Parle-t-il de l’art grec, il affecte de citer des noms obscurs, afin de bien affirmer l’étendue et la précision de ses connaissances. […] Il connaît peu les Grecs, les Latins et les classiques français ; il ne s’attache pas à une tradition. […] Il a lu certainement tout ce qu’ont produit les poètes anciens et modernes, hindous, chinois, arabes, grecs, latins, anglais et français. […] Il abuse de ces locutions qu’on lui a si souvent reprochées : La colombe-nuée accourt farouche et blanche… Et quand l’archer-tonnerre et le chasseur-éclair Percent de traits la peau d’écailles de la mer… Ailleurs, il se livre à un fastidieux étalage d’érudition : Fouille Alcuin, saint Thomas, Gorgias Léontin, Le ménologe grec, le rituel latin ; Va de Thèbe Heptapyle à Thèbe Hécatompyle ; Éblouis-toi d’énigme et d’effroi la pupille ; Écris et lis ; sois gond du portail ; sois flambleau ; Sois cardinal avec Sadolet et Bembo… Et soudain l’accent se relève.
Les Grecs, ce peuple tout intellectualiste, ont trop considéré les figures de langage à un point de vue purement logique (synecdoche, métonymie, etc.) ; ils n’ont pas assez fait la psychologie du langage imagé.
La perle du morceau, c’est une magnifique et suave image dont se couronne un large développement sur le génie inné de la poésie mistralienne, génie tout grec, tout antique, sans intention imitative aucune, par le pur don de la nature et du ciel. C’est la Grèce même, transportée par miracle aux rives de Provence : On dirait que, pendant la nuit, une île de l’Archipel, une flottante Delos, s’est détachée d’un groupe d’îles grecques ou ioniennes et qu’elle est venue sans bruit s’annexer au continent de la Provence embaumée, apportant avec elle un de ces chantres divins de la famille des Mélésigènes.
Ici, un mantelet descendant jusqu’à la ceinture, fendu sur un côté, drapé devant la poitrine comme une portière, et garni, au bord, de petites pelotes de soie dont le trémoussement incessant est fait pour hypnotiser ou mettre en fuite, en un instant, un spectateur nerveux ; là un peplum grec, dont le nom est devenu aussi familier au tailleur qu’à un respectable philologue ; à côté de la monumentale robe empesée de Catherine de Médicis et de la haute fraise cuirassée de Marie Stuart, les blancs vêtements flottante des anges de l’Annonciation dans les peintures de Memling ; et, en complet contraste avec ceci ; une caricature du costume masculin : redingote de drap étriquée, à revers largement ouverts, gilet, devant de chemise amidonné, petit col droit et cravate. […] Jean Moréas, un Grec faisant des vers français, qui, à trente-six ans accomplis (ses amis prétendent, mais probablement par méchanceté de camarades, qu’il se rajeunit considérablement), a produit en tout trois très minces recueils de vers, de cent à cent vingt pages au plus chacun, qui portent ces titres : Les Syrtes, Les Cantilènes et le Pèlerin passionné.
Oui, mesdames, les femmes, par cela seul qu’elles ont été souvent d’aimables ignorantes, parce qu’elles n’étaient pas, comme dit l’autre, « embabouinées de grec et de latin », n’ont cessé de réclamer contre les formes rébarbatives et les lettres parasites introduites par les pédants barbus. […] Vous avez vu, ces temps derniers, reparaître et triompher la robe empire, la robe aux longs plis flottants, toute en jupe, avec la ceinture sous les seins, la robe jouant la tunique antique et s’harmonisant avec la coiffure à la grecque. […] Rollin, comme Montesquieu son contemporain, se prosterne devant les Romains et les Grecs ; comme Montesquieu, il les propose à ses lecteurs, non plus pour maîtres de style, mais pour modèles de vertu civique et d’austérité républicaine.
On copie ses contemporains en dépit de soi-même, et les Romains ou les Grecs de Racine sont bien souvent des marquis beaux diseurs et d’agréables comtesses.
Le salon, qui est couvert en voûte, a la forme d’un carré long ou d’une croix grecque, au moyen de deux portiques, ou arcades, profondes de seize pieds, qui sont aux côtés.
