Nous serons très discret à notre tour, nous efforçant seulement de bien définir cette corde si fondamentale en ce qui touche l’âme et le talent du grand écrivain. […] Mais, au moment où tout va s’aplanir, où la jeune fille est touchée, où sa mère, qui la devine, prévient l’aveu et offre d’elle-même l’adoption de famille au jeune étranger, un mot fatal vient rompre l’enchantement : Je suis marié ! […] En ce qui est de cette mère de Charlotte, c’est à la fois un trait de mauvais goût et l’indice d’un cœur médiocrement touché. […] » On voit percer, même dans cette scène qui vise et touche à l’émotion, cette double fatuité qui ne le quitte jamais, celle de l’homme à bonnes fortunes qui veut rester jeune, et celle du personnage littéraire qui ne peut s’empêcher d’être glorieux. […] » Nous touchons là à l’accent distinctif et nouveau qui caractérise Chateaubriand dans le sentiment et dans le cri de la passion.
Enfin l’assujetissement à suivre une déclamation écrite en notes ne rendroit pas les acteurs de l’antiquité, des acteurs froids et par conséquent incapables de toucher le spectateur. En premier lieu, comme les acteurs qui recitent des opera ne laissent pas d’être touchez eux-mêmes en recitant, comme l’assujetissement où ils sont de suivre la note et la mesure ne les empêche point de s’animer, et par consequent de déclamer avec une action aisée et naturelle, de même l’assujetissement à suivre une déclamation notée dans laquelle étoient les acteurs des anciens, n’empêchoit pas ces acteurs de se mettre à la place du personnage qu’ils representoient. […] En second lieu, et ceci détruiroit seul l’objection à laquelle je réponds, nous sçavons très certainement que les acteurs des anciens se touchoient autant quoiqu’ils fussent astreints à suivre une déclamation composée, que les nôtres se touchent en déclamant arbitrairement. […] Ils étoient touchez, donc ils faisoient pleurer comme les nôtres.
Il n’est plus permis d’y toucher. […] Ôtez ce qu’il cite dans son livre du Mémorial de Sainte-Hélène et des Lettres de Napoléon, je ne sais pas ce qu’il y reste, ou plutôt je ne le sais que trop… Sans son audacieuse tentative de toucher à la reine des histoires (Ne touchez pas à la Reine !) […] Il s’agit enfin de s’opposer une fois pour toutes à cette irruption d’écrivains qui, sans la vocation du talent et le droit de l’intelligence, touchent à un sujet historique réservé à la main des Maîtres.
D’où l’on voit que les objets que nous touchons, voyons ou percevons par un sens quelconque, ne sont que des simulacres ou fantômes exactement semblables à ceux qui naissent dans l’esprit d’un hypnotisé, d’un rêveur, d’un halluciné, d’un homme affligé de sensations subjectives. […] Il y a d’autres cas encore où, directement, nous pouvons l’en séparer ; ce sont toutes les erreurs de la perception extérieure, surtout celles du toucher et de la vue. […] Par exemple, lorsque, les yeux fermés, nous touchons une boule avec l’index et l’annulaire croisés, nous croyons toucher deux boules ; voilà une des erreurs du toucher. […] Quand je vois l’arbre ou que je touche la boule, ma sensation me suggère un jugement, c’est-à-dire une conception et une affirmation. […] S’il voit, flaire ou touche une pièce de viande, il a, par réviviscence et association, l’image d’une sensation de saveur agréable, et cette image le pousse à happer le morceau.
C’est que ce chuchotement ne touche aucun point pour ainsi dire explosible de leur cerveau. […] Janet lui touche la main. Si une autre personne que lui la touche, rien ne se produit ; mais si M. Janet touche lui-même cette seconde personne, même à l’insu de la somnambule, l’hallucination réapparaît aussitôt, comme si une action quelconque exercée par lui avait passé au travers du corps de la personne qu’il touche. […] Si un assistant touchait en même temps un autre doigt, jamais il ne le rendait insensible ou rigide.
Après un tel aveu, je ne vous dirai pas Que votre passion est pour moi sans appas, Et que d’aucun plaisir je ne me sens touchée, Lorsqu’à tant de respect je la vois attachée. […] Le masque est si charmant, que j’ai peur du visage, Et même, en carnaval, je n’y toucherais pas. […] On ne peut pas aimer les dieux comme on aime les hommes ; parce qu’on ne peut pas aimer la perfection comme on aime un être imparfait ; la perfection nous attire ; mais quand nous la touchons elle nous intimide. […] L’onde, pour la toucher, à longs flots s’entre-pousse ; Et d’une égale ardeur chaque flot à son tour S’en vient baiser les pieds de la mère d’Amour. […] Ce n’est pas absolument de la très grande poésie, mais La Fontaine y touche et y touche de très près.
La vie se montre le support et le moyen indispensable de la connaissance, son intensité détermine strictement l’horizon de la connaissance future : on a déjà précédemment touché la même conclusion en montrant le Génie de l’Espèce serviteur et moyeu du Génie do la Connaissance. […] Il en est de même en ce qui touche à beaucoup d’autres parts du domaine scientifique, où l’on voit que les vérités se succèdent et se détruisent les unes les autres, sans qu’il en résulte autre chose qu’un épanouissement et une exubérance de ht faculté de connaître. […] D’un point de vue plus positif, elles se montrent encore le moyen inflexible par lequel le contenu de toute connaissance apparaît nécessairement indéterminé, inconsistant et instable, en proie à la possibilité d’une dissociation indéfinie, le principe de causalité contraignant l’esprit, à l’occasion de tout phénomène quel qu’il soit, à remonter sans répit de cause en cause, sans lui permettre de toucher jamais une origine première, les lois de l’espace et du temps secondant, par leur élasticité sans limites, la tâche de la causalité pour égarer l’esprit, donnant naissance à ces antinomies qui nous avertissent du caractère fictif de toute connaissance et aboutissent à nous présenter l’univers, ainsi qu’on s’est efforcé de le montrer au deuxième chapitre du livre précédemment invoqué1 comme un système d’illusionnisme. […] *** En ce qui touche aux réalités créées sous l’action d’une utilité vitale, comme en ce qui touche aux réalités créées sous l’action d’une utilité de connaissance, il est aisé de montrer que l’utilité humaine est l’unique auteur de ces réalités et confère seule, et par une intervention tout arbitraire, à la substance phénoménale qui s’écoule, la rigidité et la durée qui la rendent saisissable.
Il n’y a rien de commun certainement entre la touche de M. Bouilhet, qui a une touche, et la touche de M. […] Louis Bouilhet n’est présentement aux yeux de la Critique, qui ne croit pas à la solidité des succès que les bourgeois bâtissent, rien de plus que la cinquième roue au char du romantisme qui dételle… Je sais bien qu’il ne nous croira pas, ni pour le romantisme ni pour lui… Il ne croira jamais, parce que nous le lui disons, qu’il n’est qu’un Victor Hugo de dixième venue, un enfant robuste qui n’a pas craint de toucher au cor de ce Roland qui a sonné dans Les Contemplations, son Roncevaux littéraire, et s’est mis à en sonner comme s’il était Roland lui-même, devant crever au bout, non de désespoir, mais de l’entreprise, quoiqu’il ait eu foi, comme un enfant, en sa trompette !
II Il en est ainsi en ce qui touche à la réalité psychologique où toutes les autres formes de la réalité se viennent refléter, et il en est ainsi, soit que l’on conteste, soit que l’on accorde l’existence du monde extérieur. […] Cet automatisme, qui semble probable en ce qui touche aux actes pourtant complexes de certains insectes, les abeilles, les chenilles, les fourmis, qui semble le cas normal en ce qui touche à toutes les fonctions gouvernées par le grand sympathique, respiration, digestion, circulation du sang, cet automatisme se peut observer également à l’égard de toute une série d’actes habituels qui sont exécutés tout d’abord sous le regard de la conscience, mais qui, enregistrés par l’organisme d’une façon parfaite, s’accomplissent par la suite inconsciemment.
et c’est la sincérité cordiale de son inspiration et la familiarité poignante de sa touche. […] Indépendamment de son inspiration et de sa touche à pleine main, Bouniol a d’autres qualités encore, que les esprits amoureux exclusifs du détail ne verraient pas, mais que nous voyons, nous ! […] Touchera-t-il son obole de gloire ?
Toutes les têtes de la même touche, et coulées dans le même creux. […] Elles sont lourdement touchées et sans finesse. […] Tableau détestable de tout point de dessein, de couleur, d’effet, de composition, pauvre, sale, mou de touche, papier barbouillé sous la presse de Gautier.
Ainsi leur émotion seule nous touche subitement ; et ils obtiennent de nous, en nous attendrissant, ce qu’ils n’obtiendroient jamais par la voïe du raisonnement et de la conviction. […] Pourquoi les acteurs qui se passionnent veritablement en déclamant, ne laissent-ils pas de nous émouvoir et de nous plaire, bien qu’ils aïent des défauts essentiels : c’est que les hommes qui sont eux-mêmes touchez, nous touchent sans peine.
Renan, quelle est la règle de vie la plus convenable au philosophe qui fait le métier dangereux de toucher aux préjugés de son siècle ? […] ∾ Nous touchons au secret, à la grande habileté du sage : c’est parce qu’il ne veut qu’une seule chose, qu’il finit toujours par l’obtenir. […] Vingt fois il touche à ces brûlantes questions ; vingt fois il est sur le point de réformer nos idées sur le juste et l’injuste, sur le tien et le mien, mais il s’arrête, ce vrai philosophe !
Théophile Gautier ne ferait pas, s’il pouvait saigner, ni personne de cette école qui voudrait dorer l’or et blanchir le lis, et qui laisserait tout ce vermillon couler avec faste, tandis que le poète, en M. de Châtillon, a la pudeur d’essuyer sa blessure et ne tache plus les choses qu’il touche que du rose d’un sang épuisé, qui fait bien plus de mal à voir que s’il était couleur de pourpre ! […] Il faut bien l’avouer, par l’exécution la plus générale de ses poésies, il touche aux Matériels. […] Auguste de Châtillon, et ici je touche au point vif de son Recueil… Il y a une influence et une influence terrible dont il n’est pas le seul parmi les poètes à porter le poids et que je voudrais lui voir repousser. […] lui aussi, la mauvaise démocratie l’emporte, et il touche par là au Réalisme, cet idéaliste de sentiment.
Cette intelligence secrète et sentie que n’ont pas eue tant d’estimables historiens, pourtant réputés à bon droit critiques, ce don, cet art particulier dont la sobre magie se dissimule à chaque pas, qui ne convertit pas tout en or, mais qui rend à tout ce qu’il touche la qualité propre et la vraie valeur, tient de très-près à l’esprit poétique, modéré et corrigé comme je l’entends. […] On arriverait naturellement à cette conséquence assez singulière, que, sous une telle forme sobre et dissimulée, l’esprit poétique, intime, précis, et en tant qu’il touche aux racines mêmes, existe plus peut-être que dans d’autres manières bien autrement brillantes et spécieuses, où le critique écrivain se rapproche et s’inspire davantage de l’orateur et du peintre. […] Au lieu de Salvien qui fait l’oraison funèbre de la société et de saint Hilaire qui tonne aussi, on touche à Pascal et à Bossuet : on a déjà Polyeucte dans l’art. — Mais c’en est assez pour démontrer aux incrédules (s’il y en avait) le lien étroit que l’introduction de M. […] Son Hilda (c’est le titre de cette nouvelle gallo-germanique168) serait comme une barque plus légère voguant à côté de l’escadre imposante, et allant toucher à des points du rivage où le gros vaisseau de l’histoire n’atteint pas. […] Ampère touchât un mot du doute soulevé et de la querelle.
Une certaine matière sensible n’est-elle pas offerte à la vue, à l’ouïe, au toucher, etc., dans le sommeil comme dans la veille ? […] Le toucher intervient d’ailleurs autant que l’ouïe. […] Il consiste à se sentir voler, planer, traverser l’espace sans toucher terre. […] Vous vous disiez donc que vous ne touchiez plus terre, encore que vous fussiez debout. […] Plus importantes encore sont les sensations de « toucher intérieur » émanant de tous les points de l’organisme, et plus particulièrement des viscères.
Nous sommes bien plus touchés des excès que de la commodité de sa méthode. […] Et pourtant telle est la simplicité et la profondeur de sa foi, qu’à la longue on se sent touché de respect. […] Il ne prend pas plus de liberté avec le Christ, malgré les invitations de l’Homme-Dieu à venir à lui, à le suivre, à le toucher. […] Le critique supérieur est celui que touchent les unes comme les autres. […] Les gens qui aiment bien Racine l’aiment de cœur, et c’est au cœur qu’on les touche quand on dit du mal de leur poète.
Mézeray est modeste sur les erreurs ; il reconnaît qu’il a dû en commettre beaucoup : « Et vraiment il n’est pas au pouvoir d’un homme mortel de faire une course de douze siècles sans broncher. » De son style il déclare qu’il ne dira rien ; mais on voit qu’il y tient et qu’à ce début il l’a soigné : « C’est à vous, dit-il aux lecteurs désintéressés, à prononcer si j’ai écrit d’une belle manière, si j’ai découvert quelques lumières qui n’eussent pas encore été démontrées ; là où j’ai touché au but, et là où je m’en suis éloigné. » Il nous rappelle ce que nous ne devons jamais oublier quand nous nous reportons à la première époque où parurent ces ouvrages une fois en vogue, et dès longtemps vieillis : c’est que, si la matière était déjà vieille alors et semblait telle, la forme qu’il lui donnait à son heure la rendait toute nouvelle. […] La touche un peu rude et parfois cornélienne de Mézeray s’est adoucie pour peindre cette princesse d’une influence à la fois si chaste et si pénétrante. […] Cette page de Mézeray est de celles qui rappellent le mieux la touche d’Amyot, treize ans avant Les Provinciales. […] Aussi faible d’esprit qu’il était robuste de corps, sa force étant telle que d’un coup de massue il abattait le cheval et le cavalier, et rompait la plus forte lance sur son genou… Du reste, il n’avait point de vices d’homme privé, mais était vaste et sans mesure en toutes choses… Je ne fais que toucher les principaux traits, j’en supprime d’énergiques et de familiers, mais qui font bien en leur lieu. […] Il sait y faire entrer les circonstances qui parlent et qui animent un récit : « Quand il allait par les champs, dit-il de Louis XII, les bonnes gens accouraient de plusieurs journées pour le voir, lui jonchant les chemins de fleurs et de feuillages, et, comme si c’eût été un Dieu visible, essayaient de faire toucher leurs mouchoirs à sa monture pour les garder comme de précieuses reliques. » J’essaie, en ramassant tous ces exemples, de donner l’idée et le sentiment du genre de mérite et de charme que je trouve au style ou plutôt à la langue et à la touche éparse de Mézeray ; il me reste à insister sur ses parties sérieuses d’historien, et aussi à traiter des originalités ou bizarreries de l’homme.
Avant tout, il veut toucher. Toucher, c’est faire partager au lecteur les sentiments qu’on a prêtés à ses personnages ; c’est nous mettre, par une sorte de contagion, dans l’état d’âme et dans les divers états d’âmes des personnages qu’on a créés. Si l’auteur ne réussit point à cela, s’il ne touche pas du tout, laissons-le ; mais s’il nous touche un peu, ne résistons-pas, laissons-nous conduire à cet aimable guide, laissons-nous aller à l’impression, laissons-nous toucher, laissons-nous attendrir. […] Au XVIe siècle, un humaniste est un homme que le problème religieux, ou plus exactement ce qu’il y a de problèmes dans le sentiment religieux et dans la croyance, ne torture pas ; au XVIIe siècle, « le partisan des anciens » est un homme que la gloire de Louis le Grand, encore qu’elle le touche, n’éblouit point et n’hypnotise pas ; au XVIIIe siècle, l’homme de goût (très rare) est celui qui n’est pas très persuadé que l’univers vient pour la première fois d’ouvrir les yeux à la raison éternelle et que le monde date d’hier, d’aujourd’hui ou plutôt de demain ; au XIXe siècle, le classique, vraiment digne de ce nom, est celui qui n’est pas comme subjugué par les Hugo et les Lamartine et qui s’aperçoit, de tout ce qu’il y a, Dieu merci, de classique dans Hugo, Lamartine et Musset, et qui garde assez de liberté d’esprit pour lire Homère pour Homère lui-même et non pas en tant qu’homme qui annonce Hugo et qui semble quelquefois être son disciple.
En effet l’évenement qu’un poëte tragique aura trop laissé prévoir en le préparant grossierement, ne laissera point de nous toucher s’il est bien traité. […] Quoique les évenemens de Polieucte et d’Athalie ne surprennent pas veritablement ceux qui ont vû plusieurs fois ces tragedies, ils ne laissent pas de les toucher jusques aux larmes. […] Voilà pourquoi les hommes préfereront toujours les poemes qui touchent, aux poemes reguliers.
C’est ainsi qu’un vieux médecin, bien qu’il soit né tendre et compatissant, n’est plus touché par la vûë d’un mourant autant que l’est un autre homme, et autant qu’il le seroit encore lui-même, s’il n’avoit pas exercé la médecine. […] Ils sont en habitude d’être émus si foiblement, qu’ils ne s’apperçoivent presque pas si l’ouvrage les touche ou s’il ne les touche point.
Le mérite réel consiste à plaire et à toucher. Le mérite de comparaison consiste à toucher autant ou plus que certains auteurs dont le rang est déja connu. […] Je dis donc en premier lieu, que le public se trompe quelquefois lorsque trop épris du mérite des productions nouvelles qui le touchent et qui lui plaisent, il décide en usurpant mal à propos les droits de la postérité, que ces productions sont du même genre que ceux des ouvrages des grecs ou des romains, qu’on appelle vulgairement des ouvrages consacrez, et que ses contemporains leurs auteurs, seront toujours les premiers poetes de leur langue.
Il n’y avait là, si on veut, qu’une poignée de jeunes filles, pauvres et nobles, à qui le roi payait le sang des pères morts pour lui, mais ces jeunes filles élevées par le roi, dirigées par madame de Maintenon, surveillées par Bossuet et par Fénelon, ces jeunes filles qui, dans leurs divertissements littéraires, avaient Racine pour répétiteur, devenaient un jour des mères par la chair ou l’esprit, — car celles qui ne se mariaient pas étaient dames de Saint-Cyr à leur tour : des mères spirituelles, — et, toutes, elles faisaient descendre dans la société, dans le sang social, par leurs enfants ou par leurs élèves, ce qu’elles avaient puisé au sein d’une éducation sensée et religieuse, où le grandiose touchait à la simplicité. […] Si admirablement élevés qu’aient été nos officiers sortis de Saint-Cyr depuis 1805, — et même en raison de cette éducation militaire qui passe l’uniforme à l’esprit, — ils ne représentent pas la société de leur temps dans toutes ses nuances, comme ces belles jeunes filles, qui touchaient, elles, par tous les points de leur éducation et de leur vie, à toutes les idées et à tous les sentiments du xviie siècle, représentent celle du leur et la traduisent à l’imagination charmée. […] L’historien de la maison qu’elle a fondée est trop près d’elle, il a trop touché à son œuvre, — aux débris de son monument, — pour ne pas rendre justice à la hauteur de sa raison, à la fermeté de son esprit, à toutes les qualités décisives et souveraines dont elle était douée. […] Réellement, de la plupart des femmes qui ont touché de leurs mains frêles le terrible affiquet du Pouvoir, elle est la plus voilée et la plus inexplicable.
Je vais vous lire encore… » « Votre état me touche (continuait-il en 1745), à mesure que je vois les productions de votre esprit si vrai, si naturel, si facile et quelquefois si sublime… » Et, en 1746, faisant toujours la boule de neige de ces incroyables éloges : « Je vais lire vos portraits, — lui mandait-il. — Si jamais je veux tracer celui du génie le plus naturel, de l’homme du plus grand goût, de l’âme la plus haute et la plus simple, je mettrai votre nom au bas… » Ailleurs, à propos de cette détestable et ridicule déclamation, fausse comme les larmes d’un catafalque, sur la mort d’Hippolyte de Seytres, tué dans la campagne de Bohême, il avait déjà comparé Vauvenargues à… Bossuet ! Assurément, une telle furie d’admiration touchait au délire. […] C’est, en effet, cette ambition, même infortunée, qui empêcha Vauvenargues de toucher au malheur suprême ; car l’ambition est faite dans nos cœurs avec de l’orgueil et de l’espérance, et Vauvenargues mourut avant de désespérer. […] La renommée qu’il doit à Voltaire tombera en miettes devant la Critique qui le touchera d’un doigt ferme, comme un vieux tableau pulvérisé.
Je vais vous lire encore… Votre état me touche (continuait-il en 1745), à mesure que je vois les productions de votre esprit si vrai, si naturel, si facile et quelquefois si sublime… » Et en 1746, faisant toujours la boule de neige de ces incroyables éloges : « Je vais lire vos portraits, lui mandait-il. […] Assurément une telle furie d’admiration touchait au délire. […] C’est, en effet, cette ambition, même infortunée, qui empêcha Vauvenargues de toucher au malheur suprême, car l’ambition est faite dans nos cœurs avec de l’orgueil et de l’espérance, et Vauvenargues mourut avant de désespérer. […] La renommée qu’il doit à Voltaire tombera en miettes devant la Critique qui le touchera d’un doigt ferme, comme un vieux tableau pulvérisé.
Il allait toucher à son midi de talent en 1830, en ce fervent et bouillonnant 1830 qui entraînait tout, poussait tout à la rescousse de la littérature. […] Nulle part on n’avait vu plus de littérature travaillée, archi-travaillée, d’un art qui touche à l’artifice et d’un artificiel qui touche presque à l’artificieux, — nulle part, même dans Chateaubriand ! […] Seulement, elle ne fut pas de force à monter avec le poète jusqu’à la hauteur de ses Harmonies, et comme, plus tard, il devait rester au plafond où il avait voulu siéger seul, le poète resta seul aussi dans son ciel… Ce qu’il y avait d’amour humain dans ses Méditations avait saisi toutes les âmes et touché tous les cœurs, mais l’amour de Dieu est d’une grandeur et d’une beauté plus incompréhensibles à la majorité des hommes.
ils ne peuvent sourire sans compter qu’ils souriront toujours ; ils ne peuvent pleurer sans penser qu’ils touchent à la fin de leurs larmes. […] La mort, si poétique parce qu’elle touche aux choses immortelles, si mystérieuse à cause de son silence, devait avoir mille manières de s’annoncer pour le peuple. […] Toucher au nid d’une hirondelle, tuer un rouge-gorge, un roitelet, un grillon, hôte du foyer champêtre, un chien devenu caduc au service de la famille, c’était une sorte d’impiété qui ne manquait point, disait-on, d’attirer après soi quelque malheur.
Touchez un fil de télégraphe, vous ne sentirez pas si ses particules sont à l’état de repos ou de mouvement électrique. […] La plupart des psychologues, avec Spencer, Bain, Wundt et Taine, cherchent dans le toucher le type des sensations fondamentales. Les sensations du toucher, à leur tour, comprennent des sensations de contact et de température. […] Dans le domaine du sens qui paraît le plus primitif, le toucher, la complexité subsiste, et la simplicité n’est qu’une limite idéale, impossible à atteindre. […] Je distingue de même une sensation de lumière d’une sensation de son ou de toucher.
Zola, qui avait été fort touché de l’admiration expansive de M. […] Dans plusieurs passages du drame de l’Ambigu, on retrouve la touche vigoureuse du puissant naturaliste. […] Et quand on l’ouvre il est vide ; c’est un fruit qu’un ver a mangé intérieurement, et qui s’écrase dès qu’on le touche. […] Il ne faut pas toucher à l’ordure du mal ; laissons-la entassée, augmentant sans cesse ! […] Je n’y toucherai pas, voilà tout.
C’est, sous son nom abstrait, mis bravement à la tête du livre pour faire tête de Méduse aux sots et les empêcher d’y toucher, — car les sots de moins dans un débat en rendent facile la conclusion, — une thèse vieille comme l’Église elle-même. […] En creusant cette notion si pleine et si profonde, impossible de ne pas toujours dégager l’une ou de raconter l’autre, quand on ne fait pas tous les deux ; car, de rigueur et en tout, l’invisible donnant le visible, je ne sache comment on pourrait toucher à l’histoire de l’Église sans toucher au principe par lequel elle est, par conséquent sans faire de la philosophie, — et comment toucher à son principe, qui est sa philosophie, sans faire de l’histoire, qui prouve les principes par les faits ! […] Caro ne parlera jamais, — doit être mis à part de tous les autres livres qui ont jamais touché à ce sujet. […] tout cela a le malheur, définitif et suprême, d’exprimer la vérité, l’invalidante vérité, et cette vérité est si haïe et méprisée que ceux qui pourraient lire ce livre pour sa seule beauté ne le lisent pas et n’y touchent pas, à cause de sa vérité !
Section 11, que les beautez de l’execution ne rendent pas seules un poëme un bon ouvrage, comme elles rendent un tableau un ouvrage precieux Il n’en est pas des poëtes, qui n’ont d’autre merite que celui d’exceller dans la versification, et qui ne sçavent pas nous dépeindre aucun objet capable de nous toucher ; mais qui, pour me servir de l’expression d’Horace, ne mettent sur le papier que des niaiseries harmonieuses, comme des peintres dont je viens de parler. […] Dès que le erite principal des poëmes et des tableaux consiste à répresenter des objets capables de nous attacher et de nous toucher si nous les voïons veritablement, il est facile de concevoir combien le choix du sujet est important pour les peintres et pour les poëtes.
Nous devons ces idées à diverses sensations parmi lesquelles il faut compter avant tout celles dues au toucher et à faction musculaire. […] Je touche quelque chose, et j’ai la sensation de résistance, l’idée de résistance étant ce qu’il y a de fondamental dans tout agrégat auquel nous donnons le nom d’objet. Dans ce cas, il y a deux choses : l’objet touché, le doigt touchant.
Il n’en est pas de même des peintures de l’amour qui sont dans les écrits des anciens : elles touchent tous les peuples ; elles ont touché tous les siecles, parce que le vrai fait son effet dans tous les tems et dans tous les païs. […] Les peintures de cette passion qui sont dans les poësies des romains nous touchent comme celles qui sont dans les poësies des grecs touchoient les romains.
Auguste Nicolas était déjà connu par ses Études philosophiques sur le Christianisme, qui firent tant d’impression quand elles parurent, son talent ayant cela de particulier et de supérieur dans sa mesure qu’il touche juste et vous prend où il a touché. […] Cette faculté de toucher et de pénétrer, qu’on appellerai le don d’intime séduction, si l’idée du mal ne rampait pas au fond de ce mot trop charmant de séduction, créa sur-le-champ, dans l’opinion des connaisseurs en cœur humain, une grande importance à Nicolas.
Entre tous ces portraits aucun qui arrête, un seul excepté, qui est de Roslin et que je viens d’attribuer à Perronneau, c’est celui de cette femme dont j’ai dit que la gorge était si vraie qu’on ne la croirait pas peinte, c’est à inviter la main comme la chair ; la tête est moins bien, quoique gracieuse et fesant bien la ronde bosse ; les yeux étincelent d’un feu humide ; et puis une multitude de passages fins et bien entendus, un beau faire, une touche amoureuse. Celui de Madame De Marigny est assez bien entendu pour l’effet d’une couleur agréable, mais la touche en est molle, il y a de l’incertitude de dessin, la robe est bien faite ; la tête est tourmentée ; la figure s’affaisse, s’en va, ne se soutient pas, elle a l’air mannequiné ; les bras sont livides et les mains sans formes, la gorge plate et grisâtre ; et puis sur le visage un ennui, une maussaderie, un air maladif qui nous affligent.
Quand il aurait ajouté que ses deux bras allaient toucher aux deux extrémités de l’horizon, aux deux endroits opposés où le ciel confine avec la terre, il n’aurait presque rien fait de plus. […] Un petit nombre de syllabes emphatiques et lentes lui ont suffi pour étendre la tête de sa figure ; cette tête est énorme lorsqu’elle touche le ciel, il en faut convenir ; et l’imagination a passé, malgré qu’elle en ait, de l’image d’un enfant de quatre ans à l’image d’un colosse épouvantable. […] Je lis dans un endroit de mon répertoire : bien coloriées, bien touchées, et de beau caractère… et dans un autre endroit barbe d’ébène, noire, compacte, cheveux de même ; bout de vêtement sec et raide. […] Ce sont des faunes, des satyres ; c’est un petit sacrifice bien pensé et bien touché.
Il semble qu’il n’ose les toucher. […] Il ne cesse pas d’occuper toute son enveloppe, de la toucher en tous ses points. […] Mais jamais il ne touche. […] Il ne touche les objets que pour les éviter, que pour glisser au long d’eux par un souple dégagement. […] Je contemple celui qu’aucune défaite n’a touché.
Mme Valmore, au premier mot qu’on lui en toucha, eut d’instinct un mouvement de refus. […] Des obstacles de bien des sortes donnent un démenti à ce mot toujours… Mais tu vois aussi que la persévérance dans le bien touche toujours la bonté de Dieu qui semble dire à la fin : “Laissez-la faire.” […] Je ne sais, après tant de douleurs, ce qui pouvait me toucher davantage. […] Il faut voir comme cela est dit et touché. […] Sainte-Beuve touchait autour de lui, et parmi ses lecteurs, à des cordes vibrantes où l’amitié résonnait et devait répondre.
Mais il lui est défendu de toucher à l’histoire. S’il y touche, le préjugé se lève ; et, s’il l’écrit, c’est qu’il la fait. […] Les moralistes n’ont pas assez remarqué l’action mystérieuse de l’Église sur les esprits qu’elle touche. […] Il en rapporta un livre d’une touche inconnue, une grande œuvre, la Vie de Luther. […] Bossuet, homme de sommet, et d’un sommet qui touche au ciel, reste sur sa hauteur dans son histoire.
Préparez, quand vous voulez toucher ; n’interrompez jamais les assauts que vous livrez au cœur. […] Voilà ce qui alarme, ce qui attache : ce n’est pas le meurtre qui touche, c’est l’intérêt qu’on prend au malheureux qui le commet, ou à celui qui en est l’objet, et quelquefois à tous les deux ensemble. […] Le premier consiste à relever, à anoblir par des figures et à représenter par des images propres à nous émouvoir, tout ce qui ne toucherait pas s’il était dit simplement. […] Les malheurs épouvantables tomberont sur un homme, que j’en serai peu touché, si vous ne me l’avez pas montré d’abord digne de ma compassion, et de ma pitié. […] Il est reçu de chanter les plaintes, la joie et la fureur ; mais la musique, faite pour toucher, ne raisonne pas.
Section 8, des differens genres de la poësie et de leur caractere Il en est de même de tous les genres de poësie, et chaque genre nous touche à proportion que l’objet, lequel il est de son essence de peindre et d’imiter, est capable de nous émouvoir. […] Ces deux genres de poësie nous font entendre des hommes touchez, et qui nous rendroient très-sensibles à leurs peines comme à leurs plaisirs, s’ils nous entretenoient eux-mêmes.
Cela est si vrai quant à la pensée et à la langue, que, lorsque les Mémoires de Retz parurent, une des raisons qu’alléguèrent ou que bégayèrent contre leur authenticité quelques esprits méticuleux, c’était la langue même de ces admirables Mémoires, cette touche vive, familière, supérieure et négligée, qui atteste une main de maître et qui choquait ceux qu’elle ne ravissait jamais. […] Voulant donc convaincre le prince de Condé qu’il y a un grand et incomparable rôle à jouer dans cette crise entre la magistrature et la Cour, voulant tempérer son impatience et ses colères à l’égard du Parlement, et lui prouver qu’on peut arriver moyennant un peu d’adresse, quand on est prince du sang et vainqueur comme il l’est, à manier et à gouverner insensiblement ce grand corps, Retz, dans un discours qu’il lui tient à l’hôtel de Condé (décembre 1648), s’élève aux plus hautes vues de la politique, à celles qui devancent les temps, et à la fois il touche à ce qui était pratique alors. […] il a toujours eu en tout, comme en son parler, de certaines obscurités qui ne se sont développées que dans les occasions, mais qui ne se sont jamais développées qu’à sa gloire » ; Mme de Longueville qui « avait une langueur dans ses manières qui touchait plus que le brillant de celles mêmes qui étaient plus belles. […] Il faudrait tout citer, tout rappeler dans ses tableaux d’une touche à la fois si forte et si ravissante. […] Retz, vous le pensez bien, n’en est pas dupe, et, montrant tout aussitôt Paris, dès qu’on lui a rendu son Broussel, redevenu « plus tranquille que je ne l’ai jamais vu le Vendredi saint », il nous fait sentir la contrepartie railleuse sans l’exprimer. — « La Cour qui se sentait touchée à la prunelle de l’œil… » dira-t-il à propos de la révocation des intendants, mise en délibération par les cours souveraines réunies ; il est rempli de ces expressions sensibles et animées.
La Critique littéraire, cette distraite trop souvent ou plutôt cette préoccupée, en avait dit, quand il parut, un mot en passant comme d’une jolie chose qui l’avait touchée, cette princesse ! […] Oui, le prosélytisme est le fond de ce livre, et en écrivant ce mot-là qui paraît bien gros en parlant d’une chose si finement touchée, nous avons dit le secret de celle qui l’a écrit. […] Talent très féminin, qui touche et qui sait plaisanter, et qui doit cacher une charmante femme, supérieure de sa personne à son talent, quand il y a tant de gens qui de leurs personnes sont plus petits, elle a l’enjouement, comme elle a les larmes, comme elle a le feu, — le feu sacré, l’étincelle pour l’encensoir. […] L’auteur, nous l’avons vu plus fort, plus peintre, plus savant de touche dans Michelet, avant que Michelet eût dégradé sa palette ; mais ce que nous n’avons vu nulle part, c’est la tendresse infinie qui imbibe ces pages où l’esprit parfois étincelle ! […] Elle sait toucher aux cœurs brisés, Elle les brise même parfois, mais elle les guérit de leurs brisures en leur faisant partager ses religieuses espérances.
Avoir fait de la pauvreté un objet d’amour et de désir, avoir élevé le mendiant sur l’autel et sanctifié l’habit de l’homme du peuple, est un coup de maître dont l’économie politique peut n’être pas fort touchée, mais devant lequel le vrai moraliste ne peut rester indifférent. […] Les pharisiens, exagérant les prescriptions mosaïques, en étaient venus à se croire souillés par le contact des gens moins sévères qu’eux ; on touchait presque pour les repas aux puériles distinctions des castes de l’Inde. […] se disaient les puritains, cet homme n’est point un prophète ; car, s’il l’était, il s’apercevrait bien que la femme qui le touche est une pécheresse. » Jésus répondait par la parabole d’un créancier qui remit à ses débiteurs des dettes inégales, et il ne craignait pas de préférer le sort de celui à qui fut remise la dette la plus forte 525. […] Les mères, encouragées par un tel accueil, lui apportaient leurs nourrissons pour qu’il les touchât 535.
