Lorsque Mézeray eut terminé son Histoire, il était alors véritablement en état de l’entreprendre, et il reporta les forces de sa maturité dans deux autres ouvrages, son Abrégé chronologique (1667), et son traité De l’origine des Français ou Histoire de France avant Clovis (1682). […] N’accusons donc point Mézeray de ces lacunes, et sachons-lui gré plutôt de les avoir si bien signalées et définies : il a fallu deux siècles de défrichement et de critique, des travaux sans nombre et en France et dans d’autres pays, des systèmes contradictoires qui se sont usés en se combattant et qui ont fécondé le champ commun par leurs débris ; il a fallu enfin ce qu’invoquait Mézeray, l’appui des gouvernements dans les recherches, dans le libre accès aux sources et à toutes les chartes et archives, pour que les faits généraux qui se rapportent à cette première et à cette seconde race fussent éclaircis, pour que la société féodale fût bien connue, et que l’histoire du tiers état pût naître.
À tout cela ajoutez ces moments cruels où la passion moins vive nous laisse le loisir de retomber sur nous-même et de sentir toute l’indignité de notre état ; ces moments où le cœur, né pour des plaisirs plus solides, se lasse de ses propres idoles et trouve son supplice dans ses dégoûts et dans sa propre inconstance. […] Marmontel, destiné un moment dans sa jeunesse à l’état ecclésiastique, et qui avait étudié quelque temps à Clermont, eut l’occasion de visiter l’éloquent évêque, et, dans ses Mémoires, il a fait de cet ancien souvenir une scène affectueuse dont l’impression générale au moins doit être fidèle : Dans l’une de nos promenades à Beauregard, maison de plaisance de l’évêché, nous eûmes le bonheur, dit-il, de voir le vénérable Massillon.
Un document curieux existe, je l’ai sous les yeux, et j’en puis parler en toute connaissance de cause : il nous livre l’état vrai, et trop vrai, des opinions, des croyances et de l’âme de Chateaubriand à la date de 1798, quelques mois seulement avant sa conversion et avant la conception première du Génie du christianisme. […] Ainsi, quoi que vous entendiez dire, quoi qu’il puisse tôt ou tard se révéler des variations, des contradictions subséquentes ou antérieures, de M. de Chateaubriand, un point nous est fermement acquis : jeune, exilé, malheureux, vers le temps où il écrivait ces pages pleines d’émotion et de tendresse adressées « Aux infortunés », — sous le double coup de la mort de sa mère et de celle de sa sœur, — les souvenirs de son enfance pieuse le ressaisirent ; son cœur de Breton fidèle tressaillit et se réveilla ; il se repentit, il s’agenouilla, il pria avec larmes ; — la lettre à Fontanes, expression et témoignage de cet état d’exaltation et de crise mystique, est écrite de la même plume, et, si je puis dire, de la même encre que l’ouvrage religieux qu’il composait à ce moment et dont il transcrivait pour son ami quelques pages.
Où nous mène-t-elle, et en quel état nous laisse-t-elle ? […] Le bonheur d’un être (grand principe, selon Bossuet) ne doit jamais se distinguer de la perfection de cet être ; le vrai bonheur digne de ce nom est l’état où l’être est le plus selon sa nature, où il est le plus lui-même, dans sa plénitude et dans le contentement de ses intimes désirs.
Elle souffrit longtemps, nous dit Tallemant des Réaux en parlant de cette fin de vie de la marquise, il (Maucroix) souffrait assurément plus qu’elle : je n’ai jamais vu un homme si affligé, et, à cause de lui, je me suis réjoui de la mort de cette belle, parce qu’il était en un tel état que je ne savais ce qui en serait arrivé. […] Quand Maucroix traduisait dans son français large, facile et pur, les homélies d’Astérius ou de saint Jean Chrysostome et un traité de Lactance qu’on venait de recouvrer, il faisait certainement quelque chose d’aussi contraire que possible à certains petits vers qu’on a de lui ; et pourtant il n’était pas hypocrite, il ne parodiait rien en idée, il payait une dette publique à l’état qu’il avait embrassé et à des croyances qu’il n’avait jamais songé à mettre en question.
