Elles doivent se trouver encore dans ses papiers personnels, qui ont été conservés.
Il est permis de supposer que sa compréhension de tant de parties de la science auxquelles il était étranger par des recherches personnelles lui vint de la familiarité où il vécut dès ce temps avec M.
C’est toujours là qu’il faut en revenir, à savoir que la matière n’est rien et que tout dépend de la forme qu’un écrivain, un artiste, lui a donnée, en y appliquant son esprit et ses qualités personnelles. […] La poésie toute personnelle, la poésie où l’on se met soi-même, tout soi-même et rien que soi-même, voilà la poésie telle que la comprend Alfred de Musset. […] Cette poésie personnelle date du xixe siècle, elle est quelque chose de tout à fait nouveau. […] Voilà, contre la théorie de la poésie personnelle, la déclaration la plus vigoureuse, vous le voyez, qu’on puisse faire. […] Mais, ici encore, ce dont Leconte de Lisle veut nous entretenir, ce n’est pas de lui et de ses souffrances personnelles, mais c’est de la condition de l’humanité.
Rousseau reproche encore à Molière d’avoir donné à Alceste des colères personnelles, des colères égoïstes, où son intérêt personnel est engagé et oùAlceste n’a pas le détachement que doit avoir le vrai misanthrope, le misanthrope par philanthropie. « Le tort de Molière, dit-il, en très grand critique du reste, n’est pas d’avoir fait du misanthrope un homme colère et bilieux, mais de lui avoir donné des fureurs puériles sur des sujets qui ne devaient pas l’émouvoir… Ce caractère âpre et dur qui lui donne tant de fiel et d’aigreur dans l’occasion l’éloigne en même temps de tout chagrin puéril qui n’a nul fondement raisonnable et de tout intérêt personnel trop vif dont il ne doit nullement être susceptible. […] Il est si peu personnel que l’éloge qu’Arsinoé fait de lui l’irrite, malgré son orgueil qui n’est pas petit ; mais c’est un orgueil très sain et qui a peu de chose de commun avec la vanité. […] Je veux dire qu’il fallait que le misanthrope fût toujours furieux contre les vices publics et toujours tranquille sur les méchancetés personnelles dont il était la victime. […] Ceci est d’un honnête homme, très détaché de son intérêt personnel ou qui sait s’en détacher à la voix de la raison. […] Mais il ne faut pas toujours envisager les choses au point de vue personnel.
quelle pauvre part pour ma liberté personnelle, étouffée par toutes les libertés que les autres s’arrogent. […] C’est la confession d’une âme que nous entendons, et tout ceci a pour le poète un sens tout à fait personnel. […] Et voilà que je me surprends à chercher sous toutes les paroles qui sont sorties de sa bouche un sens strictement personnel. […] Tout homme isolé, — et un véritable artiste ne marche jamais en bande, — a besoin de protection et instinctivement il se crée un organe de défense personnelle. […] J’y étais venu sur une invitation générale du peintre, que je pouvais considérer un peu comme une invitation personnelle : et mon premier mouvement fut de m’en aller, aussitôt arrivé.
Je regretterai toujours, tout en respectant profondément les convictions personnelles de chacun de mes confrères, et en sachant très bien que l’Académie est et doit être un terrain neutre, que, dans ces cérémonies publiques, l’orateur, en restant lui-même, ne parvienne pas à se dégager assez des engagements de société (plus encore que de parti), pour avoir un mot de justice, je ne veux pas dire de reconnaissance, pour le pouvoir tutélaire qui sait d’ailleurs très bien s’en passer.
c’est une question qu’il devient même inutile de se poser, puisqu’il ne le pouvait certainement avec sa nature personnelle et avec la forme absolue de son génie.
« L’art de la chirurgie est personnel.
De potionem le peuple a fait poison et les savants potions ; le peuple fut plus ingénieux et plus personnel, étant ignorant.
Il continue à comprendre sous le titre d’Odes toute inspiration purement religieuse, toute étude purement antique, toute traduction d’un événement contemporain ou d’une impression personnelle.
