Car enfin, qu’on parcoure l’Histoire des Peuples les plus sauvages, on y trouve au moins quelques étincelles d’instinct & de raison, conservées au milieu de la barbarie des mœurs & de la férocité du genre de vie. […] En attaquant de légeres erreurs, elles ont détruit les principes essentiels ; en cherchant à anéantir les préjugés, elles ont égaré les esprits ; en prétendant élever l’ame, elles ont dégradé & corrompu les mœurs.
Il y fait l’histoire de sa vie et de ses souffrances… Il prie, il enseigne, il explique les mystères, et donne des règles pour les mœurs… Il voulait donner à ceux qui aiment la poésie et la musique des sujets utiles pour se divertir, et ne pas laisser aux païens l’avantage de croire qu’ils fussent les seuls qui pussent réussir dans les belles-lettres191. » Enfin, celui qu’on appelait le dernier des Pères, avant que Bossuet eût paru, saint Bernard, joint à beaucoup d’esprit une grande doctrine. Il réussit surtout à peindre les mœurs, et il avait reçu quelque chose du génie de Théophraste et de La Bruyère.
Votre tâche, moins agréable que la mienne, n’était guère moins difficile à remplir : elle exigeait une connaissance approfondie de la langue, des usages, des coutumes, des mœurs, de l’état des sciences et des arts au temps de Sénèque. […] A cet avantage tâchons, mon ami, d’en ajouter un second, plus précieux peut-être : qu’il ne vous suffise pas d’avoir éclairci les passages les plus obscurs du philosophe ; qu’il ne me suffise pas d’avoir lu ses ouvrages, reconnu la pureté de ses mœurs, et médité les principes de sa philosophie : prouvons que nous avons su, l’un et l’autre, profiter de ses conseils.
Teniere peint des mœurs plus vraies peut-être. […] Le choix de ses sujets marque de la sensibilité et de bonnes mœurs.
Il faut partager une nation en trois classes : le gros de la nation qui forme les mœurs et le goût national ; ceux qui s’élèvent au-dessus sont appellés des fous, des hommes bizarres, des originaux ; ceux qui descendent au-dessous sont des plats, des espèces. […] Celui qui devance son siècle, celui qui s’élève au-dessus du plan général des mœurs communes doit s’attendre à peu de suffrages, il doit se féliciter de l’oubli qui le dérobe à la persécution.
En 1748, un ouvrage de Toussaint en faveur de la religion naturelle, les Mœurs, devient tout d’un coup si célèbre, « qu’il n’y a personne dans un certain monde, dit Barbier, homme ou femme se piquant d’esprit, qui ne veuille le voir. On s’aborde aux promenades en se disant : Avez-vous lu les Mœurs ? […] Concluez des mœurs aux croyances En d’autres cas on n’a pas la peine de conclure. […] On voyait fréquemment dans le monde des hommes de lettres du deuxième et troisième rang être accueillis et traités avec des égards que n’obtenaient pas les nobles de province… Les institutions restaient monarchiques, mais les mœurs devenaient républicaines. […] » (Sénac de Meilhan, Du gouvernement, des mœurs et des conditions en France .)
