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911. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Vers 1750, les espérances d’une restauration rationnelle de la société, qu’on avait cru toucher, se reculent indéfiniment ; à ce même moment entre en scène une nouvelle génération de penseurs impatients, audacieux, dévoués à ce qu’ils appellent la vérité, et prêts à renverser tout ce qui y fait obstacle : l’art, l’éloquence, la littérature ne sont pour eux que des instruments de propagande. […] Choiseul flattait les philosophes en s’appuyant sur les Parlements, et liguait pour un moment l’irréligion rationaliste avec le fanatisme janséniste contre les Jésuites. […] L’année 1760, avec ses deux grandes journées théâtrales, marque le moment où la lutte est le plus envenimée. […] C’est le cas aussi de l’universel et médiocre Marmontel531, l’auteur de Bélisaire et des Incas, deux insipides romans qui, en attirant sur lui les rigueurs de la Sorbonne et du Parlement, en firent un moment le représentant de la philosophie.

912. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

En effet, il vint un moment, et ce moment coïncide à peu près avec l’époque de la mort de Molière, où la comédie italienne, qui ne s’en allait plus, comme autrefois, respirer l’air natal, se fit de plus en plus française. […] pas un pauvre moment de repos en toute une journée ! […] Il faut parler toujours sans rien dire pour sembler spirituelle ; rire sans sujet pour paraître enjouée ; se redresser à tout moment pour étaler sa gorge ; ouvrir les yeux pour les agrandir, se mordre les lèvres pour les rougir ; parler de la tête à l’un, de l’éventail à l’autre ; donner une louange à celle-ci, un lardon à celle-là ; enfin, badiner, gesticuler, minauder60. » L’arrivée du printemps, qui amène le départ des officiers, jette le désarroi dans le monde des promeneuses, et les force à se rabattre sur les robins et les petits collets fort peu demandés en hiver : Heureux les bourgeois de Paris, Quand le plumet court à la gloire !

913. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

Le moment était unique pour tracer des règles de conduite aux âges futurs. […] Un peu plus loin, le futur moraliste s’annonce : « J’aime, dit-il, que la morale fasse la plus grande partie de la conversation » ; et il ajoute : « J’aime surtout la lecture qui peut façonner l’esprit et fortifier l’âme. » Et ailleurs : « J’aime à lire avec une personne d’esprit ; car, de cette sorte, on réfléchit à tout moment à ce que l’on lit. » Aimer la lecture pour le profit, attacher à tout ce qu’on lit une réflexion, cela n’est pas non plus d’un homme d’action ; ni ceci : « Je suis passionné dans la discussion. » Trait caractéristique des spéculatifs. […] On s’étonne de ne trouver ni dans le portrait qu’il a tracé de lui, ni dans ses Mémoires, aucun aveu sur cette fatalité qui le condamna pendant près de vingt ans à s’imposer toutes les fatigues de l’ambition et de l’intrigue, au profit de volontés qui se perdaient dans leurs propres vues, et ne s’inquiétaient guère des siennes ; à n’agir qu’à la suite ; à ne se déterminer qu’au moment même où, sans le consulter, son parti venait de changer d’avis ; à haïr ses propres lumières comme des empêchements de sa volonté, et sa volonté comme la dupe de ses passions. […] Plus tard, compris dans l’amnistie, il changea entièrement de manière de vivre, ou plutôt il prit possession de sa véritable vie, vie de réflexion et de conversation, par laquelle, a dit Mme de Sévigné, « il s’est rapproché tellement de ses derniers moments, qu’ils n’ont eu rien d’étranger pour lui94. » Il consacra ses loisirs, partie à écrire ses Mémoires et à méditer ses Maximes partie à des lectures avec des personnes d’esprit, et à des conversations où il y avait beaucoup à moraliser.

914. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Janin a pris la plupart des noms qui figurent dans son livre ; je dis les noms, car il a donné aux personnages un tout autre caractère, et les a complètement métamorphosés. à partir d’un certain moment, l’institut de l’Enfance étant devenu suspect, la Cour donna ordre de le surveiller étroitement et d’y introduire des espions, ce qu’on appelait dès lors des mouches. […] En fait, on chargeait surtout la maison de Toulouse et la supérieure de deux accusations graves : 1º d’avoir donné asile à deux ecclésiastiques, poursuivis pour avoir résisté aux ordres du roi dans l’affaire dite de la Régale ; 2º d’avoir une imprimerie clandestine, d’où sortaient, au moment voulu, des placards, et même de petits pamphlets théologiques, qui se répandaient dans tout le midi de la France. […] On a une relation de ces moments suprêmes, écrite par l’une d’elles, et où respire un vif sentiment de l’innocence opprimée par l’injustice. […] Il a pris ces noms et ce cadre de l’institut de l’Enfance comme un simple prétexte et un canevas à ses vives études et à ses goûts du moment ; il a voulu tracer, comme il dit, « un capricieux tableau d’histoire ».

915. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

On peut juger de la violence et de la colère de Bonaparte au premier abord : « J’étais en ce moment dans le cabinet du général en chef », dit Marmont. […] L’homme d’ailleurs se montre toujours, et il y a même des moments où l’on entrevoit le peintre. […] Le Hollandais, devant le puissant océan, son éternel ennemi, sait qu’il ne peut lutter avec avantage contre lui que par la patience ; qu’un travail momentané est insuffisant pour donner un résultat favorable, tandis qu’un combat de tous les moments finira par le faire triompher, et il souscrit à cette obligation sans en discuter les inconvénients. […] En effet, après le premier moment passé, il dédaigna toujours les justifications et les apologies : « Je ne puis paraître vouloir me justifier, disait-il ; je ne veux surtout pas laisser croire que j’en sens le besoin. » Le gouvernement de Juillet ne fut jamais bien pour Marmont ; d’anciens camarades maréchaux mirent peu d’empressement et de bonne volonté à le servir.

916. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

À voir l’ardeur que mit Franklin à cette question qu’il considérait comme nationale, on comprend que quinze ans plus tard, lorsque la rupture éclata entre les colonies et la mère patrie, il ait eu un moment de vive douleur, et que, sans en être ébranlé dans sa détermination, il ait du moins versé quelques larmes ; car il avait, en son âge le plus viril, contribué lui-même à consolider cette grandeur ; et il put dire dans une dernière lettre à lord Howe (juillet 1776) : Longtemps je me suis efforcé, avec un zèle sincère et infatigable, de préserver de tout accident d’éclat ce beau et noble vase de porcelaine, l’empire britannique ; car je savais qu’une fois brisé, les morceaux n’en pourraient garder même la part de force et la valeur qu’ils avaient quand ils ne formaient qu’un seul tout, et qu’une réunion parfaite en serait à peine à espérer désormais. […] Et pourtant, du moment qu’on admet, comme il avait la sagesse de le faire, l’adoration publique et le culte, n’y a-t-il donc pas dans l’âme humaine des émotions, dans la destinée humaine des mystères et des profondeurs, qui appellent et justifient l’orage de la parole divine ? […] Il n’y eut aucun moment où l’Angleterre fut disposée sincèrement à fléchir, ni l’Amérique à céder. […] II, p. 488 de sa publication de Franklin), ne s’est pas souvenu du témoignage de Priestley, et s’est borné à réfuter une assertion de lord Brougham, qui, par une méprise mêlée d’embellissement, avait reporté la petite scène, devenue par là plus dramatique, au moment même de la signature du traité de paix entre l’Angleterre et l’Amérique, novembre 1782.

917. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

L’auteur saisit le moment d’une émotion si vive pour vous cacher le défaut de son sujet. […] Cette circonstance, toute nécessaire qu’elle est, cesse de vous le paraître, parce que, dans un moment que le spectateur ne pouvait point la prévoir, Tancrède a déjà résolu de partir sans voir Aménaïde. […] Il ne le fait paraître que dans les moments où sa présence peut jeter de l’intérêt ou de l’effroi : c’est pour se plaindre à Messala, complice de Titus, des emportements de son fils ; c’est pour faire partir Tullie, dans le moment que son fils allait promettre de lui tout sacrifier ; c’est pour le charger du soin de défendre Rome, quand ce fils malheureux vient de la trahir. […] Il faut bien discerner le moment où l’action doit commencer et où elle doit finir, bien choisir le nœud qui doit l’embarrasser et l’incident principal qui doit la dénouer, considérer de quels personnages secondaires on aura besoin pour mieux faire briller le principal, bien assurer le caractère qu’on veut leur donner.

918. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VII. Narrations. — Dialogues. — Dissertations. »

C’est ce que font les romanciers quand ils suivent les aventures de plusieurs individus ou de plusieurs groupes : dans la dispersion des actions particulières, il y a de temps à autre comme des nœuds qui resserrent tous les fils : les individus, les groupes se mêlent et se démêlent incessamment, et le sujet, à chaque moment dispersé, à chaque moment rassemblé, reste toujours facile à suivre pour l’esprit qui y trouve l’ordre et la clarté nécessaires. […] Cet homme que nous fait entrevoir le grand romancier Tolstoï, lorsqu’il peint le défilé interminable des blessés de Borodino qui passe sous les yeux de son héros ému et navré, cet homme couché sur le ventre au fond d’une charrette, dans la demi-ombre de la bâche, blessé, on ne sait où ni quand, d’on ne sait quelle blessure, sans visage, sans nom, sans passé, sans avenir, forme obscure et vague un moment devinée et disparue pour jamais : c’est là, semble-t-il, un détail insignifiant ; et pourtant que de pensée, que d’émotion ramassée en ce seul trait !

919. (1757) Réflexions sur le goût

Il est des plaisirs qui dès le premier moment s’emparent de nous ; il en est d’autres qui n’ayant d’abord éprouvé de notre part que de l’éloignement ou de l’indifférence, attendent pour se faire sentir, que l’âme ait été suffisamment ébranlée par leur action, et n’en sont alors que plus vifs. […] Le philosophe sait que dans le moment de la production le génie ne veut aucune contrainte ; qu’il aime à courir sans frein et sans règle, à produire le monstrueux à côté du sublime, à rouler impétueusement l’or et le limon tout ensemble. […] L’impression est le juge naturel du premier moment, la discussion l’est du second.

920. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

Un moment, — nous l’imaginons, — son anxiété dut être grande. […] Mais cette vue, qui lui communiquerait de sa grandeur et l’envelopperait d’innocence, cette vue qui, du moins, serait une excuse à balbutier pour lui devant l’Histoire, on est obligé d’y renoncer dès qu’on étudie sérieusement le règne de ce malheureux prince, dont le pouvoir était construit sur la plus forte et la plus pure notion que les hommes aient eue jamais d’un roi, et qui aurait tout pu, jusqu’au dernier moment, s’il n’avait pas eu, dans le fond du cœur même, le honteux petit grain de sable qui, placé ailleurs, tua Cromwell. […] Lorsque, à la dernière page de son volume, qui se ferme quand les États-généraux s’ouvrent et quand ils deviennent les vrais rois devant le roi, déjà, de ce moment, décapité, l’auteur examine, avant de terminer, cette question, qui reviendra d’ici longtemps sous toute plume tourmentée du besoin de l’action politique : la Révolution était-elle inévitable ?

921. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Ch.-L. Livet »

Alors on comprend la tristesse, encore plus comique que le respect, de l’historien quand il s’aperçoit qu’il ne sait pas plus exactement le moment où commencèrent que celui où se terminèrent de si belles choses. […] Mais Livet a donné dans l’erreur commune, l’erreur du moment. […] Il s’est laissé couler là-dedans… L’erreur du moment, c’est que la langue du xviie  siècle doit quelque chose à cette poignée de femmelettes affectées qui faisaient les hommes et la littérature à leur image.

922. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « MM. Delondre et Caro. Feuchtersleben et ses critiques. — L’Hygiène de l’âme » pp. 329-343

I Il y a peut-être en ce moment plus de vingt éditions en Allemagne de ce livre de Feuchtersleben ; car il a bien fallu le temps de le traduire, et M. le docteur Schlesinger-Rahier l’a traduit sur la vingtième édition… Il a même plaqué ce glorieux numéro — vingt !  […] , depuis ce premier moment, qui n’était pas une aurore puisqu’elle n’a été suivie d’aucun jour, ç’a été toujours la même chose pour M.  […] Malheureusement, le petit baron de Feuchtersleben, si cher, pour le moment, aux professeurs de philosophie discrète, était, de fait, un esprit trop débile, malgré ses hygiènes et ses médications, pour lever la grande mécanique du système de Hégel et s’en servir avec ses petites mains de pygmée.

923. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « La Fontaine »

I Alphonse Lemerre, l’heureux et brave éditeur qui, chaque jour, prend une place plus large dans la publicité et dans la préoccupation de ceux qui, par ce temps industriel et maudit, pensent encore à la littérature, achève de publier, en ce moment, une édition des Œuvres de La Fontaine. […] L’homme du matérialisme positiviste n’existait pas encore en lui, — et du système physiologique à l’aide duquel il explique tout dans le talent des hommes, il n’avait, à ce moment, pris que ce qu’il en faut pour que ce soit une idée juste. […] Et je le répète : là, il fut comme partout ; car, chose particulière encore à La Fontaine, il ne fut pas « Le Bonhomme » que dans ses œuvres, il le fut à tous les moments de sa vie, de même que Louis XIV était « Le Roi », même en renouant ses aiguillettes.

924. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Biot » pp. 306-310

Il a été trop bien loué dans les deux discours qu’on va lire pour que je me permette d’y rien ajouter en ce moment. […] Une fois, dans ce qu’il y mêlait d’affectueux et de trop flatteur, il s’interrompit en ajoutant cette touchante parole : « Je m’arrête, car vous pourriez croire que je suis un candidat en nécrologie. » Mais encore une fois, si j’ai contracté envers lui une dette, ce n’est point le moment de la payer.

925. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVIII » pp. 158-163

Honoré sous la Restauration de l’amitié du duc d’Orléans, estimé de tous, poëte politique le plus en faveur dans les classes moyennes, il n’a rien pris pour lui au moment du triomphe ; il a continué de cultiver les lettres et n’a pas changé de théâtre. […] Hugo se trouve en ce moment ce qu’on appelle directeur de l’Académie ; c’est-à-dire le président élu pour le trimestre qui finit.

926. (1874) Premiers lundis. Tome I « Œuvres de Rabaut-Saint-Étienne. précédées d’une notice sur sa vie, par M. Collin de Plancy. »

Une seule chose selon lui restait à faire ; le moment était venu d’écrire pour la prospérité l’histoire de la Révolution, il l’écrivit. […] En présence du tribunal inique, il lui lança de vertueuses invectives ; il monta sur la charrette, le sarcasme à la bouche ; et parmi tant de cruelles morts, la mort de cet homme bon fut une des plus amères, parce qu’à ses derniers moments il désespéra de la patrie.

927. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Donec eris felix… »

Il sut grouper les mécontentements, les appétits et les rancunes, et, à la tête d’un parti où figuraient ensemble des hommes de la Commune, des radicaux pressés d’arriver au pouvoir, des royalistes et des impérialistes, unis seulement pour la lutte et n’ayant en commun que des haines et des négations, il marcha à l’assaut du parlementarisme et put, un moment, aspirer à la dictature. […] Il est impossible, faute de documents sérieux (car on n’a que ses proclamations, qui sont insignifiantes), de dire si Boulanger fut un ambitieux de haute intelligence et capable de grands desseins, ou s’il ne fut qu’un aventurier vulgaire, servi un moment par des circonstances exceptionnelles, et, finalement, inégal à sa fortune. » J’espère que l’on sentira plus de pitié que de raillerie dans ces faciles horoscopes.

928. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre III. Des moyens de trouver la formule générale d’une époque » pp. 121-124

Tout tient à tout et le moment est venu de replacer la littérature au milieu de tout ce qui l’environne-. […] Nous n’avons point pour le moment à rechercher si cette dépendance est exactement de même nature dans les deux cas, ni en quoi une société diffère d’un organisme végétal ou animal.

929. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — IV. Les ailes dérobées »

reprit Sakaye, où sont-ils en ce moment ces yébem propriétaires de la case et maîtres de tes jambes ? […] A ce moment-là je m’échapperai ».

930. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Après le moment, le milieu. […] Est-ce le moment de mal parler des Français, quand les flammes de Moscou menacent Paris ? […] À ce moment, surgit un inconnu : c’est son père et c’est le bourreau ! […] Ils savent qu’au même moment un même événement s’impose à leur curiosité et les passionne. […] « Il n’y a que la femme, en ce moment, qui intéresse Barbey, écrit M. 

931. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

À ce moment, le traître Ondouré envoie René traiter avec les Illinois. […] « Je la perdis, je reçus d’elle des marques d’amour au moment même qu’elle expirait. […] Je ne pense pas qu’il ait beaucoup souffert, à ce moment-là, du mal de René. […] Une seule pensée m’absorbait ; je comptais avec impatience les moments. […] À ce moment, la politique extérieure est brillante et prospère.

932. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Il ne se rendrait qu’à l’évidence, et cette force d’âme déployée dans un pareil moment avait pour résultat de m’exaspérer. […] Mais, si un roman est une œuvre de science et d’art s’adressant à l’humanité tout entière, au-dessus du moment et du code social, visant à un absolu de vérité, j’ai raison. […] J’avais l’impression lancinante qu’on me volait un peu de son cœur en ces moments où elle était loin de moi, et aussi l’effroi de ne plus la voir revenir. […] Mais, à partir de ce moment-là, elle fut souvent absente pendant deux ou trois heures, et le peintre se désola, sentant de nouveau se poser sur lui la griffe amère de la Solitude. […] Le vieillard, par moments, s’arrêtant, immobile, Regardait les tombeaux ; l’enfant cherchait des fleurs.

933. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Mon très-cher abbé, lui dis-je, oubliez pour un moment le petit gravier qui picote votre cornée, et écoutez-moi. […] Là, nous allons contrefaire un moment le rôle du sauvage, esclaves des usages, des passions, jouer la pantomime de l’homme de nature. […] J’arrive à contre-temps, me dit-il. — Non, l’abbé. — Une autre compagnie vous rendrait peut-être, en ce moment, plus heureux que la mienne. — Cela se peut. — Je m’en vais donc. […] C’est que, toutes trois enfreintes et observées alternativement, elles perdent toute sanction : on n’y est ni religieux, ni citoyen, ni homme ; on n’y est que ce qui convient à l’intérêt du moment. […] Il n’y a qu’un moment heureux, c’est celui où il y a assez de verve et de liberté pour être chaud, assez de jugement et de goût pour être sage.

934. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

À partir de ce moment, elle marcha, sans se plus détourner jamais, dans les routes de la piété pratique et de la charité ; il ne s’agissait plus que du degré, selon qu’elle croissait en lumières. […] Dans une lettre intime à sa sœur la margrave de Baireuth, du 21 février 1756, il dit en parlant des négociations très délicates et épineuses où il était plongé en ce moment : « Le duc de Nivernais vient aujourd’hui ici ; si je pouvais jouir de l’homme aimable, j’en serais charmé ; mais jusqu’à présent je n’ai vu que l’ambassadeur. » L’ambassadeur ne réussit pas, mais tout autre n’eût guère mieux réussi en cette conjoncture. […] Le duc de Nivernais ne cessait de presser son ministre de se hâter à Versailles, sentant bien que chaque retard augmentait les espérances de l’opposition et les chances pour elle de renverser lord Bute : « Si vous voulez la paix, signez avant l’ouverture du parlement, quoquo modo… En vérité, c’est un enfer que de négocier ici dans le moment présent. […] On n’osait pas dire en face au duc de Nivernais : « Vous êtes trop heureux que nous ayons un ministère si inhabile » ; on lui disait du moins : « Vous êtes en ce moment plus habiles que nous. » Il touche et fait sentir cela avec beaucoup de tact et de bonne grâce dans un passage d’une de ses lettres, le dernier que nous citerons (toujours au comte de Choiseul) : Je dois vous dire, entre nous, que cette paix, qu’on critique peut-être à Paris, passe ici pour un chef-d’œuvre d’habileté de notre part. […] À cette époque, et dans le monde particulier où vivait Besenval, M. de Nivernais était dès longtemps remplacé : le Nivernais jeune et du moment, l’homme aimable et à la dernière mode, c’était M. de Vaudreuil.

935. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

Entre la France et l’Angleterre, il y aura donc toujours, et organiquement, trois grandes choses : la mer d’abord, l’influence continentale ensuite, enfin la passion, troisième élément plus indomptable encore que les deux autres ; la passion de la rivalité, qu’une grande nécessité peut faire taire un moment, mais qui ne mourra jamais entre ces deux jumeaux, qui se combattent dans le sein de leur mère, l’Europe. […] Supposez un moment par la pensée que l’Autriche se soit évanouie dans la nuit, que les Russes soient sur le Rhin, que la Prusse ait absorbé tous les membres de la confédération allemande, que l’unité de l’Allemagne fasse le pendant de l’unité italienne, et demandez-vous ce qu’il en serait de la France à son réveil ! […] Ces deux civilisations tendent à se rapprocher et à se fondre : votre politique est de favoriser ce progrès parallèle, en maintenant l’empire ottoman à la place qu’il occupe sur la carte, et en protégeant par un grand concordat politique avec le chef nominal, et en ce moment très vertueux, de cet empire, les populations tributaires du Grand-Seigneur par le gouvernement, et tributaires de l’Europe par l’origine, les mœurs, les religions ; c’est ce grand concordat entre la Turquie et l’Europe qui doit être en ce moment la pensée dominante de la diplomatie française. […] XVI L’autre question, c’est l’Italie ; elle brûle en ce moment, et l’incendie imprévoyant que le Piémont y a allumé, et que la France n’a pas étouffé à temps, menace de consumer toute l’Europe. […] Ma monarchie, jusqu’ici de troisième ordre et presque inaperçue dans la famille des monarchies, va grandir en un moment, non pas comme une puissance régulière et par un accroissement progressif, mais à la manière des explosions révolutionnaires, jusqu’à la proportion de trente millions d’âmes, d’un trône composé des ruines de cinq ou six trônes, et d’une armée de cinq ou six cent mille hommes qui deviendront mon armée.

936. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

Ce sang, circulant dans une direction ascendante, pénètre dans le foie par deux branches principales ; il ne contient à ce moment aucune trace de sucre. […] Ainsi se trouve indiqué le moment de la naissance de la fonction glycogénique. […] Ainsi, la bile qui arrive dans le duodénum au moment de la digestion n’est pas sécrétée au moment même ; elle a été formée antérieurement et mise en réserve dans la vésicule. […] Pour le moment, nous allons donc rechercher les conditions physiologiques de la disparition du sucre dans l’animal. […] On n’examina pas les autres flacons à ce moment.

937. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Réfléchissez-y-un moment. […] Qui sait si, en ce moment même, il n’y a pas, quelque part, une femme qui vous aime et qui vous appelle ?  […] François de Curel n’a pas un moment faibli. […] A chaque moment de l’action, ses personnages ne disent que ce qu’ils doivent naturellement dire à ce moment-là : ils négligent de nous renseigner ex professo sur leur passé ou sur leur caractère. […] Du moment que je n’ai pas pu le faire comprendre à tout le monde, l’objection subsiste, c’est évident.

938. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Tu as fixé le moment de ton départ ; tu as dit que la seule chose qui pût t’arrêter, c’est que je vivais encore. […] Si j’avais cru que le meilleur parti à prendre fût de faire périr Catilina, je ne l’aurais pas laissé vivre un moment. […] Mais ce n’est pas le moment. […] le moment où je les ai vus naître m’a causé moins de joie qu’aujourd’hui qu’ils me sont rendus. […] Mais laissons un moment Cicéron orateur et critique, et voyons Cicéron écrivain et philosophe.

939. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

Qu’il me soit permis cependant de vous dire que, dans ce moment, vous oubliez le sens véritable de votre songe, et il est facile de vous le prouver. […] Dans ce moment, l’hôte de Crésus, celui que Crésus avait purifié, Adraste lance sa javeline, manque le but, et, au lieu de frapper l’animal, atteint le fils de Crésus, qui, blessé mortellement par une pointe de fer, accomplit en mourant le funeste présage du songe. […] Nous devons donc considérer, avant tout, ce qui touche à la stabilité de votre empire ou à la durée de votre existence, et, si nous apercevons quelque danger, ne pas perdre un moment pour vous l’indiquer. […] Lorsqu’un enfant vient de naître, tous ses parents, rangés autour de lui, pleurent sur les maux qu’il aura à souffrir depuis le moment où il a vu le jour, et comptent en gémissant toutes les misères humaines qui l’attendent. […] Ils nourrissent leurs chevaux et les autres bêtes de somme avec du poisson, qui abonde tellement, qu’il suffit pour le pêcher d’ouvrir la trappe sur le lac et de descendre dans l’eau une corbeille de jonc vide, que l’on retire un moment après entièrement pleine.

940. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Un moment, il se rencontre avec eux pour revendiquer la liberté de l’enseignement ; mais il est vite dégoûté par leurs concessions et leurs habiletés de politiques. […] C’est peut-être le seul moment de sa vie politique où il ait eu la joie de ne point se sentir isolé et suspect et de pouvoir communier avec toute la France. […] J’ai quelque idée que, si Veuillot vivait encore, il préférerait le moment où nous sommes, malgré ses misères inouïes, à l’époque de la monarchie de Juillet ou aux dix dernières années du second Empire. […] Est-ce qu’il n’y a pas eu des moments où, loin de la lutte, aux champs ou sur la grève, ou bercé par la musique, il vous semblait étrange que vous fussiez Louis Veuillot, rédacteur en chef de l’Univers, voué, dans un coin de la planète, à la tâche d’anathématiser des hommes comme vous à cause de certaines affirmations, inconcevables et incontrôlables, sur le monde et la cause première ; des moments où vous ne vous voyiez plus vous-même que de loin, où il vous paraissait à la fois incompréhensible et doux de vivre ? Et est-ce qu’il n’y a pas eu d’autres moments encore, des moments d’angoisse mortelle et d’universel dégoût, où vous admettiez presque que l’on pût totalement désespérer et où vous n’étiez retenu dans votre foi que par une habitude d’âme ?

941. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

À un moment, il raconte « la plus forte émotion de sa vie ». […] » Roger est sans doute naïf de croire, ou que cette franchise est possible, ou qu’elle supprimerait la souffrance, ou que l’on connaît toujours le moment où l’on a cessé d’aimer. […] Mais au dernier moment, effrayée, elle se dérobe : tout est perdu ! […] Mais, du moment qu’Henri ne peut plus être son gendre, Piégois refuse au banquier Jacques Tasselin les 500.000 francs qu’il lui avait conditionnellement promis. […] Et, comme elle est juste, je l’accepterai d’un tel cœur qu’elle me deviendra légère… Si j’ai eu jadis quelques mérites, je les ai perdus du moment que j’ai pris des airs vulgaires de sacrifiée et que j’ai quêté sottement des consolations.

942. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

en la pendant… Mais c’est désagréable, la Reine, au dernier moment, a fait grâce. » Donc aujourd’hui Saint-Victor m’introduit chez ce terrible original. […] Puis de là, à un moment, on descend aux mystères des sens, à l’inconnu des goûts bizarres, des tempéraments monstrueux. […] Quelque chose vous apparaît un moment, puis s’enfuit, et vous retombez plus las que d’un assaut qui vous a brisé… Oh ! […] Il y a des moments, oui, où je voudrais tuer tout ce qui est : les sergents de ville, M.  […] Cette révélation fait pâlir même le mot profond du vieux Rothschild : « À la Bourse, il y a un moment où, pour gagner, il faut savoir parler hébreu !

943. (1925) La fin de l’art

» où il se laissera aller dans un moment de colère familière. […] Ce fut même son grand moment d’autorité politique, car les catholiques étaient au pouvoir et il triomphait, quoique avec mauvaise humeur, car ce n’était pas un homme amène. […] Il est un moment où toutes les femmes semblent pareilles. […] Quand on soulève de ces tristes questions, on devrait en tenir la solution dans sa main fermée et l’ouvrir au bon moment, pour en faire jaillir la surprise. […] On sait que la Savoie existe, on la traverse mais on ferme sans doute les yeux à ce moment, on ne la voit pas.

944. (1900) La culture des idées

Qu’est-ce que cette gloire dont jouirait un homme à partir du moment où il sort de la conscience ? […] Albalat parvient-il à superposer ces trois moments, qui n’en font qu’un, de l’œuvre littéraire, je ne saurais l’exprimer sans beaucoup de tourment. […] Quel bon moment que le moment d’aujourd’hui pour étudier le mécanisme de l’association et de la dissociation des idées ! […] Il est malaisé de comprendre l’écriture la plus sincère et l’auteur même de l’écriture y échoue souvent, parce que le sens des mots varie non seulement d’un homme à un autre homme, mais, des moments d’un homme aux autres moments du même homme. […] À ce moment il rouvrait les yeux.

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