Une chose me frappe avant tout dans cette dernière mesure, à la différence d’autres mesures libérales plus ou moins analogues qui l’avaient précédée : c’est que celle-ci était nécessaire. […] Je dirai même qu’il y a peut-être plus de mérite à faire à temps un acte politique nécessaire qu’à en risquer parfois de généreux, mais d’intempestifs, je veux dire qui n’étaient ni attendus, ni préparés, ni concertés, qui étonnaient même ceux-là tous les premiers qu’on chargeait ensuite de l’exécution : il en résultait que ministres et Chambre s’y prêtaient d’assez mauvaise grâce et à contre-cœur. […] A le prendre ainsi, et vu l’urgence, vu la prorogation du Corps législatif, qui a pu être nécessaire, mais qui est survenue irrégulièrement et qui a choqué et interloqué ce Corps, vu bien d’autres circonstances que chacun sent assez sans qu’on les dise, il me semblait que le Sénat aurait pu procéder plus vite, motiver son empressement même par la condition fâcheuse qui était faite au Corps législatif, resté en l’air et en suspens, se mettre dès le premier jour avec ce Corps dans des relations d’égards et de bons procédés et, en vérité, quand je vois les modifications apportées au sénatus-consulte après une discussion si laborieuse, je trouve qu’il eût été mieux de l’accepter et de l’acclamer sous sa première forme.
Sans doute pour entourer son expérience de plus de couleur locale — car le déplacement n’était pas nécessaire pour se procurer la « fumée brune » — il alla passer deux ans en Extrême-Orient. […] La vision disparue, le poète chercha longtemps quel pouvait en être le point de départ, cet élément de réalité nécessaire à toutes les pseudo créations du haschisch. […] L’on ne saurait reprocher à Zola de n’avoir pas couronné la documentation nécessaire à l’Assommoir — et en particulier à la scène magistrale de delirium qui la clôt — par une personnelle expérience d’éthylisme suraigu.
L’orgueil, ou la paresse, la défiance, ou l’aveuglement, naissent de la possession continue de la puissance ; cette situation où la modération est aussi nécessaire que l’esprit de conquête, exige une réunion presque impossible ; et l’âme qui se fatigue ou s’inquiète, s’enivre ou s’épouvante, perd la force nécessaire pour se maintenir. […] Quel que soit le parti qu’on ait embrassé, la faction est démagogue dans son essence, elle est composée d’hommes qui ne veulent pas obéir, qui se sentent nécessaires, et ne se croient point liés à ceux qui les commandent ; elle est composée d’hommes prêts à choisir de nouveaux chefs chaque jour, parce qu’il n’est question que de leur intérêt, et non d’une subordination antérieure, naturelle ou politique : il importe plus aux chefs de n’être pas suspects à leurs soldats, que redoutables à leurs ennemis.
C’est ce qui fait dire à Virgile, en parlant du bonheur inestimable d’un heureux loisir que goûte un philosophe solitaire : « Il n’est point dans la nécessité de compatir à la misère d’un vertueux indigent, ou de porter envie au riche coupable. » La crainte et la pitié sont les passions les plus dangereuses, comme elles sont les plus communes : car, si l’une, et par conséquent l’autre, à cause de leur liaison, glace éternellement les hommes, il n’y a plus lieu à la fermeté d’âme nécessaire pour supporter les malheurs inévitables de la vie, et pour survivre à leur impression trop souvent réitérée. […] Toutefois, comme cette ressemblance ne saurait être toujours si parfaite, qu’elle n’admette quelque différence en faveur des beautés de l’art, l’art même, pour ménager ces beautés, peut faire illusion au spectateur, et lui montrer avec succès une action dont la durée exige huit ou dix heures, quoique le spectacle n’en emploie que deux ou trois : c’est que l’impatience du spectateur, qui aime à voir la suite d’une action intéressante, lui aide à se tromper lui-même, et à supposer que le temps nécessaire s’est écoulé, ou que ce qui exigeait un temps considérable s’est pu faire en moins de temps. […] Pour l’amour, puisque c’est un mal nécessaire, il serait à souhaiter que les pièces de Corneille ne l’inspirassent aux spectateurs que tel qu’elles le représentent.
