Jollain l’amour enchaîné par les grâces. imaginez l’amour assis sur une petite éminence au milieu des trois grâces accroupies ; et ces grâces n’en ayant ni dans leurs attitudes, ni dans leurs caractères, maussadement groupées, maussadement peintes ; la tête de l’amour si féminisée qu’on s’y tromperait, même à jeûn ; ni finesse, ni mouvement, ni esprit.
On s’imagine reconnaître à première vue si un auteur est sincère ou si un récit est exact. […] Comment donc imaginer des faits qui ne soient pas entièrement imaginaires ? […] Comment imaginer ces faits de façon qu’ils soient conformes à la réalité ? […] Il imagine une société ou une évolution et, dans ce cadre imaginé, il range les traits fournis par les documents. — Ainsi, tandis que le classement biologique se guide sur un ensemble réel observé objectivement, le classement historique ne peut se faire que dans un ensemble imaginé subjectivement. […] Les faits ainsi imaginés, on les groupe dans des cadres imaginés sur le modèle d’un ensemble observé dans la réalité qu’on suppose analogue à ce qu’a dû être l’ensemble passé.
Merville a, en général, le talent de bien imaginer une intrigue, & de la conduire avec dextérité.
., ont toujours leurs partisans secrets, sans parler des folies épidémiques, telles que l’agiot dont je venais d’être témoin, temps où chacun s’imaginait pouvoir devenir riche, sans que personne devînt pauvre. […] Il est pourtant vrai qu’ayant fort bien étudié dans ma première jeunesse, j’avais un assez bon fonds de littérature que j’entretenais toujours par goût, sans imaginer que je dusse un jour en faire ma profession. […] Je n’étais embarrassé que sur le choix… (Et après l’exposé de son idée d’imaginer une histoire sur les estampes :) Je ne sais, mon cher public, si vous approuvez mon dessein ; cependant il m’a paru assez ridicule pour mériter votre suffrage ; car, à vous parler en ami, vous ne réunissez tous les âges que pour en avoir tous les travers : vous êtes enfant pour courir après la bagatelle ; jeune, les passions vous gouvernent ; dans un âge plus mûr, vous vous croyez plus sage parce que votre folie devient triste ; et vous n’êtes vieux que pour radoter… Duclos n’avait pas tout à fait l’ironie de Platon : la sienne est rude et presque brutale.
Voltaire, adressant à sa nièce Mme Denis une lettre en vers et en prose qu’on intitule son Voyage à Berlin, disait : « N’allez pas vous imaginer que je veuille égaler Chapelle, qui s’est fait, je ne sais comment, tant de réputation pour avoir été de Paris à Montpellier et en terre papale, et en avoir rendu compte à un gourmand. » Le cadre n’y fait trop rien, et c’est par d’heureux détails que le joli Voyage réussit. […] Il a bien pu y avoir dans le monde byzantin quelque bel esprit qui se soit avisé d’un voyage mythologique, mais je m’imagine qu’en y prodiguant les dieux et les nymphes il n’y plaisantait pas, quoiqu’on ne puisse absolument répondre de ce qui passe à certain jour dans ces sortes d’esprits, tels qu’un Lucien ou un Apulée. […] Imaginez une jatte de quarante lieues de tour, remplie de l’eau la plus claire, etc. » Et plus loin : « Oh !
sacrifierons-nous toujours à ce monde sot, scrupuleux, médisant, qui vous imaginerait coupable parce que vous m’auriez rendu fort heureux ? […] Celui-ci opposait qu’il n’était point harangueur, qu’il n’avait jamais prononcé d’arrêt en public, et d’autres raisons encore ; puis il ajoutait pour lui : « Sans doute que nos deux premiers ministres (car c’est de la sorte qu’il qualifiait alors M. de Chauvelin conjointement avec le cardinal de Fleury) ne m’ayant encore connu principalement que touchant les démêlés parlementaires dont je raisonne avec application, le temps présent ne nous offrant meilleur champ, ils s’imaginent que c’est là le fort de ma capacité, et se trompent. » D’Argenson n’eut même d’abord la perspective de quelques fonctions diplomatiques et de quelque ambassade (bien avant celle de Portugal où il n’alla jamais) que dans cette vue éloignée de la première présidence du Parlement : « Si l’on vous employait en quelques négociations étrangères, et de peu d’années, lui disait M. de Chauvelin, au sortir de cela vous seriez bien enhardi. » Depuis la clôture de l’Entre-sol, d’Argenson avait toujours l’idée de renouer et de continuer ailleurs avec quelques amis, parlementaires pour la plupart, des conférences sur le droit public, sur les matières politiques : c’était son goût dominant. […] Le voilà donc à Angoulême plus abondamment et plus honorablement qu’il n’avait jamais imaginé d’être.
