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281. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Littré s’était marié, il était père : il entra dans les Droits réunis dès la fondation, grâce à une très belle écriture et à la bienveillance de Français de Nantes. […] Il fit une année de mathématiques ; s’il eut un moment l’idée d’entrer à l’École polytechnique, il n’y donna pas suite. […] Littré entra au National en 1831. […] La Notice est parfaite, simple, grave et sentie ; mais l’éditeur, astreint à des volontés particulières rigides, et les respectant avec scrupule, a fait entrer dans le recueil trop de matière, et sur des sujets dès longtemps éteints ; il n’a pas tout mis, il aurait dû retrancher plus encore, couper, tailler, sacrifier sans merci dans l’intérêt du mort et pour dégager la statue. […] J’ai écrit moi-même, sur ce sujet des études relatives à notre vieille langue, un travail spécial qui a été inséré dans la Revue contemporaine du 30 novembre 1858 ; je ne puis entrer ici dans le même détail, et je dois courir rapidement.

282. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Après les Cent-Jours, à la fin de 1815, licencié avec ce corps par trop aristocratique des compagnies rouges, il entra presque aussitôt (mars 1816) dans la garde royale à pied avec le grade de sous-lieutenant. […] L’esprit de M. de Vigny ressemblait à ces sources : on n’y introduisait impunément aucun fait, aucune particularité positive, aucune anecdote réelle : elles en ressortaient tout autres et méconnaissables pour celui même qui les y avait fait entrer. […] Et pourtant je n’ai jamais pu entrer dans cette idée, dans ce mode de prédication et d’apostolat où donna M. de Vigny à partir d’un certain jour. […] L’école romantique avait forcé les portes de l’Académie, mais sans entrer en masse et tout d’un flot : la porte s’ouvrait ou plutôt s’entrebâillait de temps en temps, puis se refermait pour ne se rouvrir que d’intervalle en intervalle. […] Lamartine, s’il est permis de le rapporter à aucune école, avait été accueilli dès 1829 : Charles Nodier fut admis sans difficulté en 1834 ; Victor Hugo, tant combattu, entra par la brèche en 1841.

283. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Les fils entrent, les uns dans la magistrature de Chambéry et deviennent sénateurs du sénat de Savoie, comme fit le comte de Maistre ; les autres entrent dans l’Église, et ils deviennent évêques de quelque diocèse plus ou moins éloigné, de Sardaigne, de Piémont, de Maurienne ou de Tarentaise ; les autres entrent dans l’armée, et ils deviennent de valeureux officiers, et quelquefois des lieutenants-colonels ou des colonels dans la brigade de Savoie, composée de trois à quatre mille braves paysans de leurs montagnes ; quelques-uns, les plus opulents ou les plus ambitieux, entrent à la cour de Turin, deviennent écuyers ou chambellans, et s’élèvent, si la faveur ou le mérite les secondent, jusqu’au rang de gouverneur de province. Parmi les filles, un très petit nombre se marient, parce que la loi ne leur accorde qu’une parcelle du patrimoine de la famille ; les unes entrent dans des couvents, ces sépulcres de la jeunesse et de la beauté qui étouffent souvent les gémissements secrets de la nature ; les autres restent dans la maison, y vieillissent avec une inclination cachée dans leur cœur, contractent une physionomie de résignation et de mélancolie douce qui fait monter les larmes aux yeux quand on les regarde, puis s’accoutument à leur sort, se font les providences de la maison, reprennent leur gaieté et deviennent tantes, cette seconde maternité de la famille, plus touchante encore que l’autre, parce qu’elle est plus désintéressée et plus adoptive. […] Entrez dans cette triste analyse, examinez de tous les côtés où il est possible de blesser et de punir un homme ; vous verrez que tout est fait déjà, et qu’il n’y a plus moyen de tuer un cadavre et de frapper sur rien… Vous saisissez votre plume massive, et vous m’écrivez comme à un jeune homme qui débuterait dans le monde et qui chercherait une réputation, je pourrais même ajouter : comme à une espèce de mauvais sujet. […] Mais cette fois j’ai été invité en personne par le maître de la maison ; je lui dis en riant : Mais, Monsieur, il faudra que vous ayez la bonté de me présenter de nouveau à madame comme un homme qui arrive ; ce qui fournit la matière à un badinage aimable lorsque j’entrai.

284. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Dans un dictionnaire de langue française, il y a principalement trois choses à considérer ; la signification des mots, leur usage, et la nature de ceux qu’on doit y faire entrer. […] Venons présentement à la nature des mots qu’on doit faire entrer dans un dictionnaire de langue. […] À l’exception des termes d’arts et de sciences, dont nous venons de parler un peu plus haut, tous les autres mots entreront dans un dictionnaire de langue. […] Tels sont les principaux objets qui doivent entrer dans un dictionnaire de langue, lorsqu’on voudra le rendre le plus complet et le plus parfait qu’il sera possible. […] Dans ce discours oratoire, on se borne à louer en général les talents, l’esprit, et même, si on le juge à propos, les qualités du cœur de celui à qui l’on succède, sans entrer dans aucun détail sur les circonstances de sa vie.

285. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Un gros insecte était entré, attiré par les bougies. […] Le fer de ses pendeloques, qui d’abord le caressait d’un chatouillement, entrait peu à peu et cruellement dans sa chair. […] Le soupçon est entré dans l’esprit d’un homme marié ; sa femme est-elle ou non coupable ? […] Il entra dans quelques développements sur le combat d’Origny, pour mieux relever la conduite héroïque et la fin glorieuse de son ami. […] Elle entra dans la mer, les bras tendus, les lèvres entrouvertes, sans un cri, raide comme une statue.

286. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Et semble que ce moyen de nous entravertir apporterait non légère commodité au commerce public ; car à tout coup il y a des conditions qui s’entrecherchent, et, pour ne s’entr’entendre, laissent les hommes en extrême nécessité. » Renaudot, qui savait sort Montaigne et qui s’en autorise, résolut d’établir ce centre commun d’annonces, d’adresses et de renseignements ; il eut l’idée de plus, soit par un sentiment d’humanité, soit pour mieux achalander son entreprise, de donner des consultations gratuites, et de se faire le commissaire officieux, mais qualifié et breveté, des pauvres et des malades, de ceux qui ne voulaient pas entrer dans les hôpitaux, et qui désiraient être traités à domicile : il se chargeait de leur procurer gratis médecins et médicaments. […] Il fallait à Thèbes, dit son accusateur, s’abstenir dix ans entiers de trafiquer à celui qui voulait entrer en quelque magistrature ». […] D’un autre côté, les médecins qui sont entrés dans la voie de Guybert, dans la voie du médecin charitable et populaire (et Gui Patin semble quelquefois de ceux-là), continuent de parler comme les membres d’une corporation d’initiés. […] On voit à quel point le Parlement et les gens du roi entraient avant et prenaient parti dans ces guerres des corps contre les libres survenants.

287. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Parmi les morceaux les plus distingués du livre, je compte le Fragment de lettre d’une femme qui a substitué avec préméditation la vanité au sentiment, et qui, dans l’art de la vie, ne fait entrer comme principe dominant que l’amour-propre et le plaisir de briller : elle se raconte à une amie et expose son système complet de domination, son code de Machiavel. […] Pour le sauvage, par exemple, qu’est-ce que le plaisir de l’amour, si on le compare à tout ce qu’y fait entrer un homme du monde, doué d’une âme délicate et vive, et d’une sensibilité cultivée ? […] On y reconnaît à chaque page l’homme qui parle de ce qu’il sait et de ce qu’il a pratiqué ; on y lit quantité d’anecdotes qui sont de source et d’original, et qui méritent d’entrer dans l’histoire. […] Il veut que les causes aient été purement et simplement politiques : On pourrait comparer, dit-il, la Constitution de la France à un vaste édifice dont on a laissé tous les abords ouverts : peu importe qu’on soit entré par une porte ou par une autre pour en dévaster l’intérieur ; on y aurait toujours pénétré du moment où la surveillance en avait été abandonnée à des gardiens négligents ou infidèles. — Un homme est-il assassiné chez lui par un voleur, dit-il encore, le principe de ce crime est l’avidité des richesses ; la cause de l’événement, le voleur ; et si la porte de la maison se trouve ouverte, elle a été l’occasion favorable à l’assassin.

288. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Sans entrer dans les différences de détail, sans recourir à des termes spéciaux qu’il nous siérait moins qu’à tout autre d’employer, et nous bornant à noter avec M.  […] Cet art byzantin fut inoculé par les Nestoriens fugitifs aux Arabes ; il poussa de ce côté une de ses branches, bientôt florissante ; et il s’insinua, il s’infiltra aussi, tout à l’opposé, dans notre Occident, dans notre Gaule, vers l’époque de Charlemagne, et entra pour beaucoup dans la formation de notre premier style roman. […] Mais c’est surtout pour le dedans qu’elle est faite, c’est par le dedans qu’elle a grandi, et c’est par là aussi qu’elle doit être vue ; ces églises sont bâties pour des fidèles qui y entrent et qui y prient ; les vitraux, ternes au-dehors, ne s’illuminent et n’ouvrent leurs rosaces mystérieuses qu’au-dedans ; jamais monument sacré ne fut plus conforme au génie qui l’inspira, à la foi qui s’y nourrit et s’y enflamme, à la dévotion qui s’y prosterne et y adore. […] Et c’est ainsi qu’à la faveur du mot Tressoir, nous voilà entrés et initiés dans le boudoir élégant d’une châtelaine au plus bel âge gothique.

289. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

C’est dans un autre ouvrage de lui, Mes Rêveries, qu’on trouverait de quoi suppléer (et très incomplètement encore) à ces trop courts Mémoires par quelques anecdotes et souvenirs qu’il y a fait entrer à l’occasion. […] Il raconte cette conversation de point en point, dans toutes ses circonstances et ses nuances ; les sous-entendus y sont ; et il finit par un conseil héroïque au roi son frère, conseil qu’il eût fallu être Maurice lui-même pour suivre et pour exécuter : « Il ne m’appartient pas de donner des conseils à Votre Majesté, et surtout des conseils hardis ; mais, si j’étais à la place de Votre Majesté, je ferais marcher, cette lettre reçue, mes troupes vers les frontières de Bohême ; j’enverrais au roi de Prusse pour savoir s’il veut tenir bon, au cas que je me déclarasse pour lui et que je fisse entrer mes troupes en Bohème. La réponse venue, sans autre traité, je les ferais entrer en Bohême, primo occupando. […] Il eut beau écrire jusqu’au dernier moment au comte de Bruhl : « Prenez de mes idées ce qu’il vous plaira…, mais livrez-vous entièrement à la France, car les choses à demi faites ne valent rien » ; le roi de Pologne n’entra qu’à demi et d’un pied boiteux dans l’alliance française ; ses troupes assemblées se concertèrent plus volontiers avec Frédéric qu’avec nos généraux.

290. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Mais, quelque estime que nous ayons pour les savants étrangers qui s’occupent de nous à ce degré et qui veulent bien entrer dans notre inventaire domestique, quelque reconnaissance que nous leur devions, c’est toujours pour nous une impression singulière de nous voir ainsi établis par eux sur une table de dissection, comme une nature morte, comme une langue morte. […] Il accorde que la négligence de nos ancêtres, ayant plus à cœur le bien faire que le bien dire, a laissé le français rude et sec, si pauvre et si nu, qu’il a présentement besoin « des ornements et, s’il faut ainsi parler, des plumes d’autrui. » Il ignore notre langue romane française du xiiie  siècle, de laquelle Rivarol, par un instinct remarquable, disait : « Il faut qu’une langue s’agite jusqu’à ce qu’elle se repose dans son propre génie, et ce principe explique un fait assez extraordinaire, c’est qu’aux xiiie et xive  siècles la langue française était plus près d’une certaine perfection qu’elle ne le fut au xvie . » Combien cette langue du xiiie siècle, et presque européenne alors, avait perdu de terrain au commencement du xvie , on le voit par les termes mêmes de la tentative de Du Bellay ; il importe, pour apprécier équitablement cette tentative, qui fut celle de tous les jeunes esprits doctes et généreux d’alors, de se mettre au point de vue de cette génération même qui entra sur la scène vers 1550 et de ne pas lui demander plus ni autre chose que ce qu’elle pouvait raisonnablement. […] Il faut nous représenter Ronsard et sa Pléiade se précipitant, pleins d’ardeur, sur tous les chemins de l’intelligence avec la pensée bien arrêtée qu’ils sont les premiers à y entrer et que personne avant eux n’a connu le printemps ni les fleurs. […] Voilà une gloire et des services dont la postérité se passerait bien. » Quoi qu’il en soit de ces vues si nettement exprimées et de ce qui peut y entrer de conjectural, l’importance excessive du Roman de la Rose et de toutes les ramifications qu’il engendra est un fait qui domine notre poésie durant ces âges médiocrement poétiques.

291. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Ceci dit, entrons dans le château de Grandchamp, château en Dauphiné et non en Espagne, comme vous pourriez le croire tout a l’heure. […] Voilà ce faquin qui se prend à rougir de sa fiancée maintenant, et qui se demande si elle est digne d’entrer dans sa baronnie d’occasion. […] Vous trouverez des matelots hollandais qui marcheront sur le crucifix pour entrer au Japon ; Vous ne trouverez jamais un grand artiste qui consente à fouler aux pieds sa lyre, sa plume, son ciseau, sa palette, quand ce serait pour entrer dans le palais des Césars.

292. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Mais elle était trop simple et trop naturellement droite pour savoir dissimuler longtemps : le roi s’aperçut qu’elle lui cachait quelque chose, et il entra dans une grande colère. […] Ce mot de miséricorde, qui est au titre du livre, revient à tout instant ; il abonde sur ses lèvres, c’est son cri ; c’est le nom aussi sous lequel elle entrera dans la vie religieuse, sœur Louise de la Miséricorde. […] Louis XIV l’avait vue entrer au couvent d’un œil sec. […] Je ne puis entrer ici dans la discussion de ce point, ni approfondir mes doutes : je me borne à maintenir, à mes risques et périls, mon impression de goût, et à dire, quel que puisse être le correcteur, que la véritable et entière confession de la pénitente doit se chercher dans les Éditions premières.

293. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

La difficulté était d’entrer dans Orléans : car, pressés entre les sommations du garde des Sceaux Molé pour le roi, et celles des frondeurs, Messieurs de l’Hôtel de ville avaient bonne envie de demeurer neutres. […] Il me dit : « Vous voyez un homme au désespoir, j’ai perdu tous mes amis ; MM. de Nemours, de La Rochefoucauld et Clinchamp, sont blessés à mort. » Je l’assurai qu’ils étaient en meilleur état qu’il ne les croyait… Cela le réjouit un peu, il était tout à fait affligé ; lorsqu’il entra, il se jeta sur un siège, il pleurait et me disait : « Pardonnez à la douleur où je suis. » Après cela, que l’on dise qu’il n’aime rien ; pour moi, je l’ai toujours connu tendre pour ses amis et pour ce qu’il aimait. […] Mademoiselle fit tirer ce jour-là quelques volées de canon de la Bastille qui achevèrent de manifester l’attitude de Paris, et de montrer aux troupes du roi que l’heure n’était pas venue encore d’y entrer. […] Après avoir été quelque temps à rêver, elle ne tarda pas à se fixer résolument, et, comme elle était très honnête et très imprévue, que l’idée qu’on put aimer sans se marier ne lui entrait pas dans l’esprit, elle pensa qu’il n’y avait rien de plus court que de faire la grandeur de ce gentilhomme et de l’épouser.

294. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

» Son fils Rodolphe était venu le rejoindre à Saint-Pétersbourg, et il était entré au service dans les chevaliers-gardes de l’empereur Alexandre. […] Abaissez courageusement cette cataracte maudite, et la lumière entrera. » Maintenant, si l’on voulait donner une idée un peu complète de cette correspondance, il faudrait entrer plus que nous ne l’avons fait dans les détails, il faudrait classer et analyser les lettres avec quelque méthode. […] Louis Veuillot qui, en donnant ses soins à la présente édition, a mis le public à même d’entrer plus vite en jouissance des belles choses que l’on paraissait vouloir lui faire attendre encore quelque temps.

295. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Claude-Alexandre de Bonneval, né le 14 juillet 1675, cadet de grande maison, et d’une des plus anciennes familles du Limousin, eut une éducation rapide, pas trop négligée, une instruction précoce, et, au sortir des Jésuites, il entra à onze ans dans la marine, où l’invitait son parent, l’illustre Tourville. […] Il en résulta pour Bonneval des difficultés qui le décidèrent à entrer dans l’armée de terre. […] C’est dans ces campagnes qu’il eut l’honneur d’entrer en correspondance avec Fénelon dont le neveu avait été fait prisonnier et dont il était d’ailleurs le parent. […] Après quelques premières politesses et quelques réflexions philosophiques sur le bonheur d’être jeune et de courir le monde avec insouciance, comme la lettre du cardinal annonçait Casanova pour homme de lettres, Bonneval se leva en disant qu’il voulait lui faire voir sa bibliothèque : Je le suivis au travers du jardin, et nous entrâmes dans une chambre garnie d’armoires grillées, et derrière le treillis de fil de fer on voyait des rideaux : derrière ces rideaux devaient se trouver les livres.

296. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

Ce moment est décisif dans la vie de Voltaire, et signale en effet son véritable avènement à la monarchie littéraire universelle : il règne et régnera durant les vingt années qui lui restent encore à vivre ; mais nous n’avons aujourd’hui qu’à le suivre dans sa relation avec le président de Brosses avec qui il est entré en affaires d’intérêts. […] À peine entré en possession, Voltaire commence, sous tous les prétextes, à recourir au Président et à le harceler : il est curieux de voir, dans cette suite de lettres, comme les intérêts de l’humanité et du genre humain interviennent et sont toujours invoqués à côté des intérêts particuliers les plus minces. […] Il entra alors dans un de ces accès violents auxquels il avait le malheur de toujours céder. […] Le président de Brosses, qui touchait par plus d’un point à l’école philosophique, n’avait pas fait alliance avec elle, et s’était refusé même à entrer dans la ligue.

297. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Tantôt, par une touche finale, le poète rattache l’apparition à un détail familier et vif, qui la fait entrer dans le cercle des existences réelles. […] On sent l’insulte proférée par des lèvres frémissantes entrer au point vital de la victime et du bourreau. […] À sa nature de poète plus sensible qu’intellectuelle, il fallait l’illusion d’un être qui écoulât ses plaintes secrètes, avec qui il put entrer en contestation dans ses veilles, qui lui promit au bout de sa lente dissolution, avec une consolante immortalité, la permanence de sa vie personnelle. […] Je me traînai avec peine jusqu’au Louvre, et je m’évanouis presque quand j’entrai dans la haute salle où la très sainte déesse de la beauté, Notre-Dame de Milo, trône sur son socle.

298. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

Tous les articles qu’il y a fait entrer ne sont pas de lui ; mais on ne peut que le remercier & de ce qu’il a écrit d’après lui-même, & de ce qu’il a puisé chez les autres. […] On n’y fait presque jamais connoître les mœurs, la religion, les loix, le commerce des peuples, ni les productions des pays qu’ils habitent, quoique toutes ces choses entrent essentiellement dans la définition de certains articles de géographie. […] Ainsi l’on n’a point fait entrer dans le Dictionnaire tous les mots dont on ne se sert plus, & qu’on ne trouve aujourdhui que dans les auteurs qui ont écrit avant la fin du XVIme. siécle. […] La connoissance de l’origine d’un mot en fait mieux sentir toute la force & sert à donner quelquefois plus d’énergie à une phrase en y faisant entrer ce mot à propos.

299. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

C’est à la spiritualité des idées chrétiennes, à la sombre vérité des idées philosophiques qu’il faut attribuer cet art de faire entrer, même dans la discussion d’un sujet particulier, des réflexions touchantes et générales, qui saisissent toutes les âmes, réveillent tous les souvenirs, et ramènent l’homme tout entier dans chaque intérêt de l’homme. […] Les anciens ne peuvent être surpassés dans leur amour de la justice ; mais ils n’avaient point fait entrer la bienfaisance dans les devoirs.

