/ 2595
731. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Je pourrai, en la parcourant, en l’extrayant par endroits, paraître presque à tout coup bien sévère, et pourtant, je me hâte de le dire, le résultat général de cette lecture est moins de faire blâmer l’auteur souvent déraisonnable, admirable parfois, que de le faire plaindre et aimer. […] Ainsi, à chaque page, c’est un coup de tocsin perpétuel ; il ne vit que d’alarmes ; il ne se supporte pas dans le présent ; le présent lui donne des vertiges, et il se précipite tête baissée dans l’avenir. […] C’est probablement ce qu’il voulait ; ce fut comme le coup de canon qu’on tire en mer pour dissiper le brouillard.

732. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Son rare bon sens fut de comprendre nettement que, dès cette heure, son rôle de guerre était fini, que « Charles X et la Chanson étaient détrônés du même coup » ; sa probité fut de désarmer tout de bon, et sa force, de tenir ferme dans cette neutralité honorable. […] Non-seulement il ne devait plus jamais retrouver sa belle, comme on dit, mais il rencontrait : à tout coup le contraire ; pour prix d’un heureux et magnifique moment, il semblait voué au guignon, au contre-temps perpétuel ; il portait malheur à tout ce qu’il touchait. […] Accueilli à Choisy-le-Roi, dans une maison hospitalière, chez le général Blein, il craint tout à coup d’avoir dépassé le terme convenable et de devenir importun à ses hôtes ; en conséquence, il songe à se détruire.

733. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

Mais il faut voir comme Vallot, qui a si bien et si vigoureusement traité cette maladie mortelle, s’applaudit, comme d’un coup de maître, de l’effet de son généreux remède (le vomi-purgatif dont il nous indique le composé), de cette « généreuse purgation » dernière qui sauve le roi, le laissant bien faible, il est vrai, ayant du coup été purgé vingt-deux fois et n’ayant vomi qu’à deux reprises. […] Qu’était-ce donc que cette tyrannie de vertiges, sous laquelle vécut Louis XIV et dont il se plaignait à de certains intervalles, qu’on croyait à jamais dissipée, puis qui reparaissait tout à coup, et particulièrement sous l’influence du travail et de la contention d’esprit, ou des contrariétés et des chagrins, quand arriva l’heure des chagrins et des mécomptes ?

734. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Ce tendre et mélancolique Deleyre, que nous surprenons par la Correspondance de Ducis en pleine crise de sauvagerie et d’hypocondrie vers l’âge de cinquante ans, n’y était pas arrivé d’un coup et sans avoir traversé bien des épreuves. […] En vérité, il ne faut qu’une cabane dans un séjour d’apparition où nous ne sommes que des Ombres occupées à en voir passer d’autres, et où les mots d’établissement, de projets, de gloire, de grandeurs, ne peuvent exciter que la pitié. » Et tout à coup, une autre fois, à propos de la mort ou de la maladie de quelques membres de l’Académie, Condillac, Watelet, M. de Beauvau : « Mon ami, je regarde nos quarante fauteuils comme quarante tombes qui se pressent les unes contre les autres. » Mais ceci tourne à l’imagination funèbre et devient trop effrayant. […] Mais un grand malheur vient atteindre Ducis ; il est frappé par le côté le plus sensible, il perd une de ses filles, et sous le coup qui l’accable, il écrit à Deleyre une de ces lettres abreuvées d’amertume, où le cœur déborde, et plus faite peut-être que toutes les consolations précédentes pour le guérir par le spectacle de ce que c’est qu’une vraie et réelle douleur : « 4 mai 1783.

735. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

Après avoir sauvé de l’élément ennemi l’Étolie pauvre et guerrière, la grasse Thessalie et la lourde Béotie, il se trouve tout à coup étroitement étranglé au centre par la double victoire que remporte la mer au golfe de Corinthe et à l’Euripe ; mais il se dédommage bientôt en lançant d’un côté la pointe de l’Attique et en s’épanouissant de l’autre en différents rameaux dans la Morée ; quand il cède enfin, il proteste encore contre sa défaite en faisant jaillir cette couronne de belles îles qui relient la Grèce, comme autant d’arches de pont, à l’Asie Mineure et à l’Italie. […] Pourquoi César eut-il ses vingt-trois coups de poignard ? […] Zeller hésite un peu sur ce point ; mais il n’hésite pas quand il attribue à César l’idée de fonder, sous un nom ou sous un autre, une monarchie populaire, universelle et, en quelque sorte, humaine : « Étendre le droit de cité à tous les hommes libres de l’Empire, régner sur le monde pour le monde entier, non pour l’oligarchie ou la démocratie quiritaires ; abaisser les barrières entre les classes comme entre les nations, entre la liberté même et la servitude, en favorisant les affranchissements et en mettant le travail en honneur ; avoir à Rome une représentation non du patriciat romain, mais du patriciat du monde civilisé ; fondre les lois de la cité exclusive dans celles du droit des gens ; créer, répandre un peuple de citoyens qui vivent de leur industrie et qu’on ne soit pas obligé de nourrir et d’amuser : voilà ce qu’on peut encore entrevoir des vastes projets de celui qu’on n’a pas appelé trop ambitieusement l’homme du monde, de l’humanité ; voilà ce dont témoignent déjà les Gaulois, les Espagnols introduits dans Rome, Corinthe et Carthage relevées, et ce qu’indiquent les témoignages de Dion Cassius, de Plutarque, de Suétone, bien qu’ils aient pu prêter peut-être à César quelques-unes des idées de leur temps. » César (s’il est permis d’en parler de la sorte à la veille d’une publication par avance illustre), César, au milieu de tous ses vices impudents ou aimables, de son épicurisme fondamental, de ce mélange de mépris, d’indulgence et d’audace, de son besoin dévorant d’action, et de cet autre besoin inhérent à sa nature d’être partout le premier, César, à travers ses coups de dés réitérés d’ambitieux sans scrupule et de joueur téméraire, avait donc une grande vue, une vue civilisatrice : il n’échoue pas, puisque son idée lui survit et triomphera, mais il périt à la peine, parce qu’il avait devancé l’esprit du temps, tout en le devinant et le servant, parce qu’il vivait au milieu de passions flagrantes et non encore domptées et refoulées.

736. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Ces belles paroles que Dante, au chant xiii de son Paradis, met dans la bouche de saint Thomas, ne sortiront pas de notre mémoire et nous feront assez rentrer en nous-même : «… Que ceci te serve d’avertissement et te soit comme une semelle de plomb aux pieds, pour que tu n’ailles que bien lentement, et comme un homme déjà lassé, vers le oui ou vers le non des choses que tu n’as pas entendues du premier coup ! […] Le bon public, qui ne crée pas, comme Jéhovah, l’homme à son image, mais qui le défigure à sa fantaisie, croit que j’ai passé trente années de ma vie à aligner des rimes et à contempler les étoiles : je n’y ai pas employé trente mois, et la poésie n’a été pour moi que ce qu’est la prière… » Nous concevons ce qu’a d’impatientant pour le poëte, et pour tout écrivain célèbre, l’idée absolue qu’on se forme de lui, et sur laquelle, bon gré, mal gré, on veut le modeler après coup. […] Dès qu’on n’est plus inspiré par un sentiment souverain, impétueux, unique, qui décide et apporte avec lui l’expression ; dès qu’on flotte entre plusieurs sentiments, et qu’on peut choisir ; qu’on en est à redire les choses profondes, à exhaler le superflu des émotions nouvelles, il faut que le travail, l’art, ou, pour exiger le moins possible, un certain soin quelconque aide à l’exécution, et y ajoute, y retranche à l’extérieur par le goût ce que l’âme, tout directement et du premier coup, n’a pas imprimé.

737. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

Le mouvement littéraire de la Restauration était au plus plein de son développement et au plus brillant de son zèle, quand il fut brisé et comme licencié par le coup d’État de Juillet, et par les journées qui s’ensuivirent. […] Si le sentiment moral s’est parfois trouvé affaibli sous le coup de cette transformation profonde, c’est là un mal à combattre, à réparer ; mais il y a eu, à d’autres égards, de l’avantage : il s’est répandu dans toute l’atmosphère des esprits un certain mélange dont l’intelligence et la tolérance ont profité. […] Le fait est que c’est l’heure pour les générations qui ont commencé à briller ou qui étaient déjà en pleine fleur il y a dix ans, de se bien pénétrer, comme en un rappel solennel, qu’il y a à s’entendre, à se resserrer une dernière fois, à se remettre en marche, sinon par quelque coup de collier trop vaillant, du moins avec quelque harmonie, et, avant de se trouver hors de cause, à fournir quelque étape encore dans ces champs d’études qui ont toujours eu jusqu’ici gloire et douceurs.

738. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

« Tout d’un coup, des douleurs aiguës le prenaient dans les bras et dans les jambes ; il pâlissait, il était obligé de s’asseoir, et restait sur une chaise hébété pendant des heures entières ; même, après une de ses crises, il avait gardé son bras paralysé tout un jour » (p. 500). […] Zoopsies : « Tout d’un coup il cria : Oh ! […] Meurt dans le coma alcoolique : « Tout d’un coup, les pieds se raidirent, immobiles.

739. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Un auteur vénitien qui écrivait en 1275, Martino Canale, traduisant en français une chronique vénitienne, disait « que langue françoise cort parmi le monde, et est la plus delitable à lire et à oïr que nulle autre. » Dante, qui créait une langue, et qui la portait tout à coup à son point de perfection, faisait l’éloge de la nôtre. […] » A ces étranges paroles, raconte Mathieu Paris28, il perdit tout à coup la voix et devint non-seulement muet, mais idiot. […] Mais cette langue de la traduction, si rebelle à tout ce que l’esprit français ne doit pas s’assimiler, semble naître ou plutôt mûrir tout à coup, pour exprimer tout ce qui ne cessera pas d’être vrai.

740. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

Exceptons pourtant quelques coups de pinceau de Descartes dans ce petit Traité des passions (1649), où il fait voir ce qui se passe au fond de l’homme, considéré comme corps, quand il est sous l’empire des passions. […] On ne les attendait pas ; ils viennent tout à coup rappeler l’intelligence au but moral de toute science, qui est de savoir pour mieux valoir. […] En reconnaissant dans l’histoire de la nature des époques, et dans les ossements fossiles les médailles de chaque époque, Buffon du même coup inventait une science et en donnait le flambeau aux savants qui devaient rectifier ses idées en en profitant.

741. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

C’est en 1864 que le traité de Vienne consacre sa maîtrise, bientôt suivi par la victoire de Sadowa (1866), premier coup de tonnerre de l’orage qui s’amasse à nos frontières et dont les esprits clairvoyants prennent un juste sujet d’alarmes. […] En France, les expériences du colonel de Rochas, les travaux d’Édouard Schuré, de Flammarion…, achèvent d’orienter les recherches vers les manifestations de l’Au-delà et de porter des coups redoublés à la doctrine du matérialisme officiel. […] C’est le 28 septembre 1864 que se dissout l’association internationale des travailleurs au meeting de Saint-Martin’s Hall à Londres, à la suite du coup d’état de l’allemand Karl Marx qui s’en est proclamé le dictateur.

742. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

interrompit le roi tout d’un coup avec colère, qui jusque-là n’avait dit mot ; qu’est-ce que cela me ferait ? […] La manière dont elle sut défendre le prince son époux contre la cabale du duc de Vendôme, l’éclatante revanche qu’elle prit contre celui-ci en plein Marly, et le coup de revers par lequel elle l’évinça, font entrevoir ce qu’elle aurait pu, ce qu’elle pouvait de suivi et d’habile quand les choses lui tenaient à cœur. […] Il y a je ne sais quelle force cachée, a dit Lucrèce (ce que d’autres avec Bossuet nommeront Providence), qui semble se plaire à briser les choses humaines, à faire manquer d’un coup l’appareil établi de la puissance, et à déjouer la pièce, juste au moment où elle promettait de mieux aller.

743. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

La Harpe, dont on rit un peu, a été traversé par la Révolution de 89 et de 93, et par le coup d’État de Fructidor, et chaque fois il est remonté en chaire après ; on peut dire qu’il est mort en professant. […] Mais il y a tel instant où, du fond de cette vanité, de cet égoïsme, de cette petitesse, de ces misères, de cette boue dont nous sommes faits, sort tout à coup un je ne sais quoi, un cri du cœur, un mouvement instinctif et irréfléchi, quelquefois même une résolution, qui ne se rapporte pas à nous, mais à un autre, mais à une idée, à notre père et à notre mère, à notre ami, à la patrie, à Dieu, à l’humanité malheureuse, et cela seul trahit en nous quelque chose de désintéressé, un reste ou un commencement de grandeur, qui, bien cultivé, peut se répandre dans l’âme et dans la vie tout entière, soutenir ou réparer nos défaillances, et protester du moins contre les vices qui nous entraînent et contre les fautes qui nous échappent. […] Ce qui fait d’une pierre deux coups et nous apprend que M. de Chavigny avait le même inconvénient que Mme de Longueville.