Les portraits modérés, tels que ceux de Gresset, de d’Aguesseau, de Vauvenargues, sont touchés avec une grâce parfaite, et comme enlevés avec légèreté. […] Il ne fait pas seulement briller à nos yeux les choses éloquentes, il touche avec émotion les choses profondes. […] Tant qu’il ne se donnait pour sujet que Proclus ou même Platon, cela nous touchait moins ; mais la méthode nous est devenue très sensible depuis que nous l’avons vue appliquée à Pascal, à la sœur de Pascal, à Jean-Jacques Rousseau, à Mme de Longueville. […] Cousin a la touche plus large.
Ce qui touche tout le monde, ce qui touche éternellement, ce qui est vrai partout et toujours, voilà le beau. Encore aujourd’hui, les adieux d’Andromaque et d’Hector, la prière de Priam aux pieds d’Achille nous touchent profondément. […] Ce n’est pas à dire que les vérités scientifiques ne puissent entrer dans la littérature, mais c’est à la condition qu’elles se mêlent à des vérités humaines et qu’elles touchent à l’homme par quelques côtés, soit en lui exposant l’histoire de la terre, son domicile et son séjour, soit en lui décrivant le spectacle des astres, symbole et image du monde invisible dont son âme ressent l’éternel besoin, soit en lui peignant les mœurs des animaux, qui sont une image des mœurs humaines.
Pas de doute, pourtant, que cette femme, aux relations immenses, et plus Européenne encore que Française, qui touchait aux plus hautes sociétés de son temps et dont l’esprit, tout le temps qu’elle vécut, ressembla à l’urne penchée et bouillonnante d’un fleuve, n’ait laissé derrière elle d’autres lettres que celles qui ont donné sa goutte de vie à ce maigre livre de Weymar et Coppet, mort-né, sans ces lettres ! […] Elle a la distinction qui touche à l’originalité comme la grâce touche à la force ! […] Mais si, au lieu du génie momentané de l’écrivain, nous touchions à son génie de toujours, à ce génie qui doit s’infuser, quand on en a, dans toutes les minutes de la vie, si nous mettions enfin la morne et silencieuse fumeuse de cigarettes vis-à-vis de cette éternellement éloquente, dont aucune fumée n’a terni la lèvre éclatante, de ce Rivarol-femme, de cette Mirabeau douce…, est-ce que Mme Sand, rapetissée par le contraste, ne disparaîtrait pas du coup ?
La Critique voudra-t-elle bien y toucher de ses mains prudentes ? […] » Et sous le dard de cette question qui l’aiguillonne, l’auteur du Ménage, avant de toucher à Voltaire, nous retrace le tableau de la société de son temps et nous la peint à tous les degrés de l’amphithéâtre social, depuis les rois jusqu’aux honnêtes gens, comme disaient les philosophes en parlant d’eux-mêmes, et cela avec un détail si prodigieux qu’on dirait le pointillé le plus patient et le plus sûr de toutes les saletés de cette époque et de toutes ses infamies ! […] Nous savons bien qu’on ne touche pas à une idole pour faire mieux que de la briser, — pour la flétrir, — sans provoquer la colère des adorateurs. […] Louis Nicolardot n’a vu que cela, lui, la moralité de Voltaire, dans cette biographie qui ne touche pas à son génie, mais qui veut seulement en infirmer l’action en lui opposant l’indignité et l’abjection du caractère.
Coureurs d’idées, après qui la Forme, cette fortune des idées, se met à courir, ils ont touché à tout le clavier humain, et ils l’ont fait vibrer jusqu’à la souffrance du tympan. […] Brucker, c’est autre chose, il n’a encore qu’une célébrité contestée, et il faut l’avoir touché dans la vie littéraire pour savoir quelle flamme peut tout à coup jaillir de cette nature de naphte, de ce volcan intellectuel. […] Tous les gens d’esprit et de talent que nous avons vus s’éparpiller dans toutes les directions, depuis ce temps-là, ont été couvés dans la veste brodée du Figaro : de La Touche, Becquet ; l’Érigone politique du Journal des Débats, M. […] Brucker alluma dans sa tête ce système, asphyxiant pour les imaginations vives, le Fouriérisme, et c’est ainsi que le suicide de sa vie, il ne l’accomplit que sur sa raison… C’est dans cette orageuse période de sa jeunesse qu’il écrivit avec un talent haletant et convulsé le livre intitulé Mensonge, où la Critique put remarquer un effrayant chapitre intitulé Le Fond des âmes, enlevé dans l’amère et ironique manière d’Henri Heine, un des plus grands poètes qui aient paru depuis Byron, mais une fleur de poésie mortelle aux âmes qu’elle touche, comme le laurier-rose, dont elle a les suavités de teinte et les poisons.
Discours prononcé à Quimper 17 août 1885 Que je suis touché, Messieurs, de vos bonnes paroles, et que je sais gré à nos jeunes amis qui, me rendant breton une fois par année, m’ont fait faire connaissance avec cette ville antique et charmante, que je désirais voir depuis si longtemps. […] Le monde nous écoute volontiers, quand nous lui parlons de ses intérêts généraux ; car nous avons le don de la sympathie, cette intuition, cette illusion si l’on veut, qui, dans tout homme, je dirai presque dans tout être conscient, nous fait toucher une vie sœur de la nôtre, dans toute fleur nous montre un sourire, dans l’univers entier nous fait voir un grand acte d’amour. […] Merci, cher Ilémon ; merci, cher Luzel, de cette fête qui m’a touché profondément au cœur.
Section 1, du génie en general Le sublime de la poësie et de la peinture est de toucher et de plaire, comme celui de l’éloquence est de persuader. […] Afin qu’un ouvrage nous touche, il faut que l’élegance du dessein et la verité du coloris, si c’est un tableau, il faut que la richesse de la versification, si c’est un poëme, y servent à donner l’être à des objets capables par eux-mêmes de nous émouvoir et de nous plaire. […] Ils ont voulu arrêter nos sens sur les objets destinez à toucher notre ame.
Tous les deux ont l’esprit touché d’un idéal de héros qu’ils ont trouvé, Perrault dans les romans, Boileau dans les poétiques d’alors. […] C’est toucher du même coup le défaut et la vanité qui s’y intéresse. […] Se jouer entre le vrai et le faux n’est pas un bel emploi de l’esprit ; mais à côtoyer ainsi le vrai, on a la chance d’y toucher quelquefois. […] Les défauts y sont touchés avec discrétion, pour relever les qualités plutôt que pour y faire ombre, et aussi pour empêcher l’admiration superficielle. […] Il y avait eu un temps où Fontenelle ne touchait aux grands hommes que pour les rabaisser, où, pour ruiner l’autorité, il essayait de déshonorer la gloire.
Plus ambitieux de plaire que de toucher, d’étaler des connoissances que de convertir, il n’a absolument rien d’énergique, rien qui soit senti : on croit entendre un Dissertateur bel-esprit, plutôt qu’un Orateur pénétré de son sujet, & jaloux d’en pénétrer les autres. De là, le défaut de liaison & de suite dans ses idées, d’assortiment dans l’ensemble, de caractere dans son style, tantôt philosophique, tantôt religieux, & toujours froid ; de là, ces figures étrangeres au sujet & préparées avec effort, ces tours étudiés, ces expressions symétriques qui supposent de l’esprit, mais qui décelent un cœur vide de sentimens, & par conséquent incapable de toucher les autres cœurs & de s’en rendre le maître.
Le Menteur nous met bien loin de Mélite, et nous fait toucher à l’École des maris. […] Le tour d’esprit de ce grand homme le portait un peu à la déclamation, et il paraissait d’abord plus touché du grandiose que du simple. […] Le gros rire, d’ailleurs, comme le rire délicat, est l’aveu involontaire que nous sommes touchés de quelque vérité. […] Les personnages du Misanthrope ont assez d’esprit pour ne pas se tromper sur ce qui touche autrui, et pour se tromper par les plus jolies raisons du monde sur ce qui les touche eux-mêmes. […] Il n’en reste qu’une à toucher : c’est cette réunion extraordinaire de talents qui fit de ce grand homme un poète hors de pair et un acteur de premier ordre.
Il touche, il accommode le détail, il y verse un esprit d’onction. […] Il faut vous rabaisser sans cesse : vous ne vous relèverez toujours que trop. » Il sait bien le point où il touche, et il y revient instamment : conserver le recueillement même en conversation : « Vous avez plus besoin qu’un autre de ce contrepoison. » Mais encore faut-il que ce silence qu’on observe et auquel on se condamne ne soit pas un silence sec et dédaigneux, car l’amour-propre refoulé a bien des détours : « Il faut au contraire que ce soit un silence de déférence à autrui. » Ainsi Fénelon sur tous les tons et avec toutes les adresses essaie d’insinuer la charité pour le prochain à la sœur d’Hamilton3. […] Mais une autre conversion qui occupa le monde quelques années après et qui tint bon, fut celle de Mme de La Sablière, cette amie désabusée de La Fare, cette patronne constante de La Fontaine : Ce que vous me mandez de Mme de La Sablière, écrivait Fénelon de Versailles (1691), me touche et m’édifie. […] Reprenez les lectures qui vous ont touchée, elles vous toucheront encore, et vous en profiterez mieux que la première fois. » Dans sa correspondance spirituelle avec Mme de Montberon, il se croit ou il se dit quelquefois sec, irrégulier ; il entre, au contraire, d’une manière fine et rapide dans les délicatesses de l’amour divin ; il en donne en termes prompts et menus la théorie, comme nous dirions, les préceptes ; il le veut simple, mais d’une simplicité à laquelle on n’arrive pas du premier coup.
Cela est à la fois très simple et très savant… Il n’y a que Gabriel Vicaire et lui à toucher certaines cordes de cet archet-là, celui d’un ménétrier de campagne qui serait un grand violoniste aussi. […] Cela est à la fois très simple et très savant… Il n’y a que Gabriel Vicaire et lui à toucher certaines cordes de cet archet-là, celui d’un ménétrier de campagne qui serait un grand violoniste aussi. » M.
Quels auteurs en ont été touchés les premiers. — § III. […] Quels auteurs en ont été touchés les premiers. […] Deux auteurs charmants, ont été touchés par ce premier effet de la Renaissance et de la Réforme, et en ont reçu un caractère qui a fait durer leurs écrits ; c’est Marguerite de Valois et Marot. […] Mais il manque à ce recueil ce qui fait le principal mérite des récits qui touchent au licencieux, je veux dire la grâce et la délicatesse qui en déguisent les traits les plus grossiers, et permettent de s’en amuser sans embarras. […] Nous touchons à ce moment.
C’est là cette morale pratique dont nous fournissons la matière, et qui nous avertit de nos plus secrets mouvements, non par des analogies plus ou moins éloignées, mais en nous les faisant toucher du doigt. […] S’il plonge moins avant ou s’il voit de moins haut, il touche à plus de points et voit plus juste. […] Toutes les conditions n’ont-elles pas des points communs par où la même leçon peut les toucher ; et l’homme, tel que Dieu l’a fait, ne déborde-t-il pas toujours les cadres et les compartiments dans lesquels l’esprit de société tend à l’enfermer ? […] Quand La Bruyère s’occupe des grands, par exemple, leurs avantages d’abord le touchent. […] La Bruyère les a traités fort mal. « Ce sont, dit-il, de vieux corbeaux qui croassent autour de ceux qui, d’un vol libre et d’une plume légère, se sont élevés à quelque gloire par leurs écrits111. » Ils n’en ont pas moins touché le point faible, et ils n’ont fait que dire par malignité ce que Boileau disait avec la réserve de l’estime.
La barbe large et touchée d’humeur. […] Ajoutez que vêtu d’une aube lâche qui ne touche point à son corps ; les plis tombant longs et droits augmentent son volume. […] Du reste, je n’ai garde de toucher à cette théorie qui me paraît non seulement très ingénieuse, mais profonde et vraie. […] " … et oui, bourreau ; et c’est ce dont je me plains… " cet ajustement n’est-il pas riche et bien touché ? […] Celle surtout qui est casquée, d’un esprit infini pour la forme et la touche, ce pié d’estal, de bonne forme ?
Plus vous la regarderez de près, plus le faire vous en plaira, il est touché comme un ange. […] La touche vigoureuse des soldats morts, le brillant matte de l’acier donnent de la force au devant du tableau. La terrasse est chaudement faite, heurtée, coloriée. à l’angle droit on escalade un fort ; la teinte y est très-vaporeuse, les soldats ajustés à la manière de Salvator Rosa, mais ce n’est pas la touche fière de celui-ci. […] Les arbres ne sont pas mal feuillés, Loutherbourg en tout touche fortement et spirituellement. […] Quelle touche !
En d’autres termes, sans être dans son genre un lord Byron, Erckmann-Chatrian a-t-il senti la vocation — cette tigresse qui dort parfois comme une marmotte — s’éveiller en lui sous le rude toucher de la Critique, et nous forcera-t-il à reconnaître qu’il a le génie fantastique, qui doit être le plus étonnant et le plus rare de tous les génies, puisque, ainsi que je l’ai avancé, il se permet tout, et que l’imagination, cette Rêveuse difficile, a toujours le droit de lui dire : Je m’y attendais ? […] Erckmann-Chatrian est même tellement l’homme de la réalité, qu’il touche au réalisme et qu’il pourrait y entrer… par la porte du cabaret qu’il aime… Mais c’est un réaliste que voilà averti maintenant et qui prendra garde ; car il ne nous produit pas l’effet d’avoir le parti pris de ceux-là qui se sont fait un système avec les objections naturelles de leur esprit. […] Restent donc, pour le fantastique essayé, Le Rêve du cousin Elof, qui n’est qu’un rêve somnambulique d’un effet usé et qu’il fallait renouveler, comme Edgar Poe, quand on ose toucher à ce genre de fantastique ; La Montre du Doyen, qui n’est qu’une histoire de la Gazette des tribunaux ; Les Trois Âmes, Hans Storkus, L’Araignée-Crabe.
Le corps d’Anacréon est bien modelé, le bras qui tient la coupe fin de touche, quoique défectueux de dessin ; les étoffes étendues sur ses genoux sont belles ; la jambe droite qui porte le pied en avant sort du tableau. […] Moins le sujet d’une composition est important, moins il intéresse, moins il touche aux mœurs, plus il faut que le faire en soit précieux.
Pour déterminer si l’intérêt que porte notre société à tout ce qui touche les planches est un indice de décadence ou de progrès, il faudrait pouvoir se prononcer sur la qualité de la production dramatique actuelle. […] Voilà, je crois, le sentiment contemporain en ce qui touche le livre et le théâtre. […] À mon avis, l’imbécillité du théâtre contemporain est effroyable et le scandaleux intérêt que suscite tout ce qui touche la scène ne saurait être confondu avec le goût de la littérature. […] Cependant la grande majorité de nos correspondants se prononcent nettement contre le théâtre actuel ou contre la passion extraordinaire que la société d’aujourd’hui semble éprouver pour tout ce qui touche la scène. […] Francis Jourdain dénonce violemment « l’imbécillité du théâtre contemporain qui est effroyable, et le scandaleux intérêt que suscite tout ce qui touche la scène, et qui ne saurait être confondu avec le goût de la littérature ».
Il touchera par un point au poëte, et par l’autre au prophète. […] L’apostolat, étant un acte de volonté, touche d’un côté à la liberté, et, de l’autre, étant une mission, touche par la prédestination à la fatalité. […] est-ce là ce qui les halluciné jusqu’à leur faire, pour ainsi dire, voir et toucher des choses et des êtres imaginaires ?
Cette reprise hardie de la tradition catholique où le génie de Bossuet l’avait laissée, cette reprise sans fausse honte, sans embarras, dans la simplicité d’une foi profonde, voilà ce qui devra faire autour du livre en question plus de bruit que l’intérêt d’une gloire, placée trop haut pour nous toucher ! […] Contre le merveilleux et l’incompréhensible de son histoire, à lui qui vivait il y a les trois jours de trois siècles, à lui le moderne qui touchait à Luther et à qui nous touchons, on ne pouvait opposer l’éloignement des temps et leur poésie ; la légende des religions naissantes, et l’imagination de peuples qui avaient l’imprimerie et qui étaient assez vieux pour tout discuter. […] Quand son vaisseau toucha l’Amérique, il croyait encore être en Asie.
Voyez », ajouta-t-il en empruntant au règne végétal de ces climats une de ses plus conjugales images : « Voyez : l’astre des nuits se contente de faire épanouir de sa douce lumière la fleur odorante du conmonda, sans toucher de ses rayons le lotus azuré, que l’astre du jour seul réveille à son lever par la chaleur de ses regards. […] « Nous touchons la terre », lui dit son guide, « et nous allons apercevoir bientôt sur la montagne la demeure habitée par le divin fils de Maritchi. » Le héros. […] Hanoumun, touché des gémissements de Valmiki, et oubliant généreusement toute jalousie de poète, permit à son rival de plonger au fond de la mer, et d’y copier les inscriptions et les vers que le demi-dieu y avait gravés. […] Celle de Bavahbouti, au contraire, grandiose et passionnée, fait éclater un chaos sublime d’accords majestueux, semblable au géant des tempêtes, qui, d’un pied d’airain frappant les portes infernales, touche de son front le dôme des cieux, et couvre de ses ailes obscures l’Océan, qui mugit et bondit sous sa puissance. […] Sa peau surtout est ferme au toucher comme celle de Rama, dure comme la coupe qui contient les graines du lotus… Mais son air… Ne me trompé-je pas ?
Des moralités insipides, souvent fausses ; rien de persuasif, rien qui puisse éclairer & toucher. […] Il faut prouver & toucher, prouver en touchant, & toucher en prouvant ; en sorte que l’un & l’autre marchent ensemble ; mais si on les séparoit comme cela convient quelquefois, il faudroit, selon M. l’Abbé Trublet, s’attacher à prouver avant que de chercher à toucher. […] Le point seroit de trouver un Orateur qui raisonnât comme l’un, & qui touchât comme l’autre. […] Quand on veut ne prêcher que l’Evangile, ou prêcher avec fruit, toucher, persuader, il faut plus d’entrailles que de tête. […] Si on peut lui reprocher de légers défauts (& pourquoi ne hazarderions-nous pas une critique qui ne le touche plus, & qui ne pourroit effleurer sa gloire ?)
Le morceau du reste, surtout le Mars est très vigoureux et le tout d’une touche plus décidée que de coutume. […] Si l’on pense, si l’on rêve à quelque chose, c’est à la beauté de la touche, aux draperies, aux têtes, aux piés, aux mains et à la froideur, à l’obscurité, à l’ineptie de la composition. […] L’effort a déshabillé ce côté de la poitrine, et le dos de la main de la femme touche à son sein. […] Morphée le touche de ses pavots, et sa tête tombe en devant. […] Vagues de la mer, mal touchées.
Je ne veux insister que sur quelques-unes des vues de M. de Laborde, ou, pour mieux dire, sur sa vue principale en ce qui touche à l’histoire de ces temps qu’il a étudiés de si près. […] J’observai que le cardinal parut fort touché de la liberté d’un homme en qui il n’en avait jamais vu. […] » J’entendis ces paroles très distinctement ; elles me touchèrent peut-être plus, qu’il n’en était touché lui-même. […] » En entendant ces paroles, en voyant cette mise en scène si dramatique et si imprévue de l’ode d’Horace : « Linquenda tellus, et domus… », on est touché comme Brienne ; mais prenez garde !
Les Lettres du chevalier, en effet, abondent en particularités qui touchent à la fois à l’histoire de la langue et à celle des mœurs, et qui nous y font pénétrer. […] C’est tout un petit roman finement touché, tendre et discret, un tableau peint de couleurs du temps, qui, à demi passées, font sourire et plaisent encore. […] Plus je le considérois, plus j’étois vivement touché, et je ne pouvoir m’en éloigner sans redoubler mes soupirs et mes plaintes. […] Je sus depuis toute cette aventure, et je n’en fus guère moins touché que lui. […] » Ceci demande quelque explication et touche à un point très-fin de notre littérature.
Taylor, touché jusqu’à 18 000 fr. de part, c’est-à-dire 1 500 fr. par mois. Chaque sociétaire touchait donc alors à lui tout seul le double à peu près de ce que touche l’Odéon. […] Buloz aura donc touché en sept ans 4 500 fr. de plus, pour détruire, que je n’aurai touché, moi, pour édifier. […] Dumas enfin, touchent du Théâtre-Français moins que M. […] Taylor n’en a jamais touché que 6 000 ; il est vrai qu’il était chargé d’encourager et non de détruire.
Il touche ses membres ; il court, il s’arrête ; il veut parler, et il parle. […] Adam est touché ; il relève la mère des hommes. […] Cependant Milton lutte ici sans trop de désavantage contre cette fameuse allégorie : ces premiers soupirs d’un cœur contrit, qui trouvent la route que tous les soupirs du monde doivent bientôt suivre ; ces humbles vœux qui viennent se mêler à l’encens qui fume devant le Saint des saints ; ces larmes pénitentes qui réjouissent les esprits célestes, ces larmes qui sont offertes à l’Éternel par le Rédempteur du genre humain, ces larmes qui touchent Dieu lui-même (tant a de puissance la première prière de l’homme repentant et malheureux !)
La touche en est molle, molle, molle. […] J’avois un grand front, des yeux très-vifs, d’assez grands traits, la tête tout à fait du caractère d’un ancien orateur, une bonne-hommie qui touchait de bien près à la bêtise, à la rusticité des anciens tems. […] D’où vient cette inégalité qui dans un intervalle de temps assez court touche les deux extrêmes du bon et du mauvais ?
La plûpart des jeunes gens fréquentent les théatres en France, et sans qu’ils y pensent, il leur demeure dans la tête une infinité de pieces de comparaison et de pierres de touche. […] Il n’y auroit rien de certain en vertu des lumieres humaines, si quatre cens personnes qui s’entrecommuniquent leur sentiment, pouvoient croire qu’elles sont touchées quand elles ne le sont pas, ou si elles pouvoient être touchées sans qu’on leur eut présenté un objet réellement interessant.
Le Racine fils du romantisme, plus heureux que l’autre, qui n’osa pas toucher aux tragédies, est arrivé au bruit par le drame, comme son père… Cela parut naturel et presque juste… En fait de théâtre, Alexandre Dumas fils est tellement né là-dedans, il est tellement l’enfant de cette balle, et le théâtre de ces derniers temps doit tant à son père, que ce théâtre semblait comme tenu de le faire réussir… Il n’y a pas manqué. […] Dans L’Affaire Clémenceau, il y a tout un côté Girardin qui touchera probablement jusqu’aux larmes l’homme avec qui Alexandre Dumas fils s’est brouillé, pour cause de paternité partagée… et qui le ramènera peut-être à Alexandre Dumas fils, en vertu d’un attendrissement intellectuel et généreux ! La question de la bâtardise, la possession d’état de l’enfant naturel, la position que doit faire la législation à la fille-mère, toutes ces questions sont touchées dans L’Affaire Clémenceau avec une curiosité enfantino-frémissante ; et, quoiqu’elles n’y soient pas résolues, quoiqu’elles n’y soient agitées que comme l’enfant agite la boîte où il a mis des scarabées et qu’il colle contre son oreille pour les entendre qui remuent, on sent que la partie de son livre que Dumas fils estime davantage, c’est le remuement de ces questions… Du reste, ce côté inattendu et révélé dans le nouveau roman d’Alexandre Dumas fils ne l’a pas empêché cependant de rester parfaitement le fils de son père, même à propos de cette question du bâtard qui s’étend sous les pieds de tout dans son livre, et qui en est comme le sous-sol.
Seulement, puisqu’on y touche, on peut la peser, comme dirait Juvénal. […] Dans le roman d’Avellaneda, le pauvre Don Quichotte n’a pas seulement, comme dans le roman de Cervantes, un côté du cerveau touché par le doigt mystérieux d’une bienveillante Fantaisie qui ne fait éclore le rêve que là où le doigt a touché ; non !
Et puis Ollivier a cru qu’il n’y avait qu’à tuer, tuer, tuer des enfans, et il ne s’est pas douté qu’un de ces enfans qui conserverait la vie par quelque instinct de la tendresse maternelle, me toucherait plus qu’un cent qu’on aurait tués. […] Le petit enfant placé devant ses parens est à ravir ; Wouwermans ne l’aurait pas peint plus fin de couleur, ni plus spirituel de touche, il est bien posé ; la lumière dégrade à merveille sur lui ; cette figure est un effort de l’art.
Il faut donc reconnaître que l’on touche ici, avec l’aspiration à la vérité, à une nouvelle croyance bovaryque d’une force extraordinaire et qui jouit dans l’esprit des hommes d’un caractère sacré. […] Avec cette conception de la vérité, telle qu’elle vient d’être analysée, on touche au ressort le plus important du mécanisme de la vie.
Il a voulu toucher à des hommes au lieu de toucher à des mots, et quoique ces hommes soient de la même nature que lui, des jaugeurs de vocables, il n’a pas réussi.
Mais, celles-là, nous les voyons, entendons, goûtons, sentons, touchons. […] Mais Cicéron, à la dernière page, distingue, en législateur et en sage, ce qui touche à la piété de ce qui touche à la superstition ; cette page mérite d’être conservée. […] La terre elle-même me parut si petite que notre empire, qui n’en touche qu’un point, me fit honte ! […] Mais j’ai encore une autre raison de m’y plaire, et qui ne vous touche point comme moi : c’est qu’à proprement parler, c’est ici ma vraie patrie, et celle de mon frère Quintus. […] Aussi je ne sais quel charme s’y trouve, qui touche mon cœur et mes sens, et me rend peut-être ce séjour encore plus agréable.
Ces sciences systématisées sont des philosophies aussi, si vous voulez, mais ce sont des philosophies inférieures, secondaires, subalternes, courtes, finies, parce qu’elles ne touchent qu’à la matière et à ses phénomènes, et parce qu’en enseignant une multitude de faits, elles n’enseignent néanmoins directement aucune vertu et aucune immortalité. […] Mais, bien que ces choses ne se démontrent pas de même, elles ont cependant, au moins en ce qui touche leurs principales vérités, un degré de certitude égal, et, je dirai plus, un degré de certitude supérieur à la certitude des phénomènes matériels. […] Le livre tombe des mains avant d’avoir dit son dernier mot, tant on a perdu de mots oiseux à l’attendre ; l’esprit est saisi à chaque instant d’une de ces impatiences fébriles qui bouillonnent en nous jusqu’à un véritable accès de colère, croyant toujours toucher à un but qu’on lui dérobe toujours ; or, irriter et impatienter l’esprit, ce n’est pas un bon procédé pour le convaincre. […] Le sage s’en aperçoit : « Vous me croyez donc, à ce qu’il paraît, leur dit-il, bien inférieur au cygne, en ce qui touche aux pressentiments et à la divination par l’instinct ? […] Tant qu’on ne touche qu’aux idées, on peut toucher faux : mais, une fois qu’on touche aux hommes, il faut toucher juste.
Elle était chez ces mêmes Carmélites du faubourg Saint-Jacques lorsqu’elle mourut ; elle y était lorsque Mme de La Vallière y entra, et, parmi les assistants touchés, on put la remarquer pour l’abondance de ses larmes. […] En cette ville, elle descend aux Filles de Sainte-Marie, et y visite le tombeau du duc de Montmorency, son oncle, dont la mort tragique l’avait tant touchée à cet âge encore pur de treize ans, et lui devenait d’une bien haute leçon, aujourd’hui qu’elle-même sortait vaincue des factions civiles. […] Singlin, cette veine monstrueuse qu’il lui a fait toucher au doigt et suivre en ses moindres rameaux, et qui lui paraît maintenant composer à elle seule l’entière substance de son âme, l’épouvante et la mène jusque sur le bord de la tentation du découragement. […] Et c’est ce qui me fait croire violente et emportée aux uns, parce qu’ils m’ont vue dans mes passions ou même dans mes plus petites inclinations et pentes ; et à d’autres, lente et paresseuse, morte même, s’il faut user de ce mot, parce qu’ils ne m’ont pas vue touchée de ce dont je l’ai été, soit en mal, soit en bien. […] M. de La Rochefoucauld aurait eu quelque droit de revendiquer cette pensée comme très-voisine d’une des siennes : « Ce qui fait, a-t-il dit, que les amants et les maîtresses ne s’ennuient point d’être ensemble, c’est qu’ils parlent toujours d’eux-mêmes. » Je me pose une question : Si M. de La Rochefoucauld avait lu cette confession de Mme de Longueville, en aurait-il été touché ?
J’avais affaire à Victor Hugo le poète romantique, le matérialiste profond, même quand il touche aux choses morales et aux sentiments les plus éthérés ; tellement matérialiste que nous avons été tous pris, comme des imbécilles, au titre de son livre de l’Homme qui rit. […] Aujourd’hui, en ce moment encore, un journal, le Correspondant, qu’on pourrait appeler à plus juste titre « le Trembleur », et qui s’imagine que la vérité a, comme lui, peur de quelque chose, trouvait imprudent — et l’exprimait — de toucher à ce sujet fétide d’Alexandre VI, fût-ce pour l’assainir, fût-ce pour éponger la mémoire de ce pontife des souillures qu’on a fait ruisseler sur elle ! […] Seulement, tout en se dévouant à cette tâche, tout en étant sûr de son courage, tout en étant certain des faits qu’il oppose à la calomnie, ce prêtre ne peut se défendre d’une impression de terreur encore tout en renversant l’odieux colosse, tant ç’a été longtemps une opiniâtre tradition de lâcheté et de bêtise que l’idée qu’il ne fallait pas y toucher ! […] il y a touché, et il l’a renversé, dans ce livre que nous annonçons, le colosse du faux Alexandre VI qui pendant si longtemps nous a caché le vrai, de cet Alexandre VI qui ne fut, comme on l’a dit, ni un Sardanapale ni un Tibère, mais auquel on a fait des vices surhumains pour cacher des vertus seulement humaines, comme on fait le masque plus grand que la figure pour mieux la cacher ! […] S’ils y avaient touché dans leurs créations, ils auraient pénétré dans leurs âmes et mis leurs âmes dans leur action.
Cet agrément consiste, au milieu de tant d’autres qualités sérieuses, à ne pouvoir toucher la science, traverser l’érudition, la grammaire, aucun coin aride de la critique, sans l’égayer à l’instant d’un reflet animé. […] Villemain, professeur, a toujours aimé toucher vers la fin du discours, comme on arrivait avec joie près du temple de Delphes, sur ce terrain sacré où cessaient les guerres. […] ne touchez pas, » s’écria-t-il, « aux armes de Roland. » Après quelque intervalle, quelque refroidissement peut-être, dû à la politique, à la première rencontre, en entendant de nouveau des accents de cette prose cadencée dont parla si bien Fontanes, tout est oublié, tout se ravive ; l’admiration refleurit plus jeune. […] Cette école du romantisme poétique ne fut d’ailleurs qu’à peine touchée dans son Cours ; il l’éluda dans sa charmante et judicieuse leçon sur André Chénier. […] Villemain a mis en tête du Dictionnaire de l’Académie touche à une infinité de questions, les pose et les retourne sans avoir la prétention de les vider : ce n’est pas à dire pour cela qu’il les éclaire moins.
Comme historien, à quelle partie de la science historique n’a-t-il pas touché, guerre, administration, gouvernement, sous toutes les formes de société appliquées chez les anciens, depuis le, pouvoir absolu de l’Orient jusqu’à l’extrême démocratie ? […] Vrai magasin comme dit Vaugelas, d’idées raisonnables et pratiques sur la vie humaine inventaire complet de la sagesse antique personnifiée elle-même dans un homme supérieur, recueillant les traditions d’un monde qui touchait à sa fin. […] Il fut touché de ce sérieux des doctrines chrétiennes, si fort exagéré par le calvinisme et il prit plaisir à étudier l’homme au point de vue du christianisme, c’est-à-dire dans les contradictions et les misères de sa nature. […] Il fit, en quelque sorte, le tour du bouclier d’Achille, ce symbole de la vie humaine, au temps d’Homère ; ayant touché à tout, ayant pu voir toutes les idées sous la forme d’hommes ou d’événements. […] Rien dans nos dispositions ne reste obscur et caché ; il nous fait voir pleinement ce que nous entrevoyons à peine ; saisir ce qui paraissait hors de notre portée ; et il ajoute ainsi à notre vue et comme à notre toucher, nous développant et nous agrandissant sans nous faire sortir de nous.
Cette mort qui monte par les fenêtres, ces ailes de papillons que l’on souille dès qu’on les touche, qu’est-ce que cela pouvait être ? […] La femme blesse de loin et voilà que d’autres fois on est perdu pour la toucher. […] Ils seraient près de lui, le toucheraient, serviraient à ses usages ; ils seraient elle-même près de lui. […] Le presbytère touchait à l’église. […] Toute autre âme que celle d’un prêtre eût été touchée de la révélation d’un si violent amour.
Un savant auteur anglais, le colonel Mure, dans son Histoire de la littérature grecque, se pose, à son tour, cette question : « Si la nation grecque n’avait jamais existé, ou si ses œuvres de génie avaient été anéanties par la grandeur de la prédominance romaine, les races actuelles principales de l’Europe se seraient-elles élevées plus haut dans l’échelle de la culture littéraire que les autres nations de l’antiquité avant qu’elles eussent été touchées par le souffle hellénique ? […] N’oublions jamais que Rome était déjà arrivée, par son énergie et son habileté, au pouvoir politique le plus étendu et à la maturité d’un grand État, après la seconde guerre punique, sans posséder encore rien qui ressemblât à une littérature proprement dite digne de ce nom ; il lui fallut conquérir la Grèce pour être prise, en la personne de ses généraux et de ses chefs illustres, pour être touchée de ce beau feu qui devait doubler et perpétuer sa gloire. […] Vous le savez comme moi, messieurs, Rome toute seule, et si elle n’avait été touchée du rameau d’or au moment même où elle le brisait, courait risque de rester à jamais une force puissante, écrasante au monde, sénat, camp ou légion. […] Ici nous touchons à une question assez délicate ; car il ne s’agit pas de venir introduire dans l’enseignement des noms trop nouveaux, de juger hors de propos des ouvrages du jour, de confondre les fonctions et les rôles. […] — Vous qui irez à Athènes, qui y allez tous les jours, vous résisterez de votre mieux à ce renversement des points de vue, même en ce qui est des époques modernes, et si, dans celles-ci, la vérité à tout prix (ou ce qu’on prend pour elle), si la curiosité l’emporte décidément sur l’art, vous ferez du moins que le procédé antique et ce qui en est sorti reste en honneur, un objet de culte et d’étude, présent à la mémoire et à la réflexion des intelligences fidèles que touche encore l’idée de beauté.
J’étudiai néanmoins ; je lus, et c’est le résultat de ces lectures qui compose aujourd’hui la vie de Rancé. » Cette humble origine de l’ouvrage sied à l’humilité du sujet ; cette docilité de l’illustre auteur est touchante ; mais le vieux confesseur avait raison ; avec le coup d’œil du simple, il lisait dans le cœur de René plus directement peut-être que René lui-même ; il avait touché les fibres secrètes par où René était fait pour vibrer à l’unisson de Rancé. […] Un jour un visiteur à la Trappe en toucha un mot au saint abbé : « Il me répondit qu’il avoit brûlé tout ce qui lui en restoit d’exemplaires, qu’il n’en avoit gardé qu’un dans sa bibliothèque et qu’il l’avoit donné à M. […] Souvent, après avoir chassé le matin dans quelque belle terre, il venait en poste, de douze ou quinze lieues, prêcher en Sorbonne à l’heure dite, comme si de rien n’était : « Sa parole, dit M. de Chateaubriand, avait du torrent, comme plus tard celle de Bourdaloue ; mais il touchait davantage et parlait moins vite. » Sa violence de passion, en tout temps, se recouvrait d’une parfaite politesse. […] Pour faire un vrai Rancé, il y a un coin de monde à introduire, un ressort moral à toucher, une fibre secrète à atteindre que l’orthodoxie des contemporains ne cherchait pas et n’admettait pas. […] Les réponses à ces lettres, les lettres qu’on lui écrivit à lui-même, seraient plus variées et toucheraient à tous les points de la vie.
