On avait tout d’abord parlé de Mémoires, mais dans ces Souvenirs il n’y a guère qu’une dizaine de pages ébauchées de ces Mémoires projetés par Madame Récamier, et que cette main charmante, qui n’aimait pas à écrire, et qui avait bien raison, n’écrivit jamais. […] dont tous les Mémoires ont parlé comme d’un phénomène, et qui, comme une étoile, est presque restée un mystère, quel magique appeau pour la curiosité publique ! […] Il fallait montrer que parmi ces Souvenirs, le plus grand de tous, c’était, à qui ose parler pour elle, le souvenir qu’elle a dû laisser ! […] Pour ceux qui avaient du génie, car elle a été aimée à tous les degrés de l’intelligence, elle fut la Muse, la Muse dont le silence écoute et allume l’éloquence, sur les lèvres qui parlent, avec l’attention du regard. […] J’ai déjà parlé de cette Correspondance dont on a dû ne nous donner que la partie insignifiante, je veux le croire au moins pour l’honneur des gens qui l’ont signée.
On ne parlait que de son génie, de ses projets, de son ambition ; on se taisait sur ses vertus. […] Elle lui parla, en peu de mots, de sa condition passée et de ses besoins présents. […] La nature seule parle et agit. […] Paul y parlait souvent des travaux du jour et de ceux du lendemain. […] Il faut penser comme les autres, sous peine d’être déshonoré. « Que me parlez vous de modération !
Chaque fois que j’ai parlé ici des « lois », il faut toujours entendre : la jurisprudence. […] L’écrivain qu’on mutilait ainsi parlait, dans une de ses lettres, de ses professeurs de collège. […] C’est ce qui en fait le prix pour les curieux, sans parler des admirateurs adonnés au culte des reliques. […] Certains parlent de moi, chétif, avec tant de haine qu’ils me feraient sans doute l’honneur de me brûler vif, si c’était encore la mode. […] Ils parlent sans cesse de tour d’ivoire.
L’homme qui parle ainsi n’a sans doute jamais injurié ni calomnié personne ; il n’a jamais souillé sa plume par des satires grossières et cyniques. […] C’est une grande pitié d’entendre un bel-esprit parler de ce qu’il ne connaît pas ! […] Il retombe ensuite dans ses préjugés et son charlatanisme ; ce n’est plus l’ami de Richelieu qui parle, c’est l’orfèvre, M. […] Ou a beaucoup parlé de liberté ; son nom a fait beaucoup de mal, et personne ne peut la définir. […] Pourquoi l’homme qui a si bien approfondi l’histoire romaine, parle-t-il ici en petit écolier ignorant ?
Je ne parle pas du talent qui s’y déploie. […] J’ai parlé de martelage. […] Et qu’on ne parle pas de régénération par l’épreuve. […] ni qu’on le surprenne à s’écouter parler. […] Il parle, je ne sais où, de la fougue du sang malouin.
Quand nous disons pleines de philosophie, nous ne prétendons pas parler de cette philosophie bizarre, qui eût peut-être accrédité cet Ouvrage chez les esprits frivoles, & en eût fait pardonner les défauts en faveur de la hardiesse des sentimens & de l’enflure du style ; nous parlons de cette philosophie qui tend à éclairer les hommes, & à les garantir de l’illusion.
Elle me parlait donc et de mon père et d’elle ; Et ce qu’aimait surtout sa mémoire fidèle, C’était de me conter leurs destins entraînés Loin du bourg paternel où tous deux étaient nés. […] parlez-moi de ces temps oubliés. […] n’avais-je pas ouï dire (c’est l’un des bergers qui parle) que depuis l’endroit où les collines commencent à s’incliner en douce pente, jusqu’au bord de la rivière et jusqu’à ces vieux hêtres dont le faîte est rompu, votre Ménalque, grâce à la beauté de ses chansons, avait su conserver tout ce domaine ? […] Que ce soit Mélibée ou Énée qui parle, le même accent se retrouve, la même note douloureuse : “Vous m’ordonnez donc, ô reine ! […] « Tout cela est deviné à ravir et de poète à poète : mais l’amour-propre en souffrance et les passions non satisfaites me semblent des conjectures très hasardées : parlons seulement de l’âme délicate et sensible de Virgile et de ses malheurs de jeunesse.