Donc, le marquis d’Auberville, voyant Vernouilhet à terre, s’imagine de le redresser et d’en refaire un personnage. […] Les précieuses sur le retour qui s’imaginent enflammer, à première vue et à bout portant, n’existent plus guère aujourd’hui. […] Imaginez un copiste converti par le sermon qu’il moule en bâtarde.
Le plan qu’elle imaginait était sérieux et beau, mais l’éducation qu’elle se donna, ou plutôt qu’elle ne dut qu’à la nature et à l’expérience, fit d’elle une personne plus originale et plus à part. […] Mme Du Deffand, à peine arrivée, attend les lettres du président avec une impatience qui ne se peut imaginer, et elle lui déduit les preuves de ce goût qu’elle a pour lui, de peur qu’il n’en ignore : J’ai vu avec douleur que j’étais aussi susceptible d’ennui que je l’étais jadis ; j’ai seulement compris que la vie que je mène à Paris est encore plus agréable que je ne le pouvais croire, et que je serais infiniment malheureuse s’il m’y fallait renoncer. […] Dans un temps où Mme de Prie et elle étaient encore jeunes, elles n’avaient rien imaginé de mieux, pour tromper l’ennui, que de s’envoyer tous les matins les couplets satiriques qu’elles composaient l’une contre l’autre.
Le plaisir de varier & d’exister d’une maniere nouvelle, les séduiroit à coup sûr ; car on ne sait plus quel systême imaginer pour paroître différent de ce qu’on doit être. […] Sous le regne de Louis-le-Grand, on n’eût jamais imaginé que les François deviendroit un jour un imitateur servile. […] On veut jouer, & ceux qui ne font pas la besogne, s’imaginent qu’on commande une piece de théâtre, une chanson, comme un soulier. […] Il en veut du moins à ses écus, & la bonne personne s’imagine que c’est à ses charmes. […] D’après cette conversation, je m’imagine tout ce que peut faire & penser ce monde éparpillé.
La gloire, on sait ce que c’est ; la gloire littéraire, tout écrivain se l’imagine. […] Jadis on avait imaginé un goût en soi, un goût absolu qu’on adorait dans un temple. […] Des philosophes se sont imaginé que nous pouvions créer des motifs. […] Il faut imaginer une accommodation qui la rende pratique. […] J’appris sur cela les questions les plus extraordinaires qu’on puisse s’imaginer.
S’il eût vécu à Rome, à la jolie époque, j’imagine volontiers, comme la chose la plus naturelle du monde, qu’il eut été le confident de
. — Le ciel ne fut pas d’abord plus haut pour les poètes, que le sommet des montagnes ; ainsi les enfants s’imaginent que les montagnes sont les colonnes qui soutiennent la voûte du ciel, et les Arabes admettent ce principe de cosmographie dans leur Coran ; de ces colonnes, il resta les deux colonnes d’Hercule, qui remplacèrent Atlas fatigué de porter le ciel sur ses épaules.
Gresset, sont également ingénieuses & sages, toujours imaginées avec élévation, toujours écrites avec élégance, respirant par-tout la raison, la décence, l’agrément, & toujours couronnées par de brillans succès ».
Mais les graces les plus touchantes Ne sont pas toujours suffisantes ; Et ce seroit trop présumer D’imaginer que l’on doit faire Pour une Belle un Art d’aimer, Parce qu’elle a celui de plaire.