300. (1887) Discours et conférences « Discours lors de la distribution des prix du lycée Louis-le-Grand »

Ils vous annonceront des déconvenues ; ils vous diront que la vie ne tient pas ce qu’elle promet, et que, si on la connaissait quand on s’y engage, on n’aurait pas pour y entrer le naïf empressement de votre âge. […] La généreuse imprudence qui vous fait entrer sans une ombre d’arrière-pensée dans la carrière au bout de laquelle tant de désabusés déclarent n’avoir trouvé que le dégoût, est donc très philosophique à sa manière.

301. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 40, si le pouvoir de la peinture sur les hommes est plus grand que le pouvoir de la poësie » pp. 393-405

Enfin quelques peintres des plus modernes se sont avisez de placer dans les compositions destinées à être vûës de loin, des parties de figures de ronde bosse qui entrent dans l’ordonnance et qui sont coloriées comme les autres figures peintes entre lesquelles ils les mettent. […] Mais ceux qui ont vû la voûte de l’annonciade de Genes et celle du Jesus à Rome, où l’on a fait entrer des figures en relief dans l’ordonnance, ne trouvent point que l’effet en soit bien merveilleux.

302. (1912) L’art de lire « Chapitre X. Relire »

Nous étions entrés dans la pensée de l’auteur, nous entrons maintenant dans son laboratoire ; nous le voyons travailler.

303. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

Ils sont de Paris comme les chiffonniers, qui valent mieux qu’eux, — comme les cocottes, ces autres réfractaires, qui ont aussi leurs historiens et leurs Vallès, non dégoûtés et quittant la place comme le Vallès, d’aujourd’hui, mais, au contraire, voulant y entrer ! […] mais, au bout du compte, toujours leur mère : « Je ne suis pas fait pour entrer dans tes catégories ; je suis trop grand pour passer, même en courbant la tête, sous tes misérables portes Saint-Denis ! 

304. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Jules Levallois » pp. 191-201

II Ce n’est pourtant pas par les fourmis qu’il entra dans la Nature. […] Levallois a fait entrer, après coup, dans son amour naïf et spontané de la nature, l’idée, cette incroyable idée que la nature est une éducatrice et qu’elle nous trousse plus libres moralement et plus souples pour le devoir !!!

305. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Mais un beau jour, figurez-vous que je vois entrer Arina (c’était le nom de cette fille) dans mon cabinet, sans m’en avoir fait demander la permission. […] — Éclaire au maître, lui dit mon hôte, et moi je vais faire entrer votre drochki sous le hangar. […] La porte s’ouvrit en criant, et le forestier ayant baissé la tête pour en franchir le seuil, entra dans la chambre. […] … Vous y arrivez en courant : vous entrez… Quelle pluie ! […] Il n’y a que des gentilshommes qui puissent entrer dans les corps des Cadets.

306. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Un grand mouvement d’émulation animait alors l’intérieur de l’École ; les élèves provinciaux, entrés l’année précédente, MM.  […] Cousin s’était engagé dans le carbonarisme et y poussait avec prosélytisme ; après quelque hésitation, les deux amis y entrèrent, mais par M.  […] Jouffroy et Damiron, entrèrent de bonne heure, parmi lesquels MM.  […] Jouffroy, entré à la Chambre depuis deux ans, a montré peu d’inclination pour la politique, et s’est à peine efforcé d’y réussir. […] Lui aussi il est entré à pleines voiles, comme tant d’autres, dans cet Océan Pacifique de l’orgueil, et il a franchi son détroit de Magellan.

307. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Il fallut bien, malgré son dégoût, qu’il entrât chez son beau-frère Dongois, pour se former à la procédure, et qu’il se fît recevoir avocat (1656). […] Scarron et Ménage en savaient quelque chose, et le prudent Chapelain avait sacrifié de vieux amis, Ménage et Pellisson, pour se faire bien venir d’un si terrible railleur : il l’avait aidé à entrer à l’Académie. […] Au reste, le roi ne cessa d’être satisfait de son application, et il le lui témoigna en le faisant entrer à l’Académie, presque malgré la compagnie. […] Son jansénisme était fait de taquinerie contre les jésuites et d’amitié pour Arnauld et Nicole : il y entrait surtout de purs sentiments d’honnête homme, un large esprit de tolérance, la haine des faux-fuyants et des équivoques, une sympathique admiration pour la hauteur morale de la doctrine janséniste et pour l’austère vertu de ses défenseurs. […] Et voyant entrer un de ses amis, un moment avant d’expirer : « Bonjour et adieu, lui dit-il ; l’adieu sera bien long. » Il léguait diverses sommes à ses domestiques, et une bonne partie de son bien, 50 000 livres, « aux pauvres honteux des six petites paroisses de la cité ».

308. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

À l’heure où la rosée au soleil s’évapore Tous ces volets fermés s’ouvraient à sa chaleur, Pour y laisser entrer, avec la tiède aurore, Les nocturnes parfums de nos vignes en fleur. […] Je passai devant la porte de ma cour sans y entrer ; je suivis, sans lever la tête, le pied du mur noir et bossué de pierres sèches qui borde le chemin et qui enclot le jardin ; je n’osai pas m’arrêter même à l’ombre de sept à huit platanes et de la tonnelle de charmille qui penchent leurs feuilles jaunes sur le chemin. […] Je l’aspirais comme des lèvres qui se collent à l’embouchure d’une fontaine d’eau pure ; je lui tendais mes deux mains ouvertes, mes doigts élargis, comme un mendiant qu’on a fait entrer au foyer d’hiver, et qui prend, comme on dit ici, un air de feu. […] Mais il n’y entra que plus de tristesse avec plus de jour, car la lumière, en les remplissant, ne faisait que m’en montrer davantage le vide. […] Je m’essuyai le front et les genoux pour faire le tour de l’édifice, et pour y entrer par la petite porte qui ouvre au midi sur la côte opposée.

309. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

L’objet du prologue, chez les anciens et originairement, était d’apprendre aux spectateurs le sujet de la pièce qu’on allait représenter, à les préparer à entrer plus aisément dans l’action et à en suivre le fil. […] Donat en ajoute une quatrième espèce, dans laquelle entrait quelque chose de toutes les autres, et qu’il appelle, par cette raison, prologue mixte. […] Si le sujet est grand, est connu, comme la Mort de Pompée, le poète peut tout d’un coup entrer en matière ; les spectateurs sont au fait de l’action commencée, dès les premiers vers, sans obscurité : mais si les héros de la pièce sont tous nouveaux pour les spectateurs, il faut faire connaître, dès les premiers vers, leurs différents intérêts, etc. […] Un amant qui fait entrer l’incertitude de réussir auprès d’une autre femme, dans les raisons d’être fidèle à celle qu’il aime, ne peut intéresser vivement ; et Plautine qui renonce généreusement à Othon, ne réchauffe pas l’intérêt en lui offrant le dédommagement d’un amour au-dessus des sens. […] Il y peut entrer par un geste, par un regard, par le seul air de son visage, pourvu que ses mouvements soient aperçus par l’acteur qui parle, et qu’ils lui deviennent une occasion de nouvelles pensées et de nouveaux sentiments.

310. (1884) La légende du Parnasse contemporain

L’ivresse devint irrémédiable et s’accrut de jour en jour à mesure qu’il entrait plus intimement dans la connaissance des chefs-d’œuvre. […] Des rafales de vent froides et pénétrantes entraient par l’ouverture du guichet. […] Lorsque Sully Prudhomme entra un matin, je pris un air très grave et presque magistral. […] Si, au lieu de s’élever, on eût descendu, on aurait juré qu’on entrait dans une cave. […] Ceci ne veut pas dire que l’enrichissement futur ne puisse être entrevu par les poètes qui entrent dans le combat.

311. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

N’est-ce pas se donner presque certainement un prétexte pour entrer à Paris ? […] La bière ne peut entrer dans le caveau… Vacquerie prononce un long discours. […] » Il fait allusion à tous ces arbres frileux, qu’a tués le froid, entré par les vitrages, avec les obus prussiens. […] Je ne puis, sans entrer en rage, la voir continuer, sa vie badaudante. […] La brute nationale commence à entrer en fureur.

312. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Les Français, en 1799, ayant vaincu et chassé les Piémontais, Xavier de Maistre suivit le roi exilé en Sardaigne ; puis, appelé par son frère aîné à Pétersbourg, il y entra dans les chevaliers-gardes russes, et s’y maria avec une princesse russe de la suite de l’impératrice, séduit par sa figure et charmé de son esprit. […] Il fallait, quand j’étais pressé, que je prisse un détour pour passer dans une autre rue, sachant bien qu’il n’était pas aussi aisé de sortir de chez elle que d’y entrer. […] C’est là qu’il vivait depuis longtemps, livré à lui-même, ne voyant jamais personne, excepté le prêtre qui de temps en temps allait lui porter les secours de la religion, et l’homme qui chaque semaine lui apportait ses provisions de l’hôpital. — Pendant la guerre des Alpes, en l’année 1797, un militaire, se trouvant à la cité d’Aoste, passa un jour, par hasard, auprès du jardin du lépreux, dont la porte était entrouverte, et il eut la curiosité d’y entrer. […] Je n’osais pas lui rendre les mêmes services, et je l’avais même priée de ne jamais entrer dans ma chambre ; mais qui peut mettre des bornes à l’affection d’une sœur ? […] Je ne pus supporter ce spectacle ; les tourments de l’enfer étaient entrés dans mon cœur : je détournai mes regards, et je me précipitai dans ma cellule.

313. (1914) Boulevard et coulisses

Car, je m’en rends très bien compte aujourd’hui, nous fûmes une génération timide, et nous entrâmes dans la vie comme sur la pointe des pieds, afin de ne déranger personne. […] Pour entrer, il n’était pas besoin de grandes formalités. […] Et on entrait. […] Passons un instant du côté des artistes et entrons dans les coulisses alors fameuses du Gymnase, du Vaudeville, des Variétés, du Palais-Royal. […] C’est votre génération qui se prépare à entrer en scène et à dire les mots qui rendront à l’esprit français sa clarté et son équilibre.

314. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Cependant le roi commençait à entrer dans sa pensée, et chaque fois qu’il y entrait, il l’avertissait de l’agrandir. […] Cela bien entendu, elle veut le vrai dans l’éducation dès le bas âge : « Point de contes aux enfants, point en faire accroire ; leur donner les choses pour ce qu’elles sont. » — « Ne leur faire jamais d’histoires dont il faille les désabuser quand elles ont de la raison, mais leur donner le vrai comme vrai, le faux comme faux. » — « Il faut parler à une fille de sept ans aussi raisonnablement qu’à une de vingt ans. » — « Il faut entrer dans les divertissements des enfants, mais il ne faut jamais s’accommoder à eux par un langage enfantin, ni par des manières puériles ; on doit, au contraire, les élever à soi en leur parlant toujours raisonnablement ; en un mot, on ne peut être ni trop ni trop tôt raisonnable. » — « Il n’y a que les moyens raisonnables qui réussissent. » — Elle le redit en cent façons : « Il ne leur faut donner que ce qui leur sera toujours bon, religion, raison, vérité. » Dans un siècle où sa jeunesse pauvre et souriante avait vu se jouer tant de folies, tant de passions et d’aventures, suivies d’éclatants désastres et de repentirs ; où les romans des Scudéry avaient occupé tous les loisirs et raffiné les sentiments, où les héros chevaleresques de Corneille avaient monté bien des têtes ; où les plus ravissantes beautés avaient fait leur idéal des guerres civiles, et où les plus sages rêvaient un parfait amour ; dans cet âge des Longueville, des La Vallière et des La Fayette (celle-ci, la plus raisonnable de toutes, créant sa Princesse de Clèves), Mme de Maintenon avait constamment résisté à ces embellissements de la vérité et à ces enchantements de la vie ; elle avait gardé son cœur net, sa raison saine, ou elle l’avait aussitôt purgée des influences passagères : il ne s’était point logé dans cette tête excellente un coin de roman. « Il faut leur apprendre à aimer raisonnablement, disait-elle de ses filles adoptives, comme on leur apprend autre chose. » Et de plus, cette ancienne amie de Ninon savait le mal et la corruption facile de la nature ; elle avait vu de bien près, dans un temps, ce qu’elle n’avait point partagé ; ou si elle avait été effleurée un moment, peu nous importe, elle n’en était restée que mieux avertie et plus sévère.

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