Mme M… en toucha un soir quelque chose à sa fille ; dès les premiers mots, celle-ci coupa court, et, se jetant dans les bras de sa mère, la supplia avec un baiser ardent de ne jamais lui en reparler ni de rien de pareil. […] Les brillants ambassadeurs des rois, près des belles fiancées qu’ils vont quérir aux rivages lointains, ont souvent touché les prémices des cœurs. […] Elle jetait dans un coin ces lettres odieuses, et se jurait de ne les plus voir ni toucher. […] Des larmes d’impuissance, de jalousie, d’humiliation et de honte, brûlent ses joues, et, versées au dedans de son âme, y dévastent partout la vie, l’espérance, la fraîcheur des bosquets du ouvenir. — S’il entre pourtant, s’il a paru au seuil, en ce moment même, avec sa simple question habituelle, tête découverte et strictement poli, la voilà touchée ; tout cet assaut de fierté s’amollit en humble douleur, et le reste n’est plus. […] Cette harpe immobile dans un angle de la chambre attirait aussi son regard, et il eût désiré que Christel y touchât ; mais la faiblesse de la jeune fille ne le lui eût pas permis sans une extrême fatigue.
Bien mieux, il suffit qu’il exploite lui-même ou par un régisseur, pour que son indépendance originelle se communique à sa terre ; dès qu’il touche le sol, par lui-même ou par son commis, il en abrite quatre charrues, trois cents arpents, qui, dans les mains d’un autre, payeraient deux mille francs d’impôt, et en outre « les bois, les prairies, les vignes, les étangs, les terres encloses qui tiennent au château, de quelque étendue qu’elles soient ». […] Bien mieux, comme il emprunte pour y fournir, et que les décimes qu’il lève sur ses biens ne suffisent pas pour amortir le capital et servir les intérêts de sa dette, il a eu l’adresse de se faire allouer en outre par le roi et sur le trésor du roi, chaque année, 2 500 000 livres, en sorte qu’au lieu de payer il reçoit ; en 1787, il touche ainsi 1 500 000 livres. — Quant aux nobles, ne pouvant se réunir, avoir des représentants, agir par voie publique, ils ont agi par voie privée, auprès des ministres, des intendants, des subdélégués, des fermiers généraux et de toutes les personnes revêtues d’autorité ; on a pour leur qualité des égards, des ménagements, des complaisances. […] Ce sont presque des rois délégués et à vie ; car ils touchent, non seulement tout ce que le roi toucherait comme seigneur, mais encore une portion de ce qu’il toucherait comme monarque38.
Guizot forment tout un enchaînement ; on ne peut toucher à un anneau sans remuer, sans ébranler tout le reste. […] Guizot n’est pas de ces hommes qui se scindent, et desquels on puisse dire : Je parlerai de l’historien, du littérateur, sans toucher au politique. […] Nous touchons ici à l’une des raisons essentielles qui font que l’historien, même le grand historien, n’est pas nécessairement un grand politique ni un homme d’État. […] Il communique à tout ce qu’il touche comme une teinte d’une réflexion antérieure. […] Initiés comme ils l’ont été au secret des choses, à la vanité des bons conseils, à l’illusion des meilleurs esprits, à la corruption humaine, qu’ils nous en disent quelquefois quelque chose ; qu’ils ne dédaignent pas de nous faire toucher du doigt les petits ressorts qui ont souvent joué dans les grands moments.
Sa verve n’est pas éteinte sans doute ; elle semble se nourrir de réflexions et de regrets, de pitié pour la douleur et d’amour pour la vérité : mais elle n’a qu’un enthousiasme mélancolique qui touche au désespoir, l’enthousiasme du néant, et par là du repos, l’hymne à la destruction. […] Ainsi raisonnent les hommes, quand, à l’alentour d’une table, souvent ils tiennent la coupe, et que, couronnant leur tête de fleurs, ils disent volontiers : Ce plaisir n’a qu’un moment pour les pauvres humains ; tout à l’heure il aura passé, et il ne sera pas permis de le rappeler jamais. » Cette fois encore un prélude avait retenti, non pas sans doute de la lyre sacrée, mais de cette corde mélancolique et douce que devait bientôt toucher Horace avec plus d’insouciance que de triste certitude, et en égayant son âme par les douceurs de la vie sans prétendre la convaincre qu’elle doit à jamais mourir. […] » Certes, l’accent d’une telle voix est bien élevé ; il touche au sublime ; mais il y touche une dernière fois, pour se perdre dans le néant. […] « Telle une vigne qui naît isolée dans une campagne nue, ne s’élève jamais, ne porte jamais de grappes mûres, mais, inclinant sous son propre poids sa tige délicate, touche de sa racine le faîte de ses branches, et n’attire près d’elle nuls laboureurs et nuls troupeaux.
La cadence m’enchaîne à l’air mélodieux, La douceur du velours aux roses que je touche ; D’un sourire j’ai fait la chaîne de mes yeux, Et j’ai fait d’un baiser la chaîne de ma bouche. […] Son eau fraîche a fui goutte à goutte, Le suc des fleurs s’est épuisé ; Personne encore ne s’en doute, N’y touchez pas, il est brisé ! […] Toujours intact aux yeux du monde, Il sent croître et pleurer tout bas Sa blessure fine et profonde : Il est brisé, n’y touchez pas ! […] Comme autour des fleurs obsédées Palpitent les papillons blancs, Autour de mes chères idées Se pressent de beaux vers tremblants ; Aussitôt que ma main les touche, Je les vois fuir et voltiger, N’y laissant que le fard léger De leur aile frêle et farouche.
Il avait déjà touché à l’histoire de plain-pied, à l’histoire politique, d’une main ferme et compétente. […] C’est un joueur, un homme de brelan et d’intrigue, qui touche presque à l’entremetteur quand, plus tard, au pinacle, il mande ses nièces d’Italie pour se préparer des instruments de règne et se fourbir de jolies armes. […] Attiré, mais non enivré, esprit trop solide pour ne pas savoir résister à l’ivresse, Amédée Renée a la légèreté et l’aplomb qu’il faut pour badiner agréablement avec ces dentelles et passer outre, et, comme les femmes qu’il nous raconte touchaient à tout dans le monde de leur temps, il se rencontre qu’en ayant l’air de ne s’occuper que de cette heptarchie de nièces, il nous raconte le temps lui-même, et nous le montre par des côtés moins solennels et moins pompeux que ceux-là sous lesquels nous sommes habitués à le regarder. […] et dites si la touche n’est pas de ce comique exquis qui n’éclate pas, mais qui rit pourtant, avec toute la bonne sensation du rire.
Parmi les inspirations de la poésie grecque qui touchent à la forme lyrique, il faut placer anciennement ce qui se retrouvera dans une époque plus récente, et sous l’influence de l’extrême politesse sociale. […] Sous ces deux titres on peut concevoir ce que, bien des siècles plus tard, et dans une science toute formée des traditions grecques, nous retrouvons sous la plume de Varron, divisant la théologie en mythologique, naturelle, et civile : « La première, ajoutait-il, faite pour le théâtre, la seconde pour l’univers, la troisième pour Rome. » Il paraît, d’après les courtes analyses de saint Augustin, que Varron touchait dans sa seconde théologie à cet antique panthéisme, à cette idée d’une nature éternellement vivante et par là divine, qui semble le fondement des cultes antiques de l’Inde. […] Mais considère et touche du doigt le côté certain de chaque chose ; et, pour avoir vu de tes yeux, ne te confie pas plus que pour avoir toi-même entendu : ne crois pas un vain bruit plus que le raisonnement, ni quoi que ce soit, là où il y a place pour la réflexion. […] Virgile, dans le sixième chant de l’Énéide, a touché cette doctrine empruntée aux mystères d’Éleusis, le purgatoire de l’antiquité : il l’expose en quelques vers, ou, comme chez Empédocle, les éléments mêmes de la nature sont les instruments de l’expiation prescrite : « Entre les âmes coupables, les unes volent légères, suspendues à tout vent ; pour d’autres, la souillure du vice est lavée sous la vaste mer, ou brûlée par la flamme. » Mais là rien n’égale ce que l’imagination du poëte sicilien avait réservé pour quelques âmes coupables, dont il décrit ainsi le supplice sans repos.
Seul avec elle, j’ajoutai que son amour était monotone, faible de touche, mince au point de ressembler à une vessie soufflée, sans teintes, sans passages, sans nuances ; que sa nymphe n’était qu’un tas ignoble de lys et de roses fondus ensemble sans fermeté et sans consistance, et son satyre un bloc de brique bien rouge et bien cuite, sans souplesse et sans mouvement. […] L’indigne prussienne prétend à présent que j’ai renversé sa fortune en la chassant de Paris au moment où elle touchait à la plus haute considération. […] L’indigne prussienne doit ici des tableaux dont elle a touché le prix et qu’elle ne fera point.
Il reste terre à terre, portant le poids de son sujet, un sujet magnifique qui a été touché par des mains sans force ou indignes, mais qui n’a jamais été écrit. […] cet homme qui eut, comme écrivain, une énergie si nerveuse et si souple, le coup de griffe gracieux et mortel du jeune tigre des cirques romains, quand il touchait à la Rome corrompue et à ses abominables maîtres, cet écrivain qui s’est nourri toute sa vie de la plus pure moelle de Tacite, n’est plus qu’un talent spirituel encore, mais énervé. Dans ce grand sujet de Rome et la Judée, dans ce vis-à-vis énorme, mais si facile à la rhétorique et aux déclamations, du monde de l’ancien Testament aboli, de la Synagogue dispersée par l’épée romaine, et de la chaire de Saint-Pierre érigée debout, dans l’apocalypse d’un monde nouveau, il aurait fallu une touche si mâle et si ferme, il aurait fallu quelque reflet surnaturel de saint Paul et de saint Jean réunis, formant le rayon d’une inspiration plus que pittoresque et plus que littéraire, et, au lieu de cela, nous avons un peintre grêle de salon, — presque un feuilletoniste d’histoire, quelque chose comme un Pontmartin historique ; car Champagny, dans ce dernier livre, a beaucoup de Pontmartin !
Gautier (il faut bien en convenir) tourne actuellement à la gloire, et on ne touche point à cette reine. […] Théophile Gautier représentait glorieusement l’école volontaire de la poésie travailleuse et, qu’on nous permette le mot, rageuse au travail, qui pose assez insolemment pour soi-même et pour le génie, que la Poésie est le résultat d’une poétique, la langue touchée, de telle ou telle façon, comme un piano, et qui croit simplifier et réaliser tout par des règles. […] La pureté de l’expression, qui est une partie de la Beauté poétique, touche par un point à la Beauté morale, et c’est cette pureté de l’expression qui est surtout celle de M.
Autran, qui a osé toucher, lui aussi, dans ses Laboureurs et Soldats, à ce grand sujet, — l’idylle héroïque, — M. de Laprade, l’auteur des Symphonies et d’une foule d’autres poèmes Revue des Deux-Mondes, M. […] Dans sa Rosa mystica, il a osé toucher à cette robe écarlate de Beatrix, qui doit dévorer, nouvelle tunique de Nessus, tous les poètes qui ne sont pas des Hercules. […] Il est du Forez, qui touche aux Cévennes, et c’est au Forez qu’il dédie son livre : car il aime sa patrie.
(Paulin Limayrac) ; tout bienveillant qu’il est, il a de la justesse, touche les vrais points et donne une idée fidèle. […] Scribe est le seul qui dans quelques-unes de ses pièces (comme Bertrand et Raton et d’autres encore) ait touché ce point et piqué sinon percé le ballon.
Sans doute un philosophe comme Hobbes ou Descartes, un érudit comme Henri Etienne, un savant comme Cuvier ou Newton résument à leur façon le large domaine qu’ils se sont choisi ; mais ils n’ont que des facultés restreintes ; d’ailleurs ils sont spéciaux, et ce champ où ils se retirent ne touche que par un coin la promenade publique où circulent tous les esprits. […] Par lui nous voyons les gestes, nous entendons l’accent, nous sentons les mille détails imperceptibles et fuyants que nulle biographie, nulle anatomie, nulle sténographie ne saurait rendre, et nous touchons l’infiniment petit qui est au fond de toute sensation ; mais par lui, en même temps, nous saisissons les caractères, nous concevons les situations, nous devinons les facultés primitives ou maîtresses qui constituent ou transforment les races et les âges, et nous embrassons l’infiniment grand qui enveloppe tout objet.
il est courbé comme moi sous le poids des années, et comme moi il touche au dernier terme de la vieillesse. […] Jusque-là, Priam n’a pas encore osé dire un mot de lui-même ; mais soudain se présente un rapport qu’il saisit avec une simplicité touchante : Comme moi, dit-il, il touche au dernier terme de la vieillesse.
Ainsi que nous le disions plus haut, la qualité suprême de cette trilogie romanesque c’est une remarquable sensibilité touchée par la vie et qui rend éloquemment son premier accord. […] Or, quand on touche à l’Antiquité, ce foyer froidi d’inspirations éteintes, il faut au moins trouver dans les cendres ces précieux débris que l’amour d’une société finie cherche encore dans la poussière d’Herculanum.
Pourtant il n’est pas si malaisé d’entendre ce qu’il n’a été permis que d’indiquer ; et même dans cette manière, que je nomme ma première, et qui a un faux air de panégyrique, la louange (prenez-y garde) n’est souvent que superficielle, la critique se retrouverait dessous, une critique à fleur d’eau : enfoncez tant soit peu, et déjà vous y touchez. […] Entre tant d’écueils à travers lesquels je naviguais, si j’ai touché par accident sur quelques-uns, qu’il me suffise de me rendre ce témoignage que je ne crois pas avoir cédé à la crainte de déplaire quand j’ai été indulgent, ni à aucun sentiment hostile quand j’ai été plus sévère.
Le coloris en est vif, le ton varié, la touche facile. […] « On vit paroître dans la lice, dit M. de Fontenelle, d’un côté le Savoir, sous la figure d’une Dame illustre ; de l’autre, l’Esprit, je ne veux pas dire la Raison, car je ne prétends pas toucher au fond de la dispute, mais seulement à la maniere dont elle fut traitée.
On sent qu’en traitant des premiers il nous a été impossible de ne pas toucher un peu aux secondes, mais ici nous nous proposons d’en parler plus amplement. […] Loin de flétrir l’imagination, en lui faisant tout toucher et tout connaître, il a répandu le doute et les ombres sur les choses inutiles à nos fins ; supérieur en cela à cette imprudente philosophie, qui cherche trop à pénétrer la nature de l’homme et à trouver le fond partout.
Les ouvrages où la raison et l’imagination se montrent seules ne touchent pas. […] Elle veut toucher Pyrrhus de la gloire de sauver gratuitement un orphelin ; mais elle ne dit pas : Jamais ! […] J’ai déjà touché à cette critique en parlant d’Andromaque. […] Racine recherchait les sujets dont cette passion est le fond, parce qu’il n’en est pas qui touchent plus d’esprits et dont la vérité soit plus générale. […] Ce qui nous touche dans la tragédie, comme il en fait la remarque excellente, c’est la vraisemblance.
Non, — il les désavouait pour leurs crimes, pour leur inhumanité, mais il sentit en même temps ce qu’il y avait dans quelques-uns des plus fameux d’essentiellement patriotique, d’héroïque et d’invincible. « Et, après tout, comme il le disait un jour, parlant à Chateaubriand lui-même, ç’a été une bataille où chaque parti a eu ses morts. » Et le plus affreux de la crise passé, aux différentes phases du décours, comme il touche à point les moments essentiels, les occasions irréparables et fugitives ! […] Tous les ressorts des machines diverses, il les a touchés ; tous les plans et les projets jaillissant d’un front sublime, il les a eus sous les yeux, entre les mains ; et le travail qu’il a fait lui-même en s’en rendant compte, le plaisir qu’il a ressenti en les découvrant, il nous le reproduit, il nous le communique avec largesse et lucidité. […] ; après avoir fait toucher du doigt les premières difficultés presque insurmontables avec lesquelles on était aux prises ; lorsqu’il arrive à l’ouverture des Chambres et à l’essai de ce nouveau régime de discussion, M.
On a retrouvé de prime saut l’auteur de Henri III, d’Antony, même d’Angèle : de la rapidité, du trait, du mouvement, un entrain animé, impétueux, habile, qui laisse peu de trêve aux objections, qui amuse avant tout et enlève, qui touche quelquefois. […] Nous venons trop tard pour une analyse que toutes les plumes spirituelles ont épuisée : nous n’en toucherons ici que ce qui est nécessaire à nos remarques. […] Le public est si las ; il serait si reconnaissant d’être tant soit peu amusé ou touché ; il donnerait si volontiers les mains à son plaisir !
Dans une de ces batailles, je me rappelle encore des soldats touchés avec force et délicatesse, quoique ce ne soit pas le mérite ordinaire de ce maître ; là ou ailleurs (car comme je compte sur vous je parcours les choses un peu légèrement), sur le devant un soldat mort, un étendard, un tambour, une terrasse peints avec beaucoup de vigueur. […] Et ce lit de misère est-il touché ? […] Regardez bien les autres morceaux et vous les trouverez spirituellement touchés. — Je regarde, et tout cela ne me paraît que de beaux écrans.
Huc, dans ses voyages comme dans ce livre-ci, ne nous parle que des Chinois et des Tartares ; mais ce qui est vrai de ces deux peuples l’est de toutes les populations de l’Asie, de toutes ces masses de momies peintes qui pourrissent silencieusement sur leurs bases depuis des éternités, et qui y pourriront jusqu’au jour, peu éloigné maintenant, où, touché par la main vivante de l’Occident, s’émiettera définitivement en poussière tout cet amoncellement de sanie ! […] L’intérêt de l’ouvrage que nous examinons, de ce livre si impartial et si fidèle, ne touche-t-il pas à la tristesse ? […] Nous, nous n’avons jamais cru beaucoup aux transformations morales et libres de cette grande idiote qu’on appelle l’Asie, de cette hébétée de l’opium, du panthéisme indou et des coups de bâton ; mais en ce moment nous y croyons moins que jamais, et surtout en ce qui touche la Chine, c’est-à-dire l’expression de l’Asie dans sa concentration la plus violente et la plus dure.
Si politiquement, socialement, on ne peut juger la Justice dans cette noble et respectueuse terre de France, il n’en est point ainsi en ce qui touche aux choses purement spéculatives de la pensée, et, sur ce terrain-là, on a le droit de juger les jugements entachés d’erreur ou de faiblesse. […] Après avoir tracé, d’une plume simple et qui touche, l’histoire des premiers siècles de l’Église, que le protestantisme appelle son origine comme nous, sans songer à sa grande rupture, E. […] Chastel dans les généralités historiques qui ne touchent pas le sol embrasé, le sol volcanisé que nous sentons frémir sous nos pieds… Lui, le catholique, qui n’a pas de liaison d’idées avec l’ennemi, qui ne met point, plus ou moins, sa main dans la sienne, est discret, agressif, incompatible avec les doctrines socialistes contemporaines, et il ajoute souvent un trait à tous ceux qui les ont percées de toutes parts.
Les académies touchent parfois de leurs mains aveugles et tâtonnantes à des questions qui leur feraient peur si elles en voyaient la portée, comme des enfants qui touchent à des armes chargées et qui ne savent pas que ce qu’ils touchent là, c’est peut-être la mort !
qu’il est doux, disait-il quelque part, dans la retraite (d’un soir d’hiver), à travers le trou de sa serrure, de guetter le monde tel qu’il est fait, de voir tout le remuement de cette Babel et de ne point sentir la foule. » Mais il avait trop de sensibilité, de patriotisme, de mouvements humains et chrétiens pour en restera cet état de spectateur amusé, et il s’échappait à tout instant en élancements et en effusions douloureuses qui peuvent sembler aujourd’hui toucher à la déclamation, mais qui, à les bien prendre et à les saisir dans leur jet, étaient surtout des à-propos éloquents. […] Il n’est plus de chair qui palpite dans le cœur endurci de l’homme ; il ne sent plus rien pour l’homme : le lien naturel de la fraternité est tombé, comme le chanvre qui tombe brin à brin au toucher du feu. […] Collins a une ode pleine d’imagination et de haute fantaisie adressée Au soir : Cowper, dans le passage suivant, rappelle Collins avec moins de lyrisme et quelque chose de plus arrangé, de plus familier, mais avec une touche d’imagination non moins vive : Viens encore une fois, ô Soir, saison de paix, reviens, doux Soir et continue longtemps. […] Quelque corde à l’unisson avec ce que nous entendons, est touchée au-dedans de nous, et le cœur répond. […] Il me semble qu’en cet endroit Cowper a pensé à la profession de fei du vicaire savoyard et qu’il en touche l’endroit faible et défectueux, qui est aussi celui de tous les éloquents continuateurs de Rousseau : il y manque la toute petite parole qui change les cœurs.
Pour peu que l’éducation et la culture l’aient touché, il est (à en juger par la fleur des générations aimables et distinguées que nous en avons pu successivement connaître), il est ou devient aussitôt disposé à la poésie, à une certaine poésie, de même encore qu’il l’est naturellement à la musique. […] Si touchés que les contemporains aient pu être des grâces vives et naturelles de Parny, et de ses traits de passion, il ne faudrait pas croire que certains défauts essentiels leur aient entièrement échappé. […] Parny touchait à peine à l’âge de vingt-cinq ans, et il semblait déjà embarrassé de sa très-jeune muse d’hier ; il disait à la fin de sa Journée champêtre : Il n’est qu’un temps pour les douces folies, Il n’est qu’un temps pour les aimables vers. […] Nous touchons ici à son grand crime, à son tort vraiment déplorable, irréparable, et qui souille une renommée jusque-là charmante. […] Avant ce temps, il était de belle taille, mince, élégant ; il eut toujours l’air très-noble, et l’âge lui avait dessiné un profil qui rappelait, par instants, celui de Voltaire, mais un profil bien moins accusé, très-fin, et qu’Isabey a si délicatement touché de son crayon.
Elle s’aiguise d’une fine ironie, lorsqu’elle touche quelques-uns de nos travers : une douce et noble chaleur anime les endroits où l’idéal du bien nous est proposé. […] Quand il fait dire à chaque portion souffrante de la société et de la famille, à l’enfant, à la jeune fille, à l’épouse indigente, à l’aïeule glacée, quand il leur fait dire tour à tour à chacun : Cherchez l’or, nous en avons besoin pour vivre, pour grandir, pour travailler même et avoir toutes nos vertus, pour vieillir et pour mourir, — il a touché les fibres de tous et il arrache des larmes. […] La réponse dans laquelle les avantages de l’or sont opposés aux invectives des détracteurs, réponse qui rentre dans le ton et la doctrine de la pièce précédente, n’est pas à la hauteur de cette course lyrique du milieu, sans quoi le char du poète, ou, pour parler plus exactement, des poètes, eût touché plus près du but. […] Pour moi, qui suis de ceux à qui la Société des gens de lettres avait fait l’honneur de les appeler dans son sein pour participer à ce jugement, je puis dire en mon nom et en celui des hommes de lettres ainsi conviés que j’ai été frappé et touché avant tout d’une chose, du sentiment d’équité générale et bienveillante qui a présidé à ce long examen.
Et chacun d’eux s’étonnait qu’on n’habitât point Rome à jamais quand on y avait une fois touché ; chacun, dans cette masse de monuments et deruines, se creusait sa Rome à lui, sa catacombe, ne voyait qu’elle, et n’était troublé par rien alentour dans ce grand silence. […] Veuillot fut touché d’un certain aspect de cette Rome multiple, de l’aspect à la fois grandiose et mystique ; mais il ne fut pas touché en simple artiste et amateur, qui sent et qui passe. […] C’est ici que ma querelle sérieuse avec lui commence, et qu’avant de louer l’écrivain, l’excellent prosateur, et d’admirer le peintre vigoureux de la réalité, j’ai besoin absolument de m’expliquer sur le fond des choses, de marquer mes réserves ; car tout ce qui n’est pas croyant et convaincu à sa manière, gallicans, protestants, à plus forte raison déistes, naturistes ou panthéistes, comme on dit, tout y passe ; il les raille, il les crible d’épigrammes flétrissantes (car il a la touche flétrissante) ; il les traite même, en ses heures d’indignation, comme des espèces de malfaiteurs publics.
C’est par la vue que nous constatons d’ordinaire le mouvement, que l’ouïe et le toucher nous font aussi connaître. […] Il faut noter avec soin cette particularité et j’en dirai autant du toucher, qui peut être plus ou moins sensible aux impressions de chaud et de froid, de douceur ou de dureté, de rudesse ou de poli, etc. […] Presque toujours, quelle que soit sa prédilection pour celle-ci ou celle-là, il touche à beaucoup d’autres. […] Vous avez là une ample moisson à faire de songes, de rêveries, de visions et d’aspirations dépassant de beaucoup ce que nous pouvons voir, toucher et démontrer.
On n’en sortait pas même une première fois sans avoir été touché à un endroit singulier de l’esprit et du cœur, qui faisait qu’on était flatté et surtout reconnaissant. […] Pourtant, comme on ne peut bien comprendre le caractère et le doux génie de Mme Récamier, cette ambition de cœur qui, en elle, a montré tant de force et de persistance sous la délicatesse ; comme on ne peut bien saisir, disons-nous, son esprit et toute sa personne sans avoir une opinion très nette sur ce qui l’inspirait en ce temps-là, et qui ne différait pas tellement de ce qui l’inspira jusqu’à la fin, j’essaierai de toucher en courant quelques traits réels à travers la légende, qui pour elle, comme pour tous les êtres doués de féerie, recouvre déjà la vérité. […] Après le dîner, Mme Récamier sortit et voulut voir Fouché, qui refusa de la recevoir, « de peur d’être touché, disait-il, et dans une affaire d’État ». […] Ce dernier, si je ne me trompe, resta quelque peu touché.
On peut, dans un sentiment élevé de compassion, s’éprendre d’un intérêt idéal pour Marie-Antoinette, vouloir la défendre sur tous les points, se constituer son avocat, son chevalier envers et contre tous, s’indigner à la seule idée des taches et des faiblesses que d’autres croient découvrir dans sa vie : c’est là un rôle de défenseur qui est respectable s’il est sincère, qui se conçoit très bien chez ceux qui avaient le culte de l’ancienne royauté, mais qui me touche bien moins chez les nouveaux venus en qui ce ne serait qu’un parti pris. […] Ici je n’affecterai pas plus de sous-entendus qu’il n’en faut, et je ne craindrai pas de toucher le point le plus délicat. […] Au moment où ce voyage tant différé allait s’exécuter enfin, vers minuit, la reine, traversant le Carrousel à pied pour aller trouver la voiture préparée pour la famille royale par M. de Fersen, rencontra celle de M. de La Fayette qui passait : elle la remarqua, « et elle eut même la fantaisie, avec une badine qu’elle tenait à la main, de chercher à toucher les roues de la voiture ». […] Et l’on sait aussi ce dernier mot de Marie-Antoinette devant l’atroce tribunal, lorsque, interrogée sur d’affreuses imputations qui touchaient à l’innocence de son fils, elle s’écria pour toute réponse : « J’en appelle à toutes les mères !
Voilà ce qu’un peintre ne sçauroit faire : il est réduit à se servir pour nous toucher, de personnages que nous connoissons déja : son grand merite est de nous faire reconnoître sûrement et facilement ces personnages. […] Je me suis étonné plusieurs fois que les peintres qui ont un si grand interêt à nous faire reconnoître les personnages dont ils veulent se servir pour nous toucher, et qui doivent rencontrer tant de difficultez à les faire reconnoître à l’aide seule du pinceau, n’accompagnassent pas toujours leurs tableaux d’histoire d’une courte inscription. […] Dès qu’ils y paroissent touchez, on ne demande plus ce qu’ils y font. […] L’évenement, qui pourroit nous toucher, s’il nous étoit raconté avec un choix ingenieux de circonstances, mises en oeuvre dans un recit où la vrai-semblance seroit menagée, devient un jeu de marionetes quand on entreprend de le répresenter sur le théatre.
Saint-Marc Girardin, vers la fin de son discours, avait assez délicatement touché cette situation en disant : « Et pardonnez-moi, messieurs, si le souvenir de nos jeunes princes50me ramène naturellement vers ces écoles d’où ils sont sortis, vers ces lieux où j’ai mes plus doux devoirs, où il m’est donné de vivre avec les jeunes gens, et d’observer l’avenir de la patrie à travers le leur ; là aussi je vois la jeunesse toujours favorable aux bons sentiments et aux nobles pensées, toujours aisément émue quand on lui parle des saintes obligations de la famille ou de la gloire de la France ; bienveillante, j’ai droit de le croire, pour ceux qui l’instruisent, pour ceux même qui l’avertissent. […] Mais nous saluons les modernes en passant, et nous y revenons avec empressement, quand nous avons touché le but et affermi notre jugement.
Ce parfum surtout les touchait beaucoup, et bientôt, comme s’il leur eût monté légèrement à la tête, elles ne firent plus que s’en entretenir et s’en raconter les finesses les plus subtiles et les délicatesses. — Pour moi, dit l’une, je suis persuadée que ce parfum nous est venu exprès d’en haut pour embellir et pour animer la fleur. […] Mes sœurs, tout cela dans l’immensité des prairies et des bois naissait, vivait, mourait, se renouvelait sans cesse, tout cela se touchait et s’enchaînait sans se le dire, et par une sorte d’harmonie qui se suffisait à elle-même.
Mais dans Zaïre, si vous touchez à la religion, tout est détruit. […] Ce ne sont pas toujours les choses purement naturelles qui touchent : il est naturel de craindre la mort, et cependant une victime qui se lamente sèche les pleurs qu’on versait pour elle.
Par exemple (neuvième mois), depuis dix ou onze semaines, assis sur son tapis, il voyait à deux pas de lui la grande table à manger ; mais, ne sachant pas encore se traîner, il n’avait pu la toucher, il n’avait d’elle qu’une sensation visuelle, semblable à celle que nous avons de la lune ou des nuages. S’il nous poussait des ailes, nous tâcherions tout de suite d’aller toucher là-haut les corps aériens ou célestes. […] Ainsi le pli est déjà pris ; une famille de sensations conduit à une autre. — Même opération au jardin sur des fleurs et branches d’arbustes qu’il avait vues depuis longtemps, mais non touchées ; aussitôt qu’il a pu diriger ses mains, on le soulevait à portée de l’arbuste, et il touchait, empoignait les fleurs et les branches, avec une attention et un intérêt très visibles. […] On lui a fait regarder ou toucher des mouches, des fourmis, des scarabées qui marchaient devant lui sur le sable. […] Bien mieux, jamais il ne le dit à propos d’une poupée, probablement parce qu’il la touche et qu’il en a une impression tactile.
Nous sommes de son avis en cela, et il nous semble qu’en ce qui touche les portions toutes romanesques de la vie des grands hommes, s’il y a peu à faire pour les rendre plus complètes et harmonieuses, il est permis de l’oser ; mais un goût parfait, une discrétion extrême, devraient présider à ces légères et chastes atteintes. […] Si j’étais sensible au toucher, il y a longtemps que je serais mort. […] Ceux-ci n’osaient venir toucher leurs redevances, et ils attendirent qu’il fût mort pour réclamer de sa veuve les arrérages qui montèrent à 50,000 francs à la fois. Ses fils le voyaient à peine et ne l’interrogeaient pas ; ils n’auraient pas même osé lui adresser un culte direct : « Je n’ai jamais eu l’honneur, dit le marquis, père de Mirabeau, de toucher la chair de cet homme respectable. » Sa femme, par nature ou par obéissance, avait contracté les mêmes mœurs. […] cet homme-là n’avait jamais touché la chair de son père.
Toutes les questions que l’immense nom de Virgile soulève ont été touchées et résolues avec le renseignement et l’art d’un connaisseur habile. […] Toute cette partie du travail de Sainte-Beuve est empreinte d’une grandeur morale qu’on est moins accoutumé à rencontrer en cet écrivain que ses qualités d’un autre ordre, précieuses aussi, mais moins relevées, et elles prouvent merveilleusement à quel point cette organisation, qu’on ne croyait que fine, pourrait devenir large et forte quand elle touche à des sujets grands. […] Le définitif, l’arrêté, le stable, le solide, tout ce qui touche à l’irrévocable dans l’ordre de la pensée, l’émeuvait peu. […] Il était fait pour tout ce qui est petit et il n’agrandissait pas ce qu’il touchait. […] Le légataire de Sainte-Beuve, qui administre son testateur lui-même comme sa fortune, — comme une propriété dont on a, aux termes de la loi, le droit d’user et d’abuser, crierait comme une oie du Capitole (il a déjà crié) si on touchait un peu rudement à son illustre maître, et qu’on discutât son talent en le réduisant à ce qu’il est, sans exagération et sans ambages.
Ne touchez pas à la fontaine, ni au bois, ni à la plaine. J’y veux toucher au contraire et qu’on me les ait rendus palpables. […] Le second point touché dans la préface de Schwob est l’élucidation de l’Absurde, au sens où l’entend Rachilde, en un sens très admissible et très admis, mais nettement différent du précédent.
C’est qu’on ne touche pas impunément sans précaution à la matière ! […] Tessier avec infiniment de justesse, Cabanis, qui avait contre l’Église et les idées religieuses les haines perverses de son époque, voulait, dans la civilisation de l’avenir, remplacer les prêtres, dont le rôle était fini (pensait-il), par les vingt mille médecins qui allaient toucher en haut et en bas à toutes les réclamations de la société moderne et la gouverner en la retournant sur son lit de douleur. […] III Et, ici, nous touchons au plus beau côté d’un livre qui nous en promet un autre, dégagé de toute polémique, et par cela plus grand… Esprit historique comme on doit l’être, avant d’être métaphysicien, M. le docteur Tessier ne fait point la guerre, sans savoir comme il fera la paix.
— Mais l’essentiel, je le vois bien, même en littérature, est de devenir un de ces noms commodes à la postérité qui s’en sert à tout moment, qui en fait le résumé de beaucoup d’autres, et qui, à mesure qu’elle s’éloigne, ne pouvant toucher toute l’étendue de la chaîne, ne la compte plus, de distance en distance, que par quelque anneau brillant. […] Si le poète, en outre, a eu particulièrement à souffrir de la vie et des hommes, que ce soit sa faute ou celle de son étoile, si plus qu’un autre il a été humilié par la destinée, je n’imagine rien de plus propre que ces novissima verba, que ces paroles suprêmes, à attirer enfin l’intérêt sur sa personne, et à touchez en sa faveur les plus distraits et les plus froids. […] Campaux (un peu plus sérieux et plus ému que nous sur le compte de Villon), il voulut faire ses adieux au monde qu’il quittait, et laisser de lui un souvenir, d’abord à celle qui était la cause de son départ, et que, par un reste d’espoir si naturel aux malheureux, il ne désespérait peut-être pas de toucher par l’expression de sa douleur si navrante et si résignée ; ensuite à son maître Guillaume de Villon, auquel il devait tant, ainsi qu’au petit nombre d’amis qui lui étaient restés fidèles ; enfin aux nombreux compagnons qui n’avaient pas épargné sans doute les railleries à sa disgrâce, et sur lesquels il était bien aise de prendre sa revanche. […] Campaux établit très bien tout cela ; et comme heureux lui-même de cette délivrance : Il était donc échappé une seconde fois à la mort, nous dit-il d’un accent touché, mais dans quel état ! […] Ou bien, le spectacle de la nature, par son innocence même, n’avait-il plus de quoi le toucher, et avait-il fini par ne respirer à l’aise que dans l’atmosphère des mauvais lieux ?