Et il me semble, à vous parler franchement, qu’il ne me reste presque plus que vous. […] Je veux parler de son goût pour la campagne, autre fruit de ses solitudes forcées de veuve. […] C’est que, l’année précédente, il avait parlé, à propos de l’évolution du genre dramatique, de ces mêmes comédies, qui pourtant sont à peine du théâtre. […] Il parle toujours contre quelqu’un. […] Depuis dix ans, M. de Vogüé nous parle, presque sans interruption, du malaise de nos âmes.
Il était donc bon d’en parler. […] Seul en France, peut-être, Granier de Cassagnac, dont la voix porte quand il parle, pouvait dire de ces choses qui n’auraient été perdues pour personne et qu’on eût entendues au-dessus et au-dessous de lui. […] Il a été successivement pour et contre la réforme parlementaire ; il a parlé successivement pour et contre la puissance maritime de la France. […] Livre curieux, aussi inattendu que curieux, l’Histoire des Origines de la langue française n’est pas tout à fait de mon département, mais il m’est impossible de n’en pas parler. […] Eh bien, ce sont ces facultés inépuisables et présentes jusqu’à la mort, dont je parlerai !
Il existe d’autres grands esprits, dont j’ai parlé ou je parlerai un autre jour. […] Cela l’ennuie, à parler franc, parce qu’il n’y comprend pas grand’chose. […] D’autres en parlent avec assurance, qui ne le connaissent pas davantage. […] On a parlé de patriotisme. […] On ne parle que notre langue.
et il faut que je parle leur langue ! […] En 1775, il écrivait à M. de Sacy, auteur de l’Esclavage des Américains et des nègres : « Vous faites parler un nègre comme j’aurais voulu faire parler Zamore. […] Où est donc ce peuple efféminé [par les arts d’une civilisation trop fine] dont tu parles tant ? […] En république le pouvoir central est nommé, indirectement ou directement, parle peuple. […] I). — Mais ceci est le langage d’un libéral, langage qu’il est arrivé à Auguste Comte de parler quelquefois.
J’ai des enfants, parlez-moi d’eux. J’ai une femme, parlez-moi d’elle. […] La foule a couru vers cet homme, parce qu’il lui parlait d’elle, de ses misères secrètes ou publiques. […] Que lui parlez-vous de théories sur l’histologie ? […] On employait ce terme, il y a cinquante ans ; on a parlé ensuite de grande névrose ; on parle aujourd’hui de pessimisme et de nihilisme.
Je parlais tout à l’heure des contradictions de Villiers de l’Isle-Adam. […] Il parle peu. […] Et encore, est-ce bien son cœur qui parle ? […] Il trouve pour lui parler des accents tout simples, qui vont parfois jusqu’au balbutiement enfantin. […] Et il parlait encore, lorsqu’il fut foudroyé, le bras droit arraché, le flanc gauche ouvert.
Il parle comme eût parlé le Cid. […] On en parle à ses amis. […] Si nous parlions un peu des étrangères ? […] On en parlera longtemps à l’ambassade. […] On a parlé de lui en Sorbonne.
Elles montent plus haut… Je tâche d’y monter… » On aura remarqué la manière dont elle parle de Mme Tastu, avec quel sentiment pénétré, quel respect pour ses qualités régulières et pour ce mérite de femme qui a eu dans sa jeunesse quelques notes poétiques si justes et si pures. […] Je monte et je finis comme je peux une existence où je parle bien plus souvent à Dieu qu’au monde. […] « Le guérisseur n’ouït plus parler de lui et dit : La reconnaissance, où est-elle ? […] Parlez, demandez grâce. — Vous ne savez pas ce que ce sang-là coûterait. […] En parler est au-dessus de mes forces.
