Nous aurions eu dans tout son développement le rhéteur qui est au fond, — tout au fond — du talent de Donoso Cortès, car il y est, le rhéteur, plus ou moins doué, plus ou moins puissant, ce n’est pas la question, — mais il y est ! […] Donoso Cortès a bien parfois l’aperçu de Joseph de Maistre, mais cet aperçu n’arrive pas chez lui comme chez de Maistre, pareil à un trait de lumière qui part du fond de la pensée, au rayon visuel qui jaillit du centre de l’œil.
Il y a celle de la perfection même de l’âme qui parle ce langage, inouï d’humilité, dans le fond, comme il est inouï de simplicité dans la forme. […] À certaines places de ce récit merveilleux où le surnaturel a complètement remplacé la nature, on voit surgir du fond de cette Contemplative, éperdue et perdue dans son Dieu, une raison plus forte que toutes ces flammes, qui met la main sur le cœur qui palpite et dit à ce cœur : « N’es-tu pas ta proie à toi-même ? […] Alors apparaît et s’annonce cette grande conductrice d’âmes qui devait littéralement gouverner du fond de son monastère d’Avila tout un peuple de religieux et de religieuses et déployer dans celle conduite une prudence, une fermeté, une science des obstacles, et enfin un bon sens (ce bon sens, maître des affaires, a dit Bossuet) qu’aucun chef d’État n’eut peut-être au même degré que sainte Térèse, l’Extatique, la Sainte de l’Amour.
Triste chose, au fond, que cette fureur de la parole pour elle-même, que cette espèce de sensualisme intellectuel, qu’un tel asservissement à cette Sirène ! […] indépendamment de ce que l’âme et la foi du prédicateur versent dans sa parole de chaleur, de mouvement et de vie, il y a toujours au fond de toute prédication chrétienne deux sciences immenses et formidables : la science de Dieu et la science de l’homme, la théologie et la morale. […] Mais j’ai dit qu’il n’y a pas que le théologien au fond du prédicateur catholique, et en particulier dans le P.
Funck Brentano… Peut-être qu’au fond de sa pensée il conclut que tout système philosophique a droit au respect ou à l’admiration des hommes, non pour la vérité qu’il prouve, mais pour le génie qu’il a prouvé ! […] Ils furent puissants à dégoûter du peuple chez lequel ils eurent cette puissance… Ils eurent l’influence et même parfois le pouvoir, et la plupart : Zénon, Mélissus, Antiphron, furent des hommes politiques ; d’autres, des amiraux et des ambassadeurs : — Mélissus encore, Gorgias, Hippias et Prodicus… Et ce n’étaient, au fond, pourtant, que des avocats, des vendeurs de paroles, qui vivaient de leurs paroles, les faisant payer comme nous payons le chant de nos ténors… C’est toujours du son qu’on achète ! […] prenez, dans ce chef-d’œuvre de discussion meurtrière contre Stuart Mill et Herbert Spencer, le chapitre intitulé : « Le Conte », et dites s’il est possible d’être, en même temps, et plus fort dans le fond des choses, et d’une légèreté de langage plus lumineuse et plus plaisamment cruelle !
De Bonald, qui a beaucoup plus de structure dans ses œuvres et dans sa pensée, aurait peut-être été le métaphysicien de son époque, s’il n’avait pas étriqué un esprit fait pour tout embrasser dans les préoccupations de la politique et dans des aperçus trop fins qui rappellent bien souvent, avec un fond d’idées contraires, la manière grêle et brillantée de Montesquieu. […] Ballanche, qu’on peut citer sans trop descendre quand on parle de Lamennais, Ballanche, qui a de si grandes parties d’artiste, n’est pas plus, au fond, un philosophe, qu’un somnambule, fût-il très lucide, n’est un observateur. […] Sa méthode, nous dit-il, est au fond de toutes les grandes philosophies, et il le prouve en nous donnant de chacune d’elles une empreinte chaude, lumineuse, éclairée à l’intérieur et rendue translucide, comme seuls en savent lever les maîtres.
