui avait obtenue du roi et du cardinal de Richelieu, en gagnant de vitesse les autres compétiteurs. […] Quelques années après, lors du second mariage de la reine avec le nouveau roi frère de son premier mari, elle se ressouvint de son cher abbé de Marolles pour lui mander qu’elle se voulait faire peindre dans quelque tableau allégorique ou historique avec ses deux illustres époux.

565. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

Voilà donc les nouveaux époux et conjoints vivant en Italie, à Rome, sous le nom de comte et de comtesse d’Albany ou Albanie (c’était le nom d’un duché d’Écosse, apanage ordinaire des fils cadets de rois). Le pape régnant, Clément XIV, se refusa à le reconnaître sous le caractère officiel de roi et reine d’Angleterre. […] La maison du prince Edouard était une jolie miniature de Cour ; on était là avec le roi et la reine d’Angleterre, entourés de trois ou quatre chambellans ou dames d’honneur ; tout cela embelli par les charmes et la gaieté de la reine. […] Le roi me témoignait de l’amitié. […] « Sublime miroir de pensées sincères, montre-moi en corps et en âme tel que je suis : — cheveux maintenant rares au front, et tout roux ; — longue taille, et la tête penchée vers la terre ; — un buste fin sur deux jambes minces ; — peau blanche, yeux d’azur, l’air noble ; — nez juste, belles lèvres et dents parfaites ; — plus pâle de visage qu’un roi sur le trône ; — tantôt dur, amer, tantôt pitoyable et doux ; — courroucé toujours, et méchant jamais ; — l’esprit et le cœur en lutte perpétuelle ; — le plus souvent triste, et par moments très gai ; — tantôt m’estimant Achille, et tantôt Thersite. — Homme, es-tu grand ou vil ?

566. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

Le roi voulut être le juge de ce différend. […] Après le plaidoyer de Baron, Arlequin dit au roi : « Sire, comment parlerai-je ? — Parle comme tu voudras, répondit le roi. — Il n’en faut pas davantage, dit Arlequin, j’ai gagné ma cause. » Cette décision, quoique obtenue par subtilité, eut son effet, et depuis, les comédiens italiens jouèrent presque exclusivement des pièces françaises. […] Arlequin, soi-disant empereur de la Lune, prince des Brouillards, roi des Crépuscules, etc., est interrogé par le Docteur Balouard, Isabelle, Colombine, sur ce qui a lieu dans son lointain empire. […] Le mardi 4 mai 1697, M. d’Argenson, lieutenant-général de police, en vertu d’une lettre de cachet du roi à lui adressée, et accompagné d’un nombre de commissaires et d’exempts et de toute la robe courte, se transporta à onze heures du matin au théâtre de l’Hôtel de Bourgogne et y fit apposer les scellés sur toutes les portes, non seulement des rues Mauconseil et Française, mais encore sur celles des loges des acteurs, avec défenses à ces derniers de se présenter pour continuer leurs spectacles.

567. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

Il y a des traits sentis et bien frappés dans ces pages, où est étalée la hideuse vieillesse de ce roi. […] « C’était un honnête homme, qui n’avait d’autre défaut que celui d’être roi », écrivait le grand Frédéric à Voltaire au moment de la mort de Louis XV. En parlant ainsi, Frédéric était clément et généreux ; il faisait de plus la leçon à Voltaire qui se montrait sans pitié pour ce roi mort qu’il avait autrefois flatté. […] Ce royaume que j’avais sauvé, cette monarchie que j’avais fondée, et que le grand roi avait portée au plus haut degré des respects et des obéissances que pouvait espérer une couronne mortelle, qu’en avez-vous fait, Monsieur le Régent ? […] L’enfant royal, venu au monde sur un tombeau, ce précieux rejeton de tant de rois, que la France avait confié à votre tutelle, vous l’avez entouré de tous les soins qui font vivre un enfant, mais aussi de tous les exemples qui perdent un jeune homme.

568. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

Quand le tyran, le duc de Cornouailles, interroge la fille pieuse de Léar, la Cordelia de Shakespeare devenue ici la sensible Helmonde, et lui demande comment le vieux roi est arrivé jusqu’à elle dans la caverne : « Qui l’a guidé vers vous ?  […] Il y a un certain Pharasmin, Persan et prisonnier, qui renonce à la Cour des rois pour devenir pasteur et pour épouser une des filles d’Abufar. […] Ducis était de cette race de philosophes, d’amis de la retraite et de la Muse, qui n’entendent rien à la politique ni à la pratique des affaires, et qui ont droit de résumer toute leur charte en ces mots : « Quand un homme libre pourrait démêler dans les querelles des rois (rois ou chefs politiques de tout genre) le parti le plus juste, croyez-vous que ce serait à le suivre que consiste la plus grande gloire ?  […] Il put même, sur le passage du roi, se parer, avec une joie un peu enfantine, de cette croix de la Légion d’honneur qu’il avait refusée dix ans plus tôt.

569. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

De ce genre sont deux tableaux du Corrége peints en détrempe et qu’on peut voir dans le cabinet du roi. […] Malgré ces secours le feu roi prit Mastrich, et portant ensuite la guerre dans les païs-bas espagnols, il y enlevoit chaque campagne un nombre des plus fortes places, par des conquêtes que la paix seule put arrêter. […] Le roi paroît sur un char guidé par la victoire et traîné rapidement par des coursiers. […] Une femme qui répresente l’Espagne et qui s’annonce suffisamment par son lyon et par ses autres attributs, veut arrêter le char du roi en saisissant les guides. […] Tout le monde est informé des principales actions de la vie du feu roi qui fait le sujet de tous les tableaux, et l’intelligence des curieux est encore aidée par des inscriptions placées sous les sujets principaux.

570. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

On avait trouvé trop lourde la houlette des rois, ces pasteurs d’hommes, comme les appelle Homère ; le troupeau, affranchi de son pasteur, passait sous le couteau du boucher. […] Le roi, sur des instances réitérées, a donné sa sanction à ces décrets. […] Quand un grand orateur chrétien parla devant Louis XIV de ces deux hommes que nous portons en nous, le roi dit aussitôt : « Ah ! […] M. de Bonald, fidèle aux principes qui réglaient sa vie, ne put que remercier le père de sa confiance, estimer l’homme, plaindre et refuser le roi. […] Si les rois ont le droit de juger les rois, à plus forte raison ce droit appartient aux peuples. » M. de Maistre est donc un génie profondément royaliste en politique, comme profondément catholique en religion.

571. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Le roi se fait le mercenaire de Louis XIV, et vend son pays pour une pension de 200000 livres. […] N’ayant plus rien à disputer au roi, ils vont chez lui. […] Il a quitté les affaires au moment des violents débats, sans vouloir s’engager pour le roi, ni contre le roi, décidé, comme il le dit lui-même, à ne « point se mettre en travers du courant », quand le courant est irrésistible. […] Le roi jouait au trictrac : arrive un coup douteux : « Ah ! […] Le roi soutint qu’il n’y en avait point de si belle que celle de Mlle Stewart.

572. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Trois ans après son second mariage, le roi prit une nouvelle épouse et choisit Agnès de Méranie. […] Cette première entrevue du légat et du roi devait produire un effet imposant. […] Le légat, irrité de la résistance du roi, a fidèlement exécuté les ordres d’Innocent III. […] Son espérance est exaucée ; elle ne peut quitter le royaume, elle est ramenée entre les bras du roi. […] Ponsard a placées dans la bouche du roi.

573. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 544-547

Que les Sages l’annoncent, & que les Rois le craignent ; Rois, si vous m’opprimez, si vos grandeurs dédaignent Les pleurs de l’innocent que vous faites couler, Mon vengeur est au Ciel, apprenez à trembler.

574. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 419-421

Avant lui, presque toutes les Histoires de France étoient moins l'Histoire de la Nation, que le recueil des fastes particuliers de nos Rois. […] On sait qu'il n'a laissé que huit volumes, & que son travail ne s'étend guere au delà des deux premieres Races de nos Rois.

575. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Tout le monde sait quelle a été la triste marche et l’humiliante entrée de Louis XVI ramené de Versailles à Paris dans la journée du 5 octobre : Son cortège, étonnant par sa composition, affreux par sa contenance féroce et ses cris, mit trois heures à passer dans la rue Royale où j’étais (dit un spectateur qui n’est autre que M. de Meilhan) ; des troupes à pied ou à cheval, des canons conduits par des femmes, des charrettes où, sur des sacs de farine, étaient couchées d’autres femmes ivres de vin et de fureur, criant, chantant et agitant des branches de verdure ; ensuite le roi et sa famille escortés de La Fayette et du comte d’Estaing, l’épée à la main à la portière, et environnés d’une foule d’hommes à cheval, voilà ce qui se présenta successivement à mes yeux pendant l’espace de trois heures. […] Laissons M. de Meilhan nous le dire par la bouche d’un de ses personnages : Je me rendis dans une maison voisine où se rassemblait ordinairement l’élite de la société ; mon cœur était navré, mon esprit obscurci des plus sombres nuages, et je croyais trouver tout le monde affecté des mêmes sentiments ; mais écoutez les dialogues interrompus des personnes que j’y trouvai, ou qui arrivèrent successivement : « Avez-vous vu passer le roi ? […] — Pour moi, j’ai été obligé de rester aux Tuileries, il n’y a pas eu moyen d’en sortir avant neuf heures. — Vous avez donc vu passer le roi ? […] On entendit du canon. « Le roi sort de l’hôtel de ville ; ils doivent être bien las. » On soupe ; propos interrompus. […] il n’en est pas un qui ne se fût fait tuer aux pieds du roi.

576. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Celui-ci, très apprécié des romantiques, ouvrait la marche dans la série des Grotesques de Théophile Gautier, qui en traçait un portrait de verve où l’homme est deviné sous le poète et où Villon apparaît dans son relief comme le roi de la vie de Bohème. […] Au train qu’il menait jour et nuit, on devinerait, si on ne le savait de reste, qu’il eut souvent affaire aux gens du roi : il connut le Châtelet, peut-être la Bastille. — Un tel écolier, croisé de bandit, avait-il eu le temps d’acquérir un grade académique ? […] En vertu du don de joyeux avènement, leur peine était remise à tous les prisonniers d’une ville où le roi entrait après son sacre, et par le seul fait de la présence de Louis XI à Meung dans ces circonstances, Villon obtenait sa grâce et se trouvait libre6. […] Après une série de questions où il énumère les papes, rois et puissants du jour récemment disparus, il répond, à la fin de chaque couplet, par cette autre question : Mais où est le preux Charlemaigne ? — Puisque Charlemagne, ce dernier grand type héroïque en vue à l’horizon, et qui domine tout le Moyen Âge, avait lui-même payé le tribut mortel, les moindres que lui, les rois et princes du siècle présent, avaient bien pu mourir.

577. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Sous la Restauration, vers 1818, dans le cabinet du roi, il se prenait à parler haut ; il disait à M.  […] Bien aveuglés et infatués étaient les adversaires ; car, dans leur confiance en eux-mêmes, ils s’estimaient si nécessaires à la royauté qu’à cette seule pensée que le roi pût les dissoudre, il n’en était pas un seul qui n’eût dit : Il n’oserait ! […] Pasquier, lorsqu’il commença sa carrière de député dans la Chambre de 1815, n’était connu encore que par son habileté administrative et par ses qualités d’homme du monde et de société ; il sortait tout récemment du ministère où la confiance du roi l’avait appelé dès la seconde rentrée, et il tint même, pendant toute la durée, fort courte d’ailleurs, de ce premier Cabinet présidé par M. de Talleyrand, le double portefeuille de la justice et de l’intérieur, ce dernier à titre provisoire seulement. […] Pasquier s’y était refusé par des raisons de convenance politique, et où il s’autorisait même de son avenir d’homme public pouvant être utile au roi ; ce refus avait un peu étonné et piqué Louis XVIII, qui avait dit : « Concevez-vous M.  […] Dans son ignorance de Jupiter Férétrien, il débaptisait le dieu et il baptisait un roi de son invention, preuve que ce soi-disant défenseur des bonnes études n’avait, pas même lu son Rollin.

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