Comte, il est vrai, ne l’a pas jugée suffisante ; il a trouvé nécessaire de la compléter par ce qu’il nomme la méthode historique ; mais la cause en est dans sa conception particulière des lois sociologiques. […] En effet, pour qu’elle soit démonstrative, il n’est pas nécessaire que toutes les variations différentes de celles que l’on compare aient été rigoureusement exclues. […] Mais, avec une telle méthode, on est exposé à prendre pour la marche régulière et nécessaire du progrès ce qui est l’effet d’une tout autre cause.
Étant nécessaires, ils sont puissants. […] Brunetière, il devient, par contagion sans doute, à demi doctrinaire et il lui fait cette concession énorme : « Il y a des règles nécessaires dont la violation empêche une œuvre de valoir tout son prix. » Des règles nécessaires ! […] Lemaître de me pardonner cette invasion nécessaire dans les mystères de sa conscience. […] Faute de ces nuances nécessaires, ses jugements deviennent aussi outrés que tranchants. […] Ce n’est que le nécessaire et nous aimons bien mieux le superflu.
À l’égard des animaux ou des plantes à sexes séparés, il est de toute évidence, sauf le cas si curieux et encore si peu connu de la parthénogénèse, que la coopération de deux individus est toujours nécessaire à l’acte de la fécondation. […] Les visites des Abeilles sont si nécessaires à beaucoup de fleurs Papilionacées, que de nombreuses expériences ont montré que leur fécondité diminue considérablement quand ces visites sont empêchées. […] Il n’est pas douteux qu’une pareille adaptation n’ait son utilité ; mais l’action des insectes est souvent nécessaire pour déterminer la déhiscence des anthères ou le déroulement de leurs filets. […] D’après ma théorie, l’existence permanente d’organismes inférieurs n’offre aucune de ces difficultés ; car la sélection naturelle n’implique aucune loi nécessaire et universelle de développement et de progrès. […] Pouchet ; nous voulons seulement dire qu’elles n’ont aucun lien nécessaire avec les théories de M.
Nous entendons simplement par ce mot que tels effets sont possibles, futurs, prochains, nécessaires à telles conditions. Nous entendons simplement, dans le cas présent, que telles sensations sont possibles, futures, prochaines, nécessaires à telles conditions. […] Au fond de la conception affirmative, par laquelle, après avoir passé et appuyé ma main sur cette table, je conçois et j’affirme un corps indépendant et permanent, il n’y a rien que la conception affirmative de sensations musculaires et tactiles analogues, ces sensations étant conçues et affirmées comme possibles pour tout être semblable à moi qui serait à portée, comme futures, prochaines, certaines et nécessaires pour tout être semblable à moi qui passerait et appuierait de la même façon la main ou tout autre organe. […] Elles deviennent nécessaires quand toutes les conditions, plus la condition manquante, sont données ; et ici la possibilité devient nécessité par l’addition de la condition dernière. […] Tous ces matériaux sont des images de sensations possibles sous telles conditions, et nécessaires sous les mêmes conditions, plus une complémentaire.
Ces bruits n’ont pas le moindre fondement ; jamais ce travail ne fut plus cher à mon esprit, et, j’ajoute, plus nécessaire à mon existence. […] Cet appui, que vous m’avez généreusement prêté depuis trois ans, je ne le mendie pas, je le désire ; je le provoque même, parce qu’il est nécessaire à d’autres que moi. […] Mais, ce qui ne sera peut-être pas au goût de toute l’Europe, il prétend que les hommes ont trop de besoins et trop peu de force pour que le superflu des uns ne soit pas le nécessaire des autres ; en conséquence il peint le luxe des couleurs les plus odieuses, le montre partout comme l’écueil du bonheur public, et affecte de prouver, par les événements, que la décadence des mœurs, qui en est la suite nécessaire, a entraîné celle des deux dynasties Hia et Chang. […] L’aîné des fils que j’avais eus de l’impératrice me parut avoir toutes les qualités naturelles et acquises qui sont nécessaires pour bien régner. […] Quant à la manière dont chaque article est traité, il est inutile d’avertir que les plus importants et les plus nécessaires sont traités plus au long ; mais la règle générale, c’est de diviser chacun en cinq, six, sept et même huit chapitres ou sections.