Curieux, il a voulu voir ce qu’il y avait dans le fond du sac métaphysique des gros messieurs qui, présentement, tiennent la corde dans la publicité, et dont le premier en bruit, sinon en valeur, est Renan. […] Le fuyard et pleurard d’idées qui est le fond de Renan, le petit bourreau élégiaque qui s’attendrit sur ce qu’il frappe, ces côtés bouffons qu’un autre que Caro aurait moulés en mascaron comique, sont touchés, et adoucis, et veloutés, par lui, avec une habileté et une légèreté de main incomparables. […] Le même bon sens philosophique en fait le fond.
Ces Poètes, qui, du reste, se nomment eux-mêmes des artistes, et qui ont réellement plus d’art dans leur manière que de génie et d’inspiration, travaillent leur langue comme un sculpteur travaille son vase, comme un peintre lèche son tableau, et nous donnent au xixe siècle une seconde édition affaiblie de la Renaissance qui, elle aussi, avec le large bec, ouvert et niais, d’un Matérialisme affamé, happait la forme et s’imaginait tenir le fond, l’âme et la vie ! […] Mais nonobstant, ce qui distingue, ce qui met à part ce dernier livre, c’est la sincérité, c’est la vérité de l’inspiration que l’on trouve au fond. […] Sous les mille arabesques du style, comme on dit maintenant et dont tant de gens sont capables avec de la bonne volonté, il y a dans le livre de M. de Beauvoir, comme au fond de la volute d’un coquillage, la perle, rayée ou malade, si l’on veut, mais la perle de la poésie, la goutte d’éther ou de lumière qui est peut-être une larme, teintée de rose par le sang de quelque souffrance, et qui est plus pour l’âme humaine que toute cette inerte poésie de camaïeu et de dessus de porte qu’on a déplacée et qu’on donne aujourd’hui pour des vers !
Peu importe que le fond de ces deux ouvrages soit, sous deux noms différents, le même prétexte ou le même procédé pour nous faire voir le monde merveilleux ou historique des légendes et nous réverbérer, en le concentrant dans notre âme, ce prodigieux panorama ; mais il importe fort pour le mérite du poète et son progrès, pour l’intérêt et pour l’émotion du lecteur, que la forme et la manière de l’un ne soient pas par trop identiquement la forme et la manière de l’autre ! […] Quinet, au lieu de trouver une inspiration personnelle, un fond de choses vierge, comme on est en droit de l’exiger de tout homme qui se donne les grands airs d’une épopée, on est assailli des plus importunes et, que dis-je ? […] Cet énorme truc, qui est le fond même de toute l’épopée de M.
Au fond, tu ne l’ignores pas, je suis un doux et un naïf, en dépit des poètes pyrénéens qui sont absolument sûrs du contraire. […] Le fond de son histoire n’a que deux lignes et ressemble à un apologue. […] Il s’y est très solidement installé et aboie du fond de ce gîte funèbre, contre tous les passants littéraires. […] Le chauvinisme, c’est-à-dire, au fond, la préférence, le choix décidé d’une patrie quelconque. […] Qu’y a-t-il, au fond, de plus chrétien que cela ?
Au fond même, Commynes est surtout un moraliste. […] C’est son fond intellectuel. […] Il ne faut pas oublier, puisqu’il l’a dit, qu’au fond, tout à fait au fond, il était craintif. […] Il faut tout imiter des anciens, fond et forme. […] Elle est au fond même de la question.
Il fait ridiculement, sottement, gauchement, la même chose au fond. […] Il y a donc une méchanceté latente au fond de tout auteur comique. […] C’est le fond même de tout mon système pédagogique. […] Je ferai d’abord remarquer que ces différences au fond ne sont pas très grandes. […] C’est là le fond du Malade imaginaire.