Une seule chose est nécessaire : la force et l’originalité du sentiment personnel, et ce double don éclate en celui-ci comme en peu d’hommes. […] Tâchons de ne pas être plus obtus qu’un paysan ; car il s’agit, pour nous comme pour lui, d’affaires personnelles et graves. […] Il n’a rien à apprendre des courtiers d’élection ; il en sait plus qu’eux, et son opinion, fondée sur son expérience personnelle, est tenace. […] Après lui, avec l’aide de son livre, et aussi d’après mes impressions personnelles, je voudrais retracer cette physionomie originale, douce, fière et pensive. […] Partisans et adversaires du gouvernement, personnel et recrues de tous les partis, personnel de l’ordre et personnel de l’émeute, fidèles et clergé de diverses Églises, propriétaires et prolétaires, citadins et campagnards, nobles, bourgeois, ouvriers et paysans, administrateurs et administrés, il est tenu de se figurer l’état mental et moral de chacun de ces groupes, et de se le figurer exactement, non pas une fois pour toutes, mais en accommodant sa conception changeante aux changements graduels ou brusques que le temps et les événements introduisent dans son modèle.
Non seulement il admet, mais il veut que nous soyons plus personnels que cela, parce que c’est le seul moyen pour que nous soyons intéressants. […] De là va naître tout ce qu’on a appelé « la littérature personnelle ». […] — Mais au théâtre, me direz-vous, il n’y a pas de littérature personnelle. […] Et ainsi le drame bourgeois fait à la scène ce que la « littérature personnelle » commence à faire dans le livre. […] Une âme et une intelligence du dix-huitième siècle, unies à une imagination du dix-neuvième et à un don d’expression tout personnel, c’est Victor Hugo.
Les idées que nous avons essayé de résumer ne lui sont pas toutes personnelles, et plusieurs lui sont venues des livres qu’il a lus. […] Ici toute la nouveauté consiste en ce qu’on à rompu avec le personnel ordinaire des romans d’amour. […] Rien non plus qui trahisse l’émotion personnelle de l’écrivain. […] A-t-il contre eux des griefs personnels ? […] Ce n’était entre ces maisons d’à côté qu’âpre concurrence et querelles aussi personnelles que déloyales.
Seulement il est naturel que ce caractère personnel de l’idée varie avec une foule de circonstances. […] En même temps qu’il fait prospérer son industrie il étudie et complète de son mieux, par son travail personnel, une instruction très élémentaire, s’attachant surtout aux questions sociales. […] Le génie personnel est déjà assez fort pour troubler l’imitation et la routine, il ne l’est pas assez pour les dominer. […] En pareille matière, il serait téméraire d’attribuer à des observations personnelles une valeur générale. […] D’autre part son génie personnel l’entraîne à ne pas profiter de ce qu’il aurait pu trouver de bon dans les œuvres qu’il admirait.
J’avais le tort, sans doute, de généraliser une opinion personnelle. […] L’écornifleur n’a pas plus d’existence personnelle que l’écho ; il répète indifféremment toutes les voix, lorsqu’elles ont assez de force pour venir jusqu’à lui. […] Les lecteurs connaissaient les idées des deux écrivains ; on pouvait en chaque occasion faire le départ des opinions personnelles de l’auteur, et voir clair dans les faits auxquels il s’attachait. […] Son style, c’est un vocabulaire très personnel, c’est une économie originale des phrases, et puis encore une cadence inimitable dont s’enchantent les dévots du poète. […] Dès lors, si je ne vois plus bien les avantages de la narration personnelle, j’en distingue clairement les inconvénients.
Frappé de la valeur nationale que représentent chez nous les grandes écoles scientifiques, il entreprit une campagne d’emprise à la fois intellectuelle et personnelle sur la jeunesse de ces écoles. […] Il est à la fois très solitaire dans son existence personnelle, et très préoccupé des drames moraux qui peuvent se passer dans la conscience des hommes d’aujourd’hui. […] Mais dans sa vie personnelle, comme il s’appliquait à pratiquer tous les préceptes de ce Décalogue qui n’est que l’ordre d’un législateur souverain envers un sujet responsable ! […] Ce pragmatisme personnel ne lui suffisait pas. […] Guillaume II a beau multiplier les incidents personnels, même les plus lucides de ses subordonnés, et qui le jugent le plus sévèrement, lui obéissent en soldats.
