Ce n’est pas assez d’inventer, de disposer, il faut encore savoir exprimer d’une maniere intéressante ; talent sans lequel les disgraces sont toujours assurées.
Mais l’Art poétique fait mes délices, et la belle nature exprimée avec tant de fidélité, de force et de grâce, me distrait un peu et me console de celle d’ici… » Ainsi voyageait notre homme de goût. […] Dans un corps de garde c’est ainsi qu’on parle, mais non pas sur le théâtre, devant les premières personnes d’une nation qui s’expriment noblement, et devant qui il faut s’exprimer de même338. […] Elle existe ; mais c’est à peine si les développements les plus délicats, les plus nuancés, parviennent à en exprimer l’inexprimable variété, bien loin qu’un mot puisse y suffire. […] Quel air de fête dans la nature, et comme ces bonnes gens, emportés par le tourbillon de la danse et tombant au milieu des éclats de rire, expriment bien leur bonheur de vivre ! […] Il ose se permettre des propos sensés, mais il a soin de les faire excuser par la grâce parfaite de ses manières, de son ton ; il produit la raison, mais il la voile avec autant de scrupule que la pudeur en a pour exprimer une idée libre.
Il y a les journaux, c’est-à-dire les gens qui expriment, en frappant fort, les opinions les plus opposées. […] C’est dans les prosateurs que l’esprit français se manifeste tout entier, parce que là seulement il exprime un grand nombre d’idées générales ». […] Le genus irritabile a même coutume d’exprimer ses antipathies de façon dure et crue. […] Éclair du génie qui l’a elle-même dictée, elle est de plus consubstantielle au génie même des maîtres dont elle s’efforce d’exprimer l’être. […] Mais pour exprimer un très bon goût nous ne disons jamais que c’est un goût précis, nous l’appelons un goût délicat ou bien un goût sûr.
C’est cette dernière, et elle seule, qu’exprime le Greco. Encore ne l’exprime-t-il point tout entière. […] Mais Wagner ne s’exprime-t-il pas lui-même dans Siegfried et dans Wotan ? […] C’est un sentiment de poète qu’exprime M. […] Il faut sans doute que l’art soit vivant : mais comment la vie s’y exprime-t-elle ?
Il y a un autre Auteur du même nom, Conseiller en la Cour des Monnoies, né aussi à Reims en 1736, dont nous connoissons quelques Poésies fugitives, qui supposent le talent d’exprimer de petites choses d’une maniere aussi facile qu’agréable, & un Dictionnaire des origines, qui donne une idée trop succincte des objets qui en font la matiere.
Elles respirent les sentimens les plus doux ; & s'ils ne sont pas toujours exprimés d'une maniere élégante & poétique, on en est dédommagé par la vivacité des tours & la délicatesse des pensées.
Virgile est le seul poète de l’antiquité classique qui ait exprimé le sentiment de la nature avec toute sa profondeur moderne. […] Sentant qu’il va mourir, il exprime le désir de s’unir à Pernette pour l’éternité et de faire avec elle un mariage solennel in extremis. […] Cette gravité qui ne le quitte point, c’est, si j’ose m’exprimer ainsi, sa perruque de Louis XIV. […] La parole n’était plus ce vêtement simple de la pensée, tirant toute son élégance de sa parfaite proportion avec l’idée à exprimer. […] Ce qu’ils sentent, ce qu’ils rêvent, est trop démesurément supérieur à tout ce que le style peut exprimer.
On en apprécie bien la véritable et remarquable originalité quand on fait attention au nombre de choses que l’auteur y a exprimées pour la première fois. […] Peu de chose, assurément ; et dans sa Correspondance déjà publiée, il y en a vingt autres où il exprime les mêmes idées. […] Nous sommes hommes avant d’être nous-mêmes, et le poète n’a le droit de rien exprimer dans ses vers qui lui soit proprement et absolument unique. […] Mais, comme nous n’attachons pas tous le même sens aux mêmes mots, et que le langage n’exprime jamais que la moindre partie de notre pensée, ils savent aussi combien de sentiments différents s’expriment par des gestes ou des mouvements extérieurs analogues, et ils veulent pénétrer plus avant. […] Tout ce que le mot exprimait de lointain et de mystérieux s’éclaire en se rapprochant de nous.