On conçoit quelle mélancolie incurable devait être le fond des pensées de ces quatre ou cinq solitaires, riches de passé, dénués d’avenir ; condamnés à languir dans ce petit domaine, ou à être submergés par la loi de la société en sortant. […] Et, chose étonnante, son style, abandonné à lui-même, et qui n’avait de juge et de critique que son âme, ne resta comme forme au-dessous de rien, pendant que, comme fond, ce style était au niveau de tout. […] Nous avons dit merci sans rien prendre. » XXIV Puis voyez ce qu’est pour la vieille maison séculaire la position d’un de ces pauvres ustensiles que nous ne connaissons pas même dans nos villes : une plaque de foyer au fond de la cheminée de cuisine ! […] « Ces jolis chants et ce lavage de fontaine me donnaient à penser diversement : les oiseaux me faisaient plaisir, et, en voyant s’en aller toute bourbeuse cette eau si pure auparavant, je regrettais qu’on l’eût troublée, et me figurais notre âme quand quelque chose la remue ; la plus belle même se décharme quand on en touche le fond, car au fond de toute âme humaine il y a un peu de limon. […] Papa est aux champs presque tout le jour, Éran à la chasse : pour toute compagnie, il me reste Trilby et mes poulets qui font du bruit comme des lutins ; ils m’occupent sans me désennuyer, parce que l’ennui est le fond et le centre de mon âme aujourd’hui.
Il tient pour téméraire, et en certains cas pour puéril, de vouloir développer les âmes des personnages qu’on n’a pas connus, et de regarder les événements comme des caractères avec lesquels on peut lire sûrement dans le fond des cœurs. […] Elles rasent les contours de ces futurs continents que son imagination s’est représentés émergeant un jour du fond des abîmes, pour, remplacer les continents actuels, nivelés peu à peu et rendus à la mer par l’effet des eaux du ciel. […] Je ne sais rien de plus imposant et de plus entraînant tout à la fois que cette histoire de la formation des montagnes au fond de la mer. […] C’est à cette lumière, si souvent voilée, mais qui ne cesse jamais de luire au fond de son âme, que Gil Blas juge sa vie à mesure qu’il la raconte. […] Sur un fond qui reste le même, il jette les diversités des conditions et des caractères.
C’est la science de notre fond : nous en sommes à la fois les juges et les justiciables. […] Il n’y ajoute rien de son fond. […] Cette morale de direction, sans raffinement comme sans prescriptions excessives, a le mérite de n’exciter ni le découragement par trop de défiance de nous-mêmes, ni une indiscrète curiosité de notre fond par trop de découvertes ingénieuses. […] Le christianisme ne croit pas qu’il y ait excès à s’aider de toutes nos facultés pour faire pénétrer la lumière au fond de notre âme, à travers nos doutes, nos langueurs et nos ajournements. […] Il développe les choses par leur fond ; Massillon amplifie.
Notre plaie au fond, c’est l’ambition littéraire insatiable et ulcérée, et ce sont toutes les amertumes de cette vanité des lettres, où le journal qui ne parle pas de vous, vous blesse, et celui qui parle des autres, vous désespère. […] Au fond, de quoi nous plaindre ? […] 5 juillet Rue Saint-Guillaume, au fond de l’île Saint-Louis, ce quartier demeuré du vieux Paris, nous montons les trois étages d’une antique maison, à rampe de bois, quelque logis d’ancien parlementaire. […] Au fond d’une alcôve est son lit, tout entouré, tout tapissé de bistres de Frago, qui ont le premier regard du collectionneur s’éveillant, et même souvent, pendant la fièvre des nuits, les longues contemplations de ses insomnies, à la vague lueur d’une veilleuse. […] Cela m’était dit non par la vue de soldats, mais par ces révélations qu’on tire du fond de soi-même dans les rêves.
Allons au fond de cette liberté, de ces témérités effervescentes. […] Dieu présent au fond de l’homme et l’homme docile à l’action de Dieu. […] Poétique par le fond, était-il assujetti à ces règles qui constituent la forme extérieure du vers ? […] Ces épreuves, ces chutes, ces douleurs, ont leur aspect religieux et fécond ; elles nous font entrevoir au fond de toutes les misères, au fond même de tous les crimes, ces deux principes de l’ordre moral, Dieu et la liberté humaine. […] Tout en proclamant les bienfaits de la science, l’industrie, au fond, s’est déjà révoltée contre elle.