Nous regardons cette misérable maison ambitieuse de bourgeois de l’Empire, cette maison de plâtre, plaquée de fenêtres d’occasion, avec son fronton de temple grec, grignoté par la pluie.
Pasquier, esprit le plus facile et le plus habile aux transitions qui pût glisser avec grâce d’un gouvernement à l’autre, pourvu que ce fût un gouvernement ; Pozzo di Borgo, esprit grec au service des Russes, dont la belle tête, la physionomie et la parole transportaient l’imagination à Athènes, du temps d’Alcibiade ; le maréchal Marmont, toujours avec une ombre de tristesse sur le visage, cherchant à se soulager d’un souvenir dans la société des femmes et des poètes ; quelquefois le prince de Talleyrand, homme d’assez d’esprit pour représenter à lui seul trois siècles.
C’était une excellente arme aux mains de M. le commissaire du roi que Mlle Rachel ; son talent tout antique, plein de froide majesté, de sobre passion et de sourde ironie, remarquable par une diction irréprochable bien plutôt que par des accents du cœur, devait reproduire d’une manière satisfaisante les types grecs et romains de la littérature du xviie siècle, poétiques figures qui semblent moins empruntées à la nature vivante qu’à l’atelier du statuaire ; mais aussi ce talent monocorde devait échouer lorsqu’elle essayerait de représenter les créations pittoresques, excentriques ou passionnées du xixe siècle.
. — La langue grecque distingue lire tout haut : […] ou […], et lire tout bas : […] (mot à mot : prendre connaissance) ; mais ce dernier terme, tout abstrait, ne renferme aucune allusion à la parole intérieure, et, en latin, la distinction s’affaiblit : recitare signifie lire tout haut, legère a les deux sens ; en français, elle a totalement disparu : nous n’avons qu’un mot, lire, pour les deux opérations, et ce mot ne signale à l’esprit ni la présence de la parole extérieure dans le premier cas, ni celle de la parole intérieure dans le second.
. — Et la dégoûtante vieille au haut bout de sa table… — Renouvelle la coutume grecque de servir une tête de mort dans les banquets. » Nos nerfs modernes ne supporteraient pas le portrait qu’elle fait de Manly, son amant ; celui-ci l’entend par surprise ; à l’instant elle se redresse, le raille en face, se déclare mariée, lui dit qu’elle garde les diamants qu’elle a reçus de lui, et le brave. « Mais, lui dit-on, par quel attrait l’aimiez-vous ? […] Le pauvre jeune homme inconnu, traducteur malheureux d’un sophiste grec illisible, et qui, à vingt ans, se promenait dans Bath avec un gilet rouge et un chapeau à cornes, sec d’espérances et toujours averti du vide de ses poches, avait gagné le cœur de la beauté et de la musicienne la plus admirée de son temps, l’avait enlevée à dix adorateurs riches, élégants, titrés, s’était battu avec le plus mystifié des dix, l’avait battu, avait emporté d’assaut la curiosité et l’attention publiques.
De Ménandre je ne connais que quelques fragments ; mais ils me donnent de lui une si haute idée, que je tiens ce grand Grec pour le seul homme qui puisse être comparé à Molière (28 mars 1827). […] Eudore Soulié a réunis, et qui nous font connaître la bibliothèque de Molière, cette bibliothèque petite mais choisie, où, chose étrange, Plaute, Rabelais, les bouffons italiens ne figurent pas, mais où l’on rencontre la Bible, Plutarque, des grecs et des latins, Balzac, Montaigne, un traité de philosophie, des livres d’histoire et des voyages.
Cela avait un reflet des paroles tonnantes de politiciens flétrissant les bleus et les verts, ceux qui discutaient des vertus théologales pendant que les Turcs étaient aux portes de Constantinople, et appariant à ces Grecs des gens de Paris.
Elle me rappelle beaucoup ces bustes gallo-romains du musée d’Arles, où dans le pur type grec s’est glissée la modernité un peu canaille du physique marseillais.