Plésent, professeur à Louis-le-Grand, s’exprime ainsi : « Ces élèves, nourris de sciences, gavés de mathématiques, sont de plus en plus dépourvus des deux qualités principales du bon mathématicien : la logique et le raisonnement. […] Est-ce qu’un idiome qui a exprimé des civilisations aussi différentes que celle de la République romaine et celle du moyen âge, qui a fourni au droit, a la théologie, à bien d’autres sciences encore, pendant des siècles, leur unique instrument d’élaboration et de diffusion, n’a pas donné les preuves les plus convaincantes de sa souplesse et de ses facultés d’adaptation à toutes les idées et à tous les faits ? […] Nous ne demandons pas à l’Université de fabriquer des latinistes, mais de former, grâce à l’indispensable étude du latin, des jeunes gens aptes à jouir du magnifique patrimoine littéraire de leur pays, et à s’exprimer, sinon avec élégance, du moins avec précision et correction. […] Bien écrire a toujours paru subversif et il a toujours été entendu que l’on pensait mal quand on s’exprimait avec quelque soin.
Ce fut éloquence, mot magique alors par tout ce qu’il exprimait de certain et d’acquis et par tout ce qu’il promettait ; signe de ralliement pour les esprits, déjà en très grand nombre, qui, en s’occupant de lettres et de langue, croyaient fonder un grand et glorieux établissement. […] L’éloquence, dans les lettres de Balzac, consiste en un beau choix de pensées se rapportant à un sujet déterminé, rangées dans un ordre approprié pour persuader, et exprimées avec feu ; c’est le ton de l’éloquence plutôt que l’éloquence elle-même. […] Soit esprit de corps, soit que le jeune feuillant n’eût été que le prête-nom de sa jalousie, il répondit à l’Apologie par des lettres qui, parmi beaucoup de critiques passionnées ou puériles, exprimaient les vrais principes et donnaient les vraies raisons du refroidissement qui suivit le premier enthousiasme pour les écrits de Balzac. […] Mais l’exemple en était utile ; et si Balzac n’eut pas de génie, il enseigna du moins que l’homme de génie n’est qu’un homme de bien qui a le don de trouver et d’exprimer la vérité.
Sensibilité vive, mais passagère et sans vapeurs ; raison nourrie sans être profonde, n’enfonçant guère dans les choses, mais parfois, et de la première vue, en découvrant le fond ; gaieté, sans rien d’éventé ; une douce mélancolie qui se forme et se dissipe au moment où elle s’exprime ; pas de vieillesse, sans la prétention de ne pas vieillir ; beaucoup de mobilité, avec le lest d’un grand sens qui écarte de la conduite l’imagination et les caprices ; du goût pour les gens en disgrâce, mais sans rancune contre les puissants ; une pointe d’opposition, comme chez tous les frondeurs pardonnés qui n’osaient ni se plaindre ni regretter, et qui se ménageaient pour un retour de fortune ; le cœur de la meilleure mère qui fut jamais, quoi qu’on en ait dit, capable d’amitiés persévérantes, et qui craignit l’amour plutôt qu’elle ne l’ignora ; tels sont les principaux traits de ce caractère, où le solide se fait sentir sous l’aimable, et où l’aimable n’est jamais banal. […] Saint-Simon raconte ce qui ne se voit pas, ou ce qui a peu de témoins : négociations, intrigues, vues secrètes, et non seulement les intentions exprimées par les paroles, mais celles que les paroles servent à déguiser ; les vrais mobiles des actions, non d’après certains lieux communs de morale, mais sur ce qu’il en a surpris ou pénétré ; les passions avec les nuances qu’elles reçoivent des situations et des caractères. […] C’est l’avantage de la fresque sur la peinture à l’huile, si poétiquement exprimé par Molière : La paresse de l’huile, allant avec lenteur, Du plus tardif génie attend la pesanteur ; Et sur cette peinture on peut, pour faire mieux, Revenir quand on veut, avec de nouveaux yeux. […] Mais ce n’est pas seulement par cet esprit d’opposition au gouvernement de Louis XIV qu’ils appartiennent au dix-huitième siècle ; ils en sont les précurseurs par tout ce qu’ils ont pensé et exprimé de durable sur les devoirs des gouvernements envers les peuples, et par des maximes d’humanité, de justice, de patriotisme, dont la propagation a été la gloire du dix-huitième siècle et dont l’application est la tâche du nôtre.