Ces formes diverses et successives de gouvernement ne sont ni absolument bonnes, ni absolument mauvaises en elles-mêmes : elles sont relativement bonnes ou mauvaises, selon qu’elles servent plus ou moins bien la souveraineté qu’elles sont chargées d’exprimer et de servir ; tout dépend de l’âge, du caractère, des mœurs, des habitudes, du nombre, du site, du climat, des limites, de la géographie même des peuples qui adoptent telle ou telle de ces formes de gouvernement. […] Une fois le principe de propriété et celui d’hérédité admis par leurs nécessités et leurs évidences, le principe, infiniment moins évident, infiniment moins absolu, de l’unité ou de la division de l’héritage, flotte au gré du temps, des mœurs, des formes monarchiques, aristocratiques, démocratiques, démagogiques de la société nationale. […] Sans doute ce règlement de l’héritage, inaliénable dans quelques-uns de ses domaines, a de graves inconvénients, tant pour les enfants puînés, qui n’héritent que d’une faible légitime, que pour les créanciers de l’aîné, qui ne peuvent forcer le possesseur viager à aliéner son inaliénable domaine dynastique ; mais que d’avantages pour l’État, pour la famille, pour l’agriculture, pour les mœurs, pour la politique, dans cette inaliénabilité d’une partie du patrimoine de la famille ! […] Les opinions flottent comme les mœurs ; la rotation sans limite de la fortune et des familles empêche toute autorité morale de s’établir ; la roue de la fortune, en tournant si vite, précipite tout dans un égoïsme funeste à l’ensemble ; le peuple même n’a plus ni protection, ni centre, ni représentants puissants dans le pays, pour défendre ses droits, ses instincts, ses libertés. En démocratisant trop la terre, elle ruine les mœurs ; en nivelant sans cesse les biens, elle abaisse les âmes.
Dans toute œuvre d’art il y a donc deux parties, l’une toujours vivante, impérissable, parce qu’elle reproduit ce qu’il y a d’éternellement vrai dans la nature et dans le cœur humain ; l’autre sujette à l’instabilité des goûts et de la mode, parce qu’elle s’appuie sur des mœurs et des opinions qui se renouvellent sans cesse. […] Par une érudition puissante elle m’environne pour un instant des croyances, des mœurs, des circonstances sociales et politiques où vivaient les admirateurs du poète qu’elle rend à la lumière. […] Je voudrais que l’histoire de la littérature ne devînt pas de l’histoire à propos de littérature ; que les détails qui représentent la société, les mœurs, les gouvernements, fussent le cadre et non le tableau. […] Les grands siècles étant généralement connus, et les époques stériles pour l’art présentant assez souvent des mœurs, des événements, une physionomie piquante, notre histoire littéraire s’attache volontiers à ces époques et glisse aisément de l’esthétique dans l’anecdote. […] Celle de Suard promet de vivre davantage, grâce aux peintures de mœurs et aux anecdotes piquantes que sa plume ingénieuse a su nous transmettre33.
Ils en ont planté bien d’autres, plus embarrassantes, car elles sont historiques : des noms estropiés, des dates fausses, Villars à la place de Villeroy ; le comte de Toulouse et la duchesse de Berry mariés avant leur mariage ; et, ce qui est pis, des contre-sens de mœurs. […] Nous ne savions pas qu’un prince eût l’âme et les mœurs d’un laquais. […] On répondra que ces gens s’ennuyaient, que ces mœurs étaient une tradition, qu’un amusement est un accident, qu’au fond le cœur n’était pas vil : « Nanon, la vieille servante de madame de Maintenon, était une demi-fée à qui les princesses se trouvaient heureuses quand elles avaient occasion de parler et d’embrasser, toutes filles de roi qu’elles étaient, et à qui les ministres qui travaillaient chez madame de Maintenon faisaient la révérence bien bas. » L’intendant Voysin, petit roturier, étant devenu ministre, « jusqu’à Monseigneur se piqua de dire qu’il était des amis de madame Voysin, depuis leur connaissance en Flandre. » On verra dans Saint-Simon comment Louvois, pour se maintenir, brûla le Palatinat, comment Barbezieux, pour perdre son rival, ruina nos victoires d’Espagne. […] Les mœurs nobles au xviie siècle, comme les mœurs chevaleresques au xiie , ne furent guère qu’une parade. […] Il choquait par ses mœurs comme par ses prétentions ; il y avait en lui toutes les oppositions, aristocratiques et morales ; s’il était pour la noblesse comme Boulainvillier, il était, comme Fénelon, contre la tyrannie.
D’abord les mœurs. […] Leurs mœurs seront d’une pureté invraisemblable. […] Cela est rude, mais nécessaire dans l’intérêt des mœurs et de la dignité de la corporation. […] Les comédies du dix-septième siècle sont, en leur fond, en leur forme, en leur langage, représentatives des mœurs du dix-septième siècle. […] Nous avons des mœurs.
