On en disait du mal, et on y courait en foule.
La poésie traditionnelle a créé une foule de rapports constants, qui sont justement de par là-même, tantôt exacts, tantôt trop accusés, et deviennent brutaux et tyranniques.
Arsène Houssaye aurait appris une foule de choses à qui n’allait point à Mabille ou chez Μ. le duc de Persigny, mais son coup d’œil et son coup de pinceau n’entraient pas jusqu’à la grande nature humaine, qui est au fond et même le fond de toute société, si civilisée, si corrompue, si chinoise qu’une société puisse être.
Nous serions presque tentés — si nous étions injustes — de lui reprocher le caractère néfaste de son influence, la foule étrange de ses caudataires, tout ce bas esthétisme que nous avons vu fleurir et pourrir, et dont elle peut assumer la paternité.
Au fond de lui-même, il cherche de sa main décharnée à ressaisir avidement cette foule indifférente pour en refaire sa chose.
Il achevait son cours d’esthétique par l’aveu du même sentiment : « À la vue d’un arbre sur la montagne battu par les vents, nous ne pouvons pas rester insensibles : ce spectacle nous rappelle l’homme, les douleurs de sa condition, une foule d’idées tristes56. » À vous, peut-être ; mais combien d’hommes n’y verront rien de semblable, et combien d’artistes n’y verront qu’un sujet de tableau !
De là suit une certaine forme du condyle, pour que les deux mâchoires s’engrènent en façon de ciseaux, un certain volume dans le muscle crotaphite, une certaine étendue dans la fosse qui le reçoit, une certaine convexité de l’arcade zygomatique sous laquelle il passe, et une foule de propriétés qu’un anatomiste prédit.
Une foule d’autres détails des deux journaux, et principalement de celui de Thomas, achèvent de restituer, devant nous la vieille Université de Montpellier, avec tout le peuple de ses médecins et de ses étudiants. […] Mais ces deux grandes âmes naïves, éprises de la rude loi du Christ, n’avaient pas prévu que d’interdire le travail intellectuel aux moines, c’était les livrer aux risées de la foule et les dépouiller £ ses yeux de leur utilité sociale, qui faisait leur raison d’être. […] Lorsqu’un grand personnage venait à l’abbaye, il se perdait dans la presse, parmi l’obscure foule des moines. […] Cette foule ne grouille pas, elle défile ; les séries et faits ne s’enchevêtrent pas, ils se coupent ; il y a rencontre, ou juxtaposition des existences diverses, non réaction, ou pénétration. […] L’esprit plus aventurier des écrivains dramatiques, leur vie moins enfermée dans la bonne société, le contact de la foule mêlée qui s’agite autour des acteurs, l’état de comédien qui mettait hors du monde quelques-uns d’entre eux, et des plus grands, tout cela avait dû soustraire la comédie au goût académique et à l’esprit des salons.
Aussi Montaigne a-t-il singulièrement bien vu et bien décrit une foule de phénomènes de notre nature. […] On s’étonne de voir Charron songer à élever un édifice de morale sur une base pareille, et offrir une foule de préceptes à une créature exclusivement formée de tels éléments. […] Avant d’y arriver, le peuple est successivement placé dans une foule de circonstances propres à avancer son éducation ; Dieu lui est révélé de toutes sortes de manières. […] La seconde moitié du seizième siècle nous montre, autour d’une reine infâme, les intrigues, les agitations d’une foule d’hommes rampants, voluptueux, assassins, mêlant les fêtes au poison, les massacres aux grossiers plaisirs. […] Et une foule d’autres maximes ont la même tendance.
Bref, après des heures de fluctuation houleuse, tous les délais expirés et la foule ne se contenant plus, La Fayette à cheval, au quai de la Grève, en tête de ses bataillons, ne bougeait encore, quand un jeune homme, sortant du rang et portant la main à la bride de son cheval, lui dit : « Mon général, jusqu’ici vous nous avez commandés ; mais maintenant c’est à nous de vous conduire… » ; et l’ordre : En avant ! […] Il a beau faire, il a beau en justifier la mesure et les bases, analyser et qualifier à merveille les divers partis qui s’y opposent et les hommes qui figurent pour et contre, toujours l’un des deux éléments essentiels à son ordre de choses lui échappe : toujours, d’un côté, la cour conspire et ne veut pas se rallier ; toujours d’un autre côté, la foule et les factions ne peuvent pas avoir confiance et ne veulent pas s’arrêter. […] J’ai besoin de vous en parler encore ; ma douleur aime à s’épancher dans le sein du plus constant et cher confident de toutes mes pensées au milieu de foules ces vicissitudes où souvent je me suis cru malheureux ; mais, jusqu’à présent, vous m’avez trouvé plus fort, que mes circonstances ; aujourd’hui, la circonstance est plus forte que moi.
Parler en public, c’est vulgariser les idées ; c’est tirer la vérité des hauteurs où elle habite avec quelques penseurs pour la faire descendre au milieu de la foule ; c’est la mettre au niveau des esprits communs qui, sans cette intervention, ne l’auraient jamais aperçue que de loin, et bien au-dessus d’eux. […] Le soleil brûlant, l’étrange végétation de cocotiers et de palmiers, le champ de riz, le réservoir d’eau, les arbres énormes, plus vieux que l’empire Mogol, sous lesquels s’assemblent les foules villageoises, le toit de chaume de la hutte du paysan, les riches arabesques de la mosquée où l’iman prie la face tournée vers la Mecque, les tambours et les bannières, les idoles parées, le pénitent balancé dans l’air, la gracieuse jeune fille, avec sa cruche sur la tête, descendant les marches de la rivière, les figures noires, les longues barbes, les bandes jaunes des sectaires, les turbans et les robes flottantes, les lances et les masses d’armes, les éléphants avec leurs pavillons de parade, le splendide palanquin du prince, la litière fermée de la noble dame ; toutes ces choses étaient pour lui comme les objets parmi lesquels sa vie s’était passée, comme les objets qui sont sur la route entre Beaconsfield et Saint-James Street. L’Inde entière était présente devant les yeux de son esprit, depuis les salles où les suppliants déposent l’or et les parfums aux pieds des monarques, jusqu’au marais sauvage où le camp des Bohémiens est dressé, depuis les bazars qui bourdonnent comme des ruches d’abeilles avec la foule des vendeurs et des acheteurs, jusqu’à la jungle où le courrier solitaire secoue son paquet d’anneaux de fer pour écarter les hyènes.
Et, en effet, le sujet de la pièce, très simple, très clair, très moral, très attendrissant, avec un dénouement optimiste, est de ceux qui, bien traités, plaisent le plus sûrement à la foule. […] attrape ceci à la pointe de mon épée, ou je te l’enfonce jusqu’au cœur. » Bajazet prend la nourriture et la foule aux pieds. […] La sagesse a toujours consisté, pour une grande partie, à condescendre à l’ignorance des autres et à leur passer une foule de choses qu’on ne se passerait pas à soi-même. […] Nous avons éprouvé, ce soir-là, ce que c’est que l’âme collective de la foule. […] Car, bien que peut-être le mot de France y revienne un peu trop souvent à l’hémistiche ou à la rime, il n’y a rien, dans la Fille de Roland, de ce patriotisme de réunion publique et de café-concert, qui force si grossièrement l’applaudissement de la foule et dont les déclamations sont si cruelles à entendre.
La foule suit des chefs en qui elle a confiance… Et encore… ! […] Mais le public n’est pas une foule. […] C’est à ce point que la foule ne peut pas croire qu’un grand penseur ait encore des sens, ni qu’un débauché puisse être intelligent ou rester tel. […] Tout au moins, puisque la foule ne comprend pas que le silence absolu est la suprême éloquence, exprimons-nous le moins possible. […] C’est le joujou de la foule.
Ces leçons étaient là comme perdues dans la foule. […] La philosophie peut et doit se séparer de la foule pour l’explication des faits ; mais, on ne saurait trop le répéter, il faut que dans l’explication elle ne détruise pas ce qu’elle prétend expliquer ; sans quoi elle n’explique point, elle imagine. […] L’extase pour les initiés, la théurgie pour la foule. […] Puis viennent en foule les talents les plus divers, Mellan, Michel Lasne, Morin, Daret, Huret, Masson, Nanteuil, Drevet, Van Schupen, les Poilly, les Édelinck, les Audran. […] Rappelé en France par Richelieu, qui y avait aussi rappelé Poussin et Champagne, Jacques Sarazin, en peu d’années, a produit une foule d’ouvrages d’une rare élégance et d’un grand caractère.
Le vainqueur, en se faisant l’éducateur du vaincu, en l’initiant à une foule de connaissances et de pratiques longues à acquérir, lui fit franchir en quelques années plusieurs siècles d’évolution sociale. […] La foule des esprits et des curiosités qu’elle attire, son prestige toujours vivant, cette sorte de fascination qui émane d’elle n’en sont-ils pas l’éclatant témoignage ? […] Vous n’imaginez pas, nous dira-t-on, que la foule, privée d’églises, irait au temple, à la synagogue ou à la mosquée ? […] Lorsqu’on passe en revue les diverses tentatives qu’ont esquissées ou éprouvées les libres esprits qui s’efforcèrent de satisfaire, en dehors de l’Eglise, l’instinct religieux des foules, on sourit à la puérilité de telles entreprises. […] Il ne suffit pas d’une conception de sociologue ni d’une hypothèse de philosophe, érigées en culte, pour contenter les aspirations de la conscience des foules.
Il ne se débraillait pas devant la foule comme on l’a tant fait croire aux engoulevents de la crédulité démocratique. […] Toute parole qui tombe dans la foule humaine devient une formule synthétique et oraculaire. […] Seulement, c’est trop grand et trop beau pour l’idiote foule et nous étions peut-être le quart d’une demi-douzaine à le remarquer dans la salle. […] Une foule, à la lettre, ne respirant plus, comme si les doigts de ce très savant magicien mis en contact avec les touches, faisaient couler sur nous tous qui étions là, un fluide extatique et stupéfiant. […] Mais la grosse foule ignorera longtemps, sans doute, un génie si peu fait pour elle.
Je suis sensible à cette manière historique de s’intéresser aux vieux auteurs ; mais cette méthode ne peut pas être celle de tout le monde et je maintiens qu’une foule de choses sont ennuyeuses pour le commun des lecteurs, même lettrés, dans les vieux auteurs, parce qu’elles étaient à destination actuelle. […] Je ne suis pas de ceux que cela fait rire ; mais pour une foule de gens le rire dans ce cas est soudain et incoercible. […] des grands de ce monde comme une prépondérance réelle, qui méprise la foule, c’est-à-dire les travailleurs, qui nie toutes les aspirations et religieuses et humaines, tendantes à un changement de l’ordre existant. […] Il leur fallait à tous deux l’excitation de la foule environnante, du public respirant autour d’eux ; à l’un, pour allumer sa verve fantaisiste et sa bonne humeur paradoxale ; à l’autre, pour guider son impression et la confirmer, en quelque sorte, étant donné qu’il ne sentait qu’en communauté avec le public et faisait, pour ainsi parler, corps avec lui. […] Les mouvements de foule y sont tels qu’ils feraient très bel effet sur le théâtre et les discours y sont brillants.
Les gentilshommes de campagne se firent inscrire en foule ; Gibbon et son père furent des plus zélés dans leur comté, et ils donnèrent leur nom sans trop savoir à quoi ils s’engageaient.
Sur Diderot, à propos de Langres sa patrie ; sur Riouffe, en passant à Dijon où il fut préfet ; sur les bords ravissants de la Saône en approchant de Lyon ; sur l’endroit où Rousseau y passa la nuit à la belle étoile en entendant le rossignol ; sur cet autre endroit où probablement, selon lui, Mme Roland, avant la Révolution, avait son petit domaine, Mme Roland que Beyle ne nomme pas et qu’il désigne simplement « la femme que je respecte le plus au monde » ; sur Montesquieu « dont le style est une fête pour l’esprit » ; sur une foule de sujets familiers ou curieux, il y a de ces riens qui ont du prix pour ceux qui préfèrent un mot vif et senti à une phrase ou même à une page à l’avance prévue.
Qu’il se glisse dans ses calculs la moindre erreur, et les plus heureuses combinaisons de stratégie sont manquées, des foules de braves périssent en pure perte, la patrie même peut devenir victime d’une seule de ses fautes… Et il continue cette définition et ce tableau en l’élevant à toute sa hauteur.
Faites qu’en la traversant je sois sourd au bruit, inaccessible à ces impressions qui m’accablent quand je passe parmi la foule ; et pour cela mettez devant mes yeux une image, une vision des choses que j’aime, un champ, un vallon, une lande, le Cayla, le Val, quelque chose de la nature.
Au contraire, le critique liseur, si je puis dire, celui qui, dans son fauteuil, reprenait pour la centième fois de vieux écrits et se mettait à penser tout haut en refermant le livre, c’est celui-là qu’il y avait plaisir à entendre et à faire causer : idées justes, idées fines ou hardies, boutades légères et inspirées, lui sortaient en foule à la fois.
Tout cela est bien conduit ; un air d’hilarité mal contenue qu’il remarque de temps en temps sur les visages de la foule tempère à peine l’effroi croissant de l’accusé ; mais lorsque, invité par le magistrat à soulever le manteau qui recouvre le cadavre des victimes, il se trouve n’avoir transpercé que des outres pleines de vin, — des outres qui étaient, il est vrai, enchantées ce soir-là, — un rire frénétique, inextinguible, éclate et monte jusqu’aux cieux.
Une foule de jeunes gens occupaient dans les attitudes les plus diverses tous les coins de la salle et paraissaient, comme dans les classes où les écoliers sont mis en retenue, livrés à tout le désordre des amusements les plus bizarres.
Il avisa bientôt dans la foule un homme à gants frais : c’était Michel, une manière de poète.
Théophile Gautier, dans sa critique des peintres, n’apporte donc aucun des préjugés de l’homme de lettres, pas plus qu’il ne partage aucune des illusions de la foule.
En lisant les Mémoires de Mme Roland, on aperçoit l’actrice qui travaille pour la scène et qui noie dans une foule de puérilités l’apologie de ses amis et la satire de ses ennemis : toutes les figures y sont peintes en buste et le plus souvent par le pinceau des passions.
À chaque chute de cruche, vous pouvez penser les rires de la foule.
On le voit, en décembre 1731, aller au cimetière de Saint-Médard pour y être témoin des convulsions qui attiraient la foule : « M. le comte de Clermont, prince du sang, y alla l’autre jour avec des grisons (laquais en habit gris), sans fracas », nous dit le Journal de Barbier.
