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837. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’arbitrage et l’élite »

Aucun de ceux-là n’aurait refusé et ne refuserait, je pense, de remplir une fonction, qui serait l’aboutissement naturel et pratique de son existence.

838. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

Sans affirmer l’existence ni l’époque précise d’un seul Orphée, croyons qu’il dut s’en élever plusieurs, à la naissance de cette société grecque sortant de la barbarie par la guerre et la gloire, et de bonne heure humanisée par les arts.

839. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Cela se devine ; mais aujourd’hui ils ont une raison de plus, celle d’avoir été injustes : votre existence les humilie. » Cette aimable femme n’était nullement protestante toutefois ; elle disait très bien à Rousseau sur l’article du Calvinisme : « Les motifs de votre séparation, à vous autres Protestants, m’ont toujours paru tenir plus à l’orgueil, à la licence, qu’à l’amour du bien, quoiqu’il en ait été le prétexte ; et puis, je ne trouve pas raisonnable qu’on rejette un mystère lorsqu’on en admet un autre tout aussi difficile à résoudre. […] Quoi de plus doux et de plus innocent, en effet, que de s’occuper dans un détail exact et avec une attention comme affectueuse d’une existence disparue, de ressaisir une figure nette et distincte dans le passé, de donner tous ses soins, pour la recomposer et la montrer aux autres, à celle qui ne nous est de rien, de qui l’on n’attend rien, mais dont je ne sais quelle grâce, quelle bienveillance souriante nous attire et nous a charmés ? […] Il n’est que de vivre et de durer un peu longtemps pour que toutes les variétés et les oppositions se produisent dans ce grand drame historique bigarré qui change sans cesse et qui lui-même se reflète en mille faces dans l’existence d’un chacun.

840. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

« Les actes de conception et d’imagination19, dit très bien Dugald Stewart, sont toujours accompagnés d’une croyance (au moins momentanée) à l’existence réelle de l’objet qui les occupe… Il y a très peu d’hommes qui puissent regarder en bas du haut d’une tour très élevée sans éprouver un sentiment de crainte. […] Il faut donc admettre « que les objets imaginaires, lorsqu’ils absorbent l’attention, produisent, pendant ce temps-là, la persuasion de leur existence réelle ». […] « Un aliéniste allemand, le Dr Brosius de Bendorf, raconte avoir produit à volonté sa propre image qui posa devant lui pendant quelques secondes, mais s’évanouit immédiatement quand il essaya de reporter sa pensée sur son existence personnelle26. » Ces cas extrêmes montrent par leur exagération la nature de l’état normal.

841. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

La douce intimité dans laquelle il vivait avec le prince et la princesse suffisait à son existence ; lui-même paraissait nécessaire à leur bonheur. […] À l’âge de quinze à vingt ans, à cette époque de l’existence où l’horizon de la vie est tout voilé d’une brume chaude qui noie et qui colore les contours secs de toutes choses ; à ce moment où la vie, commencée sans qu’on en aperçoive le terme, paraît longue comme l’infini ; à cette heure où cette vie n’a pas dit encore son dernier mot à l’adolescent qu’elle caresse ; à cette minute où l’amour, qui n’est au fond que l’éternité de la vie, déborde du cœur dans les sens et des sens dans le cœur, comme un océan de cette vie qui baigne tous les objets et qui les transfigure ; à cette période de votre jeunesse, disons-nous, avez-vous jamais voyagé en Italie, en rêvant, éveillé, la félicité d’Éden sous le ciel d’été de la campagne de Naples ou de Rome ? […] Une indescriptible impression de bien-être, de paix, d’existence, de sécurité, de plénitude des sens et du cœur, pénètre l’âme avec les rayons, avec l’air, avec le son, avec l’horizon sans bornes de la campagne de Rome ; on se sent noyé dans la béatitude du soleil d’été ; la vie surabondante écume et murmure, comme une cascade de Terni, dans la poitrine ; on craindrait de troubler par une parole, par le bruit même d’une respiration, l’extase qui vous soulève d’ici-bas on ne sait où ; on se tait, et ce silence est l’hymne inarticulé de la saison où l’homme fructifie avec l’herbe des champs.

842. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

C’est une existence bien naïve et bien pastorale que celle du gentilhomme campagnard des vallées de Savoie, et surtout de la vallée véritablement arcadienne de Chambéry. […] Son existence, un peu amère sous le rapport de la fortune, était très douce sous le rapport de la société. […] Il comprend l’existence importante, mais nécessairement secondaire, de cet État.

843. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Théophile Gautier, un soir qu’il rêve à son existence passée, se représente visitant « le Château du Souvenir131 », un vieux manoir perdu dans les broussailles, rongé par le temps et les orages, meublé de vieilles tapisseries et de portraits effacés, peuplé d’ombres grises et roses qui disparaissent avec le soleil levant. […] On a, par suite, au théâtre, replongé les personnages dans le milieu artificiel où s’est écoulée leur existence ; on leur a rendu leur entourage de meubles familiers et leur costume habituel ; les poètes n’ont pas craint de se faire archéologues et tapissiers pour reproduire avec une exactitude rigoureuse le décor intime dans lequel se déroulent leurs drames. […] Est-ce que des œuvres outrées, amères, violentes ne seraient pas en plein désaccord avec ces appartements si bien calculés pour réunir toutes les douceurs de l’existence ?

844. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

Et on remarquera que non seulement le méchant « philtre d’amour » disparaît ainsi, mais encore, que cette attente d’une mort subite qui a provoqué l’aveu et qui a ainsi donné aux deux amants le seul bonheur que la vie pouvait leur accorder, devient le levier qui permet au maître de « reléguer le drame à l’intérieur ». « La vie et la mort, l’importance et l’existence du monde extérieur, tout ici dépend uniquement des mouvements intérieurs de l’âme. » dit Wagner (VII, 164) ; et, à partir de ce moment, cela est vrai. […] Il semble, en effet, que cette existence des deux unités opposées, l’unité dans la convergence et l’unité dans la divergence, n’ait pu être obtenue à un semblable degré que pour l’union de la parole et de la musique, sur la scène. […] Wagner (1879) écrit ceci : « Aux sages se découvrit le secret du monde, qui consiste en un pénible mouvement de déchirement. » La Douleur est donc la base de l’existence humaine d’après ces deux philosophes.

845. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

La mort la plus simplement détachée de la vie que j’aie vue, oui, une en allée de l’existence, comme s’il s’agissait d’un déménagement. […] Samedi 7 mai Me voici au bout de mon existence intellectuelle. […] Dimanche 19 juin J’avais rêvé pour la fin de ma vie, des dernières années, paresseuses, inoccupées, remplies par la lecture de voyages, et il n’y a guère eu, dans mon existence, d’années plus laborieuses, plus fatigantes, par la multiplicité de petits travaux, et qui me font soupirer après de l’inactivité de la cervelle et des jambes.

846. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

C’est ainsi que l’œil s’applique au verre étroit du télescope pour rapprocher l’étoile lointaine ou découvrir l’étoile invisible ; certes ce n’est encore guère la connaître que de l’apercevoir ainsi, mais n’est-ce pas déjà beaucoup de ne plus ignorer son existence ? […] Prendre ainsi le moi pour centre et pour but, c’est méconnaître, somme toute, sa réelle grandeur ; y borner son regard, c’est enfermer la pensée et l’existence dans un cerveau humain, c’est oublier que la loi fondamentale des êtres et des esprits est un perpétuel rayonnement. « Connais-toi toi-même », dit l’antique sagesse ; oui, car se connaître, c’est s’expliquer à soi-même, par conséquent comprendre aussi les autres et se rapprocher d’eux ; le seul moyen que nous ayons de voir, c’est assurément de recourir à nos propres yeux et à notre propre conscience : nous sommes nous-mêmes notre flambeau, et nous ne pouvons que veiller à ce que tout serve en nous à alimenter la petite flamme qui éclaire le reste. […] Derrière les ennuis et les vastes chagrins Qui chargent de leur poids l’existence brumeuse, Heureux celui qui peut d’une aile vigoureuse S’élancer vers les champs lumineux et sereins !