Que peuvent faire tous les chants, toutes les confessions des enfants du siècle à cet esprit sain, sobre, nourri aux mœurs de la famille ; qui, enfant, lisait les Essais de Nicole le dimanche, qui apprenait par cœur Les Provinciales dans le latin de Wendrock, et qui, venu plus tôt, aurait aimé à se mouler en tout sur le patron des Bignon, des Pithou, des d’Aubray, sur celui des Fleury et des Rollin ? […] D’autres critiques brillent par l’invention, d’autres par l’érudition curieuse, d’autres par l’imprévu du tour ou le fini du détail : lui, il est surtout recommandable comme l’aimable et modeste Nicole, par les mœurs. […] M. de Sacy, père de famille, fils d’un père très religieux, et religieux lui-même, à demi platonicien autant qu’il sied à un admirateur déclaré de Cicéron, ayant en lui, dans sa nature modérée et sensée, de beaux restes et comme des extraits mitigés de toutes ces hautes doctrines, M. de Sacy, homme pratique et de mœurs domestiques vertueuses, a lu les Maximes, et, en les admirant littérairement, il en a souffert dans sa sensibilité : « Ma répugnance est invincible, dit-il ; je tiens les Maximes pour un mauvais livre.
Élève de Louis Racine, qui lui avait légué le culte du grand siècle et celui de l’antiquité, nourri dans l’admiration de Pindare et, pour ainsi dire, dans la religion lyrique, il était simple que Le Brun s’accommodât peu des mœurs et des goûts frivoles qui l’environnaient ; qu’il se séparât de la cohue moqueuse et raisonneuse des beaux-esprits à la mode ; qu’il enveloppât dans une égale aversion Saint-Lambert et d’Alembert, Linguet et La Harpe, Rulhière et Dorat, Lemierre et Colardeau, et que, forcé de vivre des bienfaits d’un prince, il se passât du moins d’un patron littéraire. […] Cette charmante mythologie que le xviie siècle avait défigurée en l’adoptant, et dont le jargon courait les ruelles, il la recompose, il la rajeunit avec un art admirable ; il la fond merveilleusement dans la couleur de ses tableaux, dans ses analyses de cœur, et autant qu’il le faut seulement pour élever les mœurs d’alors à la poésie et à l’idéal. […] Au livre second des odes de Le Brun, la quinzième A un jeune Ami s’adresse évidemment à André : Souviens-toi des mœurs de Byzance ; Digne de ton berceau, maîtrise la beauté !
Mœurs et caractères au xviiie siècle. […] Plus on sait l’histoire, mieux on doit l’avouer : les fortes mœurs françaises finissent avec le Moyen Âge. […] Ses travers avaient d’ailleurs leurs partisans… C’était l’Alceste des bonnes mœurs et de la décence ; mais les dévots qui l’entouraient firent de lui un Orgon ; ils le poussèrent à de scabreuses démarches.
Madame Récamier, la modeste Madame Récamier, qui n’eut jamais rien de superbe, même dans sa beauté, forme le contraste le plus hardi, le plus étonnant et le plus facile à apercevoir avec les mœurs, les attitudes et les passions de son époque. Fétides sous le Directoire, mais tonifiées et bonifiées par la gloire, ces mœurs étaient telles encore que Napoléon, ce génie romain, ce grand pater familias de son empire, avait besoin de toutes ses impériales sévérités pour ramener aux vertus de la famille ses généraux mal disciplinés à ces vertus, mais dont c’était la seule indiscipline… Eh bien, au plus brûlant et au plus entraînant de ces mœurs qui avaient en tout l’emportement de la mêlée et de la victoire, voilà qu’apparut cet être étrange et ravissant, et alors, comme depuis, si chastement inviolable, que, malgré toutes les qualités qui éveillent l’envie, jamais la calomnie n’eut le courage d’envoyer même sur ses pieds immaculés une gouttelette de boue.
