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635. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

L’idée de placer la France du dix-septième siècle à la tête de l’Europe intellectuelle, de faire accepter de tout le monde l’appellation du Siècle de Louis XIV, de présenter à l’esprit humain, comme sa plus parfaite image, l’esprit français personnifié dans nos écrivains, nos savants et nos artistes, cette idée-là ne vint à Voltaire ni d’un besoin public, ni d’une invitation de la mode. […] En attendant, je me contente d’un récit qui m’en apprend assez sur les causes de la guerre pour que je ne confonde pas cette conquête manquée avec une guerre juste, et l’ambition du roi avec la querelle de la France ; qui des luttes intérieures de la Hollande fait ressortir cette triste vérité, que l’invasion même ne réconcilie pas les partis ; qui m’intéresse aux deux nations, à la Hollande par la justice et par le respect du faible, à la France par le patriotisme et l’amour de la gloire ; qui, parmi plusieurs portraits d’un dessin aussi juste que brillant, me laisse imprimées dans l’esprit les deux grandes figures royales du siècle, Louis XIV et Guillaume III, esquissées comme certains croquis de grands maîtres, dont le crayon ne laisse plus rien à faire au pinceau. Prenons un second tableau, d’un genre tout différent, celui où Voltaire nous peint la France sortant, sous l’impulsion puissante de Louis XIV, du chaos de la Fronde. […] Ce que Voltaire s’est demandé à lui-même, avant d’écrire son chapitre : Comment la France s’en tirera-t-elle ? […] Dans le second, nous voyons apparaître et comme se lever successivement à l’horizon, tous ces astres de la poésie, de l’éloquence et des arts, qui brillent à jamais au ciel de la France, et dirigent ses générations dans toutes les voies de l’idéal.

636. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLIX » pp. 193-194

Un misanthrope disait l’autre jour : « On croit qu’il y a liberté de la presse en France, elle n’est que sur le papier, elle n’existe pas. […] Autrefois les meilleurs journaux français se faisaient hors de France, en Hollande, la liberté de la presse n’existant pas au dedans.

637. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nolhac, Pierre de (1859-1936) »

. — Paysages de France et d’Italie (1894). […] Nous retrouvons ces morceaux dans le volume publié aujourd’hui : Paysages de France et d’Italie.

638. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Note préliminaire » pp. 5-6

Note préliminaire Le Constitutionnel, dans les derniers jours de septembre 1849, publia la note suivante : La littérature ne saurait mourir en France. […] Nous croyons que, malgré la stérilité dont on se plaint, on trouvera encore de tels ouvrages en France.

639. (1929) Dialogues critiques

Vautrin, maire de Metz, il lui fait dire qu’« avec la réintégration de la Lorraine et de l’Alsace dans la France des difficultés sont mortes, mais d’autres sont nées ». […] L’Allemagne et la France ? […] Ces messieurs ne pardonnent pas à la France sa laïcité. […] Paul Pas du tout, puisqu’il est résolu dans le reste de la France. […] Raymond Isay, dans la Revue de France.

640. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

La littérature ne fait pas acception de parti ; je suis sorti tout entier de la politique, et la France m’apprend assez à n’y rentrer jamais. […] Il importe de prévenir ici le public contre la résolution qu’on m’attribue d’abandonner mes biens à mes créanciers et de quitter immédiatement la France. […] Leurs traductions doivent être en France ; qu’on les lise et qu’on nous juge. […] La Chine et la France n’en ont pas encore ! […] La France le compense par mille chefs-d’œuvre d’imagination et de raison ; son génie a plutôt les formes du drame, parce que ce génie est surtout en action.

641. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Le génie de la France septentrionale a pris le dessus. […] Jean de Meung n’était pas moins populaire en Angleterre et en Italie qu’en France, Chaucer traduisait en anglais le Roman de la Rose pour la cour anglo-française d’Édouard. […] Mais le Roman de la Rose n’ennuyait pas nos pères : ce n’est pas en France qu’on s’opiniâtrerait, même pour faire pièce aux prédicateurs, à s’ennuyer pendant deux siècles. […] D’où nous est venue cette vue si profonde et si lumineuse sur la suite de notre histoire politique, sinon du magnifique spectacle de la France une et homogène, et, comme on l’a dit avec force, devenue une personne ? Le spectacle non moins beau de la France littéraire au xviie  siècle doit de même nous donner le sens des époques antérieures.

642. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

M. de Sismondi, qui avait de bonne heure fait de la France sa patrie d’adoption, avait pris sa part, pendant la Révolution, des désastres qui atteignaient la France. […] Bientôt la Terreur qui rend la France inhabitable, le fixe dans son pays d’adoption. […] Il parcourt la France, la Suisse, l’Italie, la Grèce. […] La Russie, en y prenant rang, agissait d’abord, en quelque sorte, comme alliée de la France. […] Mais, par un singulier renversement des choses, ce fut l’esprit étranger qui s’introduisit directement en France.

643. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Grandmougin, Charles (1850-1930) »

Je signale la scène entre l’empereur et Joséphine, à la veille du divorce ; la scène entre Napoléon et le Pape ; les scènes où, durant la campagne de France, il anime et il entraîne de son exemple les paysans patriotes, la rencontre enfin qu’il fait, à Sainte-Hélène, d’un brave homme de pêcheur qui vit avec les siens, sans souci des orages du monde et ignore jusqu’au nom du prisonnier. […] Tantôt vêtue de la bure champêtre, chaussée de sabots, elle folâtre dans la vallée des matins bleus, fredonnant des chants villageois simples et naïfs ; tantôt, fièrement drapée dans le péplum antique et toujours séduisante, elle élève ses accents jusqu’au lyrisme le plus pur pour nous dire les souffrances d’Orphée ; puis, soudain, elle nous apparaît farouche, enveloppée dans le drapeau tricolore, célébrant sur les cordes d’airain de sa lyre les victoires du grand empereur, ou, dans une robe de deuil, chantant douloureusement les malheurs de la France meurtrie.

644. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

. — Au contraire, essayez de mettre au cachot la chanson de Béranger… soudain la chanson éclate et brille à travers les barreaux de fer ; elle perce en mille échos les voûtes abaissées de la Conciergerie ; elle va d’âme en âme, à travers la France consolée, appelant à son aide les trois passions de la France d’autrefois, de la France d’aujourd’hui, de la France éternelle : la gloire, la liberté et l’amour ! […] Vingt ans, ce n’est pas assez pour accomplir une révolution littéraire, dans un pays comme la France, plus fidèle à ses poètes qu’à ses rois. En vingt ans la France accomplira au besoin toute une révolution, mais qu’est-ce que vingt ans pour savoir ce que deviendra l’art, le goût, la passion, le plaisir, le charme, l’esprit de ce grand peuple de France ? […] Ainsi, Molière a commencé, dans cette France croyante et sérieuse qui avait à peine entendu parler du Menteur de Corneille. […] Il sentait que la foule allait obéir aux moindres inspirations de son génie ; il se disait qu’il serait le favori du roi qui régnait à Versailles et du peuple de France !

645. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Elle erre de la France à l’Allemagne, à la Suède, à la Russie, à l’Angleterre. […] De la France, sans doute ? […] Elle a eu pitié de la France souffrante, envahie, déchirée par les alliés. […] Je ne ferai rien contre la France. […] Tarde en France, M. 

646. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

C’est une raillerie qui s’adresse tour à tour à la France, à l’Angleterre, à l’Allemagne. […] En France, nous sommes habitués à croire que la langue toscane est la langue italienne par excellence. […] Il montre clairement, que ces comédies ne doivent pas être jugées d’après le type consacré en France par le génie de Molière. […] Reste à savoir pourquoi cette transformation, cette traduction s’est accomplie en Angleterre plus tôt qu’en France. […] Il a surtout tendu avec une verve entraînante l’élan généreux qui couvrit la France entière de fédérations.

647. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Comme une colossale effigie de marbre précieux érigée au centre de la France, et dont les copies réduites se répandent par milliers d’exemplaires dans toutes les provinces, ainsi la vie royale se répète, en proportions moindres, jusque dans la gentilhommière la plus reculée. […] Jamais de solitude ; c’est l’usage en France, dit Horace Walpole, « de brûler jusqu’au lumignon sa chandelle en public ». […] On ne trouve guère en France de squires Western et de barons de Thundertentrunck ; une dame d’Alsace, qui voit à Francfort les hobereaux grotesques de la Westphalie, est frappée du contraste219. […] Si l’on pouvait embrasser du regard ses trente ou quarante mille palais, hôtels, manoirs, abbayes, quel décor avenant et brillant que celui de la France ! […] Cabinet des Estampes, Histoire de France par estampes, passim, notamment plans et vues de Versailles par Aveline, « et dessin de la collation donnée par M. le Prince dans le milieu du Labyrinthe de Chantilly, le 29 août 1687 ».

648. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

Rousseau écrivit, mal éveillé, le Contrat social, capable de donner le fanatisme de l’absurde à toute la bourgeoisie lettrée de la France, jusqu’à ce que la rage de l’impossible, le delirium tremens de la nation, s’emparât du peuple et lui fît commettre des crimes, des meurtres et des suicides, qui remontent, comme l’effet à la cause, à de mauvais raisonnements. […] Je me souviens comme d’hier du jour ou le beau duc de Rohan, alors mousquetaire, depuis cardinal, me dit, en venant me prendre dans ma caserne du quai d’Orsay : « Venez avec moi voir un phénomène qui promet un grand homme à la France. […] Nous avions résolu, après la victoire symbolique du drapeau tricolore, de fixer la Révolution, qui reculait déjà dans le possible, en la passant en revue tout entière au milieu de la place de la Bastille, et de la rallier avec tous les citoyens et toute la garde nationale, cette raison et cette force irrésistibles, à la vraie France, en la montrant vaste, enthousiaste, unanime, aux démagogues et aux songe-creux de l’utopie. […] Voilà comment, poussé par la foule enthousiaste à la porte et dans l’escalier d’un pair de France destitué l’avant-veille par un décret de ma propre main, j’allais en aveugle chercher sous ses auspices un refuge contre l’enthousiasme populaire, et j’y échappais à l’ombre de son nom et de son mur ! […] On sait, ou on ne sait pas comment tout cela, si bon et si consolant sous l’Assemblée constituante, c’est-à-dire sous la France représentée, s’est brouillé sous l’Assemblée législative, représentation des partis qui ne sont plus la France, mais le fantôme de la France de 1793.

649. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

La renommée de Sully a eu en France des destinées successives et bien diverses. […] L’Estoile, dans un sentiment de malignité bien naturel, se plaît à relever et à dénombrer les titres et qualités de Sully à la date de juillet 1609, c’est-à-dire au faîte de sa grandeur : par un autre sentiment non moins naturel à l’homme, Sully se plaisait aussi à les étaler : Maximilien de Béthune, chevalier, duc de Sully, pair de France, prince souverain de Henrichemont et de Boisbelle, marquis de Rosny, comte de Dourdan, sire d’Orval, Montrond et Saint-Amand ; baron d’Épineuil, Bruyères, Le Châtelet, Villebon, La Chapelle, Novion, Baugy et Bontin ; conseiller du roi en tous ses conseils ; capitaine lieutenant de deux cents hommes d’armes d’ordonnances du roi sous le titre de la reine ; grand maître et capitaine général de l’artillerie ; grand voyer de France ; surintendant des finances, fortifications et bâtiments du roi ; gouverneur et lieutenant général pour Sa Majesté en Poitou, Châtelleraudois et Loudunois ; gouverneur de Mantes et Jargeau, et capitaine du château de la Bastille à Paris. […] Le titre des Mémoires était singulièrement emphatique, allégorique et symbolique ; le voici en son entier : Mémoires des sages et royales économies d’État, domestiques, politiques et militaires de Henri le Grand, l’exemplaire des rois, le prince des vertus, des armes et des lois, et le père en effet de ses peuples françois ; Et des servitudes utiles, obéissances convenables et administrations loyales de Maximilian de Béthune, l’un des plus confidents familiers et utiles soldats et serviteurs du grand Mars des François ; Dédiés à la France, à tous les bons soldats et tous peuples françois. […] Le retour du roi de Pologne Henri III et son arrivée en France, le démenti donné du premier coup aux espérances qu’on avait de lui, ne sont pas moins bien notés ; ce dernier des Valois arrive avec le dessein, qui lui a été suggéré par de sages princes et conseillers qu’il a vus au passage (en Autriche, à Venise et en Savoie), d’octroyer la paix à tous ses sujets et de rétablir l’ordre et la concorde avec traitement égal pour tous ; mais, à peine arrivé, il fait défaut, se laisse retourner par la reine sa mère, s’engage dans je ne sais quelle petite guerre et quel petit siège qu’il est obligé de lever avec mille sortes de reproches et d’injures que lui lancent du haut des murailles les femmes et les enfants : Ce honteux décampement, dit Sully, l’aversion que le roi témoigna dès lors de toutes choses généreuses et de la vraie gloire, qui ne s’acquiert que par les armes, et une inclination et disposition portée toute au repos, aux délices et plaisirs, le firent tomber en mépris qui engendra la haine, et la haine l’audace d’entreprendre contre lui, de laquelle procéda sa perdition avec infamie. […] Mais ce dernier le rappelle par lettres ; il lui remet en mémoire les vrais principes d’un homme de cœur ; il lui dit en le revoyant et en l’embrassant : « Mon ami, souvenez-vous de la principale partie d’un grand courage et d’un homme de bien, c’est de se rendre inviolable en sa foi et en sa parole, et que je ne manquerai jamais à la mienne. » Et il l’engage à aller à la cour de France pour y observer prudemment toutes choses et y découvrir le dessein des adversaires, sous air de se rallier à eux et de s’en rapprocher ; car Rosny a des frères ou des neveux qui sont alors des plus avant dans la faveur de Henri III.

650. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

La ville de Metz, en se réunissant à la France sous Henri II, avait réservé ses privilèges ; le droit, en ce pays des Trois-Évêchés, se compliquait de mille questions particulières ; il y avait des exceptions à l’infini, dont la connaissance faisait le principal mérite d’un avocat : Voyez, s’écriait le jeune homme ambitieux d’une plus noble gloire, voyez ce qui reste de ces fameux MM.  […] Metz et la province des Trois-Évêchés, de même que l’Alsace et la Lorraine, malgré leur réunion politique au royaume, étaient restés assimilés à l’étranger en ce qui était du commerce ; de telle sorte que leurs communications, libres du côté de l’Allemagne, étaient aussi entravées que celles des Allemands mêmes du côté de la France. […] Écoutons-le, écoutons l’homme qui a vu de plus près Louis XVI au dernier moment critique de la royauté et dans toute sa faiblesse : On a appelé anarchie, dit-il, la situation de la France en 1792 ; c’était tout autre chose. […] Ils montraient aux prolétaires la France comme une proie qui leur était assurée s’ils voulaient la saisir. […] C’était aussi au moment que l’ennemi envahissait le territoire et menaçait d’apporter en France la vengeance implacable et l’extermination des hommes qui avaient pris les armes en 1789.

651. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

Une belle scène, et qui est capitale, est celle de la délibération pour savoir si l’on reviendra incontinent en France. […] Saint Louis assemble son conseil un dimanche (19 juin 1250) : ce conseil se compose de ses frères, du comte de Flandre et autres seigneurs et barons ; il leur expose que sa mère le rappelle en France, où les affaires du royaume le réclament ; que, d’un autre côté, les chrétiens d’Orient ont encore besoin de lui, et que, s’il part, tous ceux qui sont à Acre voudront partir également ; et, les priant d’y réfléchir, il les remet à huitaine pour entendre leur avis. […] Les autres, qui n’avaient pas eu le courage de donner cet avis, n’osèrent toutefois le contredire : « Il n’y avait là personne qui n’eût de ses proches amis en prison ; par quoi nul ne me reprit, dit Joinville, mais se prirent tous à pleurer. » Il se livrait donc en leur cœur une sorte de lutte entre le violent désir qu’ils avaient de rentrer en France, et le sentiment de compassion et de justice qui leur disait qu’il n’était pas bien d’abandonner des frères et des compagnons malheureux. […] Les autres chevaliers cependant se mirent à le railler et à le narguer à la française : « Bien fol est le roi, lui disait-on, s’il ne vous croit contre tout le conseil du royaume de France. » Au dîner qui suivit, le roi ne lui adressa point la parole comme il faisait d’ordinaire. […] Après que saint Louis pourtant a rempli, et surabondamment, ce semble, tous les devoirs qui sont les conséquences de son premier malheur, il revient en France (juillet 1254), et Joinville trouve alors qu’il est temps.

652. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

Mais, quoi qu’il en soit, il eût été imprudent à lui de rester en France dans de pareilles circonstance. […] Il craint toute espèce de dépendance, et par cette raison il a mieux aimé, étant en France, gagner sa vie en copiant de la musique, que de recevoir les bienfaits de ses meilleurs amis qui s’empressaient de réparer sa mauvaise fortune. […] Elle voyagea l’année suivante en Hollande et prit la résolution de mettre son fils (car elle avait un fils de son mari) à l’Université de Leyde, pour y suivre ses études et les y faire meilleures qu’en France ; cette résolution fit beaucoup jaser et prêta à la critique. […] C’est dans la Correspondance de Garrick, publiée en Angleterre, dans une lettre qui lui vient de France, que je lis les observations bien fines, et d’un bien grand sens, d’une femme de mérite, connue par ses succès au théâtre et dans les lettres, Mme Riccoboni ; ces réflexions qu’elle adressait à Garrick trouveront accès, j’en suis sûr, auprès de tous les bons esprits, des cœurs doux, indulgents et modestes : « La rupture de M.  […] John Hill Burton (1856), au tome II, page 107. — Toutes ces lettres de Mme de Boufflers qui nous viennent de l’Angleterre sont peu connues en France.

653. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

On voit que la pensée plus ou moins restauratrice, refoulée par le triomphe de l’idée philosophique et révolutionnaire, réagissait à son tour et faisait chaîne autour de la France. Le livre de Bonald, introduit en France et expédié de Constance à Paris, fut en grande partie saisi et mis au pilon par ordre du gouvernement : il n’eut donc pas d’effet et fut alors comme non avenu53. […] Rentré en France sous le Directoire, il fut de ceux qui, sous le Consulat, travaillèrent à relever les ruines morales de la société, et il publia en 1802 son traité Du divorce et sa Législation primitive. […] Vous avez fait de la France la grande nation par ses exploits, faites-en la bonne nation par ses mœurs et par ses lois. […] Homme public, il avait sur le rôle de la France et sur sa magistrature en Europe des idées qui ont été souvent redites par d’autres et exagérées depuis ; mais il n’exagérait rien, quand il disait énergiquement : Un ouvrage dangereux écrit en français est une déclaration de guerre à toute l’Europe.

654. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Gourville, en effet, de retour en France, et au terme de ses aventures, demanda au prince de Condé de lui accorder la jouissance, sa vie durant, de la capitainerie de Saint-Maur, et il y fit de la dépense en bâtiments et en jardins : ce genre de folie, remarque-t-il en s’en confessant légèrement atteint, était une des maladies qui couraient de ce temps-là. […] Mathiers, cela ne se pouvait oser que sous la Fronde, et l’on n’a jamais mieux senti qu’en lisant Gourville de quel bienfait fut pour la France l’avènement monarchique de Louis XIV avec la régularité vigoureuse de sa police et de son administration. Dans une des courses infatigables qu’il faisait à travers la France pour le service des princes, Gourville a un moment de réflexion bien naturel et qui rappelle la philosophie de Gil Blas. […] Cependant Gourville aspire à rentrer en France : il n’y revient d’abord qu’à la dérobée, sous le couvert du prince de Condé, et malgré Colbert, qui poursuit longtemps en lui un auxiliaire de Fouquet, et qui ne se rend au mérite de l’homme qu’à la dernière extrémité. […] On ne connaît bien le prince de Condé que lorsqu’on a lu Gourville ; c’était à lui particulièrement qu’à son retour en France cet habile serviteur s’était donné.

655. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

Courier est rentré en France ; il voit ses amis les hellénistes ; un jour de douceur et de bonne humeur, il se dit, en se trouvant chez M.  […] Parlant de cette paix que la province de Touraine avait conservée de tout temps au milieu des troubles de la France, il dira : « Mais alors, de tant de fléaux nous ne ressentions que le bruit, calmes au milieu des tourmentes, comme ces oasis entourées des sables mouvants du désert. » Cette première Pétition eut du succès, mais elle n’engageait point encore Courier décidément dans l’opposition. […] Tout au fond de l’église, une espèce d’armoire, etc. » Quand Courier a parlé ainsi de la confession, il voulait faire un tableau ; il se souvenait des prêtres d’Italie, et il connaissait peu ceux de France ; il avait toujours présents Daphnis et Chloé, et (religion même à part) il oubliait moralement les vertus et le voile spirituel que la foi fait descendre à certaines heures, et qui s’interposent jusque dans les choses naturelles. […] Ce Simple discours fut incriminé : « Sachez, avait-il dit, qu’il n’y a pas en France une seule famille noble, mais je dis noble de race et d’antique origine, qui ne doive sa fortune aux femmes : vous m’entendez. » C’était là une impertinence historique, et qui parut attentatoire à tout l’ordre de la monarchie. […] J’ai quelquefois pensé qu’à cette époque où Courier se servait de ces instruments et de ces prétextes rustiques pour en faire des malices exquises aux gens d’en haut, il y avait en France un autre vrai laboureur et vieux soldat, que je ne donne pas comme un modèle d’atticisme, et qui aurait peu, je crois, goûté Longus, mais qui voulait sans rire l’amélioration du labour et de la terre, et le bien-être du laboureur en lui-même.

656. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

Duval, et après avoir constaté l’état actuel de l’art dramatique en France, d’en prévoir l’avenir, d’en conjecturer la chute ou le triomphe, enfin d’indiquer les remèdes et les ressources. […] Si la rénovation du théâtre dans le sens des idées dites romantiques est impraticable en France, il faut s’en prendre à l’une ou à plusieurs de ces quatre causes : 1° notre constitution sociale, 2° le goût du public, 3° le manque d’auteurs, 4° le régime des théâtres. […] Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock, comédie en trois actes, en prose, précédée d’une notice sur l’état actuel des théâtres et de l’art dramatique en France ; par M.  […] En vérité, il serait temps qu’un journal qui se pique de représenter quelque chose en France songeât à purger sa littérature do tant de vénalité jointe à tant d’ineptie, et qu’il essayât au moins de la rajeunir comme sa vieille politique.

657. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVII. Romans d’histoire, d’aventures et de voyages : Gebhart, Lemaître, Radiot, Élémir Bourges, Loti » pp. 201-217

Je ne veux aucunement traiter de fables les récits voulus sincères, et nous n’excellons point en tant de genres qu’on doive dénigrer des travailleurs qui maintiennent mieux que tous autres en France, avec les meilleures méthodes, la tradition de l’investigation scientifique. […] M. France pour traiter un pareil sujet, il fallait au moins l’adresse avertie et loyale de Rosny. […] Notre fille de France n’est pas l’ouvrage d’un romancier de métier. […] Il court en France, à la Commune de Paris, est fait prisonnier, déporté, et approche la mort de misère.

658. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

C’est la femme de ce Henry de Montmorency, maréchal de France, qui fut décapité à Toulouse en 1632 pour cause de révolte, le cousin de cet autre Montmorency-Boutteville, décapité aussi, pour cause de désobéissance. […] L’impérieux génie de Richelieu a traité la gloire comme la France. […] Parmi les remuements des impuissants d’alors contre la forte main qui tenait la France, ce ne serait qu’un mouvement de plus réprimé. […] Pourquoi, à la même page, a-t-il accusé ce moine (Richelieu fut un prêtre) de couper par haine et par envie la tête du plus grand seigneur de France ?

659. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

l’histoire de Saint Louis, sans y être forcé, — puisqu’elle est ici une monographie, puisqu’elle ne fait pas partie d’une Histoire générale de France, où elle serait inévitable ? […] La régence de Blanche, dans un pays aussi profondément salique que la France, et qui fût presque une Royauté, annonçait bien ce que serait la Royauté dans son fils. […] Car, quelle que fût la force de cette chose nouvelle qui succédait à la Féodalité et qui devait la vaincre et s’établir sur ses débris, ce ne fut point la Royauté, pour laquelle la France était mûre, qui donna à Saint Louis cette autorité sans pareille sur les affaires et les hommes de son temps. […] Les héros ne sont pas rares sur le trône de France.

660. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Crétineau-Joly » pp. 247-262

Ce grand de Maistre, qui passa sa vie dans la société des empereurs et des rois sans y rabaisser son génie ; qui commença en la société intellectuelle par les Considérations sur la France, et ne trouva pas, après trente ans de services de génie, un prêtre ou un évêque pour rendre compte du livre du Pape, ce chef-d’œuvre consacré à Rome, et qui mourut, frappé au cœur, de l’ingratitude du sacerdoce, aussi grande alors que celle des gouvernements ; ce grand de Maistre a été vengé de tout cela par sa gloire… Crétineau, moins grand et moins infortuné, eut tout de suite ce qui lui revenait. […] L’auteur de la biographie intitulée : Jacques Crétineau-Joly, avait dans les mains tous les éléments d’une vie qui, claire et courte, mais substantielle et d’un bel accent, aurait été lue, car, en France, on aime les batailleurs, et pouvait rester, durable comme une médaille. […] Secrétaire du duc de Laval, ambassadeur de France à Rome, qui trouva plaisant, comme un grand seigneur du xviiie  siècle, de faire prêcher son petit secrétaire devant Sa Sainteté le Pape, on croit rêver quand, dans le récit de l’abbé Maynard, on le voit, ce petit tonsuré, prêcher à Saint-Louis-des-Français. […] Revenu en France après Juillet, il y respira le journalisme, comme, quand on est fait pour la guerre, on respire la poudre, et il se trouva tout à coup ce qu’il était, sans le savoir, dans le fin fond de sa soutane et de sa nature : c’est-à-dire un chouan, qui toute sa vie chouannerait !

661. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

De là on voit au levant la France, au couchant l’Espagne5. […] De là on peut voir trois royaumes : la Castille, l’Aragon, la France. […] Un autre détail géographique exact est le nom de Port de Cise donné au chemin par lequel Charles retourne en France. […] A Ibañeta se réunissent les deux chemins qui mènent de France à Roncevaux, l’un par le Port de Cise, l’autre par le Val Carlos. […] On peut supposer qu’en dehors des deux dialectes où Francia et franco, donnaient respectivement France, franche et Franche, franke, il en avait trois autres : l’un qui disait France, franke, l’autre qui disait Franche, franke, et le troisième qui disait France, france.

662. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « [Addenda] »

Feuillet l’a si bien compris, qu’avant même de donner sa Collection, il n’a pu y tenir et que, dans son tome II des Causeries d’un Curieux (1862), il a pris les devants et a publié, comme la plus délicate des primeurs et bien faite pour affriander, la première lettre de Marie-Antoinette à l’impératrice sa mère, dès son arrivée sur la terre de France (Strasbourg, 8 mai 1770). […] Voilà qui est bien conforme et « en parfaite harmonie avec le goût théâtral du moment où nous vivons71. » Pour peu donc qu’on ait le sentiment dramatique et qu’on se mette à envisager les choses à ce point de vue, on indiquerait d’avance, comme dans un bon cours de rhétorique, les endroits, les motifs qui prêtent à une jolie lettre et qui font canevas ou thème :   Le moment où la Dauphine quitte les terres de l’empire ; Le moment où elle met le pied sur la terre de France ; Le moment, la minute qui suit la célébration du mariage ; Le moment, la minute où elle devient reine, Louis XV venant de rendre le dernier soupir ; Le moment où, souveraine outragée, elle apprend l’Arrêt du Parlement dans l’affaire du Collier, etc., etc. […] Feuillet ne commence qu’au moment où elle a mis le pied en France, à Strasbourg.

663. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. Ve et VIe volumes. »

Disons néanmoins, et avec regret, que cette pitié pour les innocents n’est pas égalée par son indignation contre les bourreaux ; l’idée que ceux-ci, quels qu’ils aient pu être, ont sauvé la France de l’invasion, a trop arrêté sa plume prête à les flétrir ; il s’est trop répété que le plus énergique alors était aussi le plus digne du pouvoir ; et je souffre qu’il ait dit, en déplorant la mort des Girondins : « On ne pourrait mettre au-dessus d’eux que celui des Montagnards qui se serait décidé pour les moyens révolutionnaires par politique seule et non par l’entraînement de la haine. » Non, nul Montagnard, fût-il tel qu’on le veut, un Carnot ou tout autre pareil, ne pourrait être mis au-dessus des proscrits du 2 juin ; l’assassin n’est jamais plus noble que l’assassiné. Sans doute c’eût été le propre d’une grande perspicacité de comprendre dès lors que l’affreux système dans lequel on entrait à l’aveugle aboutissait au salut de la France, et de voir dans cette Montagne, plus sanglante que la Roche tarpéienne ou les gémonies, le Capitole de la patrie en danger. […] Ce n’est, en effet, dans aucun parti, ni dans la Convention ni dans les départements, ni dans les rangs des oppresseurs ni dans ceux des victimes, que l’historien s’est placé ; c’est dans les entrailles de la France.

664. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre VIII »

D’autres avaient été jadis donnés à l’Angleterre par la France ; ils ont repris assez facilement une forme française ; ainsi trousse, substantif verbal de trousser (tortiare), est devenu en anglais truss et nous est revenu drosse (terme de marine). […] Les architectes ont imité en France les fenêtres appelées par les Anglais bow-window ; voilà un mot dont je ne sais rien faire. […] On en trouverait difficilement un seul, parmi ceux qui ont été réimportés d’Angleterre, qui ne fût connu et toujours pratiqué en France par les enfants.

665. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les inscriptions des monumens publics de France doivent-elles être écrites en Latin ou en François. » pp. 98-109

Les inscriptions des monumens publics de France doivent-elles être écrites en Latin ou en François. […] Cela fut discuté, en France, avec cette chaleur qu’on peut attendre d’une nation passionnée pour sa langue, & glorieuse de la voir se perfectionner chaque jour par la plume de tant d’écrivains originaux. […] L’opinion, qu’en France on ne doit écrire qu’en François, ayant été embrassée du monarque, elle le fut bientôt généralement de toute la nation.

666. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Latine. » pp. 147-158

Les Latinistes d’Angleterre, d’Allemagne & de France, se liguèrent contre ceux d’Italie. […] Après avoir été long-temps réleguée en Italie, elle gagna plusieurs états, & principalement la France. […] Porée fut interrompu, au milieu d’une de ses harangues, par un homme qui se leva brusquement, & qui s’écria, dans un transport d’indignation : la latinité est perdue en France.

667. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre II. Comment les nations parcourent de nouveau la carrière qu’elles ont fournie, conformément à la nature éternelle des fiefs. Que l’ancien droit politique des romains se renouvela dans le droit féodal. (Retour de l’âge héroïque.) » pp. 362-370

L’histoire de France nous raconte que dans l’origine les rois étaient les chefs du parlement, et qu’ils commettaient des pairs au jugement des causes. […] Bodin avoue que le royaume de France eut, non pas un gouvernement, comme nous le prétendons, mais au moins une constitution aristocratique sous les races mérovingienne et carlovingienne. […] Ou bien dira-t-il que la France a été conquise par quelqu’un des Capétiens ?

668. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

L’opération prend parfois la forme d’une carte (par exemple la carte des tumuli et des dolmen de France). […] C’était en France la tradition des Jésuites ; elle fut reprise par l’Université de Napoléon. […] Ou doit-elle être exposée en une seule suite continue depuis le commencement des études, comme en France ? […] On n’indiquera ici que les principes généraux sur lesquels l’accord semble être à peu près fait en France dès maintenant. […] Le Collège de France était un vestige des institutions de l’ancien régime.

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