Dès l’instant où vous lui seriez moins cher, elle ne serait plus pour moi qu’une femme ordinaire, et je cesserais de l’aimer. » M. de Krüdner, touché de cette lettre comme un galant homme pouvait l’être, fit avec gravité une chose imprudente : il montra cette déclaration à sa femme ; et, en croyant stimuler sa vertu, il ne fit qu’irriter sa coquetterie. […] Sa charité me touche, sa facilité et parfois sa puissance de parole mystique m’étonne et me séduit ; mais, tout en me prêtant à la circonstance et en ayant l’air de suivre le torrent, je me réserve le sourire. […] Je conçois le sentiment de discrétion et de délicatesse qui fait qu’on hésite à toucher à de vieilles blessures et à remuer les cicatrices d’un cœur ; mais ce mot humilier en pareil cas n’est pas français : tant que la dernière source, la dernière goutte du vieux sang de nos pères n’aura pas tari dans nos veines, tant que notre triste pays n’aura pas été totalement régénéré comme l’entendent les constituants et les sectaires, il ne sera jamais humiliant pour un homme, même vieux, d’avoir aimé, d’avoir été aimé, fût-ce dans un moment d’erreur. […] Eynard, qui est peut-être choqué de ces deux duretés autant que nous, n’a pas besoin à son tour, pour nous toucher, de recourir aux couleurs outrées ni aux contrastes. […] Nous savons trop bien de quoi il retournait dans la coulisse, et on nous a fait toucher du doigt les ficelles.
Ce n’est pas là une transposition laborieusement étudiée : l’auteur ancien n’a fait que toucher pour ainsi dire en lui l’image à réveiller, et du fond de son expérience a surgi tout à coup, entre les lignes du texte latin, une physionomie familière et contemporaine. […] Ou du moins toute la sympathie dont il est touché, c’est celle d’un peintre devant un panier de cerises ou un chaudron de cuivre. […] Mais quand Boileau touche à la satire littéraire, là certainement il est poète. […] Il les touche de biais, il s’y glisse comme obliquement, et les idées les plus fécondes de sa critique éclatent comme des saillies au milieu d’un discours dont l’idée générale est peu intéressante. […] En revanche, quelle chaleur, et quel accent, dès qu’il rencontre quelque propos qui touche à la littérature.
La folie chevaleresque n’a pas touché Villehardouin : d’autres, dans l’armée, sont des héros de roman par la témérité. […] « Et moult fut grand le gain : et lors furent moult à l’aise et riches. » Voilà ce qui le touche, et qui légitime assez la conduite inattendue de la croisade. […] Eclairé ainsi par ses propres sentiments, Villehardouin a touché juste. […] Joinville nous les fait voir et toucher, il nous les montre en action, dans les faits particuliers : saint Louis jugeant à Vincennes ou dans son jardin du palais, ou bien punissant six bourgeois de Paris qui, pour s’être arrêtés à mander des fruits dans une île, avaient retardé et mis en péril toute la flotte ; saint Louis prisonnier des Sarrasins, qu’il domine par sa sérénité ; saint Louis refusant de quitter sa nef à demi bridée, pour partager le sort de ses gens ; saint Louis portant les cadavres de ses soldats, « sans se boucher le nez, et les autres le bouchaient », autant de tableaux expressifs, saisissants de réalité familière, et que Joinville a rendus populaires. […] En vain les Templiers essaient-ils de lui faire comprendre qu’ils ne peuvent toucher aux dépôts qu’on leur confie : il force leur caisse, pour payer la rançon du roi.
Ses prescriptions ne touchent qu’aux genres et aux soins de la langue. […] Ne lui disputons pas d’ailleurs le mérite d’une certaine imagination de style, et par moment d’un heureux choix de mots ; mais dans ses plus beaux vers on ne sent ni une raison émue ni un cœur touché. […] Nous qui sommes juges dans un procès fait à un homme de génie, nous ne prenons de ces preuves que ce qu’il en suffit pour donner raison à la vérité contre Voltaire, sans toucher à sa gloire. […] Le Franc de Pompignan et Lebrun ont quelques strophes, et ce n’est pas peu ; car toucher le but lyrique, fût-ce une seule fois, met un nom à part, et toutes les railleries de Voltaire ont fait moins de mal à le Franc de Pompignan que ses strophes sur la mort de J. […] C’est à l’école des élégiaques anciens qu’il apprit l’art si difficile d’idéaliser la passion et de ne montrer de son cœur que ce qui peut toucher le nôtre.
La touche de Lesage est toute française, et si notre littérature possède un livre qu’il soit bon de relire après chaque invasion, après chaque trouble dans l’ordre de la morale, de la politique et du goût, pour se calmer l’humeur, se remettre l’esprit au point de vue et se rafraîchir le langage, c’est Gil Blas. […] Je fais la même remarque en ce qui touche les comédiens, dont il avait eu souvent à se plaindre. […] Le vieux fat touché l’en remercie, et retourne chez sa maîtresse pour rompre. […] Quand Laure le fait passer pour son frère et qu’elle le présente sur ce pied à toute la troupe, le respect avec lequel il est reçu par tous, depuis les premiers sujets jusqu’au souffleur, la curiosité et la civilité avec lesquelles on le considère, touchent de près à l’une des prétentions les plus sensibles de ce monde des comédiens d’autrefois : « Il semblait, dit-il, que tous ces gens-là fussent des enfants trouvés qui n’avaient jamais vu de frère. » C’est qu’en effet les comédiens (je parle toujours de ceux d’autrefois), précisément parce qu’ils étaient le plus souvent peu pourvus du côté de la famille, étaient d’autant plus fiers et attentifs quand ils en pouvaient montrer quelques membres comme échantillon. […] Joubert, pensait à ce manque d’idéal chez notre auteur, quand il a laissé tomber ce jugement sévère : « On peut dire des romans de Lesage qu’ils ont l’air d’avoir été écrits dans un café, par un joueur de dominos, en sortant de la Comédie. » Mais nous touchons là aux antipathies qui séparent nettement deux races d’esprits : ceux qui préfèrent le naturel à tout, même au distingué, et ceux qui préfèrent le délicat à tout, même au naturel.
C’est trop, sans doute, de dire avec Cuvier que la vie disparaît pour peu qu’on touche à l’un de ses éléments (car on ne voit pas que l’homme meure quand on lui coupe une jambe, ce qui est cependant pour lui une révolution assez grave) ; mais on peut croire que, tout étant lié à tout dans l’organisme, il n’est pas possible de bien étudier les parties en dehors du tout et de leurs relations naturelles avec le tout. […] Or, comme nous ne pouvons atteindre les phénomènes que par l’intermédiaire du milieu, si ces phénomènes vitaux sont en dehors de tout milieu et indépendants de lui, nous ne pouvons agir sur eux par aucun moyen : nous ne pouvons que les regarder, sans y toucher, sans les modifier. […] Vous pouvez voir et toucher mon cerveau, vous ne pouvez pas voir et toucher ma pensée. […] Admettrons-nous donc que ces deux règnes coexistent sans se toucher, sans se mêler, sans agir l’un sur l’autre ?
Ici les têtes sont mal touchées et les vêtemens lourds, ici ou dans un autre morceau dont le sujet est le même. […] Ce morceau est plus soigné que les autres, en dépit d’un œil blanc rougeâtre et cuivreux, la touche en est moelleuse et spirituelle ; il y règne un transparent un suave de couleur qui dépite contre un artiste qui se néglige. […] J’ai dit que la tête de la fille était maussade, mais cela n’empêche pas qu’elle ne soit ainsi que sa gorge, de très-bonne couleur ; j’ai dit que le père et la mère étaient dans l’ombre sans qu’on sût pourquoi ; mais cela n’empêche pas qu’ils ne soient moelleusement touchés, et que ce morceau, à tout prendre, ne l’emporte sur les autres du même artiste ; il est certainement plus soigné, mieux peint et plus fini. […] Les têtes sont ici mieux touchées, mais non de manière à se soutenir contre le reste, ces têtes plates, monotones et faibles, au-dessus de ces étoffes riches et vigoureuses vous blessent. […] Sa touche est lourde, sa manière de faire est pénible et heurtée ; dans ses paysages, les feuilles des arbres sont pesantes, matérielles, et faites sans ragoût, sans verve ; il n’y a pas dans tout ce qu’il a exposé une étincelle de feu, bien moins un trait de verve.
Plus à l’aise que moi, Cassagnac nous les a montrées, dans son livre, avec une force de renseignement et une connaissance si approfondies, que ceux qui ont discuté les idées de son histoire n’ont pas osé toucher à ce formidable côté des hommes. […] S’il avait pu y croire une minute, avec ses tendances positives de penseur chez qui la pensée a toujours touché à l’action, et d’écrivain catholique chez qui le catholicisme a redoublé le bon sens, il ne fût point descendu des hauteurs de son histoire dans le détail de la vie des hommes de la Révolution, les isolant les uns des autres pour mieux étudier chacun d’eux. Si l’expérience et l’observation ne lui avaient enseigné la consubstantialité des hommes et des choses dans les manifestations de l’histoire, s’il n’avait pas vu qu’à tous les âges du monde les hommes qui ont trempé au plus profond d’une époque, qui en occupèrent les avenues et les hauteurs, laissent sur elle l’éclatant honneur ou l’éclatante infamie de leur caractère ou de leurs passions, — de leur humanité, enfin, qu’elle ait été vertueuse ou scélérate, — il se serait épargné, et à nous aussi, l’inutile détail de ces consciences corrompues, de ces personnalités abjectes, de toutes ces grandeurs apocryphes qui, quand on les touche d’un doigt ferme, se rétractent en de honteuses politesses ou coulent en fange sur la main. […] Pour Danton, la modification, plus profonde encore, touche vraiment à la métamorphose. […] Dirai-je que l’auteur — l’un des premiers journalistes de ce temps — est un de ces écrivains de grande venue qui touche enfin à la maturité de ses facultés ?
Née à la Havane dans cet opulent climat qui plus tard lui faisait paraître l’Andalousie si chétive, et où les mouches volantes seraient seules des clartés suffisantes de la nuit, la jeune Mercedès Jaruco, élevée d’abord et très gâtée chez sa grand-mère, puis mise au couvent où elle ne peut tenir et d’où elle s’échappe un matin, puis auprès d’une tante de chez laquelle elle s’échapperait non moins volontiers, nous apparaît dans sa beauté native, sachant lire à peine, souvent sans bas, un peu sauvage, ne s’arrêtant jamais entre un désir et son but, courant à cheval et tombant, grimpant à l’arbre et s’évanouissant au toucher d’une couleuvre, bonne pour les nègres, dévouée au premier regard pour ce qui souffre ; on se plaît à admirer une enfance si franche et si comblée des plus riches dons, racontée avec finesse et goût par la femme du monde. […] L’épisode de la mère Inès et la peinture du couvent sont semés de traits discrets et justes, sur cet effet mystérieux des religieuses aux formes vagues se perdant dans les corridors, sur cette marche furtive de la jeune fille serrant le mur auquel, de temps en temps, elle s’appuie pour se rendre plus légère ; un art délicat a touché ces points.
Le monarque descendu de son trône la touche froidement du bout de son sceptre. […] Il s’agit bien de toucher de son sceptre une femme charmante, adorée et qui se meurt de douleur !
Comme la touche en est spirituelle et légère ! […] Nous touchons à la montagne qui est derrière nous.
Dans La Mère confidente, qui sort de ses données habituelles et qui est d’un ordre à part dans son théâtre, il a touché des cordes plus franches, plus sensibles et d’une nature meilleure. […] Son laisser-aller, sa négligence d’homme comme il faut, sa facilité à donner, le réduisirent souvent à de tristes expédients ; il touchait une pension d’Helvétius, une autre de Mme de Pompadour. […] Je représentai sa situation à Mme la duchesse de Choiseul, en la priant de tâcher de lui faire avoir une pension ; elle eut la bonté d’en parler à Mme de Pompadour qui en fut étonnée : elle faisait toucher tous les ans mille écus à Marivaux, et, pour ménager sa délicatesse et l’obliger sans ostentation, elle les lui faisait toucher comme venant du roi.
Elle ne satisfait point l’homme de sensibilité et de goût, comme le font les stances de Racan sur La Retraite ou l’ode de Maynard À Alcippe ; elle a cependant son charme et sa grâce par une touche large et naïve, bien qu’il s’y mêle des tons déplaisants et même incohérents. […] Il n’y mêle aucune idée morale ni aucun sentiment fait pour toucher, et lorsqu’il s’écrie en terminant : Oh ! […] Il a donné quelque part sa théorie pour ce genre poétique grotesque, dont les plus gaies productions contribuent, selon lui, à l’entretien de la santé et devraient être les plus recherchées et les plus chéries de tout le monde : Ce n’est pas, dit-il, que je veuille mettre en ce rang les bouffonneries plates et ridicules, qui ne sont assaisonnées d’aucune gentillesse ni d’aucune pointe d’esprit, et que je sois de l’avis de ceux qui croient, comme les Italiens ont fait autrefois à cause de leur Berni, dont ils adoraient les élégantes fadaises, que la simple naïveté soit le seul partage des pièces comiques : je veux bien qu'elle y soit, mais il faut qu’elle soit entremêlée de quelque chose de vif, de noble et de fort qui la relève : il faut savoir mettre le sel, le poivre et l’ail à propos en cette sauce ; autrement, au lieu de chatouiller le goût et de faire épanouir la rate de bonne grâce aux honnêtes gens, on ne touchera ni on ne fera rire que les crocheteurs. […] Dans ses nombreuses stances, l’intention me semble valoir beaucoup mieux que le résultat ; voici, au reste, un des meilleurs endroits où il rappelle, en se l’appliquant, une parole du saint livre : Profaner le talent, c’est pis que l’enfouir : Ces hautes paroles m’étonnent, J’en dois être en mon cœur bien plus touché que toi ; J’en blêmis, j’en tremble d’effroi, Et jusque dans mon âme à toute heure elles tonnent ; Ma plume en est confuse, et tous ses jeunes traits N’en forment à mes yeux que d’horribles portraits.
Je ne me suis arrêté qu’au moment où je ne sais quelle violente douleur vint m’avertir que j’avais pris la route du désespoir, et que j’allais toucher à ses premières limites. […] Tes eaux sont déchirées par les rochers aigus ; tu tombes des pics voisins du ciel dans des cavernes qui touchent, aux enfers ; brisé toi-même, tu brises tout ce qui se trouve sur ton passage. […] Veyrat, une fois touché au cœur par la religion, se décida à une grande démarche. […] dût le chemin qui mène à ma patrie Être plus rude encore, et ma tête meurtrie Ne pas trouver de pierre où se poser le soir ; Dussé-je n’avoir pas une table où m’asseoir, Pas un seul cœur ému qui de moi se souvienne, Pas une main d’ami pour étreindre la mienne ; Comme le lépreux d’Aoste, au flanc de son rocher, Dussé-je cultiver des fleurs sans les toucher, N’avoir pour compagnon, dans ma triste vallée, Qu’un chien, et pour abri qu’une tour désolée, Et quand je souffre trop pendant les longues nuits, Qu’une sœur pour me plaindre et bercer mes ennuis, Une sœur qui, souffrant de la même souffrance, Prie et veille avec moi jusqu’à la délivrance…, Je veux aller revoir les lieux que je chéris, De mon bonheur au moins retrouver les débris ; Si ce ne sont les morts qui dorment sous la pierre J’embrasserai leurs fils, hélas !
Le monde, pour elle, se présentait comme partagé nettement en deux, les bons et les méchants : les méchants, c’est-à-dire tout ce que l’imagination humaine, dans les heures de paix et de régularité sociale, ose à peine se représenter à nu, la brutalité dans toute sa grossièreté et sa bassesse, le vice et l’envie dans toute l’ivresse ignoble de leur triomphe et dans la cruauté de leurs raffinements ; les bons, c’est-à-dire quelques-uns, touchés, pleurant, timides, adoucissant le mal à la dérobée et se cachant. […] Cette jeune fille royale, qui croit naturellement au droit de sa race, veut exprimer par là que la fidélité à ses rois dans le malheur est un devoir et une vertu ; mais, même quand il n’en serait pas tout à fait comme elle le pense, son expression droite et naïve ne l’a point trompée ; elle dit vrai encore : car ce qui n’était plus un devoir de fidélité peut-être, en était un pour le moins d’humanité, et quiconque a passé le seuil du Temple en ces trois années et y a paru compatissant à de telles infortunes, mérite l’estime, de même que quiconque y a passé sans être touché au cœur ni serviable, a une mauvaise marque. […] À une question qui lui fut faite sur un piano qui était dans la chambre et qu’on supposait pouvoir la distraire : « Non, monsieur, répondit-elle, ce piano n’est pas à moi, c’est celui de la reine ; je n’y ai pas touché, et je n’y toucherai pas. » À une autre question sur sa bibliothèque, qui se composait de l’Imitation de Jésus-Christ et de quelques livres de piété, et qui était peut-être insuffisante pour la désennuyer : « Non, monsieur, répondit-elle encore ; ces livres sont précisément les seuls qui conviennent à ma situation. » Ce moment qui s’écoula entre le 9 Thermidor et la délivrance de la princesse aux derniers jours de l’année 1795, fut celui où toute une littérature royaliste essaya d’éclore autour d’elle.
rien de moi ne le touche plus. » Ces idées le poursuivaient ; et, pour peu qu’il fût livré à lui-même, il tombait comme abîmé dans sa douleur. […] En le quittant, je ne pus m’empêcher de lui paraître vivement touché de ses peines : « Vous y ajoutez, me dit-il, le regret de ne vous avoir fait aucun bien, lorsque cela m’eût été si facile. » Peu de temps après, il obtint la permission d’être transporté à Paris. […] Mais, cela dit, n’entrons pas dans le domaine du cœur ; ne touchons pas trop la corde du sentimental. […] Cette réfutation, qui s’est fait attendre, prouverait seule combien l’article a touché juste.
La partie supérieure de la figure est dans la demi-teinte, le reste est éclairé. à droite du lit sur une petite estrade de bois, la crosse, la mitre et l’étole. à gauche, deux prêtres qui administrent l’extrême-onction ; celui qui est sur le devant touche de l’huile sainte les pieds du saint moribond qui sont découverts. […] En attendant, je me rappelle très-bien d’avoir vu de l’obscurité où j’étais, des lieux éclairés par une lumière soit naturelle, soit artificielle éloignée, et je me rappelle tout aussi bien que les objets voisins de la lumière étaient plus distincts pour moi que ceux qui me touchaient presque. […] Il y a sur le devant, à gauche, dans la demi-teinte, un vieux fauteuil à bras, faiblement peint, touché sans humeur. […] Petit chat faiblement touché.
Si, dans les vers dont vous me parlez, l’image se joint au sentiment et ne l’affaiblit pas, c’est le plus grand charme de la poésie ; et je préfère, ainsi que vous apparemment, ces vers-là à tous les autres : si le sentiment est de nature à exiger la plus grande simplicité dans l’expression, les vers de cette espèce n’ont rien de commun avec les vers d’image, ni par conséquent aucun terme de comparaison avec eux ; on sera plus touché des uns ou des autres, selon qu’on sera plus sensible à ce qui touche ou à ce qui étonne. […] Voilà la pierre de touche pour s’assurer s’ils sont bons.
Il en est qui ne touchent que les âmes sensibles et qui glissent sur les autres. […] En effet la source de notre plaisir et de notre ennui est uniquement et entièrement en nous ; nous trouverons donc au dedans de nous-mêmes, en y portant une vue attentive, des règles générales et invariables de goût, qui seront comme la pierre de touche à l’épreuve de laquelle toutes les productions du talent pourront être soumises. […] C’est ainsi qu’un physicien réduit au seul sentiment de toucher, prétendrait que les objets éloignés ne peuvent agir sur nos organes, et le prouverait par des sophismes auxquels on ne pourrait répondre qu’en lui rendant l’ouïe et la vue.
Mais il est certain qu’elle est imposante, et qu’elle donne au livre à travers lequel elle est répandue la désolation immobile et saisissante des figures tumulaires, sobres de gestes, et une solennité sans emphase qui touche presque à de la grandeur. […] qu’il n’y en ait pas mis une autre… Henri IV a donc commis là bien évidemment une des plus grandes fautes que souverain pût commettre, même la question religieuse écartée, que l’Histoire cependant n’écartera pas, car, je le dis, en regardant bien en face les révolutions futures, ou du moins le chemin par lequel elles peuvent venir, les gouvernements doivent toujours venir à bout, quand ils le voudront, eux qui sont la force organisée, de la force qui ne l’est pas… Segretain a par des exemples nombreux et frappants fait toucher du doigt dans son histoire la bévue des gouvernements du xvie siècle qui précédèrent celui de Henri IV, lequel paracheva et fixa les conséquences de cette énorme faute, en la commettant à son tour ; et on se demande vraiment pourquoi, en lisant Segretain, qui nous met en lumière une chose qu’avant lui on n’avait pas assez vue, ce qui prouve son extrême bonne foi et son désir de justice : c’est qu’à toutes les époques de sa vie Henri IV, quelles qu’aient été ses apostasies, avait toujours été au fond de sa pensée plus catholique que protestant ! […] Cela déconcerte un peu les idées reçues, mais voyez si avec la nature de Henri, cette nature indifférente aux idées religieuses pour elles-mêmes, son bon sens qui touchait au génie, son ardeur de cœur et de sens, son esprit politique, pratique et si bien fait pour le commandement, voyez si le catholicisme, cette religion de l’unité et de l’ordre et qui était encore la force dans le pays, ne devait pas être préférée à l’anarchie des doctrines protestantes, scindées déjà de son temps par plusieurs communions.
La France, seule, a fait plus pour cette gloire que l’Angleterre, par exemple, dont le sang saxon touche au sang germain dans ses veines, et quoique son Walter Scott ait traduit Gœthe et que son grand Byron lui ait dédié respectueusement son Manfred. […] Qui touche à Gœthe touche à la reine ou à la hache.
Qui oserait toucher irrespectueusement à cette arche de la Comédie humaine et à Balzac, ce Balzac presque insulté, il y a vingt ans, jusque par ce pauvre petit Doudan, qui n’était pas méchant, mais qui eut le tort, toute sa vie, de pondre les jolis œufs qu’on a dénichés depuis, dans un nid d’oies académiques qui les a gâtés ! […] En cela, il a été plus malheureux que Napoléon, qui, du moins, toucha à pleine main sa gloire, et fit des ennemis envieux de tout pouvoir d’un seul les très humbles et très obéissants valets du sien ! […] Si, comme le disent nos Saints Livres, à nous autres chrétiens, Dieu nous a faits à son image, il semble qu’il ait mis plus de lui dans le cœur de l’homme que dans son intelligence, — et c’est pour cela que la Correspondance de Balzac touche, surtout, par les lettres du cœur qui y sont écrites.
Il le compare au géant Antée, fort dès qu’il touche la terre, mais faible dès qu’il rêve et devient fantastique. […] Des génies qui se portent bien, et non des malades comme Hoffmann, ont touché à ce côté mystérieux et profond de l’imagination et de la sensibilité. […] On se dit que l’homme des superstitions de l’Écosse doit toucher de bien près aux superstitions du visionnaire allemand, et toutes ces raisons combinées donnent un poids immense au jugement porté par Walter Scott sur les Contes fantastiques et sur leur auteur.
Il y a des différences dans la gloire de Bossuet, comme il y a des places plus rayonnantes, plus condensées, plus blanches dans la lumière, mais de l’absence de lumière, mais de l’ombre positive à un seul endroit de cette vie étonnante, on la cherche en vain… Seulement, cette lumière qui partout l’inonde, et dont l’écrivain qui la retrace finirait par être ébloui, passant à travers les mœurs simples et fortes de cet homme trop grand pour n’être pas un bon homme, donne à cette vie, aveuglante d’éclat, des tons doux, charmants, attendris, qui nous reposent et qui nous touchent, et qui ont influé, sans qu’on s’en soit rendu bien compte jusqu’ici, sur ce qu’il y avait de plus beau et de plus profond dans sa pensée. […] Là, il vécut préoccupé des soins de son canonicat et d’études dont le fond n’a jamais peut-être été touché que par lui seul. […] Seulement il l’est à sa manière, avec une abondance de notions, une appropriation de connaissances qui prouve à quel point l’enthousiasme touche à la patience et que rien n’est impossible à l’amour !
Çà et là, il est vrai, saint Vincent de Paul avait eu parmi les écrivains religieux, plus ou moins touchés de ses vertus, les panégyristes de l’admiration et de l’amour. […] L’hagiographie, cette peinture byzantine littéraire, avec son inspiration macérée, avec ses nimbes mystérieux et rayonnants, ne touche guères que les cœurs qui les voient, ces nimbes, sans qu’on ait besoin de les leur montrer, et c’est pourquoi l’abbé Maynard a mieux aimé faire de l’histoire, — de la vaste et forte peinture d’histoire, — avec tout le ragoût de critique et de renseignement qu’une civilisation très avancée et très difficile exige maintenant de l’historien. […] Je ne m’attendais donc pas, quand j’ouvrais cette Vie de saint Vincent de Paul, par l’abbé Maynard, à beaucoup plus qu’à des choses infiniment touchantes et touchées délicatement par un homme d’un talent borné par le goût, cette barrière élégante !
Avant Vigny, qui devina André Chénier par le génie, nous eûmes La Touche, qui le publia, et qui nous ébrancha ce beau platane grec avec sa petite serpette de jardinier français et d’homme de goût. Eh bien, puisqu’il ne pouvait être un peintre divinateur comme Vigny, c’était un critique comme La Touche que Sainte-Beuve devait se contenter d’être en parlant de Guérin, cet « André Chénier du panthéisme », comme il ne l’appelle pas, mais comme il dit qu’on l’a appelé ! […] L’affectation n’oserait pas toucher, dans Guérin, à sa sensation exquise ou profonde.
Homère y touche par son sérieux naïf, mais il n’y entre pas. […] Quoi d’étonnant, du reste, que les femmes, auxquelles il adressa les flatteries les plus enivrantes que jamais oreille de femme ait bues, aient raffolé de ce roi du madrigal voluptueux et naïf, qui a l’art de n’y pas toucher ou de n’y toucher que bien peu.
Pour toucher à ce genre de littérature, il faudra vraiment du génie. Fané par tant d’imaginations plus ou moins puissantes ou vulgaires, qui y touchent comme si, de talent, elles en avaient le droit, ce ne sera pas trop que du génie, — et beaucoup de génie, — pour raviver cette forme déjà usée et flétrie, sur laquelle des talents sans mâle invention et sans fécondité viennent passer leurs petites ardeurs. […] De l’imitation consciencieuse qui veut être habile, de l’imitation qui est même parfois réussie dans la dégradation de ce qu’elle imite… Vous voyez qu’en fait de romans et de contes, nous, avions raison de dire que nous touchons tout à l’heure à la période des Luce de Lancival et des Carion de Nisas !
Il veut bien avoir son terrible, comme Anne Radcliffe, mais il ne l’a pas pour nous dire, en nous faisant toucher les pièces de son décor et l’habit de toile cirée de ses fantômes : Avez-vous été bêtes d’y être pris ? […] Évidemment, au dix-neuvième siècle, avec l’influence physiologique qui pleut sur nos têtes, avec l’empoignement de l’Imagination publique par ces questions de magnétisme contre lesquelles les plus forts d’entre nous vont à chaque instant se cogner, évidemment les romanciers et les poëtes (dramatiques ou non dramatiques) devaient avoir une autre manière de toucher à cette corde mystérieuse du système nerveux humain, dont le génie de Shakespeare a tiré une vibration si déchirante, rien que pour l’avoir effleurée ! […] Or, si Balzac a pu se tromper un jour dans la mesure qu’il faut faire à la physiologie dans le roman, dans la discrétion d’artiste consommé qu’il faut avoir quand on touche à des phénomènes qui peuvent emporter ou défigurer votre œuvre, comme ces poisons et ces phosphores contre lesquels les chimistes mettent des masques de verre et qui pourraient, en s’éclatant, leur emporter le cerveau !
Elle doit, d’une part, comprendre les éléments littéraires qui composent l’époque étudiée, les divers groupes qui s’y touchent et s’y combattent, l’importance relative de ces différents groupes et des différents genres littéraires, etc. […] D’autres, au lieu de viser uniquement à en dérouler l’histoire, ont subordonné ce but, déjà bien assez difficile à toucher, au désir de faire avancer la psychologie.
Toutes ces Pieces ne sont pas égales, à la vérité ; mais on trouve dans ses défauts mêmes, selon l’expression d’Horace, la touche du grand Poëte qui rend respecpectables jusqu’à ses écarts : Invenias etiam disjecti menbra Poëta. […] Voltaire a fait des Tragédies, il est vrai ; mais sa touche est si foible auprès de celle de l’Auteur de Cinna, de Polieucte, de Rodogune, des Horaces, qu’il auroit dû se borner au genre de suffrages qu’il mérite, sans chercher à détruire une espece de culte dont la France & l’Europe Littéraire ne se départiront jamais en sa faveur.
C’est en quoi consiste le sublime du pseaume : in exitu Israel de Aegypto , et de quelques autres dont les personnes de goût sont aussi touchées que des plus beaux endroits de l’iliade et de l’éneïde. […] Je ne crois point qu’une action allegorique soit un sujet propre pour les poëmes dramatiques, dont le but est de nous toucher par l’imitation des passions humaines.
Champfleury est, comme les conteurs, un écrivain qui touche aux poètes. […] Quand on touche aux fils saignants des cœurs délicats avec cette délicatesse de main, on est mieux qu’un miniaturiste d’une époque fanée, on est un moraliste et un émouvant écrivain.
Toutes les fois qu’on vient à toucher cette tige de Jessé, comme ils l’appellent, il s’en exhale poésie et parfum. […] Ainsi l’imagination, d’un toucher facile et puissant, transfigure et divinise tout dans la souvenir. […] Un endroit du Voyage touche directement à l’innovation pittoresque de l’auteur et à la conquête particulière que méditait son talent : « L’art de rendre la nature, dit-il, est si nouveau, que les termes même n’en sont pas inventés. […] Présage à peine touché, déjà pressenti ! […] » — Toujours et partout la vieille histoire de Saturne et de Jupiter ; toujours les générations d’autant plus inexorables qu’elles se touchent davantage, et empressées de se nier l’une l’autre quand elles ne peuvent se dévorer !
C’était l’heure des adieux suprêmes à tout ce qu’on a vu, touché, aimé, vénéré dans la vie. […] On a été touché partout de notre simplicité, et du motif de notre voyage à pied, et le peuple hospitalier nous a traitées en amies. […] Nous autres, nées et habitant à la campagne, comme vous, monsieur, cela nous touchait plus que tout le reste. […] Ce trait de générosité touchait vivement le peuple peu réfléchi de ces campagnes, qui croyait que la force était le droit, et que c’était un crime que d’avoir un autre roi que le vainqueur. […] Tout était changé, comme si on avait tiré un voile devant la nature, et tout paraissait si près qu’il semblait qu’on allait toucher tous les hameaux de la paroisse.
Le seul plaisir qu’on y pût prendre, celui d’y retrouver l’imitation des formes du théâtre ancien, ne pouvait guère toucher le public. […] Mais que de justesse dans cette remarque, que nous ne sommes touchés des malheurs des princes « qu’autant que nous sommes susceptibles des passions qui les ont fait tomber dans le précipice ! […] Voltaire a dit beaucoup plus de mal de ses tragédies qu’il n’eût souffert qu’on en dît ; se trop critiquer touche à s’estimer trop. […] La force d’âme y paraît toucher à la dureté, par exemple dans les deux Horaces, chez qui le citoyen a étouffé l’homme. […] Aussi, dans le théâtre antique, où tant de choses touchent le cœur et contentent la raison, où il y a tant à admirer, rien n’étonne.
La philosophie chrétienne, le christianisme français, la mesure de perfection possible à l’homme, tout cela peut intéresser ceux même que ne touche point le dogme. […] mille autres points y sont touchés, où l’archevêque décide, moins en confesseur parlant tout bas au tribunal de la pénitence, qu’en premier ministre opinant à la table du conseil. […] La morale n’y dépasse point l’âge et l’intelligence d’un enfant, et l’histoire y est touchée plutôt que traitée. […] Si nous ne sommes point touchés, comme Bossuet, du manque de convenance canonique du Télémaque, il n’est guère possible de n’y pas sentir par moments une sorte de manque de convenance littéraire. […] Ne point toucher à l’amour dans un plan d’éducation eût été d’un précepteur éludant le plus délicat de ses devoirs ; le peindre trop au vif, c’était risquer de faire sortir le mal du remède même.
Ce crayon a paru suffisamment ressemblant et d’une touche très heureuse. […] Le roman est un genre vague, mal aisément défini ; il touche à tout, il s’applique à l’histoire elle-même, il s’élève jusqu’à l’épopée ; il tombe aussi, il se rabaisse, et, à vouloir tout peindre, il s’égare.
Lorsque je vivois, j’étois belle, Mais rien ne pouvoit me toucher ; J’étois fière, j’étois cruelle, Et j’avois un cœur de rocher. […] Le vol qu’on veut me faire de quelques vers que j’ai faits autrefois me touche fort peu.
Pour ce qui touche l’auteur de Clara Gazul, toutefois, nous ne saurions passer à M. […] Cette comparaison, qu’un célèbre critique anglais, Hazlitt, a déjà appliquée fort heureusement au poète Wordsworth, ne saurait convenir à l’allure ferme et serrée, à la touche contenue et approfondie du peintre d’Inès et de Catalina.
Sous prétexte que toucher ou convaincre son lecteur, c’est sacrifier l’art en le subordonnant à une autre fin que lui-même, on vide son discours de toute vérité, que la raison, la conscience ou le cœur pourraient saisir : on poursuit une beauté toute matérielle et physique, que nul mélange du vrai, du bien, du beau moral même ne vient corrompre, et l’on travaille son style pour l’œil et l’oreille du public : on se fait ciseleur, coloriste ; on sculpte des phrases marmoréennes, on exécute d’étourdissantes variations ; on a une riche palette, un clavier étendu. […] En revanche, les âmes jeunes ou naïves sont très facilement touchées par la rhétorique, et elles en font elles-mêmes très facilement usage.