M. de Chateaubriand avait déjà parlé dans des notes, dans des préfaces, çà et là, de cette époque antérieure ; mais les détails épars ne se liaient pas et laissaient champ aux incertitudes. […] Le scepticisme de l’Essai n’a rien de frivole ; c’est un désenchantement amer, une douleur de ne pas croire ; c’est le souffle de cette bise sombre dont tout à l’heure il a été parlé. […] quand je m’échappe quelquefois à parler du factice inévitable des rôles humains ; quand j’ai l’air de me plaire à la pure réalité, ce n’est pas que je me dissimule les misères et les petitesses de celle-ci, ce n’est pas que je méconnaisse le mérite et la force des entreprises. […] Les impressions sérieuses de la religion agissent cependant ; on le relève du vœu que sa nourrice avait fait pour lui, et le prêtre qui l’exhorte lui parle de ses ancêtres, et de Palestine et de pèlerinage. […] Mais dans les pages dont nous parlons, cette veine heureuse circule et joue au naturel ; elle fertilise dans le talent de M. de Chateaubriand des portions encore inconnues.
M. de Genoude, lui ayant parlé à Paris de mon admiration pour son talent, lui inspira le désir de me connaître ; un matin, la conversation étant tombée entre eux sur la poésie, à propos des Psaumes, Genoude se prit à lui réciter une Méditation, de moi, sur le même sujet, que je venais de lui adresser à lui-même à propos de sa traduction. […] Mais le feu de ses yeux et l’ardeur de son soliloque quand il parlait, et il parlait presque toujours sans écouter les réponses, fixaient sur lui tous les regards. […] L’abbé de Lamennais parla dans le sens contraire, ainsi que M. de Bonald et M. de Genoude. […] « Tranquillisez-vous, dis-je aux conservateurs qui m’en parlaient, je connais l’ouvrage, je l’ai eu dans mon secrétaire. […] Parlons maintenant de M. de Genoude.
Ainsi parlait Baudelaire dans un sonnet intitulé : Correspondances. […] Cependant voilà longtemps déjà qu’en Angleterre une école célèbre cherche dans les mots une musique, des couleurs et des parfums, et je ne vois pas qu’on parle de décadence anglaise. […] Je ne parle pas de Rutebœuf, que je n’ai guère pratiqué. […] Voltaire, pour parler comme Pascal, n’avait pas le temps d’être court. […] Quant à Rutebœuf, souffrez que je m’étonne de votre indifférence : « Je ne parle pas de Rutebœuf, dites-vous, que je n’ai guère pratiqué. » Il me semblait cependant que le « doux trouvère » avait droit à l’estime de tout bon poète.
Est-il besoin de parler de l’utilité d’une telle étude ? […] Je veux parler de cette passion exclusive, un peu sauvage, qui préfère le pays à tout, et au pays le lieu même de la naissance, le premier horizon que l’écrivain a vu de ses premiers regards. […] Elle ne veut être bornée ni à l’individu qui s’en sert, ni au pays qui la parle. […] Faut-il parler de la défiance que doit avoir l’écrivain de cette demi-clarté trompeuse, qui peut lui suffire, mais qui laisse le lecteur dans les ténèbres ? […] S’il n’est que savant, il répétera froidement et sans effet ce qui a été mieux dit par d’autres ; s’il n’est qu’inspiré, il risquera de parler dans une langue qui ne sera comprise que de lui.
Tous chantent ou pleurent autour d’Étéocle, lui seul parle et lui seul raisonne. […] Lui-même déclare qu’il ne doit parler « que quand il le faut et selon le temps ». […] M’as-tu entendu, ou ai-je parlé à une sourde ? […] L’Oracle leur parlait pendant leur sommeil, sous la forme d’un songe propice ou funeste. […] La femme grecque fut le coryphée de cette longue file de pleureuses : on la voit, dès les plus hauts âges, chargée de gémir pour tous sur les morts, de leur parler et de les prier, de leur montrer la pince vide qu’ils laissent au foyer de ceux qui survivent.