Une chose a mille divers reflets ; elle est, en nous, à la fois colorée et musicale et abstraite et figurée ; elle nous impressionne par tous nos sens, en toutes nos capacités d’émotions ; et l’art qui la voudrait complètement exprimer, la dirait en toutes ses impressions, pour tous les sens, et musicalement et picturalement et poétiquement, en tous ses reflets. […] Ayons en nous l’émotion complète de la Chose vivante, et, dans nos œuvres spéciales de littérature ou de musique, il se trouvera que nous la mettrons ; ayant vu tous les reflets, notre unique langage en gardera la marque ; ayant connu toute l’impression, notre poème ou notre tableau en sera imprégné ; la Chose sera exprimée, très fortement ; et notre œuvre, tout particulière, aura de très mystérieux palpitements d’universelle Clairvoyance. […] Maintenant, en effet, une musique qui n’a de cet art que l’observance des lois très complexes qu’il se dicte, mais exprime d’abord le flottant et l’infus, confond les couleurs et les lignes du personnage avec les timbres et les thèmes en une ambiance plus riche de Rêverie que tout air d’ici-bas, déité costumée aux invisibles plis d’un tissu d’accords ; ou va l’enlever de sa vague de Passion, au déchaînement trop vaste pour un seul, le précipiter, le tordre : et le soustraire à sa notion, perdue devant cet afflux surhumain, pour la lui faire ressaisir quand il domptera tout par le chant, jailli dans un déchirement de la pensée inspiratrice. […] Cette communion d’enthousiasme, si je puis m’exprimer ainsi, qui s’établit irrésistiblement entre les spectateurs des œuvres wagnériennes, contribue pour beaucoup à la puissance de leur effet.
Shakespeare a exprimé avec une mélancolie profonde cette analogie finale de la réalité et du rêve, de la nature et de l’art, de la vie et de l’illusion universelle : « Nos divertissements sont maintenant finis. […] En d’autres termes, la série des œuvres populaires d’un groupe donné écrit l’histoire intellectuelle de ce groupe ; une littérature exprime une nation non parce que celle-ci l’a produite, mais parce que celle-ci l’a adoptée et admirée, s’y est complu et s’y est reconnue. […] Toutes les théories que nous avons précédemment examinées n’expriment qu’une part de vérité ; elles aboutissent à des systèmes étroits. […] Taine est plus applicable au simple talent qu’au génie, et c’est la seconde qui exprime le trait caractéristique du génie, à savoir l’initiative et l’invention.
Rechercher l’art pour lui-même, ce n’est donc pas rechercher exclusivement l’art pour sa forme ; c’est l’aimer aussi pour le fond qu’il enveloppe. « La poésie, c’est tout ce qu’il y a d’intime dans tout79. » La poésie est « dans les idées ; les idées viennent de l’âme. » La poésie peut s’exprimer en prose, « elle est seulement plus parfaite sous la grâce et la majesté du vers. […] Rappelez-vous ces vers qui expriment si bien la vie universelle et l’animation divine de la nature : Peut-être qu’en effet, dans l’immense étendue, Dans tout ce qui se meut une âme est répandue ; Que ces astres brillants sur nos têtes semés Sont des soleils vivants et des feux allumés ; Que l’océan frappant sa rive épouvantée Avec ses flots grondants roule une âme irritée ; . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . […] Le Souvenir exprime magnifiquement la même idée que le Lac et que la Tristesse d’Olympio. […] Dans l’Idylle dialoguée se trouve exprimée la théorie hindoue de la Maïa universelle, reproduite par Schopenhauer.
Il avait souvent exprimé le vœu de mourir sans souffrances physiques et sans affaiblissement intellectuel. […] Je contreviendrais à la volonté maintes fois exprimée de M. […] Nul ne les a lus sans être ému, et pourtant les idées qui s’y trouvent exprimées n’ont point fait de prosélytes. […] Les narines minces et dilatées exprimaient une intensité de vie extraordinaire. […] Il n’expose pas un système ; il exprime des aspirations, des désirs ; il ouvre des perspectives.
S'exprimer ainsi, n'est-ce pas faire expirer les suffrages dans tous les Bureaux d'esprit où les Chefs du Philosophisme dominent ?
Si rien, chez M. de Tocqueville, n’annonce un regret, ni encore moins une antipathie contre cette loi de développement qu’il reconnaît et proclame comme providentielle, si dans le savant tableau qu’il nous retrace des États-Unis et du principe qui y triomphe, il se laisse aller parfois à un sentiment d’admiration grave, tel que le philosophe politique peut en exprimer, nous devons dire qu’il paraît moins rassuré en ce qui concerne l’Europe et la France. […] Les suffrages des Chateaubriand, des Royer-Collard, des Lamartine, ont été exprimés assez hautement pour qu’on puisse les consigner, sans crainte de se laisser tromper à des apparences complaisantes.
Elle exprime sereinement, impartialement, le monde et la vie, dans leur commune réalité, sans aspirer à en changer les conditions actuelles. […] Elle n’exprime plus rien de concret, de naturel.
On trouve de temps en temps, dans ceux qu'il a publiés, des étincelles de lumiere, des connoissances, quelques images brillantes, des traits fiers & vigoureux, des pensées fortes, exprimées avec une sorte d'énergie. […] C'est ainsi que s'exprime M.