Un des dieux fut touché du malheur des humains : C’est celui qui pour nous sans cesse ouvre les mains, C’est Phébus Apollon. […] Ce dieu, dis-je, touché de l’humaine misère, créa la médecine par l’entremise de son fils Esculape, comme vous savez. […] Quel charme de s’ouïr louer par une bouche Qui, même sans s’ouvrir, nous enchante et nous touche ! […] On les allait unir ; tout concourait pour eux ; Ils touchaient au moment, l’attente en était sûre : Hélas ! […] Il est vrai que jadis, respectant leurs ouvrages, Le cœur était touché de leurs doctes images ; Les vives passions s’y faisaient admirer : On était assez sot pour y venir pleurer.
Il a touché à tous les genres, hormis les chansons de geste et les romans : il a fait un miracle dramatique, un monologue bouffon, deux vies de saints, des fabliaux, des complaintes dévotes, funèbres, satiriques, des chansons, des dits satiriques ou didactiques, des descriptions allégoriques : son œuvre pourrait se distribuer dans trois chapitres et plus de cette histoire. […] Et en général, quelque sujet qu’il touche, lieu commun de morale, hypocrisie ou vice des moines, exhortation à la croisade, on ne saurait manquer d’admirer l’ampleur, le mouvement, la vigueur de sa poésie. […] Et les tristesses de sa misérable existence lui ont fait rencontrer parfois une poésie intime, attendrie et souriante à la fois, dont la simplicité touche puissamment.
Nous entendons que nos perceptions ont rapport à quelque chose qui existe, même quand nous n’y pensons pas, qui a existé avant que nous y ayons pensé, qui existerait quand même nous serions anéantis ; nous entendons qu’il existe des choses que nous n’avons jamais vues, touchées, ni aperçues, ni nous, ni aucun autre homme. […] Mill, c’est que nous sommes ici face à face avec cet inexplicable qui se rencontre nécessairement quand nous touchons aux faits derniers. […] L’une serait acceptée sans réserve par un idéaliste, l’autre confine à l’empirisme absolu : l’une touche à Berkeley, l’autre à Hume123.
Mais pourquoi n’allume-t-il pas plus souvent sa torche à ce foyer de doctrines que tout homme, avant de toucher à l’Histoire, porte en soi, comme un a priori sublime, — qui n’est pas toujours un parti pris, comme le croient de sceptiques imbéciles, mais qui est souvent la prise de l’homme par la vérité ! […] C’était elle surtout, et peut-être uniquement elle, dont il devait nous montrer le travail autour de la grande pyramide romaine, en nous expliquant ses alliances, sa loi salique, ses mariages, équivalant à ses conquêtes, et le secret de son immense force quand, de morcelée sur des espaces restreints, comme les plateaux pyrénéens, par exemple, elle se résolut en un ordre organique dans de plus vastes espaces ; sujet superbe, touché et manqué déjà par tant de mains auxquelles on prêtait du génie. […] Ce pouvoir politique qui se prouve par les tombeaux, ces morts qui emportent la puissance, ces royaumes qui tombent parce qu’ils n’ont plus de cendres à fournir à leurs caveaux funéraires, tout cela nous touche comme la vraie beauté.
Touchée, sans doute, de ce dévouement à la chose publique, l’Académie mit son estampille à cette teinture, en donnant à plusieurs reprises le prix Gobert à son auteur. […] Il faut toujours détruire cet infâme christianisme, mais sans avoir l’air d’y toucher ! […] L’histoire de ces temps auxquels nous touchons devient plus facile.
… On a parlé de la douleur d’avoir perdu l’Impératrice, de cette affection blessée par la mort et qui saigna toujours dans l’âme de ce fils de Jeanne-la-Folle, en qui l’amour conjugal semblait une passion héréditaire, mais la Douleur a son idée fixe et ne revient pas toucher, de ses mains préoccupées, les amusettes de l’Ambition. […] Nous l’avons dit déjà, beaucoup d’historiens ont touché à ce sujet obscur, de leurs bâtons d’aveugle, mais il est nécessaire d’insister. […] C’est peut-être la meilleure raison à donner de la médiocrité d’aperçu d’un ouvrage sur un sujet qui, plus que tout autre, aurait exigé de l’écrivain, assez hardi pour y toucher, cette sagacité supérieure, qui est le vrai génie de l’histoire.
Serait-ce plutôt un homme atteint d’une passion qui touche à la folie, et qui n’y touche pas assez encore pour qu’on n’en rie plus ? […] Émotion inexprimable, d’être seul dans ces mondes inédits, dans ces strophes non touchées, dans la pureté de ces créations, dans la virginité de ces aurores !
, le livre de Marie-Madeleine devra toucher l’Académie comme un hommage. […] La Critique qui n’a point, elle, la main sacerdotale du Père Lacordaire, tremble quand il s’agit de toucher à cette chose immense et divine, l’âme de N. […] Lacordaire ne l’éteint pas, il est vrai, ce nimbe du surnaturel et du divin autour de la tête pâle de Notre-Seigneur Jésus-Christ, mais il le voile, pour qu’on aperçoive mieux combien cette tête est humainement belle et pour que ceux qui sourient du nimbe soient touchés au moins de la beauté du plus beau et du plus doux des enfants des hommes !
voilà surtout ce dont le siècle s’est montré touché et reconnaissant. […] Lacordaire, et c’est ici que je touche au plus pur et au plus profond d’un talent admirable, au meilleur des dons que Dieu a faits à son noble serviteur. […] Lacordaire, dont l’intelligence et la foi touchent parfois à la mysticité, est un de ces moralistes grandis par le prêtre.
faire, comme elle, sa révolution, en cette époque romantique de 1830, on ne toucha pas au classique Le Sage… On touchait à tout, cependant, avec une charmante insolence. […] Il a créé cette chose moderne, le roman d’aventures, — qui va des Trois Mousquetaires à Rocambole ; — cette chose qui n’est pas littéraire, qui file, s’interrompt et refile, au bas des journaux, sans autre raison que de toucher, comme un postillon, ses quelque sous à chaque relais.
Planche n’en était pas moins un critique digne de toucher à ce grand sujet, Balzac et son œuvre. S’il y avait touché, il n’eût pas compromis ceux qu’il aurait servis, et l’on aurait eu la décence du coup que l’on voulait porter. […] Voilà le critique, exécuteur de ses hautes œuvres littéraires, qu’elle a chargé de décapiter, à froid et après la mort, un grand homme d’esprit qu’elle n’aurait pas touché vivant.
. — Exemples pour les images qui correspondent à des sensations de la vue, de l’ouïe, du goût, du toucher. — Effets égaux et semblables de l’image et de la sensation correspondante. — En ce cas, l’image est prise, au moins pendant un instant, pour la sensation correspondante. […] Les sensations de l’ouïe, du goût, de l’odorat, du toucher, et, en général, toutes les sensations, quel que soit le nerf qui, par son ébranlement, les excite, ont aussi leurs images. […] Par un effet analogue et contraire, une chose dégoûtante qu’on est contraint de manger, provoque le vomissement par la simple image de sa saveur, et avant de toucher les lèvres. […] Puis, en m’éveillant sous la main qui me touche, je sens la figure s’effacer, se décolorer, s’évaporer ; ce qui m’avait paru une substance se réduit à une ombre. […] Des images associées aux sensations des divers sens, et particulièrement de la vue et du toucher, constituent les perceptions acquises, c’est-à-dire tout ce qui dans la connaissance des objets individuels extérieurs dépasse la sensation actuelle brute.
On n’ôte rien à La Bruyère au profit de Montesquieu, en disant que, dans l’art des portraits, la touche de celui-ci semble plus aisée et plus libre. […] Pour lui, l’âme subsiste indépendamment de la sensation ; la pensée intérieure se manifeste toujours, même dans l’homme auquel manquent la vue, l’ouïe et le toucher. […] Il ne touche pas aux puissances, et il souffre volontiers que les choses continuent d’aller du même train. […] Lesage savait d’instinct, et par l’expérience du théâtre, que nous ne sommes guère touchés que de celles-là. […] C’est une de ces vérités dont l’esprit ne peut pas être instruit sans que le cœur soit touché.
La fantaisie ici touche à l’épopée, mais le sujet est toujours monotone : un crime d’amour puni par la jalousie ou par la satiété. […] A-t-elle pu tomber et se faner si vite, Pour avoir une nuit touché ma main maudite ? […] Tels sont les vers adressés par Alfred de Musset à Ulric Guttinger, poète jeune, tendre et pathétique alors comme Musset lui-même, mais déjà touché au cœur par cette pointe salutaire de la première douleur, qui guérit ceux qu’elle blesse. […] Notre premier baiser, ne t’en souviens-tu pas, Quand je te vis si pâle au toucher de mon aile, Et que, les yeux en pleurs, tu tombas dans mes bras ? […] Plût à Dieu que je n’eusse jamais touché comme Musset à ce fer chaud de la politique qui brûle la main des orateurs et des hommes d’État !
Un homme de la Cour allait à l’Opéra, et voyant son carrosse arrêté par la file de ceux qui allaient à l’église où Massillon devait prêcher, il se dit qu’un spectacle en valait bien un autre, et il entra dans l’église : il n’en sortit que touché au cœur. Mais surtout on raconte que Rollin, alors principal du collège de Beauvais, ayant conduit un jour ses pensionnaires entendre un sermon de Massillon sur la sainteté et la ferveur des premiers chrétiens, les enfants en sortirent si touchés, qu’ils se livrèrent les jours suivants dans leur innocence à des austérités et à des mortifications qu’il fallut modérer. […] L’Oraison funèbre qu’il prononça de Louis XIV, et dont j’ai cité l’admirable début, a de beaux détails, mais pèche également par l’ensemble : Massillon, en louant, ne sait point prendre de ces grands partis comme Bossuet ; il mêle des vérités et des restrictions qui font nuance, là où il faudrait une couleur éclatante, une touche large et soutenue. […] Cependant, vous le savez, cette majesté n’avait rien de farouche : un abord charmant, quand il voulait se laisser approcher ; un art d’assaisonner les grâces, qui touchait plus que les grâces mêmes ; une politesse, de discours qui trouvait toujours à placer ce qu’on aimait le plus à entendre.
Chateaubriand, dans la première préface de son livre, touchait le point de sa conversion, car il n’avait pas toujours été religieux ; loin de là : lié avec les hommes de lettres de la fin du xviiie siècle, Chamfort, Parny, Le Brun, Ginguené, il s’était montré à eux tel qu’il était, lorsque, disciple de Jean-Jacques, il allait étudier la nature humaine plus vraie, selon lui, et supérieure chez les sauvages d’Amérique, dans les forêts du Canada. […] On n’a pas eu la même susceptibilité pour ce qui touche Dieu et les idées religieuses : sur ces points l’opinion de Chateaubriand à cette date subsiste tout entière, inscrite de sa main en marge, dans des notes aggravantes et corroboratives du texte. […] Oui, tout est chance, hasard, fatalité dans ce monde, la réputation, l’honneur, la richesse, la vertu même… » Et cette note, qui peut tenir lieu des trois ou quatre autres qui sont aussi expressives et aussi formelles sur le même sujet, finit en ces mots sinistres : « Il y a peut-être un Dieu, mais c’est le Dieu d’Épicure ; il est trop grand, trop heureux pour s’occuper de nos affaires, et nous sommes laissés sur ce globe à nous dévorer les uns les autres. » Ainsi donc voilà où en était Chateaubriand à la veille du moment où il fut vivement frappé et touché, et où il conçut l’idée du Génie du christianisme. […] Au reste, personne n’y croit plus. » On a maintenant sondé tout l’abîme et touché le fond de son incrédulité.
Rien qui touche à la Sorbonne : le théologien Hippothadée parle gravement, simplement, clairement, selon le texte sacré. […] Jouant avec un merveilleux sang-froid son double personnage de sage et de fol, il dosa très modérément la satire sociale et irréligieuse, ne toucha jamais le dogme, et dissémina adroitement sous la satire morale et la bouffonne fantaisie une doctrine positive : dans le cinquième livre seul, les proportions sont décidément renversées, et ce n’est pas une des moindres marques de l’inauthenticité du cinquième livre, que la vie et la philosophie y cèdent presque toute la place à la polémique agressive. […] Il n’a pas le sens de l’art, si l’on entend par là l’adoration des formes harmonieuses et fines : la grâce souveraine de l’être équilibré dans sa perfection, la calme aisance dont il se possède en jouissant de soi, ne semblent pas l’avoir touché. […] Il résigna en 1552 ces deux cures, dont il se borna sans doute à toucher les revenus.
Buffon parcourt du regard de l’esprit les quatre parties du monde ; il en divise les populations en quatre races principales, dont il peint les traits caractéristiques, notant les dégradations et les nuances par où elles se touchent, et, dans certaines populations de transition, se mêlent et se confondent. […] Parmi les vérités scientifiques, il en est qui ne touchent que l’intelligence, et qui, une fois acquises, demeurent au fond de l’esprit humain immobiles et inactives. […] « Si les enfants, dit-il, avaient les bras hors du maillot, l’exercice prématuré du toucher leur donnerait plus d’esprit. » L’usage de laisser aux nouveau-nés les bras libres est devenu général ; en avons-nous plus de gens d’esprit ? […] Ils rencontraient Dieu par l’intelligence qui remontait, comme à leur insu, vers sa source ; mais leur cœur n’était pas touché.
Cette manière de concevoir ce qui nous environne et qui nous touche n’est peut-être pas la plus philosophique ni la plus profonde, mais c’est la plus raisonnable, celle qui est la plus conforme au milieu humain. […] Le tableau que Portalis y trace de la France est de main de maître et accuse une touche plus ferme que celle qu’on rencontre dans ses discours publics ; il ose plus dans la familiarité et en causant. […] Mais Portalis nous met à même, par son exemple, d’en saisir le rapport et d’en toucher le lien. […] [NdA] Dans ce même discours, Portalis, tout religieux qu’il est, explique en partie par l’amour-propre le triomphe du christianisme dès son origine : « Les préceptes de l’Évangile, dit-il, notifièrent la vraie morale à l’univers ; ses dogmes firent éprouver aux peuples devenus chrétiens la satisfaction d’avoir été assez éclairés pour adopter une religion qui vengeait en quelque sorte la divinité et l’esprit humain de l’espèce d’humiliation attachée aux superstitions grossières des peuples idolâtres » — Rapprocher cette explication de celle que donne Volney dans son Voyage en Égypte et en Syrie à propos des religieux du mont Sinaï et du discours que lui tient l’un d’eux sur les mobiles de leur vocation. — Ici Portalis et Volney, en les serrant de très près, se touchent.
De ce système je ne toucherai qu’un seul mot, qui suffira à faire comprendre ce que j’ai à dire des qualités morales et littéraires de l’abbé Gerbet. […] Voici quelques vers (car, sans y prétendre, l’abbé Gerbet est poète) qui rendent déjà le premier effet et qui marquent le ton de l’âme ; la pièce est intitulée Le Chant des Catacombes, et elle est destinée, en effet, à être chantée51 : Hier j’ai visité les grandes Catacombes Des temps anciens ; J’ai touché de mon front les immortelles tombes Des vieux chrétiens : Et ni l’astre du jour, ni les célestes sphères, Lettres de feu, Ne m’avaient mieux fait lire en profonds caractères Le nom de Dieu. […] Dans un certain nombre de niches sépulcrales qui ont été ouvertes à diverses époques, on peut suivre, en quelque sorte pas à pas, les formes successives, de plus en plus éloignées de la vie, par lesquelles ce qui est là arrive à toucher d’aussi près qu’il est possible au pur néant. […] En y regardant bien, vous reconnaîtrez des contours humains : ce petit tas, qui touche à une des extrémités longitudinales de la niche, c’est la tête ; ces deux autres tas, plus petits encore et plus déprimés, placés parallèlement un peu au-dessous, à droite et à gauche du premier, ce sont les épaules ; ces deux autres, les genoux.
La Bruyère, dont le chapitre intitulé Des ouvrages de l’esprit contient tout un art de ne pas bien lire, a touché l’un après l’autre tous ces points et nous n’avons qu’à l’écouter : « L’on m’a engagé, dit Ariste, à lire mes ouvrages à Zoïle : Je l’ai fait. […] Inversement le réaliste vous « touche », comme on disait quelquefois au XVIIe siècle, pour ne pas dire tout à fait blesser, ou au moins vous inquiète, quand il peint quelqu’un de ridicule qui pourrait bien être à peu près vous. […] La Bruyère a écrit une ligne qui est la plus fausse du monde comprise comme nous la comprenons infailliblement de nos jours, très juste dans le sens où, très probablement, il l’a entendue lui-même : « Le plaisir de la critique nous ôte celui d’être vivement touchés de très belles choses ». […] Si Boileau a été « touché » plus « vivement » que personne des belles choses de Racine, c’est précisément parce qu’il était critique et parce qu’il jouissait d’autant plus des belles choses qu’il était plus horripilé des mauvaises.
Bans le siècle de la prose même, dans le siècle le plus didactique qui fut jamais, des prosateurs comme Montesquieu et Rousseau touchèrent à la poésie, — maladroitement, il est vrai, mais ils y touchèrent… Ils touchèrent à cette reine, bienfaisante et non pas dangereuse, qui ne fait pas mourir, comme la reine de l’ancienne étiquette espagnole, ceux qui l’ont touchée ; et à tous les deux, Montesquieu et Rousseau, il est resté quelque chose de ce contact éphémère : à l’un, dans le brillant diamanté de sa phrase, travaillée comme un vers, à l’autre, dans la passion malade de son accent et son harmonieuse mélancolie.
Il n’a qu’une allure et qu’une faculté ; ni les choses ni les idées ne semblent le toucher, à moins qu’il n’y trouve une vue d’ensemble ; alors elles le touchent jusqu’au cœur. […] Le mammifère jeté dans l’air respire par des poumons que l’air vient baigner ; les branchies du poisson montent dans sa tête, vont toucher l’oxygène dans l’eau qui le contient, et se munissent d’ouïes pour rejeter cette eau inutile ; le poulet renfermé dans l’œuf respire, par les vaisseaux de l’allantoïde, l’air qui traverse la coquille poreuse ; le fœtus du mammifère reçoit l’air par la communication des vaisseaux de sa mère et des siens. […] Nous avons ainsi transformé la multitude disséminée des faits en une hiérarchie de propositions, dont la première, créatrice universelle, engendre un groupe de propositions subordonnées, qui, à leur tour, produisent chacune un nouveau groupe, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’apparaissent les détails multipliés et les faits particuliers de l’observation sensible, comme on voit dans un jet d’eau la gerbe du sommet s’étaler sur le premier plateau, tomber sur les assises par des flots chaque fois plus nombreux, et descendre d’étage en étage, jusqu’à ce qu’enfin ses eaux s’amassent dans le dernier bassin, où nos doigts les touchent.
Mais ces regrets discrètement touchés et une fois exprimés ont fait place, de nos jours, à un deuil public, solennel, inconsolable. […] Le fait est que la pièce a sincèrement réussi : le monde s’y porte ; on comprend rien qu’à voir, on devine, on est touché : la grandeur, la simplicité de Sophocle éclatent malgré tout.
L’une a prospéré, l’autre a été frappée d’une lettre de cachet ; l’idée qui fait le fond de la première restera longtemps encore peut-être voilée par mille préventions à bien des regards ; l’idée qui a engendré la seconde semble être chaque soir, si aucune illusion ne nous aveugle, comprise et acceptée par une foule intelligente et sympathique ; habent sua fata ; mais quoi qu’il en soit de ces deux pièces, qui n’ont d’autre mérite d’ailleurs que l’attention dont le public a bien voulu les entourer, elles sont sœurs jumelles, elles se sont touchées en germe, la couronnée et la proscrite, comme Louis XIV et le masque de fer. […] Le drame qu’il rêve et qu’il tente de réaliser pourra toucher à tout sans se souiller à rien.
Béranger en 1832 Dans ces esquisses, où nous tâchons de nous prendre à des œuvres d’hier et à des auteurs vivants, où la biographie de l’homme empiète, aussi loin qu’elle le peut, sur le jugement littéraire ; où ce jugement toutefois s’entremêle et supplée au besoin à une biographie nécessairement inachevée ; dans cette espèce de genre intermédiaire, qui, en allant au delà du livre, touche aussitôt à des sensibilités mystérieuses, inégales, non encore sondées, et s’arrête de toutes parts à mille difficultés de morale et de convenance, nous reconnaissons aussi vivement que personne, et avec bien du regret, combien notre travail se produit incomplet et fautif, lors même que notre pensée en possède par devers elle les plus exacts éléments. […] Le patriotisme de son adolescence ne l’abandonna jamais ; mais ses sentiments ne se tournaient qu’avec réserve vers l’homme de génie qui touchait déjà à l’empire. […] Proscrit quelques mois après et ayant dû quitter la France, il envoya de Rome sa procuration pour le payement de cette pension que Béranger toucha jusqu’en 1812. […] Il faut que, toutes les deux ou trois secondes, la pensée revienne faire acte de présence à un coin marqué, jaillir à travers un nœud étroit et fixe, rebondir sur une espèce de raquette inflexible et sonore : elle est à cent lieues, au bout du monde, dans le ciel ; n’importe, il faut qu’elle revienne et qu’elle touche à point. […] Le Juif errant, les Contrebandiers continueront, on le verra, ce genre de ballade philosophique qui touche aux limites extrêmes de la chanson ; presque toujours Béranger a pris soin de rattacher ces excursions, assez vagabondes en apparence, à une prophétique pensée d’avenir.
Il n’aura, la vie durant, qu’à toucher sa prébende. […] » Il résulte que le commerçant hérite, ou touche, en plus de son mérite personnel, sur la valeur intrinsèque et publique de l’écrit : car c’est, autant que la sublimité, l’admiration accumulée par les lecteurs qui gonfle un grand nom. […] — On a touché au vers. […] La nature n’engendre le génie immédiat et complet, il répondrait au type de l’homme et ne serait aucun ; mais pratiquement, occultement touche d’un pouce indemne, et presque l’abolit, telle faculté, chez celui, à qui elle propose une munificence contraire : ce sont là des arts pieux ou de maternelles perpétrations conjurant une clairvoyance de critique et de juge exempte non de tendresse. […] Nulle — la tentative d’égayer un ton, plutôt sévère, que prit l’entretien et sa pointe de dogmatisme, par quelque badinage envers l’incohérence dont la rue assaille quiconque, à part le profit, thésaurise les richesses extrêmes, ne les gâche : est-ce miasme ou que, certains sujets touchés, en persiste la vibration grave ?
Un objet qui touche notre peau, même sans pression et sans causer aucune réaction musculaire, est rapporté spontanément à quelque cause externe. Par l’association, nos sensations de toucher sont devenues représentatives des sensations de résistance, avec lesquelles elles coexistent habituellement ; comme les diverses nuances de couleurs et les sensations musculaires, qui accompagnent les divers mouvements de l’œil, deviennent représentatifs des sensations de toucher et de locomotion. […] Or, Platner nous dit : « Cette observation m’a convaincu que le sens du toucher en lui-même est totalement incapable de nous apporter la représentation de l’étendue et de l’espace, et qu’il ne connaît pas même l’extériorité locale ; en un mot, qu’un homme privé de la vue n’a absolument aucune perception d’un monde extérieur, sauf l’existence de quelque chose d’agissant qui diffère de sa propre passivité... […] On ne peut guère toucher au libre arbitre sans voir se poser l’objection de la responsabilité morale, qui sans lui ne peut subsister, dit-on.
Ceci terminé, elle écrivait jusqu’à cinq heures, si son père ne l’appelait pas auprès de lui. » (C’est probablement à cette heure que la fée de l’esprit, succédant à la fée des mains, elle traça cette foule de lettres et de pensées qui touchent à trop d’âmes et à trop de vies pour qu’on puisse les publier, et parmi lesquelles furent choisies scrupuleusement celles qui ne souffrent pas du demi-jour et qui n’en font souffrir personne.) […] Cette jeunesse et cette vieillesse n’ont point fait beaucoup plus de pas l’une que l’autre, et, si le vieux Milton nous touche davantage, ce n’est pas que la gloire ait une magie dont nous ne puissions nous défendre, mais c’est qu’il était méconnu quand la fleur du Cayla n’était qu’ignorée, et qu’avec la supériorité du génie, il avait la supériorité du malheur. […] Elle quittait parfois sa terrasse et sa tourelle du Cayla, et s’enfermait une huitaine à ce Rayssac, par exemple, qu’elle nous a peint en trois coups, à la manière noire de son frère : « Rayssac, montagnes aux croupes de chameau, au front hérissé de forêts et de rochers, nature agreste et sauvage » Elle avait même ailleurs que dans son voisinage des amies épistolaires, qui devinrent plus tard des amies complètes, et c’est ici que nous touchons au grand événement et au seul bonheur, très vif, de cette existence que Dieu s’était, à ce qu’il semblait, particulièrement réservée : nous voulons dire au voyage à Paris de la bergère du Cayla et au mariage de son frère. […] Toucher à cette période suprême de la vie de Guérin et de son agonie ne nous appartient pas. Elle y a touché, elle, dans ses Memoranda et dans ses lettres.
Mais ces plaisirs, un peu longuement analysés par Buffon, sont tous de l’ordre physique : la perception de la lumière, le mouvement, le toucher, la satisfaction de l’odorat et du goût. […] Oui, pour la poésie de David et pour tout le lyrisme hébraïque, encore plus que pour Pindare, si témérairement reconstruit de nos jours, la science moderne ne peut rien démontrer en ce qui touche la forme du mètre, l’exacte mesure des strophes, le mécanisme enfin et l’ensemble de la mélodie. […] Tel le parfum délire cieux qui, du sommet de la tête, s’étend sur la barbe d’Aaron et touche jusqu’aux bords de son vêtement. […] Si donc, lecteur qui parcourez ces pages par une étude de spéculation et de goût, vous ne voulez jamais oublier le côté sérieux des arts, ce qui touche à l’énergie de l’âme, à la passion du devoir et du sacrifice, à la liberté morale, même pour bien juger les grâces et la puissance du lyrisme hellénique, vous aimerez à réfléchir sur une beauté plus sévère : vous contemplerez cette originalité plus étrangère, plus lointaine pour nous, et cependant incorporée dans notre culte religieux et partout présente, que nous apporte la poésie des prophètes hébreux, de ces prophètes nommés par le Christ à côté de la loi, dont ils étaient, en effet, l’interprétation éclatante et figurée. […] Comme toutes les grandes choses se touchent dans le monde, comme une même ardeur de dévouement et de courage s’éveille, à certaines époques, chez les peuples le plus séparés d’origine et d’histoire, ne semble-t-il pas que la lyre patriotique et guerrière va trouver, presque à la même heure, le même office à remplir dans Athènes que dans la Judée ?
Il n’y a pas touché avec la légèreté ailée de Voltaire, qui n’appuyait sur rien, comme la flamme sur les tempes de Iule (dans Virgile) ; il n’y a pas touché avec cette ubiquité de feu qui semble partout, tant il passe vite, et qui éclaire sans dévorer… Diderot y a touché d’une main plus lourde, — de la main de l’endoctrinant et du pédant que malheureusement il avait. […] On a une pierre de touche de plus pour apprécier l’œuvre d’un homme. […] De tous les sujets qu’il a touchés, le théâtre est celui sur lequel il a appuyé davantage. […] ceci me toucherait et recommanderait sa mémoire. […] Il faut se résumer pourtant, puisque nous touchons à présent au terme de cette longue étude sur Diderot.
Je serai injuste pour ce qui ne te touche pas ; je me ferai le serviteur du dernier de tes fils. […] Le cor qui ne résonne que touché par des lèvres pures, le hanap magique. qui n’est plein que pour l’amant fidèle, n’appartiennent vraiment qu’à nous. […] Mes tantes X… n’avaient d’autre divertissement que, le dimanche, après les offices, de faire voler une plume, chacune soufflant à son tour pour l’empêcher de toucher terre. […] Loin de méconnaître Dieu, il avait honte pour ceux qui s’imaginent le toucher. […] Cela me toucha vivement.
C’est ainsi que la plupart de ses inventions primitives, celles de l’habillement, celles qui touchent à l’alimentation, ont eu pour but, par des modifications artificielles des circonstances ambiantes, de lui permettre de conserver ses dispositions organiques, son aspect, ses habitudes, en dépit de certaines variations contraires naturelles des mêmes circonstances14. […] Toute œuvre d’art, si elle touche par un bout à l’homme qui l’a créée, touche par l’autre au groupe d’hommes qu’elle émeut. […] Dans le roman, par exemple, la nature des héros, des lieux, de l’action, la manière dont l’auteur présente ses acteurs et ses décors, devront agir, entraîner la persuasion et l’intérêt par leur aspect de vérité même, et sans qu’il soit permis d’en rien conclure pour l’esprit du lecteur qui aura été touché. […] Ou sait combien le nombre de ceux que touche la grande poésie lyrique est restreint, et il ne sera point erroné d’attribuer ce fait à la noblesse d’âme qu’exige autant la compréhension que la création de ces œuvres. […] Ce milieu restreint touchait à un milieu plus vaste et plus vague au peuple romain ; celui-ci à un autre plus vaste et plus vague encore, le monde romain.
Rencontrant de nouveau son fils, il fait à peine allusion à cette scène si grave : « Et vous, mon fils, à qui j’ai la bonté de pardonner l’histoire de tantôt, etc. » L’avarice a donc passé à côté du reste sans y toucher, sans en être touchée, distraitement. […] À quoi peuvent tendre ces contradictions, sinon à nous faire toucher du doigt l’inconscience des personnages ? […] Car, s’installant à la surface, elle n’atteindra plus que l’enveloppe des personnes, ce par où plusieurs d’entre elles se touchent et deviennent capables de se ressembler. […] Nous touchons ici à un point important de la théorie du rire. […] Il n’a pas le loisir de regarder chaque fois où il touche.
Mais si les Auteurs n’avoient d’autre dessein que de toucher & d’attendrir, si les spectateurs étoient en effet touchés, attendris jusqu’aux larmes, si quelques-uns même d’entr’eux revenoient de ce spectacle avec la résolution de changer leurs mœurs, pouvons-nous, sans injustice, les accuser les uns & les autres de profanation & d’impiété ? […] Malherbe enfin toucha sa lyre ; ses accords réguliers, ses chants, pleins d’une harmonie nouvelle, triomphèrent de la dureté de la langue, & n’en firent sentir que la douceur & les beautés. […] Les Harangues de Démosthène & de Cicéron pénétrent son ame, développent ses talens ; il vole à la tribune, & son éloquence, sans faux ornemens, sans éclat emprunté, coule délicieusement de ses lèvres, enchante, touche & persuade. […] C’est ainsi que la décadence du goût suivit le beau siècle d’Auguste ; c’est ainsi que le nôtre touche peut-être de près à l’époque humiliante de l’ignorance des premiers siècles. […] Il termina sa glorieuse carrière par le Triumvirat, dans lequel on retrouve encore avec surprise cette touche fière & hardie, qui le caractérisera toujours.
— « Et maintenant, dit-il, ces deux âmes pieuses (Michel Le Tellier et Lamoignon), touchées sur la terre du désir de faire régner les lois, contemplent ensemble à découvert les lois éternelles d’où les nôtres sont dérivées ; et si quelques légères traces de nos faibles distinctions paraît encore dans une si simple et si claire vision, elles adorent Dieu en qualité de justice et de règle. » Au milieu de cette théologie, combien d’autres genres de beautés, ou sublimes, ou gracieuses, ou tristes, ou charmantes ! […] » Le poète (on nous pardonnera de donner à Bossuet un titre qui fait la gloire de David), le poète continue de se faire entendre ; il ne touche plus la corde inspirée ; mais, baissant sa lyre d’un ton jusqu’à ce mode dont Salomon se servit pour chanter les troupeaux du mont Galaad, il soupire ces paroles paisibles : « Dans la solitude de Sainte-Fare, autant éloignée des voies du siècle, que sa bienheureuse situation la sépare de tout commerce du monde ; dans cette sainte montagne que Dieu avait choisie depuis mille ans ; où les épouses de Jésus-Christ faisaient revivre la beauté des anciens jours ; où les joies de la terre étaient inconnues ; où les vestiges des hommes du monde, des curieux et des vagabonds ne paraissaient pas ; sous la conduite de la sainte Abbesse, qui savait donner le lait aux enfants aussi bien que le pain aux forts, les commencements de la princesse Anne étaient heureux200. » Cette page, qu’on dirait extraite du livre de Ruth, n’a point épuisé le pinceau de Bossuet ; il lui reste encore assez de cette antique et douce couleur pour peindre une mort heureuse.
Il faudrait être bien farouche pour se courroucer contre une mythologie si poliment touchée. […] Fléchier touchera tout cela dans le goût de ses patrons, qui est aussi le sien, avec finesse, d’un air d’indulgence et d’une griffe légère. […] Aussi, tiennent-ils la conquête de ses yeux sûre, et ne croient pas que les cœurs les plus sévères puissent tenir une demi-heure contre elle, lorsqu’elle a bien entrepris de les toucher. […] elle est vive, elle est alerte et hardie ; elle insulte ce qu’elle touche, elle met sans façon la main aux choses ; ou, si par adresse et par ruse, chez quelqu’un de ses disciples, cette plaisanterie en de tels sujets se déguise et se fait raffinée, riante, coquette et lascive (comme chez Parny), vous sentez le venin sous le miel : Impia sub dulci melle venena latent. […] Gonod, j’ai touché quelque chose de la querelle qu’on lui a faite pour le Fléchier.
voilà l’ombre de la branche qui touche aux racines, dit Calamayo en la regardant d’un regard de cruelle interrogation. […] CVIII À ces mots, il prit Fior d’Aliza par l’épaule et la jeta rudement en arrière sur une racine, où son front évanoui toucha rudement, et où la veine de sa tempe jeta quelques gouttes de sang qui rougit sa joue et ses beaux cheveux blonds ; puis, aidé par deux des plus robustes bûcherons, il repoussa violemment Magdalena et moi du tronc de l’arbre. […] CXIV Un jour que nous étions sans défiance, ma sœur auprès de sa quenouille sur le seuil de la cabane ; moi occupé à tresser des nattes de sparteria avec des joncs devant la porte, assis au soleil ; Hyeronimo à retourner les figues qui séchaient sur le toit ; Fior d’Aliza et le chien, à garder ses chèvres et ses chevreaux, bien loin derrière les châtaigniers, dans les bruyères qui touchent à notre ancien champ de maïs, sa chèvre entraîna par son exemple ses chevreaux à descendre du rocher dans le maïs et à brouter les mauvaises herbes entre les cannes déjà mûres ; cela ne faisait aucun mal, monsieur, car les feuilles des cannes étaient déjà jaunes et sèches, et les chevreaux ne les mordillaient seulement pas ; le petit chien Zampogna s’amusait innocemment à courir à travers les cannes après les alouettes, et à revenir tout joyeux vers Fior d’Aliza qui lui jetait des noisettes pour les lui faire rapporter dans son tablier. […] Ma main glissa du front sur le cou ; ce fut bien une autre surprise, monsieur : au lieu de cette douce peau blanche d’enfant qui caressait la main comme une feuille lisse et fraîche de muguet, quand je touchai ses épaules à l’endroit où elles sortent du corsage de laine, je sentis le rude poil velu d’une veste de bure, comme celle des pifferari des Abruzzes, et, en descendant plus bas vers la taille, une ceinture de cuir à boucles de laiton, de larges braies et de grosses guêtres boutonnées sur des souliers ferrés qui résonnaient comme des marteaux sur l’enclume. […] …………………………………………………………………………………………………………………………………………… CXXXII Mais ils ne dormaient pas, et ils étaient assis en silence, à la claire lueur des étoiles, sur le banc qui touche à la porte.