Et puis les luttes personnelles ne lui conviennent pas. […] Si le vrai talent pouvait abdiquer à ce point sa propre nature, et laisser ainsi de côté son originalité personnelle, pour se transformer en autrui, il perdrait tout à jouer ce rôle de Sosie. […] La nuance qui les sépare sera facile à indiquer, si un homme d’esprit, auquel l’auteur de ce livre doit un remerciement personnel, nous permet de lui en emprunter la piquante distinction : l’autre poésie était descriptive, celle-ci serait pittoresque. […] On comprendra bientôt généralement que les écrivains doivent être jugés, non d’après les règles et les genres, choses qui sont hors de la nature et hors de l’art, mais d’après les principes immuables de cet art et les lois spéciales de leur organisation personnelle. […] On a pu remarquer que dans cette course un peu longue à travers tant de questions diverses, l’auteur s’est généralement abstenu d’étayer son opinion personnelle sur des textes, des citations, des autorités.
Il y a des mots abominables comme des fers rouges. qu’une langue soit enrichie de ces bains de force. » Ainsi ces mots abominables qui composent ‘le langage des charretiers ivrognes, du personnel des halles, des filles et des souteneurs constituent des bains de force où le français doit puiser une nouvelle puissance. […] Ici, l’impression personnelle n’est pas modifiée par le jugement collectif ; elle est solitaire, intime et d’autant plus profonde. […] Faire son devoir, c’est renoncer, pour la plupart du temps, à une satisfaction personnelle. […] Il nous dépeint la halle à toutes les heures, en toutes les saisons, dans ses dessus, dans ses dessous bâtiments, marchandises, personnel, public. […] En cela il a imité Balzac et il a assaisonné le tout avec quelques-unes de ses qualités personnelles seulement, il n’a rien découvert que l’auteur de la Comédie humaine n’ait signalé et développé avant lui.
Placé, par sa position sociale, à la hauteur de tout ce qui était élevé, par sa supériorité personnelle, au niveau de ce qui était grand, il pouvait, dans la même journée, toucher la main de MM. de Martignac, de Chateaubriandg, de Béranger, de Lamartine, de Casimir Delavigne, de Hugo, de de Vigny, de Scribe et de Talma, et toutes ces mains étaient ou honorées ou joyeuses de toucher la sienne. […] Je ne tiens de personne l’anecdote que je vais raconter ; elle m’est personnelle. […] J’honore l’ignorance, je respecte l’incapacité ; je comprends l’insouciance qui n’a pas demandé à l’éducation de réparer les torts de la nature : mais ce qui ne comporte pas de justification, ce qui est intolérable, c’est l’abus d’une autorité déléguée, la haine personnelle se substituant au devoir de l’administrateur, l’hostilité la plus ardente craignant de s’avouer et ne marchant à son but que par des détours. […] Lisez ceci : « Mon bon ami, si vous m’eussiez consulté plus tôt sûr les habitudes de la Revue de Paris, je vous eusse appris, par un exemple personnel, que ce journal pousse l’esprit d’impartialité beaucoup plus loin que vous ne le pensiez. […] Hugo a, sur l’histoire littéraire de l’antiquité, des idées tout à fait personnelles.
Le seul son de la voix de Guillaume portait dans l’âme la conviction ; la voie grêle et fêlée du savant masquait des pensées toutes personnelles. […] On sentait en lui un homme digne d’étudier les hommes ; on sentait, dans l’autre, un artiste capable de leur faire jouer les rôles légers, divers, personnels d’une existence à tiroirs. […] à l’occasion d’une supposition fondée sur ses relations personnelles, qui lui attribuait une opinion qui lui était étrangère, avec Arago faire une pénible expérience.
Le cours de morale est très bien fait ; il n’en est pas de même du cours de dogme : le professeur est nouveau, ce qui joint à l’importance majeure, et personnelle pour moi, des traités de la Religion et de l’Église, m’arrangerait fort mal, si je ne trouvais auprès de ces autres messieurs le moyen d’y suppléer. […] Mon initiation aux études allemandes me mettait ainsi dans la situation la plus fausse ; car, d’une part, elle me montrait l’impossibilité d’une exégèse sans concessions ; de l’autre, je voyais parfaitement que ces messieurs de Saint-Sulpice avaient raison de ne pas faire de concessions, puisqu’un seul aveu d’erreur ruine l’édifice de la vérité absolue et la ravale au rang des autorités humaines, où chacun fait son choix, selon son goût personnel. […] Loin de viser d’avance certains résultats, ces illustres penseurs voulaient que, dans la recherche de la vérité, on s’interdît d’avoir un désir, une tendance, un attachement personnel.