La vénalité, en effet, c’est là la plaie de Talleyrand, une plaie hideuse, un chancre rongeur et qui envahit le fond. Un homme public, comme tous les hommes, a ses défauts, ses passions ou même ses vices ; mais il ne faut point, comme à Talleyrand, que ces vices prennent toute la place et occupent tout le fond de sa vie. […] Tout cela n’était que le dehors, la décoration, le spectacle : franchement il y avait trop de reptiles par derrière, au fond de la caverne, — de cette caverne dont le vestibule passait pour le plus distingué et le plus recherché des salons. […] Pour combien y entra-t-il par le conseil, et quant au fond même, et dans le mode d’exécution ?
Leroux et Reynaud, c’est à cause de l’aspect parfois exclusif et répulsif que se donne dans l’expression une doctrine si vaste, si patiente au fond, si faite en définitive pour comprendre et tolérer. […] Une quantité de talents déjà nés sous la Restauration, mais qui ont développé depuis lors des secondes phases complètes, semblent merveilleusement s’y prêter pour le fond ; il leur manque seulement que l’impulsion leur en vienne de quelque part ; ils sont exactement disponibles : quel souffle donc les pourrait remuer et, si peu que ce fût, rassembler ? […] Il y a ainsi, au fond de la plupart des talents, un pis aller honorable, s’ils savent n’en pas faire fi et comprendre que c’est un progrès. […] Qu’ils suivent chacun leur ligne pour les œuvres individuelles, et consentent à coexister dans de certains rapports de communauté et de confins dans les jugements ; qu’on pratique ainsi la vraie égalité et indépendance, l’estime mutuelle du fond avec les réserves permises : voilà des mœurs littéraires de juste et saine démocratie, ce semble, et qui seraient d’un utile exemple à offrir aux jeunes hommes survenants, lesquels ne trouvent rien où se rattacher, que l’ambition illimitée égare ou déprave, dont quelques-uns tombent du second jour aux vices littéraires, les plus bas de tous, et dont on voit quelques autres plus généreux rôder dans la société comme de jeunes Sicambres, des Sicambres plume en main et sans emploi.
J’ai dit qu’il n’y avait nulle vapeur, rien de vague qui circulât ; pourtant, au fond et à travers la discrétion extrême de l’idée, le long de la ligne arrêtée du fait, je ne sais quoi d’une ironie un peu amère se glissait insensiblement et gravait comme à l’eau-forte le trait simple202. […] Dès le début, l’historien analyse et expose la condition diverse des divers peuples d’Italie soumis à la domination romaine, les Latins les plus favorisés, les Italiotes ; quelque différence de régime qui parût d’abord entre ces peuples de la péninsule et les étrangers proprement dits ou barbares, leur liberté se réduisait au fond à une satisfaction d’amour-propre accordée à des vaincus, tandis que la toute-puissance restait en réalité au peuple conquérant. […] Le matin on a suivi Rob-Roy en son Écosse ; on se fait Klepte tout un soir, et l’on se jette dans le mâquis du fond de son fauteuil. […] En attendant, il me semble à la réflexion que, dans ce fond de l’antiquité immortelle, rien ne représente mieux Colomba qu’Électre ; oui, l’Électre de Sophocle pleurant tout le jour son père et attendant Oreste.
Un christianisme platonicien, qui semble retenir « le souverain plasmateur Dieu » comme efficace surtout pour liquider d’un coup tout l’embarras métaphysique, et qui, pour une raison analogue, éloigne toute précision de dogme : solution moyenne qui fait une religion d’honnêtes gens, pressés d’aviser à la pratique, et qui a bien l’air d’être le fond du spiritualisme français. […] Au fond, en effet, Rabelais ne philosophe que pour légitimer la souveraine exigence de son tempérament : cet optimisme rationaliste, naturaliste, ou de quelque nom qu’on veuille appeler cette assez superficielle doctrine, lui sert surtout à fonder en raison son amour immense et irrésistible de la vie. […] Au fond, la pédagogie de Rabelais se ramène à respecter la libre croissance de l’être humain, et à lui fournir copieusement toutes les nourritures que réclament pour son développement total ses appétits physiques et moraux. […] L’art de Rabelais Rabelais est un grand artiste, et sans lui faire injure, on peut dire que toute sa philosophie vaut au fond par son art.