Irait-on de résurrection en résurrection jusqu’au sein de l’époque Louis XIII, descendrait-on jusque dans cet intervalle qui s’étend de Malherbe à Boileau, et au milieu duquel une foule de poëtes libertins et débauchés ont été pris par ces deux grands tacticiens comme entre deux feux ?
Le xviiie siècle comptait sans doute, ou plutôt ne se donnait plus la peine de compter une foule de pièces galantes, satiriques, badines, étincelantes d’esprit ; Voltaire y excelle ; les Saint-Lambert, les Rulhière, les Boufflers l’y suivaient à l’envi ; mais dans l’art sérieux, dans cet idéal qui s’applique aussi à ces formes légères, dans ce tour sévère et accompli qui achève la couronne de la grâce elle-même, qu’avait-on, depuis longtemps, à citer ?
Comme il fait corps et qu’il a des assemblées, il a pu traiter avec le roi, se racheter, éviter d’être taxé par autrui, se taxer lui-même, faire reconnaître que ses versements ne sont pas une contribution imposée, mais un « don gratuit », obtenir en échange une foule de concessions, modérer ce don, parfois ne pas le faire, en tout cas le réduire à 16 millions tous les cinq ans, c’est-à-dire à un peu plus de 3 millions par an ; en 1788, c’est seulement 1 800 000 livres, et il le refuse pour 178934.
La forêt de piliers et d’arcades où nichèrent Quasimodo, ce hibou, et la Esmeralda, cette mésange, la grande maison de Dieu et du peuple où priaient les foules ingénues et violentes, où se déroulaient la fête des Rois et la fête des Fous, appartient au silence, à la solitude, au passé.
et, bien avant l’heure, un monde énorme affluait autour de Saint-Germain-des-Prés, la circulation interdite (ablatif absolu), les seules voitures d’invités ayant droit d’arriver sur la place agrandie (c’est une sensation que vous avez certainement éprouvée : une place vide, mais entourée d’une foule, paraît beaucoup plus grande ; la sensation est ici notée par un seul mot), bordée d’un sévère cordon de sergents de ville espacés en tirailleurs (cela encore fait image). » Ne raillez point mes commentaires ; ne dites pas que chacune de ces « visions » est assez commune et que vous en auriez été capable.
Autour du grand banquet siège une foule avide ; Mais bien des conviés laissent leur place vide, Et se lèvent avant la fin.
Elles sont des mensonges fabriqués de toutes pièces par les prêtres, les rois, les chefs de groupe, pour duper les foules.
À cette première nouvelle qu’il eut de l’appel du sultan Mahmoud, il tressaillit : « Mon étoile endormie, dit-il, s’éveilla ; une foule de pensées surgirent dans ma tête.
C’est de lui que viennent comme de leur source les beautés et les défauts que nous retrouvons partout autour de nous, et chez ceux même que nous admirons le plus : il a ouvert la double porte par où sont entrés en foule les bons et les mauvais songes.
Jeune homme sous la Restauration, il l’a traversée, il l’a vue tout entière comme on est le mieux placé peut-être pour voir les choses en observateur artiste, c’est-à-dire d’en bas, dans la foule, dans la souffrance et les luttes, avec ces convoitises immenses du talent et de la nature qui font que les objets défendus ont été mille fois devinés, imaginés, pénétrés, avant d’être possédés enfin et connus ; il a senti la Restauration en amant.
il est le premier à les avertir qu’ils font fausse route, s’ils n’y prennent garde ; que ce qui a été d’abord un noble essor et une entreprise généreuse de quelques-uns, devient une fureur d’imitation pour la foule des écoliers ; que la race en pullule ; que tout devient vite une mode en France, et que cette manie singeresse se donne surtout carrière dans les choses qui concernent l’esprit.
En général, il y a une foule de choses déjà imminentes ou existantes, desquelles d’Aguesseau ne paraît pas se douter dans son honorable candeur.
Atteint en détail de mille offenses et de mille maux qui viennent « à la file », et qu’il eût plus gaillardement soufferts « à la foule », c’est-à-dire tout à la fois ; chassé par la guerre, par la contagion, par tous les fléaux (juillet 1585), il se demande déjà, du train dont vont les choses, à qui il aura recours, lui et les siens, à qui il ira demander asile et subsistance dans sa vieillesse, et, après avoir bien cherché et regardé tout alentour, il se trouve en définitive tout nu et « en pourpoint ».
Mais Alfred paraît ; c’est à l’Opéra que Léonie l’aperçoit d’abord ; il y est fort occupé auprès d’une élégante, Mme de Rosbel ; ou plutôt, tandis que la foule des adorateurs s’agitait autour de la coquette, qui se mettait en frais pour eux tous, Alfred, plus tranquille, « lui parlait peu, ne la regardait jamais, et l’écoutait avec l’air de ne point approuver ce qu’elle disait, ou d’en rire avec ironie » : Cette espèce de gaieté (c’est Léonie qui raconte) contrastait si bien avec les airs doucereux et flatteurs des courtisans de Mme de Rosbel, que personne ne se serait trompé sur le genre d’intimité qui existait entre elle et M. de Nelfort.
Son Tarare n’attire pas moins la foule, et la vindicte publique est oubliée.
Ne parlons pas de bois d’orangers et de haies de citronniers ; mais tant d’autres arbres et de plantes étrangères, que la vigueur du sol y fait naître en foule, ou bien les mêmes que chez nous, mais plus grandes, plus développées, donnent au paysage un tout autre aspect.
Mais cette seule pensée tuait cette foule de beaux esprits et de rimeurs à la mode qui ne devaient qu’au hasard et à la multitude des coups de plume quelques traits heureux, et qui ne vivaient que du relâchement et de la tolérance.
En associant les semblables, la conscience obéit à la loi universelle d’économie, qui veut que toute force s’exerce avec la moindre dépense possible, que toute appétition se satisfasse avec le minimum de peine : le rapprochement des semblables permet à la conscience d’embrasser d’un même regard une foule d’objets et de produire le plus grand travail avec le moindre effort.
Là, dans cette allée et venue d’hommes et de femmes, dans ce mouvement, dans cette vie de la foule parisienne, sous les lumières du gaz, le noir soudain, que le jeune artiste a en lui, ce noir s’évanouit, et il est transporté, enthousiasmé, par la modernité du spectacle.
C’est la foule qui entraîne d’un pas égal le boiteux et le géant ; les disparates se fondent dans l’unité.
Un vers est nombreux comme une foule ; ses pieds marchent du pas cadencé d’une légion.
Je ne dis pas qu’une nature grossièrement viciée ne leur ait inspiré la première pensée de réforme et qu’ils n’aient longtemps pris pour parfaites des natures dont ils n’étoient pas en état de sentir le vice léger ; à moins qu’un génie rare et violent, ne se soit élancé tout à coup du troisième rang où il tâtonnait avec la foule, au second.
L’autobiographie est haïssable quand elle est un prétexte : Pour la vanité — à faire la roue en public ; Pour le cynisme — à se poser devant la foule, avec le cortège crotté de ses turpitudes ; Pour la malveillance. — à affubler d’anciens amis de rôles odieux ou ridicules.
Édelestand du Méril, l’auteur très connu en Allemagne, à peu près inconnu en France, de la Poésie scandinave, des Essais philosophiques sur les formes et sur le principe de la versification en Europe et sur la formation de la langue française, et d’une foule d’ouvrages philologiques d’une érudition très vaste et très sûre, est un des plus acharnés travailleurs de ce siècle, qui se vante de ses travailleurs !
Il est resté confondu dans la foule éblouissante, rayon dans ces rayons, vulgaire comme un Gordon bleu ; il a piétiné tout le jour sur son talon rouge impatienté, — ce talon de feu !
Pas plus qu’une foule de ses plus illustres compatriotes, il ne put effacer jamais la trace de cette main de l’Université sur sa tête que je retrouve encore avec tant de dépit sur les cheveux bouclés et la tête révoltée de Byron.
Elle a condamné saint Clément d’Alexandrie, Tertullien, Origène, Eusèbe de Césarée, et une foule d’autres.
Plus tard, — et vous n’attendrez pas longtemps, — vous verrez dans Les Ternaires et une foule d’autres poèmes se produire la prétention philosophique, platonique, anaxagorique, pythagorique, dans la plus insupportable poésie géométrique où Dieu est appelé « Beau triangle équilatéral !
En une foule de pièces, comme, par exemple : Vieille statue, La Flûte, Le Bouc aux enfants, etc., je cherche le ménétrier des gueux et je ne trouve qu’un épicurien, un lettré, un renaissant et même un mythologue, qui croise André Chénier avec Mathurin Régnier et Callot ; Lisez surtout la pièce : Vieille statue : Ô Pan, gardien sacré de cette grotte obscure …………………………………………………… Toi qui ris d’un air bon dans ta barbe de pierre !
Je regrette les ailes blanches que le vent soulevait, les châteaux ajourés des Normandes, casques de la douce guerre, les capuchons rouges des Béarnaises, les mouchoirs multicolores noués sur la nuque des Provençales, les coquilles enroulées, les bandeaux transparents qui laissaient deviner la blancheur de leur front, et ces fleurs merveilleuses, marguerites, cyclamens, digitales, pensées, qu’avaient imitées nos grand-mères inconnues quand elles inventaient la coiffe de leur bourg natal, poème féminin, l’un des plus exquis et des plus profonds qui soient sortis du génie anonyme de la foule.
Royer-Collard, inspirait le brillant jeune homme qui, la trompette à la main, parcourant la contrée philosophique déployait la variété, l’agrément et l’agilité de ses fanfares, pour attirer la foule autour des nouveaux dogmes.
Il est la personne des choses, comme l’ouvrier est la personne de la montre… Quoique la plante manifeste une foule d’effets qui dérivent des capacités de son organisation, ces capacités ne sont dans toute langue que des propriétés (et non des facultés), parce qu’il n’y a point en elle de pouvoir personnel qui s’approprie ces capacités et les gouverne.
« Quand la France en colère leva ses bras gigantesques, et que, jurant ce serment dont la fureur ébranle l’air, la terre et les mers, elle frappa de son pied vigoureux et dit qu’elle voulait être libre, rendez-moi témoignage combien j’eus d’espoir et d’inquiétude, et avec quel transport je chantai sans crainte mes fières actions de grâces au milieu d’une foule servite !
Ces sages auront beau se cacher loin de la foule des pervers, ils seront connus des dieux et des hommes qui aiment la vertu. […] A la seconde époque de son règne, où l’on voit, par une foule d’actions atroces, combien l’autorité souveraine est ombrageuse ; la pusillanimité, cruelle ; et l’imbécillité, crédule ; toute vertu n’est pas encore éteinte dans son cœur. […] Sans la fermeté, les autres qualités du prince sont inutiles ; sans la dignité, il descend de son rang et se mêle dans la foule, audessus de laquelle sa tête majestueuse doit toujours paraître élevée. […] On apprend que l’impératrice est sauvée, et l’on se disposait à l’aller féliciter, lorsqu’à la vue d’un bataillon armé et menaçant, la foule se disperse. […] On court au palais ; la foule remplit les appartements de l’empereur, elle crie qu’il se montre ; mais des soldats la menacent du glaive, et la dispersent à coups de fouet.
Les corps intermédiaires, en outre, font comme descendre le commandement du pouvoir suprême jusqu’à la foule comme par des degrés qui le tempèrent et en allègent le poids. […] Voilà pourquoi, nullement aristocrate dans le vrai sens du mot, comme nous l’avons vu, mais aristocrate dans le sens populaire de ce terme, c’est-à-dire hiérarchique, voulant des corps intermédiaires entre le souverain et la foule pour la bonne constitution de la société, pour le minimum de heurts entre la foule et le souverain, pour l’allègement du poids du commandement, et enfin pour le salut des libertés publiques, Montesquieu fait de l’existence des pouvoirs intermédiaires le fond même et la pierre angulaire de toute sa doctrine politique. […] Il peut les essayer dans une foule d’autres postes qui les préparent mieux à être intendants, lieutenants de police ou secrétaires d’Etat. […] Ajoutez que, manquant d’indépendance du côté de la foule, les juges ainsi créés en manqueraient un peu même du côté du pouvoir, du moins en république. […] Notre avis est qu’un peuple n’est pas libre s’il n’a pas une magistrature indépendante et du pouvoir central et de la foule, et que les seules solutions en ce sens, dont nous préférons la troisième, sont le jury appliqué à toute matière de jugement, une magistrature propriétaire de ses charges ou une magistrature rétribuée par la nation, mais se recrutant elle-même.
Des trois poèmes qui le composaient, aucun n’était très accessible à la foule sans le secours de commentaires. […] Nous ne nous en vantons pas parce que nous avons à Paris une foule d’ennemis qui se réjouiraient en disant : “Ils ont été en Italie pour s’amuser et ils ont le choléra ! […] « Alfred de Musset est le caprice d’une époque blasée et libertine. » Il faut passer un mouvement de dépit au critique dont l’arrêt vient d’être cassé par la foule. […] La foule avait presque oublié Musset, malgré l’éclat de ses débuts, parce qu’il s’était détaché après « Rolla » du groupe des écrivains novateurs. […] Les mêmes causes qui l’avaient fait monter si haut dans la faveur des foules détournent maintenant de lui la nouvelle école, celle qui grandit sur les ruines du naturalisme.
Mais, comme effectivement on ne peut les exclure et que, dans la nature, le caractère cherché est toujours noyé dans une foule d’autres, on assemble des cas qui, par leur diversité, autorisent l’esprit à expulser cette foule. […] Il est sous-entendu dans une foule de propositions ; c’est parce qu’on l’admet implicitement qu’on les admet explicitement.
Les gens se pressaient en foule quand les jeunes guerriers furent créés chevaliers, d’après la coutume de la chevalerie, avec de si grands honneurs qu’on n’en vit plus de semblables depuis. […] Les guerriers au grand cœur se pressaient en foule afin de voir la vierge charmante. […] Afin de les voir, hommes et femmes étaient accourus en foule.
Il ajoute qu’il va voir aussi des verreries, des fonderies, des agglomérations ouvrières, pour bien portraiturer ces multitudes dans leur ensemble, car il ne s’agit pas ici de détacher des portraits particuliers : ils ne se voient pas dans une foule. […] Jeudi 15 mars À mon entrée dans le cabinet des Daudet : « Vous savez, me dit-il, il y a eu une bombe à la Madeleine, je passais en voiture… devant, c’était une foule ! […] Un public nombreux très enthousiaste, où se trouve mêlé au public élégant des expositions, une foule d’étrangers, et un certain nombre de prêtres.