Avec eux, il est naïf, vrai, plein de verve ; il touche le ciel. […] Le réalisme et l’abstraction se touchent ; le christianisme a pu être tour à tour et à bon droit accusé de réalisme et d’abstraction. […] Nous avons réformé leurs institutions politiques devenues surannées ; nous n’avons osé toucher à leur établissement religieux. On trouve mauvais que nous autres civilisés nous touchions au dogme que des barbares ont créé. […] Celui que Dieu a touché sera toujours un être à part : il est, quoi qu’il fasse, déplacé parmi les hommes, on le remarque à un signe.
Taine, qu’elle touchait presque à une conversion, — et il n’en était rien, parbleu ! […] Le piocheur acharné apparaît trop dans ce talent surchargé, qui n’a pas les simplicités du talent qui est parce qu’il est et que n’a point touché la science, — la science qui s’efforce, se tend et se ride, et fait toujours grimacer plus ou moins, dans son efforcement, ce qui devrait être spontané et beau. […] Avant qu’il touchât à l’Histoire, il était déjà dans l’historien ! […] Le Journalisme qui parla de lui était trop superficiel pour discuter ses idées, et on le laissa dans ses systèmes comme si on eût craint d’y toucher. […] Mais le respect est souvent le flair de la peur… On savait à qui on aurait affaire si l’on y touchait !
Le traité de Balzac devait embrasser la vie élégante tout entière, avec ses faces multiples et ses développements, et il n’en a touché que la première partie, mais d’une main si sûre, si juste, si habile, si raffinée, et, qu’on me permette le mot ! […] Balzac, qui est devenu si sérieux, qui s’est épuré en montant, qui est devenu le calme et l’impartial observateur de La Comédie humaine et cette grande tête d’ordre et d’autorité que les désordonnés d’esprit nient encore comme ils nient l’ordre dans la nature, Balzac avait dans le sang, et plus que personne puisqu’il était un génie français, cette goutte de lait maternel, cette propension au rire, à la comédie, à la gaîté qui touche aux larmes, tant sa force épuise vite la nature humaine ! […] Si nous voulons nous rendre compte de nos différents ordres d’impressions, le drolatique n’est pas le fantastique, mais il y touche par le côté heureux et dilaté de la nature humaine. […] Seulement, quand cette vignette est empreinte de la touche spectrale du noir Goya, ou quand elle allonge les spirales ou les perspectives de Martynn dans un espace suffisant à peine pour un premier plan, il faut que l’invention qui l’efface ait une incontestable valeur. […] Gustave Doré n’a pas su toucher ces sujets comme son modèle, et cependant il n’est, certes !
Je ne vois point ce pays-là des mêmes yeux ; j’y crois démêler des agréments qui peuvent toucher l’esprit ; je n’y vois point ce qui vous choque : j’y vois, au contraire, le centre du goût, du monde, de la politesse, le cœur, la tête de l’État, où tout aboutit et fermente, d’où le bien et le mal se répandent partout ; j’y vois le séjour des passions, où tout respire, où tout est animé, où tout est dans le mouvement, et, au bout de tout cela, le spectacle le plus orné, le plus varié, le plus vif que l’on trouve sur la terre. […] Ce passage où il les caractérise tous les trois est d’une belle touche et d’une peinture morale excellente : L’exemple de M. de Saint-Georges, dit-il, n’est fait ni pour vous, ni pour moi ; c’est un homme trop accompli ; il est gai, modéré, facile, sans orgueil et sans humeur ; il a une santé robuste ; il aime les sciences et la paix ; il est formé pour la vertu ; sa famille et ses affaires lui font un intérêt et une occupation ; son esprit déborde son cœur, le fixe et le rassasie ; il a le goût de la raison et de la simplicité, tout cela se trouve en lui, sans qu’il lui en coûte ; ce sont des dons de la nature ; il est formé pour les biens qu’elle a mis autour de sa vie ; les autres le toucheraient moins ; il a le bonheur, si rare, de jouir de tout ce qu’il aime, parce qu’il n’aime rien que ce dont il jouit. […] Un homme amolli me touche, s’il a l’esprit délicat ; la jeunesse et la beauté réjouissent mes sens, malgré l’étourderie et la vanité qui les suivent ; je supporte la sottise, en faveur du naturel et de la simplicité, etc.
On aura remarqué dans ces lettres de Ducis de beaux mots et une large touche ; il n’en est aucune des siennes qui n’offre ce caractère : et j’ai souvent pensé que si, par bonheur pour lui, et dans quelque naufrage pareil à celui de l’Antiquité, toutes ses tragédies étaient perdues et que s’il ne restait que ses lettres, on aurait d’éternels regrets ; on croirait avoir affaire en lui à un génie complet dont il faudrait déplorer les chefs-d’œuvre. […] Autrefois, quand on prenait un livre ancien ou nouveau, on voulait être ému, touché, intéressé ; maintenant on veut être empoigné, c’est le mot. Nous nous contenterons, cette fois, d’être touchés et charmés en parcourant les lettres de Ducis. […] » Ce maudit discours pourtant lui aura coûté bien des soins ; il faut écarter tout ce qui est scabreux, tout ce qui peut être matière à reproche, maintenir les bienséances, et ne laisser arriver que le respect : « Mon discours touche à sa fin, écrit-il à Deleyre (janvier 1779), mais vous ne sauriez croire, mon ami, combien ce travail me déplaît et me fatigue.
Ce tableau a de la grandeur et de la solennité en ce qui regarde les figures d’Innocent III, de Grégoire IX et de l’empereur Frédéric II ; il a de la beauté et de la grâce en ce qui touche saint Louis, saint François d’Assise, le culte de la Vierge alors dans toute sa fleur, les épopées chevaleresques et religieuses dans leur premier et chaste épanouissement. […] Mais cet ulcère que la Charité a quelquefois au sein et que Raphaël n’indique pas il suffit d’avertir qu’il existe sans qu’il faille pourtant le faire toucher. […] C’est ainsi encore qu’à la page 256 une faute de ce genre se reproduit : « Cette mère dénaturée, au lieu d’être touchée de tant de générosité, ne songea qu’à spéculer sur sa prolongation… » Le soin que je mets à signaler en détail ces points inexacts montre combien ils sont peu nombreux ; mais il importe qu’il n’y en ait pas trace dans un si beau et si pur talent d’écrivain. […] j’ai touché le point faible, le défaut de la cuirasse de cet esprit tout féodal, aristocrate dès le berceau, et qui est resté tel malgré tout, sous son vernis et son glacis de libéralisme130.
Il a, lui, ce que n’avait pas le sec et retors Courier, homme de verbe et de formules : il a le feu, la verve, les entrailles, l’abondance, une touche large et grasse, et même quelquefois grandiose. […] Seulement, aucun d’eux ne l’a touché à fond et n’a essayé d’épuiser dans un vaste ensemble ce grand sujet de la Pauvreté en toutes ses manifestations pittoresques, touchantes, grotesques et terribles. […] Et quoique la pièce soit charmante et fasse bas-relief… grec, cependant, les gueux des champs au xixe siècle, les gueux réels qui nous ont touché de leur coude percé, n’ont rien à faire avec Pan et cette voix classique qui ne résonne plus que dans les mémoires cultivées, et non dans les entrailles humaines. […] On ne touche pas impunément à Dieu dans une société fortement réglée.
Nous avons touché la terre solide au-dessous des vapeurs trompeuses qui éblouissent les yeux vulgaires. […] Touchons ce pilier, examinons cette force. […] Coupez la moelle ou le nerf, à tous les commandements de la volonté le muscle reste inerte ; touchez la moelle ou le nerf, contre tous les commandements de la volonté le muscle se contracte. […] Vous êtes comme un joueur de billard qui vise la bande pour toucher une bille par ricochet ; vous avez visé à la sensation du nerf pour atteindre la contraction du muscle.
Alfred de Vigny et à qui il a, le premier, donné d’en haut le signal, cherchaient, un peu systématiquement eux-mêmes, à relever l’esprit pur, les tendances spiritualistes, à traduire les symboles naturels, à satisfaire les vagues élancements de l’être humain vers un idéal rêvé, de l’autre côté on s’est trop tenu sans doute à ce qui se voit, à ce qui se touche, à ce qui brille, palpite et végète sous le soleil. […] Ceux qui en ont été touchés une fois, peuvent la sentir à regret s’affaiblir et pâlir, diminuer avec les années en même temps que la vigueur qui leur permet d’en saisir et d’en fixer les reflets dans leurs œuvres, mais ils ne la perdent jamais. « Il y a, disait Anacréon, un petit signe au cœur, auquel se reconnaissent les amants. » Il y a de même un signe et un coin auquel restent marqués et comme gravés les esprits qui, dans leur jeunesse, ont cru avec enthousiasme et ferveur à une certaine chose tant soit peu digne d’être crue. […] Viennent les crises, viennent les occasions, un conflit, l’apparition imprévue de quelque œuvre qui vous mette en demeure de choisir, de dire oui ou non sans hésiter (et il s’en est produit une en ces derniers temps)13, une œuvre qui fasse office de pierre de touche, et vous verrez, chez ceux même qui s’étaient fait des concessions et qui avaient presque l’air d’être tombés d’accord dans les intervalles, le vieil homme aussitôt se ranimer.
Je touche là à un inconvénient pour eux en même temps qu’à un avantage, quelques-uns sont restés à l’état méditatif et expectant, faute de cet aiguillon souverain de la nécessité. […] S’il est ambitieux dans son effort, il est d’une modestie parfaite en ce qui le touche personnellement, lui et son œuvre. […] Et toutefois, en vieillissant, nous avons acquis notre sérieux aussi, nous avons notre expérience des choses et notre résultat moral ; pourquoi hésiterions-nous à en user pour, dire notre pensée, pour témoigner avec respect nos dissidences et toucher les points qui nous séparent ?
On est même bien fondé à soutenir que les generations à venir seront touchées en lisant un poëme qui a touché toutes les generations passées qui ont pû le lire en sa langue originale. […] Toutes les personnes qui entendent les poësies des anciens, tombent d’accord dans le nord comme dans le midi de l’Europe, dans les païs catholiques comme dans les protestans, qu’ils en sont plus touchez et plus épris que des poësies composées dans leur langue naturelle.
Comme Polus se toucha excessivement en apostrophant son urne, il toucha de même toute l’assemblée. […] Pline, en parlant des pierres curieuses, dit que la pierre qu’on appelle calcophonos ou son d’airain est noire, et que suivant l’étimologie de son nom, elle rend un son approchant du son de ce métail lorsqu’on la touche.
Beaumont-Vassy est un de ces esprits qui peuvent toucher impunément à beaucoup de sujets et les laisser exactement à la place où ils les ont pris. […] Nous nous rappelons qu’il nous a gâté l’un des plus beaux sujets qu’il fût donné de toucher à la plume d’un historien, d’un savant, et même d’un artiste. […] On peut donc affirmer, sans même toucher à l’amour-propre de ces messieurs, que la Russie, « le fruit pourri avant d’être mûr » de Diderot, — éclair de bon sens qui avait passé dans son génie à travers les fumées grisantes du moka de Catherine II, — n’a pas encore un grand artiste, un grand poète, un grand penseur, un homme, enfin, qui se soit une seule fois servi en maître d’une langue que de Maistre (qui s’y connaissait) comparait à celle d’Homère, et qui pourrait devenir un des plus merveilleux instruments dont l’imagination des hommes put jouer.
Historien déjà, historien de chaque jour, puisqu’il est journaliste, il touche trop aux événements du siècle pour ne pas savoir ce qu’ils promettent. […] Très distingué par le talent parmi les journalistes de la jeune génération, il est certainement un des plus compétents en ce qui touche aux choses religieuses. […] Évidemment, les pouvoirs, constitués royalement pendant tant de siècles, touchent à leur fin… Il y a encore des monarchies debout, mais elles tremblent sur leurs bases et elles sont capables de se précipiter demain dans le gouffre fascinateur des républiques.
III Et la chose est exécutée, du reste, avec une souplesse, une douceur et une discrétion incomparables, qui font penser à une autre Critique comme moi, Madame Pernelle, laquelle n’était pas très contente non plus : … Pour vous, sa sœur, vous faites la discrète, Et vous n’y touchez pas, tant vous semblez doucette ! […] À la souplesse du talent et à la discrétion, à cet air ineffable de ne pas toucher à ce sur quoi il pèse davantage, M. […] Gaston Boissier a touché, à travers celui qui donnait le nom à son livre, un sujet pour lequel il n’avait pas les mains qu’il fallait, — des mains savantes d’une autre science que la sienne, compétentes, théologiennes.
Caro sait tout cela aussi bien que nous, et il en touche même un mot en passant dans son chapitre du Mysticisme, en général. Mais la Critique, qui a ses convictions, qui n’examine, ne raisonne et ne conclut que du milieu d’elles, a le droit de demander au philosophe pourquoi, dans un livre où toutes les questions liées à son sujet sont touchées de manière à les faire vibrer dans les esprits, il a négligé d’appuyer plus longtemps et plus fort sa juste et pénétrante analyse sur le côté fécond et sanctifié du mysticisme. […] En Suisse, Lavater couvrait de je ne sais quelles vertus plus dangereuses que des vices, car elles font illusion, un mysticisme qui touchait à l’illuminisme allemand par une extrémité, et par l’autre à la théurgie.
Que ceux qui touchent aux événements de l’histoire moderne, de cette histoire qui nous a enfantés dans l’erreur et le trouble, ne se fassent pas de lâche ou de sotte illusion. […] Cette voix d’un prêtre qui intervient avec miséricorde dans les justices et les châtiments de l’histoire, nous touche et nous trouble. […] Si, comme on l’a ici donné à entendre, il se cachait plus de haine que d’amour au fond de son livre ; si la polémique qu’il a soulevée passait à travers Clément XIV pour atteindre l’Ordre de Jésus lui-même, et pour le toucher de cette main modérée dont parle Junius dans ses lettres et qui tue d’autant mieux qu’elle tue avec modération ?
L'auteur paraît ne pas se douter que lui-même touche à la vieillesse, et que l’injure tirée des années et des rides va se poser à lui-même sur son front. […] Mais un bon Génie, un Amschaspand, aurait de quoi répondre : « A travers ce manque de goût et ces torrents d’invectives, il y a des restes de candeur, une sincérité incontestable bien que si muable en sa rapidité ; l’amour de l’humanité, de ce que l’auteur croit tel, y compense à ses yeux la haine pour quelques individus ; la fibre humaine vibre en certains endroits sous une touche dont très-peu sont capables.
Il y a l’Académie française, où tout ce qui touche à la littérature est représenté : calcul des probabilités, présidence du Conseil, opérette, percement d’isthmes (ou prolifisme). […] Au besoin ils poliraient des verres de lunettes, comme Baruch Spinoza ; il est vrai qu’ils aiment mieux être bibliothécaires ; mais ils copieraient de la musique, plutôt que d’interdire à leur esprit, par un renoncement une fois consenti, de se développer librement, de toucher à la physiologie après le roman, et à la géométrie après la physiologie, si les déplacements successifs de leur point de vue les y poussaient… Mais ces intelligences sont rares parmi la jeunesse lettrée.
On flétrit alors ce qu’on touche : les parfums, l’éclat des couleurs, l’élégance des formes, disparaissent dans les plantes pour le botaniste qui n’y attache ni moralité ni tendresse. […] Toujours les siècles de philosophie ont touché aux siècles de destruction.
Quelques noms semés çà et là, donnés d’ordinaire par la tradition et touchés par la poésie, suffisent. […] La Renommée, ce monstre infatigable, du même vol dont elle a touché les ruines des empires, s’arrête à cette chose aimable, s’y pose un moment ; elle en revient, comme la colombe, avec le rameau. […] En 1800, elles reparurent avec une Notice bien touchée de M. de Barante, qui avait recueilli quelques détails nouveaux (dont un pourtant très-hasardé, on le verra) dans la société de M. […] Voilà mes réflexions. » L’aimable princesse circassienne fait de la sorte en ce qui la touche, sans trop s’en douter ; elle se contient, elle se diminue plutôt. […] Toutes les calomnies dont mes ennemis m’ont chargé ne m’ont point touché en comparaison de celle-là.
Suivez encore : « Pandarus ajuste la flèche avec la corde, il tire à lui à la fois la corde et le cran de la flèche, il fait toucher le fil de boyau à sa poitrine et le fer aigu de la flèche à la corne de l’arc. […] Il faut que l’immortel qui touche ainsi notre âme Ait sucé la pitié dans le lait d’une femme. […] Il décrit toutes les choses matérielles les plus vulgaires par le côté où elles touchent à l’imagination la plus pittoresque ou au sentiment le plus pathétique. […] Mais, quand ce héros égal aux dieux est rassasié de larmes et qu’il a assoupi ses regrets dans son cœur, il se lève de son siége et tend sa main au vieillard ; car il est touché de tendre compassion à la vue de ces cheveux blancs et de cette barbe vénérable. […] » Hécube et Andromaque, la mère et l’épouse, s’élancent les premières sur le char pour toucher la tête d’Hector !
Mais, par un contraste singulier, le badaud, chez lui, touchait au diplomate et au directeur de théâtre, les deux hommes les plus préoccupés du résultat et du succès qu’il y ait au monde. […] Le touche-à-tout ambitieux qui était en lui toucha aussi à la comédie, et il y mit sa patte d’Allemand comme un ours flanquerait sa patte d’ours dans un travail en filigrane. […] il faut être net quand on touche à cette mystification du génie de Gœthe, et je le serai. […] Il me semblait que je ne toucherais pas à ce Dieu de Gœthe avec cet athéisme sans que la religion qu’on a pour lui se révoltât. […] … Elle a eu l’honneur de toucher, le jour de son triomphe, au vitchoura de Voltaire !
Il avait beau courir les mers et toucher aux rivages les plus éloignés, les livres de son choix y touchaient avec lui, et plus encore écoutait-il résonner en lui l’écho des voix familières que son enfance avait entendues : il est des manières de sentir qui entrent si avant dans l’âme que celle-ci n’en guérit plus. […] L’action seule touche à la réalité, ou plutôt, l’homme n’est réel que pour autant qu’il agit. […] Il ne vit pas, il ne saurait plus vivre, car il pense et sa pensée flétrit tout ce qu’elle touche. […] Car les hommes du Réveil étaient des chrétiens authentiques, dont le cœur avait été vraiment touché par la grâce. […] Là nous entendons le disciple qui avait vu de ses yeux, qui de ses mains avait touché le Maître.
Ainsi l’Estelle de Florian ou la Lina de Droz, les Fragments de Ballanche ou les Nuits Élyséennes de Gleizes, peuvent toucher un cœur adolescent autant et bien plus qu’une Iliade. […] Il était impossible de toucher un tel portrait à la Sterne avec une plus gracieuse et, pour ainsi dire, affectueuse ironie : « Ce qui faisait sourire l’esprit, conclut-il, dans les innocentes manies du chevalier, faisait en même temps pleurer l’âme. […] On voit par combien de points vifs devaient se toucher d’abord le jeune secrétaire et le vieux maître. […] Il publia Jean Sbogar en 1818, Thérèse Aubert en 1819, Adèle en 1820, Smarra en 1821, Trilby en 1822 : je ne touche qu’aux productions bien visibles. […] Comme, après tout, la prétendue Clotilde est un poëte de l’école poétique moderne, un bouton d’églantine éclos en serre à la veille de la renaissance de 1800, il convenait à Nodier, ce précurseur universel, d’y toucher du doigt.
8 avril Il est touché presque par cela seul : les colorations de la nature et surtout les aspects du ciel. […] * * * Ce qu’il y a d’affreux dans ces abominables maladies de l’intelligence, c’est qu’elles ne touchent pas seulement à l’intelligence, mais qu’elles détruisent souterrainement, et à la longue, chez l’être aimant qu’elles frappent, la sensibilité, la tendresse, l’attachement, c’est qu’elles suppriment le cœur… Cette douce amitié qui était le gros lot de notre vie, de mon bonheur, je ne la trouve plus, je ne la rencontre plus… Non, je ne me sens plus aimé par lui, et c’est le plus grand supplice que je puisse éprouver, et que tout ce que je peux me dire, n’adoucit en rien. […] 9 heures Dans ses yeux troubles, tout à coup, une éclaircie souriante, avec le long appuiement sur moi d’un regard diffus, et comme s’enfonçant lentement dans le lointain… Je touche ses mains : c’est du marbre mouillé. […] * * * En dépit de tout ce que mes yeux voient, de tout ce que mes sens touchent de l’affreuse réalité, l’idée de la séparation éternelle ne peut s’asseoir dans ma cervelle. […] Cette affirmation ne me touche guère, parce que j’ai la conscience de l’avoir plus aimé, qu’aucun de ceux qui diront cela, n’ont jamais aimé une créature humaine.
Ce n’étaient pas seulement les événements auxquels touche ce livre : la chute de Louis-Philippe et l’érection de l’Empire sur une République en poussière, que l’on était curieux de voir retracés par une main compétente et profondément renseignée, mais c’était l’écrivain, c’était l’homme, aux prises avec ce grand sujet. […] Les faits qui en sont la trame touchent à d’autres faits qui ne sont pas accomplis encore. […] Et il les peignit avec une ressemblance et une profusion de détails qui sembla une manière nouvelle, et qui n’était que l’application spontanée et réfléchie des facultés les plus heureusement créées pour toucher à l’histoire et y réussir. […] Granier de Cassagnac a la conscience du renseignement, l’intérêt varié du récit, la hauteur des appréciations ; mais tout cela ne lui donnerait pas sa place encore, s’il ne les couronnait et ne les achevait par la qualité excellemment historique, pour nous autres modernes : la vigueur de touche dans le portrait. […] XIV Je voudrais pouvoir vous le faire toucher, tâter, peser, soupeser, ce grès d’une érudition meurtrière.
j’allais presque dire prostitué), il a parfois touché avec une main moderne, et qui n’est pas la gourde main de ce chiragre de Le Sage, à la passion, au sentiment, à l’idée, à toutes ces choses qu’on ne peut pas plus rejeter entièrement du roman que de l’âme humaine. […] Or, Paul Féval a le bonheur d’appartenir à la province qu’a le moins touchée cette influence de Paris, qui finira par égratigner et mettre en poussière jusqu’aux granits de ses dolmens ! […] Mais les têtes étaient prudentes, et elles n’y touchèrent pas. […] Ici l’historien touche à l’hagiographe et se fond avec lui. […] Assurément, la critique impie pourra bien ricaner du catholicisme de l’auteur, mais elle ne touchera pas à l’essence de son livre ; elle ne mordra pas sur ce marbre ; elle évitera de s’y cogner.
Il est toujours délicat de toucher aux convictions de quelqu’un. […] Cette jeune enfant de dix à onze ains, amenée un matin au pensionnat par une mère belle, superbe, au front de génie et à la démarche orageuse ; le peu d’empressement de la maîtresse de pension à la recevoir, la froide réserve de celle-ci envers la mère, son changement de ton et de sentiment quand elle a jeté les yeux sur le front candide de la jeune enfant, les conditions qu’elle impose ; puis les premières années de pension de la jeune fille, ses tendres amitiés avec ses compagnes, toujours commencées vivement, mais bientôt refroidies et abandonnées sans qu’il y ait de sa faute et sans qu’elle se rende compte du mystère ; l’amitié plus durable avec une seule plus âgée qu’elle et qui a dans le caractère et dans l’esprit plus d’indépendance que les autres ; tout cela est bien touché, pas trop appuyé, d’une grande finesse d’analyse. […] Son fils, Emmanuel, un jeune homme charmant, se montre, au premier coup d’œil, touché de la beauté d’Aurélie, comme elle-même est touchée de ses attentions.
Enfin, j’ai rencontré un roman qui m’émeut doucement et qui me touche. Autrefois, quand on ouvrait un livre de ce genre, un roman nouveau, on voulait être touché, ému, intéressé : maintenant, et depuis longtemps, on veut être empoigné, c’est le mot, — violent et dur comme la chose. […] Madeleine, dans sa générosité innocente, se remet à le vouloir consoler ; elle y apporte, cette fois, une hardiesse de candeur qui fait trembler ; mais un jour, comme il arrive d’ordinaire en ces sortes de cas, en tournant trop autour de la flamme, elle-même se prend et s’allume ; la passion l’a touchée, sa physionomie change et s’éclaire d’une pâle lueur. […] Dominique est de cette race ; il nous raconte bien des choses, il en décrit beaucoup, mais seulement celles qui l’ont touché, ému.
Mamignon aime Cyprienne : il se déclarait ; il va sans doute demander sa main. « Touchez-là, mon neveu ! […] Elle touche à des pudeurs de l’âme aussi sensibles que les mystères du corps ; elle révèle, — et c’est une mère qui parle à son fils ! […] Imaginez une maladresse ou une dissonance dans ce récit difficile, et la salle poussait le cri qu’arrache une plaie vive brutalement touchée. […] C’est épouvantable ; il n’y a rien après cela : on a touché le fond de l’opprobre.
J’avais en une journée cent physionomies diverses, selon la chose dont j’étais affecté : j’étais serein, triste, rêveur, tendre, violent, passionné, enthousiaste ; mais je ne fus jamais tel que vous me voyez là… » Et il ajoute, car il nous importe dès l’abord de le bien voir : « J’avais un grand front, des yeux très vifs, d’assez grands traits, la tête tout à fait d’un ancien orateur, une bonhomie qui touchait de bien près à la bêtise, à la rusticité des anciens temps. » Représentons-nous donc Diderot tel qu’il était en effet, selon le témoignage unanime de tous ses contemporains, et non tel que l’ont fait les artistes ses amis, Michel Van Loo et Greuze, qui l’ont plus ou moins manqué, à ce point que la gravure d’après ce dernier le faisait ressembler à Marmontel : « Son front large, découvert et mollement arrondi, portait, nous dit Meister, l’empreinte imposante d’un esprit vaste, lumineux et fécond. » On ajoute que Lavater crut y reconnaître des traces d’un caractère timide, peu entreprenant ; et il y a lieu de remarquer en effet qu’avec l’esprit hardi, Diderot avait le ressort de conduite et d’action un peu faible. […] À propos d’un saint Benoît mourant et recevant le viatique, par Deshays, il fait voir que si l’artiste avait montré le saint un peu plus proche de sa fin, « les bras un peu étendus, la tête renversée en arrière, avec la mort sur les lèvres et l’extase sur le visage », en raison de cette seule circonstance changée dans l’expression de la principale figure, il aurait fallu changer par suite toutes les physionomies, y marquer plus de commisération, y répandre plus d’onction attendrie : « Voilà un morceau de peinture, ajoute-t-il, d’après lequel on ferait toucher à l’œil à de jeunes élèves, qu’en altérant une seule circonstance on altère toutes les autres, ou bien la vérité disparaît. […] Et, en général, toutes les facultés d’improvisation, d’imagination pittoresque et prompte, dont il était doué ; tous ses trésors d’idées profondes, ingénieuses et hardies ; l’amour de la nature, du paysage et de la famille ; même sa sensualité, son goût décidé de toucher et de décrire les formes, le sentiment de la couleur, le sentiment de la chair, de la vie et du sang, « qui fait le désespoir des coloristes », et que, lui, il rencontrait au courant de la plume, toutes ces qualités précieuses de Diderot trouvent leur emploi dans ces feuilles volantes qui sont encore son titre le plus sûr auprès de la postérité. […] » C’est dans un sentiment tout pareil qu’il a écrit quelque part encore ces admirables et humaines paroles : Un plaisir qui n’est que pour moi me touche faiblement et dure peu.
Fontenelle, dans le Dialogue entre Socrate et Montaigne, la touchait en quelques traits supérieurs et comme aurait pu faire un Saint-Évremond. […] Il a un ami qui n’a point d’autre fonction sur la terre que de le promettre longtemps à un certain monde, et de le présenter enfin dans les maisons comme homme rare et d’une exquise conversation : et là, ainsi que le musicien chante et que le joueur de luth touche son luth devant les personnes à qui il a été promis, Cydias, après avoir toussé, relevé sa manchette, étendu la main et ouvert les doigts, débite gravement ses pensées quintessenciées et ses raisonnements sophistiqués. […] Je ne puis que toucher cet art d’insinuation scientifique chez Fontenelle ; il le possède au plus haut degré. […] Comme il n’est nullement touché du sentiment des autres, il ose être de son opinion non seulement avec bonne foi, mais avec une sorte d’audace et d’impudeur tranquille.
Tourguénef (j’excepte les Nouvelles traduites par Mérimée, où le style précis de ce lettré altère l’original), l’on est tenté de nier qu’il y ait là de l’art, mot qui, chez nous, touche aux idées d’artifice et de raffinement. […] La touche est toujours infaillible. […] Quand il a touché aux grands mouvements d’opinion qui ont agité la Russie contemporaine, sa franchise a blessé de tous côtés. […] Tourguénef ne se fait pas d’illusions généreuses et banales sur la misère humaine, sur la fatigue et l’inanité de l’effort, sur le déchet des plus belles entreprises, sur cette part d’imperfection infinitésimale ou infinie toujours présente, qui corrompt ce que l’homme touche.
Zola, d’une touche de chirurgien, écarte les voiles et désigne le mystère. […] Il semble qu’en toutes ces occasions, M. ola touche aux spectacles prétendus honteux, en vertu de droits supérieurs, comme accomplissant une mission de grand révélateur de la vie, chargé d’en découvrir les sources charnelles. […] Zola touche à l’esthétique du roman, et reprenant en bouche les grands termes de positivisme et d’évolutionnisme, il part en guerre contre la psychologie et dénonce tous ceux qui n’étudient de l’homme que l’âme, sans se souvenir de l’influence du corps sur le cerveau. […] Et cette lamentable fin encore du ménage artistique, cette noire existence misérable et débraillée dans l’atelier du haut de Montmartre, Claude se brutalisant, s’exaltant et s’affolant à l’impossible labeur de s’extorquer un chef d’œuvre, tandis que Christine s’attache à son amour tari, lutte contre le desséchement de cœur de son mari, finit par l’arracher à l’art auquel il tenait de toutes ses fibres, mais l’abîme et le lue du coup ; toute cette tragédie humaine donnant à toucher de pauvres chairs frissonnantes, à voir des larmes dans des orbites creux, et des mâchoires serrées, et des poings abandonnés, nous a enthousiasmé et ému.
Déjà il touchait aux lettres et corrigeait les épreuves de son professeur Yanoski. […] C’est une détermination prise… je n’y puis rien. » Un peu touché toutefois par nos tristes figures, il ajoute : « Que Lireux vous lise et fasse son rapport, je vous ferai jouer si je puis obtenir une lecture de faveur. » Il n’est encore que quatre heures.
L’algèbre est dans l’astronomie, et l’astronomie touche à la poésie ; l’algèbre est dans la musique, et la musique touche à la poésie.
« Il n’y a que celui qui aime qui puisse comprendre les cris de l’amour, et ces paroles de feu, qu’une âme vivement touchée de Dieu lui adresse, lorsqu’elle lui dit : Vous êtes mon Dieu ; vous êtes mon amour ; vous êtes tout à moi, et je suis toute à vous. […] C’est en vain qu’on se met en défense : Ce Dieu touche les cœurs lorsque moins on y pense.
Les métaphysiciens parlent de cette pensée abstraite, qui n’a aucune propriété de la matière, qui touche à tout sans se déplacer, qui vit d’elle-même, qui ne peut périr, parce qu’elle est indivisible, et qui prouve péremptoirement l’immortalité de l’âme : cette définition de la pensée semble avoir été suggérée aux métaphysiciens par les écrits de Pascal. […] S’il ne s’est point plongé dans les idées du jour, c’est qu’il leur a été supérieur : nous prenons sa puissance pour sa faiblesse ; son secret et le nôtre sont renfermés dans cette pensée de Pascal : « Les sciences ont deux extrémités qui se touchent : la première est la pure ignorance naturelle où se trouvent les hommes en naissant ; l’autre extrémité est celle où arrivent les grandes âmes qui, ayant parcouru tout ce que les hommes peuvent savoir, trouvent qu’ils ne savent rien, et se rencontrent dans cette même ignorance d’où ils sont partis ; mais c’est une ignorance savante qui se connaît.
La gloire m’a paru belle, la lumière forte et vraie ; le cheval assez beau, mais faible de touche et sans humeur. […] Ceux qui touchent au plan général et commun sont à la portée de la main, ils sont persécutés ; ceux qui s’en élèvent à une grande distance ne sont pas apperçus, ils meurent oubliés et tranquilles.
Ces premieres idées qui naissent dans l’ame lorsqu’elle reçoit une affection vive et qu’on appelle communement des sentimens, touchent toujours, bien qu’ils soient exprimez dans les termes les plus simples. […] L’abbé De Chaulieu nous présente cependant cette pensée sous des images qui la rendent capable de toucher infiniment.
Ils n’operent que pour nous toucher. […] Notre siecle est trop éclairé, et, si l’on veut, trop philosophe pour lui faire croire qu’il lui faille apprendre des critiques ce qu’il doit penser d’un ouvrage composé pour toucher, quand on peut lire cet ouvrage, et quand le monde est rempli de gens qui l’ont lû.
Nous ne croyons que ce qui se prouve, nous ne sentons que ce qui se touche ; la poésie est morte avec le spiritualisme dont elle était née ; et ils disaient vrai ; elle était morte dans leurs âmes, morte dans leurs intelligences, morte en eux et autour d’eux. […] Ils savaient que tous les nobles sentiments se touchent et s’engendrent, et que dans des cœurs où vibrent le sentiment religieux et les pensées mâles et indépendantes, leur tyrannie aurait à trouver des juges, et la liberté des complices. […] Ses vers qui endorment ou exaltent l’imagination de l’Arabe autant que la fumée du tombach dans le narguilé1 retentissaient en sons gutturaux dans le groupe animé de mes Saïs et quand le poète avait touché plus juste ou plus fort la corde sensible de ces hommes sauvages, mais impressionnables, on entendait un léger murmure de leurs lèvres ; ils joignaient leurs mains, les élevaient au-dessus de leurs oreilles, et inclinant la tête, ils s’écriaient tour à tour : Allah ! […] Ses cheveux, d’un blond bronzé et doré comme le cuivre des statues antiques, couleur très-estimée dans ce pays du soleil, dont elle est comme un reflet permanent, ses cheveux détachés de sa tête tombaient autour d’elle et balayaient littéralement le sol ; sa poitrine était entièrement découverte selon la coutume des femmes de cette partie de l’Arabie, et quand elle se baissait pour embrasser la pierre du turban ou pour coller son oreille à la tombe, ses deux seins nus touchaient la terre et creusaient leur moule dans la poussière, comme ce moule du beau sein d’Atala ensevelie, que le sable du sépulcre dessinait encore, dans l’admirable épopée de M. de Châteaubriand. […] Serai-je plus heureux maintenant que je touche à la maturité de la vie ?
