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216. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Ajoutez à ces habiletés merveilleuses, l’harmonie et l’éclat de la parole, la grâce et la force du langage, la véhémence de la passion, l’intérêt de l’action coupée avec art, et cette heureuse façon d’amonceler, sur un point donné, tous les mérites du héros de la comédie ou du drame, à condition que tous ces mérites si divers, se feront sentir, en même temps et tout à la fois . […] Essayez, par exemple, en fait d’étonnements et de surprises, d’aller plus loin que La Tour de Nesle et les drames de M.  […]  » De ces changements divers dans la comédie et dans le drame, la critique aura grand soin de tenir compte et d’en signaler les effets. Les Romains, qui savaient merveilleusement désigner les diverses œuvres de l’esprit, et ce fut un grand avantage de leur critique sur la nôtre, avaient des noms pour distinguer entre elles, les diverses comédies représentées sur leurs théâtres : satyres, drames, comédies — præxtextæ, togatæ, palliafæ ; comédies vêtues à la grecque, à la façon des nobles ; vêtues à la romaine, à la façon du peuple. […] Il n’est pas fâcheux, chemin faisant à travers les comédies et les drames, de rencontrer des préceptes et des exemples dont la critique, attachée à son œuvre, puisse faire son profit. — Entre l’ignorance et le défaut d’esprit, il y a encore ce danger : le trop d’esprit !

217. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Il faut même leur rendre cette justice qu’ils poussent le scrupule jusqu’à ne pas mêler, d’ordinaire, à leur drame, un personnage étranger. […] Il y a presque toujours un duc dans leurs drames, ou quelque haut personnage qui représente la richesse et l’oisiveté, deux termes tout voisins dans la pensée de la foule, et qui expriment, hélas ! […] Pour n’en prendre qu’un exemple, n’est-il pas d’un usage presque universel, dans le roman, le drame, la poésie, de conduire au couvent les héroïnes désespérées ? […] Ils se groupent, s’opposent, forment l’ébauche du drame, comme des marionnettes qu’on mettrait sur une scène pour figurer les acteurs futurs. […] L’idée, un jour, m’a frappé, et le drame, immédiatement, s’est trouvé bâti.

218. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Deschanel condamne d’emblée cette conception du drame : tout dépendrait de l’exécution, qui pourrait être bonne ou mauvaise. […] Mais il n’a jamais été nécessaire, pour aimer un drame, de partager les croyances de ses personnages. […] On ne les prend plus au pied de la lettre, mais comme les signes d’une situation ; on les oublie presque pour ne s’attacher qu’à ce qu’il y a de tristement éternel et d’applicable à nous chétifs dans ces peintures typiques du drame des passions humaines. […] Le drame n’est pas là, il est tout entier dans les cœurs. […] Tout s’accorde et se marie, et nous entendons se plaindre dans ces drames une âme qui est à la fois la nôtre et celle de nos ancêtres proches ou lointains.

219. (1887) Essais sur l’école romantique

Si le drame n’a pas tout fait, il a tout dit. […] Il fallait, non pas discuter leur drame, mais leur interdire le drame, de par les vrais maîtres du théâtre ; il fallait leur dire : « Abstenez-vous !  […] Victor Hugo, c’est son drame d’Angelo, tyran de Padoue. […] Ces drames et ces romans représentent presque exclusivement M.  […] Victor Hugo dans l’ode, ses équivoques succès dans le drame.

220. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre II. Signes de la prochaine transformation »

Regardez les costumes des méchants drames qu’on joue dans les dernières années de l’ancien régime : une curiosité réaliste s’y fait sentir : voyez notamment Préville en menuisier travaillant à son établi605. Lisez les indications si précises, si détaillées des drames de Diderot et de Beaumarchais : il y a là des effets tout extérieurs qu’on n’a pas dépassés. […] Même la forme du vers est menacée : la comédie, le drame l’abandonnent ; on tente la tragédie en prose. […] Il a rogné les drames de Shakespeare avec d’impitoyables ciseaux sur le patron de Voltaire : il y a retaillé des tragédies à la française, creuses, sentencieuses, sentimentales, avec tous les agréments traditionnels, billets, travestis, méprises, conspirations, songes, confidents.

221. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

Quand la terre devient noble et pure, elle se fait roman, odelette, drame, musique, symphonie et marbre. […] Est-il possible de dire vraiment que les panégyriques d’Orphée, les stances dialogiques de Virgile, les sonores sonnets de Pétrarque, les drames éloquents de Shakespeare, les lyriques discours de Hugo, ou les élégies séraphiques de Lamartine ne révèlent pas les mêmes vertus, la même vie secrète et sacrée, la même mélancolie intime, la même foi profonde et sévère que les cris de l’âcre Ézéchiel ou que la soumission de Job, que les contes du bon Saint Mathieu ou que les sentences de David, que toutes les pages des Évangiles ou de la Bible ? […] Toutes ces vertus ne sont possibles qu’au prix d’un travail constant, d’une épuration perpétuelle, d’études rigides et sévères, Les mathématiques qui expliquent les nombres, la physique qui règle les rapports des corps entre eux, la chimie qui expose leurs décompositions, l’astronomie qui enseigne les mouvements des astres, l’agriculture qui révèle les principes terrestres, la botanique et la médecine qui instruisent les hommes sur les choses du monde, telles sont les sciences nécessaires à la création des stances et des drames. […] La formation des drames logiques demande autant des dons de peintre, de décorateur, de statuaire, que des instructions de poète.

222. (1894) Textes critiques

A quand un décor de drame de rêve de cette lumière protoplasmique ? […] Comme en Avant le lever du soleil, « drame social ». […] On devrait ne pas ignorer qu’il est à peu près prouvé aujourd’hui que jamais, au moins du temps de Shakespeare, on ne joua autrement ses drames que sur une scène relativement perfectionnée et avec des décors. […] Des revues qui ont publié les romans de Loti impriment douze pages de vers de Verhaeren et plusieurs drames d’Ibsen. […] Dans la première partie de leur drame, les auteurs posent avec une habile précision ce Don Juan traditionnel, qui n’est qu’une quantité, mais est donc, comme toute quantité, une force.

223. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Vous n’y trouverez ni drames singuliers ou puissants, ni subtiles analyses de caractères, puisque tout s’y réduit à des amours suivies de séparations et que les personnages y ont des âmes fort simples. […] Mais avec cela les romans de Loti m’envahissent et m’oppriment plus qu’un drame de Shakespeare, plus qu’une tragédie de Racine, plus qu’un roman de Balzac… Et c’est pour cela que je suis inquiet. […] Mais, de plus, c’est l’exotisme même de ses romans qui conseillait et imposait à Pierre Loti les sujets simples et les drames élémentaires. […] Le drame, c’est le plus uni et le plus douloureux de tous : le drame unique, éternel, de la séparation des êtres qui s’aiment… Ainsi l’exotisme explique également, dans les romans de Pierre Loti, la nouveauté et l’intensité des sensations, et le caractère universel et largement humain des sentiments.

224. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

Il y a bien, dans l’édition complète3, un volume de drames joués à diverses époques et même postérieurement à Grandeur et servitude militaires, et dont nous n’avons pas à nous occuper. […] Le meilleur de ces drames est Chatterton, tiré tout entier de Stello ; mais il est dans Stello beaucoup plus beau et plus complet, puisque l’analyse, et l’imagination qui décrit, y ajoutent leur profondeur et leur éclat de la passion et des caractères. Deux autres de ces drames : Othello et Shylock, sont des traductions de Shakespeare qui sont à peu près ce que serait le Jugement dernier de Michel-Ange copié par Raphaël, mais n’expriment du génie qui les traduit que la grande souplesse dans la grande pureté. […] Alfred de Vigny dit dans son journal que Shakespeare, le calme et puissant Shakespeare, étouffe dans le drame, et qu’on sent bien qu’il y étouffe ; eh bien, lui aussi, Alfred de Vigny, étouffait dans le drame de la vie, mais il le jouait si bien qu’on ne sent qu’aujourd’hui qu’il y étouffait !

225. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Glatigny, Albert (1839-1873) »

. — Pès de Puyanne, drame en trois actes (1866). — Prologue pour l’ouverture des Délassements-Comiques (1867). — Le Bois, saynète (1868). — Le Compliment à Molière (Odéon, 1873). — Le Singe, comédie en un acte (1872). — Gilles et Pasquins, poème (1872). — L’illustre Brisacier, drame en un acte (1873).

226. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Appendice » pp. 511-516

Il restait quelques ouvrages encore qui avaient appelé son attention au premier choix : l’un82, une agréable pièce de jour de l’an, qu’animait une inspiration sensible, une jolie idée née du cœur ; l’autre83, un grand drame touchant, construit de bonne main et avec habileté, plein de larmes, de repentirs, de fautes intéressantes cruellement expiées, et de naïves vertus ignorées de ceux qui les pratiquent. Mais ce dernier ouvrage, fondé, comme presque tous ceux du même genre, sur ce qu’on peut appeler l’adultère fondamental et antérieur à l’action, n’a point paru d’ailleurs différer notablement en mérite d’autres drames de la même famille, déjà couronnés les années précédentes ; et quant à l’agréable petite comédie donnée à la veille du nouvel an, c’eût été l’exagérer que de l’élever isolément jusqu’à l’importance d’un enseignement utile. […] Aujourd’hui que, selon une expression mémorable, la pyramide a été retournée et replacée dans son vrai sens, quand la société est remise sur sa large base et dans son stable équilibre, ne serait-il pas plus simple, dans cet ordre aussi de récompenses dramatiques, de rendre aux choses leur vrai nom, d’encourager ce qui a toujours été la gloire de l’esprit aux grandes époques, ce qui est à la fois la morale et l’art, c’est-à-dire l’Art même dans sa plus haute expression, l’Art élevé, sous ses diverses formes, la tragédie ou le drame en vers, la haute comédie dans toute sa mâle vigueur et sa franchise ?

227. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

La description de la nature vierge et de la vie sauvage est ici le cadre et non le tableau, le décor et non le drame. […] Son âme marche du même train que le drame et ne peut s’arrêter non plus que lui. […] Comparez à ces émotions celles que vous avez éprouvées à la lecture du drame. […] Voyons un peu ce qu’est devenu le drame de Shakespeare dans la traduction de M.  […] Si des caractères et des événements du drame nous passions à l’examen du dialogue, nous trouverions bien autre chose.

228. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Ou tout ce bruit ne voulait rien dire, ou il signifiait : — Un art nouveau vient de naître, un drame original vient d’être créé, et c’est à son avènement que s’adresse cet applaudissement unanime. […] Je ne connais pas de drame d’un intérêt plus réel et plus poignant que la Dame aux camélias. […] Les personnages du drame romantique ont la fièvre du moment, ils se démènent plutôt qu’ils n’agissent dans les drames de M.  […] Chénier, comparées à ce drame gigantesque, où deux grands principes, mis en présence, groupent autour d’eux trente millions de comparses ? […] Le directeur de l’Ambigu montait un drame de M. 

229. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Il est prouvé, par le texte même du drame, qu’il fut écrit en 1589. […] Il résulte de là des scènes plaisantes d’un genre tout à fait particulier, et qui ne peuvent avoir lieu que dans des drames politiques de cette espèce ; et M.  […] Chacun des grands drames de Shakspeare est dédié à l’un des grands sentiments de l’humanité ; et le sentiment qui remplit le drame est bien réellement celui qui remplit et possède l’âme humaine quand elle s’y livre ; Shakspeare n’y retranche, n’y ajoute et n’y change rien ; il le représente simplement, hardiment, dans son énergique et complète vérité. […] La contexture entière du drame, les lieux, les incidents, les ressorts, tout est neuf, tout est de sa création. […] Ce drame comprend un espace de quatorze ans, depuis 1471 jusqu’en 1485.

230. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

La tragédie rugissante fut enfin honteusement chassée de la scène, et le drame moderne, le drame lyrique, ou le mélodrame la remplacèrent désormais. […] Qu’à côté de drames sublimes, il s’élève de piquantes parodies, rien n’est plus légitime. […] Il est évident qu’un bon gros drame de la Porte St. […] Si le drame avait eu six actes, nous tombions tous asphyxiés. […] » C’est ainsi que le grand interprète de la tragédie devinait le grand acteur du drame.

231. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Aicard, Jean (1848-1921) »

. — Othello ou le More de Venise, drame en cinq actes et en vers (1881). — Lamartine, poème (1883). — Smilis, pièce en quatre actes et en vers (1884) […] — Emilio, drame en quatre actes, en prose (1884). — Le Dieu dans l’Homme (1885). — Le Livre des petits, poésies (1886). — Le Livre d’heures de l’amour, poésies (1887)

232. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Van Lerberghe, Charles (1861-1907) »

Peut-être aussi, a-t-il, comme Villiers de l’Isle-Adam, frissonné de terreur aux bruits insolites d’une vie occulte et traduit cette angoisse et cette épouvante dans le drame : Les Flaireurs. […] On sait qu’il fut, avec Maurice Maeterlinck, le trouveur de cette sorte de drame singulier, bizarre si l’on veut, mais mental, mais intelligent, de ces marches d’aveugles à travers des forêts tragiques, ces arrivées lentes ou brusques, inéluctables toujours, de la mort, qui forment un des titres du symbolisme, un de ses apports les plus incontestés.

233. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Or, sans acteurs consommés dans leur art, que devient le drame le mieux conçu et le mieux écrit ? […] Il y a à cela trois causes qui sont dans la nature même du drame ou de la tragédie. […] Ce genre tenait le milieu entre l’églogue et le drame, il participait également de Théocrite et d’Euripide, des églogues de Virgile et des scènes de Sophocle : seulement ici c’était non seulement une idylle héroïque, mais une idylle sainte. […] Comme adulation, c’est un chef-d’œuvre ; comme drame, rien de plus faiblement conçu, de plus misérablement noué et de plus ridiculement dénoué ! […] Nous allons vous faire assister à ce chef-d’œuvre comme on doit assister à un tel drame, non pas dans une froide lecture, mais dans une sublime et unique représentation sur la première scène du monde, à Paris, et par la voix du premier des tragédiens modernes, Talma !

234. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Entrons à fond maintenant dans la pathétique horreur de ce drame, et voyons comment le poète allemand, qui a joué jusqu’ici avec la riante et naïve imagination, va torturer de la même main les fibres les plus sanglantes du cœur ! […] La toile s’abaisse, au moment de sa chute, sur cette scène, une des plus fantastiques et des plus contondantes que le génie du drame ait jamais conçues. […] Revenons au drame humain. […] Passons sur ces sorcelleries déplacées dans le sérieux d’un tel drame. […] Comme tout ce qui est réellement beau, le drame ne comporte aucun artifice de composition.

235. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Dans cette analogie évidente entre ces trois formes du poème dramatique naissant, et ce qui s’appellera plus tard la tragédie, la comédie et le drame, je vois une preuve de plus que les genres sont comme les cadres naturels de l’esprit humain. […] Il imita les pastorales italiennes et les drames espagnols ; il imita les imitations de Jodelle et de Garnier. […] On lui fait honneur d’une troisième création, la tragi-comédie, aujourd’hui appelée du nom spécieux de drame, afin de déguiser le vice originel du mélange des deux genres, qui en fera toujours un genre douteux. […] » A cette invitation de Corneille il a été répondu par le drame bourgeois, dont nous verrons au dix-huitième siècle la triste fortune. Le drame bourgeois n’a pas à se faire honneur d’un ouvrage durable.

236. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

— mais, dans ces derniers temps, la notion de l’harmonie dans les choses de la pensée, dans les masses d’un livre, roman ou drame, dans la distribution des faits ou des effets, est absolument tombée de son cerveau, et si je parlais comme lui je dirais qu’elle y a laissé un trou énorme. […] Et un roman, c’est aussi un drame, c’est une œuvre de création et d’imagination poétiques, c’est-à-dire un livre dans les puissances intellectuelles de Victor Hugo. […] Ce poète, qui ne fut jamais qu’un lyrique, c’est-à-dire un égoïsme chantant, et qui s’est donné, et que les imbécilles ont pris, pour un poète dramatique, dont la première qualité obligatoire est d’être impersonnel, a, dans ses drames, poussé le monologue jusqu’aux dernières limites de l’abus. […] Mais que sont les plus longs monologues de ses drames en comparaison des dix et vingt pages que vomissent, les uns après les autres, tous les personnages de l’Homme qui rit, dans leurs plus simples conversations ? […] Il dut éclabousser le père avec la fille, et il l’éclaboussa ; mais croyez bien que s’il recommençait son drame, il ferait mieux que de l’éclabousser !

237. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Je voulais essayer mon talent, encore douteux pour moi-même, dans une grande œuvre en prose ; l’histoire me paraissait et me paraît encore la première des tragédies, le plus difficile des drames, le chef-d’œuvre de l’intelligence humaine, la poésie du vrai. […] On se croit capable de ce qu’on rêve, et ce que je rêvais n’était-il pas en effet le plus beau drame historique des temps connus ? La France elle-même, actrice et théâtre de ce grand drame, n’avait-elle pas rêvé plus beau qu’elle ? […] Je n’hésitai plus à choisir ce drame moderne à ce point central et culminant de la Révolution, où l’on voit encore la beauté des principes et où l’on aperçoit déjà l’horreur des excès. […] Une journée suffit à peine à recueillir ce témoignage du seul et dernier témoin de ce grand drame.

238. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Dans les drames, pas un monologue ou une tirade qui n’étincelle de brusques collisions de mots. […] A tous les tournants des drames ou des romans, se passent des coups de théâtre, de poignantes alternatives, des luttes de conscience entre deux devoirs, des ironies tragiques qui font dire ou faire à un personnage le contraire de ce qu’il veut de toute son âme. […] Que l’on observe que les Châtiments sont l’ironique antiparaphrase des paroles officielles placées en épigraphes, qu’il n’est presque point de volume de poèmes qui ne soit digne de porter en titre l’antithèse de Rayons et Ombres, que tous les romans et les drames sont les développements d’une psychologie, d’une situation ou d’une thèse bipartites. […] Sachant en gros les catastrophes et les conflits qu’elle peut présenter, ne tâchant pas de pénétrer dans le jeu de petits faits, d’incidents sans portée, de bévues et de hasards dont se composent les grands drames humains, les voyant de haut et de loin, comme un homme qui dans une montagne ne distinguerait pas les assises et dans une tour les moellons, M.  […] Scribe, tantôt l’air excessif des fins de drames.

239. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

J’ignore si la pièce qui m’a fait plaisir est susceptible d’être représentée à la scène ; je suis très-peu juge de la différence qui existe entre un drame fait pour rester écrit et un drame jouable ; un spectacle dans un fauteuil me suffît très-bien, à défaut d’autre : je m’attacherai donc ici simplement à un ouvrage d’esprit qui porte avec lui son caractère de distinction aisée et qui a un cachet moderne. […] Si Almaviva fut trompé par la comtesse, c’est qu’aussi il l’avait trop négligée, trop humiliée et poussée à bout, et Beaumarchais avait d’ailleurs besoin de faire son drame à grands sentiments, la Mère coupable. […] Tout au plus le volage mériterait-il qu’on dît de lui en amour ce que Socrate disait à Alcibiade : « Vous demandez toujours quelque chose de tout neuf ; vous n’aimez pas à entendre deux fois la même chose. » Le drame, en cet endroit, est très-bien mené : ie comte Herman, tout amoureux qu’il est de sa femme, se voit conduit à la limite et comme à l’entrée d’une triple infidélité. […] A partir de ce moment, les difficultés du drame ne sont plus que des complications scéniques et une affaire de dénoûment, mais la question morale est gagnée, au moins provisoirement et sur le point capital où elle était engagée.

240. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

Flaubert a commencé à conter un drame sur Louis XI, qu’il dit avoir fait au collège, drame, où il avait ainsi fait parler la misère des populations : « Monseigneur, nous sommes obligés d’assaisonner nos légumes avec le sel de nos larmes. » Et la phrase de ce drame rejette Tourguéneff dans les souvenirs de son enfance, dans la mémoire de la dure éducation en laquelle il a grandi, et des révoltes que l’injustice soulevait dans sa jeune âme. […] Cependant l’intérêt du drame, qui se joue dans ce palais m’attire et me fait vaguer dans les rues avoisinantes. […] Debout, dans la rigidité d’un vieil huguenot de drame, se tient le père.

241. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

. — Toussaint-Louverture, drame (1850) […] Auguste Vacquerie Je comprends que M. de Lamartine préfère la tragédie au drame. […] Le drame abondait en tirades magnifiques ; la représentation n’en fut pas supportable. […] Le drame est assez splendide et assez pathétique pour n’avoir pas à craindre l’analyse ; les ombres ne sont pas des taches ; la réalité, en un si noble sujet, ne détruit pas l’harmonie ; et la vérité, même vue de près, est encore l’idéal.

242. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XV, l’Orestie. — les Choéphores. »

Ce tombeau fait d’un monceau de pierres que le temps a revêtu d’herbe, Eschyle l’a dressé en face du palais, non comme un décor, mais comme un personnage de son drame. […] Leur fonction, durant tout le drame, sera d’enflammer Oreste par leurs chants de meurtre, de semer le vent sur son âme pour en récolter la tempête. […] Car il me faut te nommer mon père, et c’est à toi que va l’amour que j’eus pour ma mère détestée si justement aujourd’hui, et pour ma sœur cruellement sacrifiée. » — Passage d’effusion unique dans ce drame âprement aride, en qui la haine, dévorante comme une idée fixe, tarit alentour tous sentiments tendres. […] Rappelez-vous, dans le drame de Shakespeare, les divagations de la nourrice italienne, son histoire du sevrage de la petite sous un pigeonnier, celle de sa chute sur le front, la gravelure qui s’ensuit et qu’elle ne se lasse pas de répéter avec de gros rires.

243. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor de Laprade. Idylles héroïques. »

Goethe l’est bien, lui, en sa double qualité d’Allemand et de panthéiste, et M. de Laprade, qui n’est que Lyonnais, — le Schiller lyonnais, moins les drames, — M. de Laprade, qui n’a pas la vaste circonférence de tête du grand Goethe, est panthéiste aussi à sa manière, un panthéiste chrétien, vague et ambigu, mais le panthéisme mitigé ne mitigé pas l’ennui. […] Tout y a sa voix et son personnage, comme dans un drame, avec ces jolies appellations, entre strophes, Les Fleurs, L’Esprit des montagnes, Les Moissonneurs, Bertha, Rosa mystica, etc., appellations que je conçois bien dans un drame fait pour être joué, mais qui me troublent lorsque je lis de la poésie lyrique qui devrait se couler d’un seul jet comme une glace de Venise, et non pas se juxtaposer par morceaux.

244. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bouilhet, Louis (1821-1869) »

. — Madame de Montarcy, drame en cinq actes et en vers (1856). — Hélène Peyron, drame en cinq actes et en vers (1858). — Festons et astragales (1859). — L’Oncle Million, cinq actes et en vers (1860). — Dolorès, quatre actes et en vers (1862). — Faustine, cinq actes en prose (1864). — La Conjuration d’Amboise (1866). — Mademoiselle Aïssé (1869)

245. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mikhaël, Éphraïm (1866-1890) »

Van Bever Il mourut brusquement le 5 mai 1890, laissant, outre des poèmes en prose et des notations publiés dans divers périodiques, un drame inédit. […] Un souffle de mort avait fauché à son tour le musicien, et ce souvenir funèbre ajouta, semble-t-il, à l’émotion poignante du drame… Poète né au pays du soleil, Éphraïm Mikhaël a la mélancolie des hommes du Nord ; sa prescience de la mort obsède parfois.

246. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Ponsard » pp. 301-305

Il a marqué pourtant sa préférence pour le drame généreux de Charlotte Corday, et dans l’analyse qu’il a donnée de cette scène politique effrayante entre Danton, Robespierre et Marat, il a fait voir, par le burin qu’il a appliqué à la définition des trois caractères ainsi mis en présence et en contraste, que la critique aussi est une puissance : l’auditoire s’est senti tressaillir à des accents vertueux et éloquents. […] C’est que le poète travaille dans sa province, conçoit et exécute dans la retraite ses œuvres de conscience et d’émotion ; cela est bon pour la tragédie, pour le drame historique : « Les héros de l’histoire, a dit M. 

247. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Daudet, Alphonse (1840-1897) »

. — Le Frère aîné, drame en un acte (1868). — Le Petit Chose, roman (1868). — Le Sacrifice, comédie en trois actes (1869). — Les Lettres de mon moulin (1869). — Les Lettres à un absent (1871). — Lise Tavernier, drame en un acte (1872)

248. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

En même temps, il exige des scènes dramatiques, attendu que là où il n’y a de drame d’aucun ordre, il n’y a rien à raconter : une eau dormante ne nous occupe pas longtemps, et la psychologie des esprits que rien n’émeut est vite faite. […] Le roman réunit, donc en lui tout l’essentiel de la poésie et du drame, de la psychologie et de la science sociale. […] Un roman est plus ou moins un drame, aboutissant à un certain nombre de scènes, qui sont comme les points culminants de l’œuvre. […] L’action totale du drame est une sorte de chaîne sans fin qui communique à chaque personnage des mouvements divers, liés entre eux, quoique individuels, et qui réagissent sur l’ensemble en pressant ou en ralentissant le mouvement général. […] Son roman et son drame vivent du coup de théâtre, que la plupart du temps il ne prend même pas la peine de ménager, de rendre plus ou moins plausible.

249. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Le spectacle l’attirait tellement qu’en 1791 il s’inclinait bien plus vers l’opéra que vers le drame, et sa traduction du Roi Jean. […] Un drame a sa logique, même aux yeux. […] Comme Henri IV, Henri V, Henri VI, Richard III, Goetz de Berlichingen est un drame historique. […] Aussi les personnages de ses drames sont-ils de la vérité la plus historique et en même temps la plus intense. […] Seulement, tous, dans le drame, agissent, qu’on nous passe le mot !

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