Ceci est un fait que je raconte, ce n’est point un blâme ni un regret que j’exprime. […] Dès 1763, dans un réquisitoire qui avait pour objet d’engager le parlement de Bretagne à demander au roi une réforme de l’éducation nationale, M. de La Chalotais, procureur-général, après avoir déploré qu’il y eût un si grand nombre de collèges s’exprimait ainsi : « Les frères de la doctrine chrétienne, qu’on appelle ignorantins, sont venus pour achever de tout perdre. » Je ne cite ceci que parce que ce n’est pas un fait isolé.
Taine y sont moins exprimées que dans l’étude sur Stuart Mill, mais surtout parce que, l’écrivain chauffant l’écrivain, M. […] Taine, en finissant ainsi sa notice sur Carlyle, n’a pas exprimée ; mais un tel jugement sort entièrement la Critique, à ce qu’il me semble, de l’explication que M.
Il est aussi capable de rire que de pleurer, non l’un après l’autre, comme tout le monde, non pour cacher l’un par l’autre, comme le stoïcisme, mais en même temps, ce qu’il a exprimé par un mot homérique, dit très bien M. […] Campaux a détordu les cordes du vieil instrument dont la sonorité nous fait tressaillir encore, et il a trouvé que ce qui les rendait si vibrantes, c’était, en fin de compte, les plus beaux sentiments que la poésie pût exprimer !
Mais ces divers passages, qui donnent une idée fort nette du genre d’esprit de Fréron, de sa manière de penser et d’exprimer sa pensée ; ne donnent pas du tout la manière personnelle du critique… Le penseur y est. […] C’est bien là une figure celtique, avec son front étroit et dur, renflé aux tempes, le profil coupant et recourbé, cette maxillaire en saillie, — l’assise solide d’un visage qui n’exprime que la force, — tout cela porté sur de hautes épaules comme en ont les hommes faits pour la guerre, et vous reconnaissez la race opiniâtre qui ne sait pas reculer, la race héroïque qui va de Beaumanoir, du combat des Trente, jusqu’à ce Georges Cadoudal qui mourut pour avoir voulu le renouveler !
Un homme de la fin du même siècle qui n’a exprimé aussi de sa pensée que quelques gouttes, mais autrement puissantes, d’un citron autrement pénétrant et parfois autrement mortelles que celles que Vauvenargues fit tomber de la sienne, Chamfort, si au-dessus de Vauvenargues par tout excepté par le caractère, n’est pas un moraliste non plus, quoiqu’il en ait révélé les profondes aptitudes. […] Si Vauvenargues était revenu aux idées qu’il exprime dans sa Méditation sur la foi, par exemple, Voltaire eût pensé vite comme le Régent.
Elles l’embellissent de l’amour qu’elles expriment. […] IV Quant aux lettres intimes qui expriment cet amour d’une âme angélique pour une autre âme, éprise aussi, mais inférieure, je l’ai déjà dit, il n’y en a certainement nulle part de cet accent, de ce caractère, de cet idéal de vérité, de simplicité et de candeur !
Un homme de la fin du même siècle, qui n’a exprimé aussi de sa pensée que quelques gouttes, mais autrement puissantes, d’un citron, autrement pénétrant, et parfois autrement mortelles que celles que Vauvenargues fit tomber de la sienne, Chamfort, si au-dessus de Vauvenargues par tout, excepté par le caractère, n’est pas un moraliste non plus, quoiqu’il en ait révélé les profondes aptitudes. […] Si Vauvenargues était revenu aux idées qu’il exprime dans sa Méditation sur la foi, par exemple, Voltaire eût pensé vite comme le Régent.
Nous sommes ici bien loin de Joseph Delorme, qui écrivit des Consolations, et qui, depuis, a passé cinquante ans à faire de la petite dentelle littéraire… Georges Caumont, qui ne fait pas de vers, il est vrai, mais dont la prose est « de premier jet et de source colorée dans son sang, noyée dans ses larmes, pourprée dans ses plaies, sa bile et son fiel, ayant des monstres de style pour exprimer des monstres de souffrance », Georges Caumont est une bien autre personnalité que Joseph Delorme et tous les Mélancoliques et les Souffrants de ce siècle, et c’est sa force de personnalité qui le rend intéressant et pathétiquement sympathique, malgré les farouches et délirantes aberrations de sa pensée. […] Voilà pourquoi ceux qui aiment la beauté partout où elle est, — qui l’aiment pour elle-même et même indépendamment de ce qu’elle exprime, liront ces pages où il y a tant à condamner, mais tant à plaindre et tant aussi à admirer !
