En parlant des romans du siècle passé, l’auteur oublie trop que, sur le pied dont il le prend, il n’aurait pas manqué alors, s’il avait vécu, de confondre ce qu’il veut bien séparer aujourd’hui.
Entre tant de gens de talent qui se fourvoient, et qui semblent, à chacune de leurs œuvres nouvelles, vouloir réaliser sur eux-mêmes la décadence dont parle le vieux Nestor à l’égard des générations successives, c’est un vrai plaisir qu’un succès soudain, brillant, facile, qui, pour l’un d’eux, remet toutes choses sur le bon pied, et montre qu’une veine heureuse n’est point du tout tarie.
Les romantiques eux-mêmes et leurs amis, s’ils étaient là, ne devaient pas être de cet avis du tout ; le nouveau confrère, déjà couronné par d’autres victoires en rase campagne, et qui leur arrivait à l’assaut sur le théâtre d’élite où ils n’ont guère eu qu’un pied, avait de quoi les inquiéter d’abord, et la cause ne leur semblait pas tout à fait commune.
Quand Goethe déclare que « Klopstock n’avait aucun goût, aucune disposition pour voir, saisir le monde sensible, et dessiner les caractères », quand il trouve ridicule cette ode où le poète suppose une course entre la Muse allemande et la Muse britannique, quand il ne peut supporter « l’image qu’offrent ces deux jeunes filles courant à l’envie à toutes jambes et les pieds dans la poussière » : à ce moment-là Goethe est moins content, moins heureux, il jouit moins du plaisir de vivre, du bonheur de sentir que madame de Staël, qui traduit avec enthousiasme cette même ode, et déclare fort heureux tout ce que Goethe trouve ridicule.
Calvin n’emploie-t-il pas quelque part 8 ou 9 pages184 à comparer l’Église des fidèles au corps humain, à y chercher ce qui est veines, nez, chair, mouvement, chaleur, main, pied, coude ?
« Que ferais-tu, Monaldeschi, si j’étais à tes pieds, demandant grâce et pitié ?
Comme un homme, au milieu d’une fête, qui boit dans une coupe ciselée, debout, à la première place, parmi les applaudissements et les fanfares, les yeux riants, la joie au fond du cœur, échauffé et vivifié par le vin généreux qui descend dans sa poitrine et que subitement on voit pâlir ; il y avait du poison au fond de la coupe ; il tombe et râle ; ses pieds convulsifs battent les tapis de soie, et tous les convives effarés regardent.
Pierrot est tout blanc, depuis la tête jusqu’aux pieds, comme Scaramouche est tout noir.
Il a chanté le Bonnet à poil de Coppée, les Pieds de Péladan, le Rhum et eau de Verlaine, le monocle et les cigares de Moréas, la jaquette de du Plessys, le Geste de Laurent Tailhade, etc.
Id.ABCD Allons, foulons aux pieds ce foudre ridicule Dont arme un bois pourri ce Peuple trop crédule.
Lorsqu’à Rome on voulut convertir en Saint Pierre un Jupiter Olympien, on commença du moins par ôter au maître du tonnerre l’aigle qu’il foulait sous ses pieds.
Il s’enfonce et disparaît dans la foule, grande masse terne et noire que, jusqu’à ce jour, il a à peine entrevue de loin sous ses pieds.
Les dévots cabalèrent, persécutèrent sourdement, portèrent même leurs plaintes aux pieds du trône.
En 1661 il donna la Comédie de L’École des Maris et celle des Fâcheux ; en 1662 celle de L’École des Femmes et la Critique, et ensuite plusieurs pièces de Théâtre qui lui acquirent une si grande réputation, que Sa Majesté ayant établi en 1663 des gratifications pour un certain nombre de Gens de Lettres, Elle voulut qu’il y fût compris sur le pied de mille francs.
Son livre, qui contient à peu près une vingtaine de types de l’observation la plus commune, est un écrin de cailloux que tout le monde peut, en se baissant, ramasser à ses pied, et le style du livre n’en fait pas, certes, des pierreries !
On se dit que dans l’âme de cette femme qui traverse indolemment l’étincelante Asie les yeux mi-clos, les ouvrant plus grands sur sa jeune fille qui l’accompagne que sur cette magnifique nature effleurée des pieds de son cheval, l’heure de la chaleur est passée et que l’admiration pour les belles choses visibles est à son reflux.
Cette petite question de l’opium qui doit planter le feu, un de ces matins, aux quatre coins de l’Asie, a dressé déjà la Chine sur ses pieds contrefaits et lui a fait porter avec terreur ses mains pointues à cette hermétique ceinture qu’elle avait trop imprudemment relâchée.
Ils ont vu juste, mais à leurs pieds.