Voyons maintenant comment cette littérature morale et politique, résumée dans Confucius, a constitué le gouvernement, les lois et les mœurs de l’Asie, après sa mort, et quels sont les fruits que la raison d’un seul homme d’État a produits sur la civilisation de quelques milliards d’hommes, ses semblables. […] Les cérémonies qui accompagnent ce culte sont conformes aux mœurs du pays. […] Les vainqueurs ont été forcés de prendre les mœurs des vaincus ; la pensée a triomphé de la force ; le palais des souverains tartares a continué à être le sanctuaire de la philosophie et de la littérature. […] L’histoire est le miroir de ma conscience : dans les autres je vois ma propre image, et j’entends, dans le jugement que je porte de mes prédécesseurs, le jugement qu’on portera de moi-même. » « Ces sortes de journaux sont dans les mœurs de la nation chinoise. […] Qui entreprend de changer les mœurs des hommes ne doit pas se flatter que le bon exemple seul persuade la vertu.
Les mœurs étaient encore grossières. […] Ce lettré ne sait rien des mœurs antiques : le moyen âge n’était pas plus naïvement ignorant. […] Il a le rire étincelant, le vers sonore, l’intrigue folle, les mœurs extravagantes. […] Et puis le goût littéraire ne se règle pas toujours sur les mœurs. […] De toute cette corruption des mœurs, de tant d’amours sans passion, qu’est-il passé dans la comédie ?
Une situation semblable a produit les mœurs, les sentiments, les vertus et la morale du moyen âge. […] Pour achever, considérez les mœurs. […] Mœurs de son théâtre. […] De pareils sentiments aujourd’hui seraient étranges ; alors ils étaient dans les mœurs. […] Il y en a sur les habits, les parures, les mœurs, l’étiquette de chaque caste.
La feuille en renom au xviiie siècle pour la rigidité de ses principes classiques, L’Année littéraire, avait parlé de son livre des Considérations sur les mœurs, et en assez bons termes ; Mme de Créqui n’en était pas très mécontente : Venons à la critique de L’Année littéraire, lui écrivait-elle ; elle est à quelques égards assez obligeante, et à d’autres détestable. […] Molé, dont le jugement excellent en toute matière était parfait dans ces choses littéraires qui touchent à la société, me disait un jour en parlant de M. de Meilhan : « Il a bien connu les mœurs de son temps, mais il en avait les vices. » J’ajouterai qu’il n’avait pas seulement les idées de son temps, il les dépassait souvent et les bravait par sa hardiesse d’esprit ; il devançait sur bien des points celles du nôtre. […] Il poursuit ses raisonnements au sujet de la perte de sa bibliothèque, et démontre par des applications sa pensée : « À mesure que l’esprit humain avance, une multitude d’ouvrages disparaît. » Le président estime que nous n’avions pas en France, à sa date, de bons historiens : Un historien ne peut avoir de gloire durable que lorsqu’il approfondit la moralité de l’homme, et développe avec sagacité et impartialité les modifications que lui ont fait subir les institutions civiles et religieuses : alors il devient intéressant pour toutes les nations et pour tous les siècles… Ce n’est pas dans nos histoires qu’on apprend à connaître les Français, mais dans un petit nombre de mémoires particuliers, et je maintiens que l’homme qui a lu attentivement Mme de Sévigné est plus instruit des mœurs du siècle de Louis XIV et de la Cour de ce monarque, que celui qui a lu cent volumes d’histoire de ce temps, et même le célèbre ouvrage de Voltaire. […] Il y avait, dans la première édition des Considérations sur les mœurs, quelques passages assez peu honnêtes qu’elle n’avait pas bien compris : « Ce que j’entends le moins dans ce recueil, disait-elle en lui en renvoyant le manuscrit, c’est ce qui touche mon sexe ; mais pour le reste, je l’ai souvent pensé. » Mme de Créqui, malgré sa longue expérience du monde et son esprit mordant, avait l’âme neuve et par certains endroits assez naïve.