Après quelques idées et souvenirs personnels relatifs aux études mathématiques de l’empereur Napoléon : « Permettez-moi de terminer par un dernier aperçu philosophique, dit le prince. […] Les habitudes les plus futiles et les plus inutiles ont d’immenses racines dans le passé, et, quoique de prime abord il semble qu’il suffise d’un souffle pour les détruire, elles résistent souvent et aux convulsions des sociétés, et aux efforts d’un grand homme. » Cette opinion personnelle du prince, qu’on vient de voir si formellement exprimée, étant telle et si en accord avec celle de Franklin, il est plus facile encore d’apprécier la haute impartialité que le même prince devenu empereur, et pouvant tout, a apportée dans la solution pratique, et combien il s’est montré l’homme de son nouveau rôle et de sa destinée, publique, lorsque, dans l’œuvre de conciliation, il a laissé faire une si large part à l’opinion opposée.
Dans un admirable article sur les difficultés qu’il y aurait, pour plus d’un demi-siècle encore, à composer une véritable histoire de la Révolution française, parlant des Mémoires nombreux qui commençaient à paraître et dans lesquels chacun plaidait pour son parti et pour son saint et ne présentait que « la portion de vérité qui pouvait servir le mieux à noircir l’adversaire », l’éminent publiciste indiquait, à l’appui de sa pensée, les deux exemples le plus en vue : « Beaucoup de gens, disait-il, écrivent leurs Mémoires pour faire l’histoire personnelle de leurs talents, de leur mérite et de leur conduite. […] Dumont de Genève, dans ses Souvenirs sur la Révolution, a parlé d’elle très pertinemment aussi, avec bien de la discrétion et une incontestable justesse ; il regrettait de l’avoir moins connue qu’il ne l’aurait pu, et il nous en dit la raison : « Mme Roland, à tous les agréments personnels, joignait tout le mérite du caractère et de l’esprit.
L’acquittement honorable du cardinal qui avait eu d’elle une pareille idée diffamante, lui parut l’outrage personnel le plus sanglant. […] Mais au milieu de cette infirmité de vue politique qui n’allait pas à autre chose, en cas de succès, qu’à faire une contre-révolution plus ou moins clémente et mitigée, que de qualités personnelles, héroïques, charmantes et touchantes !
et tout historien, fût-ce même le plus régulier et le plus froid) « sujet à erreur », il ajoute : « Ces réserves faites, on ne peut méconnaître dans Saint-Simon une étude personnelle et persévérante des principaux personnages de la Cour de Louis XIV, et un talent merveilleux pour les peindre. » On ne peut méconnaître… mais véritablement quelle grâce on nous fait là ! […] Bazin en particulier, l’ont déjà faite au cardinal de Retz et à ses Mémoires si personnels, où lui, le coadjuteur, tient tant qu’il peut le premier rang.
Elle m’a bien répondu, et du ton de la persuasion, qu’elle en était bien sûre ; mais en même temps elle m’a montré évidemment que ses amis et sociétés lui tenaient lieu de tout. » Quoi qu’on puisse dire, de tels sentiments ainsi exprimés sont respectables, et on sera en droit désormais de conclure que l’abbé de Vermond, quels que fussent ses défauts personnels, valait mieux que la réputation qu’on lui a faite. […] Elle n’a certainement pas d’amour pour lui, et il serait difficile qu’elle en eût : mais, malgré cela, elle paraît sensible à sa complaisance et déférence pour elle, et ils sont, malgré la différence de leurs agréments personnels, de leurs caractères et de leurs goûts, aussi bien ensemble qu’on puisse le souhaiter.
Le prince de Clermont avait eu cette permission du pape Clément XII, qui avait jugé que l’état ecclésiastique devait être subordonné à celui de la guerre dans l’arrière-petit-fils du grand Condé. » Ce petit-fils eut là, en ces années, quelques éclairs, dignes de la gloire de son aïeul : par son intrépidité personnelle, il fit en toute rencontre honneur à son nom. […] Le même Rochambeau nous donne un détail que Valfons, tout occupé de ses affaires personnelles et de ses griefs, a négligé : « M. le comte de Clermont étant entré dans la ville et logé à l’évêché, l’évêque vint lui donner une alarme qui était très bien fondée.