Ainsi, dans le portrait de madame Récamier « plus heureuse que la Béatrice de Florence, la Béatrice de Paris a pu voir trois Dante à ses pieds… ».
Avons-nous besoin de savoir exactement, par pieds, pouces et lignes, la mesure de ces esprits médiocres, relativement meilleurs que les autres dans leur temps parce qu’ils furent cultivés, et à qui leur temps paya leur culture en les faisant d’une académie ?
ce ne sera pas la faute d’une supériorité trop évidente pour ne pas échapper aux vues basses d’un temps qui ne regarde plus qu’à ses pieds.
Nous sommes peu exposés, il est vrai, à gâter présentement des Corneille, et nous semblons en avoir fini avec ce vieux brimborion de la Guirlande de Julie, mais il n’en faut pas moins toujours mettre le pied sur ces affectations sociales, parce que, sous une forme ou sous une autre, elles repoussent toujours.
Seulement, il n’aurait traduit Hérodote qu’à la condition de mettre à ses pieds la langue de son temps et de se servir de cette langue du seizième siècle, qu’il savait parler de par la force de l’esprit gaulois qui était en lui, tandis qu’au seizième siècle, sans exception, tous pouvaient, sans être des La Fontaine, traduire avec succès l’historien grec, comme Pa fait Amyot en divers passages et Pierre Saliat intégralement.
Francis Wey nous devait (il nous la doit toujours) la contrepartie d’Hamilton, qui, lui, Anglais de pied en cap, a été si complètement et si adorablement Français dans les Mémoires de Grammont.
Comment le reconnaître dans cette dernière histoire, sans marquants détails personnels sur personne, et où les portraits ne sont que des lieux communs en grisaille ; dans ce livre à dix mille pieds au-dessus du niveau de la mer… et des faits, qui a la fatuité de renfermer en un demi-volume toute l’Histoire de France, depuis Mérovée jusqu’à François Ier !
Quand, enfant affolé de l’insurrection, il se nomma lui-même procureur général de la hideuse lanterne, puis tout à coup se cabra de peur devant l’incendie qu’il avait allumé avec son falot, comme le petit polisson du coin d’un bois qui l’incendie avec une allumette et qui se sauve ; quand, toujours gamin, mais gamin tremblant pour le coup, — car le génie de Camille Desmoulins est voué autant à la peur qu’aux larmes, — il se laisse corriger ses épreuves du Vieux Cordelier, comme un devoir, par le terrible Robespierre ; quand tout à coup il fait volte-face contre son ancien ami Brissot, qu’il avait tant vanté, et, girouette lasse de tourner dans du sang, ne veut pas en avoir tant au pied, c’est éternellement et partout sa sensibilité que MΜ.
Pour la première fois donc il sortait de ce soupirail par lequel avaient passé tant de cris furieux ou sinistres une voix fraîche et pieuse, comme Dieu, en se penchant vers nous, en entend au pied de l’autel.
Le nombre de Sévignés au petit pied que je connais est prodigieux… Mais, quand on dépasse ce niveau moyen de distinction que les femmes, en matière de lettres, atteignent certainement mieux que nous, et quand elles sont, sur ce point, nettement supérieures, alors ce sont des Sévigné tout à fait, ce sont des Ninon de l’Enclos, des marquise Du Deffand, des Eugénie de Guérin !
Saisset, qui du moins, lui, ne baise point les pieds du Christianisme pour le tirer par là, comme on tire à soi un cadavre dont on veut nettoyer le sol !
L’Histoire l’atteste à toutes ses pages ; les faits ont toujours plus ou moins foulé aux pieds toutes les philosophies politiques.
En dehors de ces deux vues politiques très connues, très discutées et encore très discutable », il ne voit plus rien, cet homme de politique sacrée, et c’est pour nous rapporter de telles choses, qui sont au pied de toutes les taupinières politiques de notre âge, qu’il est monté au Sinaï et qu’il en descend plus resplendissant de talent que de vérité !
Pour la première fois donc, il sortait de ce soupirail par lequel avaient passé tant de cris furieux ou sinistres une voix fraîche et pieuse, comme Dieu, en se penchant vers nous, en entend, au pied de l’autel.
Gérard de Nerval, comme Edgar Poe, aimait les livres singuliers, bizarres, biscornus même à force de bizarrerie, les livres qui troublent l’entendement plus qu’ils ne l’éclairent, et qu’une raison forte laissera toujours à ses pieds.
Maurice Bouchor a pu mettre le pied sur le tombeau de Faust, mais que ce soit pour s’élancer plus haut, — dans quelque conception hardie et nouvelle, qui nous prouve qu’il a poitrine d’aigle et qu’il peut respirer à l’aise dans un éther où personne n’a encore respiré !