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2690. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

— En une certaine mesure au contraire, parce que c’était la façon dont, généralement, les auteurs classiques nous étaient montrés, qui nous les faisait prendre en horreur ; parce que Virgile et Horace ne pouvaient rester dans nos souvenirs qu’accompagnés de l’idée d’ennui ; et parce que, laissés de côté par les professeurs d’à présent, ils se présenteront aux écoliers dans toute leur beauté propre, avec leur charme inaltéré et, si j’ose ainsi parler, sans encrassement.

2691. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

Et quand on songe qu’une seule suffit pour interdire qu’on soit liseur, on comprend que La Bruyère, ou tout autre auteur, soit effrayé des obstacles qu’il a à vaincre et du petit nombre de personnes qui restent, non pas pour lire son livre, mais pour n’être pas dans l’impossibilité de l’ouvrir.

2692. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

Aux principes de cet art nouveau l’école mystique anglaise resta toujours étrangère.

2693. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Sans doute il en est qui, à ce don initial, unissent d’autres facultés ; mais un vrai poète qui ne le possédât à aucun degré, on ne le saurait concevoir, car il ne resterait plus qu’un artisan de rimes, c’est-à-dire la chose la plus froide, la plus artificielle, la plus vaine qui soit. […] — « Chaste entre les chastes — c’est le principal portrait de la mère d’Augustin — restée vierge de cœur, Thérèse-Angélique conservait du mariage et de la maternité un dégoût invincible pour l’œuvre de chair. […] Comme elles s’allient profondément avec l’aube et le silence, ces paroles trempées dans le parfum des nuits mityléniennes : « Les Étoiles autour de la belle lune voilent aussitôt leur clair visage lorsque, dans son plein, elle illumine la terre de sa lueur d’argent… » En face de l’insondable nuit qui enveloppe cette mystérieuse beauté, nous ne pouvons que l’entrevoir, la deviner, à travers les strophes et les vers qui nous restent d’elle. […] J’admire à quel point nous restons, suivant la féconde pensée du philosophe de Franckfort, les instruments aveugles d’une force qui poursuit son but en nous pliant à ses lois, car, de quelque nom qu’on l’appelle : Dieu, Nature, Fatalité, on ne fait que marquer par là une prédilection métaphysique, et elle n’en demeure pas moins l’unique régulatrice de nos destinées.

2694. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — II. (Suite.) » pp. 155-174

Il était suivi du valet de chambre monté sur une haquenée anglaise, lequel portait sur lui la casaque de son maître, casaque de velours orangé à clinquant d’argent, et, en la main droite, des tronçons d’épées, de pistolets et armes diverses, et des lambeaux de panaches, de son maître également, le tout lié en faisceau et formant trophée : Après cela, disent les secrétaires s’adressant à Rosny, vous veniez dans votre brancard (brancard fait à la hâte de branches d’arbres, surmonté de cercles de tonneaux), couvert d’un linceul seulement ; mais par-dessus, pour parade des plus magnifiques, vos gens avaient fait étendre les quatre casaques de vos prisonniers, qui étaient de velours ras noir, toutes parsemées de croix de Lorraine sans nombre en broderie d’argent ; sur le haut d’icelles les quatre casques de vos prisonniers avec leurs grands panaches blancs et noirs, tout brisés et dépenaillés de coups ; et contre les côtés des cercles étaient pendus leurs épées et pistolets, aucuns brisés et fracassés ; après lequel brancard marchaient vos trois prisonniers, montés sur des bidets, dont l’un, à savoir le sieur d’Aufreville, était fort blessé, lesquels discouraient entre eux de leurs fortunes… Après les prisonniers venaient le surplus des domestiques, puis la compagnie des gens d’armes et les deux compagnies d’arquebusiers, ou du moins ce qui en restait, non sans plus d’un brancard encore pour les blessés, et sans bien des têtes bandées ou des bras en écharpe : toute une ambulance victorieuse.

2695. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Lui qui croyait aux pronostics, il dut se rappeler un horoscope qui avait été tiré à la naissance de Louis XIII devant Henri IV, et qui portait : « Désolations menacent vos anciennes assistances ; vos ménagements seront déménagés. » Le pronostic se réalisait, et toute l’œuvre de Henri IV s’écroulait ou du moins allait rester près de quinze ans interrompue et pendante.

