et le valet, qui a voulu faire rire, ignore-t-il que le public est censé n’être pas là ? […] Ajoutons, comment le public, journellement témoin de cette balourdise, n’en remarque-t-il pas toute l’absurdité ? […] Ce n’est pas tout d’être souvent aveugle, le public est quelquefois sourd. […] D’ailleurs, le beau tableau à présenter au public, que l’amour effréné d’un vieillard libertin ! […] Jusques à quand, cher peuple, toi, qui parais si poli, si raisonnable, si paisible lorsque tu es seul ; jusques à quand, enfin, te montreras-tu en public le plus imbécile des vieillards ?
On prétend qu’il a des compères et que ce joli bercail se moque du public. […] Mais il y a le public. […] mes amis, quel public ! […] Ils s’adressent directement au plus imbécile des publics, le public des théâtres, et ils cueillent, à même les narines de ce veau terrestre, le persil idéal qui est leur couronne de laurier. […] Dumas de répandre sur elle sa protection, et sa brochure fut un appel à la charité publique.
Ce fut le public de Balzac ; c’est le public que M. […] La préface de ce roman décèle un esprit très hautain et très dédaigneux du public : le même esprit avec du talent et une nervosité plus aiguë, — vous avez Tristan Corbière. […] C’est ainsi qu’un écrivain nullement érotique peut être, par des sots ou par des malveillants, accusé devant le public de stupides attentats. […] L’attitude du public est moins bénigne lorsqu’on l’entretient du désaccord qui s’observe entre lui, public, maître obscur des gloires, et l’opinion du petit nombre oligarchique : habitué à accoupler ces deux idées, renommée et talent, il montre de la répugnance à les disjoindre ; il n’admet pas, car il a un sens secret de la justice ou de la logique, qu’un auteur illustre ne le soit que par hasard, ou qu’un auteur obscur mérite la lumière. […] Si le public connaît leurs noms moins que tels autres, ce n’est pas qu’ils aient moins de mérite, c’est qu’ils eurent moins de bonheur.
Enfin, il ne séparait guère la littérature de la morale et de l’utilité publique. […] Par la modicité de son prix, elle s’adresse surtout au public populaire. […] Si le public est bête, vous avez été plus bête que le public, car vous deviez prévoir sa bêtise et y accommoder votre discours. […] Sarcey serait à tout le moins excusable de songer beaucoup au public, quand il s’agit de jeux d’art, — pièces ou conférences, — qui sont publics par définition. […] Bref, il a une fort belle vie publique.
. — Son public. — Ses amitiés. — Ses querelles. — Concordance de sa vie et de son talent. […] Je trouve les mêmes inclinations et les mêmes signes dans le reste de sa vie privée ou publique. […] Son public, ses amitiés, ses actions, ses luttes aboutissent au même effet. […] Tel est en effet le public qui l’écoute, incertain entre deux formes de pensées, nourri de deux civilisations contraires. […] Il cause avec lui des affaires publiques.
Le public ne savait pas bien lui-même ce qu’il désirait. […] J’ai hâte pourtant d’en venir au littérateur, à celui qui mérite d’occuper le public et que nous avons à étudier. […] Ampère donc, tout en continuant de professer son cours, se découragea de le rédiger et d’y mettre la dernière main pour le public des lecteurs. […] Il obtint sans peine une mission du ministre de l’instruction publique, M. […] Les événements publics et des accidents privés ne tardèrent pas à déranger l’existence si bien remplie d’Ampère.
Viennet avait abordé, l’autre jour, dans une de ces spirituelles et mordantes épîtres qui font tant de plaisir chaque année à son public académique et tant d’honneur à sa verte vieillesse. […] Le public n’avait jamais été plus nombreux ni plus empressé.
Le public finira par faire leur part aux talents sincères et modestes qui ne viseront qu’à se perfectionner. […] La Démocratie pacifique (journal fouriériste), d’hier 4, contenait contre Buloz un article d’Alexandre Dumas qui est bien la plus grossière philippique qu’on puisse imaginer : tout cela grandit Buloz et le pose en homme public.