Une nourrice mercenaire s’en charge, qui l’emporte au fond d’un village perdu, heureux si on le regarde partir, sans invoquer, tout bas, la chance qu’il n’en revienne jamais. […] Pourquoi citer celui-ci ou celle-là, quand, au fond de tous les écrits contemporains originaux et de bonne foi, respire le fiel d’une aurore contristée ? […] Au fond, pour lui, le choix importe peu. […] La jeunesse n’était pas instruite de ces choses, mais elle les respirait dans l’air du temps et en recevait, à son insu, une fièvre de spiritualité et tous se sentaient aussi aspirés par un besoin effréné d’affranchissement qui leur vient d’une autre source, du fond des doctrines libertaires.
Pour s’absorber ainsi dans un grand corps, par lequel on vit, dont on fait sienne la gloire ou la prospérité, il faut avoir peu d’individualité, peu de vues propres, seulement un grand fond d’énergie non réfléchie prête à se mettre au service d’une grande idée commune. […] Au fond, cette grande loi n’est pas seulement la loi de l’intelligence humaine 153. […] L’unité est au fond des choses ; mais la science doit attendre qu’elle apparaisse, tout en se tenant assurée qu’elle apparaîtra. […] Il y a en France, jusque chez les incrédules, un fond de catholicisme.
C’est ici qu’éclate, à l’état aigu, ce qu’il faudrait appeler « le cas de M. de Cygneroi », ce cas impur, presque obscène, qui fait le fond de la pièce, et qui s’y étale dans toute sa hideur. […] L’impression, au fond, reste desséchante et amère. […] A M. de Fondette, l’adolescent ébloui qui la regarde, du fond de sa timidité embrasée, comme un ver luisant amoureux d’un astre, elle donne un rendez-vous, sous le balcon de sa fenêtre, qui s’entrouvrira. […] Au fond de cette impasse, sa chambre de jeune fille, dans la maison maternelle, asile équivoque, exposé à tous les bruits de la calomnie, où elle végétera sans appui.
« Le fond est bon, disait Geoffroy de cette Petite École des pères ; il était même susceptible d’être plus étendu ; la morale de la pièce est en action et non pas en sentences ; on y trouve de l’instruction et point de sermons. » Une heure de mariage (1804) est une spirituelle et gaie folie, un peu gâtée par les couplets ; mais il y a d’heureuses scènes, un jeu de partie carrée qui est mené très habilement. […] On s’assura que cette vieille pièce, attribuée à un jésuite, sur le nom duquel on n’était pas d’accord, avait un fond commun avec la pièce nouvelle, et qu’il se trouvait même quelques vers exactement semblables dans les deux ouvrages, de telle sorte que le simple hasard n’avait pu produire cette rencontre. […] Ces caractères, qui étaient bien dans la coupe du jour et qui sont soutenus jusqu’au bout ; le ressort de la crainte de l’opinion opposé à celui de l’avarice pure ; d’heureuses descriptions, jetées en passant, des dîners du grand ton : Ceux qui dînent chez moi ne sont pas mes amis ; une peinture légère des faillites à la mode, qui ne ruinent que les créanciers, et après lesquelles le banquier, s’élançant dans un brillant équipage, dit nonchalamment : Je vais m’ensevelir au château de ma femme ; l’intervention bien ménagée de deux femmes, l’une, fille du vieillard, et l’autre, sa petite-fille ; l’habile arrangement et le balancement des scènes ; d’excellents vers comiques, semés sur un fond de dialogue clair, facile et toujours coulant, voilà des mérites qui justifient pleinement le succès et qui mettent hors de doute le talent propre de l’auteur. […] -Victor Leclerc a montré que le fond de l’histoire des Deux Gendres se trouvait dans un très ancien fabliau, et remontait au moins au xiiie siècle.