Vous avez été toujours, Monsieur, un étonnement pour moi, par le bouleversement, que vous avez porté dans la conception que je m’étais faite du normalien, car je dois vous l’avouer, je voyais dans le normalien, un homme tout nourri des beautés et des délicatesses des littératures grecque et latine, et allant dans notre littérature, aux œuvres d’hommes, s’efforçant d’apporter, autant qu’il était en leur pouvoir, des qualités semblables, et tout d’abord une qualité de style, qui, dans toutes les littératures de tous les temps et de tous les pays, a été considérée comme la qualité maîtresse de l’art dramatique.
Ce soir, je causais avec Carrière, et comme il me parlait de l’importance de l’enveloppe des contours d’une figure, à ce propos je lui disais la place donnée à la beauté des joues dans les descriptions de l’antiquité, et dans le modelage de caresse de la sculpture grecque, puis du rien, pour lequel elle est comptée aujourd’hui dans nos deux arts.
Cette tendance, que l’on a reprochée à la mythologie grecque, ne lui est pas spéciale : elle se retrouvera dans toute poésie. […] Quelques-uns ont eu une merveilleuse imagination ; il y a peu de choses plus poétiques dans la littérature grecque que les mythes de Platon.
On a destiné au poëme dramatique les vers alexandrins comme plus voisins de la prose ; et on l’a fait dans le même esprit que les grecs et les latins avoient choisi le vers ïamble pour le theatre. […] Il étoit grand poëte lui-même dans le plus beau sens de ce terme : il étoit infiniment sensible à l’harmonie des vers grecs et latins qu’il citoit fréquemment d’abondance de goût : il avoit une connoissance délicate de nôtre langue ; et d’ailleurs il avoit lû et relû nos grands versificateurs, les Corneilles, les Despreaux et les Racines : en un mot, il n’avoit aucun des défauts qui pourroient faire recuser un témoin sur le dégoût des vers.
« La Chloé du roman grec ne fut jamais une vraie bergère, et son Daphnis ne fut jamais un vrai chevrier ; pourtant ils nous plaisent encore. Le Grec subtil qui nous conta leur histoire ne se souciait point d’étables ni de boucs. » Hélas !
Là je veidz, selon mon ad vis, Herodote, Pline, Solin, Berose, Philostrate, Mela, Strabo, et tant d’aultres anticques… et ne sçay combien de modernes historyens, cachez derriere une piece de tapisserie, en tapinoys escripvant de belles besongnes, et tout par ouy dire9. » Il faut l’entendre se moquer de la lourde et pédante éducation de son temps, dans cet entretien de Pantagruel avec un étudiant, qui répond à toutes ses questions dans un baragouin mêlé de grec et de latin, jusqu’au moment où, serré à la gorge, il crie merci dans le patois grossier de sa province. […] Son humeur visoit encores à une aultre fin, de me r’allier avecques le peuple et cette condition d’hommes qui a besoing de nostre ayde ; et estimoit que je feusse tenu de regarder plustost vers celuy qui me tend les bras, que vers celuy qui me tourne le dos ; et feut cette raison, pour quoy aussi il me donna à tenir, sur les fonts, à des personnes de la plus abjecte fortune, pour m’y obliger et attacher16. » Et ailleurs : « C’est un bel et grand adgencement sans doubte que le grec et latin, mais on l’achete trop cher. […] Feu mon père, ayant faict toutes les recherches qu’homme peult faire, parmi les gents sçavants et d’entendement, d’une forme d’institution exquise, feut advisé de cet inconvénient qui estoit en usage ; et lui disoit on que cette longueur que nous mettions à apprendre les langues qui ne leur coustoient rien, est la seule cause pourquoy nous ne pouvons arriver à la grandeur d’ame et de cognoissance des anciens Grecs et Romains.
C’en est fait de la culture classique ; il n’y aura pas une seconde renaissance ; nous ne ferons pas renaître une seconde fois les Grecs et les Latins, puisqu’à la fin on nous en a délivrés, et c’est pourquoi il n’y aura pas non plus de renaissance française, pas plus pour Hugo et son école que pour Voltaire et Rousseau, pas plus pour Rousseau et Voltaire que pour Fénelon et Bossuet. […] Vers 1869 encore, il n’y avait guère de conversation entre honnêtes gens, — sérieuse ou frivole, savante ou mondaine —, qui ne fût semée et pailletée de citations grecques ou latines, de bribes de l’Écriture, de souvenirs mythologiques, de sentences tirées de l’histoire ancienne ; toutes choses devenues avec le temps si usuelles ; si communes et si banales que personne ne se fût demandé d’où cela pouvait venir dans la conversation présente.