Dans les années qui suivirent Marie Stuart, on essaya encore, mais sans succès auprès du public ; le Cid d’Andalousie du même auteur n’obtenait point grâce. […] Après douze ou quinze ans d’excès et de catastrophes de tous genres, le public en est venu à ne plus aspirer qu’à quelque chose d’un peu noble, d’un peu raisonnable et de suffisamment poétique ; toutes les pensées suivies et les vues projetées, il y a vingt-cinq ans, ont été interrompues, et la tradition n’en a pas été recueillie par les générations mal guidées, survenues pêle-mêle, et sans aucun lien qui les rattachât à leurs aînées.
Ses vertus égaloient ses talens, & il se vit en possession de l’estime & de la confiance publique, dans un âge où les autres commencent à peine à en sentir le prix. […] Cochin l’estime publique, ou, pour mieux dire, ils en étoient encore plus profondément pénétrés, parce qu’ils savoient mieux apprécier son mérite M. le premier Président Portail, s’appercevant qu’il commençoit un Plaidoyer d’une voix presque éteinte, l’interrompit pour lui demander ce qu’il avoit.
Les Philosophes ont bien pu tenter de le décrier dans le Public, parce qu’il a dédaigné leurs suffrages & s’est élevé contre leur cabale ; ils ont pu, au mépris de la tolérance & de l’honnêteté qu’ils ne cessent de recommander, l’accabler de leurs Brochures ; M. de Voltaire, entre autres, a pu venir à bout, par ses Diatribes quelquefois plaisantes & souvent abjectes, d en imposer aux Beaux-Esprits de Province & aux petits Esprits de la Capitale ; il n’en sera pas moins vrai que M. de Pompignan est un de ces hommes qui font le plus d’honneur à notre Littérature, par leurs talens & par leurs mœurs. […] Le Public, désormais fasciné par ses guides, Ne veut qu’être ébloui par des éclairs rapides.
Dès lors on ne devait plus placer le chœur dans la comédie ; le chœur est un public qui raisonne, et qui ne raisonne que de choses publiques.
Ses ennemis ne l’admirent guère moins que ses amis, et les mémoires secrets ne démentent point les éloges publics. […] On en avait pris l’image dans Louis XIV lui-même, chez qui l’amour était à la fois passionné et réglé, outre cette décence qui avait le mérite d’un sacrifice à la pudeur publique. […] En lui prescrivant comme l’unique remède des maux publics « la résolution de changer dans sa vie ce qui déplaisait à Dieu », Bossuet le rendait responsable de ces maux222. […] Il fallait, dans une œuvre de doctrine, établir au nom de quels principes ils avaient été combattus, faire distinguer au public le rimeur du poète, et lui apprendre ce qu’est le vrai poète, en lui en donnant à voir un de plus. […] Les modèles anciens avaient beaucoup fait sans doute pour l’éducation publique ; mais les meilleurs n’y suffisent pas.
Ce fut une belle nuit que celle qui nous réunit tous les trois, Hugo, de Vigny et moi, pour faire en commun, après la première représentation de Christine, les corrections indiquées par le public. […] Maintenant, comme le public ignore ce que M. […] Je lus un jour dans la Revue de Paris qu’on signalait au public mon style déshonoré par une affectation entortillée et par l’incorrection grammaticale , ce même style que la Revue de Paris avait bénévolement offert au même public dix mois avant dans l’ouvrage même qu’elle critiquait. […] Cavé, lequel confirme entièrement ce que j’ai dit, et me rappelle même un épisode de l’anecdote fort agréable, et que je me reprocherais de n’avoir pas mis sous les yeux du public ; puisque l’occasion s’en présente, réparons cet oubli. […] Hugo, Soumet, Guiraud, Viennet, Frédéric Soulié, Eugène Sue, Mme Sand, etc., on est le seul qui soutienne un homme accusé d’ignorance, d’impolitesse et d’incapacité, etc., il faut donner au public une raison valable de ce solitaire appui qu’on veut bien lui prêter.