Et le génie tient la foule ! […] Oui, Mistral a du Maître de Bayreuth le retour du leitmotiv, l’art des énumérations familières et joyeuses, de noms ou de choses, l’instrumentation harmonieuse des voix simultanées de la foule ; et, à plusieurs reprises, dans son œuvre, tels tours de pensée spiritualiste et sublime sur la survie de l’amour des âmes, aux transports sensuels. […] Scène VI LES MÊMES ; FOULE ÉLÉGANTE ; UN ANARCHISTE au loin.
Aristophane fut chargé de l’infâme emploi de calomnier Socrate en plein théatre ; & ce peuple qui proscrivoit un juste, par la seule raison qu’il se lassoit de l’entendre appeller juste, courut en foule à ce spectacle. […] le fat modeste, le petit seigneur, le faux magnifique, le défiant, l’ami de cour, & tant d’autres, viennent s’offrir en foule à qui aura le talent & le courage de les traiter. […] Que deviendroit cette foule épouvantable de faiseurs d’élémens en tout genre, ces prolixes démonstrateurs de vérités dont personne ne doute ; ces physiciens romanciers qui prenant leur imagination pour le livre de la nature, érigent leurs visions en découvertes, & leurs songes en systèmes suivis ; ces amplificateurs ingénieux qui délayent un fait en 20 pages de superfluités puériles, & qui tourmentent à force d’esprit une vérité claire & simple, jusqu’à ce qu’ils l’ayent rendue obscure & compliquée ? […] Dans la mort de Pompée, Baron joüant César entroit chez Ptolemée, comme dans sa salle d’audience, entouré d’une foule de courtisans qu’il accueilloit d’un mot, d’un coup d’oeil, d’un signe de tête. […] Il est donc certain que la partie du public, dont le goût est invariablement décidé pour le vrai, l’utile, & le beau, n’a fait dans fous les tems que le très-petit nombre, & que la foule se décide pour l’extravagant & l’absurde.
L’impression que laisse le tableau est trop compliquée pour qu’on puisse la résumer banalement ; aussi la foule réserve-t-elle son jugement sur les œuvres d’art, jusqu’à ce qu’elle soit arrivée devant de l’imagerie moins troublante. « C’est du papier peint ! […] Quel principe (je parle d’un principe réel et vivant) pourrons-nous opposer à la foule, qui croit son tour venu de jouir ? […] Dans ses façons d’agir et de s’habiller, veston de velours, chemise rouge flamboyante, Bruant fait parade de la brutalité qui veut s’emparer de la foule et s’en empare, tandis que le regard pétillant et pétulant la charme et la dompte. […] Avec un flegme imperturbable, Moréas, le chapeau haute-forme un peu de travers sur ses cheveux aile de corbeau, guida son compagnon à travers la foule remuante et au fond du salon nous trouva des places, qu’on lui céda avec un certain respect. […] Leur excentricité est l’arme par laquelle ils tiennent la foule à distance.
C’est elle qui leur a tait souhaiter de confiner leur vie, loin de la foule, dans un petit monde, étroit et fermé, plus jaloux de ses exceptions et de ses privilèges que nulle caste de l’ancien régime. […] Zola a su faire mouvoir cette foule des grévistes. C’est que justement la foule n’obéit qu’à l’aveugle instinct : ses fureurs collectives sont l’effet d’un retour à la primitive humanité bestiale. […] La fameuse symphonie des fromages. — Un attroupement devant un tableau au Salon des refusés : « Il écoutait et regardait la foule. […] Il sait de reste qu’on a beau se mettre en dehors et au-dessus de la foule, c’est pour elle qu’on écrit.
Vingt héros, divers de caractère et de talent, pareils seulement par l’âge et le courage, conduisaient ses soldats à la victoire : Hoche, Kléber, Desaix, Moreau, Joubert, Masséna, Bonaparte, et une foule d’autres, s’avançaient ensemble. […] Dans ce qu’il nous a été donné de lire, il n’est pas un point qui ne porte sur un fait, sur une notion précise ; quelques réflexions sobres, quelques maximes d’expérience et de morale sociale, jetées à propos, ne font que donner jour aux idées qui naissent en foule dans l’âme du lecteur.
» — Ce jour-ci, qui finit, fut pour vous plein de charmes, Ma Dame, un heureux jour de divertissement, De triomphe ; et peut-être encore, en ce moment, Quelque songe léger vous rend à la pensée Ceux à qui vous plaisiez dans la foule empressée, Ceux aussi qui plaisaient… Oh ! […] La morne fierté du tombeau se laissa-t-elle jamais apaiser par les pleurs, ou orner par les hommages et les offrandes d’une foule vile ?
Naudé a dédain, par-dessus tout, de la foule moutonnière et du grand nombre : il se plaît à répéter avec Sénèque : Non tam bene cum rebus humanis geritur ut meliora pluribus placeant, Les choses humaines ne se trouvent pas si bien partagées que ce soit le mieux qui agrée au plus grand nombre230. […] Voulant montrer que Louis XI n’était pas du tout aussi ignorant qu’on l’a prétendu et que l’a dit surtout le léger historien bel-esprit Mathieu, il reprend le côté littéraire de l’histoire de ce règne ; c’est un prétexte pour lui d’y rattacher une foule de particularités sur les livres, sur le prix qu’on y mettait dans les vieux temps, de raconter au long la renaissance des lettres et de discuter à fond les origines de l’imprimerie introduite en France précisément sous Louis XI.
En revenant de Rome, je passai par une ville de France ; c’étoit sur la fin de mai, et le soir, prenant le frais dans un jardin où les dames se promenoient, j’en vis une qui me blessa dans la foule, sans dessein de me nuire, car elle ne m’avoit pas regardé, et je ne lui avois pu dire un seul mot. […] Il avait été gros joueur et s’était mis sur le corps force dettes, il en convient, et une foule de créanciers, quoiqu’il n’ait point fait entrer cette condition dans sa définition de l’honnête homme57.
Une nation qui compte dans sa population active sept millions d’ouvriers, trois cent mille seulement dans sa capitale ; une nation où deux ou trois millions de ces ouvriers, jeunes, vigoureux, impressionnables, facilement émus, ou séditieux, peuvent être tous les jours, par l’industrie nouvelle des chemins de fer, transportés en masse désordonnée dans cette capitale ou sur un point quelconque du territoire, pour y imposer leur volonté indisciplinée, souveraine, irresponsable, a besoin, sous peine de mort, d’une armée nombreuse, puissante, obéissante, pour contrebalancer cette foule du mont Aventin. […] Je joignis ma compagnie, et je perdis dans la foule la petite charrette et ses pauvres habitants.
Il avait pris pour type de son héros mythologique l’instant où Persée élève dans sa main la tête de Méduse qu’il vient de couper, et où il foule du pied droit le tronc sanglant qui palpite encore. […] — Il me serait plus facile, lui répartis-je en colère, de vous en tirer que de fortifier cette porte ; et, en même temps, nous mîmes l’épée à la main : mais une foule de nos honnêtes Florentins accourut pour nous séparer, en lui donnant tort, parce que j’agissais par ordre de Son Excellence, et depuis il me laissa en repos.
Les chanteurs populaires que la foule choisit pour ses interprètes et qu’elle affuble d’un nom, de quelque sobriquet (sa signature à elle, qui est l’inspiratrice), ces chanteurs se sont tus. […] Depuis qu’il ne peut plus compter sur l’espèce de certitude que respire et inspire l’âme des foules, avec laquelle jadis il collaborait, il lui faut trouver en soi des motifs de croire, une raison de penser qu’il ne se trompe point : nul meilleur moyen que d’utiliser l’ennemi naguère intrus dans la maison, de lui assigner son rôle, d’en faire un allié.
Des attachés d’ambassade de toutes les parties du monde arrivent en foule. […] Mais cette traduction ne suffit pas : à la foule, aux théâtres, au grand public elle est bonne, et admirable ; à ceux qui souhaitent une intime connaissance de l’œuvre Wagnérienne, non : il faut la traduction littérale.
» Jeudi 30 janvier Daudet me dit à un moment de la soirée, où je suis assis à côté de lui : « Je crois décidément avoir trouvé la formule : le livre c’est pour l’individu, le théâtre c’est pour la foule… et à la suite de cette formule, vous voyez d’ici les déductions. » Il y avait à dîner les Lafontaine, et la voix de Victoria Lafontaine, demeurée très jeunette, restée la voix fraîchement musicale de la fillette honnête, me donne une singulière hallucination. […] Causerie avec le peintre Carrière, qui me tire de sa poche, un petit calepin, où il me montre une liste de motifs parisiens qu’il veut peindre, et parmi lesquels, il y a une marche de la foule parisienne, cette ambulation particulière, que j’ai si souvent étudiée d’une chaise d’un café du boulevard, et dont il veut rendre les anneaux, semblables pour lui aux anneaux d’une chaîne.
La belle Pénélope, dont le rang, la beauté, les richesses excitaient l’ambition d’une foule d’autres chefs de la Grèce, était obsédée dans son palais par des prétendants à sa main. […] C’est là qu’il va chercher le repos, roulant dans sa tête une foule de pensées.
Pendant que la foule suivait ou combattait la réforme cartésienne, un génie solitaire fondait la philosophie de l’histoire. […] Aussi ne vous y trompez pas ; vous voyez une foule de corps, mais si vous cherchez des âmes humaines, la solitude est profonde ; ce ne sont plus que des bêtes sauvages.
Lavallée, en étudiant Mme de Maintenon, ce qui arrivera à tous les bons esprits encore prévenus (et j’en rencontre quelquefois de tels) qui approcheront de cette personne distinguée et qui prendront le soin de la connaître dans l’habitude de la vie : je ne dirai pas qu’il s’est converti à elle, ce serait mal rendre l’impression simplement équitable que reçoit un esprit droit ; mais il a fait justice de cette foule d’imputations fantastiques et odieusement vagues qui ont été longtemps en circulation sur le prétendu rôle historique de cette femme célèbre.
Elle n’était pas si inférieure à ce roi qu’on le croirait, ou plutôt elle ne lui était inférieure qu’en politesse, en mesure, en esprit de suite et de précision : mais, à certains égards, elle le jugeait avec bien de l’intelligence et avec un bon sens plus libre et plus étendu qu’il n’osait se le permettre pour son propre compte ; elle le trouvait ignorant sur une foule de points, et elle avait raison.
Quand on l’a bien lu, il naît, selon l’esprit et les dispositions qu’on y apporte, une foule de réflexions sur les problèmes les plus importants et les plus déliés de notre condition humaine ; mais la nature si délicate de ces problèmes fait qu’il vaut mieux que chacun tire sa leçon comme il l’entend, et boive l’eau de la source à sa manière.
Il nous explique cela bien doucement quelques années après, à l’occasion de manuscrits considérables qu’il se voit obligé de retenir en portefeuille, « parce que, dit-il ingénument, les libraires qui regardent leur profit s’en sont un peu défiés pour le débit, ne l’ayant eu que fort médiocre pour mes autres ouvrages et même pour ma traduction de Virgile, qui est la plus juste, la plus belle et la plus élégante de toutes celles que j’ai faites, lesquelles néanmoins25 vont fort lentement en comparaison de beaucoup d’autres qui se débitent en foule… » Personne plus que lui ne donne de curieux détails sur son propre discrédit et sur sa baisse de plus en plus profonde.
Il suppose un souverain qui adopte tout ce qu’il a donné pour vrai et qui s’y conforme en tout : « Ses sujets seront plus heureux de jour en jour… Il serait aisé de démontrer, au contraire, que les sujets de tout souverain qui suivra en même temps des principes ou opposés, ou moins bien liés les uns avec les autres, seront moins heureux. » Il en conclut que les sujets de ce dernier souverain le quitteront, viendront en foule chez l’autre, et que celui-ci, sans tirer l’épée, dépeuplera avec le temps tous les États voisins au profit du sien. » II ne s’agit plus que de trouver ou de former le souverain modèle ; ainsi se réalisera l’utopie.
Une foule considérable nous entourait et n’était pas peu surprise de cette scène grotesque. » On voit par là que Mme de Boufflers obtint mieux encore que ce qu’on a appelé « un grognement élogieux de Johnson » ; elle eut ses révérences et fit faire à Tours toutes ses grâces.
J’ai, sans faire semblant d’écouter, entendu dire sur cette Cour des choses curieuses : on fait foule comme chez une princesse ; elle fait cercle, on se précipite, et elle dit un petit mot à chacun.
J’ai dit l’effet que produit de loin et historiquement l’ensemble de cette guerre ; mais, si on l’examine en détail et au point de vue stratégique, les observations et les critiques s’élèvent en foule.
Je vous avoue que tout cela ne tente pas un général à hasarder l’honneur des armes du roi, et que, pour peu que l’on soit naturellement précautionné, les réflexions et difficultés viennent en foule. » Catinat n’avait plus Louvois ; il se méfiait de Versailles ; il commençait, à tout ce qu’on proposait d’un peu hardi, par se mettre en garde et par faire toutes les difficultés « que la prévoyance et la pratique de l’algèbre lui pouvaient fournir. » Après cela, il était autant et plus que personne en état, comme disait Tessé, de « faire le possible » ; car il n’était pas de la race de ceux qui font l’impossible.
« Son infatigable activité, nous dit-il, et l’habitude qu’elle avait de correspondre, non-seulement avec les nombreux membres de sa famille, mais avec les princes étrangers, avec ses conseillers et avec une foule d’autres personnes, me permettaient de penser que je ferais une ample moisson, et j’espérais pouvoir publier toute la Correspondance de Marie-Thérèse. » Malheureusement, M. d’Arneth dut renoncer en partie à ce projet : il rencontra des refus auprès de la plupart des familles nobles d’Autriche.
Il ne peut pas vous refuser, et il ne doit pas nous repousser de la foule qui veut son triomphe.
Aussitôt après sa sortie des Jésuites (1735), Gresset, accueilli dans le monde, et particulièrement à l’hôtel de Chaulnes par suite de ses relations de province, prodigua, pendant les années suivantes, une foule de vers légers, agréables en naissant, dans le genre de Chaulieu et d’Hamilton ; mais, si Hamilton est un inimitable modèle, ce n’est point par ses vers assurément.