2696. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

L’Histoire du père Daniel, qui parut cinquante ans après, est bien autrement approfondie et savante : celle de Mézeray, pour les derniers règnes, mérite de rester comme une représentation et une reproduction naturelle de la France et de la langue du xvie  siècle, avant que le régime de Louis XIV et les règles de l’Académie y aient mis fin et que tout ait passé sous le niveau.

2697. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

Ses écrits ont du sens, de la fermeté, de la finesse, mais il gardait toute sa chaleur et son intérêt pour la conversation ; il y était lui tout entier, il y avait son style, et bien des mots nous en sont restés.

2698. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

S’il se peut faire encore des chefs-d’œuvre, ce n’est qu’en osant derechef tenter la carrière, au risque de s’exposer à rester en chemin par bien des œuvres incomplètes.

2699. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Ils se flattent peut-être d’avoir remporté une complète victoire, mais je crois bien que le monsieur les aurait tués tous les deux s’il était resté encore une heure.

2700. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

Il dut rire comme tout le monde dans le premier moment, mais il resta mécontent en définitive.

2701. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

L’attitude de Mme de Choiseul était d’accord avec la vérité : elle resta bien sincèrement, bien tendrement éprise de l’homme dont elle était glorieuse, dont elle disait que ce n’était pas seulement le meilleur des hommes, que « c’était le plus grand que le siècle eût produit », et de qui elle écrivait un jour avec une ingénuité charmante : « Il me semble qu’il commence à n’être plus honteux de moi, et c’est déjà un grand point de ne plus blesser l’amour-propre des gens dont on veut être aimé. » Elle eut fort à s’applaudir de l’exil de Chanteloup et fut seule peut-être à en savourer pleinement les brillantes douceurs ; elle y voyait surtout le moyen de garder plus près d’elle l’objet de son culte, et, sinon de le reconquérir tout entier, du moins de le posséder, de le tenir sous sa main, de ne le plus perdre de vue un seul jour.

2702. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

Je le sais bien, et c’est précisément ce qui me touche en Casaubon : il est resté le plus naturel des hommes sous son latin bariolé de grec et d’hébreu.

2703. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Vauban lui en sut un gré proportionné au bon office ; et Colbert, revenu de ses préventions, eut beau faire ensuite des avances à l’homme de génie qui restait malgré tout l’honnête homme offensé, il ne put jamais le gagner et le reconquérir sur son grand rival.

2704. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Mais était vraisemblable que ces membres dévisagés qui en restaient, c’étaient les moins dignes, et que la furie des ennemis de cette gloire immortelle les avait portés premièrement à ruiner ce qu’il y avait de plus beau et de plus digne ; que les bâtiments de cette Rome bâtarde qu’on allait à cette heure attachant a ces masures, quoiqu’ils eussent de quoi ravir en admiration nos siècles présents, lui taisaient ressouvenir proprement des nids que les moineaux et les corneilles vont suspendant en France aux voûtes et parois des églises que les Huguenots viennent d’y démolir… ».

2705. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

» Elle lut Lamartine à seize ans, les Méditations, et ne retrouva jamais depuis, au même degré, ce charme indicible, cette extase première ; Lamartine resta toujours pour elle « le cher poëte » par excellence.

2706. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Celui-ci a donné encore dans son volume plusieurs Réflexions diverses, inédites, dont la plupart auraient mérité de rester en oubli.

2707. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Sa fondation essentielle et vivante, à laquelle son nom restera attaché et qui fit révolution dans le journalisme par le bon marché et toutes les conséquences qui en découlent, est celle du journal La Presse, en juillet 1836.

2708. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

« Le roi (nous dit le Journal de Luynes) lui a répondu avec la même sécheresse : « Ce n’est pas la peine, je n’y serai presque pas. » Elle lui a demandé ensuite si au moins elle ne pourrait pas rester ici ; il lui a répondu sur le même ton : « Il faut partir trois ou quatre jours après moi. » — La reine est, comme l’on peut juger, fort affligée d’un traitement aussi dur. » Tous ces beaux sentiments, enfants de la maladie et de la peur, étaient dissipés et avec la santé étaient revenus les désirs, les habitudes, toutes les ivresses de la vie.