Indiana n’est pas seulement un livre de vogue ; son succès n’est pas en grande partie dû à une surprise longtemps ménagée, à une complaisante duperie du public, à l’appât d’un nom gonflé de faveur, aux amorces habiles d’un titre bizarre ou mystérieux, promené, six mois à l’avance, de l’élégant catalogue en vélin aux couvertures beurre frais des nouveaux chefs-d’œuvre : la veille du jour où Indiana a paru, personne ne s’en inquiétait par le monde ; d’insinuantes annonces n’avaient pas encore prévenu les amateurs de se hâter pour avoir, les premiers, un jugement à mettre en circulation ; la seconde édition n’était probablement pas toute satinée et brochée avant la première ; bref, Indiana a fait son premier pas naïvement, simplement, sous un nom d’auteur peu connu jusqu’ici et suspect même d’en cacher un autre moins connu encore. […] Dans le monde, le visage de ces hommes se compose et sourit invariablement par habitude, par artifice : dans la solitude, dans les moments de réflexion, en robe de chambre et en pantoufles, surprenez-les, ils sont sourcilleux, sombres ; ils se font, à la longue, un visage dur, mécontent et mauvais. — J’aurais autant aimé, de plus, qu’en accordant à Raymon de Ramière de grands talents et un rôle politique remarquable, on insistât moins sur son génie et sur l’influence de ses brochures : car, en vérité, comme les hommes de génie ou de talent qui écrivent des brochures en France, qui en écrivaient vers le temps du ministère Martignac ou peu auparavant, dans le cercle sacré de la monarchie selon la Charte, ne sont pas innombrables, je n’en puis voir qu’un seul à qui cette partie du signalement de Raymon convienne à merveille ; le nom de l’honorable écrivain connu vient donc inévitablement à l’esprit, et cette confrontation passagère, qui lui fait injure, ne fait pas moins tort à Raymon : il ne faut jamais supposer aux simples personnages de roman une part d’existence trop publique qui prête flanc à la notoriété et qu’il soit aisé de contrôler au grand jour et de démentir. […] L’auteur d’Indiana, en cédant avec mesure à ces instances, qui expriment à leur manière le vœu du public, fera bien de se consulter toujours, de se ménager le temps et l’inspiration, de ne jamais forcer un talent précieux, si fertile en belles promesses.
C’est ce qui le détermine aujourd’hui à fortifier cette publication nouvelle d’une déclaration simple et loyale, laquelle le mette à l’abri de tout soupçon d’hérésie dans la querelle qui divise aujourd’hui le public lettré. […] Chacun d’eux a exprimé et a fécondé la pensée publique dans son pays et dans son temps. […] Les plus grands poëtes du monde sont venus après de grandes calamités publiques.
Ce qu’alloit penser & dire le public, l’effraya bientôt. […] Abailard, jaloux de conserver une bonne réputation, d’empêcher que sa croyance ne devint suspecte, mit alors le public au sait de ses véritables sentimens. […] Pour se réhabiliter surement dans l’estime publique, il crut devoir poursuivre son appel au saint siège, & faire le voyage de Rome.
Lui qui, à la cour, présente les autres, nous nous permettrons de le présenter au public. […] Il s’est introduit dès longtemps dans le public, et même dans sa faveur. Mais aujourd’hui c’est un autre homme que celui que le public connaît.
De cette conférence terminée en 1890, est sorti le traité d’arbitrage permanent international qui est aujourd’hui la règle du droit public américain. […] La convention postale de Berne de 1874, complétée et améliorée dans des conférences postérieures, crée une Union postale universelle constituant un véritable code ; en cas de litige entre deux pays, un arbitrage international décide… Si l’on ajoute à ces grands traités l’immense quantité de conventions relatives à l’hygiène publique, à l’extradition des criminels, aux relations commerciales, à la faillite, aux successions, aux abordages, à la situation juridique des étrangers, aux monnaies, aux poids et mesures, et qu’on considère les mille difficultés que provoque leur exécution, on est obligé de reconnaître que le monde entier enserré dans les liens innombrables qu’ont tressés sur lui les relations chaque jour plus étendues des peuples, forme lui-même un vaste État, où le droit existe, où la loi s’impose, et qui réclame impérieusement une juridiction commune pour ses intérêts communs. » Ajoutons à cette brève nomenclature, un exemple tout récent et fort typique. […] La cour suprême qui s’occuperait en temps ordinaire des affaires courantes de droit international, jugerait également « les difficultés de frontières, les graves questions de droit public, et même les affaires d’honneur que les nations seraient bientôt amenés à lui soumettre par une irrésistible progression. » Comme conséquence de ce vœu, la Chambre des Représentants de Belgique vient d’adopter à l’unanimité un ordre du jour « affirmant le désir de voir confier à l’arbitrage la solution des conflits internationaux et organiser à cet effet une juridiction permanente » ; et le Sénat belge vient également de voter une motion affirmant son espoir dans la contribution du gouvernement à la formation d’une cour internationale.