Je suis très frappé dès les premières pages du Journal, et de plus en plus, à mesure qu’on avance dans cette lecture, de l’état de santé de Louis XIV, et je m’explique ainsi bien des changements qui survinrent alors dans son régime et dans ses mœurs. […] Loin de là, il semble qu’on n’ait conquis des places à la précédente campagne que pour se mettre en état de les rendre de sang-froid à la campagne suivante (1689).
Il n’est pas si aisé qu’on le croirait, même à ceux qui devraient être le mieux informés, de répondre avec précision ; car les candidatures ne se constatent positivement que par des lettres adressées au secrétaire perpétuel de l’Académie, et plusieurs de ces candidatures restent latentes et à l’état d’essai jusqu’au dernier moment. […] En attendant, voici l’état des choses pour le moment, en ce qui est des élections prochaines : Pour remplacer M.
Il répudiait la sécheresse des formes protestantes ; il paraissait croire à une réunion future, et à l’amiable, de toutes les communions chrétiennes ; en un mot, comme tous les vrais critiques que travaille une grande activité d’esprit et d’imagination, il était en train, sans s’en douter, de passer en réalité par la disposition et l’état moral qui lui avait manqué jusqu’alors, afin d’être ensuite tout à fait en mesure de s’en rendre compte et de le comprendre. […] Pardon de vous peindre un éclat (état ?)
Les lumières proprement dites, dans l’idée desquelles entre la pensée du bien public, de l’amélioration de l’homme en société, d’une constitution plus juste, d’une manière de penser plus saine et plus naturelle, ne vinrent que peu à peu, et d’abord à l’état de vœu, de rêve et un peu de chimère. […] Or, cela dépasse le moraliste proprement dit qui voit l’homme tel qu’il est, tout formé, à l’état stationnaire, et le même en tout temps.
Le plus grand obstacle qui s’y trouva fut M. de La Valade, lieutenant du roi de Navarrenx, qui, étant d’une prodigieuse grosseur et hors d’état de se donner de lui-même et sans aide aucun mouvement, avait cru de son honneur d’être du voyage, quoi que M. le maréchal et tous ses amis eussent pu lui dire ; il s’était fait porter, par des Suisses de la garnison de Navarrenx qui se relayaient, et, comme ils allaient très-doucement et faisaient de temps en temps des pauses, cela retarda notre marche, et on le fit partir au retour deux heures avant le jour pour,éviter un pareil inconvénient. » Il est grotesque, ce M. de La Valade qui se fait porter à l’algarade à bras d’hommes ; il parodie d’avance le mot de Bossuet, et veut montrer, lui aussi, « qu’une âme guerrière est maîtresse du corps qu’elle anime. » Foucault lui-même, qui ne rit guère, sent le comique de l’expédition ; et cela ne cesse pas pendant tout le temps. […] Il eut l’honneur, en juillet 1690, de recevoir et de régaler à son passage le roi Jacques détrôné et fugitif, qui avait pris sa route par Caen : il fut très-frappé de l’air indifférent, passif, de ce roi opiniâtre,« qui paraissait aussi insensible au mauvais état de ses affaires que si elles ne le regardaient point ; qui racontait ce qu’il en savait en riant et sans aucune altération. » Le roi Jacques se flattait à cette date, que « le peuple anglais était entièrement dans ses intérêts » ; et il imputait tout le mal au prince d’Orange et aux troupes étrangères que l’usurpateur avait fait passer en Angleterre.