Chez les anciens, il fallait être docte pour écrire ; parmi nous, un simple chrétien, livré, pour seule étude, à l’amour de Dieu, a souvent composé un admirable volume ; c’est ce qui a fait dire à saint Paul : « Celui qui, dépourvu de la charité, s’imagine être éclairé, ne sait rien.
Il me donne la mesure des deux bras de son Amphitrite, par l’immensité des rivages qu’ils embrassent ; et, ces deux bras une fois imaginés d’après ce module, d’après le rythme énorme du poëte, d’après le cheminer de ce longo margine terrarum, ce porrexerat qui ne finit point, cet emphatique et majestueux spondaïque Amphitrite , sur lequel je me repose, le reste de l’image s’étend au-delà de la capacité de ma tête. […] Qui est-ce qui imaginera la grandeur d’Apollon, qui enjambe de montagne en montagne ?
On appelle communément des airs caracterisez ceux dont le chant et le rithme imitent le goût d’une musique particuliere, et qu’on imagine avoir été propre à certains peuples, et même à de certains personnages fabuleux de l’antiquité, qui peut-être n’existerent jamais. […] Mais les danseurs se sont tellement perfectionnez dans la suite qu’ils ont rencheri sur les musiciens, ausquels ils ont suggeré quelquefois l’idée d’airs de violon d’un caractere nouveau et propre à des ballets dont nos danseurs avoient imaginé l’idée.
On s’imagine que noblesse oblige jusque-là et on Corinnise modestement, le mieux qu’on peut, dans des livres ou l’on se meurt d’envie de prouver de qui on descend, par un petit air de famille. […] Ses doigts de femme, que j’imagine charmants, ont la tache d’encre comme les doigts de Rosine, mais Rosine l’avait attrapée, cette vilaine petite tache, en écrivant à Almaviva, — une vraie occupation de femme !
Ce principe singulier… vous l’imagineriez-vous jamais ? […] La princesse Médeline, la femme pauvre qui boit de l’absinthe et qui est assez folle ou assez bête pour s’imaginer que son amant, le Saint-Bertrand, ne fera pas les mêmes infamies qu’elle a faites, cette Putiphar à contre-sens de la trahison qui veut que Joseph lui résiste au moment où elle le tente, et viole sa conscience en lui jetant des billets de banque à la figure, n’a d’originalité que celle de son impossibilité même.
La plûpart s’imaginent qu’il s’agit en général de l’estime qu’on doit faire des anciens. […] Pour les rendre intéressans, ils ont imaginé des avantures singulieres qui détournent d’autant plus de l’action principale. […] Il faut donc commencer par juger mes remarques en elles-mêmes, et le jugement qu’on en fera, sera l’apologie ou la condamnation de l’histoire que j’imagine en conséquence. […] On s’imagine facilement qu’ils sont dans l’excès de part et d’autre ; que l’un demande tout, pendant que l’autre n’accorde rien ; et qu’il y a un juste milieu à prendre entre leurs éxagérations. […] La netteté consiste à choisir des objets aisez à imaginer et à ranger dans leur ordre, de sorte que le lecteur croye voir ce qu’on lui dit.
Où Froissart aurait-il imaginé de pénétrer le secret de guerres suscitées par les moeurs belliqueuses du temps presque autant que par les intérêts ? […] Froissart, lui-même, n’imaginait pas une forme de société meilleure que la féodalité, sa naissance, ses goûts, son tour d’esprit lui firent aimer les temps qu’il avait à peindre. […] Il allait travellant et chevauchant, querant de tous côtés nouvelles », souvent appelé par les princes ou les barons, qui lui demandaient une place dans ses chroniques, écrivant leurs prouesses presque sous leur dictée, et risquant fort d’exagérer ; car je n’imagine pas que les chevaliers du moyen âge parlassent de leurs exploits plus sobrement que les gens de guerre d’aujourd’hui. […] Les Mémoires de Comines sont l’histoire de sa vie, de ses débuts à la cour du duc de Bourgogne contre la France, puis de sa désertion, qu’expliquent les mœurs du temps, à la cour de Louis XI, dont il devint le confident et le conseiller de ses services publics et secrets ; de ses disgrâces sous Charles VIII, de son emprisonnement à Loches dans une de ces cages de fer imaginées par Louis XI, et qu’on appelait les fillettes du roi ; de sa rentrée en grâce ; de la part qu’il prit aux guerres d’Italie, et de ses dernières années, sous le règne de Louis XII. […] Un progrès de plus de la langue, et on s’imaginerait lire Bossuet montrant le doigt de Dieu dans les chutes des empires et la disparition des peuples, et épouvantant la sagesse humaine de la fragilité de ses établissements.