Leur roman de Sœur Philomène est une étude de cœur et de mœurs, qui semble prise sur la réalité. […] Cette étoile lui reste au front et décide souvent de ses mœurs, ou tout au moins de son ton, de son genre. […] Il ne faudrait pas essayer de faire l’histoire de Mme de Boufflers, dans sa jeunesse ; ses mœurs furent celles du grand monde de son temps, c’est-à-dire plus que légères. […] Nos mœurs françaises deviennent charmantes. » Malgré le dénigrement anticipé de d’Argenson, le salon ouvert par Mme de Luxembourg vers 1750 devint en effet un des ornements et, à la longue, une des institutions du siècle.
Étant donnés le climat, les mœurs de la France, les matériaux, le fond d’art préexistant, c’est-à-dire quelques traditions venues des Romains et des Byzantins, l’architecture romane est née et devait naître la première : et déjà impliquée en celle-ci, s’y laissant d’abord entrevoir par places, la seconde, plus élancée et à ogive, l’architecture gothique se produit à un certain moment avec hardiesse et se déduit comme d’elle-même, grâce à des gens qui raisonnent juste, et qui, par émulation et par zèle, sont poussés à toujours mieux faire. […] Ce genre de travail et d’inventaire l’a conduit à nous tracer un tableau de la vie privée de la noblesse féodale en ces âges où les mœurs, dans les hautes classes et les classes aisées, cessèrent d’être barbares dès le XIIIe siècle et devinrent même assez raffinées au XIVe. […] Nous nous asservissons à eux, et nous importons pour d’autres mœurs, pour d’autres usages et sous un autre climat, des formes toutes faites dont nous méconnaissons le principe originel et l’esprit. […] Viollet, c’est d’abord qu’on ne prenne pas l’antique pour le transporter, tel quel, chez nous, sans motif, sans égard à tout ce qui diffère profondément entre des sociétés si dissemblables ; et de notre passé à nous, de notre ancienne architecture nationale, il veut qu’on n’en prenne que ce qui s’applique à nos mœurs actuelles, à notre objet, aux matériaux dont nous nous servons, et surtout qu’on s’inspire du bon sens extraordinaire dont ces vieux architectes du XIIIe siècle ont fait preuve.
Vastes tableaux de mœurs. […] En face de ces études réalistes sur la vie contemporaine, Flaubert nous présente de hardies, d’étranges tentatives de restitution de mœurs ou d’âmes bien lointaines : la Légende de saint Julien l’Hospitalier, Hérodias, dans les Trois Contes, la Tentation de saint Antoine (1874), et surtout le roman carthaginois de Salammbô (1802). […] Il suppléait à toutes les lacunes de l’érudition : il allait chercher à travers les siècles et les races de quoi compléter ses textes, cueillant ici un trait du Sémite biblique, et là faisant concourir sainte Thérèse à la détermination du type extatique de Salammbô. « Je me moque de l’archéologie, écrivait-il ; si la couleur n’est pas une, si les détails détonnent, si les mœurs ne dérivent pas de la religion et les faits des passions, si les caractères ne sont pas suivis, si les costumes ne sont pas appropriés aux usages, et les architectures au climat, s’il n’y a pas, en un mot, harmonie, je suis dans le faux. […] Daudet a tenté aussi de grandes études historiques de mœurs contemporaines : le monde du second empire dans le Nabab, le monde des souverains en déplacement ou en disponibilité dans les Rois en exil, le monde de l’Institut dans l’Immortel.
À l’époque où parut le livre des Caractères ou des mœurs de ce siècle, les Maximes et les Pensées étaient dans les mains de tout le monde, et La Bruyère sentit le besoin de repousser d’avance le reproche d’imitation. […] Sous cette forte discipline d’un jeune roi qui ne voulait pas plus des frondeurs du Parlement que des tuteurs de l’école de Richelieu ou de Mazarin, l’ambition avait dû changer de mœurs en changeant d’objet. […] Les Caractères ne furent d’abord que des abstractions, et les Mœurs que des réflexions morales, rangées dans un nouvel ordre, mais qui ressemblent beaucoup aux Maximes et aux Pensées. […] La partie dogmatique du livre s’augmentait dans la même mesure ; toute observation de mœurs qui ne pouvait pas prendre un corps et un visage paraissait sous la forme d’une réflexion ou d’un aphorisme.