Nous revoyons le poète que la Critique lassée a tourné et retourné sous toutes les faces, ce fameux talent éclatant et pompeux à son centre, mais qui touche au gongorisme par une extrémité, et par l’autre à la platitude. […] Quant au second volume, intitulé Aujourd’hui, nous n’en pourrons indiquer non plus que la manière générale, mais cela suffira pour éclairer sur la valeur absolue d’un poète qui a touché le zénith de sa vie et de son talent. […] Nous n’avons pas à faire saillir l’insolente profanation qu’il y a là-dessous, car une chose nous touche et venge notre Dieu de toutes ces insultes. […] Et d’ailleurs pourquoi une hostie sans communion, puisqu’il ose toucher à ces formes saintes dans l’intérêt de ses malheureux vers ? […] Or, à quoi imputer ce changement, cette rénovation, cette résurrection, cette touche plus forte revenue à un génie poétique dont nous avions désespéré ?
« Il y a plus : c’est que, faute d’un certain sens spirituel nécessaire pour discerner par nous-mêmes la vérité, nous étions réduits à nous citer les uns les autres, et à citer même des anciens de deux mille ans, nous qui, aidés de leurs lumières et des lumières de soixantes générations, devions avoir incomparablement plus de lumières et de connaissances que ces anciens qui vivaient dans l’enfance de la raison humaine… » Nous touchons ici à une idée essentielle de l’abbé de Saint-Pierre, c’est que le monde intellectuel ne date que d’hier, que les hommes sont dans l’enfance de l’esprit et de la raison, que l’humanité n’a guère que sept ans et demi, l’âge à peine de la raison commençante45. […] Il était content et le laissait voir : « J’ai du plaisir partout, disait-il, parce que j’ai l’âme saine. » Il a pourtant écrit, au sujet de la moquerie, un mot fait pour toucher, et où il ne tient qu’à nous de voir une allusion à ce portrait de Mopse : « Quel agrément dans la vie pour le bienfaisant de sentir la joie de ceux chez qui il entre ! […] Nous-mêmes nous touchons aux premiers hommes et aux patriarches : et qui pourra ne nous pas confondre avec eux dans des siècles si reculés ?
Si, pour les écrivains qui se respectent, il est, à certains égards, bien pénible de venir même toucher par allusion à ces tristes conflits, quelque chose ici l’emporte, le besoin pour eux de rendre hommage à la vérité et de ne pas laisser s’autoriser par leur silence l’ombre d’un doute sur ce qu’ils pensent, sur ce qu’ils souffrent de tout ce bruit. […] Tous les poëtes et rimeurs critiqués, confessant naïvement leurs griefs, ont été les premiers, dans la bagarre présente, à se soulever, à prêter leurs noms, à venir se faire inscrire à la file comme témoins à charge, même les malades, dit-on, même les infirmes (ceci est affligeant à toucher, mais on nous y force), et l’on nous assure que, pour jeter sa pierre, le plus clément, le plus chevaleresque, le plus contrit de tous lui-même a marché83. […] La touche littéraire est là, et, s’il semble difficile de ne pas la forcer parfois dans l’indignation qu’on ressent, on n’a que plus d’honneur à maintenir cette modération, quand la fermeté s’y mêle.
La main qui touche la Lyre, & celle qui trace les devoirs de l’homme, doivent être libres, pour répondre dignement à la noblesse de leur emploi. […] Que ces esprits indifférens sur le désordre qui ne les touche pas, que ceux dont la foible prudence méconnoit cette vertu supérieure à toute crainte, l’appellent un insensé, ou le regardent comme un misantrope qui se livre au triste plaisir d’exercer une censure amere ; ce n’est pas à eux de sentir qu’il est impossible à l’homme vertueux de garder le silence, tandis que les cris plaintifs des victimes de l’oppression retentissent à son oreille & frappent son cœur sensible, tandis que les droits éternels de la Justice sont violés pour satisfaire quelques monstres avides, tandis qu’un peuple entier vit dans les larmes, ayant tout perdu jusqu’au droit lamentable d’élever ses soupirs ; ah ! […] Qui ne sent frémir la partie la plus sensible de lui-même à la touche énergique d’un Tacite, il peint & il écrase les tyrans, & du même trait les dévoue à l’opprobre.
Mais les Mémoires de Grammont, voilà ce qui reste, et ce que la fée a touché de toute sa grâce. […] Mais cela est touché à point et de ce tour qui fait tout passer. […] Il touche du doigt aux Lettres persanes publiées un an après sa mort (1721).
mais la réimpression n’en est pas moins une consécration déjà et une épreuve, la pierre de touche appliquée au livre et au succès. […] Dargaud, et toucher des ennemis comme nous ! […] Dargaud est cette aversion, sans cruauté et sans furie, qui se détourne au lieu d’insulter, et que la beauté morale, cette fille du christianisme, touche encore !
Il dévore les limites qui touchent ses possessions ; car il a de quoi payer un Avocat, un Procureur, un Rapporteur, & faire traîner en longueur un procès qui fatigue & rebute l’humble & timide propriétaire. […] L’étranger vient à son tour, & s’empare du livre ; il se multiplie dans l’Europe ; il est dans toutes les mains, & l’Auteur le plus souvent n’a rien touché du produit qui devoit lui appartenir. […] Il falloit nous donner une traduction exacte de ces chef d’œuvres, ou n’y point toucher pour les plier mal-adroitement à nos mœurs & à nos usages. […] Elle aura beau être claire, vive & nette, si elle ne touche pas le cœur de l’homme, elle restera sans effet : la Poèsie descriptive, par exemple, n’est rien près de celle de sentiment. […] Le portrait sera quelquefois d’une touche libre, heureuse : mais ne me dites pas que la ressemblance soit exacte.
Le doute, comment pouvait-il en être touché ? […] Il composait une grammaire et touchait à toutes les délicatesses de la philologie, faisant l’histoire des mots et de leurs acceptions diverses dans les auteurs. […] On sent combien, malgré leurs différences, les deux doctrines sont près de se toucher. […] On admirait cet air de résignation et de candeur ; on se laissait prendre à ces offres de soumission sous lesquelles perçaient l’opiniâtreté et l’assurance, à cette sensibilité qui touchait les femmes. […] Ce blâme ne touchait plus son amie, puisqu’elle s’était rétractée ; on le lui demandait non contre elle, car elle était réconciliée, mais dans l’intérêt de ceux qui pouvaient s’y méprendre.
Au premier instant, la colère est un vin généreux qui enivre et qui exalte ; conservée et enfermée, elle devient une liqueur qui brûle tout ce qu’elle touche, et corrode jusqu’au vase qui la contient. […] À la moindre émotion, ses larmes coulent, ses sentiments frémissent, comme un papillon délicat qu’on écrase dès qu’on le touche. […] Ainsi soutenus, le monstre impossible et le grotesque littéraire entrent dans la vie réelle, et le fantôme de l’imagination prend la consistance des objets que nous touchons. […] Je n’en vois qu’un seul estimable, personnage effacé, lord Kew, qui, après beaucoup de sottises et de débauches, est touché par sa vieille mère puritaine et se repent. […] Il finit par la traîner dans les tavernes et dans les coulisses, et de loin la montre du doigt, joueuse, ivrogne, sans plus vouloir la toucher.
Ce livre était plein cependant de puérilités qui touchaient au ridicule, de naïvetés qui touchaient à la niaiserie, de germanismes de mœurs qui touchaient à la caricature ; c’est vrai, mais le feu y était. […] Aussi ne vieillit-il pas, bien qu’il touche à sa quarantième année : il est comme ces statues de marbre de la galerie du Vatican, qui prennent des siècles sans prendre une ride ! […] Faust insiste avec l’autorité et la véhémence de la passion qui veut être servie et non conseillée : « Quelque chose seulement d’elle, un fichu de son cou, une chose qui l’ait touchée ! […] XXXVI Faust se plaint à Marguerite de sa triste condition de voyageur, qui le condamne à ne rien aimer de permanent ; il touche de pitié le cœur naïf de la belle enfant. […] Oui, j’envie le corps du Seigneur quand ses lèvres pieuses y touchent !
Je n’ai jamais vu un enfant jouir, comme lui, du parfum d’une fleur, de la vue d’une jolie femme bien habillée, du confort d’un bon fauteuil du toucher d’une chose agréable. Et son toucher à lui était particulier, on peut dire que c’était une caresse. […] Et, en effet, il est d’une myopie qui touche à l’infirmité, et semble lui faire traverser les milieux de la vie, ainsi qu’un aveugle — pas mal clairvoyant tout de même. […] À côté du pupitre, à portée de la main, les crayons, la sanguine, la craie, la gomme élastique employés par la princesse, tous objets qu’elle n’aime pas qu’on touche, disant que les autres sont des sales. […] Puis sa parole meurt, et sa figure s’assombrit dans une moue mélancolique, dont il est très difficile au partant de n’être pas touché.
Quand nous parlons d’objets matériels, nous faisons allusion à la possibilité de les voir et de les toucher ; nous les localisons dans l’espace. […] Il n’en est plus de même si nous considérons des états purement affectifs de l’âme, ou même des représentations autres que celles de la vue et du toucher. […] Dira-t-on, avec les partisans de la théorie des signes locaux, que des sensations simultanées ne sont jamais identiques, et que, par suite de la diversité des éléments organiques qu’ils influencent, il n’y a pas deux points d’une surface homogène qui produisent sur la vue ou sur le toucher la même impression ? […] Nous touchons ici du doigt l’erreur de ceux qui considèrent la pure durée comme chose analogue à l’espace, mais de nature plus simple. […] En un mot, notre moi touche au monde extérieur par sa surface ; nos sensations successives, bien que se fondant les unes dans les autres, retiennent quelque chose de l’extériorité réciproque qui en caractérise objectivement les causes ; et c’est pourquoi notre vie psychologique superficielle se déroule dans un milieu homogène sans que ce mode de représentation nous coûte un grand effort.
Il ne peut pas s’en tenir à l’expression simple ; il entre à chaque pas dans les figures ; il donne un corps à toutes ses idées ; il a besoin de toucher des formes. […] Il touche du même coup les deux extrêmes. […] Nous touchons ici le trait anglais et étroit de cette conception allemande et si large. […] Il a besoin de donner aux abstractions un corps et une âme ; il est mal à son aise dans les conceptions pures, et veut toucher un être réel. […] Vous touchez le foyer central de nos maux, de notre horrible nosologie de maux, quand vous posez votre main là.
Un peu de miroitement (car ils ont trop de talent de style, et ils ont fait trop de progrès dans leur manière pour qu’on ne leur touche pas quelque chose de leurs défauts), un peu trop de scintillement, dis-je, et de cliquetis est l’inconvénient de cette quantité de mots et de traits rapportés de toutes parts et rapprochés. […] L’ironie chatouille les coins de la bouche et perle, comme une touche de lumière, sur la lèvre qu’elle entrouvre. […] Dans une lettre écrite de Paris au poète Gray (25 janvier 1766), lettre toute émaillée de portraits et qui fait songer à la galerie de la Fronde de Retz, ou plutôt encore aux portraits de haute société de Reynolds et de Gainsborough, après avoir peint de sa touche la plus vive la duchesse de Choiseul et sa belle-sœur, la duchesse de Grammont, et bien d’autres, il continuait ainsi : « Je ne puis clore ma liste sans y ajouter un caractère beaucoup plus commun, mais plus complet en son genre qu’aucun des précédents, la maréchale de Luxembourg. […] Chaque débutant, chaque esprit encore neuf se sentait en sa présence comme devant une pierre de touche qui décidait de la finesse du métal.
Était-il possible, je le demande, qu’Horace Vernet vivant à Rome au sein d’une splendide nature, d’une belle race, de toutes les merveilles de l’art classique, en face des magnificences de Saint-Pierre et des pompes du Vatican, n’en fût pas touché, excité à se mesurer à sa manière avec ses nouveaux modèles, à s’exercer dans un genre plus noble et a y transporter ses qualités si, françaises ? […] dans l’appréciation de ces œuvres spéciales où le procédé est toute une science, où l’exécution tient une si grande place, et qu’un littérateur, c’est-à-dire un homme qui n’a jamais touché le pinceau ni le ciseau, ne doit, ce semble, aborder qu’avec une circonspection extrême, quelle outrecuidance ! […] Et quant à Charlet, si spirituel, mais qu’on grandit à plaisir, une remarque est à faire, qui touche à cette clé du jugement de certains critiques. […] Tu vois que je suis traité en véritable personnage ; ce n’est pas que ça me touche, mais je te donne ces détails pour que tu sois sans inquiétude ; car tant de précautions sont même inutiles, la correspondance se faisant journellement avec huit hommes seulement.
En arrivant à Tolède, la nouvelle reine fut reçue par don Carlos, et, à la vue de ce jeune prince déjà malade de la fièvre et tout exténué, cette jeune femme fut saisie d’un mouvement de compassion et de tendre pitié qui se peignit sur son visage et dans son regard : don Carlos le sentit, fut touché de son accueil, et « dès ce moment il conçut pour elle des sentiments de respect et de déférence qui ne se démentirent jamais depuis. » C’est à cette limite qu’il convient de s’arrêter, et rien de ce que les romanciers et poètes ont imaginé d’un sentiment mutuel entre la reine et son beau-fils n’a le moindre fondement ni même le moindre prétexte historique. […] Le traitement de Vésale paraît avoir eu de bons effets : le toucher des reliques d’un religieux, Fray Diego, mort en état de sainteté il y avait quelque cent ans, et dont on fit apporter processionnellement le corps dans la chambre du malade, fut réputé aussi une des causes du rétablissement. […] Une seule bonne qualité surnageait au milieu de tant de travers et de vices, c’était son sentiment d’affectueuse déférence pour sa jeune belle-mère, la reine Elisabeth, dont la bonté compatissante et gracieuse l’avait touché. […] Mais l’histoire, chaque fois que vous voulez la toucher, consultez-la bien ; elle est jalouse ; respectez-la ; tôt ou tard, chez les modernes, elle se venge du poète qui l’a méconnue et lui inflige de sanglants démentis.
. — Nous sommes nées peupliers… » « (Mercredi 27 novembre 1850)… Je reste à coudre près de lui (mon mari), car je maintiens tout ce que je peux d’un sort si délabré qui ne touche personne… Dieu et toi exceptés, je le sais bien, va ! […] Auber que ce grand nom, toujours plus cher, m’a fait pleurer comme l’hymne du Sommeil dans la Muette… Je garderai donc cette carte, qui me touche et qui m’honore. […] Tout ce que je sais d’un Virgile compréhensible pour moi, c’est que le nôtre ou celui de la Bretagne voyage dans le Midi, sous le nom de Brizeux, dont la santé et le silence commencent à m’inquiéter, à moins que tu n’en aies reçu quelque lettre. » Ce diminutif de Virgile, Brizeux, qui n’avait rencontré à temps ni Auguste ni Mécène, ni leur diminutif, ne touchait guère Paris qu’en passant ; il se sauvait bien vite, pendant des mois et des saisons, tantôt dans sa Bretagne, tantôt à Florence ; il craignait d’écrire et poussait l’horreur de la prose jusqu’à ne se servir le plus souvent que d’un crayon pour tracer des caractères aussi peu marqués que possible. […] Quand votre lettre n’appellerait pas la mienne, vous sauriez donc, presque en même temps que moi, l’admission positive de mon pauvre beau-frère au meilleur asile de retraite de Paris. — La Providence s’est laissé toucher pour lui et pour nous ; et le meilleur des hommes vivants 103 vient de m’accorder un si grand bienfait sans le moindre droit pour l’obtenir, avec quatre motifs d’exclusion !
De trop ingénieuses, de trop brillantes et à la fois bienveillantes critiques132 ont accueilli son récent volume pour que nous nous permettions d’y toucher en ce moment ; mais il ne dément en rien notre idée : persistance puissante, veine élargie ou plutôt grossie, et sans renouvellement. […] Mais, si l’on voulait être juste pour tous et en toucher un mot seulement, on passerait sa vie à déguster des primevères et des roses. […] Soit dans le fond, soit pour la forme, en quoi peut-il nous flatter, nous séduire, nous irriter si l’on veut, nous toucher enfin pour le moment, sauf à réunir ensuite les conditions immortelles ? […] Je ne pousserai pas plus loin les détails de son odyssée, dont on vient de toucher le point le plus extrême, mais qui fut continuelle jusqu’à son dernier soupir.
Mais à travers tout, ce qui importe le plus, l’homme est là pour nous guider et nous rappeler ; il reparaît en chaque ouvrage et dans les intervalles avec sa nature expressive et bienveillante, avec son esprit net, judicieux et fin, son tour affectueux et léger, sa morale perpétuelle, touchée à peine, cette philosophie aimable de tous les instants qui répand sa douce teinte sur des fortunes si différentes, et qui fait comme l’unité de sa vie. […] M. de Ségur nous fait toucher en mainte page de ses Mémoires la réunion de circonstances favorables qui rendait comme unique dans l’histoire ce moment d’illusion et d’espérance. […] Si quelque intérêt s’attache aujourd’hui pour nous à cette négociation, il tient tout entier, on le conçoit, à la façon dont le négociateur nous la raconte, et au jeu subtil des mobiles qu’il nous fait toucher. […] Dans un intéressant ouvrage publié en 1801 sur les dix années de règne de Frédéric-Guillaume, M. de Ségur a touché les circonstances de cette négociation délicate où il crut pouvoir se flatter, un très-court moment, d’avoir réussi.
La Pierre de touche. […] Le second acte est tout entier dans la métamorphose du laideron touché par l’amour. […] La Pierre de touche J’aurai fort à dire et fort à reprendre sur la Pierre de touche, de MM.
Cette plume légère touche tout à point ; elle prend dans chaque personne le trait dominant et saisit ce qu’il faut faire voir en chacun. […] L’impudence de Mme de Montespan qui s’enhardit à ses grossesses successives, la bassesse des Condés qui ambitionnent de s’allier au roi par toutes ses branches bâtardes, tous ces traits sont touchés hardiment et comme il sied à la petite-fille de d’Aubigné. […] Elle sait changer de ton dès qu’il le faut, et proportionner sa touche à ses personnages : « Mlle de Rambures avait le style de la famille des Nogent dont était madame sa mère : vive, hardie, et tout l’esprit qu’il faut pour plaire aux hommes sans être belle. […] Dans l’art du portrait, et sans avoir l’air d’y toucher, Mme de Caylus est un maître.
Parlant un jour de Mme Fontanges, cette maîtresse un peu sotte et glorieuse, Mme de Sévigné écrivait, en l’opposant à Mme de La Vallière : « Elle est toujours languissante, mais si touchée de la grandeur, qu’il faut l’imaginer précisément le contraire de cette petite violette qui se cachait sous l’herbe, et qui était honteuse d’être maîtresse, d’être mère, d’être duchesse : jamais il n’y en aura sur ce moule. » Dès les premiers temps de sa liaison avec le roi, Mme de La Vallière avait déjà songé au cloître ; elle s’y réfugia jusqu’à deux fois avant la troisième retraite, qui fut la définitive et la suprême. […] Parlant de Bossuet, elle dit : « Pour M. de Condom, c’est un homme admirable par son esprit, sa bonté et son amour de Dieu. » Et, en effet, quand on lit en même temps les lettres de Bossuet sur Mme de La Vallière, on est touché de ce caractère de bonté, de charité parfaite, et même d’humilité, dans le grand directeur et le sublime orateur. […] Et montrant l’âme qui se dépouille peu à peu des ornements extérieurs, colliers, bracelets, anneaux, parure, et qui commence à être plus proche d’elle-même, il ajoutait : « Mais osera-t-elle toucher à ce corps si tendre, si chéri, si ménagé ? […] Ceux qui ont écrit le récit de sa vie pénitente se sont plu à en citer des exemples singuliers, qui nous toucheraient trop peu aujourd’hui ; mais le principe qui les lui inspirait, et le but dont elle s’approchait par ces moyens, sont à jamais dignes de respect dans tous les temps, et de quelque point de vue qu’on les envisage : « J’espère, je crois et j’aime, disait-elle ; c’est à Dieu à perfectionner ses dons. » — « Espérer et croire, ce sont deux grandes vertus ; mais qui n’a point la charité n’a rien : il est comme une plante stérile que le soleil n’éclaire point. » Cette belle âme, réalisant désormais en elle les qualités de l’amour divin, se considéra jusqu’à la fin comme l’une des dernières devant Dieu : Je ne lui demande pas, disait-elle, de ces grands dons qui ne sont faits que pour les grandes âmes qu’il a mises dans le monde pour l’éclairer, je ne pourrais pas les contenir ; mais je lui demande qu’il incline mon cœur, selon sa parole, à rechercher sa loi, à la méditer nuit et jour.
Je voudrais ne forcer en rien les tons et ne point pour cela les affaiblir, ne pas faire fléchir, la morale et ne la faire intervenir que très simple et très sincère, ne toucher en passant que les aperçus et pourtant atteindre aux points essentiels : en un mot, je voudrais être vrai, convenable et juste dans un sujet très fécond, très mélangé, à travers lequel il serait beaucoup plus commode assurément de donner tout d’un trait et de parti pris. […] Autant il serait périlleux et coupable de l’aller ériger en idéal romanesque et en modèle, autant il est impossible, quand on la rencontre dans la vie, et même au milieu de tout ce qu’on déplore, de n’en pas être touché. […] Le Noir, lieutenant général de police, homme bon et humain, touché dès l’abord de la situation de Mirabeau, lui permit de correspondre avec Sophie et avec quelques autres personnes, à la condition que les lettres passeraient par les mains de M. […] Il termine par ce mouvement direct plein d’effet et d’une vigueur poignante, s’adressant à un vieillard : Mon père parle souvent d’un Dieu rémunérateur, et vous y croyez sans doute ; vous avancez dans une heureuse vieillesse, et mon père y touche.
Ayant à défendre Bernardin contre plusieurs inculpations qui touchaient au caractère, M. […] Pourtant lorsqu’il pénètre dans l’île, lorsqu’il arrive vers l’une de ces habitations perdues au plus profond des bois et dans les escarpements des mornes, et qu’il y trouve l’image imprévue de l’abondance, de la paix et de la famille, il est touché, et il trouve, à le dire, de bien gracieuses couleurs : Je ne vis dans toute la maison qu’une seule pièce : au milieu, la cuisine ; à une extrémité, les magasins et les logements des domestiques ; à l’autre bout, le lit conjugal, couvert d’une toile, sur laquelle une poule couvait ses œufs ; sous le lit, des canards ; des pigeons sous la feuillée, et trois gros chiens à la porte. […] Bernardin reçut un jour avis que le roi lui accordait une gratification sur le Mercure, et qu’il n’avait qu’à passer à la caisse pour la toucher. […] En vérité, vous devenez pour moi inconcevable, et je ne puis m’expliquer votre conduite autrement qu’en considérant que vous vous êtes longtemps aigri contre l’injustice de ceux qui auraient pu vous faire du bien, et que le point de votre cerveau où cette idée est classée est vicié par une humeur caustique qui le dénature au point de rapprocher le bien du mal, la bienfaisance de l’insulte ; d’où il résulte que, juste et bon dans tous les autres points de votre vie, dès qu’on touche cette corde vous devenez soupçonneux et injuste.
Tantôt, par une touche finale, le poète rattache l’apparition à un détail familier et vif, qui la fait entrer dans le cercle des existences réelles. […] Il faut, pour trouver son analogue, comparer nos contemporains, chez qui la tradition gauloise s’est altérée de toutes celles que nous nous sommes assimilées depuis 1830 : Gérard de Nerval, qui touche aux humoristes allemands ; Musset le disciple du Shakespeare des comédies ; Gautier l’exotique. […] Dans ce point morbide de son organisation intellectuelle est la cause des disparates de son œuvre et de chacune de ses œuvres, la raison aussi pour laquelle ce sont les femmes et les jeunes gens qui sont le plus touchés par son génie, la cause de ses douleurs amoureuses si vite oubliées et si variables qu’on n’en connaît pas les objets, de ses gaietés subites, des hauts et des bas de son style, des sujets auxquels il s’est appliqué, de son originalité, qui se résume en l’alliage de tous les contraires. […] Je demeurai longtemps à ses pieds, pleurant de façon à toucher même une pierre.
C’est une aimable beauté de cœur et de génie qui nous ravit et nous touche par toutes les images connues, par tous les sentiments éprouvés, par toutes les vérités lumineuses et éternelles. […] Puis, quand il a tout énuméré, quand il a touché une à une toutes ces plaies du cœur, une pensée le saisit, une inquiétude le prend, qu’a ressentie quiconque est resté orphelin ici-bas ; il se demande si tous ces morts qui voient désormais la lumière se souviennent encore de nous.
Fils d’un correspondant de Pantalon, il vient toucher une lettre de change de trois cents ducats et racheter Celia, qu’il se propose d’épouser. […] Quand le capitaine lui demande s’il aime Celia, Fulvio, sous l’empire de la même crainte, nie son amour ; il hésite à toucher la main de Celia qu’on lui donne et tourne toujours les yeux vers Scapin pour s’assurer qu’il n’a point mal fait.
Quand nous primes contact avec ces auteurs, leur talent ne nous toucha point. […] Que l’on compare ces écrivains avec les délicieux dandys, de qui les esprits si confus ont paru naguère touchés, à la fois, par les grondantes tempêtes rythmiques que déchaîne l’orchestre de Wagner, et par tant de fades afféteries : à part Maurice Barrès, infiniment lucide, solide et frémissant, je ne pense point qu’on trouve dans cette stérile génération des hommes en qui tressaillent nos profondes énergies.
On lui a si souvent reproché de se renfermer en elle-même, de ne point prendre part aux travaux qui se font à côté d’elle et qui touchent de si près à ses études, qu’on voudra bien lui permettre, malgré son incompétence anatomique, de recueillir dans les écrits des maîtres les plus autorisés tout ce qui peut l’intéresser, et intéresser les esprits cultivés dans ce genre de recherches. […] Outre les grands et classiques traités de Pinel, d’Esquirol, de Georget, je signalerai surtout, parmi les publications qui touchent de plus près à la psychologie, le Traitement moral de la folie, par M.
Très concluant et supérieur de bon sens en tout ce qui touche à la politique de Henri IV, aux difficultés de son temps, aux luttes des partis et aux impossibilités d’une situation connue et fréquente dans l’histoire et qui doit toujours y amener les mêmes catastrophes, il ne l’est plus au même degré en tout ce qui touche aux passions de ce premier roi Bourbon, qui introduisit la bâtardise dans la maison royale de France et qui abaissa la notion sainte de la famille aux yeux de son peuple.
S’il est touché, il est perdu. […] Ceux qui sont aptes de nature à recevoir le contrecoup de l’émotion voilée et contenue dans un livre, par un autre côté vibrant et sonore, saisiront bien le double accent de ce livre, et ils en seront touchés comme nous l’avons été.
Le Docteur Véron22 I Sous la solennité d’un titre qui par un côté touche à l’histoire : Quatre ans de règne, et par l’autre au pamphlet : Où en sommes-nous ? […] Un peu de modestie sauverait ces gens-là ; mais, enfants gâtés, ils ont l’aisance, l’importune aisance qui touche à tout.
— l’auteur des Dédaignés, que personne ne dédaigne plus depuis qu’il y a touché et qu’il les a vengés. […] Il a dit encore, dans ce recueil, avec une modestie pleine de grâce, qu’il n’avait pas de lyre, mais une lyrette… Et qu’importe, d’ailleurs, lyre ou lyrette, si nous sommes touchés !
Ils disaient pour voir distinctement, cernere oculis (d’où l’italien scernere, discerner), mot à mot séparer par les yeux, parce que les yeux sont comme un crible dont les pupilles sont les trous ; de même que du crible sortent les jets de poussière qui vont toucher la terre, ainsi des yeux semblent sortir par les pupilles les jets ou rayons de lumière qui vont frapper les objets que nous voyons distinctement ; c’est le rayon visuel, deviné par les stoïciens, et démontré de nos jours par Descartes. […] Tangere, pour toucher et dérober, parce qu’en touchant les corps nous en enlevons, nous en dérobons toujours quelque partie.
Ce paysage touchait d’un bout au rivage et de l’autre aux murs d’une terrasse qui s’élevait au-dessus des eaux. […] Un plaisir qui n’est que pour moi me touche faiblement et dure peu. […] Mais pourquoi y a-t-il si peu d’hommes touchés des charmes de la nature ? […] Ils étaient incertains, malgré leurs efforts, s’ils ne couleraient point à fond à la rive même qu’ils avaient touchée. […] Je changerai d’avis, si l’on me dit que les nègres sont plus touchés des ténèbres que de l’éclat d’un beau jour.
Publiant en 1808 son premier recueil de chansons, il toucha, dans sa préface, quelque chose de ces horribles scènes dont il avait été témoin et victime ; mais, chez les êtres vivement doués et qui ont été désignés en naissant d’une marque singulière, la nature au fond est si impérieuse, et elle donne tellement le sens qui lui plaît à tout ce qui vient du dehors, qu’il y voyait plutôt un motif de s’égayer désormais et de chanter : « Permettez-moi, disait-il au lecteur de cette préface, de payer à la Gaieté, ma généreuse libératrice, un hommage que l’ingratitude la plus noire pourrait seule lui refuser ; daignez m’entendre, et vous en allez juger. […] A peine remis de tant de maux, Désaugiers fut emmené de Saint-Domingue aux États-Unis par un capitaine américain qui l’avait entendu un jour toucher du piano. […] Il y eut là un nouvel intervalle comblé par d’autres fondations intérimaires, que Laujon a touchées en passant. […] Depuis que j’ai touché le faîte Et du luxe et de la grandeur, J’ai perdu ma joyeuse humeur : Adieu bonheur ! […] Béranger ne pouvait impunément en dire autant sous les Bourbons, et, s’il touchait du bout du doigt au sacré, il sentait tout aussitôt le roussi, à titre de philosophe.
Ainsi quand à Venise, au bal de la Villa-Pisani, Gustave, qui n’y est pas allé, passant auprès d’un pavillon, entend la musique, et, monté sur un grand vase de fleurs, atteint la fenêtre pour regarder ; quand il assiste du dehors à la merveilleuse danse du schall dansée par Valérie, et qu’à la fin, enivré et hors de lui, à l’aspect de Valérie qui s’approche de la fenêtre, il colle sa lèvre sur le carreau que touche en dedans le bras de celle qu’il aime, il lui semble respirer des torrents de feu ; mais, elle, n’a rien senti, rien aperçu. […] — Ainsi encore, quand, le jour de la fête de Valérie, le Comte étant près de la gronder, Gustave envoie un jeune enfant lui souhaiter la fête et rappelle ainsi au Comte de ne pas l’affliger ce jour-là, Valérie est touchée, elle embrasse l’enfant et le renvoie à Gustave, qui l’embrasse sur la joue au même endroit, et qui y trouve une larme : « Oui, Valérie, s’écrie-t-il en lui-même, tu ne peux m’envoyer, me donner que des larmes203. » Cette même idée de séparation et de deuil, cet anneau nuptial qu’il sent au doigt de Valérie dès qu’il lui tient la main, reparaît sous une nouvelle forme à chaque scène touchante. […] Un des endroits le mieux touchés est celui où Valérie en gondole, légèrement effrayée, et qui vient de mettre familièrement sur son cœur la main de Gustave, au moindre effroi sérieux, se précipite sur le sein du Comte : « Oh ! […] Le séjour à Berlin, l’intimité avec la reine de Prusse, et les événements de 1806, y mirent le comble ; c’est vers ce temps, en Suède, je crois, au milieu d’une vie encore toute brillante, mais à l’âge où l’irréparable jeunesse s’enfuit, qu’une révolution s’opéra dans l’esprit de Mme de Krüdner ; qu’un rayon de la Grâce, disait-elle, la toucha, et qu’elle se tourna vers la religion, bien que pourtant d’abord avec des nuances légèrement humaines, et sans le caractère absolu et prophétique qui ne se décida que plus tard. […] Elle commença au milieu de ces femmes étonnées et bientôt touchées : les plaies des puissants furent étalées ; elle frappa son cœur ; elle se confessa aussi grande pécheresse qu’elles toutes ; elle parla de ce Dieu qui, comme elle disait souvent, l’avait ramassée au milieu des délices du monde.
Je trouve dans l’état imprimé 295 officiers de bouche sans compter les garçons pour la table du roi et de ses gens, et « le premier maître d’hôtel jouit de 84 000 livres par an en billets et en nourritures », sans compter ses appointements et les « grandes livrées » qu’il touche en argent. […] Mme de Lamballe, surintendante, inscrite pour 6 000 francs, en touche 150 000112. […] À Sainte-Croix de Bernay en Normandie123, l’abbé non résident, qui touche 57 000 livres, donne 1 050 livres au curé qui n’a pas de presbytère et dont la paroisse contient 4 000 communiants. […] — Voyez par contraste le luxe des prélats qui ont un demi-million de rente, la pompe de leurs palais, les équipages de chasse de M. de Dillon, évêque d’Evreux, le confessionnaux garnis de satin de M. de Barrai, évêque de Troyes, l’innombrable batterie de cuisine en argent massif de M. de Rohan, évêque de Strasbourg. — Tel est le sort des curés à portion congrue, et il y en a beaucoup qui n’ont pas la portion congrue, que la mauvaise volonté du haut clergé en exclut, qui, avec leur casuel, ne touchent que 400 à 500 livres, qui réclament en vain la maigre pitance à laquelle ils ont droit par le dernier édit. « Une pareille demande, dit un curé, ne devrait-elle pas être acceptée de bon gré par MM. du haut clergé qui souffrent des moines jouir de 5 à 6 000 livres de rente par chaque individu, tandis qu’ils voient les curés, au moins aussi nécessaires, réduits à la mince portion, tant pour eux que pour la paroisse ? […] Comment trouverait-on cette persuasion dans une armée dont l’état-major, pour toute occupation, dîne en ville, étale ses épaulettes et touche double solde ?
que cela m’a touchée ; que j’ai béni dans mon cœur ce pieux ami agenouillé sur tes restes, dont l’âme, par-delà ce monde, soulageait la tienne souffrante, si elle souffre ! […] Exaucez, mon Dieu, mes prières : éclairez, attirez, touchez cette âme si faite pour vous connaître et vous servir ! […] Je ne l’attendais pas sitôt, ni presque si aimable, quoique ce ne soit pas surprenant ; mais toute distinction qui me touche me surprend toujours un peu. […] je semblais toucher à ma fin, à une sorte d’anéantissement moral. […] Sans doute il y a là, comme dans le livre de l’Imitation qui touche exclusivement au cénobitisme monacal, quelques signes de superstition qu’on regrette d’y voir ; c’est trop puéril ou trop âpre.
Les livres nés de cette ambition sont de ceux où vont volontiers rêver, sur l’origine des sociétés humaines et sur les formes des gouvernements, les esprits touchés d’idéologie. […] Le poète parle en son nom de tout ce qui l’a touché, peines, plaisirs, espérances, regrets, impressions des grands événements et des beautés de la nature, amour, enthousiasme, tentations du doute, rêveries, désenchantements, tout ce qui a passé par l’âme de René, René, le type de la poésie personnelle, l’aîné de cette noble famille qui le continue, non par imitation, mais parce que sa mélancolie est l’état des âmes d’élite au dix-neuvième siècle. […] Paix, guerres, expéditions, négociations, finances, administration intérieure, toutes ces choses par lesquelles la vie de chacun de nous est plus ou moins touchée, nous voulons en être instruits à fond. […] Elle est moins touchée des lois générales de l’esprit que de ses diversités individuelles. […] Ces auditeurs étaient-ils des gens touchés, allant du Dieu de l’éclectisme au Dieu de l’Evangile, ou des Athéniens courant d’une tribune à une autre tribune, du plaisir de la parole au plaisir de la parole ?
