/ 1766
989. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XII. »

Le goût du philosophe pour les institutions lacédémoniennes, son penchant à les imiter dans sa République idéale, la place qu’il y donne aux jeux guerriers et à une sorte d’éducation héroïque de l’âme et du corps, devaient lui rendre précieuse cette magnifique parole du poëte, qu’il cite parfois à l’égal des traditions antiques dont il aime il s’autoriser.

990. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Vainement objecterait-on que la comédie vouée à l’expression du ridicule n’a pas à tenir compte de l’idéal ; l’exemple de Molière parle plus haut que toutes les arguties. […] Il a vu les spectateurs pénétrés d’une admiration religieuse pour la beauté idéale des types grecs, pour la grandeur surhumaine des types romains, et a conçu le projet de substituer à ces types admirés un type plus voisin de la nature. […] Prenez la peinture et la statuaire aux plus splendides époques de leur histoire, et jamais vous ne les trouverez séparées de l’interprétation, c’est-à-dire de l’idéal. […] Ici encore nous retrouvons la nécessité, la légitimité de l’idéal. […] C’est à l’unité idéale des héros de Sophocle qu’il faut rapporter l’harmonie constante, l’élégance soutenue de toutes les paroles qu’ils prononcent.

991. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

L’idéal manque au naturaliste ; il manque encore plus au naturaliste Balzac. […] « Tu trouvais ton idéal, toi ! […] » En effet, tel est l’idéal. […] Il considérait l’homme comme une force ; il a pris pour idéal la force. […] Nous ne sommes point ici dans la vie pratique et morale, mais dans la vie imaginaire et idéale.

992. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

Une fois formée, elle est complète, et, quel que soit l’objet idéal, nombre, carré, ligne droite, figure, solide géométrique, vitesse, masse, force, si la définition qu’on en fournit est bien faite, il est111 entièrement et exactement exprimé par elle. […] Entre les composés réels dont ces sciences traitent et les composés idéaux dont traitent les sciences de construction, l’analogie est frappante. — Soient quelques-uns de ces composés réels, le mouvement d’un boulet de canon lancé avec telle vitesse initiale sur une tangente à la terre, l’orbite décrite par Vénus ou telle autre planète, telle succession d’ondes sonores ou lumineuses. […] On arrive ainsi à considérer les sciences de construction comme un exemplaire préalable, un modèle réduit, un indice révélateur de ce que doivent être les sciences d’expérience, indice pareil au petit édifice de cire que les architectes bâtissent d’avance avec une substance plus maniable, pour se représenter en raccourci les proportions et l’aspect total du grand monument qu’ils sont en train d’élever et que peut-être ils n’achèveront jamais. — En effet, si l’on met en regard le monde idéal et le monde réel, on s’aperçoit que leur structure est semblable. […] Toute son œuvre propre consiste à les combiner à sa façon, sans s’inquiéter de savoir si dans la nature il y a des cadres réels qui s’adaptent à ses cadres mentaux, si quelque sphère ou ellipse effective correspond à la sphère ou à l’ellipse idéale. — Reste donc une seule différence pour séparer nos composés artificiels des composés naturels ; les premiers sont plus simples et les seconds plus compliqués ; la ligne droite d’Euclide est plus simple que la ligne imperceptiblement infléchie que décrit un boulet pendant le premier mètre au sortir du canon ; l’ellipse un peu bosselée que trace une planète est plus compliquée que l’ellipse géométrique.

993. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Note »

.) — J’avoue mon faible et ma chimère : j’avais conçu pour tous ces grands hommes, ces grands esprits et talents de ma génération, ou de la génération immédiatement antérieure, un idéal de caractère et de carrière qu’ils n’ont pas rempli ou qu’ils ont vite dépassé et traversé d’outre en outre.

994. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la révolution française — I. La Convention après le 9 thermidor. »

Thiers l’a rêvé aussi, ce rôle idéal ; il s’en fait l’interprète pour tous, et de même que dans les chants du chœur antique, dans ces vœux, ces prières, ces conseils jetés au milieu de l’action sans la hâter ni la ralentir, le spectateur aimait à entendre le cri de la nature humaine et à reconnaître ses propres impressions, de même, en lisant l’historien, on éprouve une vive et continuelle jouissance à retrouver partout l’accent simple et vrai d’une émotion qu’on partage et à sentir un cœur d’homme palpiter sous ces attachants récits.

995. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre II. — De la poésie comique. Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul » pp. 97-110

Il faut dans la comédie que celui qui se joue lui-même paraisse manquer de jugement… le poète doit exprimer son idéal en l’alliant à des grimaces de singe et à un langage de perroquet… Il doit savoir écrire sa propre écriture à rebours.

996. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre I. Malherbe »

Mais rappelons-nous qu’il s’acharnait, comme dit Balzac, à dégasconner la cour, et nous comprendrons que le « courtisan », au nom duquel il blâmait Desportes, était pour lui un idéal plus qu’une réalité.

997. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richepin, Jean (1849-1926) »

la voilà donc, cette charmante, cette idéale langue du vers appliquée de nouveau aux détails de la vie rustique, et appliquée avec un art merveilleux par un incomparable virtuose.

998. (1890) L’avenir de la science « VI »

Quel est le philologue de nos jours qui apporte dans ses recherches l’ivresse des premiers humanistes, Pétrarque, Boccace, le Pogge, Ambroise Traversari, ces hommes si puissamment possédés par l’ardeur du savoir, portant jusqu’à la mysticité la plus exaltée le culte des études nouvelles dont ils enrichissaient l’esprit humain, souffrant les persécutions et la faim pour la poursuite de leur objet idéal ?

999. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

La candeur d’une enfant qui ignore sa beauté et qui voit Dieu clair comme le jour est la grande révélation de l’idéal, de même que l’inconsciente coquetterie de la fleur est la preuve que la nature se pare en vue d’un époux.

1000. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre III : Le problème religieux »

Même dans sa forme naïve et populaire, elle est le seul chemin par lequel des âmes grossières, courbées vers la terre par les nécessités pratiques, puissent s’élever à l’idéal.

1001. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VIII »

Faguet concluait ceci : « Fénelon avait pour idéal le style uni, très simple, le style de tout le monde, ou, du moins, le style de la bonne compagnie, et il en résulte qu’en se corrigeant il tend au banal, à la phrase toute faite, et il y parvient… M. 

1002. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IV. Mme Émile de Girardin »

Ne savait-on pas bien, — ceux qui personnellement la connaissaient, — qu’elle était une de Staël encore pour la causerie ; chercheuse d’idéal et trouveuse d’esprit, et qu’elle avait des mots à son service qui n’étaient ni lyriques, ni élégiaques, mais piquants.

1003. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIV. L’auteur de Robert Emmet »

C’est son idéal.

1004. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Tallemant des Réaux »

Impuissant qu’on n’aurait pas même le courage de détester, si on ne pensait à l’avenir, au mal affreux que des esprits comme lui ont commis pourtant dans leur impuissance, Tallemant des Réaux est déjà — dans la première moitié du xviie  siècle — une expression très vive et très nette de cet individualisme que Descartes représente dans la philosophie, Robinson Crusoé dans la vie romanesque, l’idéal de la vie réelle, Jean-Jacques Rousseau plus tard, et même Béranger.

1005. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édouard Fournier »

; mais elle l’avait été à la première aurore de cette vie où tout fut prématuré, miraculeux et idéal !

1006. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Sixte-Quint et Henri IV »

L’auteur du Sixte-Quint nie absolument ces deux circonstances que nous aimons comme des légendes ; car les légendes sont l’idéal du vrai, et non pas le faux, comme le croient d’imbéciles philosophes.

1007. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Th. Carlyle » pp. 243-258

Du reste, ce défaut de la vulgarité, qu’ont presque tous les grands pittoresques, qui ne craignent absolument rien quand il s’agit d’exprimer ce qu’ils ont dans l’impression de leur esprit, était racheté, chez Carlyle, par l’expression idéale qu’il a souvent au même degré.

1008. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Oscar de Vallée » pp. 275-289

cette âme charmante d’André Chénier, qui avait en elle toutes les causes d’erreur qu’ont les poètes, dut naturellement se faire prendre à cet Idéal impossible de liberté et d’égalité qui, soixante ans après Chénier, égara aussi Lamartine.

1009. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

Et quant à Lamartine, cet idéal du Citoyen, placé en contraste des trois autres dans toute la perfection de son personnage à la fin du livre de Pelletan, Lamartine, dont Pelletan est sorti comme les Méditations, — mais j’aime mieux les Méditations, — Pelletan s’en regarde trop comme la géniture pour ne pas se croire parricide s’il convenait d’une seule des erreurs de ce grand génie de poète égaré.