Notre vulgarité d’aperçus nous permet à peine d’imaginer combien un tel état différait du nôtre, quelle prodigieuse activité recélaient ces organisations neuves et vives, ces consciences obscures et puissantes, laissant un plein jeu libre à toute l’énergie native de leur ressort. […] Le titre de Hegel à l’immortalité sera d’avoir le premier exprimé avec une parfaite netteté cette force vitale et en un sens personnelle, que ni Vico, ni Montesquieu n’avaient aperçue, que Herder lui-même n’avait que vaguement imaginée. […] Nous ferions désormais d’inutiles efforts pour imaginer comment conçoivent le monde ceux qui ne croient pas au progrès. […] Certes, ceux qui s’imaginent que l’on étudie la littérature turque au même titre que la littérature allemande, pour y trouver à admirer, ont bien raison de sourire de ceux qui y consacrent leurs veilles ou de les regarder comme de faibles esprits, incapables d’autre chose. […] C’est le peuple qui fournit la matière, et cette matière, ils ne la voient pas, ou ils s’imaginent bonnement qu’elle est de l’invention du poète.
repart David, Il y a le ton vert, le ton jaune, le ton des roses, de la paille, du fenouil, le ton de l’etain anglais, le ton des aboyeurs, la manière des fleurs de haies, la manière des marjolaines et une multitude d’autres manières et d’autres tons qu’on ne retient qu’à la longue. » Le compositeur a imaginé pour cette réponse moqueuse un scherzo pétillant de fantaisie et de malice. […] L’apprenti David imagine qu’on entreprend sur sa fiancée Madeleine et il se précipite, à demi-vêtu. […] La remarque de Friedrich Hofmann à propos de la possibilité de construire d’autres théâtres sur le modèle de Bayreuth est très importante car l’espace imaginé par Wagner est très novateur. […] Charles Joly imagine qu’on pourrait construire à Paris, le « théâtre idéal ». On voit là toute l’influence de Wagner sur la manière dont on imagine le théâtre moderne.
Ainsi, entre une idée et une autre, entre un désir et un autre, on imagine un phénomène spécifique : le maintien ou l’abandon de la première idée, du premier désir, comme si, entre une vague et une autre, on imaginait je ne sais quel phénomène intermédiaire consistant dans le « maintien » ou dans la suppression de la première vague, de façon à changer ainsi la direction du navire. […] Le principe de causalité ne consiste pas, comme on se l’imagine, à dire simplement que les mêmes causes produisent les mêmes effets, mais à dire qu’un effet quelconque, fût-il unique au monde et sui generis, sans rien d’identique auparavant, sans rien d’identique après, est lié à un ensemble de raisons ou de causes qui le détermine tel qu’il est présentement. […] Enfin l’hétérogénéité absolue qu’on imagine dans la conscience est chimérique. […] IV Réalisation progressive de l’idée de liberté — Ses moyens Dans l’idée de liberté psychologique et morale, telle que la conçoit la conscience de l’humanité, non telle que l’imaginent les auteurs de systèmes, quels sont les éléments réalisables selon les lois psychologiques et physiologiques établies par la science ?
