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275. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Ces masses rocheuses, d’un aspect sévère, sont animées seulement du vol des ramiers sauvages qui s’y sont retirés ; les chasseurs y arrivent rarement et avec assez de peine. » Voilà un beau cadre, nous dira-t-on, un cadre grandiose, et que Parny ne saura pas remplir ; car, s’il eut en lui du ramier, ce ne fut certes pas du ramier sauvage, et son vol ne s’éleva jamais si haut ; on peut douter que, dans sa paresse, il ait songé à gravir au delà des trois petits bassins. […] L’arbre y croît avec peine : et l’oiseau par ses chants N’a jamais égayé ce lieu triste et sauvage. […] On trouverait enfin dans les diverses critiques du temps la preuve qu’une foule d’expressions courantes et déjà usées, telles que les charmes arrondis, les plaisirs par centaine, les chaînes et les peines accouplées invariablement à la rime, et autres lieux communs érotiques, ne satisfaisaient pas les bons juges. […] Ravenel a pris la peine de relever, dans les Archives de l’Hôtel de Ville, ce nom exact de Parny tel qu’il résulte de l’acte de décès du 5 décembre 1814, et aussi de l’acte de mariage du neveu de Parny avec Mlle Contat. […] Non visité de toi, était-ce la peine de vivre ?

276. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

À sa mort, les passions ne désarment pas : on a peine à obtenir la permission de l’ensevelir. […] Je veux bien qu on ne porte pas à son compte l’athéisme scientifique, singulièrement grave et fort, de don Juan, quoique, malgré tout, on ait peine à concilier le choix de Sganarelle, comme défenseur de Dieu et de la religion, avec un respect sincère de ces choses. […] A peine fut-il mort, toutes les attaques, et les jalousies, et les réserves cessèrent ; il fut classé comme un génie inimitable et sans égal, et jamais peut-être réputation ne s’est soutenue aussi constamment que la sienne. […] 402 » Toute la pièce est écrite dans ce ton, avec une verve âpre et triste, en sorte que l’on a peine à rire dans cet enchevêtrement de friponneries, sans éclaircie et sans arrêt, où seuls un valet balourd, un marquis ivre et une revendeuse forte en bec représentent les honnêtes gens. […] Le 5 août 1667, représentation à Paris de l’Imposteur, où Tartufe est devenu Panulphe : le président de Lamoignon interdit la pièce après la Ire représentation : 2e placet, porté au camp de Flandre par deux comédiens ; ordonnance de l’archevêque Hardouin de Péréfixe qui défend de représenter, d’entendre, ou de lire la pièce sous peine d’excommunication.

277. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

… Voilà pourquoi, ô mon fils, je voudrais tant connaître la cause de la douleur qui afflige le brahmane, et soulager la peine de cette maison.” […] Ta fille, seule, est l’occasion de tes peines. […] « Dieu veuille, ajoute le naïf et laborieux traducteur, que je ne me sois pas bercé d’une vaine espérance ; et puisse l’estime de quelques amis sincères et passionnés des lettres me compenser ma peine ! […] La femme est la moitié de l’homme, elle est son ami le plus tendre : par sa voix douce et caressante, elle sait dissiper les ennuis de sa solitude ; elle est son consolateur dans les peines inséparables des sentiers de la vie ; et à la mort de son époux, avec quel dévouement ne se précipite-t-elle pas sur le bûcher funèbre, résolue à ne point s’en séparer et à partager à jamais son sort, quel qu’il soit ? […] elle doit être déjà assez fatiguée par la peine qu’elle a prise d’arroser ses plantes favorites.

278. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

Ils ont cherché quelques pailletes d’or dans ce tas d’ordures, & ce qu’ils en ont trouvé ne vaut pas la peine qu’ils se sont donnée. […] Ses peintures sont si vraies, quoique chargées quelquefois, qu’on y reconnoît sans peine les originaux de tous les pays. […] Elle semble prendre plaisir à augmenter ses peines, en envisageant tous ceux qui jouissent des biens qu’elle n’a plus. […] Jamais il ne chercha les fleurs dont il sema ses ouvrages ; elles se présenterent à lui, & il ne se donnoit pas même la peine de les arranger. […] Nous ne le nommerons point ; le public le devinera sans peine.

279. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

À Milan il visite Beccaria, célèbre par son livre philanthropique Des délits et des peines : mais Duclos ne donne pas à l’aveugle dans ces nouveautés qui, poussées trop loin, tendent à désarmer la société et à énerver la justice. […] Voici quelques-unes des idées et des réserves de Duclos au sujet du livre de Beccaria, et dont il s’ouvre de vive voix à l’auteur même : Après lui avoir fait compliment sur le caractère d’humanité qui l’avait inspiré, je ne lui dissimulai point que je n’étais pas de son sentiment sur la conclusion qui tend à proscrire la peine de mort pour quelque crime que ce puisse être. […] Je convins de la sévérité, à certains égards, de nos lois criminelles, telles que la question préparatoire ; mais j’ajoutai, et je pense que, sans proscrire aucun genre de mort, il n’y aurait, pour la réforme de notre Code criminel, qu’à fixer une gradation de peines comme une gradation de délits.

280. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

Il ne faut rien s’exagérer pourtant, et lorsque du détail d’une civilisation on ne sait guère que ce qu’en apprennent les fouilles, et que ces fouilles ont rendu aussi peu qu’elles l’ont fait jusqu’ici sur le sol de Carthage, on se trouve bien en peine, malgré les travaux des Beulé et des Falbe, pour tout remettre sur pied et pour tout restituer. […] A peine introduit dans l’assemblée, et après avoir remercié ses libérateurs, il souffle autour de lui le feu et l’esprit de rixe, en remarquant qu’on n’a pas donné aux Mercenaires pour le festin les coupes réservées à la légion sacrée : c’était une légion de jeunes patriciens. […] « C’est que chez nous, disait le Gaulois, lorsqu’une femme fait boire un soldat, elle lui offre par là même sa couche. » A peine la phrase est-elle finie que Narr’Havas, amoureux déjà et jaloux comme un tigre, bondit, et, tirant un javelot de sa ceinture, le lance contre Mâtho, dont il cloue le bras sur la table.

281. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

Je m’y suis démené comme un diable dans un bénitier, et j’ose dire que mes peines n’ont point été inutiles. […] Il exprimait volontiers, d’ailleurs, dans le particulier, sa peine de ne pouvoir venir quelquefois, et il témoignait en paroles combien cette privation lui coûtait. […] a de peine à passer sans secousse d’un règne moral à l’autre, et que ceux qui essayent d’établir des pentes insensibles, des transitions graduelles, sont les malvenus !

282. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

On a voulu blâmer l’auteur de Werther de supposer au héros de son roman une autre peine que celle de l’amour, de laisser voir dans son âme la vive douleur d’une humiliation, et le ressentiment profond contre l’orgueil des rangs, qui a causé cette humiliation ; c’est, selon moi, l’un des plus beaux traits de génie de l’ouvrage. […] Les peines de la nature peuvent laisser encore quelques ressources : il faut que la société jette ses poisons dans la blessure, pour que la raison soit tout à fait altérée, et que la mort devienne un besoin. […] Le vrai talent a peine à se reconnaître au milieu de cette foule innombrable de livres : il parvient à la fin, sans doute, à se distinguer ; mais le goût général se gâte de plus en plus par tant de lectures insipides, et les occupations littéraires elles-mêmes doivent finir par perdre de leur considération.

283. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

Des années de peines et d’efforts leur valent un jour, une heure de cet enivrement qui dérobe l’existence ; et le sentiment fait éprouver, pendant toute sa durée, une suite d’impressions aussi vives et plus pures que le couronnement de Voltaire, ou le triomphe d’Alexandre. […] Les affections qui forcent à s’agiter dans le malheur, accroissent la peine par chaque mouvement qu’on fait pour l’éviter. Les affections qui mêlent ensemble l’orgueil et la tendresse, sont les plus cruelles de toutes ; ce que vous éprouvez de sensible, affaiblit le ressort que vous trouveriez dans l’orgueil, et l’amertume qu’il inspire empoisonne la douceur que portent avec elles les peines du cœur, alors même qu’elles tuent.

284. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Cet homme de Schopenhauer, « qui n’aurait été conduit ni par son expérience personnelle, ni par des réflexions suffisamment profondes, jusqu’à reconnaître que la perpétuité des souffrances est l’essence même de la vie ; qui au contraire se plairait à vivre, qui dans la vie trouverait tout à souhait ; qui de sens rassis consentirait à voir durer sa vie telle qu’il l’a vue se dérouler, sans terme, on à la voir se répéter toujours ; un homme chez qui le goût de la vie serait assez fort pour lui faire trouver le marché bon, d’en payer les jouissances au prix de tant de fatigues et de peines dont elle est inséparable », cet homme-là ne se répandrait guère en chants lyriques ; et cet homme-là, c’est nous. […] Il est libre et ne peut être retenu… L’amour surtout n’a pas de mesure, et s’exalte dans une ardeur sans mesure… L’amour ne sent point le poids ni la peine, il veut plus que sa force, et n’allègue jamais l’impossibilité, et se croit tout possible et tout permis… L’amour veille ; en dormant même il veille… Celui qui aime, sait la force de ce mot — On ne vit point sans douleur dans l’amour. […] Aussi trouvent-ils sans peine — à la suite, du reste, de leurs maîtres — ce qu’on appellera par la suite pétrarquisme ou préciosité.

285. (1890) L’avenir de la science « XII »

Et ne dites pas que celui qui sera arrivé à ce résultat tout négatif aura perdu sa peine. Car, outre qu’il n’y a pas de recherche absolument stérile et qui n’amène directement ou par accident quelque découverte, il épargnera à d’autres les peines inutiles qu’il s’est données. […] Quand un résultat est acquis, on ne se figure pas ce qu’il a coûté de peine.

286. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

On voit sans peine qu’il n’y a là qu’une application hardie du darwinisme à l’avenir. […] En vain les peines fuient dans l’infini, tentent de se perdre au néant. […] L’imbécile qui a suivi sans peine est fier d’avoir compris de la « pensée » et de la « psychologie », et sa digestion n’a pas été troublée.

287. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

La Fontaine & quelques personnes de la même société s’imposoient pour peine d’en lire une certaine quantité, lorsqu’on avoit fait une faute contre le langage. […] que la peine est légère ! […] Boursault ne voulut pas que sa peine fut perdue.

288. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — II »

Pour l’amour noble, idéal, comme pour la poésie, il n’y a que deux âges, jeunesse et vieillesse ; dans l’intervalle, quand l’amour profond et passionné existe, il faut qu’il se cache et se garde des témoins ; il intéresse malaisément un tiers ; il se complique de mille petitesses et misères du corps et de l’âme, d’obésité, d’ambition : on a peine à y croire, on ne peut l’admirer. […] Nous trouvons cette sorte d’amour énergiquement exprimée dans une pièce de vers inédits adressée à un jeune homme qui se plaignait d’avoir passé l’âge d’aimer : Va, si tu veux aimer, tu n’as point passé l’âge ; Si le calme te pèse, espère encore l’orage ; Ton printemps fut trop doux, attends les mois d’été ; Vienne, vienne l’ardeur de la virilité, Et, sans plus t’exhaler en pleurs imaginaires, Sous des torrents de feu, au milieu des tonnerres, Le cœur par tous les points saignant, tu sentiras, Au seuil de la beauté, sous ses pieds, dans ses bras, Tout ce qu’avait d’heureux ton indolente peine Au prix de cet excès de la souffrance humaine ; Car l’amour vrai, tardif, qui mûrit en son temps, Vois-tu, n’est pas semblable à celui de vingt ans, Que jette la jeunesse en sa première sève, Au blondi duvet, vermeil et doré comme un rêve ; C’est un amour profond, amer, désespéré, C’est le dernier, l’unique ; on dit moins, j’en mourrai ; On en meurt ; — un amour armé de jalousie, Consumant tout, honneur et gloire et poésie ; Sans douceurs et sans miel, capable de poison, Et pour toute la vie égarant la raison.

289. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Grosclaude. »

Mais ces bouffonneries me paraissent d’une si excellente qualité et d’une invention si spéciale, que je ne croirais pas avoir entièrement perdu ma peine si je parvenais à les définir et à les caractériser avec quelque précision. […] Les raisons que j’ai essayé de démêler n’expliquent pas, en somme, la joie bizarre que me donne l’énorme et placide déraison de ces facéties ; et peut-être aurez-vous beaucoup de peine à comprendre mon admiration et à me la pardonner, et y soupçonnerez-vous quelque gageure… Mais non, il n’y en a point… Je relis l’interview que Grosclaude est allé prendre à la plus ancienne locomotive de France, à l’occasion du cinquantenaire des chemins, de fer, et je n’y résiste pas plus qu’à la première lecture.

290. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIX » pp. 319-329

Est-il possible que M. et madame de La Fayette ne s’en payent pas et qu’ils aient peine à croire que j’aie supplanté mon amie ? […] Le 20 juin, naquit le comte de Vexin : ce fut un accroissement de peines pour la gouvernante que la mort de madame la duchesse venait de soulager.

291. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 18, reflexions sur les avantages et sur les inconveniens qui resultoient de la déclamation composée des anciens » pp. 309-323

Despreaux en daigna parler, et notre scene a même conservé quelques vestiges ou quelques restes de cette declamation qu’on auroit pû écrire si l’on avoit eu des caracteres propres à le faire, tant il est vrai que le bon se fait remarquer sans peine dans toutes les productions dont on peut juger par sentiment, et qu’on ne l’oublie pas, quoiqu’on n’ait point pensé à le retenir. […] Il ne s’ensuit pas même qu’ils continuassent à le blamer, s’ils s’étoient donné une fois la peine de reflechir sur ses avantages et sur ses inconveniens pour les compenser.

292. (1762) Réflexions sur l’ode

Le philosophe de son côté, tout philosophe qu’on l’accuse d’être, reconnaîtra sans peine, que ce n’est pas assez, surtout en vers, de penser et de sentir ; l’expression en est l’âme indispensable, On la veut choisie, et pourtant naturelle ; harmonieuse, et pourtant facile. […] Un sentiment confus semble nous dire, qu’il ne faut pas mettre à exprimer les choses plus de peine et de soin qu’elles ne valent ; et que ce qui paraîtrait commun en prose, ne mérite pas l’appareil de la versification.

293. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVI. Mme de Saman »

Même dissolues, il fallait qu’elles fussent hypocrites, — qu’elles rendissent ce dernier hommage à la vertu qu’elles n’avaient pas, sous peine d’être chassées immédiatement, par l’opinion, de tout honnête milieu social. […] Elle ne put jamais débusquer Adam Smith de la tête de son singulier amant pour s’y établir à sa place, et c’est là aussi la première peine que lui infligea ce prélat qui ne connaissait pas la volupté, dit-elle, mais qui, sans volupté, lui fit un enfant.

294. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

À Rebours est l’histoire d’une âme en peine qui raconte ses impuissances de vivre, même à rebours ! […] Et dites si des imaginations aussi pauvres valaient la peine d’être si absurdes.

295. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVII. De l’éloquence au temps de Dioclétien. Des orateurs des Gaules. Panégyriques en l’honneur de Maximien et de Constance Chlore. »

Je ne parle pas de vingt autres causes qui la préparèrent ; mais je remarque que dès le premier siècle, la grandeur de l’empire, une puissance qui n’était limitée par rien, des fantaisies qui n’avaient de bornes que la puissance, des trésors qu’on ne pouvait parvenir à épuiser, même en abusant de tout, firent naître dans les princes je ne sais quel désir de l’extraordinaire qui fut une maladie de l’esprit autant que de l’âme, et qui voulait franchir en tout les bornes de la nature ; de là cette foule de figures colossales consacrées aux empereurs, la manie de Caligula de faire enlever de toutes les statues des dieux leur tête, pour y placer la sienne ; le palais d’or de Néron, où il avait englouti un quart de Rome, une partie des richesses du monde, et des campagnes, des forêts et des lacs ; la statue d’Adrien élevée sur un char attelé de quatre chevaux, et qui faite pour être placée au sommet d’un édifice, était d’une grandeur que nous avons peine à concevoir ; sa maison de campagne, dont les ruines seules aujourd’hui occupent dans leur circonférence plus de dix milles d’Italie, et où il avait fait imiter les situations, les bâtiments et les lieux les plus célèbres de l’univers ; enfin le palais de Dioclétien à Spalatro en Illyrie, édifice immense partagé par quatre rues, et dont chaque côté avait sept cents pieds de long. […] On s’étonne qu’après avoir goûté la douceur et les charmes du repos, il veuille bien se donner encore la peine de commander ; et l’on finit par prier sa divinité de vouloir bien, du faîte où elle est placée, veiller sur l’univers, et de sa tête céleste faire quelques signes, pour marquer aux choses humaines le cours de leur destinée.

296. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Les traductions d’Ampère sont des à peu près ; on a de la peine à y reconnaître le génie du Nord, comme on a de la peine à saisir le génie hébraïque dans la traduction latine de la Vulgate. […] Reconnaissons toutefois qu’Ampère en cela a porté la peine de sa négligence. […] Il obtint sans peine une mission du ministre de l’instruction publique, M.  […] Après elle, et quand elle lui manqua, il erra quelque temps comme une âme en peine avant de savoir où se fixer. […] Écrivez-moi donc, ou venez me dire deux mots aujourd’hui à la Chambre… » J’avoue avoir peine encore aujourd’hui à comprendre la question que M. 

297. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Et l’homme seul, en proie aux peines qu’il endure, De l’ordre général serait-il excepté ? […] Le besoin de dévouement et d’expansion, la pitié née des peines ressenties, la prévenance et la sollicitude à soulager, s’il se peut, les douleurs de tous et de chacun, comment dirai-je ? […] L’esprit mâle et sérieux de Mme de Staël avait peine à digérer surtout cette façon moqueuse, mesquine, marotique, de tout ramener à un vers du Mondain. […] On se donne beaucoup de peine, en écrivant, pour faire ce qu’ils nomment des négligences de style. […] Avec un esprit si supérieur, n’allez-vous pas quelquefois au fond de tout, c’est-à-dire jusqu’à la peine ? 

298. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Les digues y sont fortes, ils ont peine à s’y frayer leur voie, ils entrent plus tardivement qu’ailleurs, mais néanmoins ils entrent. […] … avoir une chance… Cela me fait peine de songer à ce trou noir là-bas, ne serait-ce que pour l’amour de vous1169 ! » On voit qu’il parle au diable comme à un camarade malheureux, mauvais coucheur, mais tombé dans la peine. […] Je suis un si pauvre pigeon que je ne vaux pas la peine qu’on me plume. » Il était horriblement maigre, ne dormait plus et ne pouvait plus se tenir sur ses jambes. « Quant à ma personne, je suis tranquille ; mais la pauvre veuve de Burns, et une demi-douzaine de ses chers petits ! […] Avec un courage et une probité admirables, il refusa toute grâce, n’accepta que du temps, se mit à l’œuvre le jour même, écrivit infatigablement, paya en quatre ans soixante-dix mille livres, épuisa son cerveau jusqu’à devenir paralytique et mourut à la peine.

299. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

j’ai mérité mes peines ! […] Le Tasse s’enivra de cette liberté, de ce respect et de ce bien-être si différents des chaînes, des hontes, des peines d’esprit et de corps qu’il venait de supporter pendant six ans de captivité. […] cette sœur, son unique refuge sur la terre, était destinée à mourir avant lui de ses propres peines. […] « Elle dit en pleurant : Arbres confidents de mes peines, conservez l’histoire de mes douleurs ! […] « J’ai retrouvé ici », écrit-il, « toutes mes peines, mais non mes amis ; je n’ai pas même de quoi acquitter les droits de douane pour mes livres et mes hardes ; j’ai grand besoin de six écus, et je vous conjure de me les prêter.

300. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

« On s’étonnera peut-être que je compare l’exil à la mort ; mais de grands hommes de l’antiquité et des temps modernes ont succombé à cette peine. […] Dans tous les codes des lois, le bannissement perpétuel est considéré comme une des peines les plus sévères ; et le caprice d’un homme inflige en France, en se jouant, ce que des juges consciencieux n’imposent qu’à regret aux criminels ! […] Ce livre terminé, elle obtint avec peine l’autorisation de se rapprocher de quarante lieues de Paris pour en surveiller l’impression. […] Mathieu de Montmorency et madame Récamier, deux cœurs tentés par le péril quand il fallait avouer ou consoler l’amitié, bravèrent cet ordre et subirent la peine de leur courageuse générosité. […] La poésie lyrique ne raconte rien, ne s’astreint en rien à la succession des temps, ni aux limites des lieux ; elle plane sur les pays et sur les siècles ; elle donne de la durée à ce moment sublime pendant lequel l’homme s’élève au-dessus des peines et des plaisirs de la vie.

301. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Le personnage de Leicester, même avec les adoucissements que l’auteur français y apportait, eut peine d’abord à se faire accepter. […] Lebrun n’eut pas de peine à se faire entendre, lorsque, protestant contre toute allusion misérable, il se retrancha dans la vérité de l’histoire et des mœurs qu’il voulait peindre. […] Son article est intitulé : Peine, critique. érudition perdues. […] On le croira avec peine, tout notre bonheur se réduisit à manger des cerises ensemble. » 81. […] Marie Stuart, énumérant tous les malheurs qui l’ont assaillie dès le berceau, y dit ces deux vers touchants : Comme si dès ce temps la fortune inhumaine Eût voulu m’allaiter de tristesse et de peine.

302. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

Ils oublient pour un temps les peines qu’ils ont souffertes ; ils se livrent à la joie de voir de belles prairies, de vertes forêts, et de goûter à l’ombre des rochers un sommeil qui n’est point agité par le mouvement des flots. […] Je n’aurai à l’avenir ni peine ni joie que vous ne les partagiez. […] Les hommes ne valent pas la peine d’être gouvernés. […] Necker alors banquier, elle ne me fit pas l’honneur de me répondre, ce qui me fit de la peine. […] Véritablement je suis surpris que vous qui êtes si exact, ayez négligé de me donner avis de l’acquit d’une dette dont j’étais depuis si longtemps en peine.

303. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Plus d’une fois elle a porté la peine de son zèle et de ses pieux excès : après s’être dévouée à soigner des familles entières dans une épidémie de fièvre typhoïde qui sévit dans la contrée en 1839, elle tomba malade elle-même et faillit succomber : D’autres fois, après avoir surmonté toutes ses nausées auprès de certains malades, après avoir fait l’impossible en constance, en patience, en refoulement de toutes les délicatesses, la nature à la fin se révolte et se revanche ; il y a un lendemain ; et le devoir accompli, le malade soigné, le mort enseveli, la courageuse infirmière est demeurée des huit jours entiers le cœur soulevé, rassasié, sans pouvoir prendre presque aucune nourriture : elle a eu le contrecoup de son dévouement. […] Honneur à ces types modestes, laborieux et solides, à ces hommes de devoir, de vertu, d’abnégation, à ces chevilles ouvrières de toute bonne et forte organisation sociale, sergents dans l’armée, contremaîtres dans l’industrie, sur qui pèsent et roulent le labeur et la peine de chaque jour, et qui, dans des relations de chaque heure avec l’élément populaire individuel, font respecter en eux l’autorité dont ils occupent le moindre grade, mais dont certes ils ne remplissent pas le moins courageux office ! […] Mais la somme nécessaire, indispensable, dont il est en peine, il la trouve enfin ; il la dépasse aussitôt, il fait faire dans le bâtiment les réparations et Appropriations convenables, en vue d’y établir un pensionnat, un orphelinat et un ouvroir pour les jeunes filles, trop exposées dans les fabriques horlogères et autres dont le pays est couvert. […] En France, dans le pays de la sociabilité, il est tout simple, je le répète, que la plus aimable, la plus bienfaisante des vertus soit couronnée ; mais la vertu, sous ses formes réelles, elle est à chaque pas ; elle échappe aux couronnes, de même qu’elle se rencontre à qui la cherche, à qui sait l’observer, virile, courageuse, terrestre, travailleuse, contribuant à la civilisation et à la richesse générale, à la sueur de son front et par ses peines ; s’appliquant à tout, vaillante au progrès, servant la société dans l’humilité, la docilité et le silence, parfois aussi dans la lutte et le combat ; — oui, parfois (si l’on se transporte dans l’ordre de la pensée et des idées), sachant et osant protester contre la société même, lui résister en face, et résignée dès lors à tous les sacrifices, à toutes les privations et aux ignominies peut-être, en vue de la vérité.

304. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Il me reste à vous supplier de prendre sur vous mes vifs remerciements et mon respectueux refus ; c’est à votre adorable bonté que j’ai dû la distinction d’un homme illustre qui m’ignorait, et c’est à vous, madame, que mon âme demeure éternellement acquise. » Dans cette même lettre toutefois, sachant les démarches de Mme Récamier pour lui faire obtenir une pension régulière par l’entremise du vicomte de La Rochefoucauld, Mme Valmore ajoutait : « Je vous la devrai, madame, et avec joie, si quelque jour on accorde à votre demande ce dont vous ne me jugez pas indigne ; je voudrais avoir bien du talent pour justifier votre protection qui m’honore, et pour mériter l’encouragement vraiment littéraire que vous entrevoyez dans l’avenir ; je serai contente alors de l’obtenir de vous, et je n’aurai ni assez d’orgueil ni assez d’humilité pour m’y soustraire… » Mais lorsque cette petite pension fut obtenue, — une pension au nom du roi, — ce fut de la part de l’humble et généreux poète un sentiment de peine et de résistance morale à l’aller toucher. […] Elle avait un principe trop justifié par l’expérience, qu’il n’y a que les pauvres et les souffrants pour se confier leurs peines les uns aux autres, pour s’entraider et se secourir entre eux. […] mon bon Félix, quand nous n’en pouvons plus du fardeau de nos peines, n’oublions pas que sa bonté ne nous a pas tout à fait abandonnés et qu’enfin nous sommes ses enfants. […] Si une punition triste et éternelle suivait une vie si orageuse et si amère, mon âme éclaterait de douleur. » Son âme aimante, encore plus que son bon sens, se refusait à cette idée d’une éternité de peines. — Quelques mois après la publication de ces articles, M. 

305. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Pour le comprendre, l’esprit du spectateur découvre sans peine et monte avec une sorte d’orgueil paisible l’échelle d’idées par laquelle a passé le génie de l’artiste. […] Son propre cœur lui expliquait celui de Phèdre ; et si l’on suppose, comme il est assez vraisemblable, que ce qui le retenait malgré lui au théâtre était quelque attache amoureuse dont il avait peine à se dépouiller, la ressemblance devient plus intime et peut aider à faire comprendre tout ce qu’il a mis en cette circonstance de déchirant, de réellement senti et de plus particulier qu’à l’ordinaire dans les combats de cette passion. […] Toutefois, malgré la parenté des religions et la communauté de certaines croyances, il y a dans le judaïsme un élément à part, intime, primitif, oriental, qu’il importe de saisir et de mettre en saillie, sous peine d’être pâle et infidèle, même avec un air d’exactitude : et cet élément radical, si bien compris de Bossuet dans sa Politique sacrée, de M. de Maistre en tous ses écrits, et du peintre anglais Martin dans son art, n’était guère accessible au poëte doux et tendre qui ne voyait l’ancien Testament qu’à travers le nouveau, et n’avait pour guide vers Samuel que saint Paul. […] Si les esprits supérieurs, les génies à pic, ne prêtent pas pied à divers degrés aux esprits inférieurs, ils en portent un peu la peine, et ne distinguent pas eux-mêmes les différences d’élévation entre ces esprits estimables, qu’ils voient d’en haut tous confondus dans la plaine au même niveau de terre.

306. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Ce petit chef-d’œuvre échappé en un jour de bonheur à l’abbé Prévost, et sans plus de peine assurément que les innombrables épisodes, à demi réels, à demi inventés, dont il a semé ses écrits, soutient à jamais son nom au-dessus du flux des années, et le classe de pair, en lieu sûr, à côté de l’élite des écrivains et des inventeurs. […] Qu’on a de peine, mon cher frère, à reprendre un peu de vigueur quand on s’est fait une habitude de sa foiblesse ; et qu’il en coûte à combattre pour la victoire, quand on a trouvé longtemps de la douceur à se laisser vaincre !  […] » Malgré les démonstrations du doyen, les passions de tous ces jolis couples allaient toujours et se compliquaient follement ; l’aimable Rose, dans sa logique de cœur, ne soutenait pas moins à son frère Patrice qu’en dépit du sort qui le séparait de son amante, ils étaient, lui et elle, dignes d’envie, et que des peines causées par la fidélité et la tendresse méritaient le nom du plus charmant bonheur. […] Il ne craint pas même à l’occasion (générosité que l’on aura peine à croire) de citer avantageusement, par leur nom, les journaux ses confrères, le Mercure de France et le Verdun.

307. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

Il traversa l’Allemagne, on sait avec quelles aventures héroï-comiques : arrêté à Francfort, il eut de la peine à se tirer des mains d’un agent prussien qui réclamait un volume de poésies du roi son maître. […] Au reste, l’activité scientifique de Voltaire ne fut qu’un court épisode dans sa vie ; et l’ascendant de Mme du Châtelet fut pour beaucoup dans la peine qu’il prit de vulgariser Newton. […] Vers le même temps, Voltaire donnait Nanine (1749) : le public y applaudissait, dans la mésalliance généreuse d’un seigneur, une satire des privilèges sociaux, une apologie de l’égalité naturelle et du mérite personnel ; mais il n’y a vraiment rien là de bien méchant, et ce n’est pas la peine d’être Voltaire pour faire Nanine. […] Ainsi établi dans sa forme définitive, il n’eut pas de peine à prendre place en 1756 dans l’Essai sur l’Histoire générale, et sur les mœurs et l’esprit des nations depuis Charlemagne jusqu’à nos jours.

308. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

A peine mentionne-t-il les Gracques dans une courte et indifférente réflexion sur la lutte où ils succombèrent. […] Je croirais plutôt qu’il a pris plus de peine pour manquer de méthode que pour en avoir. […] Montesquieu connaissait son lecteur ; il lui avait appris tout le premier à chercher dans les livres le plaisir sans la peine. […] Plus d’une réflexion courte mais profonde, qui semble comme échappée à une conviction habituelle, une éloquente réfutation du paradoxe de Bayle qui prétend qu’un État formé de véritables chrétiens ne pourrait subsister, le dogme des peines éternelles presque justifié par la théorie des crimes inexpiables, tout cela est d’un homme qui a eu tout au moins une vue supérieure du christianisme.

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