Ceux au contraire qui croient qu’une âme est tout un monde, qu’un caractère éminent n’est jamais trop approfondi, ceux qui mêlent à leur jugement sur Mme Roland un culte d’affection et de cœur, trouveront ici mille raisons de plus à leur sympathie et démêleront une foule de détails aussi respectables que charmants.
Quand le raisin est mûr, par un ciel clair et doux, Dès l’aube, à mi-coteau rit une foule étrange.
De là ces attroupements dangereux à la sûreté publique ; de là cette foule de fraudeurs, de vagabonds ; de là cette multitude d’hommes devenus voleurs et assassins uniquement parce qu’ils manquent de pain.
Pourtant il sait que l’homme souffre ; Mais il sonde l’éther profond… La Judée avait le prophète, La Chaldée avait le berger… La foule raillait leur démence, Et l’homme dut, aux jours passés, A ces ignorants la science, La sagesse à ces insensés… Ce roman du Berger est, à mon avis, le chef-d’œuvre de M. de Glouvet.
Si petit auprès de ces colosses écrasants, incapable de les attaquer ou de les dompter, l’homme fuyait à leur approche, perdu dans la foule des animaux inférieurs.
Pendant les longues entrevues des deux empereurs, la foule des rois, des souverains de second ordre, des princes et des ambassadeurs, servira de comparses sur l’avant-scène ; les parties de chasse et les fêtes couvriront le sérieux du jeu.
La présidente Le Jay prêta à cette petite troupe son hôtel, rue Garancière ; le beau monde y accourut ; on dit que la porte, gardée par huit suisses, fut forcée par la foule.
Ce qui décide des grands succès pour les ouvrages d’imagination, c’est lorsque la création de l’auteur est telle, qu’une foule de contemporains, à la lecture, croient aussitôt s’y reconnaître : ils s’y reconnaissent d’abord par quelques traits essentiels qui les touchent, et ils finissent par s’y modeler pour le reste.
Dans la marche de Reims sur Paris (août 1429), comme elle arrivait avec le roi du côté de La Ferté-Milon et de Crépy-en-Valois, le peuple se portait en foule à la rencontre, en criant : Noël !
Michaud, homme fin, aimable, de plus en plus spirituel en vieillissant, et dont on cite une foule de mots charmants, était le Voltaire de ce petit groupe qui comptait de jeunes noms, dignes déjà de s’associer avec le sien.
Les ennemis nombreux qu’il avait en cour, la petite coterie Polignac particulièrement, cette société intime de la reine, résolut une bonne fois de le perdre ; et pour cela on n’eut qu’à mettre en jeu avec un certain art, avec un certain concert, la foule de ses créanciers, car cette vie de chevaux, de courses, de paris à l’anglaise, de voyages et de train magnifique en tous pays, n’avait pu se mener sans de ruineuses profusions.
Le ridicule serait aujourd’hui un moyen de succès s’il aidait un homme à sortir de la foule.
Il avait un divin exemplaire en lui : il a élevé un temple, la foule y a couru.
L’Esprit des lois est un livre qui n’a plus guère d’autre usage que ce noble usage perpétuel de porter l’esprit dans la haute sphère historique et de faire naître une foule de belles discussions.
La Correspondance littéraire de Grimm est un des livres dont je me sers le plus pour celles de ces études rapides qui se rapportent au xviiie siècle : plus j’en ai usé, et plus j’ai trouvé Grimm (littérairement, et non philosophiquement parlant) bon esprit, fin, ferme, non engoué, un excellent critique en un mot sur une foule de points, et venant le premier dans ses jugements ; n’oublions pas cette dernière condition.
Non, non, non, la vérité, l’honnêteté, l’enseignement aux foules, la liberté humaine, la mâle vertu, la conscience, ne sont point des objets de dédain.
Mais ces épidémies elles-mêmes paraissent dues à des vers parasites, qui, par une cause quelconque, et par suite peut-être de la facilité plus grande avec laquelle ils peuvent se multiplier parmi des animaux vivant en foule plus pressée sur un même espace, se sont trouvés disproportionnellement favorisés : ici encore il y a donc une sorte de lutte entre les parasites et leur proie.
Derrière ce groupe, un peu plus vers la gauche, sur le fond au pied du massif, à l’endroit où l’escalier descend et perd de sa hauteur, les têtes suppliantes d’une foule d’habitans.
DE GUIRAUDON,Manuel de langue foule.
Comme il était sans cesse exposé à périr victime de l’enthousiasme religieux qu’il inspirait, il frappait du bâton, pour l’écarter, cette foule qui voulait entendre sa voix et toucher ses vêtements, mais les blessés baisaient le sang de leurs blessures, heureux et fiers de ce qu’il coulait sous les mains de l’homme de Dieu.
Ils l’accueillirent avec enthousiasme, comme un bouclier, et, dit le Peuple juif, « pas un commerçant juif des quartiers juifs ne s’abstint d’en apposer un exemplaire à sa devanture, bien en évidence… Dès le lendemain, une foule énorme se pressait dans les salles de l’Université populaire juive… Chacun voulait être inscrit au plus tôt et être en possession de la carte attestant son engagement ; carte magique qui rompait les files d’agents dans les services d’ordre et apaisait le courroux des concierges et des voisines trop zélées. » (Le Peuple juif, octobre 1916.)
« Quand cet être si fort, si fier, si plein de lui-même, si exclusivement préoccupé de ses intérêts dans l’enceinte des cités et parmi la foule de ses semblables, se trouve par hasard jeté au milieu d’une immense nature, qu’il se trouve seul en face de ce ciel sans fin, en face de cet horizon qui s’étend au loin et au-delà duquel il y a d’autres horizons encore, au milieu de ces grandes productions de la nature qui l’écrasent, sinon par leur intelligence, du moins par leur masse ; lorsque, voyant à ses pieds, du haut d’une montagne et sous la lumière des astres, de petits villages se perdre dans de petites forêts, qui se perdent elles-mêmes dans l’étendue de la perspective, il songe que ces villages sont peuplés d’êtres infirmes comme lui, qu’il compare ces êtres et leurs misérables habitations avec la nature qui les environne, cette nature elle-même avec notre monde sur la surface duquel elle n’est qu’un point, et ce monde à son tour avec les mille autres mondes qui flottent dans les airs et auprès desquels il n’est rien : à la vue de ce spectacle, l’homme prend en pitié ses misérables passions toujours contrariées, ses misérables bonheurs qui aboutissent invariablement au dégoût. » Il se demande si la vie est bonne à quelque chose, et ce qu’il est venu faire dans le petit coin où il est perdu.
« J’ai sous le bras, dans mon carquois », dit-il avec sa forme originale, « bien des traits qui parlent aux intelligences, mais qui, pour la foule, ont besoin d’interprètes. — 111 Tends ton arc vers le but, ô mon âme !
Elle ne l’a reçue qu’après sa mort, de la foule qui se pressait dans les églises pour l’entendre lire. […] Nous allons voir tout à l’heure comment il introduit, sans scrupule, dans cette donnée légendaire de la vision et dans cette trilogie catholique que lui impose la foi du moyen âge, une foule de personnages, dieux, démons, héros de l’antiquité polythéiste, absolument étrangers à la mythologie chrétienne. […] Que sait la foule touchant l’Orphée de Delacroix, l’Œdipe de M. […] Et ces esprits sévères, ces philosophes, ces savants, ces critiques à qui rien n’impose de ce qui asservit le vulgaire, sont ensemble des enthousiastes, des inspirés, des apôtres bienveillants, qui entraînent à leur suite une foule d’adeptes. […] Avec lui et pour lui, pour ce rival préféré de la foule, il dirige un théâtre national.
Confidences d’une foule végétale, elles procédaient par ondes rythmiques, elles s’élargissaient, s’étalaient, accaparant l’espace et l’inquiétude, et en Suzanne émue tout autant de paroles gémirent. […] Geffroy a fait revivre cette figure d’un autre âge, ce personnage aussi antipathique, même aux foules révolutionnaires, que Barbès leur était sympathique. « Blanqui, c’est un tigré ! […] crie la foule à Nantes, en voyant passer les demoiselles au ruban bleu. — Rien n’est trop beau pour le bon Dieu ! […] Rôdeurs, déserteurs, avec leurs femmes, leurs chariots, leurs animaux, toute cette foule se présentant sans ordre au passage et le trouvant défendu avait voulu se retourner, se détourner, se diriger ; mais, heurtée et versée sur elle-même, elle s’était amoncelée d’instant en instant dans une plus irréparable confusion. […] Une foule innombrable encombrait les abords de la légation de Russie et ne cessait de faire retentir l’air de ses acclamations.
Puis, aussi effrayé de maintenir ces positions qu’il a mis d’inconscience il les prendre, il se jette dans le droit divin, qu’il entend, non pas à la façon de de Maistre, comme un équivalent mystique du droit traditionnel et positif, mais comme le droit inné d’une conscience supérieure de faire la loi à la foule. […] Le superbe et douloureux Antony « aux yeux fascinateurs et à la voix qui charme…., né pour tous les rangs et appelé à remplir tous les états », qui arrête de ses mains gantées les chevaux emballés, que les femmes, à le voir muet et hautain dans les foules, devinent si supérieur à tous les autres. […] Le clown Gwymplaine (l’Homme qui rit) qui amuse la foule avec sa bouche fendue jusqu’aux oreilles, son ami le bateleur Ursus ne sont pas seulement de braves et inoffensives créatures, ce qui serait d’une touchante vraisemblance ; ce sont des penseurs profonds, des âmes dont la sagesse triste et la pitié s’égalent à toute la douleur de ce monde ; et, sans le bon loup Homo qu’ils montrent dans les foires, il n’y aurait guère qu’eux d’humains dans toute l’Angleterre. […] Je ne sais pas si, comme il le dit, il pétrit « le pain de la foule » mais je sais qu’il s’entend, au moins aussi bien que l’auteur de la Tosca, à fournir aux commotions du vulgaire.
Le bruit qu’ils firent jeta l’effroi dans l’Assemblée, et quand il s’y présenta, une foule de membres se précipita au-devant de lui avec des cris de fureur, au milieu desquels on distinguait le mot de dictateur. […] Il sait que la foule cruelle l’applaudira, mais, comme le Spartacus du bonhomme Saurin, il est « indigné de sa gloire ». […] » Lorsque à la Convention Robespierre prononça un discours en réponse aux accusations de Louvet, les tribunes étaient remplies d’une foule de femmes extasiées. […] On n’est pas Dieu sur la terre sans attirer à soi une foule d’adorantes. […] Il faut dire aussi que les costumes, encore lumineux et brillants, ne formaient point, comme les nôtres, ces masses noires qui ôtent aujourd’hui tout agrément aux cortèges publics et aux foules populaires.
Le Misanthrope est une de ces pièces qui doivent être imposées à la foule par l’admiration continue des connaisseurs pendant un siècle. […] Les connaisseurs jouent à la longue pour les pièces supérieures le rôle du Roi pour les Plaideurs et obligent la foule à les applaudir par respect et par respect humain. Mais toute pièce à la fois très belle et très nouvelle ne peut pas plaire à la foule en sa nouveauté. […] J’accorde qu’il y a cette différence entre Sancho et lui qu’en sa qualité d’homme de génie il n’emprunte pas ses proverbes à la foule anonyme ; mais qu’il crée des proverbes ; qu’il ne prend pas à son compte les maximes de la sagesse des nations ; mais qu’il lui en fournit. […] Or, qu’un auteur comique capable d’attirer la foule existât seulement, c’était assez déjà pour donner une direction nouvelle aux esprits.
Il n’y a pas foule. […] Elle n’avait pas attiré une foule très considérable, et, s’il y a en elle quelques trous, il y avait autour d’elle bien des vides. […] Il ne manque absolument que la dernière partie de la grande scène « du sac », là où il doit faire la voix et le personnage de quatre ou cinq spadassins au moins et donne la sensation d’une foule. […] Aussi, comme tu vois, on est du comité Des prisons, de celui de la Maternité ; On fait partout bénir son nom, sa bienfaisance ; On va dans les greniers secourir l’indigence Voit-on sur son passage un enfant demi-nu, Expirant de besoin, si l’on pense être vu, Sans affectation l’on descend de voiture ; On fait au malheureux conter son aventure ; On essuie une larme et, lui prenant la main, On le fait habiller chez le tailleur voisin ; Puis on échappe enfin, rouge de modestie, Aux bénédictions de la foule attendrie. […] Je dois pour mon malheur aux bontés de ma mère Une éducation dont je ne sais que faire… — Dans la foule, mon cher, tu dois être aperçu ; Et ton instruction… — Qui n’en a pas reçu ?
Luneau de Boigermain [c’est Blin de Sainmore ; Luneau n’a été que l’éditeur signataire de Blin] qui a fait une édition de Racine avec commentaires, voudrait que la catastrophe d’Iphigénie fût en action sur le théâtre. « Nous n’avons, dit-il, qu’un regret à former, c’est que Racine n’ait point composé sa pièce dans un temps où le théâtre fût, comme aujourd’hui, dégagé de la foule des spectateurs qui inondait autrefois le lieu de la scène. […] C’est de Ducange (qui, du reste, fut collaborateur de Pixérécourt) qu’est Trente ans ou la Vie d’un joueur (1827), et encore la Maison du Corrégidor (1819), le Colonel et le Soldat (1820), Elodie ou la Vierge du Monastère (1822), etc. — Jules Janin l’estimait beaucoup ; nul, selon lui, n’avait pénétré plus avant dans le secret des instincts populaires, des haines, des amours, des préjugés, des superstitions et des terreurs de la foule. […] Et c’est ainsi que, de 1830 à 1835 environ, les extravagances prétentieuses de costume, de tenue, de barbe et de coiffure s’étalèrent, non sans quelque admiration de la part de la foule, à travers les rues de Paris et de quelques villes de province. […] Qu’un vaincu soit un traître, c’est presque un axiome dans l’esprit de toutes les foules. — Cependant on souhaiterait que l’évêque-roi, qui nous est donné comme un grand honnête homme et comme un saint, fût un peu plus intelligent.
Il en est de même des vigoureux tableaux de foules qu’a brossés Zola. […] Entre ces deux limites extrêmes roule la foule méprisable des demi-savants despotiques qui ont l’ignorance du paysan et la confiance du philosophe. […] Ils l’expriment d’ordinaire dans ce mot de justice, d’autant plus puissant sur les foules qu’il est plus indéterminé et qu’il s’adapte, avec une effrayante élasticité, à toutes les revendications des souffrances individuelles. […] — Regardez autour de vous et vous constaterez que cet appétit tourmente, que cette faim soulève la foule innombrable de ceux en qui s’ébauchent les linéaments de la France de demain. […] Il allait, de son pas un peu lent, sans cesse interrompu par une halte, et ses souvenirs affluaient en foule.