Là ils demeuraient trois jours exposés à la vénération publique. […] » Et ailleurs il représente aux Athéniens que s’ils accordent à Démosthène une couronne d’or, au moment où le héraut proclamera sur le théâtre cet honneur qui lui est rendu, les pères, les femmes et les enfants de tous ceux qui sont morts par sa faute à Chéronée, pousseront des cris d’indignation, et verseront des larmes, de ce que tant de braves guerriers sont morts sans vengeance, et que Démosthène, qui est leur assassin, reçoit cependant un honneur public en présence de toute la Grèce assemblée. […] Platon, qui ne se mêla jamais des affaires publiques, ne parut point dans Athènes au rang des orateurs ; mais dans cet éloge funèbre, composé en l’honneur des guerriers, il voulut disputer le mérite de l’éloquence à Périclès, comme dans ses autres ouvrages il lutte avec Pythagore pour la philosophie, avec Lycurgue et Solon pour la politique, avec Homère pour l’imagination ; souvent sublime, et presque toujours poète, orateur, philosophe et législateur.
Ce sont des documents et des chroniques dialoguées qui nous font apercevoir l’état du goût public, la situation morale des esprits, le mouvement des mœurs. […] L’auteur n’a pas commencé, à l’instar des lutteurs du drame et du roman de nos jours, par se poser dans l’attitude d’un boxeur d’arène publique. […] Seulement nous prévenons d’avance nos modernes auteurs que si le verdict du public à leur égard devait être rendu d’après les principes exposés par M. […] Le public de nos jours est singulièrement distrait et affairé ; il n’a pas de temps à perdre, et il ne faut pas compter qu’il aura, comme le public d’autrefois, de longues journées à nous consacrer. […] N’attendez pas qu’il naisse un Shakespeare pour enseigner au public les règles du drame, ni un Molière pour lui enseigner les lois du rire.
Là, le salut public refoule au fond du cœur d’un général d’armée la tendresse paternelle. […] Il faut que leur propre personnage soit aussi frivole, aussi nul aussi sot à leurs yeux qu’à ceux du public. […] Une bonhomie fine, un abandon mesuré, dans les rapports du poète comique avec son public, ne sont pas choses mauvaises. […] Il n’y avait ni marchands, ni artisans spéciaux nourrissant la paresse publique par leur activité mercenaire. […] Ainsi Aristophane, dans les Parabases, se met en rapport de différentes façons avec le public athénien.
Bien plus, il s’érigea en juge de la corruption publique, attaqua rudement les vices régnants, « sans craindre le poison des courtisanes, ni les poignards des coupe-jarrets. » Il traita ses auditeurs en écoliers, et leur parla toujours en censeur et en maître. […] Blessé d’un désir soudain, Volpone se déguise en charlatan, et va chanter sous les fenêtres avec une verve d’opérateur ; car il est comédien par nature, en véritable Italien, parent de Scaramouche, aussi bien sur la place publique que dans sa maison. […] Ils le tirent au sort ; l’un des perdants, pour se venger, annonce d’avance au public tous les événements de la pièce. […] Ce jeu d’enfants, ces gestes, ces éclats de voix, cette petite querelle amusante ôtent au public son sérieux, et le préparent aux bizarreries qu’il va voir. […] I fear no mood stamp’d in a private brow, When I am pleased t’unmask a public vice ; I fear no strumpet’s drugs, no ruffian’s stab, Shoud I detect their hateful luxuries.