Il a beau se contenter des dons du sort et de la médiocrité du sage, il y a des moments où il sent le besoin pourtant d’un peu plus de fortune pour la variété et pour le renouvellement de la vie ; il a conscience de ce qui lui manque, tant pour l’entière satisfaction du cœur et de l’esprit que pour les excitations légitimes du talent : « Il nous faudrait à tous deux (à Thomas et à lui), mais surtout à moi, dit-il, un peu plus de fortune : cela me mettrait à même de couper, par quelques parties agréables, la monotonie d’une existence qui n’a point assez de mouvement pour un homme né penseur, que la vue des mêmes visages et du même horizon ramène trop facilement sur son état et sur la misère des choses humaines. » Puis il se repent presque aussitôt d’avoir trop demandé, et faisant allusion à quelque image mélancolique que lui suggérait une lettre de Deleyre (malheureusement nous ne possédons aucune de celles qui sont adressées à Ducis) : « Hélas ! […] Deleyre lui-même, toujours agité de je ne sais quel trouble inconnu, dévoré, comme par émulation, du mal de Rousseau, ne nous rappelle pas moins, tout incrédule qu’il est, l’état du pieux et tendre William Cowper ; il s’accuse sans cesse et se croit rejeté du bonheur.
Renan, on était très-peu au fait de l’état de la science et de la critique concernant les origines du christianisme. […] Ce n’était pas à dire, malgré tout, que l’état des esprits, même dans ce qu’on peut appeler la masse ou la majorité, ne fût devenu bien différent de ce qu’il était au XVIIIe siècle et pendant les premières années de la Restauration.
Ce n’est pas un de ces talents qui se réservent pour donner en deux ou trois grandes occasions, qui s’y préparent à l’avance, et qui, une fois le grand site décrit, le grand morceau exécuté, se détendent et se reposent : c’est chez lui un état pittoresque habituel, facile, une manière continue, et pour ainsi dire inévitable, de tout voir et de montrer ce qu’il a vu. […] La gorge est taillée dans d’immenses roches de marbre rouge dont les assises gigantesques se superposent avec une sorte de régularité architecturale ; ces blocs énormes aux larges fissures transversales, veines de marbre de la montagne, sorte d’écorché terrestre où l’on peut étudier à nu l’anatomie du globe, ont des proportions qui réduisent à l’état microscopique les plus vastes granits égyptiens.
C’en est fait dès longtemps, pour les contrées et pour les nations, de ces rôles naturels et vierges en quelque sorte, de ces rôles de jeunesse : l’ancien monde est saturé ; il a passé par tous les emplois et par tous les âges, par tous les états de l’histoire. […] Il avait eu affaire aux barbares ; il connaissait à fond l’état de Rome et sa corruption ; il prévoyait le moment où cet orgueilleux colosse romain ne pourrait plus suffire à sa propre défense, et il voulait y pourvoir en déblayant, pour ainsi dire, toute la banlieue de l’Empire, en l’environnant de l’effroi de ses armes et de la terreur du nom romain, en y plaçant sans doute des colonies militaires, comme des sentinelles avancées.
C’est un spectacle neuf pour le voyageur qui, partant d’une ville principale où l’état social est perfectionné, traverse successivement tous les degrés de civilisation et d’industrie qui vont toujours en s’affaiblissant, jusqu’à ce qu’il arrive en très peu de jours à la cabane informe et grossière, construite de troncs d’arbres nouvellement abattus. […] L’autre Mémoire sur les avantages à retirer de colonies nouvelles dans les circonstances présentes mériterait aussi une analyse : il se rapporte particulièrement à l’état moral de la France d’alors, et il est plein de vues sages ou même profondes.
Il est impossible, en effet, de se rendre compte du rôle et des desseins de César sans retracer à fond l’état de la république, telle que l’avaient faite les dernières luttes de Marius et de Sylla. […] Elle est immédiatement précédée d’une digression approfondie sur la réforme politique du dictateur, et sur l’état probable où il trouva les comices ou assemblées du peuple.
