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183. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Il y a cependant encore une Académie royale de musique et une de peinture établies par lettres-patentes, et gouvernées chacune par des directeurs particuliers. […] Un autre motif a porté les anciens rhéteurs à s’étendre beaucoup sur les règles de l’élocution : leur langue était une espèce de musique susceptible d’une mélodie à laquelle le peuple même était très sensible ; des préceptes sur ce sujet étaient aussi nécessaires dans les traités des anciens sur l’éloquence, que le sont parmi nous les règles de la composition musicale dans un traité complet de musique. […] Cette comparaison, tirée de la musique, conduit à une autre idée qui ne paraît pas moins juste. […] L’harmonie est sans doute l’âme de la poésie, et c’est pour cela que les traductions des poètes ne doivent être qu’en vers : car traduire un poète en prose, c’est le dénaturer tout à fait, c’est à peu près comme si l’on voulait traduire de la musique italienne en musique française. […] En transportant ce mot au style, nous avons conservé l’idée qu’ils y attachaient ; et en le transportant à la musique, nous lui en avons donné une autre.

184. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Les lions, les hyènes et les chacals se chargeaient de la musique et se disputaient dans l’ombre les mules et les chevaux que nous laissions derrière nous sur la route ; car, ma chère amie, tu ne peux te faire une idée de la quantité de ces pauvres animaux qu’on abandonne, faute de pouvoir les nourrir. […] Il m’avait dit d’avance que Don Juan était sa seule musique, sa vraie musique de prédilection, notamment l’air du duel, et celui du commandeur, à la fin. […] Il en fut ravi comme j’ai rarement vu quelqu’un l’être de ma musique, et notre connaissance se trouva aussitôt plus intime.

185. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

La Poésie, la Peinture, la Sculpture, l’Architecture, la Musique, la Danse, les différentes sortes de jeux, enfin les ouvrages de la nature & de l’art, peuvent lui donner du plaisir : voyons pourquoi, comment & quand ils les lui donnent ; rendons raison de nos sentimens ; cela pourra contribuer à nous former le goût, qui n’est autre chose que l’avantage de découvrir avec finesse & avec promptitude la mesure du plaisir que chaque chose doit donner aux hommes. […] Si nos oreilles avoient été faites comme celles de certains animaux, il auroit fallu réformer bien de nos instrumens de Musique : je sais bien que les rapports que les choses ont entre elles auroient subsiste ; mais le rapport qu’elles ont avec nous ayant changé, les choses qui dans l’état présent font un certain effet sur nous, ne le feroient plus ; & comme la perfection des Arts est de nous présenter les choses telles qu’elles nous fassent le plus de plaisir qu’il est possible, il faudroit qu’il y eût du changement dans les Arts, puisqu’il y en auroit dans la maniere la plus propre à nous donner du plaisir. […] La danse nous plaît par la legereté, par une certaine grace, par la beauté & la variété des attitudes, par sa liaison avec la Musique, la personne qui danse étant comme un instrument qui accompagne ; mais sur-tout elle plaît par une disposition de notre cerveau, qui est telle qu’elle ramene en secret l’idée de tous les mouvemens à de certains mouvemens, la plûpart des attitudes à de certaines attitudes. […] Les Musiciens ont reconnu que la Musique qui se chante le plus facilement, est la plus difficile à composer ; preuve certaine que nos plaisirs & l’art qui nous les donne, sont entre certaines limites.

186. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

Au dernier acte, un très saisissant effet : ce lit de la chambre du Grand-Hôtel, entouré de la musique sautillante d’un bal, et d’où, en la solitude de la chambre, sort d’un corps qu’on ne voit pas, la demande agonisante : À boire ! […] Samedi 26 mars Chez Mme ***, deux femmes, une brune et une blonde, se surplombant, appuyées et mêlées l’une à l’autre au-dessus d’un piano, et mariant leurs musiques et la jouissance de leurs physionomies amoureuses : cela ressemble à de la tribaderie céleste. […] Puis on passe dans l’atelier, et les yeux amusés par les japonaiseries des murs, et la cigarette à la lèvre, c’est quelque belle musique d’artiste, quelque sonate de Beethoven, vous remuant les dedans immatériels de votre être. […] Parmi les loges d’hommes : celle de Coquelin aîné a quelque chose d’un atelier de peintre, avec ses divans fabriqués de verdures, et les esquisses accrochées aux murs ; celle de Delaunay, de l’amoureux à la voix de musique, est curieuse, par l’affichage un peu enfantin de ses triomphes, par des coussins brodés, des couronnes de fleurs artificielles, un buste, au cou duquel pend une guirlande, sur laquelle on lit sur des bouts de ruban sale, imprimés en lettres d’or les rôles joués par lui, dans quelque ville de province.

187. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Il y a de certaines choses dont la médiocrité est insupportable : la poésie, la musique, la peinture, le discours public. […] Je ne sais pas comment l’Opéra, avec une musique si parfaite et une dépense toute royale, a pu réussir à m’ennuyer. […] Ils ont fait le théâtre, ces empressés, les machines, les ballets, les vers, la musique, tout le spectacle, jusqu’à la salle où s’est donné le spectacle, j’entends le toit et les quatre murs dès leurs fondements. […] Les connaisseurs ou ceux qui se croient tels, se donnent voix délibérative et décisive sur les spectacles, se cantonnent aussi, et se divisent en des partis contraires, dont chacun, poussé par un tout autre intérêt que par celui du public ou de l’équité, admire un certain poème ou une certaine musique, et siffle tout autre.

188. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

L’harmonie n’était point encore née ; l’harmonie, qui est la musique du langage, qui, par le mélange heureux des nombres et des sons, exprime le caractère du sentiment et de la pensée, et sait peindre à l’oreille comme les couleurs peignent aux yeux ; l’harmonie qui établit une espèce de balancement et d’équilibre entre les différentes parties du discours, qui les lie ou les enchaîne, les suspend ou les précipite, et flatte continuellement l’oreille, qu’elle entraîne comme un fleuve qui coule sans s’arrêter jamais. […] Faites naître, si vous le pouvez, à Constantinople, un homme avec le génie de l’éloquence, donnez-lui une âme noble et grande, et cette vigueur de sentiments que nous admirons dans les anciens orateurs ; il faudra qu’il l’étouffe ; il faudra qu’il asservisse ses passions généreuses aux circonstances, et dompte son génie ; semblable à ce Grec, qui, fait prisonnier par les Perses, et entraîné loin de son pays, à la cour des Satrapes, forcé de plier à la servitude un caractère qui était né pour la liberté, employait tous les jours le pouvoir de la musique, et le mode le plus capable de porter la mollesse dans l’âme, pour adoucir, s’il était possible, la fierté de la sienne, et supporter l’esclavage et les fers avec moins de regret. […] Elle apprend à l’imagination l’art d’appliquer la couleur à la pensée ; à l’esprit, l’art de donner du ressort aux idées en les resserrant ; à l’oreille, le secret de peindre par l’harmonie, et de joindre la musique à la parole. […] Qu’on se représente une de ces fêtes, telle qu’on en donnait quelquefois dans la Grèce et dans Rome ; ces fêtes, ou, après des victoires, cent mille citoyens étaient assemblés, où tous les temples étaient ouverts, où les autels et les statues des dieux étaient couronnés de fleurs, où la poésie, la musique, la danse, les chefs-d’œuvre de tous les arts, les représentations dramatiques de toute espèce étaient prodiguées, et où la renommée et la gloire, en présence d’une nation entière, attendaient les talents.

189. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Une grêle musique d’harmonica rythme leur va-et-vient. […] La musique et la lune… oui ! […] La musique et le bûcher s’éteignent peu à peu dans l’ombre. […] Ici, la littérature s’assimile à la musique. […] Une musique invisible et très douce accompagne ses phrases en cadence.

190. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Jusqu’au départ de Soria, B. et Rapsaïd, ce fut un feu d’artifice de mots, de musique, d’éclats de rire. […] Les détails de Faust peuvent plaire d’une certaine façon et grâce à la musique, mais le sujet est dégoûtant. […] C’est dans ce sens-là que je place Aïda plus haut que toutes les musiques du monde. […] J’avais oublié la musique… La musique dispose à la vie, à la gaieté, aux larmes, à l’amour, enfin, à tout ce qui agite, contente et tourmente, tandis que le dessin est un travail qui vous enlève de la terre et vous rend indifférent à tout, excepté à votre art. […] La musique d’Aïda est comme la Gretchen de Max.

191. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Les applaudissements et les couronnes vont au Tristan et Iseult de Wagner et particulièrement à son mystique Parsifal, à la musique d’église du Rêve de M.  […] La musique destinée à plaire doit ou feindre le recueillement religieux, ou décontenancer par sa forme. L’auditeur musical a l’habitude de développer involontairement un peu en pensée chaque motif surgissant dans un morceau de musique. […] La musique doit constamment promettre, mais ne jamais tenir ; elle doit faire semblant de vouloir conter un grand secret, et se taire ou divaguer avant d’avoir dit le mot attendu avec des palpitations. […] Le mot ne doit pas agir par l’idée qu’il renferme, mais en qualité de son ; le langage doit devenir de la musique.

192. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

Ce que j’aime surtout dans la musique : ce sont les femmes qui l’écoutent. […] Pas une femme n’ose presque regarder la musique en face. […] — on dirait que la musique est cela pour la femme. […] C’est bien plutôt une halle et un repos des activités vitales et amoureuses dans la musique, dans la compagnie, dans les banalités de la politesse et des mots. […] Et devant soi, dans les ténèbres, la grande voix rythmée de la lame molle, et, dans le dos, la musique des airs de valse qui joue dans la lumière.

193. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

On en retrouve des preuves dans ce testament écrit à loisir où nul n’est oublié ni devant Dieu, ni devant les hommes, de tous ceux qu’il a aimés sans acception de rangs, de professions, de situations plus ou moins profanes, en contraste avec sa profession de cardinal ministre ; il fait un signe de l’autre côté de la tombe, pour dire : « Je vous aime comme je vous ai aimés. » Nous n’en citerons que deux exemples : Cimarosa, le fameux musicien de Naples, qui par ses opéras égala au commencement du siècle ce messie de la musique, Mozart, et qui ne chercha dans la musique que l’organe le plus pénétrant de son cœur. Consalvi, jeune encore, avait le délire de la musique, cette langue sans parole qui vient du ciel et qui exprime sans mots ce que l’âme rêve et ce qui est le plus inexprimable aux langues humaines ; la musique, langue des anges, quand elle avait touché son âme, y restait à jamais comme le souvenir d’un autre monde, comme une apparition à l’âme d’un sens supérieur aux sens d’ici-bas. […] La musique est la plus immaculée et la plus pure des sensations humaines.

194. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Venu à Paris, à Versailles, il y rejoignit son compatriote et camarade Bertin, qui sortait également des études ; ils se lièrent étroitement, et dans ces années 1770-1773 on les trouve tous deux membres de cette joyeuse et poétique confrérie qui s’intitulait l’Ordre de la Caserne ou de Feuillancour : « Représentez-vous, madame, écrivait Bertin dans son Voyage de Bourgogne, une douzaine de jeunes militaires dont le plus âgé ne compte pas encore cinq lustres ; transplantés la plupart d’un autre hémisphère, unis entre eux par la plus tendre amitié, passionnés pour tous les arts et pour tous les talents, faisant de la musique, griffonnant quelquefois des vers ; paresseux, délicats et voluptueux par excellence : passant l’hiver à Paris et la belle saison dans leur délicieuse vallée de Feuillancour 166 ; l’un et l’autre asile est nommé par eux la Caserne… » Et Parny, au moment où il venait de se séparer de cette chère coterie, écrivait à son frère, durant les ennuis de la traversée : « … Mon cœur m’avertit que le bonheur n’est pas dans la solitude, et l’Espérance vint me dire à l’oreille : Tu les reverras, ces épicuriens aimables, qui portent en écharpe le ruban gris de lin et la grappe de raisin couronnée de myrte ; tu la reverras cette maison, non pas de plaisance, mais de plaisir, où l’œil des profanes ne pénètre jamais… » C’est ainsi, je le soupçonne, si l’on pouvait y pénétrer, que commencent bien des jeunesses, même de celles qui doivent se couronner plus tard de la plus respectable maturité ; mais toutes ne s’organisent point aussi directement, pour ainsi dire, que celle de Parny pour l’épicuréisme et le plaisir. […] Pour peu que l’éducation et la culture l’aient touché, il est (à en juger par la fleur des générations aimables et distinguées que nous en avons pu successivement connaître), il est ou devient aussitôt disposé à la poésie, à une certaine poésie, de même encore qu’il l’est naturellement à la musique. […] Doué d’un goût musical très-vif et très-pur, comme l’atteste assez la mélodie toute racinienne de ses vers, mais de plus ayant cultivé ce talent naturel, il devint le maître de musique de la jeune créole qu’il a célébrée sous le nom d’Éléonore : O toi qui fus mon écolière En musique, et même en amour… Dans ce temps, il y avait à Bourbon une très-grande disette de professeurs en tout genre ; on était réduit à faire apprendre à lire et à écrire aux jeunes gens, même aux jeunes filles, par quelque lettré de régiment. […] La jeune personne, l’Héloïse nouvelle auprès de laquelle on l’accrédita imprudemment en qualité de maître de musique amateur, n’avait que de treize à quatorze ans. […] Garat applaudit au poëme188… » Comme on était alors dans tout le feu du projet de descente en Angleterre, Fontanes termina la séance par la lecture d’un chant de guerre contre les Anglais, mêlé de chœurs et dialogué, avec musique de Paisiello.

195. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

Appendice On lit dans Le Moniteur du 18 avril 1856 : Aujourd’hui (17 avril) a eu lieu, dans la salle du Conservatoire impérial de musique, la distribution solennelle des prix de la Société des gens de lettres. […] Émile Deschamps, musique de M.  […] Camille Doucet, musique de M. 

196. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Lisez à haute voix ces premières pages si fermes, si fortement scandées. « La maison est plantée de travers, sur une butte de sable, etc. » — « Si je me suis volontairement exilé dans cette affreuse solitude, etc. », vous avez la sensation d’une ouverture en musique. […] Mais la musique, la lumière et le parfum manquent à cette invocation ; il n’y a rien de ravissant, rien d’harmonieux dans les images ni dans les syllabes. […] À travers les doux éclats de la musique, les tendresses des vibrations assourdies dont il ne se souciait guère, il me parla de chasse, de théâtre, de chevaux, que sais-je !

197. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

Il faudrait encore bien rechercher si la sonorité de l’espagnol ne produit pas un cliquetis de mots parfois vide et vain, si la douceur italienne ne dégénère pas aisément en mollesse banale et ne fait point penser à ce « latin bâtard » dont parle Byron, si ces deux idiomes arrêtent et retiennent suffisamment l’idée, si dans ces deux langues la facilité toute spontanée de la musique ne se dérobe pas aux nuances psychologiques du sentiment, aux profondes analyses de la pensée, à la dialectique soutenue, à cette harmonieuse alliance de la philosophie morale et de l’art, qui recommandent la prose et la poésie française depuis leurs origines jusqu’aux chefs-d’œuvre contemporains. […] Ainsi vivant, rien n’est qui ne m’agrée, J’oy des oiseaux la musique sacrée, Quand au matin ils bénissent les cieux, Et le doux son des bruyantes fontaines Qui vont coulant de ces roches hautaines Pour arroser nos prés délicieux1. […] Au contraire, un seul excepté, tous les grands poètes de la France, je dirai même plus, tous les écrivains en vers de quelque valeur, ont compris que la Rime contenait en grande partie la musique et la couleur de notre poésie nationale.

198. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Les premiers se plaisent visiblement à décliner les seconds, au lieu de tendre, comme Pindare, au général, au religieux et au grand20, se laissent séduire à l’hyporchème, sorte de poème accompagné par la danse et par la musique et assez imitatif pour évoquer l’image d’un chien en chasse et celle d’un cheval emporté. […] » La musique elle-même n’a-t-elle pas à se reprocher d’avoir sacrifié la simplicité à l’emphase et aux ornements factices, l’émotion sincère et profonde au charme tout extérieur d’un vain son, la logique et la nature aux fantaisies d’un chanteur exigeant, bref, le livret à la musique et, comme on l’a pu dire sans paradoxe, la musique à la voix du chanteur ? […] Ces musiciens eux-mêmes estimèrent qu’il était possible de donner à la musique un caractère tout individuel. […] « Je ne pousse pas mon raisonnement, comme certains positivistes, jusqu’à prédire la fin prochaine de la poésie : j’assigne simplement à la poésie un rôle d’orchestre, les poètes peuvent continuer à nous faire de la musique pendant que nous travaillerons. » On se bornera à leur demander un divertissement passager et réparateur. […] Ils auront pour devoir d’en marquer et d’en appuyer toutes les actions, comme la musique d’un régiment règle et soutient sa marche.

199. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Et comme nous lui avouons notre complète infirmité, notre surdité musicale, nous qui n’aimons tout au plus que la musique militaire : « Eh bien ! […] Je préfère le silence à la musique. […] Vous savez, il a eu l’idée en musique, quand les paroles étaient tristes, de faire trou trou trou au lieu de tra tra tra. […] Ainsi, il a déjà la musique des fins de phrases qu’il n’a pas encore faites ! […] C’est dire, que dans cette négation absolue de la musique, prendre cette grosse blague injurieuse, pour le vrai jugement de l’illustre écrivain sur le talent de M. 

200. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Il reçoit des leçons de musique du professeur des enfants de chœur de la cathédrale, un M.  […] Il invente un nouveau système pour noter la musique, croit sa fortune faite, et se met en route pour Paris. […] Cela n’est pas vrai. — De bonne heure il a eu la passion et le don de la musique, et il a rêvé d’être compositeur. […] Il continue à faire de la littérature et de la musique. […] Il travaillait alors à la musique du Devin du Village et il nous chantait au clavecin les airs qu’il avait composés.

201. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

La musique prolongera la parole. […] Toute une part de leurs réalisations nous échappe : la musique, la danse. […] La pompe et l’agrément scénique vont se réfugier dans les théâtres de musique, dans le ballet et l’opéra. […] Mais l’exploitation de ces deux éléments n’est-elle pas plutôt l’affaire de la musique que du verbe ? […] Il insiste sur la valeur du silence, de la musique.

202. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

Toute la musique moderne française, pour rester toujours à ce seul point de vue (MM.  […] D’essence, d’ailleurs, la musique, se confondant presque avec la sensation, est génératrice de rêves. […] La poésie semble avoir compris la musique dans l’instant même où la musique semble avoir compris la poésie. […] La Peinture est un témoignage, la Musique est une aspiration. […] la musique sait tout, et même peindre : elle sait évoquer par des sons un paysage dans un rêve.

203. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

J’avais encore cinq ou six ans à aimer le théâtre, la musique, la table ; il faut vivre de privations et d’économies ; je saurai me passer de ce que je ne puis avoir sans m’enchaîner, je suis un philosophe également éloigné de la superstition et de l’impiété, un voluptueux qui n’a pas moins d’aversion pour la débauche que de goût pour le plaisir. […] Alfred de Musset, soit qu’il éprouvât lui-même cette fastidiosité du sublime et du sérieux, soit qu’il comprît que la France demandait une autre musique de l’âme ou des sens à ses jeunes poètes, ne songea pas un seul instant à nous imiter. […] C’était la musique, ou plutôt c’était la poésie sous figure de femme. […] Je la vis assidûment pendant un court printemps, le dernier de ses beaux printemps ; c’était tantôt dans des nuits musicales sous les arbres illuminés des jardins de Paris, où elle faisait taire et mourir de mélodie les rossignols ; tantôt dans son salon familier de la rue de Provence, où les instruments de musique et les guitares de la veille jonchaient les meubles et les tapis. […] Ils étaient jeunes, ils étaient libres, ils étaient beaux, ils étaient poètes au moins autant l’un que l’autre, ils pouvaient s’attacher saintement dans la vie l’un à l’autre aussi indissolublement que la musique s’attache aux paroles dans une mélodie de Cimarosa !

204. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

« À cette époque, dit le philosophe allemand Herder dans sa belle Histoire de la Poésie des Hébreux, à cette époque de l’âge du monde, la poésie et la musique étaient étroitement unies ; les poètes et les musiciens n’étaient presque toujours qu’une même personne. […] La puissance poétique s’accroît quand elle est soutenue par la musique. » Moïse avait donné à ce don de prophétie ou d’inspiration une immense autorité, en faisant de son peuple, gouverné par Dieu même, une république théocratique dont la tribu de Lévi avait exclusivement le sacerdoce, organe alors de la souveraineté divine. […] » VIII Pendant que cela se passait à Bethléem, à l’insu de Saül et de l’armée, le roi est saisi d’un de ces accès de démence que la musique seule, ce remède de l’âme, a le don de calmer. […] Il paraît que la langue hébraïque, quoique déjà très imagée et très savante, n’était pas encore arrivée à cette invention parfaite des vers, qui change les mots en notes, et qui fait chanter le style comme une musique à laquelle on bat la mesure avec une rigoureuse précision.

205. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

Cette tendance est la conséquence nécessaire de leurs prédilections pour certaines formes musiques et plastiques ; leurs méthodes d’art la reflètent aussi. […] L’un demande à tous les éléments de plastique, de musique, de syntaxe, l’expression vive et nouvelle d’une idée ; il se glorifie souvent par des luxuriances qu’on s’étonne de ne guère rencontrer dans les Cygnes. […] La règle du premier paraît être : rien de trop peu ; il prétend exprimer toute la pensée, toute l’image, avec toutes leurs nuances, avec toutes leurs complémentaires musiques. […] Qui de nous ne sent pas au plus vif de lui-même bondir encore l’espoir de la parfaite Musique ?

206. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Les premiers Pères, il est vrai, avaient noté dans la République comme imités de ces livres la recommandation exclusive et absolue de la poésie lyrique consacrée à la religion, le blâme de toute autre poésie, cette idée enfin de soumettre le chant et la musique à des juges désignés, aux conservateurs des lois, comme dans Israël, où des magistrats veillaient au choix des hymnes et au maintien des mêmes tons dans le chant. […] Là s’étudiaient, avec la religion, la musique et la poésie. […] « Souvenons-nous qu’il ne nous en est parvenu que des débris dépouillés de toute leur pompe et de leur vivant éclat, hormis ces lumières de la pensée et de l’expression, sur lesquelles encore le temps a jeté bien des obscurités a et des nuages. » En résumant ainsi pour nous l’ode hébraïque, le docteur Lowth n’essayait pas de recherches sur la musique sacrée des Hébreux, sur le rhythme et ses rapports avec le chant, sur toute cette représentation enthousiaste et populaire qui devait porter si haut la puissance des cantiques sacrés. […] Dans cette Athènes, cependant, la poésie lyrique devait aussi bientôt jeter sa flamme, quand l’invasion et la défaite des Perses auraient animé l’ardeur des matelots du Pirée et de Salamine, et quand le théâtre, nouvellement créé, serait devenu avec Eschyle la représentation et comme la musique militaire des triomphes de la patrie.

207. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Pétrarque cependant, et quelques poètes célèbres qui ont écrit dans le même genre, méritent d’être lus, par le charme de leur langue harmonieuse : elle rappelle quelques-uns des effets de la musique céleste dont elle est si souvent accompagnée. […] Les opéras seuls sont suivis, parce que les opéras font entendre cette délicieuse musique, la gloire et le plaisir de l’Italie. […] Métastase cependant a su faire de ses opéra presque des tragédies, et quoiqu’il fût astreint à toutes les difficultés qu’impose l’obligation de se soumettre à la musique, il a su conserver de grandes beautés de style et des situations vraiment dramatiques.

208. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Pourtant, en fait de musique comme en tout, il est évident que Franklin n’aime que la partie simple ; il veut une musique toute conforme au sens des mots et du sentiment exprimé, et avec le moins de frais possible. Or, il y a un royaume des sons comme il y en a un de la couleur et de la lumière ; et ce royaume magnifique où s’élèvent et planent les Haendel et les Pergolèse, comme dans l’autre on voit nager et se jouer les Titien et les Rubens, Franklin n’est pas disposé à y entrer : lui, qui a inventé ou perfectionné l’harmonica, il en est resté par principes à la musique élémentaire.

209. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 140-155

Sa Lettre contre la Musique Françoise, son Dictionnaire de Musique, quoiqu’il doive beaucoup à celui de l’Abbé Brossard, ses Lettres de la Montagne, celle à l’Archevêque de Paris, prouvent qu’il étoit en état de s’exercer supérieurement dans tous les genres, & d’embellir, par son éloquence, les matieres qui en paroissent le moins susceptibles.

210. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Roger de Beauvoir »

Du reste, c’est peut-être vrai comme : Et la collation avecque la musique, de cet autre poète, que Corneille, qui n’y faisait pas tant de façons, appelle le Menteur, dans un titre brutal. […] Quand je rendis compte du livre intitulé Colombes et Couleuvres, je lui conseillai de renoncer à toutes les inspirations de la jeunesse, qui ne sont jamais, du reste, de la poésie perdue, — car, si on ne fait plus de cette musique, on garde l’instrument ; je lui conseillai délaisser là toute cette poésie de castagnettes jouant les Folies d’Espagne, de ces castagnettes dont il parle encore si bien aujourd’hui, l’incorrigible !

211. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leclercq, Julien (1865-1901) »

Albert Aurier, de jobs vers sentimentaux : élégies de poète amoureux, blasphèmes ingénus, renouveaux d’espoirs, musiques de mélodies vagues, quelquefois chute dans le banal, par découragement dans la difficulté d’être simple.

212. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Baxe (baronne de) »

Quelles tendres et fraîches musiques !

213. (1902) La poésie nouvelle

Musique : Jean Marnold.‌ […] Et d’abord ce désir d’une musique plus subtile est bien le point de départ de presque toutes les réformes qu’on va faire :‌ De la musique avant toute chose…‌ De la musique encore et toujours. […] Laforgue est infiniment sensible à la musique. […] Schopenhauer définissait la musique « l’objectivation immédiate de la volonté ». […] Les vers libres des Poèmes anciens et romanesques sont remarquables par leur aisance et leur mystérieuse musique.

214. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Legay, Marcel (1851-1915) »

Léon Durocher En dépit d’excursions hardies sur le domaine de la prose en musique, j’estime que Marcel Legay restera surtout comme un des porte-drapeaux de la chanson, comme une sorte de

215. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Avril, René d’ (1875-1966) »

Mais ces rythmes sont si berceurs ; ces assonances si expressives, que c’est bien de la musique, ces vers, et de la plus parfaite.

216. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Ils n’avaient aucun accompagnement, attendu que la musique instrumentale n’était pas encore en usage à la comédie. […] En 1675, il livra à la scène une comédie héroïque en cinq actes et en vers, avec prologue et divertissements, le tout mêlé de musique et de danses. […] Lully fut chargé de composer tout exprès la musique d’une pastorale héroïque, et on lui imposa Campistron pour le libretto. […] En 1689, il fit jouer la tragédie-opéra de Thétis et Pelée, dont la musique est de Colasse. […] Dauvergne, à qui s’adressaient ces mots, changea la musique d’Énée et Lavinie, remit la pièce à la scène en 1758, et obtint un beau succès.

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