L’ordre des représentations est donc nécessaire dans un cas, contingent dans l’autre ; et c’est cette nécessité que l’hypostasie, en quelque sorte, quand je parle de l’existence des objets en dehors de toute conscience. […] Mais ces deux conditions admettent des degrés, et on conçoit que, nécessaires l’une et l’autre, elles soient inégalement remplies. […] Notre vie psychologique passée, tout entière, conditionne notre état présent, sans le déterminer d’une manière nécessaire ; tout entière aussi elle se révèle dans notre caractère, quoique aucun des états passés ne se manifeste dans le caractère explicitement. […] Sur ce fond de généralité ou de ressemblance sa mémoire pourra faire valoir les contrastes d’où naîtront les différenciations ; il distinguera alors un paysage d’un autre paysage, un champ d’un autre champ ; mais c’est là, nous le répétons, le superflu de la perception et non pas le nécessaire. […] Il n’est pas nécessaire ici de suivre l’intelligence dans le détail de cette construction.
On ne saurait réduire leur égale et diverse perfection à un « canon » unique et nécessaire. […] Toutes deux sont également complètes, définitives, nécessaires. […] De quelle logique ingéniosité, de quelles nécessaires trouvailles, il déborde sans cesse. […] S’il leur emprunte deux ou trois sujets, il est nécessaire qu’il les complique. […] jeu d’allitérations ; un luxe pour suppléer au nécessaire qu’on exile !
Mais, si l’art en général est nécessaire, il n’est point nécessaire que tel artiste ait existé, que telle ou telle œuvre ait été faite. […] À tous les hommes généralement un idéal est nécessaire. […] Ici, pourtant, une distinction est nécessaire. […] La sagesse est de le comprendre, d’accepter comme juste et comme bon ce qui est nécessaire, et il n’y a rien de plus nécessaire que la destruction en masse des formes, des idées, des créatures et des créations individuelles, périssant pour renaître et se métamorphoser indéfiniment. […] Qu’il était nécessaire que la comédie atteignît à ce moment son apogée ?
Pour revenir aux peintures religieuses, dites-moi si vous vîtes jamais mieux exprimée la solennité nécessaire de la Mise au tombeau. […] Les gerbes sont empilées ; la moisson nécessaire est faite et l’ouvrage est sans doute fini, car le clairon jette au milieu des airs un rappel retentissant. […] Voilà ce qu’elle me dit aujourd’hui, cette vilaine âme, qui n’est pas une hallucination : « En vérité, les poëtes sont de singuliers fous de prétendre que l’imagination soit nécessaire dans toutes les fonctions de l’art. […] Le second, qui est un fort bon peintre, a de plus toutes les qualités littéraires et tout l’esprit nécessaire pour représenter dignement des comédiennes. […] Qui peut douter qu’une puissante imagination ne soit nécessaire pour remplir un si magnifique programme ?
Ainsi notre combat est une victoire, et la plus belle que nous puissions remporter, puisqu’elle assure la subsistance du peuple… » Ce n’était une victoire que dans ce sens-là : autrement la défaite, bien que des plus disputées, était trop réelle ; mais il s’agissait de maintenir le moral de la nation à la hauteur nécessaire. — Dans la Réponse qu’il fit à la dénonciation venue de Brest en mai 1795, et où on l’accusait d’en avoir imposé à la France dans son Rapport sur le combat du 13 prairial, Jean-Bon n’opposait sur ce point que deux mots dignes et nets qui sentent l’homme vrai, sûr de lui-même ; on ne devrait pas omettre non plus cette partie de la Réponse dans les pièces du procès. — Le petit recueil que nous réclamons, avec un résumé sensé et simple, sans exagération ni faveur, aurait pour avantage, toutes dépositions entendues, de clore le débat sur une question déjà bien avancée ; le fait de la glorieuse bataille du 1er juin et de la part honorable qu’y prit Jean-Bon se présenterait désormais aussi entouré d’explications et aussi appuyé de témoignages qu’un fait de guerre peut l’être32. […] Il est rare, et heureusement il n’est pas nécessaire qu’il faille tant de préparations et d’épreuves pour devenir un bon préfet. […] L’exécution de ces grands travaux est aussi nécessaire à l’intérêt de mes peuples qu’à ma propre satisfaction… Les fonds ne manquent pas ; mais il me semble que tout cela marche lentement, et cependant les années se passent. […] Je supplie Votre Excellence de me donner d’ailleurs vos instructions sur la question de savoir jusqu’à quel point ma présence dans la place sera nécessaire.