Il dit : Je t’établis pour être la lumière des nations ; ainsi parle l’Eternel à celui qu’on méprise. » On peut dire de la haute pensée philosophique et morale ce que Victor Hugo a dit de la nature même : elle mêle Toujours un peu d’ivresse au lait de sa mamelle. […] Ainsi le divin Fils parlait au divin Père. […] Mais l’accompagnement parle d’un autre ton. […] Nous ne pouvons sortir de la réalité, ni nous satisfaire avec elle : « Dieu parle, il faut qu’on lui réponde ; » la vérité nous adresse ainsi un grand appel, destiné à n’être jamais ni complètement entendu, ni tout à fait trahi. […] Répondez, cieux et mer, et vous terre, parlez.
Or Rome n’a pas jusqu’ici fait un pas dans cette voie d’accommodement raisonnable, et tant qu’elle n’a point parlé, ou plutôt tant qu’elle parle dans le sens contraire, les plus nobles paroles des plus nobles esprits sont absolument non avenues : aucun d’eux n’a mission pour traiter au nom de l’Église. […] D’un côté c’est Dieu qui parle, et de l’autre c’est l’homme ; mais on ne voit pas que la question est précisément de savoir si c’est Dieu qui parle, et, toute grâce surnaturelle mise à part, la croyance que c’est Dieu qui parle est fondée sur des raisons, c’est-à-dire sur des opinions, qui ont exactement le même caractère de certitude relative que les opinions philosophiques. […] Il nous parle énergiquement et éloquemment en faveur du christianisme ; mais de quel christianisme s’agit-il ? […] Guizot nous parle de la supériorité du christianisme sur la philosophie, on se demande donc naturellement : de quel christianisme est-il question ? […] Elle l’est aujourd’hui entièrement, et l’œuvre de réconciliation dont nous parlons ici est plus éloignée que jamais.
Ce Jésuite a écrit la vie des saints Patriarches à peu près comme on raconte les aventures de nos Marquis, & ces hommes respectables y parlent d’amour comme nos petits maîtres. […] L’auteur du Journal encyclopédique en rendant compte de cet ouvrage, en parle comme d’un livre bien fait, dont les articles ont été choisis avec goût. […] Il parle de la résurrection d’un nommé Lisan, qui s’étoit pendu parce qu’il avoit perdu un procès qu’il avoit avec son frere. […] Héliot en parle avec assez d’étendue ; mais son ouvrage ne vous dispensera point de lire l’Histoire des Chevaliers de St. […] L’Abbé de Vertot avoit tout ce qu’il lui falloit sur le siége de Rhodes dans l’histoire de Malthe que Bofio avoit écrite avant lui : histoire dont il parle avec éloge dans sa préface.
Ils se racontent leurs exploits ; ils parlent de leur chef, de la liberté qu’il leur accorde, des récompenses qu’il leur prodigue. […] Mais en France, où l’on ne perd jamais le public de vue, en France, où l’on ne parle, n’écrit et n’agit que pour les autres, les accessoires pourraient bien devenir le principal. […] J’ai cru devoir observer les règles de notre théâtre, même dans un ouvrage destiné à faire connaître le théâtre allemand, et j’ai supprimé beaucoup de petits incidents de la nature de ceux dont j’ai parlé ci-dessus. […] Les retranchements dont je viens de parler, une foule d’autres dont l’indication serait trop longue, plusieurs additions qui m’ont semblé nécessaires, font que l’ouvrage que je présente au public n’est nullement une traduction. […] Les édifices modernes se taisent, mais les ruines parlent.
J’ai parlé un peu légèrement de Dandolo, le Vénitien patriote dont la douleur éloquente émut à un certain jour Bonaparte ; j’ai emprunté les termes mêmes dont le maréchal Marmont s’était servi à son égard. […] II, p. 233) : « Dandolo, homme d’un caractère vif, chaud, enthousiaste pour la liberté, fort honnête homme, avocat des plus distingués, se mit à la tête de toutes les affaires de la ville… » Son fils, le comte Tullio Dandolo, lui-même écrivain très connu, possède des lettres de Bonaparte, dans lesquelles le premier Consul parle à son père d’« affection » et de l’« estime la plus vraie ».