Au fond, qu’y a-t-il dans le Contrat social ? […] L’abus du détail dans les descriptions, les sentiments trop particuliers et trop raffinés, les paradoxes de l’utopie, le spécial introduit dans l’histoire, enfin la disproportion de l’imagination et de la raison, c’est-à-dire la prépondérance de la forme sur le fond, et quelquefois le contraire, — tels sont les défauts qui ne permettent pas à la littérature contemporaine de se considérer comme classique. […] J’accorde donc qu’il y a de grandes époques littéraires, que le goût a ses révolutions et, ses décadences, que les époques politiques, scientifiques, industrielles, sont peu favorables à la beauté pure, que les langues se gâtent avec le temps, et qu’en général il n’y a qu’un temps où se rencontre une parfaite harmonie entre la forme et le fond, que ce sont ces époques que l’on appelle classiques, et que les autres s’approchent d’autant plus de la beauté qu’elles s’approchent de cet idéal. Tel est le fond de la théorie classique, et c’est là ce qui nous paraît incontestable dans la théorie de M.
Au fond, bien des lecteurs ne pardonnent d’écrire qu’aux rédacteurs des faits divers dans les journaux. […] Au fond il ne faut pas dire qu’il n’y a que les critiques qui ne jouissent pas ; il faut dire qu’il n’y a que les critiques qui jouissent vivement. […] Au fond, je suis très bien de l’avis de Martin. […] » Assurément c’est cela, tandis que, pour ce qui est de rire, on s’y laisse aller plus facilement parce qu’on est moins dupe et l’on fait moins figure de dupe en riant qu’en pleurant, le rire vous laissant toute liberté d’esprit et les pleurs marquant qu’on l’a perdue, et qu’on est pénétré jusqu’au fond et possédé par le sujet et par l’auteur.
I Quelques jours après sa mort, Philarète Chasles eut sa minute de bruit ; mais les nécessiteux et les furieux d’actualité, comme ils disent, qui avaient attendu sa mort pour parler de lui, dont ils ne disaient pas grand-chose quand il était vivant et qu’il lançait quelque livre du fond de sa petite catacombe de la Bibliothèque Mazarine, ne s’occupèrent bientôt pas plus de sa personne que s’il n’avait jamais existé. […] En ceci, du reste, se ressemblant encore qu’ils ne sont au fond que des esprits fragmentaires, lesquels n’ont pas su mettre un livre debout, car l’Histoire de Port-Royal n’en est, certes ! […] L’Anglais du fond de Chasles est remonté à la surface, et il y a tout absorbé… Et encore, si, en étant exclusivement Anglais, il eût été un historien profond comme on peut l’être partout, on accepterait son œuvre anglaise malgré le déchet de la personnalité du talent auquel on était accoutumé. […] VIII J’ai dit que deux chapitres (deux seulement) se détachaient en œuvre volontairement critique sur ce fond de livre trop énamouré d’Angleterre, et ce sont les chapitres sur Bacon et sur Macaulay.
Imagination qui va, les ailes ouvertes et avec des frémissements presque fous, à toutes choses, même aux vilaines, et quelquefois de préférence à celles-là, enfant terrible qui remue tout avec le bout de sa bûchette, — le fond du ruisseau qui était pur et le bord qui ne l’était pas, — Michelet a écrit, comme on le sait, l’Oiseau et l’Insecte, deux livres à la Bernardin de Saint-Pierre, d’une observation assez innocente. […] Dangereux : Il le serait non seulement par le fond des choses, mais encore par le talent de l’auteur, d’autant plus troublant qu’il est plus troublé. […] que les femmes, par qui vient tout succès en France, soient, au fond, extrêmement flattées de la définition que fait d’elles Michelet : d’éternelles convalescentes entre deux blessures. […] car c’est le poisson qui est le fond du livre de Michelet, je ne crois pas que cela passionne le public comme l’Oiseau, malgré les amateurs de poissons rouges en bocal qui, à ce qu’il paraît, sont une classe de citoyens très nombreux.
Renée eut à entreprendre ce tableau du règne de Louis XVI, qu’il mena jusqu’à l’époque de la Révolution : « C’est cet ouvrage que je réimprime, dit-il, après en avoir soumis le fond et la forme à une révision laborieuse, et l’avoir, en quelque sorte, renouvelé par des recherches et des documents nouveaux. » Ceux qui liront le volume de M. […] Les personnages, même les meilleurs, qu’il voulut d’abord se donner pour auxiliaires et collaborateurs dans son sincère amour du peuple, étaient imbus des principes, des lumières sans doute, mais aussi, à un haut degré, des préjugés du siècle, dont le fond était une excessive confiance dans la nature humaine.