Il n’a pas usé non plus des reconnaissances ; il a fait parfois revenir des gens qu’on croyait morts comme Sévère dans Polyeucte : mais l’espèce de reconnaissance de Sévère et de Pauline pose le problème psychologique de la pièce, elle est nécessaire, naturelle ; elle produit des évolutions de sentiments, non des ricochets d’intrigue. […] Corneille a toujours cru que les sujets d’invention pure ne convenaient pas à la tragédie, et de là vient ce mot, qu’on a si souvent mal compris et incriminé : « Les grands sujets doivent toujours aller au-delà du vraisemblable. » Ce qui veut dire, non pas du tout que l’invraisemblance est de règle, mais que la vérité matérielle, historique des faits, est nécessaire. Et elle est nécessaire pour la vraisemblance : j’admets plus aisément qu’une femme tue ses enfants, un frère sa sœur, un père sa fille, quand cette femme s’appelle Médée, ce frère Horace, ce père Agamemnon. […] De là cette si vraie et originale composition d’Horace et de Camille : le frère et la sœur, natures pareilles, également brutales, féroces et fanatiques, mais appliquant différemment leurs amours identiques d’essence ; l’homme idolâtre de sa patrie, la femme idolâtre d’un homme ; et de cette différence, profondement vraie, va sortir le choc des deux âmes, dont le meurtre de Camille sera la résultante nécessaire.
Chapitre X Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. […] Ce nouveau genre de pédantisme a été poussé si loin qu’un livre, comme le Dictionnaire néologique étoit en quelque sorte nécessaire dans ce siécle. […] Une connoissance peut-être plus nécessaire que celle des étymologies, est celle du vieux langage françois. […] ouvrage utile aux Légistes, Notaires, Archivistes, Généalogistes, &c. propre à donner une idée du génie, des mœurs & de la tournure d’esprit des auteurs de chaque siécle ; & absolument nécessaire pour l’intelligence des loix d’Angleterre, publiées en françois depuis Guillaume le conquérant jusqu’à Edouard III.
Toutefois demandons-nous s’il n’y a pas, entre ces deux idées, une parenté nécessaire. […] On n’y trouve point l’usage de compter les voix pour déterminer la majorité : preuve qu’il n’est pas juste de dire que dans ces réunions « chacun compte pour un et ne compte que pour un ». — Mais enfin, dans les sociétés très primitives, les fonctions nécessaires à l’existence commune ne sont pas encore réservées à une certaine classe ? — C’est que les fonctions n’y sont pas encore différenciées, et que tout le monde remplit à peu près les mêmes ; au moment où elles se différencient, on les voit le plus communément devenir la propriété de castes. — En un mot s’il est possible de définir dès maintenant le trait auquel on reconnaîtra qu’une société est primitive, ce sera justement l’absence de cette idée de la valeur propre à l’individu qui nous a paru si nécessaire à la constitution de l’égalitarisme. […] L’Empire romain, qui avait pu les révéler au monde, n’avait plus la force nécessaire pour les réaliser dans les masses, sans doute trop nombreuses et trop hétérogènes, qu’il avait rassemblées sous sa loi.
On peut observer une marche à peu près pareille depuis Auguste jusqu’aux Antonins, avec cette différence cependant, que les empereurs qui ont régné pendant ce temps, ayant été des monstres abominables, l’empire n’a pu se soutenir, l’esprit général a dû se dégrader, et un très petit nombre d’hommes ont conservé la force d’esprit nécessaire pour se livrer aux études philosophiques et littéraires. […] Peut-être que les dangers qui menaçaient alors tous les hommes distingués étaient trop imminents pour leur laisser le loisir nécessaire à de tels travaux ; peut-être aussi les Romains avaient-ils conservé trop d’indignation républicaine pour pouvoir distraire entièrement leur attention de la destinée de leur pays.
Depuis des siècles de siècles, il fait la bête parce qu’il veut faire uniquement l’ange ; son poids le roule dans l’ordure parce qu’il oublie son poids et croit naïvement se libérer de la brute qui est une partie nécessaire de lui-même. […] Du moins, je parle franchement, oubliant que ma parole est payée et que peut-être, à cause de ma franchise, on refusera de m’écouter et de me donner le nécessaire.
On ajoute que l’édifice étroit que l’art a agrandi finit par être conçu tel qu’il est ; au lieu que le grand édifice que l’art et ses proportions ont réduit à une apparence ordinaire et commune, finit par être conçu grand, le prestige défavorable des proportions s’évanouissant par la comparaison nécessaire du spectateur avec quelques-unes des parties de l’édifice. […] La figure sera sublime, non pas quand j’y remarquerai l’exactitude des proportions, mais quand j’y verrai tout au contraire un système de difformités bien liées et bien nécessaires.