J’avoue que j’ai peu lu ces auteurs, mais je serais très surpris si la loi ne continuait pas de se vérifier, et sa formule d’envelopper une foule de plus en plus nombreuse. […] Car le temps approche de chercher à se reconnaître parmi cette foule de travaux sans lien, et de mesurer ce que l’érudition a vraiment rendu de services à l’histoire de la littérature. […] Tel est en effet sur la foule, et sur quelques habiles aussi, le prestige naturel de ce mot de science ! […] Et c’est bien toujours le monde vu d’une antichambre, mais d’une antichambre de plain-pied, qui commanderait toute une longue enfilade d’appartements, dont chacun, rempli d’une foule plus diverse et plus bigarrée, conduirait lui-même à un plus vaste et un plus magnifique. […] Il semblait que l’éloquence de ce déclamateur allât remuer au fond des cœurs une fibre que personne avant lui n’avait su toucher, en même temps que dans les foules elle éveillait des passions qui s’ignoraient encore.
Qu’elle ne songe point à gouverner la foule ; qu’elle reste dans la retraite ; qu’elle ne s’attache qu’au vrai : la domination lui viendra plus tard, ou ne lui viendra pas, n’importe. […] Il n’y a plus rien d’humain en sa nature ; il exploite tout et il foule tout. […] » On est emporté par la véhémence et les éclats de sa colère ; on voit qu’à ce degré le vice ne reçoit ni frein ni mesure, qu’il brise tout et foule tout, et se rue à travers les sentiments et le bonheur des autres, comme un taureau à travers une maison ou une église. […] Pendant que la foule livrée à la tradition et au rêve, cherchait dans la légende et l’extase l’entrée du monde surnaturel, quelques sages affermis par la science antique et la raison grecque rencontraient dans la conception du monde naturel et de la force humaine la guérison de leurs tristesses et le soutien de leur vertu. […] Il en est d’une foule qui souffre et désire comme d’un homme qui désire et qui souffre.
Quand je veux me redonner une des plus vives joies de ma jeunesse, je n’ai qu’à me souvenir de cette scène de la prophétie, où, se dressant sur ses pieds, comme pour voir, par-dessus les têtes de la foule, se lever, dans le lointain horizon des temps, une aurore mystérieuse, il disait du ton de la surprise et du ravissement, et comme prêt à quitter la terre : Quelle Jérusalem nouvelle Sort du fond du désert, brillante de clartés, Et porte sur son front une marque immortelle. […] s’il plaisait à la foule de te dire en parfaite santé, te mettrais-tu à table en cachant mal le frisson qui ferait trembler tes doigts jusque dans le plat11. » J’ai connu, de nos jours, le pendant de ce Quintius. […] Nous qui en avons été contemporains, plus ou moins dans la foule, nous ne pouvons guère être que des témoins à charge ou à décharge, avec nos illusions et nos passions. […] * Ô France de saint Louis, de Henri IV, de Louis XIV, de Napoléon Ier, toi, le seul pays qui travaille pour les autres, qui ne gardes pour toi de toutes les productions de ton heureux génie, que la plus petite part ; terre hospitalière et généreuse, où si loin que l’injustice et l’oppression fassent leur œuvre, on en ressent le contre-coup, et l’on en demande le redressement ; est-ce bien toi que foule en ce moment le pied de ces barbares savants, dressés depuis un demi-siècle à l’art de détruire, qui veulent éteindre ta lumière, pour le punir de faire ressortir leurs ténèbres ? […] Et un général peut le dire, comme la chose la plus simple du monde, à la fleur de nos jeunes gens, dans un pays où la vie et la jeunesse ont tant de prix ; et, parmi cette foule qui l’écoute, nul ne pense que le général ne dit vrai, et qu’il exhorte à des vertus impossibles.
Ce Noé ivre qui dort devant un portique à colonnettes, tandis que des femmes recueillent dans des paniers les raisins de sa vigne et qu’un vendangeur foule dans un cuvier le tas de grappes déjà ramassées, est-ce un patriarche biblique ? […] Une foule le suit, implorant la Madone. […] S’il est légitime d’honorer, comme nous le faisons aujourd’hui, la foule anonyme des dévoués de la guerre, en saluant la tombe du Soldat inconnu, il ne l’est pas moins d’élever des monuments personnels aux chefs, sans lesquels cette foule, toute brave qu’elle fût, n’aurait été qu’une horde. […] Le dimanche, notamment, la foule est parfois si dense que la circulation en est gênée.
On dédaignait, parmi les gens de talent, de donner aux foules la nourriture spirituelle. […] Et voici que, un jour joyeux de kermesse, tandis que jeunes gens et jeunes filles se réjouissent et dansent, dans l’innocence, selon des rythmes augustes et puérils, un remous extraordinaire se produit dans la foule. […] Maurice Barrès, l’idéologue distingué qui sut affiner nos frissons dans la pratique du dilettantisme, et qui se dépouilla sur le tard de ses sourires et de ses jolis gestes, pour devenir un professeur d’énergie rogue et rébarbatif, s’ils ont déterminé dans les consciences d’intéressants mouvements de littérature, d’activité ou de pensée, n’ont guère réussi à provoquer parmi les foules de grands courants d’émotion.
De quoi pourrait-on se plaindre à cet égard dans ce siècle de concours et de facilité universelle, lorsqu’on voit que ce ne sont plus seulement les pèlerins et les fervents, mais les simples curieux et les touristes qui chaque année s’en vont en foule même à Jérusalem ?
En songeant à cette foule d’écrivains du temps dont vous parlez, je crois voir une troupe de nains montés sur les épaules les uns des autres, qui s’applaudissent d’être parvenus à une grande hauteur : l’homme qui aurait eu la force d’y atteindre seul et d’un même élan dédaignera une gloire dont chaque nain peut revendiquer une partie.
Tout le monde sait quelle a été la triste marche et l’humiliante entrée de Louis XVI ramené de Versailles à Paris dans la journée du 5 octobre : Son cortège, étonnant par sa composition, affreux par sa contenance féroce et ses cris, mit trois heures à passer dans la rue Royale où j’étais (dit un spectateur qui n’est autre que M. de Meilhan) ; des troupes à pied ou à cheval, des canons conduits par des femmes, des charrettes où, sur des sacs de farine, étaient couchées d’autres femmes ivres de vin et de fureur, criant, chantant et agitant des branches de verdure ; ensuite le roi et sa famille escortés de La Fayette et du comte d’Estaing, l’épée à la main à la portière, et environnés d’une foule d’hommes à cheval, voilà ce qui se présenta successivement à mes yeux pendant l’espace de trois heures.
Une voie neuve à peine ouverte et indiquée, si étroite qu’elle soit, appelle aussitôt le troupeau des imitateurs qui foule et ravage ce qui n’était d’abord qu’un vert sentier : ce n’est bientôt plus qu’une route poudreuse.
Voilà ce que c’est que le combat de plusieurs idées dominantes dans une tête de peintre : chacune veut sortir la première ; le bec d’une plume n’est pas large ; la foule se presse à la porte pour sortir, comme d’une salle de spectacle où l’on crie au feu !
Vêtu avec magnificence, monté sur un cheval blanc richement caparaçonné, sa mine chétive et blême contrastait singulièrement avec celle de son jeune oncle, don Juan d’Autriche, qui était à sa gauche dans le cortège, et qui montrait à la foule, dans toute sa fleur de bonne grâce et d’audace, le futur vainqueur de Lépante.
Nous traversâmes toute la ville de Smyrne au milieu d’une foule immense de peuple, qui ne se permit aucune espèce d’injures ni d’apostrophes contre nous.
Les embarras dont Catinat s’ouvre à son frère sur la manière de répondre aux compliments qui lui pleuvent en foule et de varier le thème selon les rangs et les convenances, font sourire et nous initient aux mœurs de cette digne et honnête bourgeoisie, non gâtée par les honneurs : « Je suis accablé de réponses à faire à tous les compliments dont petits et grands m’honorent.
Elle me dit que je lui faisais plaisir, et je ne l’ai quittée et ne lui ai souhaité la bonne nuit que lorsque ses femmes eurent refermé les rideaux et que la foule fut sortie.
. — Son souffle arrive au-dessus des foules.
Il y a des degrés encore après Homère et Virgile, remarque Du Bellay, qui nous rend en ceci comme un écho de Cicéron : « Nam in poetis, non Homero soli locus est (ut de Græcis loquar), aut Archilocho, aut Sophocli, aut Pindaro, sed horum vel secundis, vel etiam infra secundos 106. » À chaque pas, avec Du Bellay, on a affaire à des citations des Anciens, directes et manifestes ; mais il y a aussi, à tout moment, les citations latentes et sous-entendues, comme celle qu’on vient de lire ; et encore, lorsque plus loin, parlant des divers goûts et des prédilections singulières des poètes, il nous les montre, les uns « aimant les fraîches ombres des forêts, les clairs ruisselets murmurant parmi les prés », et les autres « se délectant du secret des chambres et doctes études » : à ces mots, tout ami des Anciens sent les réminiscences venir de toutes parts et se réveiller en foule dans sa pensée ; ainsi, par exemple, ces passages du Dialogue des Orateurs : « Malo securum et secretum Virgilii secessum… Nemora vero, et luci, et secretum ipsum… tantam mihi afferunt voluptatem 107. » On a, en lisant ce discours de Du Bellay, le retentissement et le murmure de ces nombreux passages dont lui-même était rempli.
Rousseau, disions-nous, avait eu de grandes parties d’inspiration ; il avait prêté un admirable langage à une foule de mouvements obscurs de l’âme et d’harmonies éparses dans la nature.
A côté de quelques vrais monuments, on produisait une foule d’ouvrages plus ou moins secondaires, surtout politiques, historiques.
Sur une foule de points et de sujets, lui, sorti primitivement du giron classique et fidèle à bien des préceptes d’autrefois, il s’est trouvé l’un des plus avancés et des plus osés, l’un des moins prévenus contre l’idée ou la forme survenante, un des plus accueillants et des plus patients des chercheurs.
Un certain cercle d’ennui les protége et fait brouillard du côté de la foule.
En Grèce, en Italie, telle bourgade, telle petite ville, étaient déjà chrétiennes ; la foule se rendait dans les basiliques transformées en églises ; les préaux, les chemins, étaient semés de croix ; pourtant, au fond du bois, au détour d’un angle caché par les chênes verts, sur le bord du ruisseau ou du lac, on voyait se mirer paisiblement dans l’eau la grotte des Nymphes, grande et grosse roche, ronde par le dehors, au dedans de laquelle se cachaient quelques statuettes en pierre de Naïades ou de Napées, les bras nus,… les cheveux épars sans tresses,… le visage riant et la contenance telle comme si elles eussent ballé ensemble 6.
C’est d’ailleurs le caractère et la qualité de certains esprits que, tout en atteignant à la réputation méritée, ils ne tombent pas dans les grands chemins et sous les jugements courants de la foule ; ils échappent ainsi au lieu-commun de la louange ; ils demeurent des sujets choisis.
Mais toutes ces réputations à peine naissantes, qui faisaient l’entretien précieux des ruelles à la mode, cette foule de beaux esprits de second et de troisième ordre, qui fourmillaient autour de Malherbe, au-dessous de Maynard et de Racan, étaient perdus pour le jeune Corneille, qui vivait à Rouen, et de là n’entendait que les grands éclats de la rumeur publique.
Du moins elle me dédommage lorsque je puis y parvenir, et, d’ailleurs, elle me repose en m’interdisant une foule d’entreprises ; car peu d’ouvrages et de matières sont susceptibles de l’admettre.
C’était comme le murmure lointain du vent dans les bois, qui vous frappe l’oreille avec les bruissements des feuillages et qui vous dit : « Tu es seul, tu es mélancolique ; resserre ton cœur ; jouis de ta solitude et de ta tristesse, et laisse les autres jouir du bruit qu’ils font ; ce qui t’attend ce soir vaut mieux que ce vain tumulte. » IV Quand mon ami, avant d’aller dans le monde, entrait un moment dans ma chambre pour étaler son costume devant ma cheminée, je le regardais en souriant d’une certaine pitié sans envie, et je lui disais : « Va te montrer, mais voici l’heure où, quand tu seras parti, je m’isolerai dans mon manteau ; je me glisserai sans bruit le long des murailles et j’irai attendre, sur le quai du Louvre, qu’une lumière solitaire s’allume, entre deux persiennes, pour m’annoncer que le dernier visiteur est retiré du salon, et pour laisser place à l’ami inconnu qui rôde dans le voisinage, comme l’âme cherchant son corps et n’en voulant point d’autre dans la foule de ceux qui ne sont pas nés. » V Il sortait, et je restais seul au coin de mon feu, un livre à la main, jusqu’à ce que la cloche de Saint-Roch sonnât onze heures, et que ce même onzième coup sonnât de l’autre côté de la Seine, dans un cœur qu’il faisait transir ou frissonner.
Pour rendre la physionomie de Paris, le mouvement de ses rues et de sa foule, ce Parisien, qui ne perdit presque jamais de vue les tours de Notre-Dame, prit le ton dolent d’un provincial réveillé trop tôt, qui regrette le silence morne de sa petite ville : cela, c’était l’idée, et une idée morale, qui faisait de l’impression une démonstration.
C’est qu’à ce don de l’imagination, Joinville joint celui de la sympathie : il sent comme il voit, et avec les images amassées dans son souvenir se réveillent en foule les émotions qu’il a ressenties.
Pendant la fin du xiie siècle, et une partie du xiiie , l’épopée de Renart fut remaniée, amplifiée, améliorée, gâtée par une foule de poètes, dont beaucoup étaient des clercs.
Mais parmi la foule des auteurs que les Satires atteignaient, certains noms plus cruellement raillés, plus impitoyablement ramenés sous les yeux du public, indiquaient l’intention du poète et le sens général de ses attaques : dans la satire I, Saint-Amant et Chapelain ; Chapelain dans la satire VI ; dans la satire II, Quinault et Scudéry ; Chapelain dans la fameuse parodie du Cid ; Chapelain dans la IVe satire ; Chapelain dans le Discours au Roi, Chapelain dans le Dialogue des héros de roman, avec Mlle de Scudéry et Quinault ; Chapelain encore, et Quinault, et Mlle de Scudéry et l’abbé Cotin dans la Satire III ; dans la satire VIII, Cotin ; dans la ixe enfin, dans cet admirable et terrible abatage de réputations, Cotin et Chapelain, avec Quinault, Saint-Amant, Théophile, et vingt autres.