… Quelle perspective ou quel fantôme a donc altéré la grasse paix de cet universitaire, qui n’avait peut-être eu jamais de souci et d’anxiété dans sa vie, si ce n’est le jour où le baron d’Echstein, ce terrible savant qui n’a pas lu les Pères de l’Église seulement pour faire la classe à des conscrits intellectuels, lui défendit, au nom du sérieux de l’histoire (telle du moins se raconte l’anecdote), de toucher à ce grand sujet du pontificat de Grégoire VII que les journaux avaient annoncé, et qui, effectivement, n’a paru qu’après la mort du baron d’Echstein. […] Ne touche pas qui veut à Pindare ! Pindare, dont on peut comprendre la lettre, mais dont l’esprit évaporé sous le souffle des siècles rend la gloire incompréhensible, est presque un sujet vierge en littérature Longin et Boileau l’ont touché, mais le peu qu’ils en ont dit, ces porte-respects formidables, a suffi pour empêcher la petite critique familière de l’approcher ; et il est resté, ce fameux Pindare, sans traduction intégrale ou convenable, sous le balustre de son texte : mystérieux, fermé, mais n’ayant plus la vie, — absolument comme un tombeau, Certes, pour qui y voit la vie encore, il n’est rien de plus attirant que ce sépulcre fermé de Pindare, qu’il s’agit d’ouvrir pour nous montrer qu’il est plein de choses immortelles et que la Gloire n’a pas menti ! […] Deux grandes questions de critique qu’un jour il faudra bien résoudre, quoique les pusillanimes de ce temps n’osent y toucher, de peur de ne plus avoir ά se trouver de talent. […] dans son livre sur la Tribune moderne, il n’est allé d’emblée et de sympathie en Angleterre ni à lord Chatham, ni à Pitt, ni à Burke, ni à Sheridan quoique wigh, et, en France, il n’a pas touché à Mirabeau !
Il était inutile d’y toucher. […] Ainsi, si l’on n’a pas touché aux horloges, lorsque le boulet repasse en M, l’horloge de Paul marque 1 + 2 = 3 h, celle du point M marque 2 + 4 = 6 h. […] Il s’évanouit d’ailleurs au moment où il touche le système de Pierre. […] Tout ce que vous dites des heures lues par Paul sur son horloge quand il arrive en B, puis quand il revient en M, et enfin quand il va, au retour, toucher A et rentrer à l’instant même dans le système Terre, tout cela s’applique non pas à Paul vivant et conscient, regardant effectivement son horloge mobile, mais à un Paul que Pierre physicien se représente regardant cette horloge (et que le physicien doit d’ailleurs se représenter ainsi, et que le physicien n’a pas à distinguer de Paul vivant et conscient : cette distinction concerne le philosophe). […] Il faudrait en réalité dire que l’horloge mobile présente ce retard à l’instant précis où elle touche, mouvante encore, le système immobile et où elle va y rentrer.
Joinville, né vers 1223, et élevé à la cour de Provins et de Troyes, alors le séjour des maîtres de la gaie science, dut être touché de ces diverses influences. […] Je ne regrette pas non plus de trouver Joinville touché, au départ, d’un autre sentiment que la joie simple et profonde du maréchal de Champagne, à la vue de cette belle flotte, qui semblait destinée à conquérir le monde. […] Il aimait, tout enfant, tout ce qui touchait à la noblesse. […] Mais l’Italie touchait à son grand siècle littéraire, et Villani avait une patrie grande et glorieuse, Florence, où toutes les vicissitudes civiles et politiques avaient été déjà épuisées. […] Comines, en cent endroits, fait toucher à Montaigne.
Grâce à lui, Hérode, Hérodiade, Antipas, Philippe, Anne, Caïphe, Pilate sont des personnages que nous touchons du doigt et que nous voyons vivre devant nous avec une frappante réalité. […] Nous ne toucherons ici qu’une seule face du sujet, celle qui est indispensable à la solidité de notre récit. […] On se prêtait ces petits livrets ; chacun transcrivait à la marge de son exemplaire les mots, les paraboles qu’il trouvait ailleurs et qui le touchaient 25. […] Ajoutons que les évangiles dont il s’agit semblent provenir de celle des branches de la famille chrétienne qui touchait le plus près à Jésus. […] La personne qui s’est donné la tâche de faire avec l’histoire évangélique une composition régulière, possède à cet égard une excellente pierre de touche.
SI j’étois touché, dit quelque part M. de V. […] L’un éleve l’esprit, l’autre touche le cœur, le troisiéme l’émeut, l’effraie, le déchire. […] Sa touche est plus forte que fine & délicate ; mais elle est toujours naturelle. […] Ses piéces touchent jusqu’aux larmes. […] Depuis Rousseau, aucun Poëte n’avoit touché la lyre avec plus de succès.
J’ai eu quelque pensée sur M. d’Oraison ; il a un fils qu’il voulait mettre au Régiment du roi ; je le défie de l’y faire entrer, à qui que ce soit qu’il s’adresse ; mais il est riche, il a des amis ; cela ne le touchera guère ; il trouvera bien à le placer : cependant, s’il persistait à le vouloir avec nous, je le prendrais bien sur moi, et je lui tiendrais parole ; mais comment lui dire cela, comment même l’en persuader ? […] Vauvenargues ne saurait mieux marquer par quelle extrémité de fortune et, pour ainsi dire, par quelle contrainte du sort il est arrivé comme malgré lui à livrer au public les productions de sa plume, à se faire homme de lettres ; et quand Saint-Vincens, qui n’a pas lu encore l’ouvrage et qui en a entendu dire du bien, lui en renvoie par avance de flatteuses louanges, voyez de quel air il les accueille ; il en est presque humilié : Je suis bien touché de la part que vous voulez prendre aux suffrages que mon livre a obtenus ; mais vous estimez trop ce petit succès. […] Un homme qui a un peu d’ambition, serait bien vain, s’il croyait avoir mérité de telles louanges pour avoir fait un petit livre ; ce qui me touche, mon cher Saint-Vincens, c’est qu’elles viennent de votre amitié.
Toutes ces circonstances de l’histoire de Jésus, tous ces personnages si connus de nom et montrés aux yeux, semblables aux gens d’à présent, devaient toucher les simples, les ignorants, qui étaient alors le grand nombre, et devenaient un enseignement vivant, parlant à tous. […] Quant aux plaisirs qui restent, ceux du toucher, on tremble ; mais elle s’en tire assez adroitement, avec assez de délicatesse, et ne fait que glisser. […] Plus tard, d’ans l’admirable sermon pour le jour de sainte Madeleine, prêché par Massillon, ce maître des cœurs, il y aura quelques traits, quelques intentions qui, de loin, rappelleront ce même motif : c’est quand la pécheresse qui chez Massillon est aussi une femme de qualité, après avoir entendu Jésus une première fois, déjà touchée et à demi pénitente, se dit en elle-même : « Ses regards tendres et divins m’ont mille fois démêlée dans la foule… Il a eu sur moi des attentions particulières ; il n’a, ce me semble, parlé que pour moi seule… » Et la voilà déjà à demi gagnée ; sa coquetterie même sert à sa conversion.
Ce n’est pas « juger » qui importe, rien n’est plus creux : si c’est pour faire acheter l’ouvrage, on touche à la réclame, si c’est pour honorer l’auteur, on prend une peine superflue, car s’il a écrit avec conviction ce n’est pas l’éloge ou le blâme des critiques qui modifieront son âme et son caractère. […] L’essai est la forme supérieure de la critique ; il se rattache directement aux sciences psychologiques et contemplatives, il touche autant à la poésie qu’à la philosophie, il est l’expression morale des arts. […] Paul Adam, outre l’abondante et luxuriante fresque de ses romans byzantins ou modernes, donne depuis quelques années aux journaux une Critique des mœurs et des articles de politique générale autant que l’idéologie pure, qui témoignent d’un esprit supérieurement armé pour l’essai critique ; sa lumineuse intelligence touche à toutes choses, c’est un incomparable associateur d’analogies, une conscience pour la critique comparée.
Retz, qui sait mieux que personne son ménage de Paris, étale à nu au duc de Bouillon toutes les divisions et les causes probables de ruine : « Le gros du peuple qui est ferme, dit-il, fait que l’on ne s’aperçoit pas encore de ce démanchement des parties. » Mais lui, il sent ce démanchement très prochain si l’on n’y prend garde, et il le fait toucher au doigt dans ses paroles meilleures que ses actes. […] Ailleurs, il se livre à nous, sur ce point, avec un accent de vérité qui serait plus fait encore pour nous toucher : c’est à la fin de la seconde Fronde, dans laquelle il tint une conduite si différente de celle qu’il eut dans la première ; mais cette première réputation d’ambitieux à main armée le poursuivait toujours : Est-il possible, disait-on en lui supposant cette visée du ministère, est-il possible que le cardinal de Retz ne soit pas content d’être, à son âge (il avait trente-sept ans), cardinal et archevêque de Paris ? […] Il est difficile d’admettre que celui qui les écrivait fût le moins du monde touché d’une pensée religieuse.
Havet, sur un seul point, et montrer comment, malgré tous les changements survenus dans le monde et dans les idées, malgré la répugnance que causent de plus en plus certaines vues particulières à l’auteur des Pensées, nous sommes aujourd’hui dans une meilleure position pour sympathiser avec Pascal qu’on ne l’était du temps de Voltaire ; comment ce qui scandalisait Voltaire dans Pascal nous scandalise moins que les belles et cordiales parties, qui sont tout à côté, ne nous touchent et ne nous ravissent. […] Là où l’un étend et déploie l’auguste démarche de son enseignement, lui, il étale ses plaies et son sang, et, dans ce qu’il a de plus outré, il est plus semblable à nous, il nous touche encore. […] que de cris qui nous touchent !
» L’adulateur moderne qui renouvelait ce souvenir pour l’inexorable cardinal, ajoutait : « Aux paroles de ces hommes obscurs, proférées sans contrainte et sans flatterie, César fut si touché que, par comparaison, il comptait pour peu les plus honorifiques décrets du sénat, les noms inscrits des nations subjuguées, les trophées qu’on lui élevait et ses propres triomphes. » On le croira sans peine : le pouvoir d’Octave était fondé sur la réalité de la dictature et l’apparence de la démocratie. […] Il a touché le fond du cœur de l’homme, non par les plus grands côtés, il est vrai, mais par des points sensibles qui ne peuvent s’effacer. […] Sans doute, en écartant des poésies lyriques d’Horace ce que le temps a convaincu de mensonge, ce qui blesse la pudeur, ce qui touche moins la raison que les sens, on réduit beaucoup ce précieux écrin de purs et limpides diamants, trésor de l’art hellénique retravaillé par le génie romain.
On sent qu’il en a l’amour, qu’il les scande avec volupté, qu’une belle césure le ravit, que toutes les délicatesses le touchent, que nulle nuance d’art ou d’émotion ne lui échappe, que son tact littéraire s’est raffiné et préparé pour goûter toutes les beautés de la pensée et des expressions. […] Il apprenait l’art d’égayer, de toucher, de parler d’amour ; il sortait ainsi des études arides ou spéciales ; il savait choisir parmi les événements et les sentiments ceux qui peuvent intéresser ou plaire ; il était capable de tenir sa place dans la bonne compagnie, d’y être quelquefois agréable, de n’y être jamais choquant. […] Ses histoires les plus touchantes, par exemple celle de Théodose et Constance, touchent médiocrement ; qui aurait envie de pleurer en écoutant des périodes comme celle-ci ? […] Ils veulent bien être touchés, mais non renversés ; ils souffrent qu’on les frappe, mais ils exigent qu’on leur plaise. […] À sa vue, je sentis mon cœur touché de tant d’amour et de vénération, que les larmes coulèrent sur mes joues, et plus je la regardais, plus mon cœur se fondait en sentiments de tendresse et d’obéissance filiale. — À sa droite était assise une femme si couverte d’ornements que sa personne, son visage et ses mains en étaient presque entièrement cachés.
En voici quelques strophes qui donnent idée de cette touche heureuse. […] J’ai touché les défauts.
L'éclectisme, qui touche à tout, n’a pas mis jusqu’ici le doigt sur le grand ressort de rien. — Quant à ce que pourrait objecter d’autre part une philosophie originale et convaincue contre cette manière de prendre un peu à un siècle et un peu à un autre pour se composer une doctrine raisonnable, nous ne nous en chargeons pas et nous laissons ce soin aux doctes Allemands de Berlin ou de Kœnigsberg, et aux professeurs comme Rosenkranz, qui sont en train de s’en acquitter à merveille. […] Il faut savoir que l’incorruptible auteur de la Némésis a cessé autrefois ses pamphlets hebdomadaires parce qu’il s’était raccommodé avec le gouvernement qui se montra touché de son silence.
Il en est pourtant dont la grâce vraiment enchanteresse ne saurait s’oublier : « En Amérique, dit l’auteur, quand la marée s’est retirée, surpris quelquefois de trouver une fleur dans le fond d’un rocher stérile sur lequel le flot vient de se briser, vous voulez cueillir cette aigrette flottante qui résiste si bien aux orages et qui méprise la rosée du ciel ; tout à coup la fleur se retire des doigts indiscrets qui viennent de la toucher. […] Cependant, il me toucherait encore plus si je né le voyais si grand raisonneur, et j’ose dire que je comprendrais mieux son infortune s’il me l’expliquait un peu moins.
elle touche légèrement mais avec dignité l’objet de sa lettre a madame de Saint-Géran. […] « Madame Scarron, continue madame de Caylus, en fut touchée comme une mère tendre, et beaucoup plus que la véritable.
N’est-on pas en droit de lui dire que son plus grand mérite en Poésie, est d’embellir tout ce qu’il touche ? […] On y reconnoît par-tout, à la vérité, le même caractere de génie, comme on reconnoît la touche de Rubens à chacun de ses tableaux ; mais chaque objet y est traité avec les couleurs qui lui sont propres.
La moitié de son sein qui se gonfle, vient mystérieusement, sous l’or de ses tresses flottantes, toucher de sa voluptueuse nudité, la nudité du sein de son époux. […] C’est qu’il y a un beau idéal qui touche plus à l’âme qu’à la matière.
III Car c’est une sainte, à ce qu’il paraît, que Mme Marie-Alexandre Dumas ; une sainte de prétention, sinon d’humilité… J’ai entendu raconter que la Grâce un jour l’avait touchée ; à Jérusalem, je crois, — une bonne place pour l’effet dramatique, chose indispensable pour des Dumas ! […] IV Tel ce livre chrétien, — d’un christianisme hostile aux prêtres, qui y sont fort malmenés dans la personne d’un abbé imbécile et ridicule, et qui remplace le confesseur par une femme en robe blanche, laquelle n’a été effleurée (sic) que par une tasse de lait depuis la sainte Eucharistie et par les lis du bouquet de la Vierge qu’elle a touchés… Est-ce assez M.
— Et si hardis même, que la Critique, obligée d’être plus pudique que la femme qui s’est faite, sans peur et sans honte, l’historienne de tous les amours de sa vie, ne sait comment s’y prendre pour décemment y toucher. […] Mais elle a beau me parler de l’héroïque sincérité de l’âme ardente et forte dont elle recommande le volume présent au public ; elle a beau m’exalter cette âme indépendante et fidèle, qui n’oublie aucun de ses amours en les variant et qui ne combat rien dans son âme par la très morale raison que le temps qu’on perd à combattre contre soi, on ne fait pas Corinne, si on fait Mme de Staël, je me connais trop en logomachie pour ne pas reconnaître les idées, les façons de dire, les affectations du bas-bleu moderne, cette espèce à part et déjà si commune et pour être infiniment touché du spectacle que me donnent, à la fin de cette préface sur laquelle on a compté, ces deux antiques Mormones du bas-bleuisme contemporain dont l’une couronne l’autre de roses à feuilles de chêne, avec un geste tout à la fois si solennel et si bouffon !
Touchez-y donc, si vous l’osez ! […] Pour celles de Pascal, la Haine se chargeait de leur gloire, et elle leur en coulait une dans un tel bronze qu’aujourd’hui même nous ne conseillerions point à la Critique, si elle ne voulait pas se voir jeter dans sa propre fournaise, de toucher à ce livre accepté comme un chef-d’œuvre, quoiqu’il soit vrai pourtant de dire que le comique en a vieilli et qu’on n’y trouve jamais que la même ironie, ramenée et répétée… le croira-t-on ?
C’est sous ce titre de Pays bleu, rêveur comme les lointains, que Louis Wihl lança deux poèmes humouristiques (Les Dieux scandinaves et La Reine de Madagascar), qu’il est aussi impossible à la Critique de toucher pour en donner une idée qu’on ne touche à la bulle de savon sans la détruire… Certes !
Mais ils ne touchent pas à la vie, — à l’essence de la vie, — ils ne s’acharnent pas sur elle. […] Entrepris par le désespoir, il touche, quand il finit, à un désespoir plus grand que celui par lequel il a commencé.
Parmi les derniers et trop rares débris de la poésie lyrique chez les Romains, il faut placer un poëme, de date incertaine peut-être, d’origine mélangée, et décelant, sur un même sujet et sur un sujet populaire, la touche reconnaissable de deux époques : c’est le Pervigilium Veneris, la Veillée des fêtes de Vénus. […] envoie vers toi des vierges touchées de la même pudeur.
Et lui, c’est sur les branches gâtées qu’il a accentué volontiers la touche. […] Mais il ne touche pas l’amour-propre. […] C’est sans doute ce qui a touché M. […] Nul n’eût osé y toucher. […] Cela touche au fond même de la pensée.
— Ne touchez pas à Racine ! Ne touchez pas à Voltaire ! […] Ce n’est pas son cœur ni son esprit qui l’ont touchée ; c’est sa belle mine. […] Les révolutions ne touchent qu’aux choses qui sont à plusieurs pieds de terre. […] L’idéal tombe en poudre au toucher du réel.
Elle touche de près aux apôtres. […] Je sais qu’il n’y a que le vrai qui plaise et qui touche. […] Le toucher, c’est toucher quatre ou cinq mille personnes et lorsqu’il fait un mensonge, lui dire qu’il ment, c’est maltraiter toute une tribu dont il est comme le prédicateur. […] Par ce côté il touche à Edgar Poes. […] Aussi les analyses qui en ont été faites sont-elles nettes, claires, et en font-elles toucher au doigt les qualités.
Là, comme dans les ouvrages du siècle, on sent que la féodalité catholique touche à sa fin » (Lanson). […] Je devais toucher, en passant, à ce problème d’esthétique ; il importait de constater que la vision dramatique, à elle seule, ne suffit pas pour qu’on fasse œuvre d’art. […] Comme nous touchons ici, bien certainement, à la plus grosse difficulté de ma méthode, je renonce forcément à la brièveté habituelle de mon exposé. […] Montesquieu ne touche à l’histoire littéraire proprement dite que par les Lettres persanes. […] La psychologie est expérimentale ; la philologie formule des lois phonétiques ; l’histoire fouille les archives, à la recherche des « faits » ; le droit pénal touche à la pathologie, qui envahit même l’histoire des religions.
Thiers est de ceux qui, bien différents en ce point de plusieurs autres esprits distingués et dédaigneux de ce temps-ci, ne se rebutent jamais du simple, et il se réservait d’en relever ce qui touchait au commun par la vivacité et l’à-propos de ses aperçus. […] Il y a dans la première touche de la jeunesse, quand elle réussit, une grâce, une fraîcheur, une félicité, qui pourra se conserver ensuite plus ou moins légère, se ménager jusque sous des qualités plus fortes, mais que rien désormais n’égalera. […] Et il nous faut bien d’abord toucher quelque chose de la doctrine générale de la fatalité tant reprochée aux deux jeunes historiens de la révolution. […] C’est un terrain où l’on n’a qu’à toucher comme à fleur de terre pour que les sources jaillissent à chaque pas, se diversifiant en mille sens avec abondance et limpidité. […] Cette analyse a laissé sans doute bien des circonstances essentielles en dehors, mais elle a touché à fond, si je ne me trompe, les parties les plus vives de cette belle organisation, et elle donne surtout l’idée d’un grand ensemble.
La gamme des sons, parcourue par des voix mélodieuses ou par des instruments habilement touchés, fait en un clin d’œil parcourir à l’âme toute la gamme des sentiments, depuis la langueur jusqu’aux larmes, depuis les larmes jusqu’au rire, depuis le rire jusqu’à la fureur. […] « Timothée, placé parmi le chœur harmonieux, de ses doigts agiles toucha la lyre ; les notes tremblantes montèrent jusqu’au ciel en inspirant les joies célestes. […] Quand il sortait de la maison, la main dans la main de sa mère, c’était pour aller s’enivrer des vibrations majestueuses de l’orgue de la cathédrale ou des couvents de Salzbourg, touché par son père dans les cérémonies religieuses des fêtes cathédrales. […] La maladie touche à sa fin ; elle nous coûte cher : elle nous fait perdre au moins cinquante ducats. […] Nous avons fait écrire dernièrement par un artiste un menuet, et aussitôt, sans toucher le clavecin, notre petit bonhomme a écrit la basse et il écrira aussi couramment si l’on veut le second violon.
Il avait touché les sommets de sa puissance créatrice, et, quoi qu’il eût pu faire encore dans la suite, il n’aurait pas pu cependant étendre les limites tracées autour de son talent. […] Et il n’était pas rare que sur quinze flèches cinq eussent touché le rond du milieu, large comme un thaler ; les autres étaient tout à côté. […] Les recherches et les erreurs donnent aussi des enseignements ; on connaît non seulement la chose elle-même, mais tout ce qui la touche tout à l’entour. […] Nous passâmes tout à côté l’un de l’autre, si près que nos bras se touchèrent ; je m’arrêtai, nous regardâmes autour de nous : — Est-ce vous ? […] Touchez là, et mes bravos pour vous et pour vos heureuses observations !
L’homme compatit aux maux dont il est le témoin ; il faut l’absence pour en émousser la vive impression ; le cœur en est touché quand l’œil les contemple. […] Figurez-vous une petite ville de province, qui souvent n’est pas même une mince sous-préfecture de notre temps, Couserans, Mirepoix, Lavaur, Rieux, Lombez, Saint-Papoul, Comminges, Luçon, Sarlat, Mende, Fréjus, Lescar, Belley, Saint-Malo, Tréguier, Embrun, Saint-Claude, alentour moins de deux cents, moins de cent, parfois moins de cinquante paroisses, et, pour exercer cette petite surveillance ecclésiastique, un prélat qui touche de 25 000 à 70 000 livres en chiffres officiels, de 37 000 à 105 000 livres en chiffres réels, de 74 000 à 210 000 livres en argent d’aujourd’hui. […] Naturellement, toute pensée politique manque. « On ne peut imaginer, dit le manuscrit, personne plus indifférente pour toutes les affaires publiques. » Plus tard, au plus fort des événements les plus graves et qui les touchent par l’endroit le plus sensible, même apathie. […] Faute de le connaître, ils l’oublient ; ils lisent la lettre de leur régisseur, puis aussitôt le tourbillon du beau monde les ressaisit, et, après un soupir donné à la détresse des pauvres, ils songent que cette année ils ne toucheront pas leurs rentes. — Ce n’est pas là une bonne disposition pour faire l’aumône. […] « Les biens de l’Église, dit un cahier, ne servent qu’à nourrir les passions des titulaires. » « Suivant les canons, dit un autre cahier, tout bénéficière doit donner le quart de son revenu aux pauvres ; cependant, dans notre paroisse, il y a pour plus de douze mille livres de revenu, et il n’en est rien donné aux pauvres, sinon quelque faible chose de la part du sieur curé. » — « L’abbé de Conches touche la moitié des dîmes et ne contribue en rien au soulagement de la paroisse. » Ailleurs, « le chapitre d’Ecouis, qui possède le bénéfice des dîmes, ne fait aucun bien aux pauvres et ne cherche qu’à augmenter son revenu ».
Sans doute il est beau d’être jeune, de n’avoir que des songes gais du matin dans le cœur, des éblouissements de réveil dans les yeux, des éclats de rire ou des tendresses de sourire sur les lèvres ; il est beau, comme le charmant génie du matin, dans le tableau de l’Aurore, de s’élancer sans toucher terre devant le char du jour, la torche de l’amour dans une main, des roses dans l’autre, dont on sème, pour ne pas voir les tombeaux, le sentier de la vie. […] Bernardin de Saint-Pierre, Mme de Staël, M. de Chateaubriand, André Chénier, Hugo, Vigny, Sainte-Beuve, moi-même nous avions touché trop fort et trop longtemps la note grave, solennelle, religieuse, mélancolique, quelquefois larmoyante, quelquefois trop éthérée, du cœur humain. […] Mais la même note, touchée par tant de mains pendant dix années, avait fatigué la France. […] Il toucha du premier coup sur son instrument des cordes de jeunesse, de sensibilité d’esprit, d’ironie de cœur, qui se moquaient hardiment de nous et du monde. […] Un jeune écrivain aussi délicat de touche qu’il est accompli d’intelligence et qu’il est viril de caractère, M.
Il était naturel qu’après ces veines heureuses, la Comédie-Française songeât, à l’aide du jeune talent qu’elle possède, à toucher comme d’un aimant les œuvres d’un répertoire plus moderne, déjà négligé, et qu’un succès solennel avait consacrées une fois. […] Toucher à la palme tragique une ou deux fois dans sa vie, c’était le rêve immortel. […] Ce serait sortir de notre sujet, et presque de notre droit, que de toucher dans l’homme l’esprit disert, sociable, fidèle à ses amitiés, assorti aux choses, et faisant honneur à son passé en se montrant à l’aise en chaque emploi. […] Mais ceci empiète et touche à la fin de 1820. […] délivrez-moi de ces angoisses, et emportez-moi jusque vers les profonds abîmes de l’Océan où vous allez ; que mon malheur vous touche, et puissiez-vous me conduire en toute hâte à cette vallée de tristesse où les maudites du sort, où les infortunées sont ensevelies !
Non seulement les vues sur le monde et sur l’homme, les idées générales de toute espèce y abondent, mais encore les renseignements positifs et même techniques y fourmillent, petits faits semés par milliers, détails multipliés et précis sur l’astronomie, la physique, la géographie, la physiologie, la statistique, l’histoire de tous les peuples, expériences innombrables et personnelles d’un homme qui par lui-même a lu les textes, manié les instruments, visité les pays, touché les industries, pratiqué les hommes, et qui, par la netteté de sa merveilleuse mémoire, par la vivacité de son imagination toujours flambante, revoit ou voit, comme avec les yeux de la tête, tout ce qu’il dit à mesure qu’il le dit. […] Brusquement, d’une main sûre et sans avoir l’air d’y toucher, il enlève le voile qui couvre un abus, un préjugé, une sottise, bref quelqu’une des idoles humaines. […] N’y touchez pas. […] Nul n’est si touché du bonheur et des vertus de la société future. […] Mais son idylle touche les cœurs encore plus fortement que ses satires.
Et voilà pourquoi, à certaines époques, quand tout ce qui a été si profondément ébranlé se raffermit peu à peu, il est peut-être bon de ne pas toucher à ce qui pourrait jeter de nouveaux troubles dans ces esprits disposés à tout confondre et à ne plus rien respecter. […] On a toujours sous sa main le corps chaud et saignant de César assassiné, pour en faire toucher les blessures. […] Effrayés de l’avoir vu toucher de si près à la tiare, les ministres de France et d’Espagne osèrent insinuer d’abord, et proclamer ensuite, que si les cardinaux ne se conformaient pas au vœu des couronnes, la France, le Portugal, l’Espagne, les Deux-Siciles, se sépareraient de la communion romaine. […] On touchait à la Révolution française, cette troisième génération d’un principe qui ne peut plus se continuer d’une génération de plus, tant celle-là lui a vidé les entrailles et tari sa force vitale ! […] Les faits exposés, l’histoire achevée, ne touchons pas rudement à la mémoire de Clément XIV, « de ce pontife moins indigne d’estime que digne de compassion ».
Tout en convenant avec lui que les qualités qu’on possède sont loin de se produire toujours ; que c’est l’occasion qui nous révèle aux autres et souvent à nous-même, et que la seule pierre de touche pour bien juger du mérite est qu’il soit mis à sa place, je remarquerai que, dans l’analyse très détaillée et assez naïve qu’il nous donne de son esprit et de son caractère, il nous dit : J’ai un défaut effroyable pour les affaires, qui gâte et qui détruit tout ce que je pourrais avoir de bon : c’est une grande paresse dans l’esprit ; en de certaines occasions, je la peux surmonter par élans ; mais à la longue je prends trop sur moi et j’y retombe toujours ; si bien que je ne serais propre qu’à penser, et encore plus à choisir et à rectifier ; car ce qu’il y a de meilleur en moi, c’est le discernement : mais il faudrait qu’un autre agît. […] Si on vous disait : « Pendant le siège de Mons, la jeune noblesse en quittant Paris laissa bien des aventures galantes et des liaisons de cœur ; il y eut de belles affligées qui bientôt se consolèrent ; on s’écrivait des billets avant et après le siège, mais le retour pour plusieurs ne fut point aussi heureux que l’avait été le départ » ; si on vous disait cela, on ne vous apprendrait rien qui ne soit facile à supposer et qui n’ait dû être ; mais si l’on ajoutait : « Il existe une trentaine de lettres écrites par l’un de ces cavaliers de l’état-major du roi à une jeune dame de la Cour, qui fut persuadée, touchée, tendre à son égard, puis volage », on voudrait lire ces lettres : eh bien, le marquis de Lassay nous les a conservées. […] Lassay était de ces esprits tempérés, bien faits et polis, que l’usage du monde a perfectionnés en les usant, qui ont peu d’imagination, qui n’ajoutent rien aux choses, et qui prisent avant tout une observation juste, une pensée nette dans un tour vif et concis : « Un grand sens, disait-il, et quelque chose de bien vrai renfermé en peu de paroles qui l’expriment parfaitement, est ce qui touche le plus mon goût dans les ouvrages d’esprit, soit en vers, soit en prose. » Il n’allait pas pourtant jusqu’à la sécheresse, et il tenait à rester dans le naturel ; il croyait que les choses qu’on dit ont quasi toujours chance de plaire quand elles sont plutôt senties que pensées : « Il y a des gens qui ne pensent qu’à proportion de ce qu’ils sentent, observait-il ; et il semble que leur esprit ne sert qu’à démêler ce qui se passe dans leur cœur : ces gens-là, qui sont toujours vrais, ont quelque chose de naturel qui plaît à tout le monde. » Chamfort, qui prête quelquefois de son âcreté aux autres et qui est homme à la glisser sous leur nom, a écrit dans ses notes : « M. de Lassay, homme très doux, mais qui avait une grande connaissance de la société, disait qu’il faudrait avaler un crapaud tous les matins pour ne trouver plus rien de dégoûtant le reste de la journée quand on devait la passer dans le monde. » On ne voit rien ou presque rien dans ce que dit et dans ce qu’écrit Lassay qui soit en rapport avec une si amère parole54. […] il arrive quelquefois jusqu’aux idées, il les atteint, il les touche, il les palpe, mais il ne les empoigne pas !
» Bonstetten aussi touché, mais moins théâtral, s’est contenté de dire : « Quel rare bonheur que la réunion de trois amis auprès du monument du plus aimable sage de l’Antiquité ! […] » Mais quand il vit qu’on était sincère et fidèle, qu’il avait affaire à un de ces cœurs francs et de bon aloi, des moins médiocres à sentir l’amitié, il lui écrivait (et je donne ici de simples mots pris çà et là, quelques notes seulement pour indiquer le ton) : Je suis vivement touché de votre amitié et des bontés de madame votre mère… Vous êtes de l’or dont on fait les amis ; et voilà les cases vides de mon cœur, où logeaient Muller, Matthisson ou Mme Brun, qui sont occupées par vous. […] C’est pour moi une pierre de touche de l’esprit qu’on a. […] Quand le génie frappe, il touche au but comme la foudre, tandis que l’ignorance tombe en tous lieux comme une grêle malfaisante.
Mais ce qui nous donne à songer plus particulièrement et ce qui suggère à notre esprit mille pensées d’une morale pénétrante, c’est quand il s’agit d’un de ces hommes en partie célèbres et en partie oubliés, dans la mémoire desquels, pour ainsi dire, la lumière et l’ombre se joignent ; dont quelque production toujours debout reçoit encore un vif rayon qui semble mieux éclairer la poussière et l’obscurité de tout le reste ; c’est quand nous touchons à l’une de ces renommées recommandables et jadis brillantes, comme il s’en est vu beaucoup sur la terre, belles aujourd’hui, dans leur silence, de la beauté d’un cloître qui tombe, et à demi couchées, désertes et en ruine. […] On veut suivre dans la continuité de son tissu, on veut toucher de la main, en quelque sorte, l’étoffe et la qualité de ce génie dont on a déjà vu le plus brillant échantillon, mais un échantillon, après tout, qui tient étroitement au reste, et n’en est d’ordinaire qu’un accident mieux venu. […] Il y touche cet état moral de son âme en traits ingénus et suaves qui marquent assez qu’il n’est pas guéri : « Je connois la foiblesse de mon cœur, et je sens de quelle importance il est pour son repos de ne point m’appliquer à des sciences stériles qui le laisseraient dans la sécheresse et dans la langueur ; il faut, si je veux être heureux dans la religion, que je conserve dans toute sa force l’impression de grâce qui m’y a amené ; il faut que je veille sans cesse à éloigner tout ce qui pourroit l’affoiblir. […] Sa figure, dit-on, et ses agréments avaient touché une demoiselle protestante d’une haute naissance, qui voulait l’épouser.
Rien ne pousse dans ces confins reculés et sublimes par lesquels la parole touche à la musique et à la peinture. […] Il semble, à les lire, que les climats, les institutions, la civilisation, qui transforment l’esprit humain du tout au tout, soient pour lui de simples dehors, des enveloppes accidentelles qui, bien loin de pénétrer jusqu’à son fond, touchent à peine sa superficie. […] Chez les écrivains, elle était tout à l’heure une serinette à phrases ; pour les politiques, elle est maintenant une serinette à votes, qu’il suffit de toucher du doigt à l’endroit convenable pour lui faire rendre la réponse qui convient. […] Avec la sensation Condillac anime une statue, puis, par une suite de purs raisonnements, poursuivant tour à tour dans l’odorat, dans le goût, dans l’ouïe, dans la vue, dans le toucher, les effets de la sensation qu’il suppose, il construit de toutes pièces une âme humaine.
Avant tout, ce qui lui plaît, c’est la vie, et sa vie : dans ces drames merveilleux, rien ne le touche tant que le réel, et parmi ces acteurs surhumains, sa sympathie va à la simple, même à la basse humanité, au peuple vulgaire comme lui, comme lui bruyant, gausseur et jouisseur. […] Cependant ce même peuple croyait, et les hautes parties du drame chrétien l’eussent touché, s’il y avait eu des auteurs pour les traiter dignement : elles touchaient telles quelles, dans leur platitude et dans leurs diffusions. […] Accidentellement elle a touché à la littérature, à l’art ; elle n’y est jamais entrée tout à fait.