Les rapports qu’elle pose, s’ils sont objectifs, sont nécessaires ; c’est-à-dire que les termes dont ils sont formés s’impliquent logiquement, et la raison peut trouver le pourquoi de cette implication. […] Elle ne peut que nous faire mieux comprendre les préceptes que nous suivons machinalement ou nous aider à les modifier en connaissance de cause, quand il y a lieu, et que des changements sont devenus nécessaires.
Les qualités que Balzac prête à Louis XIII sont celles qu’on eût voulu voir dans ce prince, pour que Richelieu fut moins nécessaire. […] « Il choisit le plus triste et le plus ingrat de tous les lieux » : où donc les embellissements étaient-ils plus nécessaires ? […] La majesté royale remplit ces vastes galeries, et il semble que l’impression s’en fasse encore sentir dans celles des parties de ce prodigieux édifice qu’il n’a pas été nécessaire de transformer pour les conserver. […] Œuvre nécessaire, surtout dans la nation littéraire par excellence, où, de toutes les grandes affaires, les plus grandes sont celles de l’esprit. […] et qu’il ait jugé nécessaire de s’en défendre dans une lettre à Mme de Maintenon.
— Les organiser sous une autre forme, dût-elle être provisoire, est nécessaire. […] Tous les hommes ont cru cet acte de foi nécessaire et l’ont religieusement accompli. […] » Peut-être n’était-il pas nécessaire, pour revenir là, d’aller si loin. […] Les lois sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses ; donc, qui trouverait la nature des choses, et non point la nature des choses de tel peuple ou tel pays, mais celle de tout l’univers, sans aller plus loin, trouverait du même coup les lois nécessaires, et non point les lois nécessaires à tel peuple pour qu’il dure un peu plus qu’il ne durerait sans elles, mais les lois nécessaires à tous les hommes de toutes les latitudes et de tous les climats. […] Dieu crée le monde, soit ; toutes les énergies qui lui sont nécessaires, il les lui donne.
Goethe cependant l’avait précédé de bien des années ; mais Goethe, dans une vie plus calme, se fit une religion de l’art, et l’auteur de Werther et de Faust, devenu un demi-dieu pour l’Allemagne, honoré des faveurs des princes, visité par les philosophes, encensé par les poètes, par les musiciens, par les peintres, par tout le monde, disparut pour laisser voir un grand artiste qui paraissait heureux, et qui, dans toute la plénitude de sa vie, au lieu de reproduire la pensée de son siècle, s’amusait à chercher curieusement l’inspiration des âges écoulés ; tandis que Byron, aux prises avec les ardentes passions de son cœur et les doutes effrayants de son esprit, en butte à la morale pédante de l’aristocratie et du protestantisme de son pays, blessé dans ses affections les plus intimes, exilé de son île, parce que son île antilibérale, antiphilosophique, antipoétique, ne pouvait ni l’estimer comme homme, ni le comprendre comme poète, menant sa vie errante de grève en grève, cherchant le souvenir des ruines, voulant vivre de lumière, et se rejetant dans la nature, comme autrefois Rousseau, fut franchement philosophe toute sa vie, ennemi des prêtres, censeur des aristocrates, admirateur de Voltaire et de Napoléon, toujours actif, toujours en tête de son siècle, mais toujours malheureux, agité comme d’une tempête perpétuelle ; en sorte qu’en lui l’homme et le poète se confondent, que sa vie intime répond à ses ouvrages ; ce qui fait de lui le type de la poésie de notre âge. » Ainsi ce que madame de Staël, qui n’avait devant les yeux que Goethe, déplorait comme étant une maladie et n’étant qu’une maladie, nous, en contemplant Byron, chez qui cette maladie est au comble, nous ne le déplorions pas moins, mais nous le regardions comme un mal nécessaire, produit d’une époque de crise et de renouvellement. […] Un progrès intellectuel, un progrès matériel, sont nécessaires pour que le rêve du sentiment se réalise. […] Il ne se sent, quant au reste des hommes, qu’affranchi et indépendant, il ne se sent pas relié à eux : il ne se sent pas citoyen du monde, acteur dans le développement nécessaire et légitime de l’Humanité, enchaîné à ses destinées, et ayant à cet égard un droit et un devoir. […] Le suicide était la conséquence nécessaire de l’élévation relative que Goethe a donnée à son héros, et de l’impossibilité où il était de lui donner une élévation plus grande. […] Un critique, Nicolaï, ayant essayé de tourner en ridicule ce dénouement nécessaire, imagina de refaire l’ouvrage en conservant le commencement et en changeant la fin : Werther, dans ce nouveau plan, ne se tuait pas.