Le Diable boiteux, pour le titre, le cadre et les personnages, est pris de l’espagnol ; mais Lesage ramena le tout au point de vue de Paris ; il savait notre mesure ; il mania son original à son gré, avec aisance, avec à-propos ; il y sema les allusions à notre usage ; il fondit ce qu’il gardait et ce qu’il ajoutait dans un amusant tableau de mœurs, qui parut à la fois neuf et facile, imprévu et reconnaissable. […] Turcaret est à la fois une comédie de caractère et une page de l’histoire des mœurs, comme Tartuffe. […] Tout en le donnant comme tiré d’un manuscrit espagnol, il y mêla les mœurs françaises, celles de nos petits abbés, classe inconnue en Espagne ; et en même temps, pour ce qui est de la description des mœurs du Mexique qu’on trouve dans la seconde partie du Bachelier, il la prit, sans le dire, dans la relation d’un Irlandais, Thomas Gage, qui avait été traduite en français bien des années auparavant.
Avoir de l’urbanité, comme Gédoyn l’entend, c’est avoir des mœurs, non pas des mœurs dans le sens austère, mais dans le sens antique : Horace et César en avaient. Avoir des mœurs en ce sens délicat, qui est celui des honnêtes gens, c’est ne pas s’en croire plus qu’à personne, c’est ne prêcher, n’injurier personne au nom des mœurs.
Chez toutes deux la morale domine ; la bienséance et le devoir règlent les mœurs et le ton, Mme de Lambert, au milieu du débordement de la Régence, ouvre chez elle un asile à la conversation, au badinage ingénieux, aux discussions sérieuses : Fontenelle préside ce cercle délicat et poli, où il est honorable d’être reçu. […] Parmi les mots et les idées qui reviennent le plus souvent sous sa plume quand elle se mit à écrire, je distingue surtout les mots mœurs, innocence et gloire. […] Il est des expressions moins marquées et plus douces, et qu’elle place d’une manière charmante : « Faites, écrit-elle à son fils, que vos études coulent dans vos mœurs, et que tout le profit de vos lectures se tourne en vertu… » — « Parmi le tumulte du monde, ayez, mon fils, lui dit-elle encore, quelque ami sûr qui fasse couler dans votre âme les paroles de la vérité. » Et enfin (car elle affectionne cette expression), dans son petit Traité de l’amitié : « Que les heures sont légères, s’écrie-t-elle, qu’elles sont coulantes avec ce qu’on aime ! […] Entre tant d’hommes d’esprit qui venaient chez elle, et parmi lesquels je citerai encore Mairan, l’abbé de Montgault, l’abbé de Choisy, l’abbé de Bragelonne, le père Buffier, le président Hénault, Mme de Lambert avait fait un second choix de préférence dans la personne de M. de Sacy, le traducteur élégant de Pline le Jeune, et en qui elle voyait la réunion de toutes les vertus et de tous les agréments, les mœurs et les grâces.