Cela ne s’exprime plus. […] comme il en exprime tout ce qu’il y a, en cette juteuse troisième personne !
Le poète des Fleurs du mal a exprimé, les uns après les autres, tous ces faits divinement vengeurs. […] Mais qu’il ait desséché sa veine poétique (ce que nous ne pensons pas) parce qu’il a exprimé et tordu le cœur de l’homme lorsqu’il n’est plus qu’une épongé pourrie, ou qu’il l’ait, au contraire, survidée d’une première écume, il est tenu de se taire maintenant, — car il a des mots suprêmes sur le mal de la vie, — ou de parler un autre langage.
Toutes ces sortes d’idées que nous avons vues, tout cet ensemble de sentiments, toutes ces expressions rares prennent leurs racines dans des choses anciennes que la foule n’exprime pas, mais qu’elle sent aussi bien que nous. […] Ensuite, un officier catholique, parent du sous-officier protestant, prit la parole au bord de la fosse et exprima sa reconnaissance d’avoir entendu les représentants des deux églises chrétiennes symphoniser ainsi… » Ah !
En tout ceci je ne fais qu’exprimer des doutes et marquer des nuances. […] Mais qui pourrait définir clairement sa pensée dans les œuvres diverses où elle a essayé de l’exprimer ? […] La première raison qui s’offre est si naïve que j’ose à peine l’exprimer. […] Il ne les a pas créés, il les a exprimés. […] Personne n’a mieux compris qu’elle et mieux exprimé la nécessité de l’étude pour l’art.
Dans le chapitre qui concerne le Beau dans les Mœurs, la raison, le sentiment, la vérité, ne se sont jamais mieux exprimés que par sa plume ; on y voit briller une philosophie supérieure qui connoît aussi bien les passions du cœur, que les ressorts de la politique humaine.
Mais vous ne m’accuserez pas d’avoir voulu me faire valoir en les prononçant, puisque je vous ai prévenus que ce que j’exprimerais ici, ce seraient vos propres pensées. […] Il reste que je « juge », si j’ose encore m’exprimer ainsi, les cinq dernières productions de notre art dramatique d’une manière toute subjective et sur le plaisir qu’elles m’ont fait. […] C’est ce langage, outré, convenu, mais d’un pittoresque et d’un mouvement extraordinaires, et ce sont les innombrables sautes de sentiments et d’idées que ce langage exprime, qui font l’intérêt de la simple et folle aventure de Paul Costard. […] Mais Manon parlait une langue décente et jolie ; Marguerite ne redoutait pas l’élégance du style, une élégance aujourd’hui un peu surannée ; et Sapho s’exprimait, en général, comme une fille intelligente qui s’est frottée à des écrivains et à des artistes. […] Pierre Berton et Charles Simon, c’est que l’amour de Zaza est bien, dans son fond, « la grande passion », celle qui s’ennoblit, à ce qu’on assure, par « le désintéressement » et la souffrance, mais que cette passion, égale en « dignité » à celle des amoureuses tragiques de la plus haute littérature, s’exprime ici de la façon la plus bassement vulgaire, et, tranchons le mot, la plus canaille.
. ; il en est de même du geste, et c’est ce qui rend immédiate l’interprétation des signes visibles ; l’art doit reproduire ces accents et ces gestes pour faire pénétrer dans l’âme, par suggestion, le sentiment qu’ils expriment. […] En général, le poétique n’est pas la même chose que le beau ; la beauté réside surtout dans la forme, dans ses proportions et son harmonie, le poétique réside surtout dans ce que la forme exprime ou suggère, plutôt qu’elle ne le montre. […] La richesse des rimes est nécessaire quand on veut surtout parler aux oreilles ou aux yeux, quand on veut chanter ou peindre ; dans les vers descriptifs, trop à la mode aujourd’hui, elle est à sa place ; mais, quand il s’agit de sentiments ou d’idées à exprimer, la rime doit se subordonner au rythme d’une part, et à la pensée d’autre part. […] Alors en effet le petit nombre de mots économise l’attention ; de plus, la voix tombe et se pose plus vite qu’on ne s’y attendait : il s’ensuit un silence imprévu, qui, en surprenant l’oreille, ranime l’attention et la fixe sur l’idée qu’on vient d’exprimer. […] Puisque la poésie est tout entière non dans une manière déterminée d’exprimer la pensée, mais dans la pensée émue elle-même, puisqu’elle traverse les formes et les temps alors que le vers change avec les pays et les époques, pourquoi vouloir la renfermer dans une forme à l’exclusion de toute autre ?