Supposons en effet que la fausse reconnaissance proprement dite — trouble toujours passager et sans gravité — soit un moyen imaginé par la nature pour localiser en un certain point, limiter à quelques instants et réduire ainsi à sa forme la plus bénigne une certaine insuffisance qui, étendue et comme délayée sur l’ensemble de la vie psychologique, eût été de la psychasthénie : il faudra s’attendre à ce que cette concentration sur un point unique donne à l’état d’âme résultant une précision, une complexité et surtout une individualité qu’il n’a pas chez les psychasthéniques en général, capables de convertir en fausse reconnaissance vague, comme en beaucoup d’autres phénomènes anormaux, l’insuffisance radicale dont ils souffrent. […] Dans tous les cas, qu’il s’agisse du souvenir d’une chose vue ou du souvenir d’une chose imaginée, il y aurait évocation confuse ou incomplète d’un souvenir réel 30. […] Or un moment arrive, sans doute, où vous ne pouvez plus dire si vous avez affaire à une sensation faible que vous éprouvez ou à une sensation faible que vous imaginez, mais jamais l’état faible ne devient le souvenir, rejeté dans le passé, de l’état fort. […] Imaginons un esprit qui prendrait conscience de ce dédoublement. […] D’autre part, comme nous le disions au début, le sujet se trouve souvent dans le singulier état d’âme d’une personne qui croit savoir ce qui va se passer, tout en se sentant incapable de le prédire. « Il me semble toujours, dit l’un d’eux, que je vais prévoir la suite, mais je ne pourrais pas l’annoncer réellement. » Un autre se rappelle ce qui va arriver « comme on se rappelle un nom qui est sur le bord de la Mémoire » 58 Une des plus anciennes observations est celle d’un malade qui s’imagine anticiper tout ce que fera son entourage 59.
Palaprat a beau assurer qu’elle n’est pas mal versifiée, qu’elle est assez noblement écrite, cela n’empêche point qu’elle ne soit mal imaginée, mal conduite, & c’en est assez pour justifier l’anathême.
Ces lettres d’amour données et rendues, et autres pareils incidents ne sont pas mal imaginés.
On sent que la Cavalière a été écrite avec une ardeur toute juvénile, et que l’auteur fut le premier à s’amuser de ce qu’il imaginait.
Durante de Bresce, dont j’ai déjà parlé, était convenu avec un soldat, pharmacien de Prato, de mêler à mes vivres quelque liqueur mortelle qui pût me faire périr dans quatre ou cinq mois : on imagina du diamant pilé, qui n’est pas un poison par lui-même, mais qui est le seul, parmi toutes les pierres, qui conserve des coins aigus, lesquels, introduits dans l’estomac ou dans les entrailles, les déchirent insensiblement, et vous donnent enfin la mort. […] Vous avez raison, dit le roi ; et il me consulta sur-le-champ sur ce que nous pourrions imaginer pour cette belle fontaine. Je lui fis part de mes avis ; il y ajouta les siens, il me dit ensuite qu’il allait passer quinze ou vingt jours à Saint-Germain ; que je lui fisse, pendant ce temps-là, un dessin, le plus beau que je pourrais imaginer, pour orner ce château, qui était ce qui lui plaisait le plus dans son royaume ; qu’il me priait d’y employer toute mon imagination et mon talent. […] Mme d’Étampes s’imagina que je l’avais fait par mépris pour elle, et, la colère lui montant au visage, et moi ne pouvant plus me retenir, je voulus parler ; mais le roi, qui s’en aperçut, me coupa la parole, en me disant : Taisez-vous ; vous aurez plus de bien que vous n’en voudrez. […] Finalement, j’arrivai au pied de la jambe droite, et je trouvai le talon rempli, ce qui, me faisant plaisir d’un côté, me fâchait de l’autre, parce que j’avais prédit au duc qu’il n’arriverait pas à bien ; mais il manquait quelque chose aux doigts, et j’en fus bien aise, afin de lui faire voir que je savais ce que je disais ; car la matière ne serait jamais parvenue jusqu’à ce pied, et il aurait totalement été manqué, si je n’avais jeté dans le fourneau toute ma vaisselle d’étain, ce que personne n’avait imaginé avant moi.