Je viens de lire sa correspondance, il n’y a pas peut-être dix lettres vraies ; il est écrivain jusque dans ses épanchements ; ses confidences sont de la rhétorique compassée, et quand il cause avec un ami, il songe toujours à l’imprimeur qui mettra ses effusions sous les yeux du public. […] La Philosophie, qui jadis ne s’appuyait que sur le ciel, se rabat sur les causes secondes et disparaît ; la Religion rougissante voile son feu sacré, et la Moralité, sans s’en douter, s’éteint ; la vertu publique, la vertu privée n’osent plus jeter de flammes ; il n’y a plus d’étincelle humaine, il n’y a plus d’éclair divin. […] On le vit bien le jour où Pope traduisit l’Iliade : c’était l’Iliade écrite dans le style de la Henriade ; à cause de ce travestissement, le public l’admira. […] Macpherson étalait devant les gens un pastiche des mœurs primitives, point trop vraies, car l’extrême crudité des barbares eût choqué, mais cependant assez bien conservées ou imitées pour faire contraste avec la civilisation moderne et persuader au public qu’il contemplait la pure nature. […] Nor public flame, nor private dares to shine, Nor human spark is left, nor glimpse divine ; Lo !
Public composé, non point de cent mille lecteurs quotidiens, mais de cinquante ou de cent personnes riches, nobles, distinguées, cultivées, oisives. […] Plus ou moins sciemment, elle écrivit pour ce public de choix : d’où, peu à peu, un rien de marque professionnelle. […] Il a, je crois, prévu l’homme de lettres du siècle suivant, ouvrier des idées généreuses, homme vraiment public. […] Et nul peut-être ne diffère plus profondément de l’image que le public s’est formée de lui. […] La malignité publique est telle qu’on voudra peut-être voir, dans cette constatation, une manière de mauvais compliment.
Ce sont des discours publics, des opuscules, où il établit séparément les opinions diverses qu’il devait plus tard réunir dans son grand système. […] Nous avons traduit en l’abrégeant l’édition de 1744 ; mais, dans l’exposé du système que l’on va lire, nous nous sommes souvent rapprochés de la méthode que l’auteur avait suivie dans la première, et qui nous a paru convenir davantage à un public français. […] Dans celles-ci tous les intérêts privés des citoyens étaient renfermés dans les intérêts publics ; sous les gouvernements humains, et surtout sous les monarchies, les intérêts publics n’occupent les esprits qu’à propos des intérêts privés ; d’ailleurs les mœurs s’adoucissant, les affections particulières en prennent d’autant plus de force, et remplacent le patriotisme. […] Nous avons parlé du peu d’impression que produisit sur le public l’apparition du système de Vico. […] Salfi est le premier qui ait appelé l’attention du public sur la Science nouvelle, dans son Éloge de Filangieri, et dans plusieurs numéros de la Revue encyclopédique, t.
Tout d’abord sembla réussir à souhait, et la nouvelle alliance si préconisée en cour fut très bien prise encore par le public jusqu’à ce qu’arrivassent les nouvelles des premiers désastres. […] Le public n’a point de confiance, tout est tourné en fronde et en plaintes… Un Colbert à l’intérieur, un Louvois à la guerre, ou du moins l’âme d’un Louis XIV sur le trône ! […] Dans cette suite de confidences lamentables, un trait de ces lettres me fait sourire ; j’y vois comme le cachet et la couleur de l’époque, et aussi un reste de cette frivolité qui, chez Bernis, continuait encore de s’attacher même à l’homme public. […] Dieu seul peut y mettre ordre. » À Paris, l’exaspération du public était arrivée à son comble dans cet été de 1758, et ce déchaînement dura jusqu’à ce que quelques succès de M. de Broglie, l’année suivante, vinssent rompre l’uniformité des revers : On me menace par des lettres anonymes, écrivait Bernis, d’être bientôt déchiré par le peuple, et, quoique je ne craigne guère de pareilles menaces, il est certain que les malheurs prochains qu’on peut prévoir pourraient aisément les réaliser. […] J’aurais voulu, pour éviter les jugements téméraires, que les circonstances qui l’ont précédée eussent pu l’annoncer au public ; au reste, nous nous sommes donné réciproquement les plus grandes marques de confiance et d’amitié ; nous ne saurions donc nous soupçonner l’un l’autre sans une très grande témérité.