C’est en écoutant les voix les plus diverses, venant des quatre coins de l’horizon en faveur du rationalisme, qu’on arrive à se convaincre que, si les religions divisent les hommes, la raison les rapproche, et qu’au fond, il n’y a qu’une seule raison. […] La ligue des bons esprits de la terre entière contre le fanatisme et la superstition est en apparence le fait d’une imperceptible minorité ; au fond, c’est la seule ligue durable, car elle repose sur la vérité, et elle finira par l’emporter, après que les fables rivales se seront épuisées en des séries séculaires d’impuissantes convulsions.
C’est donc bien toujours l’appétition qui fait le fond des sentiments intellectuels. […] Le désir de connaître enveloppe le désir d’affirmer, et le désir d’affirmer, au fond, c’est celui même d’agir.
Que les vieilles règles de d’Aubignac meurent avec les vieilles coutumes de Cujas, cela est bien ; qu’à une littérature de cour succède une littérature de peuple, cela est mieux encore ; mais surtout qu’une raison intérieure se rencontre au fond de toutes ces nouveautés. […] Cette lecture, si pourtant elles veulent bien faire d’abord la part de l’immense infériorité de l’auteur d’Hernani, les rendra peut-être moins sévères pour certaines choses qui ont pu les blesser dans la forme ou dans le fond de ce drame.
Exemple d’une idée sublime du Rembrand : le Rembrand a peint une Résurrection du Lazare ; son Christ a l’air d’un tristo, il est à genoux sur le bord du sépulcre, il prie, et l’on voit s’élever deux bras du fond du sépulcre. […] Le peintre n’a pas conçu combien la vertu et l’innocence prêtes d’expirer au fond d’un cachot sur un lit de paille, sur un grabat, faisaient une représentation pathétique et sublime.
Le revoilà après tant d’années qui, semblable au fond, le cœur insoumis par la vieillesse, nous donne la vie du plus rigide et du plus mortifié des pénitents ; il a quelque peine, il nous l’avoue, à s’y assujettir ; son récitatif est fréquemment interrompu par des retours qui ont le sens des versets de Job sur le néant des choses, ou celui des distiques de Mimnerme sur la fuite de la jeunesse. […] » Ainsi à ces époques, plus heureuses par là que les nôtres, et jusqu’en ces âmes dissipées, même au fort du libertinage, on croyait ; quelle que fût la surface et le soulèvement des orages, le fond était de la foi : on revenait à temps, et les grandes âmes allaient haut. Aujourd’hui presque partout, même quand l’apparence est de croyance honorable et philosophiquement avouable, le fond est de doute, et les grandes âmes elles-mêmes n’ont guère de retour ; elles ne croient pas en avoir besoin, et elles se dissipent. […] L’austérité du fond commençait à devenir un attrait irrésistible pour quelques-uns ; ils y accouraient des monastères voisins comme à une ruche d’un miel plus céleste. […] On fit courir dans le temps divers bruits contradictoires, et quelques personnes prétendaient qu’il avait redoublé de frayeur aux approches suprêmes : « S’il a eu, comme on vous l’a dit (écrivait Bossuet à la sœur Cornuau), de grandes frayeurs des redoutables jugements de Dieu, et qu’elles l’aient suivi jusqu’à la mort, tenez, ma fille, pour certain que la constance a surnagé, ou plutôt qu’elle a fait le fond de cet état. » Peu de temps après cette mort, le même Bossuet, qu’on ne se lasse pas de citer et dont on n’a cesse de se couvrir en telle matière, posait ainsi les règles à suivre et traçait sa marche à l’historien d’alors, tel qu’il le concevait : « Je dirai mon sentiment sur la Trappe avec beaucoup de franchise, comme un homme qui n’ai d’autre vue que celle que Dieu soit glorifié dans la plus sainte maison qui soit dans l’Église, et dans la vie du plus parfait directeur des âmes dans la vie monastique qu’on ait connu depuis saint Bernard.