Toutefois, la sensation nous révèle seulement une simultanéité, une succession, une conjonction entre deux faits ; elle n’atteste pas de connexion nécessaire. […] Inférer de là l’existence d’une liaison nécessaire, d’un pouvoir et d’une force, d’une cause enfin, c’est mal raisonner, c’est trop présumer. […] L’école expérimentale ne trouve pas qu’il soit nécessaire de recourir à l’hypothèse d’aucune loi de l’esprit. […] La théorie, produit nécessaire d’une telle méthode, est l’explication de tous les phénomènes moraux par une association de faits ou d’idées, tantôt une association de faits organiques et psychiques, tantôt une association de faits purement psychiques. […] Tout changement a une cause ; le tout est plus grand que la partie ; ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît, etc. ; etc. ; etc. ; à quelque opération de l’esprit, synthèse ou analyse, qu’on attribue ces jugements nécessaires et universels, toujours est-il qu’on ne peut voir dans cette liaison toute logique entre deux termes un simple fait d’expérience tournée en habitude.
Je le crois nécessaire parfois et bienfaisant, mais pas à la façon dont l’entendent ceux qu’il pousse. […] D’autre part, j’aurais trop à perdre à vous blesser ouvertement, et je supporterai, pour me préserver, les sacrifices nécessaires. […] À moins pourtant que l’on ne voie dans l’opposition systématique faite pour n’importe quelles raisons à la société actuelle, la seule et nécessaire voie nous menant à une société meilleure. […] Et cela est nécessaire, comme il est naturel, pour d’autres raisons, que les philosophes soient, à cet égard, au premier rang des spécialistes. […] Mais, je crois n’avoir fait, en somme, qu’user d’un procédé d’exposition nécessaire.
Non, c’est en vertu d’un déterminisme absolument nécessaire que tel phénomène intérieur se traduit par telle expression extérieure. […] Les artistes, de leur côté, ont besoin de comprendre ce qu’il y a de naturel et de nécessaire dans toutes ces attitudes et tous ces mouvements qu’ils ont à saisir et à reproduire. […] Ainsi, durant une forte émotion comme la crainte, il y a usure de substance dans le cerveau : selon les lois physiologiques, le sang se trouve alors appelé de la périphérie au cerveau ; les vaisseaux de l’œil et en particulier de l’iris se contractent, la pupille se dilate, et enfin, par une conséquence nécessaire, la clarté de la vision est notablement empêchée. […] Il y a là une série de métamorphoses nécessaires. […] Charles Bell a expliqué les mouvements expressifs et leur interprétation en montrant que les parties qui servent à l’expression servent d’abord à des fonctions et à la satisfaction des appétits par les mouvements nécessaires : l’expression est donc un commencement d’exécution.
Il est seulement nécessaire que l’avenir apparaisse à toute volonté comme non déterminé indépendamment de sa volition ; ce qui n’empêche pas la volition elle-même, déterminante du côté de l’avenir, d’être déterminée du côté du passé. […] Et, en dernière analyse, nous sommes déterminés à nous laisser déterminer par des conditions fortuites, c’est-à-dire nécessaires, extérieures à notre jugement de préférence ou de choix. […] James pose mal la question, car il est clair qu’à l’objet pensé ou désiré il faut ajouter le sujet pensant et désirant, avec ses dispositions actuelles : il y a là deux termes également nécessaires. […] Jusqu’à quel point, pour la science morale, est-elle nécessaire ? […] En effet, tous les éléments qui entrent dans l’idée de liberté sont pour nous des biens, des fins possibles et même nécessaires.