Un chanoine de Soissons lui ayant prêté un jour quelques livres de piété, le jeune La Fontaine se crut du penchant pour l’état ecclésiastique, et entra au séminaire. […] Mais, dès 1684, nous avons de lui un admirable Discours en vers, qu’il lut le jour de sa réception à l’Académie française, et dans lequel, s’adressant à sa bienfaitrice, il lui expose avec candeur l’état de son âme : Des solides plaisirs je n’ai suivi que l’ombre, J’ai toujours abusé du plus cher de nos biens : Les pensers amusants, les vagues entretiens, Vains enfants du loisir, délices chimériques, Les romans et le jeu, peste des républiques, Par qui sont dévoyés les esprits les plus droits, Ridicule fureur qui se moque des lois, Cent autres passions des sages condamnées, Ont pris comme à l’envi la fleur de mes années.
Des textes et de la sèche érudition, il extrait la vie, vie de Cicéron, ou d’Horace, ou de Virgile, vie de la société romaine aussi en ses divers états, à ses diverses étapes : son style translucide atteint avec une égale aisance les formes sensibles et les invisibles forces, l’être individuel et l’âme collective. […] Sorel938, où les faits bien choisis, bien contrôlés, bien évalués, conduisent d’eux-mêmes la réflexion du lecteur à saisir les états moraux collectifs ou individuels qui s’y révèlent.
§ 3 Mais je n’effleure la psychologie animale, encore assez obscure, que pour mieux faire comprendre, par la comparaison, ce que c’est que la morale humaine, quelle nature elle révèle, et aussi quel degré, quel état de développement. […] Mais quoique les éléments psychiques, les idées, les désirs, les émotions et l’immense foule obscure d’états inconscients ou presque inconscients qui les soutient soient mieux harmonisés dans l’individu que les hommes dans la société, cependant les conflits sont continuels parmi eux.
C’est le 28 septembre 1864 que se dissout l’association internationale des travailleurs au meeting de Saint-Martin’s Hall à Londres, à la suite du coup d’état de l’allemand Karl Marx qui s’en est proclamé le dictateur. […] Vous n’êtes en état d’obtenir que la seule chose qui ne s’achète pas à coup de ruses basses et d’habileté vulgaire : la Gloire !
C’est ici qu’éclate, à l’état aigu, ce qu’il faudrait appeler « le cas de M. de Cygneroi », ce cas impur, presque obscène, qui fait le fond de la pièce, et qui s’y étale dans toute sa hideur. […] Mais que, dans un être organisé à l’état normal, le mépris soit le principe et la substance de l’amour, que l’homme préfère, d’instinct, la courtisane à la vierge et l’abreuvoir à la source vive ; que les taches fassent, pour lui, partie de la séduction de la femme, comme elles font partie de la beauté de la bête, c’est là un paradoxe excessif qui calomnie la nature humaine.
En 1819, il désira de faire partie du Conseil des prisons : « Vous savez mes desseins relativement aux prisonniers, écrivait-il à un de ses amis ; j’ai dans la tête un Petit Carême à leur usage, et une voix intérieure me dit que je ferai en ce genre ce qu’on n’a jamais fait, de vraies conversions au bien. » Ce Petit Carême qu’il avait dans la tête resta, comme tant d’autres de ses idées, à l’état de projet. […] À onze ans, on lui fit apprendre l’état de parfumeur.
Tel paraît avoir été, du moins, l’état vrai de la reine à un certain jour. […] Il ne voulut point que je lui parlasse d’affaires : « Je ne suis plus, me dit-il, en état de les entendre ; parlez-en au roi, et faites ce qu’il vous dira : j’ai bien d’autres choses maintenant dans la tête. » Et revenant à sa pensée : « Voyez-vous, mon ami, ce beau tableau du Corrège, et encore cette Vénus du Titien, et cet incomparable Déluge d’Antoine Carrache, car je sais que vous aimez les tableaux et que vous vous y connaissez très bien ; ah !
