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825. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Comment les volte-face inévitables du goût public ? […] Il disait les causes profondes de l’avilissement public. […] Nécessaire à l’âme du public qui s’en nourrit. […] L’oreille du public n’y était pas façonnée.‌ […] L’auteur dramatique se figure donc ce public de neuf heures du soir.

826. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Mais rassurons le public aussi. […] Est-il bien vrai, d’ailleurs, que le public y soit indifférent ? […] On a tort de leur reprocher au nom du bon goût ce qu’on pourrait leur reprocher au nom de la morale publique. […] Et ils en veulent enfin à la critique, au lieu d’applaudir à leurs tentatives, d’en détourner, d’en décourager, d’en dégoûter le public. […] Hennique savent-ils, eux, l’impression que le public remporte d’Amour ou de Ménages d’artistes ?

827. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Il se montre ici flottant entre l’obscurité de la retraite et l’éclat des fonctions publiques. […] C’est lorsque Apicius donne aux citoyens des leçons publiques de gourmandise, que les philosophes sont chassés de Rome… Apicius se trouve indigent avec dix millions de sesterces, et se tue. […] Ce n’était point un novice dans l’école de Zenon ; il avait donné des exemples domestiques et des leçons publiques de stoïcisme. […] D’ailleurs, qui est-ce qui se refuse à la louange d’une vertu dont les preuves sont de notoriété publique ? […] « Vous n’êtes point un simple particulier, vous êtes un homme public ; vous ne vous appartenez point à vous seul.

828. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

J’ai beaucoup connu d’hommes publics, je n’en place aucun pour la pureté et la grandeur d’âme au-dessus de M. de La Ferronnays ; quand l’aristocratie adopte la raison publique, elle réconcilie en elle les deux parties du genre humain qui tendent toujours à se combattre, faute de se comprendre. […] Le public me traite comme on traite ici le Tasse, ce qui me fait trop d’honneur. […] J’espère que non, mais pourtant je suis tout consolé d’avance : j’aurais une raison légitime pour faire attendre au public les deux volumes que je lui dois encore. […] Dans les questions de droit parlementaire celui qui attaque est vaincu ; l’esprit public se range contre l’agresseur. […] C’est pour lui faire son public que madame Récamier, avec une diplomatie dont l’habileté trouvait son motif dans son cœur, fit de son accueil un art pour recruter et pour conserver un cercle littéraire et politique autour de son ami.

829. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIIe entretien. Littérature politique. Machiavel (2e partie) » pp. 321-414

Une pareille faute contre le droit public ne pouvait qu’engendrer le désordre au dehors ; c’était la pierre d’attente du chaos européen. […] Cette délibération seule est une intervention flagrante, destructive de tout droit public et de toute indépendance italienne ; quelque chose que vous prononciez, vous prononcerez mal. […] Ce droit d’intervention réciproque émané du congrès de Paris en 1856 est la fin du droit public européen : finis Poloniæ ! […] Elle imita Rome dans ses premières lois : elle eut son peuple, son aristocratie, ses deux consuls, ses censeurs ; ses comices, composés de tout le peuple convoqué, se tenant sur la place publique. […] La république française, qui n’est que la loyauté nationale d’un peuple fort, mais modéré dans sa force, n’a pas deux paroles, une parole publique, une parole à demi-voix.

830. (1903) La renaissance classique pp. -

Cette manie va si loin qu’elle a passé des écrivains et des artistes jusqu’au grand public. […] Ce sont eux qui vont lire Ibsen dans les ateliers de modistes, qui jouent Britannicus devant un public de coltineurs et de terrassiers et qui demandent qu’on emploie les dimanches de nos troupiers à les initier aux beautés du Corrège ou de Paul Véronèse. […] Rien n’était digne de remarque, dans le Paris moderne, que les cabotins et les filles, le public des petits théâtres, la finance véreuse, la tourbe des fêtards cosmopolites ? […] Est-il besoin d’ajouter que, dans ce bilan littéraire, nous ne tenons compte que du résultat global, négligeant les gains partiels qui sont entrés pour toujours et qui se sont comme perdus dans la richesse publique. […] Rendre la santé au pays comme à l’esprit public, voilà la tâche présente !

831. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Il y a de ces remarques qui concernent Parny, Le Brun, Ginguené, Fontanes ; elles ont cela de précieux de n’être point faites à distance et de souvenir falsifié comme les notes de 1826, ni en vue d’aucun public, mais de peindre les choses et les gens à nu, tels qu’on les voit pour soi et qu’on les note à l’instant sur son carnet. […] Sous forme indirecte et à la troisième personne, il raconte sa propre vie en Angleterre, sa fuite ces jours-là loin des jardins publics, loin des promenades fréquentées, sa recherche des sentiers solitaires ; il nous initie aux plus humbles consolations de sa vie misérable, comme ferait un enfant du peuple, un Werther et un René des faubourgs2 : Lorsque la brune commence à confondre les objets, notre infortuné, dit-il, s’aventure hors de sa retraite, et, traversant en bâte les lieux fréquentés, il gagne quelque chemin solitaire où il puisse errer en liberté. […] Quoi qu’il en soit, la sincérité de l’émotion dans laquelle Chateaubriand conçut la première idée du Génie du christianisme est démontrée par la lettre suivante écrite à Fontanes, lettre que j’ai trouvée autrefois dans les papiers de celui-ci ; dont Mme la comtesse Christine de Fontanes, fille du poète, possède l’original ; et qui, n’étant destinée qu’à la seule amitié, en dit plus que toutes les phrases écrites ensuite en présence et en vue du public. […] Veillez aux papiers publics lorsqu’il paraîtra20 : écrivez moi souvent.

832. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Quand Maucroix traduisait dans son français large, facile et pur, les homélies d’Astérius ou de saint Jean Chrysostome et un traité de Lactance qu’on venait de recouvrer, il faisait certainement quelque chose d’aussi contraire que possible à certains petits vers qu’on a de lui ; et pourtant il n’était pas hypocrite, il ne parodiait rien en idée, il payait une dette publique à l’état qu’il avait embrassé et à des croyances qu’il n’avait jamais songé à mettre en question. […] Dans son agréable paresse de Reims, Maucroix eut pourtant quelques occasions de voyages, de luttes, et des instants de carrière publique. […] Il défendit ce qu’il croyait le bien public avec ardeur et sincérité ; il ne craignit même point, par sa fermeté, de se faire des ennemis. […] Le seul épisode de la carrière publique de Maucroix, qui mérite d’être rappelé un peu plus au long, c’est le rôle qu’il remplit à Paris à la fameuse Assemblée du clergé de 1682, laquelle s’ouvrit, comme on sait, par le sermon de Bossuet Sur l’unité de l’Église, et qui aboutit à la déclaration des quatre articles de l’Église gallicane.

833. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Je vous demande donc, mon très cher père, si l’on conserve dans Saint-Victor la même mortification intérieure et extérieure, telle qu’elle était dans son origine… Je vous demande encore si les frères de Saint-Victor, c’est ainsi qu’on les appelait, allaient à la campagne chez leurs amis, chez leurs parents, passer des trois semaines entières et des mois entiers ; s’ils allaient par la ville rendre des visites ; s’il en recevaient de toutes personnes et de tout sexe ; s’ils changeaient d’habits, s’ils en prenaient de plus propres et de plus mondains quand ils sortaient pour se montrer en public ; s’ils affectaient de ces airs libres et dégagés, pour ne pas dire licencieux, qui sont si contraires à la tristesse sainte de la modestie religieuse ; s’ils parlaient indifféremment et sans scrupule dans les lieux réguliers ; s’ils s’entretenaient de contes, d’affaires, d’histoires du monde, de plaisanteries, de nouvelles, qui sont choses qui doivent être entièrement bannies des cloîtres. […] En santé et dès qu’il était tout à fait à lui-même, il avait besoin de joutes, de contradictions, de gageures, de palinodies, en un mot, de tout ce qui donne une petite comédie au public ; et comme on savait que ces sortes de querelles lui plaisaient et qu’il excellait à y jouer son rôle, on les faisait naître sous ses pas. […] Voilà ce que c’est, encore un coup, de s’humilier… » Je crois bien que ce sont ces ouvrages en vers et les diverses pièces du procès de Pomone que le curieux abbé Nicaise envoyait à la Trappe au saint abbé, qui ne les désirait pas, mais qui poliment répondait (13 juin 1691) : J’ai lu monsieur, les vers que vous m’avez envoyés ; les gens d’esprit se divertissent, et leurs contestations donnent toujours une scène agréable au public. […]  » Un petit livret très spirituel, publié en 1696, qui donne l’histoire de ces troubles, nous le représente ainsi au plus fort de la crise : Il était dans des transes mortelles, écrivant à tous les jésuites de ses amis pour leur demander quartier ; il croyait voir partout le Santolius vindicatus imprimé ; et le moindre jésuite qu’il rencontrait, il l’abordait brusquement, et, le reconduisant d’un bout de Paris jusqu’au collège, il lui faisait ses doléances avec le ton, l’air et les gestes que ceux qui ont l’avantage de le connaître peuvent s’imaginer ; et criant à pleine tête, il récitait par cœur l’apologie qu’il venait de donner au public, appuyant surtout sur ces endroits qu’il répétait plusieurs fois : « Veri sanctissima custos, docta cohors, etc., etc. » (et autres passage en l’honneur de la Compagnie)… Enfin il fallait l’écouter bon gré, mal gré ; et fut-ce le frère cuisinier des jésuites, rien ne lui servait de n’entendre pas le latin : de sorte que le chemin n’était pas libre dans Paris à tout homme qui portait l’habit de jésuite.

834. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Pendant qu’une commission instituée par décret de l’empereur, sur le rapport du ministre d’État, et composée des hommes les plus autorisés et les plus compétents, travaille sans relâche et avec le sentiment de sa haute mission à recueillir non seulement les lettres, mais les ordres, les annotations, les décisions et pensées de toutes sortes de l’empereur Napoléon Ier, tout ce qui s’offre avec sa marque visible, avec son cachet personnel immédiat, et non seulement les documents relatifs à des matières de gouvernement et aux actes du souverain, mais aussi les écrits qui peuvent éclairer le caractère intime de l’homme ; pendant qu’on met à contribution les dépôts publics et les collections particulières de quelques familles considérables ; qu’à l’heure qu’il est près de vingt mille documents sont rassemblés, et que, la question de classement une fois résolue, on espère, dans un an ou quinze mois, être en mesure de livrer les premières feuilles à l’impression ; pendant ce temps-là, la publication des Œuvres de Frédéric le Grand, commencée depuis plusieurs années par ordre du gouvernement prussien sous la direction de M.  […] Pourtant ce n’est pas à nous d’oublier les intentions bienveillantes du prince Henri, de celui duquel Mirabeau écrivait dans sa correspondance de Berlin en 1786 : « Encore une fois, ce prince est, il sera et mourra Français. » — Dans les deux voyages que fera le prince Henri en France, il en recevra assez de remerciements publics et de flatteuses louanges. […] C’est ce qui, malgré mes autres chagrins, ne laisse pas de me faire un sensible plaisir, et ce qui était fort à désirer pour l’avantage de l’État, surtout pour celui des pauvres orphelins qui me sont confiés. » Il lui parle toujours alors comme à un tuteur naturel indiqué pour la chose publique et pour les siens, dans le cas où il disparaîtrait lui-même. […] Par ceci, vous aurez seul la gloire d’avoir porté le dernier coup à l’obstination autrichienne, et d’avoir jeté les premiers fondements de la félicité publique qui sera une suite de la paix.

835. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, publié par M. Chéruel » pp. 35-52

On ne donne pas ces choses au public pour qu’il s’en amuse, on les destine aux historiens pour qu’ils s’en servent. […] L’origine était peu de chose : un grand-père, né de quelque honnête marchand, de quelque commis au greffe, avait commencé la fortune, humblement, laborieusement ; il s’était élevé degrés par degrés, en passant par tous les bas et moyens emplois, en se faisant estimer partout, en se rendant utile, nécessaire, en sachant mettre à profit les occasions ; il avait à la fin percé, il était arrivé, déjà mûr, à quelque charge honorable et y avait assez vieilli pour confirmer son bon renom : il avait eu un fils, pareil à lui, mais qui, né tout porté, avait pu appliquer dès la jeunesse les mêmes qualités à des objets en vue et en estime, à des affaires publiques et d’État. […] Il s’est fait en lui, à l’origine, une confusion naïve de son intérêt particulier comme maître des requêtes qui s’insurge pour défendre son office, et de l’intérêt public. […] Je n’y puis entrer ici, et je me bornerai à dire que nulle part on ne suit mieux les variations successives et les altérations de l’esprit public durant ces premières années de la régence.

836. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

La Bruyère, lui, vrai philosophe et d’un cœur élevé, ne pensa qu’à être témoin, spectateur et moraliste au profit du public. […] La première édition des Caractères (1688), sans nom d’auteur, semble d’abord tout à l’intention et à l’honneur de l’ancien Théophraste, dont on offrait au public la traduction : le Théophraste moderne venait, comme on dit, par-dessus le marché. […] En vain les blessés crient ; il a pour lui le public ; il a les Condé dont l’orgueil le protège, car son succès fait partie de leur amour-propre ; il a Louis XIV lui-même, pour soutien silencieux et pour approbateur.. […] Depuis que Fléchier avait inauguré ce genre de compliment et de remerciement public en 1673, vingt ans s’étaient écoulés ; le genre avait eu le temps de s’user déjà : La Bruyère se proposa pour difficulté de le renouveler, et il y réussit à tel point, il fit tant de bruit et d’éclat par la nouveauté de sa manière, qu’on a prétendu que c’est de ce jour et à cause de lui que l’Académie, toujours prudente et en garde contre l’extraordinaire, jugea à propos de soumettre préalablement le discours du récipiendaire à une commission.

837. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Dans un naufrage on un incendie, l’homme de cœur, de résolution, devient un homme public, et il acquiert, par son coup d’œil et par son sang-froid, une importance qu’on lui refusait la veille. […] demandait-il et demandait-on de toutes parts dans le public : « On l’a arrêté, répondit-on de guerre lasse et pour unique raison, parce que si l’on se fût borné à suspendre ou à supprimer son journal, il eût exécuté ce qu’il avait annoncé ; il eût protesté, ne fût-ce que sur le plus petit carré de papier. […] Il y a mieux : ce parfait état de société, cet ordre idéal et simple que M. de Girardin a en vue, je le suppose acquis et obtenu, je l’admets tout formé comme par miracle : on a un pouvoir qui réalise le vœu du théoricien ; qui ne se charge que de ce que l’individu lui laisse et de ce que lui seul peut faire : l’armée n’est plus qu’une force publique pour la bonne police ; l’impôt n’est qu’une assurance consentie, réclamée par l’assuré ; l’individu est libre de se développer en tous sens, d’oser, de tenter, de se réunir par groupes et pelotons, de s’associer sous toutes les formes, de se cotiser, d’imprimer, de se choisir des juges pour le juger (ainsi que cela se pratique pour les tribunaux de commerce), d’élire et d’entretenir des ministres du culte pour l’évangéliser ou le mormoniser… ; enfin, on est plus Américain en Europe que la libre Amérique elle-même, on peut être blanc ou noir impunément. […] Il enfile et défile ses preuves d’un bout à l’autre, depuis la première jusqu’à la dernière ; il ne fait grâce d’aucun développement ; il les épuise, et il arrive ainsi à produire sur le public un effet incontestable.

838. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

» — « Le bon sens ou les habitudes d’un peuple d’agriculteurs sont bien plus près des plus hautes et des plus saines notions de la politique que tout l’esprit des oisifs de nos cités, quelles que soient leurs connaissances dans les arts et les sciences physiques. » — « Les grandes propriétés sont les véritables greniers d’abondance des nations civilisées, comme les grandes richesses des Corps en sont le trésor. » Il ne cesse d’insister sur les inconvénients du partage égal et forcé entre les enfants, établi par la Révolution et consacré par le Code civil : « Partout, dit-il, où le droit de primogéniture, respecté dans les temps les plus anciens et des peuples les plus sages, a été aboli, il a fallu y revenir d’une manière ou d’une autre, parce qu’il n’y a pas de famille propriétaire de terres qui puisse subsister avec l’égalité absolue de partage à chaque génération, égalité de partage qui, un peu plus tôt, un peu plus tard, détruit tout établissement agricole et ne produit à la fin qu’une égalité de misère. » Il trace un idéal d’ancienne famille stable et puissante, qui rappelle un âge d’or disparu : « S’il y avait, dit-il, dans les campagnes et dans chaque village une famille à qui une fortune considérable, relativement à celle de ses voisins, assurât une existence indépendante de spéculations et de salaires, et cette sorte de considération dont l’ancienneté et l’étendue de propriétés territoriales jouissent toujours auprès des habitants des campagnes ; une famille qui eût à la fois de la dignité dans son extérieur, et dans la vie privée beaucoup de modestie et de simplicité ; qui, soumise aux lois sévères de l’honneur, donna l’exemple de toutes les vertus ou de toutes les décences ; qui joignît aux dépenses nécessaires de son état et à une consommation indispensable, qui est déjà un avantage pour le peuple, cette bienfaisance journalière, qui, dans les campagnes, est une nécessité, si elle n’est pas une vertu ; une famille enfin qui fût uniquement occupée des devoirs de la vie publique ou exclusivement disponible pour le service de l’État, pense-t-on qu’il ne résultât pas de grands avantages, pour la morale et le bien-être des peuples, de cette institution, qui, sous une forme ou sous une autre, a longtemps existé en Europe, maintenue par les mœurs, et à qui il n’a manqué que d’être réglée par des lois ?  […] Peut-être même la tolérance n’est-elle jamais plus utile que lorsqu’elle autorise un talent supérieur à propager l’erreur et le vice : l’amour du bien et le sentiment du salut public excitent alors les cœurs généreux à faire effort sur eux-mêmes et à s’élever à la même hauteur pour faire prévaloir la vérité et la vertu. […] Le Play qui parle) dresse les hommes à la tolérance dans toute société où la paix publique est fermement maintenue par l’autorité : la même liberté fait souvent naître des attaques et des haines qui peuvent compromettre cette paix publique. » Mais si l’on n’essaye pas l’on n’apprend pas.

839. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

Si Bossuet a hautement défini au moral l’esprit public des Romains dans les beaux temps de la République, M. Zeller, avec plus de précision et résumant le sens politique de toute la conduite romaine dans ces mêmes siècles, dira : « Vous avez cet admirable gouvernement où la sagesse du Sénat tempère l’élan de la place publique ; où la monarchie temporaire, sous le nom de dictature, empêche ou modère les luttes ou les excès de l’aristocratie et de la démocratie ; où les Consuls conservent toujours un pouvoir fort ; où les assemblées n’ont que la délibération et la sanction, le contrôle et les appels des grandes causes politiques ; cette société, enfin, où le mariage et la propriété constituent en quelque sorte la cité même, où la famille est réglée comme un État, où l’État et la religion se pénètrent au point que le gouvernement fait un avec le culte, et que l’amour des dieux est le culte même de la patrie, et le culte de la patrie l’amour des dieux ! […] Gaie et plaisante chez les Grecs, la satire chez Lucilius ressemble à de véritables discours de censeurs ; celle de Juvénal aura le caractère d’accusations publiques. […] La ciguë de Socrate, en son temps, n’avait pas été un spectacle assez émouvant, assez déchirant, assez public, et qui causât une pitié assez pénétrante.

840. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

Mais on est tenté d’oublier ces portions magnifiques quand on songe à tant d’autres récidives simplement opiniâtres, à cette absence totale de modification et de nuance dans des théories individuelles que l’épreuve publique a déjà coup sur coup jugées, à ce refus d’admettre, non point en les louant au besoin (ce qui est trop facile), mais en daignant les connaître et en y prenant un intérêt sérieux, les travaux qui s’accomplissent, les idées qui s’élaborent, les jugements qui se rassoient, et auxquels un art qui s’humanise devrait se proportionner. […] L’instituer largement et avec ensemble en littérature, l’appuyer à des exemples historiques positifs qui la fassent vivre et la fertilisent, la mêler, sans dogmatisme, à une morale saine, immédiate, décente, ce serait, dans ce débordement trop général d’impureté et d’improbité, rendre un service public et, j’ose dire, social. […] , je penserais que c’est le moment ou jamais, pour tous les hommes qui ont cette conservation à cœur et qui ne sont pas disposés à se confier immédiatement aux ressources de l’inconnu, — que c’est le moment pour eux de s’unir, de comprendre que la chose publique s’en va dans un morcellement misérable d’intrigues, dans une diminution sans terme de tous les pouvoirs et de toutes les fonctions. […] Parmi les écoles conservatrices et non pourtant ennemies du progrès, celle qui a le plus de confiance en elle-même143, et qui n’est pas encore guérie de croire à l’efficacité absolue de certaines formes et de certaines distinctions plus théoriques que vraies, a dû, ce me semble, se guérir au moins de tout dédain envers ceux qui n’ont à apporter au concours des choses publiques qu’un empirisme équitable, modéré, et qui a sa philosophie aussi dans l’histoire.

841. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

L’éloquence judiciaire est bien médiocre encore, bien verbeuse, bien prétentieuse, reflet tantôt pâle et tantôt criard des styles et des idées dont la littérature enivrait le public : et plutôt que de feuilleter les mémoires d’Élie de Beaumont, de Linguet, de Loyseau de Mauléon, des avocats de métier, on fera mieux de relire ce que Voltaire écrivit pour les Galas et ses autres protégés, ou les Mémoires de Beaumarchais, et les mémoires ou plaidoyers de Mirabeau dans le procès en séparation qu’il soutint contre sa femme : les écrits de ces avocats d’occasion sont les vrais chefs-d’œuvre de l’éloquence judiciaire. […] A mesure que la Révolution approche, l’intérêt passionné qu’on prend aux affaires publiques, aux principes, aux réformes, fait éclore de toutes parts, dans toutes les sociétés, des facultés oratoires qui se dépensent dans les conversations et dans les correspondances. On peut rattacher encore à l’éloquence politique ce que l’on pourrait appeler l’éloquence administrative : les discours, les rapports, par lesquels des avocats généraux ou présidents de Parlement, des intendants, des ministres indiquent des abus, tracent des plans de gouvernement, s’associent selon le caractère de leurs emplois à la direction des affaires publiques. […] Une pension qui était comme une maison de correction, quatre prisons, dont une de trois ans et demi, une sentence d’interdiction, quinze lettres de cachet : tous ces moyens ne servirent qu’à exaspérer la haine du père, à raidir le fils dans sa révolte, et à diffamer le nom de Mirabeau dans le public.

842. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

L’orateur qui, au Parlement, remet et tire sans cesse son lorgnon, l’écolier qui, en récitant sa leçon, remue quelque chose entre ses doigts, les actes automatiques de certains avocats ou autres gens parlant en public : ce sont là autant d’exemples de la manière dont le trop plein des émotions peut se dépenser, et empêcher par suite qu’elles ne paralysent l’intelligence. […] « Les pouvoirs qui imposent la sanction obligatoire sont la loi et la société, c’est-à-dire la communauté agissant, ou bien par les actes judiciaires publics émanant du gouvernement, ou bien indépendamment du gouvernement par l’expression non officielle d’une désapprobation, par l’exclusion des offices sociaux. […] Un troisième pouvoir qui implique l’obligation, c’est la conscience, qui est une ressemblance idéale de l’autorité publique, se développant dans l’esprit de l’individu et travaillant à la même fin. » Les divers systèmes moraux fondés sur la loi positive, la volonté divine, la droite raison, le sens moral, l’intérêt personnel, l’intérêt général sont successivement examinés et rejetés par l’auteur. […] En son absence, on peut dire que l’uniformité supposée des décisions morales se résout dans les deux éléments suivants : Les devoirs qui tendent à conserver la sécurité publique, laquelle renferme la sécurité individuelle.