1010. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexis de Tocqueville »

» écrivait-il au fils d’un de ses amis qui ne réalisait pas tout à fait son idéal de flamme, tant étaient grandes, sur le diable au corps et sur lui-même, les illusions de cet esprit froid, lesquelles étaient aussi complètes que s’il avait été un esprit chaud.

1011. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Byron »

Taine et que d’autres ont aussi oubliée, mais qui n’en sera pas moins la caractéristique suprême de ce génie, svelte et idéal au milieu de toutes ses violences, comme la beauté d’un jeune dieu… Certes, oui !

1012. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Matter. Swedenborg » pp. 265-280

Et cette poésie, d’une originalité incomparable, à laquelle il ne manque que le rythme pour être, dans tous les sens du mot, le plus beau poème qui soit jamais sorti d’un cerveau humain, ternit et effaça d’un trait, à force de lumière et d’idéale beauté, ces inventions de Swedenborg, d’une ingéniosité bizarre, mais qui par le relief, la couleur, le détail, — tout ce qui constitue la poésie, — n’étaient guères, en somme, que les souvenirs déteints de la littérature biblique ou chrétienne.

1013. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « MM. Delondre et Caro. Feuchtersleben et ses critiques. — L’Hygiène de l’âme » pp. 329-343

Nulle idéale lourdeur ne pourrait y avoir, en effet, un succès plus grand que cette mince chose transparente, à travers laquelle on voit si bien… ce qui n’y est pas, et qui nous donnerait presque à croire que les Allemands, à force de sauter par les fenêtres pour se faire vifs, ont enfin réussi à devenir légers.

1014. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « L’abbé Monnin. Le Curé d’Ars » pp. 345-359

Touchant et idéal côté de cette physionomie, qui n’eut pas que des pleurs, pourtant, mais qui eut aussi le sourire, pour, avec ces deux forces, rapporter à Dieu tous les cœurs !

1015. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « A. P. Floquet »

Bossuet et Fénelon adossés, appuyés l’un à l’autre, formeraient, ajoute-t-on, le génie complet, l’idéal du génie chrétien dans sa douceur et dans sa puissance.

1016. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Victor Cousin »

Il parla de l’antagonisme fatal des idées, aussi bien dans l’histoire que dans la pensée, dans la conscience de l’homme que dans l’humanité ; enfin il amnistia la guerre, fit une théorie sur les grands hommes qui leur arrachait ce qu’il y a de plus beau en eux : leur libre individualité ; et, adroitement, se coulant de ces hauteurs où il s’était laissé enlever, au niveau abaissé de son auditoire, sentant bien qu’il avait affaire à un genre de public qui aurait donné toutes les spéculations métaphysiques pour une chanson de Béranger, il arriva en dernier ordre, par une subtilité de dialectique, à la Charte, cette chimère de l’époque d’alors, et posa comme l’idéal de sa philosophie la monarchie constitutionnelle, aux cris d’enthousiasme de tous ces Prudhommes de vingt ans !

1017. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Guizot »

Quant à saint Louis, c’est le Roi sans péché du Moyen Âge, l’idéal de la royauté chrétienne dans sa pure beauté ; mais est-ce bien Guizot qui peut comprendre la grandeur surnaturelle d’un tel homme ?

1018. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Jules de Gères »

Mais un poète, l’homme du pur sentiment, de l’idéal et du rêve !

1019. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

Elle restera donc dans son idéal modeste et mystérieux, celle qui porta comme une couronne sur son autre nom, ce nom poétique et romanesque de Valmore !

1020. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme de Girardin. Œuvres complètes, — Les Poésies. »

Avant 1828, en effet, Mme Delphine Gay ressemble infiniment à ce que fut, vers le même temps, Mme Desbordes-Valmore, qui a fini par toucher son idéal dans une pureté d’éther.

1021. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Théodore de Banville »

Le bleu, ici, ce n’est plus le bleu de l’idéal ou du rêve, c’est le bleu du vide, et le poète des Cariatides l’a dit mieux que moi : Pourquoi chercher ailleurs l’azur du pays bleu ?

1022. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Jean Richepin »

s’il y a quelque part une personnalité retentissante qui semblait, comme dans les vrais poètes, devoir se reproduire et se chanter elle-même dans toutes ses créations, ou du moins dans les types favoris de sa pensée, c’était bien Richepin, la personnalité de ce mâle Richepin, si fier d’être un mâle, et dont le héros dans Madame André est une femelle pour la faiblesse, un lâche… idéal de lâcheté !

/ 1766