Surtout, incapable, comme il est, de faire vivre un individu, il a le don de mouvoir les masses, les foules : il est sans égal pour peindre tout ce qui est confus et démesuré, la cohue des rues, une réunion de courses, une grève, une émeute.
Molière est placé, à nos yeux, tellement au-dessus de toute cette foule de masques oubliés, que c’est presque une profanation que de l’y mêler lors même qu’on veut seulement marquer son point de départ.
Quand je dis : il fait noir, cela exprime bien les impressions que j’éprouve en assistant à une éclipse ; mais dans l’obscurité même, on pourrait imaginer une foule de nuances, et si au lieu de celle qui s’est réalisée effectivement, c’eût été une nuance peu différente qui se fût produite, j’aurais cependant encore énoncé cet autre fait en disant : il fait noir.
Les vertus éclatantes qui donnent la gloire, les épreuves de l’homme de génie, tout ce qui attire les applaudissements de la foule, les grands désespoirs aristocratiques comme les efforts sublimes dont parle l’histoire, ne sont point de votre programme.
Tendances multiples et divergentes en apparence, mais qui partent toutes du même principe : du désir de se distinguer de la foule.
Ce n’est pas sans motif qu’après avoir protégé les lettres dans les siècles où elles végétaient, dociles comme des enfants, dans la tranquillité close des, monastères, elle les a poursuivies de son hostilité, combattues, condamnées, une fois que, douées par l’imprimerie d’une force inouïe d’expansion, elles se sont lancées hardiment à travers le vaste monde et ont appelé aux joies et aux luttes de la pensée les élites d’abord et les foules ensuite.
La majorité des écrivains a beau appartenir à la bourgeoisie ; elle dépend économiquement du roi et de la noblesse ; aussi est-ce à peine si les mœurs bourgeoises apparaissent ça et là par de brèves échappées chez Molière, chez La Fontaine, chez Furetière, chez Boileau ; quant à la foule inconnue qui travaille et végète dans les bas-fonds de la société, si l’on se fût avisé de la peindre, Louis XIV eût dit sans doute comme devant les scènes populaires de Téniers : « Tirez-moi ces magots !
La foule, d’ailleurs, hurlait dans les couloirs, écrasée à des portes closes, et deux pauvres petites danseuses brûlaient dans leurs loges, cernées par l’envahissement de la fournaise.
Son tempérament poétique se compose d’une propension saillante à la gaillardise, et une foule de petites velléités romanesques et lyriques, aussi embarrassées de croître et d’aboutir sur ce fonds gaulois que le seraient des fleurs bleues semées sur un jambon.
Il volait comme une flèche à travers la foule des patineurs ; ses joues étaient rougies par l’air vif, et ses cheveux châtains tout à fait dépoudrés.
Ouvrez les prisons à ces feux cent mille citoyens que vous appelez suspects… De tels cris rachètent beaucoup, surtout quand on les profère tout haut et tout seul, au milieu de cette insensibilité stupide de la foule et de cette sécurité dénaturée qu’il flétrit énergiquement et par un mot, cette fois, vraiment digne de Tacite.
Le lendemain, 20 avril 1674, elle entendit la messe du roi qui partait pour l’armée ; au sortir de la messe, elle demanda pardon à genoux à la reine pour ses offenses, puis monta en carrosse et se rendit aux Carmélites du faubourg Saint-Jacques, où une grande foule de peuple rangée sur son passage l’attendait.
., etc. » C’était cette foule de beaux esprits plus ou moins galants et mécréants ; c’était l’abbé Arnaud, l’abbé Raynal, c’était l’abbé Morellet à qui elle s’adressait, l’un des premiers, pour fonder son salon : La conversation y était bonne, nous dit Morellet, quoiqu’un peu contrainte par la sévérité de Mme Necker, auprès de laquelle beaucoup de sujets ne pouvaient être touchés, et qui souffrait surtout de la liberté des opinions religieuses.
Assailli d’une foule d’idées et de sentiments, je pleurai assez longtemps sans qu’il me reste d’ailleurs d’autre souvenir de cette situation, si ce n’est que c’est, sans aucune comparaison, ce que mon cœur a jamais senti de plus violent et de plus délicieux, et que ces mots : Me voici, mon Fils !
Rien ne manqua à la solennité ni à l’éclat de cette première représentation : Ç’a été sans doute aujourd’hui, disent les Mémoires secrets, pour le sieur de Beaumarchais qui aime si fort le bruit et le scandale, une grande satisfaction de traîner à sa suite, non seulement les amateurs et curieux ordinaires, mais toute la Cour, mais les princes du sang, mais les princes de la famille royale ; de recevoir quarante lettres en une heure de gens de toute espèce qui le sollicitaient pour avoir des billets d’auteur et lui servir de battoirs ; de voir Mme la duchesse de Bourbon envoyer dès onze heures des valets de pied, au guichet, attendre la distribution des billets indiquée pour quatre heures seulement ; de voir des Cordons bleus confondus dans la foule, se coudoyant, se pressant avec les Savoyards, afin d’en avoir ; de voir des femmes de qualité, oubliant toute décence et toute pudeur, s’enfermer dans les loges des actrices dès le matin, y dîner et se mettre sous leur protection, dans l’espoir d’entrer les premières ; de voir enfin la garde dispersée, des portes enfoncées, des grilles de fer même n’y pouvant résister, et brisées sous les efforts des assaillants.
Ce sont ces affections qui, lorsque notre état leur est contraire, nous inspirent des constances inébranlables et nous livrent, au milieu de la foule, des luttes perpétuelles et malheureuses contre les autres et contre nous-même : mais, lorsqu’elles viennent à se développer dans des circonstances heureuses, alors elles font éclore des arts inconnus et des talents extraordinaires.
Au lieu de nous raconter ses marches, l’emploi de ses journées, et de nous permettre de le suivre, il n’a donné que les résultats de ses observations durant trois ans : « J’ai rejeté comme trop longs, dit-il, l’ordre et les détails itinéraires ainsi que les aventures personnelles : je n’ai traité que par tableaux généraux, parce qu’ils rassemblent plus de faits et d’idées, et que, dans la foule des livres qui se succèdent, il me paraît important d’économiser le temps des lecteurs. » Il a donc composé un livre, un tableau, et n’a pas senti qu’il y avait plus de charme pour tout lecteur dans la simple manière d’un voyageur qui nous parle chemin faisant, et qu’on accompagne.
Vous voici dans le resplendissant jardin des Muses où s’épanouissent en tumulte et en foule à toutes les branches ces divines éclosions de l’esprit que les grecs appelaient Tropes, partout l’image idée, partout la pensée fleur, partout les fruits, les figures, les pommes d’or, les parfums, les couleurs, les rayons, les strophes, les merveilles, ne touchez à rien, soyez discret.
Quand ils seront une minorité, ils réclameront le droit de penser autrement que la foule ; quand la société nouvelle se sera fait sa foi, ses préjugés, ses traditions, ses lieux communs, tout ce qui ne manque jamais de s’établir dans une société bien assise, les partisans des anciennes idées et des anciennes mœurs demanderont à ne pas obéir aveuglément à ce nouveau genre d’autorité.
Bien des gens vont jusques à sentir le mérite d’un manuscrit qu’on leur lit, qui ne peuvent se déclarer en sa faveur, jusques à ce qu’ils aient vu le cours qu’il aura dans le monde par l’impression, ou quel sera son sort parmi les habiles : ils ne hasardent point leurs suffrages, et ils veulent être portés par la foule et entraînés par la multitude.
Après cette observation, je reviens à la comparaison que j’ai faite d’un cours de la science universelle à une grande avenue à l’entrée de laquelle il se présente une foule de sujets qui crient tous à la fois : « Instruction, instruction !
Autour de ce dernier bâtiment foule d’hommes tombant ou précipités dans les eaux.
Dans une foule de guerriers… etc.
voilà l’image de la foule des prédicateurs.
Ferrari, passent pour le moment sur le ventre aux idées de l’abbé du Bos et de Montesquieu, qui se relèveront et le rendront à qui les foule ; seulement, ses idées une fois jetées parterre, qu’on me fasse le plaisir de me dire ce que deviendra le très honorable M.
Sainte-Beuve a fait une foule de vers au nom de ses amis : M.
Son œuvre est un monde, une petite Comédie humaine ; car les images triviales, les croquis de la foule et de la rue, les caricatures, sont souvent le miroir le plus fidèle de la vie.
Elles pourront représenter un tapis, un échiquier, une page d’écriture, une foule d’autres choses encore.
Le Droit quiritaire admettait, entre les classes d’hommes comme entre les espèces de propriétés, une foule de distinctions : distinction des agnats et des cognats, distinction des res mancipi et des nec mancipi, toutes s’effacent peu à peu devant le jus gentium, qui ne retient que l’élément commun des diverses coutumes locales.
Béranger n’a été, quoi que vous puissiez dire, ni un sage et grand publiciste, ni un utile ami de la liberté ; mais il a rencontré dans son art l’accent lyrique, et il a su toucher la passion de la foule en plaisant au goût des habiles.
Quant au progrès sentimental dont les foules s’enivrent, et dont il est bon qu’elles s’enivrent, comme le dit M. […] Or, ce qui est vrai aussi pour les individus est vrai aussi pour les peuples et aussi pour les foules. […] En effet, si l’hallucination complète est rare, la demi-hallucination est fréquente : pensez violemment à une personne, et vous la rencontrerez parmi la foule vingt fois dans votre après-midi. […] On ne pouvait donc se distinguer de la foule qu’en professant un mépris décidé pour cette invention essentiellement démocratique. […] Dans l’un et l’autre cas, ils ont pris parti contre la foule.
Ibsen était pessimiste : ce qu’il a montré d’émouvant, c’est le duel de l’individu contre les foules. […] Aucun poète ne fut plus effaré de la foule, plus craintif de la vie. […] Qu’est-ce qu’un solécisme, pour un conducteur de foules ? […] Et puis, il a fallu rabattre de ce trop grand honneur qu’on faisait aux foules et à la conscience populaire d’une époque. Les foules n’ont jamais rien créé, que le désordre ; et la conscience populaire d’une époque demeure stérile, si un individu bien doué ne la vivifie.
Cet homme sévère, qui passe pour le plus rigoureux des orthodoxes en littérature et qui l’est en effet, mais qui l’est avec des audaces d’hérésiarque et qui ne connaît pas de plus grand plaisir que de bousculer la tradition et de prêter à la raison même le langage insolent du paradoxe, a eu tout à coup un de ces mouvements oratoires auxquels les foules ne résistent pas. […] « Mais Joad sait bien, en grand politique qu’il est, que la foule sera pour le plus fort : Peuple lâche, en effet, et né pour l’esclavage, Hardi contre Dieu seul ! […] On fait moins de tort au vieux Dumas en donnant son deuxième et son quatrième actes pour de franches digressions, — qui peuvent être charmantes, et qui, je l’avoue, ont paru telles à la foule. […] Ces romans plurent à Bourget, fanatisèrent des adolescents d’esprit trouble et inquiet, mais ne parvinrent pas, ou presque pas, jusqu’au grand public, jusqu’à cette foule nécessairement composée d’imbéciles et dont les artistes les plus raffinés et les plus dédaigneux mendient, — non moins nécessairement, les grossiers suffrages. […] Mais, comme cette foule compacte, et qui ressemble à un mur, après avoir poussé ses cris et agité ses bras, fait régulièrement trêve à ses fureurs et retombe docilement dans son immobilité pour que nous puissions entendre les beaux discours de Perrin, il se trouve, en somme, que M.
. — « Et toi, dit-il à Alexis, tu as le vin d’un singe » ; parce qu’il avait été très-gai et avait eu une foule de saillies plus plaisantes les unes que les autres, et qui l’avaient fort amusé. » De ces trois fils, l’aîné fut de l’Oratoire et prêtre, c’était une franche bête, nous dit Piron (j’adoucis les termes) ; le second fut apothicaire comme son père et armé en guerre toute sa vie contre je ne sais quoi : ce lion-là, malgré tout, laisse à désirer ; mais le troisième, le nôtre, fut bien réellement singe et poète. […] On met les chevaux ; Polichinelle les y attend sur des forêts de tréteaux qui bordent les deux côtés ; il parle en fiacre, dame Ragonde en poissarde, et l’on ne saurait percer à travers la foule des carrosses les plus noblement armoriés.
Vers 1663, il entra dans la politique de Louis XIV de secourir le Portugal contre l’Espagne, mais de le secourir indirectement ; on fournit sous main des subsides, on favorisa des levées, une foule de volontaires y coururent. […] Du moins les souvenirs de la petite fille lui retraçaient un palais où elle était élevée, et une foule de gens empressés à la servir.
Elle emploie pour arguments l’utilité publique, l’exemple des grands hommes, la grosse logique, l’interprétation littérale et les textes palpables ; quel meilleur moyen de gouverner la foule que de rabaisser les preuves jusqu’à la vulgarité de son intelligence et de ses besoins ! […] Il allègue très-noblement comme excuse qu’il ne joue pas pour le gain ; qu’il se livre à un plaisir innocent ; qu’il vaut mieux passer sa soirée de cette façon qu’à jouer ou à boire… Le caractère de ce gentleman est un si heureux mélange de douceur et de férocité qu’il surpasse ses deux prédécesseurs et attire de plus grandes foules de spectateurs qu’on n’en vit de mémoire d’homme… J’ai raconté ce combat du lion pour montrer quels sont à présent les divertissements favoris des gens bien élevés de la Grande-Bretagne. » Il y a beaucoup d’originalité dans cette gaieté grave.
Cette malheureuse prévention de poésie que je traînais dès cette époque après moi, comme un lambeau de pourpre qu’un roi de théâtre traîne en descendant de la scène dans la foule ébahie d’une place publique, me causait un immense embarras. […] Allait-il au centre, il n’y trouvait plus qu’un troupeau sans chef, dépourvu de ces supériorités oratoires qui groupent les partis à leur voix, centre prompt à voter, incapable de gouverner, vide d’hommes politiques, foule qui soutient tout par discipline et qui laisse tout crouler par incapacité de génie et de volonté.