2709. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Mieux vaut rester prisonnier un an de plus que de tout compromettre par une imprudence.

2710. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

Par-là elles resteront éternellement populaires : elles demeureront, de la Vierge catholique, la représentation la plus claire, la plus générale, la plus accessible, la plus bourgeoisement hiératique, la mieux appropriée au goût d’art de la piété.

2711. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Le roi ne parut point blessé de ce discours ; au contraire, il dit à M. le comte de Clermont de rester, et l’ordre accoutumé fut rétabli. » Le comte de Clermont était en veine de courage ces années-là.

2712. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

Sans doute, en considérant avec détail les maîtres, on aurait pu trouver plus d’une fois que l’imitateur n’avait pas tout rendu, qu’il était resté au-dessous ou pour la concision ou pour une certaine simplicité qui ne se refait pas ; c’est l’inconvénient de tous ceux qui imitent, et Horace, mis en regard des Grecs, aurait à répondre sur ces points non moins que Chénier ; mais tout à côté on aurait retrouvé chez celui-ci les avantages, là où il ne traduit plus à proprement parler, et où seulement il s’inspire ; on aurait rendu surtout justice en pleine connaissance de cause à cet esprit vivant qui respirait en lui, à ce souffle qu’on a pu dire maternel, à cette fleur de gâteau sacré et de miel dont son style est comme pétri, et dont on suivrait presque à la trace, dont on nommerait par leur nom les diverses saveurs originelles ; car, à de certains endroits aussi, ne l’oublions pas, l’aimable butin nous a été livré avant la fusion complète et l’entier achèvement.

2713. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Elle se levait pourtant, et restait sur sa chaise toute l’après-midi et les soirs comme auparavant.

2714. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre premier. Les sensations totales de l’ouïe et leurs éléments » pp. 165-188

Mais si, parmi les sons musicaux, on en choisit un très grave, par exemple l’octave inférieure de l’orgue, on s’aperçoit que les sensations élémentaires, quoique formant alors un tout continu, ce qui est nécessaire pour que le son soit musical, y restent cependant distinctes jusqu’à un certain degré71.

2715. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

« On a vu des exemples de légions révoltées contre leurs généraux ; mais votre fidélité et votre renommée, à vous, sont restées jusqu’à ce jour sans souillure.

2716. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Il suivit en Italie le comte Robert II d’Artois, et resta au service du roi Charles d’Anjou.

2717. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

Mais, ainsi, les propriétés intellectuelles des idées restent intactes, et les formes que déploie le poète sont éminemment réceptives : le lecteur, selon sa puissance d’esprit, remplit ces symboles, aptes à contenir tout ce que le poète n’a pas pensé.

2718. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

C’est à cause de cela qu’ils nous entrent si avant dans l’imagination et qu’ils nous restent dans la mémoire.

2719. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

Aux ruines qui restent de son ancienne splendeur, on sent un peuple agricole, nullement doué pour l’art, peu soucieux de luxe, indifférent aux beautés de la forme, exclusivement idéaliste.

2720. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Une séparation prononcée sur de faux griefs a prévenu le scandale ; mais le marquis est resté seul, sans foyer, sans famille ; l’aigreur de l’époux trahi s’est tournée en fiel.

2721. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Vous en faites un Balzac ridicule ; Érasme n’était qu’un Voltaire modéré, un Fontenelle au goût littéraire plus sain, le précurseur de Rabelais sans ivresse, un sage qui, venu trop tôt et placé entre des partis extrêmes dont il ne pouvait épouser aucun, demandait la permission de rester neutre.

2722. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Son dessein resta vacant, et Ferdousi s’en empara avec ardeur.

2723. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Ici, elle pense évidemment à elle-même ; elle se flatte d’avoir reçu du ciel une de ces âmes tendres et immuables (voilà le coin d’illusion), qui savent se contenter d’une seule passion, même quand elle n’est plus partagée, et qui restent à jamais fidèles à un souvenir : J’ai été heureuse pendant dix ans, avoue-t-elle, par l’amour de celui qui avait subjugué mon âme, et ces dix ans, je les ai passés tête à tête avec lui, sans aucun moment de dégoût et de langueur.

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