Gautier, il m’était arrivé de rendre mon impression personnelle en ces termes : « Je viens de lire tous les détails relatifs à l’affaire de ce pauvre poëte Théophile et à son délit. […] Il flotte de Malherbe à Ronsard, il les associe, les confond l’un et l’autre dans ses hommages, tout en s’en éloignant ; il s’essaye en divers sens au gré de son humeur, de son inconstance ; sa théorie, si l’on peut employer un tel mot avec lui, est toute personnelle, tout individuelle : La règle me déplaît, j’écris confusément ; Jamais un bon esprit ne fait rien qu’aisément… J’approuve qu’un chacun suive en tout la nature ; Son empire est plaisant et sa loi n’est pas dure… Il développe encore cette idée avec une singulière vivacité dans l’épître à M.
Il n’y songea même pas ; il se contenta d’effleurer tout, en amateur, et de jeter en avant sur tout sujet ses vues personnelles, plus content d’en avoir à montrer que soucieux d’en vérifier la justesse. […] Pendant que Perrault se donnait ainsi carrière, Boileau grognait en a parte, lâchant de temps à autre une épigramme lourdement indignée, dont son adversaire souriait, ou cette fâcheuse ode sur la prise de Namur, qui pouvait faire douter s’il entendait rien à Pindare, et qui donna aux modernes la joie de le battre avec ses propres armes, ou bien ce Discours indigné sur l’ode, qui n’est qu’une diatribe personnelle contre la « bizarrerie » d’un homme insensible aux beautés dont tout le monde convient.
Jésus n’eut ni dogmes, ni système, mais une résolution personnelle fixe, qui, ayant dépassé en intensité toute autre volonté créée, dirige encore à l’heure qu’il est les destinées de l’humanité. […] Encore faut-il remarquer que l’auteur de ce dernier traité ne fait valoir qu’en seconde ligne le motif de rémunération personnelle.
Le Figaro l’abandonne, et lui ne s’indigne pas ; il comprend : « J’admets très bien, pour un journal, la nécessité de compter avec les habitudes et les passions de sa clientèle. » Quoi, même lorsqu’il s’agit de ce qui apparaît à tes yeux naïfs la grande bataille de ton siècle, tu admets qu’on sacrifie la justice à un intérêt personnel et que, s’étant jeté volontairement dans la lutte, on s’enfuie à la pensée du risque, abandonnant sans armes ses compagnons de combat. […] Vous n’aimez pas les brutalités, les haines personnelles, les proscriptions inutiles.
Non, il faut le reconnaître à son honneur, et ç’a été là une des causes de son importance personnelle, il est un ; la littérature, l’histoire elle-même, n’ont jamais été pour lui qu’un moyen, un instrument d’action, d’enseignement, d’influence. […] Dans cet arrangement plus ou moins philosophique qu’on lui prête, les déviations, les folies, les ambitions personnelles, les mille accidents bizarres qui la composent et dont ceux qui ont observé leur propre temps savent qu’elle est faite, tout cela disparaît, se néglige, et n’est jugé que peu digne d’entrer en ligne de compte.
Mais il faudrait, pour cela, se dépouiller de toute affectation personnelle, de toute prétention, et n’avoir point en partage une de ces imaginations impérieuses, toutes-puissantes, qui, bon gré mal gré, se substituent, dans bien des cas, à la sensibilité, au jugement, et même à la mémoire. […] Au lieu de retrouver, s’il se peut, et d’exposer simplement ses sensations et impressions d’autrefois, au lieu de les redresser même s’il le juge convenable, il y mêle tout ce qu’il a pu ramasser depuis, et cela fait un cliquetis d’érudition, de rapprochements historiques, de souvenirs personnels et de plaisanteries affectées, dont l’effet est trop souvent étrange quand il n’est pas faux.
Il y rend au mot vertu son sens magnifique et social : Le mot de vertu emporte l’idée de quelque chose d’estimable à l’égard de toute la terre… La préférence de l’intérêt général au personnel est la seule définition qui soit digne de la vertu, et qui doive en fixer l’idée. […] Son impartialité de vue l’élève au-dessus des souffrances partielles, même personnelles, et des accidents : « Si l’ordre domine après tout dans le genre humain, c’est une preuve, se dit-il, que la raison et la vertu y sont les plus fortes. » La vraie biographie de Vauvenargues, l’histoire de son âme est toute dans ses écrits ; c’est un plaisir de l’en dégager et de se dire avec certitude, en soulignant au crayon tel ou tel passage : Ici c’est bien lui qui parle, c’est de lui-même qu’il a voulu parler.