L’ouvrage se soutint jusqu’à la fin dans l’estime et dans la faveur du public ; mais le premier volume eut un succès de vogue et de mode. […] Un homme qui s’exprime comme il vient de le faire n’est point versatile ; il est né ministériel, et, s’il se trouve un moment jeté dans l’opposition, ce n’est qu’à son corps défendant, Cette place de lord du Conseil de commerce à laquelle Gibbon aspirait, il l’obtint et la conserva trois ans (1779-1782) avec un traitement annuel de sept cent cinquante livres sterling ; mais le Conseil de commerce ayant été supprimé, Gibbon, qui se trouvait gêné dans ses revenus, songea à sortir de la vie publique pour laquelle il était si peu fait, à recouvrer son indépendance, et à se retirer en Suisse pour y achever son Histoire. […] C’est là qu’il écrit les derniers volumes de son Histoire, et qu’il se réjouit d’être sorti de ces luttes publiques où il n’était qu’un spectateur souvent fatigué, un acteur sans éclat et sans vertu. […] Lord Sheffield, livré par goût à la vie active et publique, était à quelques égards plus difficile à contenter que lui ; il avait besoin des ressources d’un monde dont Gibbon se passait très bien : Vous êtes toujours, lui écrivait ce dernier, à la recherche du savoir, et vous n’êtes content de votre monde qu’autant que vous en pouvez tirer information ou amusement peu commun. […] En voyant les excès qui déshonoraient une cause qui aurait pu être si belle, en considérant le champ illimité d’anarchie et d’aventures dans lequel on se lançait à l’aveugle, il en revint à aimer cette Constitution anglaise pour laquelle il s’était toujours senti assez tiède ; il redevint fier de ce qu’il appelait le bon sens de sa nation et de ce qu’elle avait conscience des bienfaits dont elle jouissait : Les Français, écrivait-il à lord Sheffield (1790), répandent tant de mensonges sur les sentiments de la nation anglaise, que je souhaiterais que les hommes les plus considérables de tout parti et de toute classe se réunissent dans quelque acte public pour déclarer qu’ils sont eux-mêmes satisfaits de notre Constitution actuelle et résolus à la maintenir.
J’essaierai ici, après m’être éclairé et environné des plus sûrs témoignages91, de bien marquer ce caractère et de l’homme de lettres et de l’homme public en M. […] Ce ministre, homme de bien et de mérite, s’appliqua à tenir une comptabilité régulière, et, après une année d’exercice, il soumit le tableau complet de ses opérations au jugement des Conseils législatifs et du public ; il le fit avec sincérité, sans réticence. […] Ce fut son premier coup de main en fait d’intégrité publique et de guerre déclarée à la rapine. […] un jour, une grande occasion s’est offerte ; la trempe de l’instrument s’est révélée, elle est de première vigueur : elle ne fléchira ni ne se brisera sous aucun effort ni sous aucun poids, jusqu’à la fin, tant qu’il s’agira de l'utilité publique, du service du prince et de la patrie. […] Daru louait son prédécesseur Collin d’Harleville et terminait ainsi sa louange : « C’est pour moi une douce satisfaction de sentir que je reste au-dessous de l’attente du public », le père Lefebvre goûtait fort cette façon de penser et de s’exprimer, qui en dit beaucoup dans sa délicatesse : « Ce n’est pas à vous que j’en ferai le commentaire, écrivait-il à M.