Gourville raconte l’état de désordre où était dans ce temps (1657) l’administration des finances ; la place était remplie de billets décriés qui provenaient de la banqueroute qu’avait faite quelques armées auparavant le maréchal de La Meilleraye (alors surintendant) ; on achetait ces anciens billets pour rien, et, en faisant des affaires avec le roi, on obtenait de Fouquet, comme condition, qu’il réassignât ces billets pour les sommes entières : « Cela fit beaucoup de personnes extrêmement riches, dit Gourville ; cependant, parmi ce grand désordre, le roi ne manquait point d’argent, et, ayant tous ces exemples devant moi, j’en profitai beaucoup. » Le roi ne manquait point d’argent, là est un point essentiel dont Pellisson s’est ensuite servi très habilement dans les Défenses qu’il a données de Fouquet. […] Le roi lui répondit : « Oui, je vous pardonne tout le passé, et vous donne ce que vous me demandez. » Au lieu de profiter du pardon et de rentrer dans les voies de la rectitude, Fouquet ne songea qu’à redoubler d’adresse ; il présentait au roi de faux états de situation, que Colbert contrôlait et réfutait en secret.
en religion alors, en théologie, ce fut un peu de même ; il y eut une génération animée de zèle, qui essaya, non pas de renouveler ce qui, de soi, doit être immuable, mais de rajeunir les formes de l’enseignement et de la démonstration, de les approprier à l’état présent des esprits, de combattre certaines routines, certaines habitudes devenues rigides ou étroites, et de rendre le principe catholique respectable à ceux même qui le combattaient : « Pour agir sur le siècle, se dirent de bonne heure ces jeunes lévites, il faut l’avoir compris. » Des noms, j’en pourrais citer quelques-uns qui, avec des nuances et des différences que l’on sait dans le monde ecclésiastique, avaient alors cela de commun, de représenter la tête du jeune clergé intelligent et studieux : M. […] Gerbet (signé X) qui en représente beaucoup d’autres, et qui a pour titre : « Sur l’état actuel des doctrines50 » ; ses objections s’adressent surtout à MM.
Quand il est soutenu par des documents, comme cela est arrivé dans l’histoire de don Pèdre, il s’élève à des exposés d’ensemble qui ont un grand mérite, et ce sont certainement de beaux chapitres que ceux où il a retracé l’état général de l’Espagne vers le milieu du xive siècle. […] Dans Le Vase étrusque, l’auteur s’est plu à retrouver des passions fortes et à les dessiner en quelques traits jusque sous notre civilisation élégante ; plus habituellement, il s’est attaché à les découvrir ou à les créer hors du cadre des salons, et, se détournant des caractères effacés qu’on y rencontre, il s’est mis en quête des natures primitives appartenant à un état de société antérieur, et qui sont comme égarées dans le nôtre.
La morsure à ces renommées était action d’éclat et comptée sur les états de service des sbires de lettres. […] Ces grands vieux monts horribles sont de merveilleux faiseurs de roses et de violettes ; ils se servent de l’aube et de la rosée, mieux que toutes vos prairies et que toutes vos collines, dont c’est l’état pourtant ; l’avril de la plaine est plat et vulgaire à côté du leur, et ils ont, ces vieillards immenses, dans leur ravin le plus farouche, un charmant petit printemps à eux, bien connu des abeilles.
. — Dans l’évolution normale, ces trois états d’esprit se succèdent, sans jamais s’exclure complètement ; Victor Hugo le remarque expressément, avec raison, dans un des passages que j’ai cités plus haut. […] Mais à côté de ces trois états d’esprit, essentiels, qui se succèdent l’un à l’autre, étant provoqués et nourris par le changement des choses, il y a d’autres façons de voir et de sentir, d’une importance secondaire mais d’un caractère permanent, parce qu’elles sont provoquées par une qualité durable des choses ; nous touchons ici à un problème important de méthode.