744. (1912) Le vers libre pp. 5-41

En vertu de notre définition, tous les artifices typographiques utilisés pour l’homologation de deux vers (rime pour l’œil) sont d’un coup écartés. […] D’ailleurs nous ne proscrivons pas la rime ; nous la libérons, nous la réduisons parfois et volontiers à l’assonance ; nous évitons le coup de cymbale à la fin du vers, trop prévu, mais nous soutenons notre rime telle quelle par des assonances, nous plaçons des rimes complètes, à l’intérieur d’un vers correspondant à d’autres rimes intérieures, partout où la rythmique nous convie à les placer, la rythmique fidèle au sens et non la symétrie, ou, si vous voulez, une symétrie plus compliquée que l’ordinaire. […] Nos jeunes confrères indiquent dans leur désir d’un instrument rythmique plus libre qu’il est inutile d’attribuer un sexe aux rimes, ils expliquent comment on peut dissoner sur les vieilles habitudes en prolongeant les masculines sur les féminines pour résoudre au gré de l’alternance classique, mais au moment choisi par le poète, ce qui donne un effet agréable de surprise euphonique ; ils citent les allitérations et les arabesques de voyelles, et signalent l’existence d’équilibres phonétiques, plus curieux parfois que l’allitération et l’assonance pure (l’allitération qui n’a pas l’air d’allitérer)… bref tous moyens employés pour remplacer une symétrie au métronome, dure et pesante, par une symétrie très complexe, consistant non point dans la répétition régulière en coups de marteau de forge des mêmes sonorités, mais dans des effleurements ingénieusement variés des sonorités semblables à des intervalles dictés non plus par l’arithmétique, ou plutôt la numération, mais par un instinct de musicien qui manierait tantôt des leitmotiv, tantôt des rappels de timbre.

745. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

Ce ne sont donc pas les « très belles choses » dont il se prive, ce sont les très belles choses que d’avance il met à part en se mettant en état, quand il les trouvera, de les démêler du premier coup avec un cri d’amour et de gratitude. […] On ne l’emprisonne pas, on ne le garrotte pas du premier coup, ni facilement ; mais, précisément à cause de cela, quand on le charme c’est avec l’ivresse du plaisir qu’il laisse tomber toutes ses armes. […] Mais Nietzsche ajoute tout de suite : « Une fois là, le raisonnement fait après coup ses restrictions.

746. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Masque qui reprenait sa figure parce qu’il avait le désespoir de l’illusion… Non, je n’ai jamais vu d’opposition plus vive qu’entre ces deux critiques et ces deux professeurs du xixe  siècle, contrastant en tout, — excepté en convictions fortes et en autorité morale qu’ils n’avaient pas plus l’un que l’autre, ce qui les frappe également tous deux de néant et leur enlève, du coup et pour jamais, toute grande influence sur les hommes ! […] Besogne d’après coup, trop facile et devenue vulgaire, et dont les résultats sont mesquins. […] Critiques, tous deux, de sentiment et de sensation ; compréhensifs bien plus qu’exclusifs d’intelligence et de doctrine ; portant sur les choses de ce monde un regard curieux, ouvert et bienveillant ; ayant la même philosophie sans métaphysique, la même opinion politique, les mêmes goûts pour les lumières modernes et la même foi (un peu éblouie, selon moi) dans le progrès des sociétés, ils ne diffèrent guère que par la destinée, qui fait de ces charmants coups quelquefois : — c’est que Macaulay est monté plus haut dans son pays que Philarète Chasles dans le sien.

747. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

À chaque accident politique, on entend un grondement d’émeute, on voit des bousculades, des coups de poing, des têtes cassées. […] Les sourdes pensées qui ont longuement fermenté dans ces imaginations mélancoliques éclatent tout d’un coup en orages, et le lourd tempérament brutal est secoué par des accès nerveux qu’il n’a pas encore connus. […] Si Berkeley en rencontre une, la suppression de la matière, c’est isolément, sans portée publique, par un coup d’État théologique, en homme pieux qui veut ruiner par la base l’immoralité et le matérialisme. […] Maint honnête homme, qui auparavant était aussi inoffensif qu’un lapin apprivoisé, une fois rempli, devient aussi dangereux qu’une couleuvrine chargée. » Le débat devient une lutte, et l’instinct batailleur, une fois lâché, a besoin de coups. […] Chacun se dit qu’il est à l’abri de l’insolence privée, que l’arbitraire public n’arrivera pas jusqu’à lui, qu’il « a son corps », qu’il peut répondre à des coups par des coups, à des blessures par des blessures, qu’il sera jugé par un jury indépendant et d’après une loi commune à tous. « Quand un homme en Angleterre, dit Montesquieu, aurait autant d’ennemis qu’il a de cheveux sur la tête, il ne lui en arriverait rien.

748. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Il nous montre la vie ne se maintenant à travers les révolutions du globe qu’à coups de révolutions anatomiques. […] Quand Harvey affirme la circulation du sang, il la démontre du même coup. […] Il connaît l’art incroyable de paralyser d’un coup de dard, sans les tuer, leur appareil moteur. […] Dans le premier cas, un second coup de poignard pourrait donner la mort, et il n’est pas donné. Dans le second cas, le sphex, sûr de sa science, s’arrête toujours au troisième coup.

749. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Mme Roland, qui trouvait ce roman joli, et qui précisément y cherchait avec un secret plaisir les mœurs d’une classe qu’elle détestait, serait devenue pourpre, si elle avait lu le feuilleton de Mlle de Meulan, et aurait du coup été guérie. […] Bien des pensées durables, recueillies dans les Conseils de Morale, ont été discernées et tirées du milieu de quelque article sur un fade roman, sur un plat vaudeville ; elles y naissaient tout à coup comme une fleur dans la fente d’un mur96. […] Avec tant de qualités délicates et ingénieuses, qui faisaient d’elle une dernière héritière de Mme de Lambert, elle avait des qualités fortes ; la polémique ne l’effrayait pas ; les coups qu’elle y portait, dans sa politesse railleuse, étaient plus rudes que ceux que le poëte attribue à Herminie. — Que de fois elle s’est plu à rabattre, avec gaieté et malice, la cuistrerie de Geoffroy et consorts, même sur le latin qu’elle savait un peu98 ! […] Au mois de mars 1807, sous le coup de nouvelles douleurs domestiques, et dans un grand dérangement de santé, elle se vit forcée d’interrompre un moment son travail ; mais une lettre arrive, qui lui offre des articles qu’on tâchera de rendre dignes d’elle durant tout le temps de l’interruption. […] Cette sensibilité de qui elle avait dit si délibérément dans sa jeunesse : « La sensibilité épargne plus de maux qu’elle n’en donne, car elle détruit d’un coup les chagrins de l’égoïsme, de la vanité, de l’ennui, de l’oisiveté, etc., » cette sensibilité à qui elle dut tant de pures délices, fut-elle toujours pour elle une source inaltérable ; et, en avançant vers la fin, ne devint-elle pas, elle, raison si forte et si sûre, une âme douloureuse aussi ?

750. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Hugo, introduisait tout à coup dans ses drames en prose, lorsque l’âme de ses personnages semblait s’élever au-dessus des vulgarités de la vie, le vers n’a jamais chez le poète d’Hernani et des Burgraves cette destination grandiose. […] Victor Hugo répugne tellement à la vérité, à la sincérité, à cette naïveté de l’inspiration qui ne se contemple jamais, que, quand il veut être simple, il manque son coup, croyant le frapper, et devient nettement plat. […] Dans cette pièce qui a dû être recommencée vingt fois et où le labeur n’a engendré que l’impiété et le ridicule, il n’y a pas de poésie, mais il y a du nombre, car la poésie veut du surnaturel et de l’âme, et, dans ces vers d’un matérialiste, on n’entend qu’enclume, bruit et métal ; seulement les coups sont frappés avec une fermeté d’accord qui indique le bras d’un Cyclope, même lorsque son œil est crevé, et il l’est ! […] Hugo encore ; — pour le coup, caractérisant très bien son genre de travail, — nous avons trouvé un poète que nous n’attendions guère, un poète vivant quand nous pensions trouver un poète mort ! […] Ainsi, dans les poésies d’un autre sentiment, lorsque l’expression se fausse tout à coup ou grimace, c’est que le poète transporte les qualités et les défauts du Moyen Age dans une inspiration étrangère qui les met en évidence.

751. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Au moment où tout le monde tombe par devant et de côté sur le catholicisme, on ne lui a jamais, sans avoir l’air de rien, donné dans le dos un plus dextre coup de couteau ! […] « J’en réclame la paternité, la regardant, cette expression, comme la formule définissant le mieux et le plus significativement le mode nouveau de travail de l’école qui a succédé au Romantisme. » Or, ce nom de baptême du document humain, donné après coup au Naturalisme, n’est, en somme et en effet, que le nom du Naturalisme en deux mots, et, en supposant qu’il soit autre chose qu’une Lapalissade que des niais veulent faire prendre pour une idée à des niais plus sots qu’eux, — attendu que tous les romanciers qu’il y ait jamais eu dans le monde se sont nécessairement occupés du document humain, puisqu’ils avaient à peindre l’âme de l’homme en action dans ses vices et dans ses vertus, sans avoir besoin d’employer pour cela une formule si ridiculement pédantesque, — en réclamer la paternité, comme le fait M. de Goncourt, c’est se poser, en termes doux et furtifs, le chef de cette École qui a succédé au Romantisme, et noyer du coup l’auteur de Pot-Bouille dans le bouillon qu’il a inventé, et qu’il est, présentement, en train de boire… Et ce document humain, dont il est fier comme d’une découverte de génie, M. de Goncourt lui sacrifie jusqu’à la fierté de son attitude et de sa pensée ; car, le croirait-on si on n’avait pas sous les yeux l’étonnante préface de son livre ? […] De ce monstre qu’on divinise il peut tout à coup ne rester pas plus que de la nuée éblouissante d’Ixion, quand on la presse sur son cœur ! […] XVI Ce dénouement de La Faustin serait la seule chose mâle et impressionnante du roman de M. de Goncourt, s’il avait été amené d’assez loin pour produire tout son effet et justifier la colère brutale et impitoyable d’un homme qui aimait avec une passion si profonde, il n’y a qu’une minute, et qui devient tout à coup si rapidement implacable.

752. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » p. 399

Ses Ouvrages les plus connus sont des Considérations politiques sur les coups d’Etat, & une Apologie des Grands Hommes faussement soupçonnés de magie.

753. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Les trois écrits ou discours consécutifs où il a consigné son avis attestent un sens judiciaire très-remarquable, une méthode excellente et rigoureuse qui, pour le coup, ne saurait, en pareil cas, déployer trop de précautions, trop de scrupules. […] Sa plume excellente et correcte, et de plus si faite pour les délicatesses, pour les finesses de l’art d’écrire, s’empêche par instants tout d’un coup, s’appesantit et s’attarde dans ces prescriptions méthodiques qui reviennent plus qu’il ne faudrait. […] Une angoisse inexprimable s’était emparée de son âme ; l’application lui était devenue impossible, la lumière odieuse ; un simple coup de sonnette l’agitait et lui arrachait des larmes. […] Marie-Joseph Chénier lui-même, vers cette époque et sous le coup des déceptions patriotiques, éprouvait un ébranlement de ce genre, et des soupçons d’empoisonnement traversaient son’ esprit. […] Nisard, peut-être un peu trop, comme quelqu’un qui, peu accoutumé au moderne, le trouve tout d’un coup singulièrement gracieux sous ce pavillon.

754. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Conclusions »

Conclusions 1° Une école littéraire qui se réclame des procédés d’investigation scientifique — et en particulier de l’observation médicale — tombe sous le coup d’une expertise médico-littéraire.

755. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — E — Elzéar, Pierre (1849-1916) »

L’action, assez peu dépourvue de banalité, languit, se traîne, se détire, bâille pour ainsi dire, et le spectateur va peut-être en faire autant, quand tout à coup il est réveillé par une image gracieuse ou un aimable vers.

756. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Dans cette ferme, coup de théâtre. […] Tout à coup l’eau bouillonnait ; les poissons d’or fuyaient. […] ” » Il s’en était tout à coup ressouvenu, et sans plaisir. […] Mais Outougamiz tue Ondouré d’un coup de hache. […] Il ressentit le coup avec une vivacité extrême.

757. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Beauté précise et mesurée de ces paysages qui se succèdent sans à coup, c’est presque avec la sage ordonnance de tableaux composés par un maître qu’ils développent sous nos yeux les lignes harmonieuses de leurs formes. […] Eût-elle, avec cette franchise dépouillée d’artifice, parlé d’amour, de son amour, et du même coup dévoilé le secret de ses premières initiations ? […] Imprimer un accent poétique à la doctrine de Schopenhauer, et du même coup faire sa soumission à l’esthétique baudelairienne, c’est l’argument suprême en faveur de la plasticité féminine ! […] Tout d’un coup mes yeux tombèrent sur une figure de femme qui força mon attention pour l’absorber dans une de ces contemplations qui vous arrachent à la vie extérieure. […] Mais qu’elle connût du même coup et la réputation et les succès de librairie, cette fois c’en était trop : il importait d’y mettre ordre.

758. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Étaient-ce là deux miracles de vengeance impitoyable, d’ironie implacable, des coups de massue où la vieillesse et la gloire de cette monarchie à son penchant, gémissait d’un râle plaintif ? […] C’est pour le coup, ami feuilleton, qu’il te faudra briser ta plume : « Frange, miser, calamos ! […] C’est lui qui signera l’arrêt de mort du roi de France, qui traînera la reine à l’échafaud, qui tuera à coups de pieds dans le ventre, l’orphelin de tous les rois de la maison de Bourbon ! […] Inde mali labes  ; de cette confusion vint tout le mal, car, pour ce coup-là, il n’y avait pas à crier : À la profanation ! […] Quoi qu’il en soit, madame de La Vallière pleure encore, quand tout à coup entre un jeune militaire qu’elle a dû épouser autrefois.

759. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Il y eut un jour dans la Révolution française où l’on voulut remuer tout d’un coup le Champ de Mars et le dresser en amphithéâtre pour une solennité immense : les bras ne suffisaient pas ; chacun s’y mit, et l’on vit de belles dames elles-mêmes, de très-grandes dames de la veille, manier la pelle et la bûche. […] Pour le coup, on croit avoir saisi chez le savant un aveu, une pointe de naturel, un grain de Rabelais. […] Je prends le petit recueil des Poésies de Bonaventure dès Periers, le poëte valet de chambre de Marguerite de Navarre ; j’y cherche et j’y glane à grand’peine quelques bons vers ou du moins quelques vers passables ; mais tout d’un coup une jolie pièce m’arrête et me réjouit : les Roses, dédiées à Jeanne, princesse de Navarre, qui sera la mère d’Henri IV. […] Il serait donc téméraire et presque ridicule de venir répondre de l’ensemble d’une vie et d’en garantir après coup les accidents.

760. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Ambassadeur, ministre, polémiste, il servira à sa mode la Restauration, sans complaisance pour la royauté, méprisant pour les courtisans, gênant pour les ministres, dédaignant d’allonger la main pour saisir le pouvoir, voulant mal de mort à tous ceux qui le saisissent, et portant de rudes coups parfois au régime qu’il prétend servir. […] Tirer la conclusion définitive de la querelle des anciens et des modernes, montrer qu’à l’art moderne il faut une inspiration moderne (Chateaubriand disait chrétienne), ne pas mépriser l’antiquité, mais, en dehors d’elle, reconnaître les beautés des littératures italienne, anglaise, allemande, écarter les anciennes règles qui ne sont plus que mécanisme et chicane, et juger des œuvres par la vérité de l’expression et l’intensité de l’impression, mettre le christianisme à sa place comme une riche source de poésie et de pittoresque, et détruire le préjugé classique que Boileau a consacré avec le christianisme, rétablir le moyen âge. l’art gothique, l’histoire de France, classer la Bible parmi les chefs-d’œuvre littéraires de l’humanité, rejeter la mythologie comme rapetissant la nature, et découvrir une nature plus grande, plus pathétique, plus belle, dans cette immensité débarrassée des petites personnes divines qui y allaient, venaient, et tracassaient, faire de la représentation de cette nature un des principaux objets de l’art, et l’autre de l’expression des plus intimes émotions de l’âme, ramener partout le travail littéraire à la création artistique, et lui assigner toujours pour fin la manifestation ou l’invention du beau, ouvrir en passant toutes les sources du lyrisme comme du naturalisme, et mettre d’un coup la littérature dans la voie dont elle n’atteindra pas le bout en un siècle : voilà, pêle-mêle et sommairement, quelques-unes des divinations supérieures qui placent ce livre à côté de l’étude de Mme de Staël sur l’Allemagne. […] Cette conception-là, seule, est un coup de génie. […] Je ne puis que rappeler ici les canards sauvages, le cou tendu et l’aile sifflante, s’abattant tout d’un coup sur quelque étang, lorsque la vapeur du soir enveloppe la vallée — le jour bleuâtre et velouté de la lune descendant dans les intervalles des arbres, et ce gémissement de la hulotte qui avec la chute de quelques feuilles ou le passage d’un veut subit remplit seul le silence nocturne— les premiers reflets du jour glaçant de rose les ailes noires et lustrées des corbeaux de l’Acropole — ces Arabes accroupis autour d’un l’eu dont les reflets colorent leurs visages, tandis que quelques têtes de chameaux s’avançaient au-dessus de la troupe et se dessinaient dans l’ombre 664.

761. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Victor Wilder : les hésitations, les illusions qu’on gardait encore à la lecture, au théâtre se sont d’un coup dissipées ; c’est là, sous l’accompagnement de cette extraordinaire musique que l’inanité des paroles doit lugubrement éclater. […] Du coup, il dépasse les meilleurs d’entre les acteurs allemands qui interprètent aujourd’hui le même rôle, et l’on ne peut le comparer qu’au regretté Scaria. […] Un dernier détail : après l’éblouissement final qui termine La Walkyrie, tandis que des acclamations partaient de tous les points de la salle, un coup de sifflet s’est fait entendre, un seul, oh ! […] » en lui donnant un coup sur la tête.

762. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

La source s’annonçait déjà, ce semble, sous le gazon ; elle allait sourdre et jaillir, mais je ne sais quel obstacle tout à coup s’interpose et l’empêche d’arriver. […] L’article passa le lendemain 16 juillet 1817, et Le Constitutionnel fut supprimé du coup. […] Quand il causait de ces choses littéraires qui ne devraient engendrer que douceur, aménité et grâce, il lui arrivait d’éclater tout à coup et comme sans cause ; il y avait des moments où son cœur se tordait sous la morsure. […] Puis, tout à coup, il y comparait orgueilleusement la chute de sa pièce à celle de Varsovie, et le procédé du public à celui de l’empereur Nicolas.

763. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Cependant, une fois que l’on a dominé cette première impression de surprise, il n’est pas difficile de trouver les raisons qui expliquent cette normalité et, du même coup, la confirment. […] Mais on ne fait pas attention que ces états forts de la conscience commune ne peuvent être ainsi renforcés sans que les états plus faibles, dont la violation ne donnait précédemment naissance qu’à des fautes purement morales, ne soient renforcés du même coup ; car les seconds ne sont que le prolongement, la forme atténuée des premiers. […] On échappe à ce dilemme pratique si le désirable, c’est la santé, et si la santé est quelque chose de défini et de donné dans les choses, car le terme de l’effort est donné et défini du même coup. […] Car si la normalité de ce phénomène a pu être établie de cette façon, c’est que, du même coup, il a été rattaché aux conditions les plus générales de notre existence collective.

764. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Leur œuvre assurément n’a pas été louable de tout point ; mais, s’il s’agit de dire qui a porté les coups redoutables aux recettes sentimentales et artificielles de 1830, il ne faut point oublier les vrais démolisseurs de la convention romantique. […] Une jeune fille douce, calme, sensée et bonne, a épousé sans amour, sans répugnance non plus, un homme qui l’adorait, et qu’un héritage a rendu tout à coup millionnaire. […] Je ne sais si l’on a jamais vu une femme, même arrivée à cette crise redoutable de la quarantième année, tombant tout d’un coup, sans transition, sans explication, sans cause, après une vie honnête et régulière, à une aussi lamentable dégradation que celle dont l’un d’eux nous a dit l’histoire. […] Edmond de Goncourt s’est même du coup frappé quelque peu la poitrine : il est convenu que si son frère et lui avaient donné le mauvais exemple qu’on avait trop suivi et commencé par écrire Germinie Lacerteux, c’est qu’ils avaient succombé à la tentation de traiter d’abord les « sujets faciles ».

/ 2595