— Ainsi va ma pensée, et la nuit est venue ; Je descends, et bientôt dans la foule inconnue J’ai noyé mon chagrin : Plus d’un bras me coudoie ; on entre à la guinguette, On sort du cabaret ; l’invalide en goguette Chevrote un gai refrain. […] Dans un premier écrit sur le Romantisme en 1818, il avait dit : « … La France et l’Allemagne sont muettes : le génie poétique, éteint chez ces nations, n’est plus représenté que par des foules de versificateurs assez élégants, mais le feu du génie manque toujours ; mais, si on veut les lire, toujours l’ennui comme un poison subtil se glisse peu à peu dans l’âme du lecteur ; ses yeux deviennent petits, il s’efforce de lire, mais il bâille, il s’endort et le livre lui tombe des mains. » « Quelle fut donc ma surprise quand je reçus de lui, avec qui je n’avais eu d’ailleurs que des relations assez rares et de rencontre, une lettre ainsi conçue : « Après avoir lu les Consolations trois heures et demie de suite, le vendredi 26 mars (1830).
En effet, l’homme qui possède ces grandes richesses et qui n’est pas satisfait d’ailleurs, n’a sur celui qui, pauvre, est cependant bien partagé en toute autre chose, que deux sortes d’avantages, tandis que celui-ci en a une foule sur l’homme riche et malheureux du reste. […] Indépendamment de ceux qui succombèrent sous le fer des Grecs, comme il y avait derrière les rangs des barbares des chefs de peloton armés de fouets, sans cesse occupés à pousser à grands coups les soldats en avant, beaucoup d’entre eux, ainsi pressés, tombèrent dans la mer et s’y noyèrent ; d’autres, et en plus grand nombre encore, furent, sans qu’on y fît aucune attention, écrasés tout vivants sous les pieds de la foule des leurs, qui se succédaient sans interruption.
Dieu, n’étant jamais sans justice, n’est jamais sans pitié… Parmi les foules qu’il faut engouffrer aux géhennes sociales, se trouvent beaucoup de ces publicains et de ces mérétrices qui entreront avant leurs juges dans le royaume de Dieu. […] Je ne me crois pas meilleur que cette foule qui rampe autour de moi, cherchant l’or et la volupté.
Peut-être qu’anciennement les tropiques nourrissaient autant d’espèces que nous en voyons aujourd’hui rassemblées en foule au cap de Bonne-Espérance et dans les parties tempérées de l’Australie. […] Si le fait déjà plusieurs fois supposé de plusieurs périodes glaciaires se confirmait, il y aurait toute raison de croire à la périodicité régulière du phénomène, qui d’ailleurs peut aider à expliquer une foule considérable de faits, autrement impossibles à relier entre eux par une loi.
. — L’Essai sur les Fictions nous offre déjà, dans sa rapidité spirituelle, une foule de ces mots vifs, courus et profonds, de ces touches délicieuses de sentiment, comme il n’en échappe qu’à Mme de Staël, et qui lui composent, à proprement parler, sa poésie à elle, sa mélodie rêveuse ; elle avait, en les prononçant, des larmes jusque dans les notes brillantes de la voix. […] Nous demandons pardon, à propos d’une œuvre émouvante comme Delphine, et sans nous confiner de préférence aux scènes mélancoliques de Bellerive ou du jardin des Champs-Élysées, de rappeler ces aigres clameurs d’alors, et de soulever tant de vieille poussière : mais il est bon. quand on veut suivre et retracer une marche triomphale, de subir aussi la foule, de montrer le char entouré et salué comme il l’était. […] Prosper de Barante, le prince Auguste de Prusse, la beauté célèbre tout à l’heure désignée par Mme de Genlis sous le nom d’Athénaïs, une foule de personnes du monde, des connaissances d’Allemagne ou de Genève.
J’ai lu une foule de ces traités, et je n’en ai pas retiré une idée. […] On les promène en l’air sur des fauteuils, au grand péril de leur cou ; la foule hue, applaudit et s’échauffe par le mouvement, la contradiction, le tapage ; les grands mots patriotiques ronflent, la colère et la boisson enflent les veines, les poings se serrent, les gourdins travaillent, et des passions de bouledogues manœuvrent les grands intérêts du pays ; qu’on prenne garde de les tourner contre soi : lords, communes ou roi, elles n’épargneront personne, et quand le gouvernement voudra opprimer un homme en dépit d’elles, elles contraindront le gouvernement à abroger sa loi. […] Vous les entendez s’enorgueillir de leurs coups de poing, de leur viande, de leur ale, de tout ce qui peut entretenir la force et la fougue de la volonté virile. « Le roastbeef et la bière852 font des bras plus forts que l’eau claire et les grenouilles. » Aux yeux de la foule, leurs voisins sont des perruquiers affamés, papistes et serfs, sortes de créatures inférieures qui n’ont ni la propriété de leurs corps ni le gouvernement de leurs consciences, marionnettes et machines dans la main d’un maître et d’un prêtre.
Bossuet ne s’étourdit pas à en creuser le mystère : il l’envisage sous l’aspect qui frappe l’imagination de la foule. […] Il faut chercher dans l’Histoire des Variations comment l’intérêt se mêle aux opinions spéculatives et la passion aux vues de l’intelligence ; comment les hommes de parti exploitent leurs doctrines ou en sont dupes ; il y faut chercher leurs contradictions, nées de l’excès du sens propre ; leurs repentirs, toujours trop tardifs ; leurs efforts impuissants pour arrêter les conséquences des principes jetés à la foule ; tout ce qu’engendre, en un mot, l’amour des nouveautés ; à quelles marques on distingue les nouveautés durables de celles que suscite, pour un moment, l’impatience de certains esprits auxquels tout ce qui dure plus d’un jour est insupportable, et qui ne savent vivre que par anticipation. […] Il en est sorti en habile homme, et il y était entré sans penser aux suites qu’elle pouvait avoir150. » Ce jugement est celui d’un homme de génie, qui ne voyait pas de loin et d’en bas, comme la foule, la conduite de Fénelon, avec l’illusion de la distance ; il la voyait de près, et pour ainsi dire de plain-pied, par cette connaissance que les hommes supérieurs ont de leurs égaux.
Par elles, la poésie de Verlaine, de Régnier, de Jammes, sentimentalisée, a pénétré dans la foule. […] J’écris pour que, le jour où je ne serai plus, On sache comme l’air et le plaisir m’ont plu, Et que mon livre porte à la foule future Comme j’aimais la vie et l’heureuse nature. […] Et voilà qu’elle esthétise la foule hurlante : elle parle du « pain » avec une émotion bien écrite.
Je ne veux pas dire que les nouveaux philosophes ne soient que des échos ; non, car eux-mêmes entraînent la foule autant qu’ils la suivent. […] Plus la science est élevée et sérieuse, moins elle est accessible à la foule ; mais si le mérite philosophique consiste dans la recherche sévère, abstraite, entièrement désintéressée des principes et des causes, si le philosophe doit étudier les questions en elles-mêmes et ne s’élever à la solution que par un lent et laborieux enfantement, si, évitant de parler aux passions, ne cherchant pas le succès, ne songeant ni à plaire ni à déplaire, il n’a d’autre ambition que de se satisfaire soi-même (au risque de ne pas satisfaire tout le monde), si ce sont là les rares qualités du métaphysicien, on ne saurait contester ce titre à un philosophe dont nous ne partageons pas toutes les doctrines, mais qui mérite plus qu’aucun autre le respect et l’examen, M. […] Entre eux et nous, il n’y a qu’un seul juge : ce n’est pas l’opinion, ce n’est pas la foule, ce n’est pas tel ou tel parti, c’est la raison même, le verbe éternel, qui illumine tout homme venant en ce monde.
Une variation accidentelle, si minime soit-elle, implique l’action d’une foule de petites causes physiques et chimiques. […] Je veux bien qu’une foule de variations non coordonnées entre elles aient surgi chez des individus moins heureux, que la sélection naturelle les ait éliminées, et que, seule, la combinaison viable, c’est-à-dire capable de conserver et d’améliorer la vision, ait survécu. […] Ainsi, dans le cas qui nous occupe, il est incontestable que le premier rudiment de l’œil se trouve dans la tache pigmentaire des organismes inférieurs : cette tache a fort bien pu être produite physiquement par l’action même de la lumière, et l’on observe une foule d’intermédiaires entre la simple tache de pigment et un œil compliqué comme celui des Vertébrés. — Mais, de ce qu’on passe par degrés d’une chose à une autre, il ne suit pas que les deux choses soient de même nature.
Et ceci est vrai d’une foule de splendides poèmes, à commencer par les Géorgiques, mais à quoi bon prolonger cette analyse ? […] La phonétique le sait fort bien… là-dessus, il tire de sa vaste serviette une foule de menus engins et de ficelles dont je me vois investi sur l’heure, non sans effroi. […] On me communique une foule de beaux textes, et naturellement en premier lieu de M.
Ils appartiennent à un ordre de mouvement militaire qui emporte la victoire sur les âmes et les foules. […] D’autant plus frappante aussi, et plus originale, que le monologue hugolien, qui est bien le monologue du théâtre, c’est le monologue pour autrui, le monologue qui suppose autour du parleur l’élément, l’aliment et l’aimant d’une foule, des foules, des peuples, des êtres, des vivants et des morts, de Dieu. […] Du dialogue avec la foule. Entre Lamartine et la foule, entre le vaisseau de Colomb qui entre au port et le peuple qui se presse sur les quais, le pacte est fait. Le poète a, avec cette foule, un langage commun, qui n’est pas toujours divin, mais dont les parties vulgaires sont soulevées et animées par la partie divine.
Le peuple russe, l’inquiétude qui l’agite à la pensée que la vacance du trône va le laisser orphelin, sa joie quand il a recouvré un tsar ; et, en opposition avec ces beaux sentiments mystiques et simples de la foule, les remords qui tourmentent l’âme noble et criminelle de Boris, l’assassin du jeune prince confié à sa tutelle et dont il a voulu mettre la couronne sur sa tête au prix d’un forfait ; le conflit entre la conscience de ce qu’il a fait de bon et de généreux pour son peuple, pour ses enfants et le souvenir de sa scélératesse inexpiable, entre la grandeur de ses pensées impériales et l’épouvante de cet assassinat dont l’image le poursuit plus implacablement à mesure qu’il devient vieux et que sa vie se couronne de fruits ; tels sont les ressorts shakespeariens du drame. […] Les deux premiers ont été plus aimés de la foule ; le troisième, de l’élite délicate. […] Mais sa vie, que nous avons vue jadis engagée dans de terribles combats où, les simples armes de la beauté ne suffisant pas à sa défense contre la foule qui l’assaillait, die dut hélas ! y ajouter celles du charlatanisme, des déclamations et des fausses prophéties pour recruter à son service une foule contraire, sa vie s’est transportée dans une sphère plus calme et plus pure, la sphère de l’immortalité.
Il m’inspirait aussi une certaine admiration : cette robe de dentelle, cette étole brodée d’or, ces gestes bizarres, accomplis à l’autel, dans le silence de la foule recueillie, ou pendant la musique de l’orgue, m’émerveillaient assez ; mais par-dessus tout, ce qui me séduisait irrésistiblement, c’était l’horloge mécanique… Au presbytère, le bon curé la gardait, accrochée au mur de sa salle à manger, et quelquefois j’allais la voir fonctionner, après la messe. […] J’avais l’idée très nette d’une foule ; une foule triste, ne s’occupant que de choses graves, un peu effrayantes, mais que j’aurais voulu connaître. […] Je commençais à examiner les êtres qui peuplaient le couvent ; jusque-là ils n’avaient été pour moi qu’une foule vague, et, poussée par mon caractère insoumis et mon instinct de domination, au lieu de ruminer mon ennui, j’entrepris la conquête du couvent ! […] Mais elle se trouva complètement dépaysée et effarée, au milieu de tous ces voiles noirs, de cette foule d’enfants criant et jacassant ; elle ne me laissait pas m’éloigner d’un pas et se cramponnait à moi avec une peur extrême d’être abandonnée et de se perdre dans cette cohue.
Alors, autour de cette femme inspirée, de ce poète applaudi, de cet écrivain déjà populaire, vous verrez se presser en foule les docteurs de la rénovation universelle, les empiriques et les utopistes, les sophistes et les rêveurs, les apôtres sincères et les charlatans de la question sociale, les exploiteurs et les exploités, les ambitieux et les naïfs. […] « Ce qu’il exécrait le plus violemment dans les romans de Thackeray, c’est que l’amour y est représenté (à la façon française) comme s’étendant sur toute notre existence et en formant le grand intérêt ; tandis que l’amour, au contraire (la chose qu’on appelle l’amour), est confiné à un très petit nombre d’années de la vie de l’homme, et que, même dans cette fraction insignifiante du temps, il n’est qu’un des objets dont l’homme a à s’occuper, parmi une foule d’autres objets infiniment plus importants… À vrai dire, toute l’affaire de l’amour est une si misérable futilité qu’à une époque héroïque personne ne se donnerait la peine d’y penser, encore bien moins d’en ouvrir la bouche6 ? […] Une femme née dans un rang élevé, entourée de ce luxe et de cet éclat qui sont comme le cadre naturel des hautes existences sociales, pourra-t-elle, de cette région où elle vit, distinguer dans la foule humaine ce noble déclassé qu’elle doit remettre à son vrai niveau ? […] Il se fait accepter, à ce titre, par une foule d’esprits secondaires qui prennent le mot d’ordre et se mettent à la suite, exagérant la manière de l’initiateur et dociles au succès, qui révèle souvent un goût changeant de l’opinion. […] « Au fond, disait-elle à Flaubert, tu lis, tu creuses, tu travailles plus que moi et qu’une foule d’autres.
Au milieu de cette abondance de livres, nous sommes comme un promeneur au milieu d’une foule compacte, entouré de visages insignifiants ou ingrats ; c’est à peine si de loin en loin nous surprenons une physionomie que nous puissions désigner à notre voisin, et qui se recommande par quelque expression originale. […] Après Dalila, son nom prononcé seulement dans les salons, dans les réunions d’artistes, parmi les dilettanti, a été répété par le vaste public des lecteurs, et enfin acclamé par la grande voix de la foule. […] Si la Révolution française avait développé les sentiments nobles au degré où le critique auquel nous soumettons ces observations croit qu’elle les a développés, il est une foule d’institutions dont nous pourrions dégrever notre budget. […] Il y a là une connaissance intime d’une foule de détails du monde d’Église, où se trahit comme l’expérience rancuneuse d’une éducation première, qui a fourni les armes mêmes dont il se sert. […] On venait à peine de délivrer à l’admiration de la foule le Paris nouveau de M.