Placée, dès les premiers mois de son arrivée en France, à la tête d’une maison où elle recevait ce qu’il y avait de plus en vogue parmi les gens de lettres de Paris, jalouse d’y suffire et y parvenant, émule et disciple de Mme Geoffrin, elle eut à prendre sans cesse sur elle, sur sa santé, sur ses habitudes chéries, sur ses autres goûts : Je dois à cette occasion vous faire un aveu, écrivait-elle en 1771 à une amie de Suisse, c’est que, depuis le jour de mon arrivée à Paris, je n’ai pas vécu un seul instant sur le fonds d’idées que j’avais acquises ; j’en excepte la partie des mœurs, mais j’ai été obligée de refaire mon esprit tout à neuf pour les caractères, pour les circonstances, pour la conversation. […] Dans une lettre où elle s’excuse de ne pouvoir leur présenter deux jeunes Zurichois, elle nous les montre ne pouvant se contraindre dans leurs propos, travaillant le matin dans leur cabinet, puis causant tout le reste du jour : Le matin est consacré à l’étude, et ils ont une si grande liberté de penser, qu’ils ne peuvent se résoudre à rencontrer un visage inconnu dans les maisons qu’ils fréquentent ; car qui dit liberté de penser, sous-entend un désir violent de parler ; j’en vois quelques-uns, et heureusement leurs mœurs, qui sont très honnêtes, corrigent l’impression de leurs principes, sans quoi il vaudrait mieux renoncer à ce genre de société. […] Il y met parfaitement en lumière les deux traits essentiels qui se croisaient en elle et qui la caractérisent, la complication de l’esprit et la rectitude du cœur : Étrangère aux mœurs de Paris, Mme Necker n’avait aucun des agréments d’une jeune Française. […] Il ne faut pas non plus leur peindre des mœurs particulières : parlez-leur toujours avec un porte-voix à l’extrémité de la chaîne, et ne vous hasardez jamais à vouloir les faire passer de chaînon en chaînon.
Les mœurs furent de tout temps son côté faible ; il avait les passions violentes et peu idéales, et le propos familier trop souvent à l’unisson. […] Si je vous avais écrit pendant mon séjour à l’armée, je vous aurais parlé en franc garnisonnier de l’ordre profond et de l’ordre mince ; mais ma tête est refroidie à présent sur la tactique, et il ne me reste que des observations utiles à mon métier sur une classe d’hommes que je ne connaissais pas, et dont les mœurs méritent d’être étudiées. […] Mais, tandis que le traité du cardinal Maury nous recommande ces choses excellentes, faut-il donc que sa vie et son exemple nous répètent encore plus haut que, pour être éloquent jusqu’au bout, pour l’être de près comme de loin, pour avoir autorité, même avec un talent moindre, pour se faire écouter dans ce qu’on dit de grand, d’éclatant ou même de simplement utile, il n’est rien de tel que de mettre en parfait accord l’homme et l’orateur, l’homme et l’auteur, et, si vous préférez à tout la parole de Bourdaloue, d’y joindre ce qui en est le principe et la source première, je veux dire les mœurs de Bourdaloue ! […] Je trouve ma pensée tout exprimée dans ce mot énergique : « Mirabeau, Maury, de mœurs égales, deux taureaux. » 36.
Sur ce qui concerne les mœurs, le plus beau et le meilleur est enlevé ; l’on ne fait que glaner après les anciens et les habiles d’entre les modernes. […] Il n’a manqué à Molière que d’éviter le jargon et le barbarisme, et d’écrire purement : quel feu, quelle naïveté, quelle source de la bonne plaisanterie, quelle imitation des mœurs, quelles images, et quel fléau du ridicule ! […] Ce n’est point assez que les mœurs du théâtre ne soient point mauvaises, il faut encore qu’elles soient décentes et instructives : il peut y avoir un ridicule si bas et si grossier, ou même si fade et si indifférent, qu’il n’est ni permis au poète d’y faire attention, ni possible aux spectateurs de s’en divertir. […] Dans quelques-unes de ses meilleures pièces il y a des fautes inexcusables contre les mœurs, un style de déclamateur qui arrête l’action et la fait languir ; des négligences dans les vers et dans l’expression qu’on ne peut comprendre en un si grand homme.