Il conseille aux poëtes de son école de se retirer au bagage avec les pages et les laquais, aux cours des princes, « où vos beaux et mignons escritz, leur dit-il non de plus de longue durée que vostre vie, seront reçus, admirés et adorés. » « J’ay tousjours estimé, ajoute-t-il, nostre poésie françoise estre capable de quelque plus haut et meilleur style que celui dont nous nous sommes si longuement contentés. » Que la France, si longtemps stérile, « soit grosse enfin d’un poëte dont le luth face taire ces enrouées cornemuses, non aultrement que grenouilles, quand on jecte une pierre dans leur marais. » Quel sera le caractère de la poésie, telle que Du Bellay l’imagine et la désire pour la France ? […] Qu’on s’imagine un mélange de subtilités italiennes et de ce que Du Bellay appelait fort justement mignardises françaises, cousues à des idées grecques ou latines, dont le traducteur rendait emphatique la sévère grandeur, ou enfantine la mâle simplicité ; qu’on s’imagine le badinage de Marot, s’enveloppant des vers repliés de Pindare et affectant les fureurs de la lyre94 : telle est l’ode dans Ronsard. […] C’est surtout dans ce que Ronsard imagina pour enrichir et ennoblir la langue que se faisait voir cette confusion qui est le propre de son école.
De splendides paroles font presque imaginer le mystère de l’immortalité de l’âme : Quand nous en irons-nous où sont l’aube et la foudre ? […] On peut déjà prévoir quels seront les types plus achevés qu’imaginera un poète auquel les grandes catégories de l’humanité se présentent sous cet aspect. […] Hugo s’est emparé d’une pensée vulgaire, quand il a imaginé une âme sans complications, ou une péripétie sans antécédents, le poète ne s’en tient pas à cette simplicité sans intérêt. […] Le mot « homme » de même, que nous nous figurons blanc, pourra être verbalement opposé au mot « bête » que nous imaginons quadrupède et velue ; mais en fait, ces mots font abstraction des grands singes marchant souvent debout et la face glabre, ainsi que des peuplades sauvages, les Papouas et les Boschimans, marchant courbés et les bras ballants jusqu’aux genoux, le nez épaté et la face fuligineuse.
M. le Marquis de Sablé sortant d’un long repas où il avoit amplement bu, alla voir la représentation de l’Opéra de village, Piece nouvelle de Dancourt ; & comme il y a un endroit où l’on chante, les vignes & les prés seront sablés, le Marquis s’imagina qu’on le nommoit, & donna un soufflet en plein Théatre au Poëte Comédien, qui se seroit bien passé de toucher cette rétribution.
Beaucoup de compassion pour la noblesse indigente, parce que j’avais été orpheline et pauvre moi-même, un peu de connaissance de son état, me fit imaginer de l’assister pendant ma vie. […] La première recommandation qui leur est faite en des termes aussi absolus qu’on peut imaginer, est que rien ne soit jamais changé ni modifié dans leur règle sous quelque prétexte que ce soit : solidité, stabilité, immobilité, c’est le vœu et l’ordre de Mme de Maintenon, et l’institut y est resté fidèle jusqu’au dernier jour. […] Et ce n’était pas seulement Bayle qui écrivait ces choses, c’était Mme de Maintenon qui le disait aussi et qui reconnaissait cela pour vrai dans les conseils qu’elle donnait à une demoiselle sortie de Saint-Cyr : Ne soyez jamais sans corps (sans corset, c’est-à-dire en déshabillé), et fuyez tous les autres excès qui sont à présent ordinaires, même aux filles, comme le trop manger, le tabac, les liqueurs chaudes, le trop de vin, etc. ; nous avons assez de vrais besoins sans en imaginer encore de nouveaux si inutiles et si dangereux.
Mais, mon cher frère, c’est une entreprise qui surpasse mes forces, une idée théorique qui m’a occupé souvent, et dont l’exécution ne se réalisera probablement que lorsqu’on établira la belle république que Platon avait imaginée. […] Il se montre toutefois plus tolérant pour les systèmes élevés qu’il n’est ordinaire aux sceptiques et aux empiriques ; dans ces divers systèmes imaginés par les Leibniz, les Malebranche et autres, il n’en est aucun qui n’ait des obscurités et qui n’implique contradiction dans certains endroits : Toutefois, dit Frédéric, il est agréable de connaître et de suivre toutes les routes que l’esprit humain s’est frayées pour parvenir à des vérités qu’il n’a pu découvrir. Il semble qu’on ait épuisé tout ce que l’imagination peut fournir d’idées, et, malgré les égarements, on trouve pourtant des choses bien ingénieuses qui, quoique mal employées, font honneur à ceux qui les ont imaginées.