847. (1894) Textes critiques

Âmes solitaires Toute connaissance étant comme forme d’une matière, l’unité d’une multiplicité, je ne vois pourtant en sa matière qu’une quantité évanouissante, conséquemment nulle s’il me plaît, et cela seul et véritablement réel qu’on oppose au vulgairement dénommé réel (à quoi je laisse ce sens antiphrastique), la Forme ou Idée en son existence indépendante.‌ […] L’une chez Johannes s’échancre et s’irrite à l’intrusion de Kaethe : les Pensées que son front exsude, ainsi taisant acte de Vie, s’interrompent en éparpillement effrité : du choc de l’intellectuelle existence et de la vie pratique, le néant, comme un serpent de sulfocyanure à sa naissance flamboyante rentrant ses cornes oculaires sous le dôme tombant d’un doigt. […] C’est la louable entreprise de conter l’existence d’une jeune fille qui est employées.

848. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Toutes mes passions futures encore en pressentiments, toutes mes facultés de comprendre, de sentir et d’aimer encore en germe, toutes les voluptés et toutes les douleurs de ma vie encore en songe, s’étaient, pour ainsi dire, concentrées, recueillies et condensées dans cette passion de Dieu, comme pour offrir au Créateur de mon être, au printemps de mes jours, les prémices, les flammes et les parfums d’une existence que rien n’avait encore profanée, éteinte ou évaporée avant lui. […] Toutes les grandes lectures sont une date de l’existence ! […] La littérature était pour lui la moitié de l’existence : sa piété même était littéraire.

849. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

nous n’avons donc plus de têtes, de cœur, de passions, d’existence enfin ? […] Il est plus intéressant, ce me semble, de montrer au lecteur ses préjugés, ses sentiments, ses passions, ses instincts, de faire pour lui ce que chacun devrait faire pour soi, de lui décrire l’ensemble et le but de son existence, ce qu’il n’avait jamais voulu ou peut-être osé entreprendre. […] Vous vous retrouvez dans son œuvre qui vous rappelle les faits de votre existence. […] Les théâtres vivent, mais ils n’ont d’autres raisons d’existence que l’habitude pour certaines gens de se trouver aux premières représentations, pour d’autres, celle de conduire des visiteurs de province admirer tel ou tel acteur qui ne va pas en représentation dans leur endroit ; pour d’autres encore, le besoin de passer une soirée d’une façon ou d’une autre. […] Chacun a un côté de son existence, quelques faiblesses qu’il cache, et ces bagatelles, auxquelles on ne s’arrête pas, occasionnent le plus souvent les grands événements de la vie.

850. (1893) Alfred de Musset

Il avait entremêlé dans son existence la guerre, la littérature et les fonctions publiques. […] Ce n’était pourtant pas faute de prendre au tragique les peines de l’existence, ou de jouir avec ardeur de ses joies. […] Cependant il n’y a plus ni confiance, ni joie de vivre dans son jeune cœur, flétri par les dangereuses confidences des naufragées de l’existence qui demandent aux couvents un abri contre le monde et contre elles-mêmes. […] Les petits malheurs de l’existence, qu’il n’avait jamais trouvé de bon goût de prendre au tragique, avaient aussi le don de réveiller sa verve. […] Comptant aussi peu dans le mouvement intellectuel et étant, d’autre part, assez détaché (un peu trop) des affaires publiques, Musset vieillissant a eu l’existence la plus vide.

851. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Et voilà que toutes les bonnes choses, toutes les choses douces, délicieuses, poétiques, qui embellissent et font chérir l’existence, se retiraient d’elle, parce qu’elle avait vieilli ! […] Celui-ci partait pour la vie avec toutes les illusions sentimentales, souffrant à chaque minute des platitudes de l’existence ; Émile Boucard part, lui, pour vivre avec un stock d’illusions positives, se débat au milieu des fantaisies et des illogismes de la réalité. […] C’est bien un droit qu’il croit exercer, le droit même de la vie, puisque ce sang d’un autre est indispensable a son existence même. […] Ce sont des aventures d’huissiers, d’amour, de recors, de toutes ces choses disparates qui ne se réunissaient que trop souvent dans l’existence de Virginie. […] J’attends donc, en paix, la fin de mon existence terrestre.

852. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Il parle, Lettre LXXVIII, des maladies, et du motif qui l’empêcha de se délivrer d’une existence douloureuse ; Lettre LXXIX, de Charybde, de Scylla et de l’Etna. […] Nausiphanès prétend que l’on ne peut non plus démontrer l’existence que la non-existence des êtres ; Parménide, que rien de ce que nous voyons n’existe réellement ; Zénon d’Élée, qu’il n’existe rien. […] Lier l’existence réelle de son propre corps avec la sensation, n’est point une chose facile. […] … » Sénèque compare ensuite l’homme prêt à entrer dans le monde, avec le voyageur embarqué pour Syracuse  ; et le, discours qu’il adresse au premier sur la limite de l’existence et du néant, est d’un philosophe instruit pour son siècle, et d’un orateur éloquent dans tous les temps. […] Le méchant qui nie l’existence de Dieu est juge et partie ; c’est un homme qui craint et qui sait qu’il doit craindre un vengeur à venir des mauvaises actions qu’il a commises.

853. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Une religion que l’objection de l’existence du mal dans le monde n’embarrasserait nullement, ce serait une religion qui mériterait qu’on la considérât avec complaisance. […] Darwin, par sa doctrine de la lutte pour l’existence et par la théorie de la sélection, fondée sur elle, nous a ouvert les yeux depuis trente-trois ans (M.  […] L’existence elle-même de ces quelques privilégiés est une lutte perpétuelle contre les périls qui les menacent de toutes parts. […] Volney n’a eu qu’un moment de courage, d’audace, de je ne sais quoi qui reste étrange comme boutade hardie, dans son existence. […] d’un père ou d’une mère, une de ces douleurs profondes, incurables, qui bouleversent l’existence, brisent jusqu’aux forces du corps et font descendre au sépulcre avant le temps ?

854. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Même dans les circonstances anormales d’une guerre, ils agissent conformément à l’âme que leur a lentement élaborée l’usage de toute leur existence et un usage qui est plus ancien qu’eux. […] Il découpe, mais obscurément, petitement ; et il use son existence plutôt qu’il ne la goûte. […] Mais il a ses délicatesses du cœur qui le rendent timide, quand il songe à organiser, auprès de l’aimable modiste, sa deuxième existence. […] Il passa, le fol Senancour, son existence à raffiner sur sa douleur et à maudire la destinée, qui au surplus ne l’épargnait pas. […] L’existence est là paisible.

855. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

une existence douce, aimable, à ses foyers ; une grâce simple dans les manières, quelquefois une espèce d’enfance qui joue sérieusement : et tout à coup ensuite sur la scène une existence immense, extraordinaire, terrible, avec une figure grecque et pure et les fureurs d’un lion réveillé.

856. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Il avait, on le sait, besoin d’aimer ; ce nouvel attachement, où il rencontrait un accord intellectuel parfait, remplit bientôt son existence, et lui permit de supporter la perte de sa mère qui mourut peu après. […] Il s’y trouve tout à côté peut-être de quelque orthodoxe calviniste qui croit à la doctrine de la prédestination, ou de quelque socinien et rationaliste qui ne voit dans le christianisme que le travail successif des hommes les plus vertueux et les plus éclairés de tous les âges, et dans la morale que l’héritage et le perfectionnement des siècles : « Tous deux se disent chrétiens, et je le crois, écrivait-il à une amie digne de le comprendre, je les reçois comme frères, et j’ai du plaisir à m’associer à eux dans un hommage public de reconnaissance et d’amour à l’Être qui nous a donné l’existence et qui l’a douée de tant de biens. » Qu’on la partage ou non, cette façon d’entendre le christianisme, et qui se rapproche de celle d’Abauzit ou de Channing, est élevée et bien pure.

857. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Elle aussi se sentait faite pour un rôle actif, influent, multiplié, pour cette scène principale où l’on rencontre à chaque pas l’aliment de l’intelligence et l’émotion de la gloire ; elle aussi, loin de Paris, exilée à son tour de l’existence agrandie et supérieure qu’elle avait goûtée, elle aurait redemandé, mais tout bas, le ruisseau de sa rue de la Harpe. […] Un éloge bien rare à donner aux grandes et glorieuses existences, tout à fait particulier à Mme Roland, c’est que plus on va au fond de sa vie, de ses lettres, plus l’ensemble paraît simple : toujours le même langage, les mêmes pensées sans réserve ; pas un repli, nulle complication ou de passions ou de vœux et de tendances diverses.

858. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Il osa désobéir à ce bon père qu’il vénérait, et seul, sans appui, brouillé avec sa famille (quoique sa mère le secourût sous main et par intervalles), logé dans un taudis, dînant toujours à six sous, le voilà qui tente de se fonder une existence d’indépendance et d’étude ; la géométrie et le grec le passionnent, et il rêve la gloire du théâtre. […] Madame de Puisieux (autre erreur) durant dix années, mademoiselle Voland, la seule digne de son choix, durant toute la seconde moitié de sa vie, quelques femmes telles que madame de Prunevaux plus passagèrement, l’engagèrent dans des liaisons étroites qui devinrent comme le tissu même de son existence intérieure.

859. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

Ce même Saint-Simon, qui regrettait La Bruyère et qui avait plus d’une fois causé avec lui139, nous peint la maison de Condé et M. le Duc en particulier, l’élève du philosophe, en des traits qui réfléchissent sur l’existence intérieure de celui-ci. […] Cette diversité de pensées accomplies, desquelles on pourrait tirer tour à tour plusieurs manières d’existences charmantes ou profondes, et qu’une seule personne n’a pu directement former de sa seule et propre expérience, s’explique d’un mot : Molière, sans être Alceste, ni Philinte, ni Orgon, ni Argan, est successivement tout cela ; La Bruyère, dans le cercle du moraliste, a ce don assez pareil, d’être successivement chaque cœur ; il est du petit nombre de ces hommes qui ont tout su.

860. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

. — Incessamment, en vertu de cette double loi, des groupes d’aptitudes efficaces deviennent inefficaces, et les images retombent de l’existence réelle dans l’existence possible.

861. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

. — Et, si l’on regarde l’avenir, son cas est le même, puisque son existence future apparaît comme soumise à telle ou telle condition, entre autres à ma volonté variable, et puisque, dans le royaume de l’avenir, elle est encore banale, capable de s’intercaler à tel ou tel moment de mon expérience future aussi bien qu’à tel autre. — Des deux côtés, la situation lui manque ; par essence, elle flotte ; je ne puis la fixer, l’affirmer ; en cela, elle s’oppose aux jugements affirmatifs précédents, prévisions et souvenirs. C’est pourquoi, lorsque, comme eux, elle subit la répression des sensations contradictoires, elle est contredite, non pas partiellement comme eux, mais absolument, et ne peut apparaître que comme sensation située nulle part, c’est-à-dire comme sensation simplement apparente et dépourvue de l’existence vraie.

862. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

Plus tard il avait revendu par petites parcelles pour jardins et cultures les lots de terre riverains du corridor, et les propriétaires de ces lots de terre croyaient des deux côtés avoir devant les yeux un mur mitoyen, et ne soupçonnaient pas même l’existence de ce long ruban de pavé serpentant entre deux murailles parmi leurs plates-bandes et leurs vergers. […] XII « Du reste, à proprement parler, il vivait rue Plumet et il y avait arrangé son existence de la façon que voici : « Cosette avec la servante occupait le pavillon ; elle avait la grande chambre à coucher aux trumeaux peints, le boudoir aux baguettes dorées, le salon du président meublé de tapisseries et de vastes fauteuils ; elle avait le jardin.

863. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Ce ne fut qu’après sa mort que l’abbé Antonio de Sangullo révéla confidentiellement à Laurent l’existence d’un enfant né, un an auparavant, des amours de Julien avec mademoiselle Irma, personne de la famille des Goxini. […] L’existence et les attributs de la Divinité, la probabilité et la nécessité morale d’un état futur, étaient les objets favoris des discours de Laurent.

864. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Alors « les splendeurs des songes transcendants » s’ouvrant devant lui, il s’arrange extatiquement une existence factice à son gré. […] ……………………………………………………………………………………………… Des observateurs timorés de notre temps ont la bonhomie de s’inquiéter de l’existence des poètes décadents.

865. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

Souvent, il « interpellait les cieux » et « doutait de sa vocation » ; il sentait, « que dans la vie bourgeoise et artistique son existence était sans raison d’être » ; un moment après, il ouvrait la partition de la neuvième symphonie et « des sanglots de joie l’étouffaient », il ne doutait plus de sa mission (II, 69, écrit en 1846). […] et pendant longtemps le charme de mon art disparut devant ces questions. » (VII, 163). — En 1850, Wagner « avait déjà presque complètement oublié l’existence de son Lohengrin » ; il découvrit la partition par hasard (IV, 414).

866. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

Son exemple est un des plus curieux et des plus nets en ce genre de maladie morale, son existence est une de celles qui caractérisent le mieux l’homme de lettres de la fin du xviiie  siècle. […] Donnez-lui une autre âme, et sa frêle existence va se dissoudre. » Un peu avant la Révolution, Chamfort, qui habitait chez son grand ami le comte de Vaudreuil, c’est-à-dire en plein monde Polignac, au centre du camp ennemi, trouva moyen de se dégager, et il alla se loger aux Arcades du Palais-Royal.

867. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

C’est par rapport à ce sentiment fondamental de l’existence et de l’action que nous classons toutes nos sensations, et la mémoire n’en est qu’une projection dans le passé, inséparable d’une projection symétrique dans l’avenir. […] Sa mémoire, sans savoir comment, conservait et reproduisait mille images, mais, quand elles apparaissaient évoquées par l’inspiration, il les reconnaissait comme les émotions de toute une existence, condensées en une série d’accords joyeux ou tristes.

868. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

Le principe de modération qui, émanant de ses anciens impératifs, a pénétré dans sa physiologie et l’a mis au point de la vie sociale, ne pouvant plus être retranché, le nouveau principe de modération imposé par la vérité étrangère va accroître la force d’inhibition qui contraignait l’énergie du groupe : cette énergie va se trouver abaissée au-dessous du degré qui permet à un groupe social de maintenir son intégrité et son existence parmi les autres groupes. […] Il leur fallut pourvoir au besoin de cette vie souterraine qui devait être la leur durant un temps beaucoup plus long que celui de leur existence à la surface de la terre.

869. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1877 » pp. 308-348

Elle répond très franchement que cela n’est plus, mais que cela était autrefois, quand elle était toute jeune, toute bien portante, toute vivante, dans le bonheur d’une existence facile et aisée, et qu’alors il n’y avait dans la charité qu’elle faisait, aucun attendrissement, rien de son cœur. […] Mais à la mort du peintre, ne voilà-t-il pas que le marchand de vin apprend le gros prix de ses peintures, et depuis ce jour, le ménage qui a de quoi vivre cependant, mène une existence désespérée, répétant à tous ceux qui veulent les entendre : « Pourquoi qu’il n’a pas dit qu’un portrait de lui, se vendait 100 000 francs ? 

870. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

On les y souffroit d’autant plus volontiers, qu’on ne doutoit presque pas de leur existence ; & lorsqu’on s’avisa d’en douter, on les chercha encore dans les fictions, pour ne pas tout perdre à la fois. […] Le vulgaire de certains cantons croit encore à l’existence de notre Méluzine.

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