Parlons plus correctement, car le mot mission enveloppe une idée de finalité. […] Esclaves — ce mot revient sans cesse, quand on parle de ce vice. […] Nous parlions du service universel auquel Renan se montrait, ce jour-là, fort opposé. […] Cela se parle. […] Que parlé-je de les sous-estimer ?
Dans tout ce que j’ai lu de histoire littéraire et morale du xviie siècle, je n’ai rencontré d’autres paroles attribuées à madame de Rambouillet que celles-ci : « Les esprits doux, et amateurs des belles lettres, ne trouvent jamais leur compte à la campagne26. » Aucune biographie, même la plus riche eu noms inconnus et dignes de l’être, n’a trouvé de quoi faire un article de qu’être lignes sur cette femme dont la maison fut si célèbre : preuve incontestable qu’elle n’a jamais fait parler d’elle. […] « Vous prétendez, madame, que le nous parle de cette autorité inhérente à la personne, distincte de celle qui naît du pouvoir donné par la république, et que je vous en dis quelque chose qui n’ait jamais été dite. […] Tyron avait fait un recueil des bons mots de Cicéron ; et un ancien grammairien parle de deux livres de Tacite, qui avaient pour titre Les Facéties. » Le troisième discours de Balzac à la marquise de Rambouillet est intitulé de la Gloire. […] En tout temps, il vaut mieux, dans le monde, parler des mots que des personnes.
Le livre d’Esther parle d’un festin donné par Assuérus — le Xerxès d’Hérodote — à ses commensaux, qui dura sept jours et sept nuits. […] Elle parlait une langue si mélodieuse et si lumineuse que tout autre idiome auprès d’elle paraissait un jargon grossier. […] C’est de là que parlent les faveurs subites et les disgrâces foudroyantes, les révolutions de palais et les déclarations de guerre. — « Tu es terrible comme une armée rangée en bataille ! […] Thémistocle fit voter la mort du profanateur. — On a déchiffré récemment un papyrus d’Herculanum soutenant cette thèse : « Que les dieux parlent grec. »
Pour faire passer ses idées, & pour engager les jeunes gens dans la route qu’il étoit tout glorieux de leur tracer, il ne parla d’abord de mettre en prose que les pièces de théâtre. […] Ecrire en prose, c’est parler, c’est marcher ; écrire en vers, c’est chanter, c’est danser. » On a comparé la poësie sans versification aux desseins de Le Brun, qui ne sont point coloriés. […] Il parla de l’effet que firent, sur l’ame d’Auguste, les vers de Virgile, touchant la mort de Marcellus. […] Il se consoloit de l’idée d’être aveugle & infirme, par celle de faire parler de lui & d’avoir beaucoup de partisans.
La parole écrite a été une première matérialisation de la pensée, car l’écriture hiéroglyphique avait laissé à la pensée humaine toute son énergie primitive et toute son élasticité, si l’on peut parler ainsi ; mais l’imprimerie a achevé la matérialisation. […] Le jury tel qu’il est, sans parler même de sa composition arbitraire, n’a pas assez de latitude morale ; il est trop circonscrit dans les limites du fait matériel, et trop astreint, par conséquent, à l’imployable rigidité de la lettre. La nécessité d’admettre, tôt ou tard, la coopération du jury dans les jugements sur les délits de la presse amènera nécessairement aussi les modifications dont je parle ; car, dans ces sortes de délits, il est évident qu’on ne pourra renfermer la conscience d’un jury dans les limites du fait. […] L’opinion est donc devenue cette force morale modifiante et extensible dont nous parlions tout à l’heure, et qui est destinée à remplacer la parole traditionnelle.
