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270. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

Rien sans mystère, car le nom de mystère est le nom de la volonté ou de l’action de Dieu dans les deux mondes, le monde physique et le monde de l’âme. […] — Oui, le mystère mesure toute la distance incommensurable qui existe et qui doit exister entre le mode d’action de Dieu sur les mondes et l’ignorance de l’homme. […] Mais, dans son action, il est non-seulement double, il est innombrable, il est infini, il est libre parce qu’il est à lui-même sa propre loi ; il n’a de limites que lui-même. Dans son action sur l’univers, pourquoi voulez-vous qu’il soit un ? […] Moi, je suis persuadé qu’elle est distincte de Dieu ; Et qu’il agit sur les mondes par l’action double de l’esprit et de la matière.

271. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Ne croyez pas, mon cher ami, que ce soit encore ici une diversion comme l’autre fois ; non, mais je serais bien aise de vous obliger à un plan fixe, et surtout pour la conduite et pour l’action de votre esprit. […] » Ici nous retrouvons quelques-unes des idées particulières et, si l’on veut, des préventions de Vauvenargues, un reste de gentilhomme, ou plutôt un commencement de grand homme ambitieux, qui aimerait mieux franchement être Richelieu que Raphaël, avoir des poètes pour le célébrer que d’être lui-même un poète ; qui aimerait mieux être Achille qu’Homère : « Quant aux livres d’agrément, ose-t-il dire, ils ne devraient point sortir d’une plume un peu orgueilleuse, quelque génie qu’ils demandent ou qu’ils prouvent. » Il ne permet tout au plus la poésie à un homme de condition et de ce qu’il appelle vertu, que « parce que ce génie suppose nécessairement une imagination très vive, ou, en d’autres termes, une extrême fécondité, qui met l’âme et la vie dans l’expression, et qui donne à nos paroles cette éloquence naturelle qui est peut-être le seul talent utile à tous les états, à toutes les affaires, et presque à tous les plaisirs ; le seul talent qui soit senti de tous les hommes en général, quoique avec différents degrés ; le talent, par conséquent, qu’on doit le plus cultiver, pour, plaire et pour réussir. » Ainsi la poésie, il ne l’avoue et ne la pardonne qu’à titre de cousine germaine de l’éloquence, et qu’autant qu’elle le ramène encore à une de ces grandes arènes qui lui plaisent, à l’antique Agora ou au Forum, ou à un congrès de Munster, en un mot à une action directe sur les hommes. Vauvenargues se trompe sur un point, et il borne trop son regard à l’influence présente : de grandes pensées, de belles vérités écrites et fixées avec éclat, ne sont-elles pas aussi des actions, moins promptes il est vrai, mais permanentes et éternelles ? Proposées à tous ceux qui lisent, elles sont un germe incessant d’actions pour l’avenir. […] Mais lorsqu’il lui est refusé d’étendre au dehors son action, elle l’exerce en elle-même, d’une manière inconnue aux esprits faibles et légers, que l’action du corps seul occupe.

272. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

Et certes on peut être à la fois une vieille bête et un très honnête homme ; mais, je ne sais comment cela se fait, je n’étais point préparé du tout aux belles actions d’Astier-Réhu. […] … Cette horreur de tout développement suivi, de tout éclaircissement qui n’est pas en action, est si forte chez M.  […] Mêmes intermittences dans la marche de l’action que dans la vie des personnages. […] Elle se rapproche de la réalité des choses, où nulle action ne se poursuit isolément, où toutes s’enchevêtrent. […] Alphonse Daudet aux procédés de Nabab, après l’effort de l’Evangéliste et de Sapho vers la classique unité d’action.

273. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

Il est de ces hommes qui se sentent et même qui paraissent toujours à la gêne par quelque côté, tant qu’ils ne sont pas en plein dans le champ de l’action. […] L’homme de plume, chez Carrel, est toujours doublé d’un homme d’épée très présent, et d’un homme d’action en perspective : seul, l’homme de lettres, si on ne le prenait que par ses phrases écrites, serait un peu inférieur à sa réputation méritée. […] On ne voit pas assez dans l’uniformité du récit de Carrel où est le nœud de l’action, et ce qu’il en veut dégager pour l’instruction, sinon pour l’agrément du lecteur. […] C’était l’homme d’action qui n’arrivait au style qu’après bien des fatigues et des marches. […] La fondation du National, en janvier 1830, allait élargir pour Carrel le nouveau champ d’action et de manœuvre où il essayait de se naturaliser ; mais ce ne fut point tout d’abord qu’il s’y sentit à l’aise, et il n’y eut point dès le premier jour ses coudées franches.

274. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Cette action de la pensée spéculative n’est pas visible au premier coup d’œil. […] D’avoir participé en Afrique à une action profondément nationale y avait suffi. Il avait scruté cette action, et elle avait fait de lui, un croyant par l’évidence. […] Cette funeste action n’est pas directe. […] Ce qui est vrai de l’action militaire n’est pas moins vrai de l’action civile.

275. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VI. De l’envie et de la vengeance. »

Ce qu’on a le plus de peine aussi à supporter dans l’infortune, c’est l’absorbation, la fixation sur une seule idée, et tout ce qui porte la pensée au-dehors de soi, tout ce qui excite à l’action, trompe le malheur ; il semble qu’en agissant, on va changer la situation de son âme, et le ressentiment, ou l’indignation contre le crime étant d’abord ce qui est le plus apparent dans sa propre douleur, on croit, en satisfaisant ce mouvement, échapper à tout ce qui doit le suivre ; mais en observant un cœur généreux et sensible, on découvre qu’on serait plus malheureux encore après s’être vengé qu’auparavant. L’occupation où l’on est de son ressentiment, l’effort qu’on fait sur soi pour le combattre remplit la pensée de diverses manières ; après s’être vengé, l’on reste seul avec sa douleur, sans autre idée que la souffrance ; vous rendez à votre ennemi, par votre vengeance, une espèce d’égalité avec vous ; vous le sortez de dessous le poids de votre mépris, vous vous sentez rapprochés par l’action même de punir ; si l’effort que vous tenteriez pour vous venger était inutile, votre ennemi aurait sur vous l’avantage qu’on prend toujours sur les volontés impuissantes, quelle qu’en soit la nature et l’objet : tous les genres d’égarement sont excusables dans les véritables douleurs ; mais ce qui démontre cependant combien la vengeance tient à des mouvements condamnables, c’est qu’il est beaucoup plus rare de se venger par sensibilité, que par esprit de parti ou par amour propre. […] Le même terme exprime l’assassinat de César, et celui d’Henri IV ; et les grands hommes qui se sont crus le droit de faire plier une loi de la moralité devant leurs intentions sublimes, ont fait plus de mal par la latitude qu’ils ont donné à l’idée de la vertu, que les scélérats méprisés dont les actions ont exaltés l’horreur qu’inspire le crime.

276. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre II : Termes abstraits »

Nos idées d’étendue et de mouvement dérivent, sans aucun doute, de l’action de notre propre corps. […] Autre cas : j’imprime une action à mon doigt, tout en touchant l’objet. Cette action implique certaines sensations ; je les combine avec l’objet et avec mon doigt, et j’ai ainsi deux idées : objet étendu, doigt mû.

277. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre V. La Henriade »

La Henriade Si un plan sage, une narration vive et pressée, de beaux vers, une diction élégante, un goût pur, un style correct, sont les seules qualités nécessaires à l’Épopée, la Henriade est un poème achevé ; mais cela ne suffit pas : il faut encore une action héroïque et surnaturelle. […] Le portrait n’est point épique ; il ne fournit que des beautés sans action et sans mouvement. […] Si les discours des Ligueurs respirent l’esprit du temps, ne pourrait-on pas se permettre de penser que c’étaient les actions des personnages, encore plus que leurs paroles, qui devaient déceler cet esprit ?

278. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 42, de notre maniere de réciter la tragédie et la comedie » pp. 417-428

Corneille, dit-il, afin d’éviter d’ensanglanter la scéne, rend encore l’action du jeune Horace plus atroce en lui donnant le temps de faire quelque refléxion, et cela sans songer qu’il doit sauver à la fin de la piece le meurtrier de sa soeur. […] Comme le naturel de certaines nations est plus vif que le naturel d’autres nations, l’action des unes est plus vive que l’action des autres.

279. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Au lieu d’entrer de plain-pied dans l’action qu’il veut raconter, il a cru devoir se condamner à une longue exposition. […] L’action gagnerait beaucoup à se dégager de ce dialogue diffus. […] Guizot et séparer la science de l’action. […] Il doit attendre, pour se montrer, que l’action proprement dite fasse une halte naturelle. […] Étant donnée la simplicité des acteurs, il est facile de prévoir et d’affirmer la simplicité de l’action.

280. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

Lui-même est un mâle, un sanguin, un homme d’action. […] Il voulait le plaisir sous toutes ses formes, mais particulièrement l’action grandiose, la domination sur les femmes et sur les hommes. Son idéal était celui de l’épicurien, non de celui que célèbrent les chansons du Caveau, mais de l’épicurien héroïque de l’antiquité ou de la Renaissance, pour qui l’action même et la « vertu » virile étaient le meilleur des plaisirs. […] Ce que nous raconte le journal, c’est peut-être l’aventure d’un grand homme d’action paralysé peu à peu par un incomparable analyste, — lequel a gardé d’ailleurs, dans ses œuvres écrites, le goût le plus décidé pour l’énergie humaine.

281. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

Bientôt il sortit de sa tour de sperme pour aller à l’agitation incohérente qu’il nommait l’Action. […] Barrès aime l’action, ou plutôt le rêve de l’action, parce qu’au moment du geste — il en est trop sûr — la peur le serrera comme une paralysie. […] Vue du côté français, cette guerre de 1870 est une tragédie mal faite dont l’action multiple se dissémine insaisissable sur dix théâtres à la fois.

282. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Mathilde de Toscane »

Ce ne serait point assez dire que de prétendre qu’il a innocenté la vie et l’action du pontife, qu’il les a nettoyées et purifiées de tout reproche. […] Il pèse plus sur l’action du réformateur dans Grégoire que sur celui du défenseur du droit de l’Église vis-à-vis des odieux usurpateurs allemands, et pour lui qui n’est pas un historien ecclésiastique, qui n’a de foi religieuse que son respect politique pour l’Église, ceci dénote une rare perfection de bon sens. […] Je voudrais, si j’avais plus d’espace, mettre en saillie par des citations ce caractère de son livre, qui doit avoir une action sur tout le monde et peut-être sur lui-même, car on ne s’approche pas si près de la Vérité sans tomber un jour dans ses bras ! […] Ce fut un homme d’action porté au faîte d’une société farouche et qui n’eut pour la conduire que cette puissance morale dont il est, pour l’histoire, la vivante expression.

283. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « L’abbé Monnin. Le Curé d’Ars » pp. 345-359

C’était toute sa personne, toute son action, tous les points de sa vie à la fois. […] Et de fait, ce qui distingue surtout l’action du Curé d’Ars sur son temps, c’est qu’elle est toute et uniquement surnaturelle, sans que rien d’humain s’y joigne pour la justifier. Saint Vincent de Paul est un saint aussi, et certainement l’un des plus grands Saints des temps modernes et peut-être de tous les temps, mais l’action humaine se mêle en lui à l’action divine.

284. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

Je citais plus haut Napoléon, le grand organisateur moderne, Napoléon, qui a même inventé jusqu’à ce mot d’organiser, lequel disait bien une de ses actions les plus grandes et une de ses préoccupations les plus continuelles. […] Cette omniprésence du saint à toutes ses œuvres, le soin infatigable qu’il y donnait, les lettres, instrumenta regni, par lesquelles il les gouvernait des distances les plus éloignées, toutes ces fortes qualités, incessamment appliquées, de direction, d’influence et d’irrésistible commandement, frappent plus encore que sa charité, et tout cela est d’une telle proportion en saint Vincent de Paul, qu’il est impossible de bien comprendre son action souveraine sur tout ce monde immense dont il ne cessa d’être, jusqu’à la mort, le père de famille et la providence, sans l’aide personnelle, directe et surnaturelle de Dieu ! […] En dehors des questions religieuses, il savait aussi ce qu’il y avait de prudence, même à sa manière, à lui, Richelieu, dans cet esprit éclairé d’en haut, dans ce bon sens net, absolu, perçant, qui méprisait les disputes et allait à l’action par la voie la plus courte, parce qu’elle était la plus droite. […] Si l’on osait parler d’originalité à propos d’un livre qui est bien plus une action sacerdotale qu’autre chose, on dirait que, parmi tous les livres, histoires et biographies dont nous sommes recrus sur le xviie  siècle, celui-ci a changé tout ce qu’on connaît, en éclairant l’histoire de la divine lumière qui sort de saint Vincent de Paul.

285. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

Faudrait-il conjecturer enfin pour unique avenir, pour dernier progrès du monde civilisé, le triomphe de ce que l’on a nommé la science sociale, de cette égalité utilitaire, que les uns, rêveurs sans imagination, fanatiques sans culte, prétendraient réaliser par un niveau démocratique asservi à des règlements de vie commune et de salaire, et que d’autres seraient prêts à représenter plus commodément et plus vite par la simple action du despotisme militaire et civil ? […] C’était l’époque même de l’enthousiasme en action et de la foi portée jusqu’à l’héroïsme. […] On le voit donc : loin que cette puissance d’action, ce spectacle des réalités éclatantes, qui est l’âme de la spéculation, soit épuisé pour nous, l’Europe est plus que jamais à portée de faire de grandes choses, de s’ouvrir de nouveaux horizons, de féconder des terres nouvelles et de recueillir des fruits mûrs qui l’attendent. […] Quand de telles œuvres sont réservées à l’action de la parole humaine, quand le pur enthousiasme du bien demeure un ressort journalier de réformes sociales, ne craignons pas pour un peuple ni pour une époque le dessèchement des sources de la vie morale : ce n’est point-là ce progrès du calcul matériel et de la force, qui ne prolongerait la durée d’une nation qu’en atrophiant son âme.

286. (1890) Dramaturges et romanciers

Feuillet, et je cherche si quelque autre influence a eu action sur lui. […] Cette action, toute vilaine qu’elle est, est en parfait accord avec le caractère spontané de l’héroïne ; c’est une action désespérée y d’une logique très absurde, mais très féminine. « Eh bien ! […] On trouve bien sous l’empire de ces sentiments des gens capables d’actions criminelles, comment donc ne trouverait-on pas des gens capables d’actions basses ou simplement malpropres ? […] Il tenait, s’il l’eût voulu, un caractère, il n’a présenté qu’un instrument d’action. […] que voilà une bonne action dont vous ne vous repentirez pas ! 

287. (1932) Les idées politiques de la France

Le catholicisme actuel, en France, exclurait automatiquement le caractère, l’action et l’indépendance d’un Dupanloup. […] Selon l’usage, une action répondit à la « réaction » : à la proportionnelle scolaire, l’École Unique. […] L’action est la réalité de l’homme, ses idées sont ses possibles. […] Le conflit de tendances entre l’action politique et l’action syndicale a été très vif pendant la première décade du xxe  siècle. […] Sous le malentendu entre l’action syndicaliste et l’action parlementaire, courut plus ou moins une mésentente entre la formation ouvrière et la formation bourgeoise, entre la république des travailleurs et la république des professeurs.

288. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Dieu présent au fond de l’homme et l’homme docile à l’action de Dieu. […] Qui sait d’ailleurs quelle supériorité de la volonté atteste cet anéantissement de tout obstacle qui appelle l’abondance de l’action divine ? […] Vouloir, dans l’ordre moral, c’est presque pouvoir ; une intention ferme et droite équivaut à l’action. […] Le langage n’a-t-il pas sa part d’action dans l’engendrement de la pensée ? […] Mais l’action que la nature exerce sur notre âme ne provient pas de la forme physique toute seule.

289. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Toutes les actions honteuses qu’il commet appartiennent à Lumley. […] L’action se noue et se dénoue entre trois personnages : Pauline Deschapelles, Beauséant et Claude Melnotte. […] Ils ont mis l’unité d’action sur la même ligne que l’unité de temps et l’unité de lieu. […] Michelet une action singulière, qui tient plus de l’éblouissement que de la vraie science. […] Dans quel lieu, dans quel temps se passe l’action de l’Aventurière ?

290. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Pardonnez, illustres seigneurs, je ne me suis pas rendu coupable d’une action si indigne. […] Cette règle de l’unité d’action dans le drame admet néanmoins dans la pièce une diversion légère qu’on appelle l’épisode, pourvu que l’épisode se rattache plus ou moins directement à l’action principale, et que l’épisode serve seulement à suspendre un peu le sujet, mais aussi à le développer. […] La troisième règle des pièces indiennes est le développement gradué et croissant de l’action, redoublant avec ce développement l’intérêt ou l’anxiété du spectateur. […] Un livre dans lequel on donne aux poètes indiens les règles de l’action et de la décoration de leur scène, décrit ainsi l’appareil de ces représentations. […] » lui dit le sage anachorète, « ne comprenez-vous pas qu’on vous apprend ici d’une manière détournée, en action et non en récit, la naissance de ces deux enfants vos fils ?

291. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

Thiers me l’a traduit, expliqué point par point ; il me fait assister à tout, non seulement aux actions, mais aux conseils, aux idées rapides qui illuminent, à chaque incident imprévu, cette imagination de feu, si ardente à la fois et si positive ; il me donne l’intelligence et le secret de chaque solution. […] Tous ceux, au contraire, qui voulaient à tout prix l’inviolabilité du cœur de la nation ; aux yeux de qui le triomphe de la double invasion avait été la plaie saignante dont on ne s’était pas relevé encore, la plaie intestine qui, même guérie et fermée en apparence, continuait de gêner les mouvements, de paralyser la force et la pleine action de la France ; tous ceux qui, en 1814, avaient pensé comme les soldats de Fontainebleau, et comme aujourd’hui encore M.  […] Et s’il est arrivé que, lui sorti de la scène politique, la France n’ait point dépéri ; que cet être collectif, cet être idéal et redoutable qu’on appelait la coalition, et qui est demeuré pendant tant d’années un grand spectre dans l’imagination des gouvernants, ait été conjuré enfin par un enchanteur habile et puissant ; que la France soit redevenue elle-même tout entière sur les champs de bataille anciens et nouveaux et dans les conseils de l’Europe ; si, à cette heure même où nous écrivons, une province, une de ses pertes, est recouvrée par elle et lui est acquise, moins à titre d’accroissement que de compensation bien due, et aussi comme un gage manifeste de sa pleine et haute liberté d’action, on est sûr qu’en cela du moins le cœur de l’historien du Consulat et de l’Empire se réjouit ; que si une tristesse passe sur son front, c’est celle d’une noble envie et de n’avoir pu, à son heure, contribuer pour sa part à quelque résultat de cet ordre, selon son vœu de tous les temps ; mais la joie généreuse du citoyen et du bon Français l’emporte. […] Le pouvoir est beau ; il est peut-être supérieur à tout, quand il est réellement le pouvoir ; l’action n’a rien qui la vaille. Mais qu’on mette en regard, d’un côté ce livre si souverainement conduit et si harmonieusement terminé, et, de l’autre, quelques années d’un pouvoir semblable à ce qu’on voyait trop souvent par le passé, — d’un pouvoir partagé, disputé, insulté, parfois calomnié d’en bas, parfois déjoué d’en haut et du côté où l’on devait le moins s’y attendre, — d’un pouvoir le plus souvent aussi paralysé dans l’action que magnifique et brillant par le discours, mais par un discours encore qui s’envolait et ne se fixait pas en des pages durables : — et qu’on me dise, au point de vue de la gloire solide, ce qui vaut le mieux !

292. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

On commence à déclarer ennuyeuse l’exposition de pensées et d’actions nobles ; on s’essaye à traiter toutes les folies. […] Cependant je ne veux pas nier que Arndt, Kœrner et Rückert ont eu quelque action. » Ici le bon Eckermann eut une distraction, et sans trop y penser, mettant le doigt sur un point délicat, il dit à Gœthe : « On vous a reproché de ne pas avoir aussi pris les armes à cette époque, ou du moins de n’avoir pas agi comme poëte. » Gœthe, touché à un endroit sensible, tressaillit un peu, et, tout ému, il trouva, pour répondre, de bien belles et hautes paroles : « Laissons cela, mon bon ! […] Oui, oui, mon bon, ce n’est pas seulement en faisant des poésies et des pièces de théâtre que l’on est fécond ; il y a aussi une fécondité d’actions qui en maintes circonstances est la première de toutes… Génie et fécondité sont choses très-voisines… » Et une fois lancé, il ne s’arrêtait pas dans cette veine d’idées ; il montrait dans tous les ordres la force fécondante comme le signe le plus caractéristique du génie : Mozart, Phidias et Raphaël, Dürer et Holbein, il les prenait tous, et celui qui a trouvé le premier la forme de l’architecture gothique, et qui a rendu possible par la suite des temps un munster de Strasbourg, un dôme de Cologne ; et Luther, ce génie de la grande race, et dont la force d’action sur l’avenir n’est pas épuisée. Puis, sur une nouvelle question d’Eckermann qui craint toujours que l’entretien ne finisse, et qui demande si le corps dans cette force d’action n’entre pas autant et plus que l’esprit, Gœthe répond : « Le corps a du moins la plus grande influence.

293. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Ce fut nous du moins pendant des siècles ; nous avions arrangé nos affaires pour ne regarder que la terre et l’existence présente, et pour être débarrassés de tout ce qui gênerait l’action : nous avions donné procuration à l’Église de régler pour nous la question de la destinée, de la mort et de l’éternité, de façon à n’y plus penser que dans les courts moments où elle nous établit notre compte. […] Le monde extérieur n’était pour nous qu’un objet intelligible : et quand notre intelligence trop faible encore ne s’y appliquait pas pour en tirer des concepts, notre volonté en faisait le champ de son action : nous ne voyions dans la nature que nous-mêmes, l’objet qu’elle présentait et l’obstacle qu’elle opposait à nos ambitions. […] Il était naturel que la femme, à qui, surtout en ce temps-là, l’action était interdite, vécût un peu plus de rêves et d’émotions et les épanchât en poésie. […] Ayant à compter plus d’émotions que d’actions dans leur vie, ils n’avaient pas tant besoin d’une épopée, mais ils créèrent naturellement une poésie lyrique. […] « L’amour est une grande chose, un grand bien, qui rend tout fardeau léger… L’amour pousse aux grandes actions, et excite à désirer toujours une perfection plus haute… Rien n’est plus doux que l’amour, rien n’est plus fort, ni plus liant, ni plus large, ni plus doux, ni plus plein, ni meilleur au ciel ni sur la terre… L’amour vole, court, il a la joie.

294. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VII. L’antinomie pédagogique » pp. 135-157

L’éducation en effet est limitée à un triple point de vue : dans son action, dans son objet, et dans ses moyens. Dans son action, elle est limitée en deux sens : d’une part, par le tempérament (physiologie, hérédité) de l’enfant ; d’autre part par les influences étrangères, extrascolaires et postscolaires qui combattent l’influence de l’école. […] Les moyens d’action de l’éducateur sont : la notion inculquée ; l’appel à la raison de l’enfant, l’appel au sentiment ; la formation des habitudes ou dressage des réflexes, l’influence de l’exemple. […] L’appel à la raison a peu d’action sur l’enfant ; voire même sur l’adolescent. […] Ce moyen d’action suppose une condition particulièrement difficile à réaliser : un personnel d’éducateurs vraiment exemplaires et possédant une supériorité morale éclatante et incontestée.

295. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

Ce mode de reproduction mentale peut s’établir de la façon suivante : « Des actions, sensations, sentiments qui se produisent ensemble ou se succèdent immédiatement, tendent à naître ensemble, à adhérer de telle façon que quand plus tard l’un se présente à l’esprit, les autres sont aussi représentés. » Les états associés peuvent être ou bien de même nature (sons avec sons, mouvements avec mouvements, etc.), ou de nature différente (couleur avec résistance, mouvement avec distance, etc.). […] « La tendance de l’idée d’une action à produire le fait, montre que l’idée est déjà le fait sous une forme affaiblie. […] Mais la disposition à passer d’un souvenir, imagination ou idée, à l’action qu’ils représentent, — à produire l’acte et non pas seulement à le penser, — c’est là aussi un principe déterminant dans la conduite humaine. » L’auteur montre combien de faits curieux en psychologie s’expliquent par cette tendance de l’idée à se réaliser : la fascination causée par un précipice, les phénomènes produits par les idées fixes, par le sommeil magnétique, les sensations causées par sympathie. […] La loi qui la régit s’énonce ainsi : « Les actions, les sensations, pensées ou émotions présentes tendent à raviver celles qui leur ressemblent, parmi les impressions ou états antérieurs. » L’association par contiguïté sert surtout à acquérir, l’association par ressemblance sert surtout à découvrir : elle joue un rôle prépondérant dans le raisonnement et les divers procédés scientifiques. […] La loi générale de ce mode d’association s’établit ainsi : « Des actions, sensations, pensées, émotions passées sont plus aisément rappelées, quand on les associe par contiguïté ou ressemblance avec plus d’une impression ou d’un objet présent. » Les associations composées résultent de contiguïtés seules, de ressemblances seules, de contiguïtés et ressemblances réunies.

296. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Il obéit à sa conscience, et ses livres deviennent des « actions ». […] Imaginer un dialogue, c’est donc imaginer deux personnages au moins en action, et le drame naît, le drame qui est action, comme l’étymologie seule l’indique. […] Dumas est surtout un lutteur, un homme d’action vigoureuse et d’énergie intense. […] Le drame, l’étymologie l’indique, c’est de l’action, et l’action n’est jamais un très bon signe des mœurs. […] Elle procède par vastes actions générales qui annulent à peu près la part de l’action individuelle.

297. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

Le philosophe veut rendre durable la volonté passagère de la réflexion ; l’art social tend à perpétuer l’action de la sagesse ; enfin ce qui est grand se retrouve dans ce qui est petit, avec la même exactitude de proportions : l’univers tout entier se peint dans chacune de ses parties, et plus il paraît l’œuvre d’une seule idée, plus il inspire d’admiration. […] Dans la seconde partie, je compte examiner les gouvernements anciens et modernes sous le rapport de l’influence qu’ils ont laissée, aux passions naturelles aux hommes réunis en corps politique, et trouver la cause de la naissance, de la durée, et de la destruction des gouvernements, dans la part plus ou moins grande qu’ils ont faite au besoin d’action qui existe dans toute société. […] On pourrait opposer à leurs raisonnements, que la principale cause de la destruction de plusieurs gouvernements a été d’avoir constitué dans l’État deux intérêts opposés : on a considéré comme le chef-d’œuvre de la science des gouvernements de mesurer assez les deux actions contraires, pour que la puissance aristocratique et démocratique se balança, comme deux lutteurs qu’une égale force rend immobiles. […] Les gouvernants dans un petit pays sont beaucoup plus multipliés par rapport aux gouvernés, et la part de chacun, à une action quelconque, est plus grande et plus facile : enfin, si l’on répétait d’une manière vague, qu’on n’a jamais vu une constitution fondée sur de telles bases, qu’il vaut mieux adopter celles qui ont existé pendant des siècles ; on pourrait demander de s’arrêter à une réflexion qui mérite, je crois, une attention particulière. […] On ne s’avise d’appliquer aucune de ces idées générales à sa situation particulière ; tout ce qui vous arrivera, tout ce qui vous entoure doit être une exception ; ce qu’on a d’esprit n’a point d’influence sur la conduite : là où il y a un cœur, il est seul écouté ; ce qu’on n’a pas senti soi-même est connu de la pensée, sans jamais diriger les actions.

298. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Le Mystère des Actes des Apôtres, à Bourges, en 1536, se poursuivit pendant quarante jours : il mit en action cinq cents personnages. […] Sur la scène vaste, large de 30 à 50 mètres, tous les lieux à travers lesquels se transportera successivement l’action sont figurés simultanément : figurés en abrégé ou en raccourci, bien entendu, et comme par échantillons ou symboles. […] Telle farce inclinera à la comédie ; telle autre se composera de deux ou trois scènes sans action ; telle sera un monologue. […] Dans l’une et l’autre farce, la fantaisie bouffonne de l’action et du dialogue enveloppe une certaine vérité d’observation, qui n’est pas même dénuée de finesse. […] Pour celui qui l’a écrite, pour ceux qui la voyaient, l’action de Patelin était une folie, et l’esprit de Patelin était la vérité même, la raison et la vie.

299. (1908) Après le naturalisme

C’est le tour des hommes d’action. […] Une quantité d’actions élémentaires le frappent physiquement, chimiquement. […] Aux actions extérieures s’est opposé un système organique pour la défense ou le profit. […] Déterminer les hommes à l’action, à telle action, là se bornera toujours l’influence de la Littérature. […] Elle n’admet aucune autorité que sa fin : l’action en est la plus parfaite.

300. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Note préliminaire » pp. 5-6

Sainte-Beuve, en se chargeant de cette part de collaboration au Constitutionnel, a cru lui-même qu’il y avait lieu de ne pas désespérer de la littérature, et d’y exercer, concurremment avec ses autres confrères, une action utile. La condition première d’une telle action est de revenir souvent à la charge, d’user de sa plume comme de quelque chose de vif, de fréquent, de court, de se tenir en rapport continuel avec le public, de le consulter, de l’écouter parfois, pour se faire ensuite écouter de lui.

301. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Et c’est à ce moment-là que, grisé par sa jeune gloire, il commet une action fâcheuse, puis une très mauvaise action. Voici l’action fâcheuse. […] Et voici la mauvaise action. […] Mais nous voyons que, dans toutes ses entreprises, son sexe fut son principal instrument d’action. […]   D’abord, l’action est toute turque.

302. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Il donne le nom de poëme épique à tout poëme où l’on est rélateur de l’action. […] Il y trouve le nom de fable donné à l’action du poëme ; & il en conclut que cette action devoit, comme les apologues, avoir deux parties essentielles, une fiction & une vérité morale. […] Ils convenoient que l’action doit être une, grande, mémorable & surtout intéressante, entière, vraie ou du moins réputée telle ; qu’il faut s’y borner à la narration & à l’imitation, afin de distinguer ce genre de celui de l’histoire, qui raconte & qui n’imite pas, & du poëme dramatique, qui ne peint qu’en action. […] Mais on a montré que l’action de l’Énéide est complette. […] Les actions, multipliées à l’infini, y paroissent sans ordre, sans liaison, sans art.

303. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Comme on le connaît dans toutes ses actions et toutes ses parties ? […] Il aurait eu horreur de se rappeler l’action de Phèdre. […] Que tout ton plaisir et tout ton délassement soient de passer d’une action sociale à une action sociale, avec la pensée de Dieu ». […] De toutes parts l’action est barrée et la volonté brisée. […] Chaque action vertueuse ou vicieuse est une force de la nature, et les actions vicieuses et vertueuses prises ensemble sont les seules forces de la nature.

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