Tout cela était manuscrit, et le public n’y avait rien à faire. […] En un mot, la pièce me parut si belle que je ne consultai pas longtemps sur ce sujet ; je crus d’abord, sans m’en conseiller qu’à moi-même, qu’un ouvrage également avantageux à deux si excellents hommes ne se devait point cacher, et que n’y allant pas moins, à le mettre au jour, de la gloire de M. de Balzac, à qui il s’adresse, que de l’honneur de mon parent, pour qui il est fait, je devais, pour la satisfaction de tout le monde, faire un présent au public de l’apologie de M. de Voiture ainsi que j’avais fait de ses œuvres. […] Il était bien dans son droit : il n’avait écrit sa dissertation latine sur Voiture qu’à la demande de Balzac, il n’avait jamais songé à l’imprimer ; c’était Costar qui avait publié la réfutation avant la pièce même à laquelle il répondait, et qui ensuite avait donné au public la dissertation elle-même : J’entre, disait Girac en commençant, dans un combat que je n’ai pu éviter, y étant provoqué de la plus pressante manière qu’on le puisse être ; car, quelque ennemi que je sois de toute sorte de contestation, le défi qu’on m’a fait étant public, et mon adversaire se présentant comme en triomphe à la vue du peuple, il ne m’a pas été libre de demeurer sans lui repartir. […] M. de Girac, dans sa dissertation, assez élégante, ce me semble, mais composée sans prétention et s’adressant peu au public, disait donc, non sans s’excuser d’avoir à donner son avis en matière de grâces, lui homme de campagne et vivant au milieu des bois, que des trois genres de lettres où s’était exercé Voiture, l’un sérieux et grave, l’autre enjoué et badin, et le troisième amoureux, il n’avait bien réussi ni dans le premier ni dans le dernier, et n’avait atteint à une véritable perfection que dans le second genre, celui de l’ingénieuse familiarité et de l’enjouement ; mais cette perfection qui lui était propre, il n’hésitait pas à la lui reconnaître.
C’était peut-être une injustice pour quelques-unes de ces versions qui pouvaient donner une certaine idée de l’auteur latin, en attendant mieux ; et, comme il le disait naïvement en une de ses préfaces : « Si je n’ai pas rendu en cela un grand service au public, je crois facilement aussi que je ne lui ai pas fait beaucoup de mal. » Il écrivait ces paroles d’innocence dans la préface de son Tibulle, en 1653, et s’y plaignait dès lors du peu de cas qu’on faisait de son travail, du malheur de n’avoir point pour amis « ceux qu’on tenait pour arbitres de la réputation des livres », et du silence barbare qu’affectaient de garder au sujet de ses productions quelques personnes sur l’amitié desquelles il avait cru pouvoir compter. […] S’il regrette que le public « ou ceux qui le gouvernent sous une autorité suprême », les grands critiques d’alors, ne traitent pas plus favorablement ce qu’il n’a cessé de leur offrir, il se dit qu’il y a des destinées contre lesquelles on ne se défend pas : « Tant il est aisé de voir, conclut-il avec un accent de componction, que, par une certaine fatalité inviolable, les uns sont choisis et les autres sont délaissés ! […] Il trouve des expressions significatives pour rendre l’espèce de répulsion et de frayeur qu’il avait produite : « Un silence profond de ceux qui étaient auparavant mes amis dans les lettres, et qui m’ont abandonné depuis, comme si je les avais offensés de leur avoir donné de mes livres, m’a fait assez apercevoir du sentiment public sur ce sujet26. » Je ne sais si l’on trouverait un autre exemple, un autre cas aussi caractérisé de discrédit que celui de Marolles ; c’est un phénomène à étudier dans son genre. […] On y trouve l’explication en grande partie et la clef de la destinée de Marolles ; car l’autorité de Chapelain, avant l’avènement de Racine et de Boileau, faisait loi, et Marolles avait eu la maladresse d’offenser mortellement ce lourd régent du goût public, sans être en mesure de soutenir la lutte. […] J’y opposerai seulement une certaine page des mémoires de Marolles où il se représente, sans y être obligé, comme singulièrement attaché à la pudeur, et n’ayant jamais manqué en rien d’essentiel aux devoirs de sa condition, et aussi cette autre page où, déplorant en 1650 la mort d’une petite fille née en son logis et sœur des deux autres personnes dont parle Jean Rou, il la regrette en des termes si touchants, si expressifs et si publics, que véritablement il ne semble pas soupçonner qu’on puisse attribuer sa douleur à un sentiment plus personnel : « Cela fait bien voir, dit-il simplement, ce que peut quelquefois la tendresse de l’innocence sur le cœur d’un philosophe quand il ne s’est pas dépouillé de toute humanité. » — Cette remarque faite pour l’acquit de ma conscience, chacun en croira pourtant ce qu’il voudra.