Cet ouvrage passa dans l’esprit de bien des personnes sensées, pour un livre satyrique & contraire aux bonnes mœurs. […] L’histoire, de l’aveu même des éditeurs, y est totalement négligée ; on n’y parle d’aucun de ces faits qui piquent la curiosité, ou qui instruisent sur les mœurs des différens siécles ; on n’y fait connoître aucun de ces hommes fameux qui ont bien mérité des Lettres ou de la patrie, ou dont les vices & les passions ont été funestes aux Empires & à l’humanité. […] On n’y fait presque jamais connoître les mœurs, la religion, les loix, le commerce des peuples, ni les productions des pays qu’ils habitent, quoique toutes ces choses entrent essentiellement dans la définition de certains articles de géographie. […] ouvrage utile aux Légistes, Notaires, Archivistes, Généalogistes, &c. propre à donner une idée du génie, des mœurs & de la tournure d’esprit des auteurs de chaque siécle ; & absolument nécessaire pour l’intelligence des loix d’Angleterre, publiées en françois depuis Guillaume le conquérant jusqu’à Edouard III.
. — Influence de la fortune sur les mœurs littéraires. — Balzac, messer milione. […] — Considérations sur l’esprit du temps. — Mollesse et apologie. — Optimisme 279 LXXI. — Transformation du journal La Presse et des mœurs littéraires. — Son prospectus. — Chateaubriand, Alexandre Dumas, Napoléon, principaux collaborateurs. — Influence sur les lettres 281 LXXII. — M.
La multitude s’avilissait par la flatterie imitatrice des mœurs du tyran ; et le petit nombre des hommes distingués, communiquant difficilement entre eux, ne pouvaient établir cette opinion critique, cette législation littéraire, qui trace une ligne positive entre l’esprit et la recherche, entre l’énergie et l’exagération. […] Si l’on en excepte les années de la terreur en France, l’atrocité n’est pas dans la nature des mœurs européennes de ce siècle.
Antithèses étranges et profondes, plus profondes qu’ailleurs, ou plus sensibles, ou plus souvent rencontrées : Entre le soleil et la pluie ou le brouillard, entre les paysages de gares, de docks, d’usines et de mines et les paysages de bois, de lacs et de pâturages ; Entre le passé et le présent, qui partout se côtoient, dans les institutions, dans les mœurs, dans les édifices ; Entre la richesse formidable et l’épouvantable misère ; Entre le sentiment inné du respect et l’attachement inné à la liberté individuelle ; Entre la beauté des jeunes filles et la laideur des vieilles femmes ; Entre l’austérité puritaine et la brutalité des tempéraments ; Entre le don du rêve et le sens pratique, l’âpreté au travail et au gain ; Entre les masques et les visages, etc. […] Je vois que c’est le peuple le plus rapace et le plus égoïste du monde ; celui où le partage des biens est le plus effroyablement inégal, et dont l’état social est le plus éloigné de l’esprit de l’Évangile, de cet Évangile qu’il professe si haut ; celui chez qui l’abîme est le plus profond entre la foi et les actes ; le peuple protestant par excellence, c’est-à-dire le plus entêté de ce mensonge de mettre de la raison dans les choses qui n’en comportent pas… Nous sommes, certes, un peuple bien malade ; mais, tout compte fait, nous avons infiniment moins d’hypocrisie dans notre catholicisme ou dans notre incroyance, dans nos mœurs, dans nos institutions, même dans notre cabotinage ou dans nos folies révolutionnaires.
L’auteur y établit les principes généraux de la science des mœurs, et finit par les contrats, les actes de mariage, les promesses verbales, les promesses écrites, le serment et le reste de ces engagements que nous prenons si légèrement et qui ont des suites si longues et si fâcheuses. […] Je désirerais qu’on diminuât la sécheresse de l’étude du globe par quelques détails sur les religions, les lois, les mœurs, les usages bizarres, les productions naturelles et les ouvrages des arts.
La plupart des lecteurs aux mœurs faciles, qui ont lu la Fanny de M. […] « Changez vos mœurs, nous dit-il, nous changerons nos livres. Je nie absolument l’influence des romans sur les mœurs. […] Ce sont les lois et les mœurs qui créent artificiellement une damnation sociale. […] La paresse, le goût de la parure, la soif effrénée du plaisir, sont les auxiliaires les plus habituels de la corruption des mœurs.