Bien que mon intelligence ne considérât pas sans quelque orgueil son ouvrage, mon âme ne pouvait s’accommoder à un état si peu fait pour la faiblesse humaine ; par des retours violents elle cherchait à regagner les rivages qu’elle avait perdus ; elle retrouvait dans la cendre de ses croyances passées des étincelles qui semblaient par intervalles rallumer sa foi. […] Il ne quittait leur main qu’après les avoir orientés dans ce labyrinthe, munis de classifications, de définitions, d’explications, éclairés sur la route à suivre, mis en état de guider leur guide, remplis de défiance pour eux-mêmes, d’espoir en la vérité et de confiance en la méthode.
Baudelaire lui-même n’a rien de commun, — quant à l’état de son âme, — avec les tortures morales qu’on prétend qu’il veut nous peindre. […] Les révolutions sociales le touchent plus que les révolutions de la science ; il se préoccupe de la santé morale de son siècle plutôt que de son état intellectuel. […] Il est plat et sans couleur. — Un seau puisé dans une mare, et qui passe insensiblement à l’état de carafe d’eau filtrée ! […] Pour moi, si je l’entrevis jamais, il ne m’en souvient guère, mais ceci tenait sans doute au mauvais état de ma lorgnette. […] Mais le gouvernement s’est ému de cet état ne choses.
Voilà pour ce scepticisme antique des états de service assez glorieux. […] Évidemment, ajoute-t-il, il se commet plus de crimes dans l’état social que dans l’état sauvage : Jean-Jacques aurait pu le crier encore plus haut. Comment y aurait-il beaucoup de crimes dans un état où l’homme vit isolé ? […] Résulte-t-il de cela que l’état sauvage soit réellement préférable à l’état policé ? […] Lorsque Rousseau écrit : « … L’état de réflexion est un état contre nature, et l’homme qui médite est un animal dépravé », il a bien la figure (si l’on ose dire) du renard à la queue coupée.
« Abbé, je me parus ridicule. » — « Je dis donc à ma mère que je n’étais pas assez fortement appelé à l’état ecclésiastique. » En quoi il ne se trompait pas. […] Quel était alors l’état de la société, et quelle a été l’influence de ces révolutions sur l’âge où elles éclatèrent et les siècles qui les suivirent ? […] « Si les vertus sont des émanations du Tout-Puissant ; si elles sont nécessairement plus nombreuses dans l’ordre social que dans l’ordre naturel, l’état de la société qui nous rapproche davantage de la Divinité est donc un état supérieur à celui de la nature. » (Mais alors, cette glorification de l’homme naturel que devaient être les Natchez ?) […] Mais au reste ce n’est plus là de l’ennui ou de la mélancolie : c’est un état extrême de la sensibilité, et comme une fureur que Chateaubriand n’a certainement connue qu’en des heures d’exception. […] C’est un état intermédiaire, non pas peut-être créé, mais perfectionné par l’intelligence humaine.
Son ouvrage, d’après le cadre qui lui était donné, s’arrête et devait s’arrêter à 1789, avec l’ouverture des états généraux.
Glaire en effet à cette simplicité bourgeoise, à ce phlegme incorruptible, qui mieux que la philosophie du grand monde le garantissait des illusions, qui lui faisait dire à Voltaire dont, à la lecture de Pellisson, les yeux se remplissaient de la splendeur de Louis XIV : « Mon cher, vous n’êtes qu’un enfant, qui aimez les babioles et rejetez l’essentiel ; vous faites plus de cas des pompons qui se font chez mesdemoiselles Duchappe que des étoffes de Lyon et des draps de Van-Robais. » ou bien encore qui lui faisait comparer un état épuisé qui donne des fêtes pour mettre l’argent en circulation à une vieille comtesse ruinée qui ouvre brelan et donne à souper avec l’argent des cartes !