843. (1886) De la littérature comparée

Marc Monnier, je n’oublierai jamais la reconnaissance que je dois au Conseil d’État du canton de Genève pour le périlleux honneur qu’il m’a fait et la haute confiance qu’il m’a témoignée en m’appelant à cette chaire ; je n’oublierai jamais non plus — qu’il me soit permis de le dire en entrant dans une carrière pour moi toute nouvelle, — la reconnaissance qui me lie aux amis que j’ai dû quitter, dont beaucoup m’ont donné de publics témoignages de sympathie que des circonstances que je tiens à passer sous silence m’ont rendus particulièrement précieux. […] Tant qu’on a considéré le Beau littéraire comme un absolu, ou, plus exactement peut-être, tant qu’on n’a pas tenté l’analyse du Beau littéraire, la critique a pu demeurer ce qu’elle avait été à ses débuts, ce qu’on la voit dans les « Examens » de Corneille et de ses contemporains, dans le « Spectator » d’Addison, dans la « Dramaturgie de Hambourg » de Lessing : une discussion conduite en vue de rechercher si l’œuvre étudiée s’éloigne ou se rapproche d’un certain type d’œuvre admis comme type idéal ; si elle respecte ou viole certaines règles, tirées de l’examen des chefs-d’œuvre antiques et acceptées par une convention d’ailleurs tout arbitraire ; ou même, simplement, si elle plaît ou déplaît, soit au critique lui-même, soit à un groupe de personnes qu’il croit représenter, et qu’il appelle suivant les époques les « bons esprits » les « lettrés », le « public ». […] Il va sans dire qu’elle laisse le champ libre à ces aimables feuilletons qui renseignent au jour le jour le public sur les écrits contemporains. […] Et en 1209, un Concile provincial, réuni à Paris, interdit de lire ou d’expliquer dans les écoles publiques ou privées de la ville la Physique d’Aristote et les commentaires de ce traité.

844. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Ce n’est pas que je me repente de les avoir lues ; les gens du métier trouvent encore à profiter et à glaner là même où le public plus pressé a moins de quoi se satisfaire. […] ce n’est point pour le public que Chaulieu dans l’intimité écrivait ses lettres, et on n’a qu’à ouvrir les correspondances du temps et les recueils manuscrits des chansons historiques, c’était là le ton habituel des gens de la meilleure société dans le Grand Siècle. […] Les mœurs publiques ont gagné par plus d’un endroit ; le grand jour de la publicité, en circulant, a assaini bien des foyers de corruption et bien des étables d’Augias. […] Cette fête coûta cent mille livres à M. de Vendôme, qui n’en avait pas plus qu’il ne lui en fallait ; et comme M. le grand prieur, l’abbé de Chaulieu et moi avions chacun notre maîtresse à l’Opéra, le public malin dit que nous avions fait dépenser cent mille francs à M. de Vendôme pour nous divertir nous et nos demoiselles ; mais certainement nous avions de plus grandes vues que cela.

845. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Le surintendant trouvait de l’argent sur ses promesses (personnelles), mais la prudence ne lui conseillait pas d’engager si avant sa fortune particulière dans la publique ; il allait pourtant passer par-dessus, quand de grands et doctes personnages lui montrèrent clairement qu’il ne le pouvait ; car de prêter ces grandes sommes sans en tirer aucun dédommagement, c’était ruiner impitoyablement sa famille ; d’en prendre le même intérêt qu’un homme d’affaires, cela était indigne et même usuraire ; de faire un prêt supposé sous le nom d’un autre, c’était une fausseté. […] Servir le public est, après tout, pour eux, le parti le plus sûr, et, en définitive, c’est le plus noble aussi. […] Un peu de superstition se mêlait de loin, dans le préjugé public, à l’idée de son infortune. […] Son malheur prolongé, en réveillant la pitié publique, et en mettant à découvert ses amis fidèles, a fait sa gloire ; on n’inspire jamais de tels dévouements parmi l’élite des esprits, sans avoir, plus ou moins, de quoi les mériter53.

846. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Portalis fut un des organes les plus éloquents et les plus considérés de cette vie publique. […] Il insiste sur le grand point à ce moment, sur ce qui va indiquer tout d’abord de quelle qualité est la politique nouvelle qu’on va inaugurer : Tout ne se borne pas dans le moment à réparer des désastres, il faut encore former l’esprit public ; il faut rétablir la morale dans le gouvernement… L’iniquité est aussi mauvaise ménagère du crédit que de la puissance… Nos finances ne doivent point être arrosées du sang innocent. […] Par ce décret, on excluait des fonctions publiques, jusqu’à la paix, des catégories entières de personnes, et notamment tous les inscrits sur des listes d’émigrés, ainsi que leurs parents et alliés : mais il y avait bien d’autres titres d’interdiction encore. Portalis qualifiait ce décret du 3 Brumaire « un véritable Code révolutionnaire sur l’état des personnes. » Il montrait que le régime révolutionnaire avait dû être détruit par la Constitution : « Et au lieu de cela, c’est la Constitution que l’on veut mettre sous la tutelle du régime révolutionnaire. » La suite et l’enchaînement régulier de la discussion s’animait chemin faisant, sur ses lèvres, d’expressions heureuses à force de justesse : « Avec la facilité que l’on a, disait-il, d’inscrire qui l’on veut sur des listes, on peut à chaque instant faire de nouvelles émissions d’émigrés. » Il demandait pour la Constitution de la patience et du temps : « Il faut que l’on se plie insensiblement au joug de la félicité publique. » Il observait que jamais nation ne devient libre quand l’Assemblée qui la représente ne procède ainsi que par des coups d’autorité : « Les institutions forment les hommes, si les hommes sont fidèles aux institutions ; mais si nous conservons l’habitude de révolutionner, rien ne pourra jamais s’établir, et nos décrets ne seront jamais que des piliers flottants au milieu d’une mer orageuse. » On entrevoit par ces passages que Portalis n’était pas dénué d’une certaine imagination sobre et grave qui convenait à la nature et à l’ordre de ses idées législatrices.

847. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Le résultat de ce châtiment éclatant fut d’accroître la haine publique qui s’attachait déjà à Boris, et de persuader qu’il n’était pas étranger à la mort de l’enfant à laquelle il avait tant d’intérêt et dont il allait recueillir le fruit. […] Mais, quoi qu’il pût faire, Boris, venu sur la fin d’une dynastie révérée, ayant hérité d’elle avec ruse, et, selon le bruit public, avec crime, ne se releva jamais du vice de son origine, et, pour prix des réformes utiles qu’il tenta, ne recueillit que la haine. […] On ferait une liste curieuse de tous ces faux prétendants dont quelques-uns ont surpris pour un temps la crédulité publique et celle des nations. […] Arrivé aujourd’hui à la pleine maturité de la vie, maître en bien des points, sachant à fond et de près les langues, les monuments, l’esprit des races, la société à tous ses degrés et l’homme, il n’a plus, ce me semble, qu’un progrès à faire pour être tout entier lui-même et pour faire jouir le public des derniers fruits consommés de son talent.

848. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

Comme nous l’avons remarqué ailleurs, cette élite, accumulée de siècle en siècle et toujours ajoutée à elle-même, finit par faire nombre, devient avec le temps multitude, et compose la foule suprême, public définitif des génies, souverain comme eux. C’est à ce public-là qu’on finit toujours par avoir affaire. Cependant il y a un autre public, d’autres appréciateurs, d’autres juges, dont il a été dit un mot tout à l’heure. […] Ce qui est doit être ; il est excellent que ce qui existe, existe ; les formes de prospérité publique sont diverses ; une génération n’est pas tenue de répéter l’autre ; Caton calquait Phocion, Trimalcion ressemble moins, c’est de l’indépendance.

849. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Encore un pas, et ce grand mouvement va passer du dedans au dehors, des mœurs privées aux institutions publiques. […] Les cérémonies les plus étranges s’étalaient en public. […] Nulle séparation ici entre la spéculation et la pratique, entre la vie privée et la vie publique, entre le spirituel et le temporel. […] Cette récrimination publique et authentique montre tout le détail de l’organisation et de l’oppression cléricales. […] « Le nommé John Denis est fouetté en public pour avoir chanté une chanson profane.

850. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Rêves et réalités, par Mme M. B. (Blanchecotte), ouvrière et poète. » pp. 327-332

Il est vrai que voilà bien des années déjà qu’il ne s’est point produit d’œuvre poétique qui ait appelé à un haut degré l’attention du grand public et qui lui ait fait saluer une jeune gloire. […] Au reste, ce ne sont pas des conseils ici que je viens lui adresser : j’ai voulu surtout donner avis au public qui aime la poésie, et lui dire : Il y a un poète dans ce volume, un poète à demi enchaîné ; aidez-le à prendre l’essor. — Béranger et M. de Lamartine, chacun de leur côté, et cette fois sans qu’on puisse y soupçonner de la complaisance, ont déjà donné à l’auteur ce brevet de poète : je ne fais qu’ajouter après eux mon apostille bien sincère.

851. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Gabriel Naudé »

Je mets de mes pensées où je puis, et à chaque édition nouvelle d’un ouvrage j’en profite comme d’un convoi qui part pour envoyer au public, à mes amis et même à mes ennemis (dussent-ils se servir de cette clé comme d’une arme, selon leur usage) quelques mots qu’il m’importe de dire sur moi-même et sur ce que j’écris. […] Je n’en ai rien tiré jusqu’ici (ou très-peu) pour le public.

852. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VIII. De la clarté et des termes techniques »

Là, il n’y a pas de propriété qui tienne : comme il faut être compris avant tout, l’expression ne peut être choisie que parmi les mots connus et compris du public auquel on s’adresse. […] Car on n’a pas à rechercher toujours la même sorte de clarté : chaque sujet a sa clarté propre, réglée par sa destination qui l’adresse à tel ou tel public.

853. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIV » pp. 251-258

Par cela seul qu’elles en détournaient leur attention, elles en éloignaient les esprits bien faits, comme aujourd’hui le dégoût du public pour les abominables farces, qu’on appelle le théâtre moderne, en amène sensiblement la chute et l’oubli. […] Et qui pourrait affirmer que l’espèce de trahison du roi envers cette même madame de Montausier, lorsqu’il trompa la reine et elle sur ses relations avec madame de Montespan, l’incurable maladie qui accabla madame de Montausier lorsqu’elle fut détrompée, et enfin sa mort, qui arriva pendant que l’Amphitryon de Molière amusait la cour et le public par le spectacle d’un mari malheureux ; qui oserait assurer, malgré les apparences, que ces faits n’eurent aucune influence sur l’esprit du roi ?

854. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIV » pp. 394-401

Il paraît que ces moyens ne firent aucun effet : le 14 une autre lettre de madame de Sévigné dit que madame de Montespan « commence à se lasser de l’exposition publique dans les grands appartements. […] On ne joua pas en public.

855. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 169-178

Le Fils naturel fut présenté il y a peu de temps sur le Théatre, au Public, qui le regarda comme un bâtard ignoble, &, par le mauvais accueil qu’il lui fit, força son Pere de le retirer. […] Nous ne craignons d’être accusés de partialité, que par ceux qui sont plus zélés pour la Philosophie actuelle, que pour la raison & la saine Littérature, espece d’hommes qu’on peut diviser en deux classes : les uns ressemblent à ces peuples imbécilles qui croyoient leurs Oracles infaillibles, pour quelques prédictions justifiées par le hasard : les autres ressemblent aux Prêtres de ces mêmes idoles, qui profitoient de l’ignorance & de la crédulité publique, pour accréditer les mensonges les plus extravagans.

856. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VI. Des dictionnaires Historiques » pp. 220-228

Il faut espérer que l’auteur justifiera dans la nouvelle édition l’accueil que le public a fait à son livre, & qu’il tâchera de mériter de nouveau son suffrage, en corrigeant les dattes défectueuses, & les erreurs de nom qui se glissent si facilement dans un ouvrage si long & si varié. […] Il faut prévenir pourtant le public que presque tous les faits & toutes les anecdotes rapportées par les deux écrivains, se trouvent dans le Dictionnaire historique, ou histoire abrégée des hommes qui se sont fait un nom par le génie, les talens, les vertus, les erreurs, &c. dont nous avons parlé dans l’alinéa précédent.

857. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

En apprenant la mort du débauché Des Barreaux, il note avec blâme « qu’il a bien infecté des pauvres jeunes gens de son libertinage ; que sa conversation était bien dangereuse et fort pestilente au public ». […] Il ne prétendait point d’ailleurs, en son temps, agir sur les destinées de l’État ni sur l’opinion du public, hors du cercle de ses devoirs et de sa profession. […] J’ai toujours en vue le bien public ; je n’aime point ceux qui y contreviennent. […] Nous savons qu’un littérateur de nos amis, et bien connu du public, a, depuis longtemps, préparé cet intéressant travail. […] [NdA] Voir page 259 de l’Histoire de l’instruction publique, par M. 

858. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

La seconde partie du Voyage, toute moderne, est d’un homme qui a administré avec zèle et qui se préoccupe de toutes les branches de la fortune publique, principalement de l’agriculture : ici, sous le plus beau climat, avec un sol admirable et les souvenirs d’une antique prospérité, il ne voit que misère, dépopulation, fièvre et famine, et il se demande pourquoi ; il se le demande en observateur éclairé, humain et sans colère91. […] Il publia en 1815 un volume de Pensées sur divers objets de bien public, et une brochure toute politique, du Pacte fédéral ; c’était poser sa candidature pour le nouvel ordre de choses. […] Nous avons vu sur les bancs de nos cours publics de ces exemples innocents, mais qu’on se montrait au doigt, d’une interminable scolarité 94. […] Vous êtes la personne qui me comprendrait, et si nous sommes assez longtemps ensemble, je ferai avec vous un cours de ma philosophie que je donnerai au public. […] [NdA] Ce n’est pas, dit-il, que le gouvernement de Rome soit moins animé de l’amour du bien public qu’aucun autre gouvernement de l’Europe ; mais mille raisons l’empêchent d’aller en avant avec les lumières.

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