Il la purgea de cette érudition profane, de ces ridicules plaisanteries qu’on y croyoit auparavant nécessaires pour attirer l’attention des auditeurs. […] On l’avoit obligé trop jeune à se livrer à l’exercice de la prédication ; il manquoit d’un fonds qui eût été nécessaire, & qui l’eût rendu un des premiers Orateurs de son siécle. […] Segaud a laissé six volumes de Sermons, dans lesquels on trouve un grand fond d’instruction, beaucoup d’élégance & d’énergie, & sur-tout cette onction qui est si nécessaire à un Orateur chrétien. […] Il y a quelques endroits foibles dans ses discours, mais c’est souvent une suite nécessaire de la différence des sujets. […] Ce seroit aux Académies qui excitent par des prix l’émulation des jeunes gens à les contenir dans les bornes nécessaires, non en couronnant les ouvrages où domine l’imagination, mais ceux où brillent la justesse & le goût.
Il faut voir tout d’abord comme il expose à ses maréchaux fatigués et déconcertés, bien que toujours intrépides, le plan et les chances de la campagne, les fautes prochaines nécessaires, immanquables, des assaillants, les occasions certaines d’en profiter, les ressources de tout genre sur un terrain connu, entre des rivières fréquentes, au milieu de populations auxiliaires et unanimes, avec les secours et les diversions que les lieutenants lointains, accourus au signal, ne pouvaient manquer d’apporter bientôt : Tout n’était donc pas perdu, s’écriait Napoléon ; on aurait quelque bonne journée encore. […] Thiers appelle un grand acte militaire, un vrai phénomène de guerre, montre tout ce qu’on peut et jusqu’où l’on peut, et sert à couvrir une retraite devenue nécessaire devant des forces si démesurées ; elle nous laissait dans un immense péril. […] Or, pour que cette clef fût solide, il eût été nécessaire que Paris fût fortifié.
On doit sans doute user de pareilles licences avec sobriété ; elles doivent de plus être nécessaires. […] ce n’est pas un mot nouveau, dicté par la singularité ou par la paresse ; c’est la réunion nécessaire et adroite de quelques termes connus, pour rendre avec énergie une idée nouvelle. […] On ne peut traduire un homme de génie, si on ne le traduit pas vivement et d’enthousiasme ; mais si cet homme de génie est en même temps un écrivain profond, il faut du temps pour l’étudier et pour le rendre ; il me semble d’ailleurs en général, que pour éviter tout à la fois la froideur et la négligence du style dans quelque ouvrage de goût que ce puisse être, il est nécessaire et d’écrire vite et de corriger longtemps.
Et sans doute, plus elles se rencontrent fréquemment, plus sont diverses les circonstances où elles se rencontrent, et plus aussi il y a de chances pour qu’elles cachent des rapports nécessaires, toutefois, tant qu’elles ne sont pas déduites de lois plus générales, ce sont des lois en instance plutôt que des lois reçues : les lois empiriques sont toujours sujettes à caution, par cela même qu’elles manquent d’explication. […] » Entre l’initiateur et les initiés une communauté préalable d’aspirations est nécessaire pour que la conversion de ceux-ci — par celui-là soit autre chose qu’un miracle. […] L’observation réunirait alors toutes les conditions nécessaires à une induction, et nous pourrions affirmer qu’un rapport constant unit la centralisation à l’égalitarisme.
L’espèce est donc autre chose que la somme des individus ; elle est nécessaire, et ils sont accidentels ; elle est une cause, ils sont des effets. […] Cette création est nécessaire, incessante, éternelle, car sans elle il ne serait pas. […] Le nôtre s’écartera insensiblement d’une philosophie qu’on accuse de confondre le bien avec le mal, et de justifier les crimes en les déclarant nécessaires.
Il est donc nécessaire que l’idéal et le réel soient pénétrés tous deux l’un par l’autre, et se résolvent au fond dans deux affirmations corrélatives. […] Or les neuf cent quatre-vingt-dix-neuf tentatives avortées, qui sont le nécessaire cortège d’un chef-d’œuvre, deviennent horribles avec la méthode réaliste ; elles sont simplement médiocres et décolorées avec la méthode classique. […] Qui donc nous donnera ces points fixes nécessaires pour fournir la conscience du changement et la notion du temps ? […] Il a reposé sa vue « sur l’immensité des êtres paisiblement soumis à des lois nécessaires », il a mesuré les choses et les êtres plutôt qu’il ne les a peints : il saisit bien la forme, le fond lui échappe ; il embrasse, il ne pénètre pas. […] Les critiques classiques ne voient en cela qu’un procédé blâmable : c’est qu’ils ne font point des distinctions nécessaires.