Encore ses rudes boutades prosaïques déchirent à chaque instant cette friperie grecque.
L’un d’eux, professeur de grec, a parlé si profondément de l’inspiration, de la création et des causes finales, qu’on l’a disgracié.
M. de Saint-Pierre a décrit ce phénomène dans le premier livre de l’Arcadie, où il est le sujet d’une fable charmante que les Grecs, comme il le dit lui-même, n’auraient pas désavouée.
Et Rude soutenait que les Grecs faisaient ce qu’ils voyaient, la nature, avec leur tempérament de grands artistes, mais sans aucune préoccupation ou recherche d’idéal.
L’un d’eux, professeur de grec, a parlé si profondément de l’inspiration, de la création et des causes finales, qu’on l’a disgracié.
C’étaient Gustave Mathieu, un poète d’une valeur réelle qui daignait pasticher mes vers hindous, Paul Arène, un des plus fins esprits de ce temps, faisait des imitations de François Coppée et Alphonse Daudet, sans méchanceté d’ailleurs, dans des vers écrits en caractères grecs, bouffonnait les poèmes de Leconte de Lisle ou de Louis Ménard. […] Il ressemblera en même temps à une pagode, à un temple grec, et à une villa moderne ; réunissant, dans un ensemble prodigieux sans être disparate, tout l’art et tous les luxes des temps et des pays les plus divers.
Mais la patrie de l’homme moderne n’est plus seulement, comme celle des Grecs ou celle des Hindous, un coin de pays, une parcelle du globe : elle est ce globe lui-même avec le système planétaire qui l’environne, dont les masses, les durées et les distances sont faites pour épouvanter le plus vigoureux esprit. […] Ses attaches avec l’antiquité classique grecque ou latine, et même avec le classicisme français du xviie siècle, sont si frêles qu’elles semblent n’avoir jamais été nouées.
C’est ce qui fait qu’il n’y a pas de peuple au monde, excepté peut-être le peuple grec, où il y ait autant de déclassés. […] De là cette démonstration mille fois répétée que les guerres religieuses et les persécutions religieuses ne sont connues de l’humanité que depuis le christianisme et ont été inventées par le christianisme, à l’imitation des Juifs ; que ni les Grecs ni les Romains n’ont été persécuteurs et que les plus grands malheurs que l’humanité ait commis ont été déchaînés sur elle par les disciples du Christ.
La morale antique, si noble qu’elle paraisse, et qui, à défaut de sciences exactes, emplit toute l’œuvre romaine et grecque, cette morale s’avère nulle aujourd’hui et ne correspond plus depuis longtemps à notre mentalité.
Ce n’est point ainsi que les fins et subtils analystes grecs ont défini la ligne droite ; Euclide n’admet pas au début qu’elle soit la plus courte ; il le prouve plus tard, en comparant des triangles dont elle est un côté, ce qui la démontre plus courte qu’aucune ligne brisée, puis en étendant le cas de la ligne brisée à la ligne courbe, qui est sa limite. — Il faut donc lui chercher une définition différente et, selon notre usage, assister à sa construction.
Ils ont écrit les premiers la chanson de Roland ; par-dessus celle-là, ils en accumulent une multitude sur Charlemagne et ses pairs, sur Arthur et Merlin, sur les Grecs et les Romains, sur le roi Horn, sur Guy de Warwick, sur tout prince et tout peuple.
Les autres héros de Troie et du camp des Grecs jouent un rôle encore moins important, et pour la prise de Troie, et pour l’intrigue des deux amants. […] On dit qu’à la première représentation des Euménides, tragédie d’Eschyle, la terreur qu’inspira le spectacle causa des fausses couches à plusieurs femmes ; je ne sais quel effet eût produit sur un auditoire grec la tragédie de Titus Andronicus ; mais, à la seule lecture, on serait tenté de la croire composée pour un peuple de cannibales, ou pour être représentée au milieu des saturnales d’une révolution.