L’auteur de Coppet et Weymar est la même personne qui publiait, il y a trois ans, une correspondance de Mme Récamier, dont nous n’avons point à parler ici, et cette personne, on la connaît, malgré sa voilette. […] C’est, sans doute, pour cette raison que Mme Le Normand, la nièce de Mme Récamier, s’est crue un peu la nièce de Mme de Staël, et qu’elle l’a traitée identiquement comme sa tante, en publiant une correspondance dont nous parlions au chapitre précédent, qui déshonorerait Mme de Staël comme femme d’esprit, si nous n’avions pas ses livres. […] Et je ne parle pas des faits — des faits oubliés — de la liaison avec Talleyrand, par exemple, des discussions avec Lewis, de l’intimité avec les Grey, et surtout du séjour de Byron à Coppet ; mais y est-elle saisie dans sa nature, surprise à travers les idées reçues, plus ou moins injustes sur elle ? […] Elle est allée chercher Mme de Staël sous toutes les plumes qui ont parlé d’elle.
ces frères siamois de la littérature — comme on les appelle déjà — sont aussi les neveux siamois de l’auteur du Solitaire (ils tiennent par le mauvais côté à d’Arlincourt comme parle bon à Jules Janin) ; supposez donc qu’ils se résolvent à parler simplement et virilement cette belle langue française que nous devrions tous respecter comme la parole de notre mère, et qui semble, sous leur plume, contracter quelquefois l’accent des Incroyables du temps de Garat (serait-ce pour se faire mieux accepter comme les Alcibiades de l’histoire ?) […] Des mémoires dont nous avons déjà parlé, les Mémoires de la Baronne d’Oberkirch 15, tant d’autres oubliés dans la chiffonnière de nos grand’mères et de nos tantes, ne laissent sur ce point aucun doute. […] Assurément, s’ils avaient eu conscience de leur œuvre, s’ils l’avaient appelée du nom modeste qu’elle devait porter, nous n’eussions pas parlé si longtemps d’une production agréable à lire, mais sans valeur forte et déterminée.
Victor Hugo, qui nécessairement, avec le nom de son auteur, devait faire explosion, mais qui l’a faite comme un canon crevant par la culasse, la poudre du talent n’a pas parlé. […] Taine a parlé de Carlyle avec une passion qu’il n’a plus au même degré quand il parle de Mill et qu’il expose les idées froides (j’allais presque dire les humeurs froides) de ce matérialiste froid. […] Taine, dans sa notice, a traduit des morceaux de Carlyle d’une grande beauté et d’une grande bizarrerie, et comme il a le génie de la traduction en toutes choses, il n’a pas traduit que la lettre de certains passages, il a traduit, pour ainsi parler, l’homme tout entier dans l’originalité de son esprit et des opérations de son esprit.
Quoique Corne mette, avec l’insolence moderne, pour laquelle il n’est pas fait, le nom de Platon avant le nom de Jésus-Christ, quand il en parle, cependant rien ne nous fait croire qu’il soit l’ennemi raisonné du Christianisme. […] Quand madame d’Alonville, qui a de l’esprit et qui aime à faufiler de la tapisserie de caractères, nous a parlé de la bienveillance, de l’égoïsme, de l’orgueil, de la vanité, du devoir d’être de son temps, de la grâce d’être jeune, de l’avantage d’être timide (quand on a vingt ans), de la susceptibilité, du loisir contraire à l’ordre de la nature, de l’esprit de conversation, de la réprobation de l’épigramme, des horreurs du jeu, de la Bourse (enfin !) […] La mère de son livre, en effet, cette mère qui n’est pas une philosophe, mais une chrétienne à la manière des gens du monde, ne parle — le croira-t-on ? […] Corne a tout dit quand il nous a parlé de la vie sociale sans nous montrer en quoi elle consiste, et du monde, cette notion aplatie entre les deux tempes d’une tête de femme ; car le monde, c’est six mille ans de tradition, d’influences et d’Histoire que nous portons tous plus ou moins sur notre pensée, — c’est cent cinquante générations d’un milliard chaque, et non pas le xixe siècle tout court, et à Paris !