J’ai eu, il y a quelque temps, maille à partir avec lui ; je ne viens pas réveiller la querelle, mais il m’est difficile d’éviter de parler d’un écrivain qui se fait lire du public et que nous rencontrons à chaque moment. […] Il s’est étonné plus tard que, lorsqu’il fut possible et convenable de reparler en public de la littérature proprement dite, c’est-à-dire à la fin de 1849, quelques critiques et moi-même tout le premier, nous ayons paru oublier cette Révolution de Février si voisine, et que nous ne nous soyons pas mis à cheval sur les grands principes pour combattre à tout bout de champ, dès le lendemain, cette affreuse ennemie déjà en retraite, et presque en déroute. […] D’abord, s’il y veut bien regarder, les critiques littéraires dont il parle ne se sont pas tenus si isolés des événements publics, et on pourrait en suivre le ressentiment et quelquefois le pressentiment jusque dans leurs études, publiées chaque semaine en ce temps-là. Mais, de plus, je ne crois pas que la bonne façon de juger des livres et des auteurs soit de les voir sous l’éclair des tempêtes publiques. […] M. de Pontmartin veut le portrait embelli, ennobli, au point de vue du rôle public et des illusions de la perspective ; il appelle minutie et commérage tout ce qui y déroge.
Si l’on excepte ses couplets sur la Prise de Port-Mahon et trois autres couplets satiriques qu’il risqua sous le ministère Maupeou, Collé ne s’est jamais fait l’organe du sentiment public. Il ne songeait pas au public, content de réussir à huis clos et dans les petits cabinets. […] Il ne visait qu’à des succès de société, et il les eut à souhait chez ces princes et grands seigneurs libertins : le public, sauf quelques rares instants, lui a rendu de son indifférence. […] C’est un Démosthène quand il parle au public et à ses juges, et lorsqu’il tonne contre M. de Nicolaï ; c’est un Fénelon dans son roman attendrissant d’Espagne ; c’est un Juvénal et un Horace quand il arrange les Marin, les Baculard et le Grand-Conseil. […] Un vieillard jeune serait trop insolent. » J’aime sans doute les livres vrais, les livres qui sont le moins possible des livres et le plus possible l’homme même ; mais c’est à la condition qu’ils vaillent la peine d’être donnés au public et qu’ils ajoutent à l’idée qui mérite de survivre.
Abandonné alors à une accablante apathie, totalement dépourvu d’idées, de sentiments et de ressorts, tout me devint à charge, la prière, l’oraison, tous les exercices de piété, et la lecture, et l’étude, et la retraite, et la société ; je ne tenais plus à la vie que par le désir de la quitter, et mon cœur éteint ne trouvait une sorte de repos léthargique que dans la pensée du tombeau. » Je sais tout ce qu’il faut rabattre de ces descriptions désolées où se complaît involontairement la plume qui s’y exerce, et qui s’essaye déjà à l’éloquence ou à la déclamation publique sans s’en douter ; mais elles sont trop habituelles et trop opiniâtres chez La Mennais pour n’être pas significatives. […] Que sera-ce quand il aura tout un public ? […] La Mennais a mis à peine le pied sur la grande scène, qu’il conçoit l’idée d’un rôle bien différent, d’une action publique à exercer sur l’opinion, et il essaye d’y associer son aîné. […] Ce pas de trois dansé en public de l’air le plus sérieux avait du bouffon. […] Ce qu’il était surtout, ce qu’il allait être d’abord et toujours, c’était un prophète de tristesse et de malheur, un tribun sacré en face d’une société profane, un accusateur public devant une société ennemie, un déclamateur éloquent et passionné, un orateur-écrivain.