Aussi l’affluence grossit-elle si fort autour de Gargantua qu’il se débarrasse de la foule en grimpant sur les tours de Notre-Dame, d’où raillant les citadins qui attendaient sa bienvenue, il les salit avec insulte, et veut leur voler leurs cloches pour les fondre à sa monnaie. […] L’allusion à tous nos peuples sera claire et complète ; et nos Athéniens jaseurs, inconsidérés, frivoles, crédules et inconstants, seront métamorphosés dans cette risible volière en une foule de merles, d’étourneaux, d’oisons, et de pies. […] Sur ces entrefaites, Plutus, guéri de son aveuglement, reçoit les demandes et les réclamations de la foule ; il ôte aux scélérats qu’il avait gorgés d’or ; il donne aux gens de bien que leurs scrupules avaient appauvris. […] Son coup d’œil saisissait une foule innombrable de bizarreries que Boileau n’avait pu même entrevoir ni soupçonner. […] ses expositions, les figures originales de ses Fâcheux, le cercle de la médisante Célimène, en contiennent une foule de tout aussi frappants les uns que les autres.
C’est cette même marquise de Lassay pour laquelle Chaulieu, qui en était épris, et qui la rencontrait sans cesse dans la petite cour de Mme la Duchesse à Saint-Maur, a fait une foule de jolis vers, et ceux-ci entre autres où il parle de son cœur d’un ton presque aussi ému que l’eût pu faire La Fontaine : Il brûle d’une ardeur désormais éternelle ; Et, livré tout entier à qui l’a su charmer, Il sert encore un Dieu qu’il n’ose plus nommer51.
Il est nommé et renommé à chaque vers de toutes les façons les plus affectueuses et les plus sonores, à remplir la bouche du récitateur et les oreilles des auditeurs ; car ces poésies se récitaient devant les foules, à haute voix.
Par malheur, cette vignette, gravée par Picard, avait été faite au moment où le Système était florissant : on y voyait, à gauche, la France triste et affligée portant une corne d’abondance vide, d’où sortaient de maigres et secs billets ; mais, à droite, on avait figuré la Banque royale assiégée de la foule, avec une France triomphante et des Génies tenant une corne d’abondance d’où sortaient des espèces en quantité, des flots d’or et d’argent.
Quoique je me sois interdit tout rapprochement avec les auteurs français, je ne puis m’empêcher de transcrire la description d’un paysage semblable, que j’ai lue il y a quelques mois : « L’endroit était charmant ; le pré, doucement incliné vers l’eau, était tout parsemé de spirée-reine-des-prés, de grandes salicaires pourpres qui dépassaient princièrement la foule pressée des vulgaires plantes fourragères.
Si l’on a remarqué avec raison que les grandes crises révolutionnaires et les tempêtes politiques ont pour effet de ramener en foule les naufragés et les vaincus au pied des autels, cela n’est pas moins vrai des intelligences supérieures que l’imagination ou que la sensibilité domine, et qui sont tentées dans ces terribles catastrophes de voir et de discerner comme deux plans et deux sphères, l’inférieure où les lutteurs humains se combattent, la supérieure qui en est comme la transfiguration et où se déroulent dans leur harmonie les causes providentielles.
En 1838, au mois d’août, un entrepreneur de théâtre eut l’idée d’engager quelques acteurs français pour jouer à l’époque du sacre de l’empereur Ferdinand (à titre de roi de Lombardie), qui devait se faire à Milan et y attirer une foule d’étrangers.
La foule les ignore tous : elle ne voit en vous qu’un officier qui a des protecteurs puissants, et qui peut accaparer des faveurs que chacun croit lui être dues comme de simples récompenses.
., et y porte une expression abondante, redondante quelquefois, mais facile, claire, sensée, une foule d’observations morales qui plaisent à beaucoup d’esprits modérés et distingués, qui enchantent beaucoup d’esprits solides, qui ne satisfont peut-être pas toujours au même degré quelques délicats, subtils et dédaigneux.
Je me suis peint fidèlement, sans examiner si ce portrait flatte mon amour-propre ou s’il le blesse. » Le Pour et Contre nous offre aussi une foule d’anecdotes du jour, de faits singuliers, véritables ébauches et matériaux de romans ; l’histoire de dona Maria et la vie du duc de Riperda sont les plus remarquables.
On appela à la fin la garde-robe, et nous trouvâmes le roi entouré d’une foule de médecins et de chirurgiens, les questionnant avec une faiblesse et une inquiétude inexprimables sur la marche de sa maladie, sur leur opinion de son état, et sur les remèdes qu’ils lui donneraient dans tel ou tel cas.
Ce genre de distinction qui, sans faire deux classes de droit, c’est-à-dire deux ennemis de fait, donne aux plus éclairés la conduite du reste des hommes, et faisant choisir les êtres distingués par la foule de leurs inférieurs, assure au talent sa place, et à la médiocrité sa consolation ; donne une part à l’amour-propre du vulgaire dans les succès des gouvernants qu’ils ont choisis ; ouvre la carrière à tous, mais n’y amène que le petit nombre.
Dans la grande foule composée « d’imbéciles » et parsemée de cuistres, il y a, dit Voltaire, « un petit troupeau séparé qu’on appelle la bonne compagnie ; ce petit troupeau, étant riche, bien élevé, instruit, poli, est comme la fleur du genre humain ; c’est pour lui que les plus grands hommes ont travaillé ; c’est lui qui donne la réputation353 ».
Baillarger, que d’entendre les malades se plaindre que les interlocuteurs invisibles leur racontent une foule de choses qui les concernent… Comment, pour me servir de l’expression d’une malade, peut-on lire dans leur vie comme dans un livre ?
Cependant les amis les plus rapprochés des Médicis se groupèrent en foule autour de lui, et, lui faisant un rempart de leurs corps, le poussèrent dans la sacristie, dont Politien ferma les portes de bronze sur lui.
Si je l’ai prolongé, c’est d’abord par le désir de vous être agréable et de vous obéir, à vous si excellent, si savant, si sage, si bien mon ami, dont le zèle pour tout ce qui tient à ce grand homme se serait difficilement contenté, si j’avais été plus court ; enfin, poussé par une certaine douceur amère et, le dirai-je, par une foule de démangeaisons, à faire un retour sur le souvenir de ce grand homme et à m’y complaire.
« Cette farcissure est un peu hors de mon thème, disait-il joliment un jour qu’il avait fait un écart un peu fort : je m’égare, mais plutôt par licence que par mégarde ; mes fantaisies se suivent, mais parfois c’est de loin, et se regardent, mais d’une vue oblique… J’aime l’allure poétique, à sauts et à gambades… Mon esprit et mon style vont vagabondant de même230… Je n’ai point d’autre sergent de bande à ranger mes pièces que la fortune : à mesure que mes rêveries se présentent, je les entasse ; tantôt elles se pressent en foule, tantôt elles se traînent à la file231. » Il se couvrait de Plutarque, coutumier aussi de ces « gaillardes escapades », et il avait fini par trouver que ce désordre, qui ne lui donnait pas de peine, était l’ordre même de son sujet.
Les tours et les détours de l’interrogation socratique font passer devant nos yeux une foule d’idées, que Fénelon tantôt effleure et tantôt développe : sur les poètes et les orateurs anciens, sur les Pères de l’Église, sur la poésie biblique qu’il a profondément sentie, sur l’architecture gothique, dont il parle comme tout son temps avec ignorance et dégoût, etc.
La foule ne demande qu’une action, les femmes de la passion.
Et la cuirasse encore le gêne et la rondache pèse à son bras : alors il rejette tout cet arroi rigide, foule aux pieds l’écrasant appareil de la guerre et marche soudain libre dans les champs et les prés dont il compte les fleurs.
Ceux qui avaient applaudi sur le passage du parlement marchant de la grand’chambre au Louvre après ce coup d’État, n’étaient pas, disait-on, cette foule qui bat des mêmes mains à ce qui s’élève et à ce qui tombe ; c’étaient les gens de bien, les sages.
Puisque tout n’est qu’apparence et illusion, épargnons-nous d’aller « cueillir des remords dans la foule servile ».
Elle sera passionnée et passionnante ; elle s’adressera, non plus aux raffinés, mais à la foule ; elle deviendra militante, capable ainsi de soulever des enthousiasmes et des colères ; elle pourra exercer une action sur l’évolution d’un peuple, sur la marche d’une société.
Mill dit « que l’emploi du syllogisme n’est en réalité que l’emploi des propositions générales dans le raisonnement. » Or, une proposition générale n’est qu’un mémorandum, une « condensation » d’une foule d’inférences tirées des cas particuliers. « On peut raisonner sans elles, et c’est ce qu’on fait dans les cas les plus simples ; elles ne sont nécessaires que pour faire avancer et progresser le raisonnement. ?
Regarde ce qu’on appelle la vie comme une foire étrangère, un lieu d’émigration pour les hommes : foule, marché, tumulte, jeu de hasard, hôtellerie où l’on s’arrête.
Enfin la marquise, après cette explication, se dit convaincue, mais non pas persuadée encore ; elle n’est pas fâchée d’avoir à entendre une autre fois de nouvelles raisons : Mais six heures sonnent, et la foule des beaux esprits et des élégantes de Pontarlier va vous assaillir, lui dit Mirabeau.
En regardant cette foule, je songe que c’est une singulière chose que la justice de cette première postérité, qui suit un talent à peine refroidi.
Il n’y pas, je crois, d’homme d’État qui dût voir avec indifférence que la métaphysique dominante dans le monde savant prît son point de départ dans la sensation ou en dehors decelle-là, car les idées abstraites qui se rapportent à l’homme finissent toujours par s’infiltrer, je ne sais comment, jusque dans les mœurs de la foule. » Quelque peu métaphysicien qu’il fût, il avait bien pénétré le sens de certaines doctrines, en particulier du panthéisme, et il expliquait parfaitement le secret de son empire dans le siècle où nous vivons.
C’est pour cela même qu’en rangeant ses idées dans leur ordre véritable on est tristement forcé de renoncer à une foule de choses qu’on voudrait dire et que le bon arrangement à lui seul réfute et repousse comme contradictoires à ce qu’on entend prouver. » 254.
Le français est une langue vivante, répandue par toute l’Europe ; il y a des Français partout ; les étrangers viennent en foule à Paris ; combien de secours pour s’instruire de cette langue ?
Ceci terminé, elle écrivait jusqu’à cinq heures, si son père ne l’appelait pas auprès de lui. » (C’est probablement à cette heure que la fée de l’esprit, succédant à la fée des mains, elle traça cette foule de lettres et de pensées qui touchent à trop d’âmes et à trop de vies pour qu’on puisse les publier, et parmi lesquelles furent choisies scrupuleusement celles qui ne souffrent pas du demi-jour et qui n’en font souffrir personne.)
Le raisonnement par analogie ne donne jamais, je le veux bien, qu’une probabilité ; mais il y a une foule de cas où cette probabilité est assez haute pour équivaloir pratiquement à la certitude.
D’après la loi Papia Poppea (Des déshérences), le patrimoine du célibataire sans parents revenait au fisc, non comme héritage, mais comme pécule, ad populum, dit Tacite, tanquam omnium parentem …… Les premières cités se composèrent d’un ordre de nobles et d’une foule de peuples.
Il forme une littérature qui ne peut avoir rien de populaire, qui d’une part ne puise pas ses inspirations dans l’imagination populaire, d’autre part, n’est pas destinée à être comprise par le peuple, qui par conséquent, entre elle et la foule, soit pour recevoir, soit pour donner, dresse un rempart. […] Ce n’est pas là une débauche de fantaisie. — Grand artiste cependant et grand créateur, en ce que l’incident gai et imprévu, le détail curieux, l’anecdote bouffe, le tableau plaisant abondent dans sa cervelle féconde et, intarissablement sans monotonie, s’en élancent en tourbillonnant ; grand artiste dans ses portraits, dans ses croquis, dans ses vignettes, qui à chaque instant arrêtent les yeux et amusent le regard ; grand artiste dans ses larges descriptions de ville populeuse, de foule grouillante, de festin copieux, de beuverie large et bruyante ; grand artiste dans l’art de conter, qu’il a poussé plus loin qu’homme au monde, dans l’art de faire d’un récit un monde vrai où nous sommes transportés, où nous vivons, où nous circulons à travers les choses, où nous coudoyons les hommes, et où nous sentons le temps couler, ce qui fait, le récit lu, que nous avons vécu véritablement un jour de plus ; grand artiste enfin dans son style sobre le plus souvent et alerte, pittoresque et infiniment expressif quand il le faut, abondant et touffu à la rencontre, extrêmement varié comme le ton et l’accent d’un homme qui cause et qui a naturellement l’art de causer, toujours vrai, toujours sincère, toujours personnel, toujours sonnant la voix humaine, si savant avec cela que toutes les formes de style français, depuis celui de Bossuet jusqu’à celui de Voltaire, en passant par celui de La Bruyère, trouveraient, ce qu’on ne peut dire d’aucun autre de nos vieux auteurs, sinon leur modèle, du moins leur premier trait, déjà très marqué, dans l’historiographe de Panurge. […] Il fallait ensuite gouverner, non plus la cité, mais l’Église, poursuivre les hétérodoxes, extrêmement nombreux à cette époque, où le réveil religieux avait naturellement pour effet que chacun avait son système religieux, extrêmement nombreux surtout à Genève, où, par une illusion assez plaisante, mais naturelle, une foule de gens venaient pour penser librement. […] Admirable école de clarté que de ne pas mépriser la foule, et au contraire de la vouloir conquérir.
Et voici maintenant, sous cette lumière, le vrai visage de Madame Bovary : « Il y a ainsi une foule de sujets qui m’embêtent également par n’importe quel bout on les prend (sic). […] En se complaisant dans ses visions, il s’est toujours vu rongé et détruit par elles, et a connu sous leur tourbillon sa noblesse intérieure. « De la foule à nous, aucun lien, tant pis pour la foule, tant pis pour nous surtout. […] Ce qui lui appartient peut-être en propre de plus grand, c’est tout l’appareil de dramatisation psychologique qui fait vivre les sept péchés capitaux, et ce huitième péché que Flaubert appelle la logique, l’assaut de la chapelle par leur foule démoniaque, tout ce grouillement d’abstractions oratoires entraînées par une verbosité puissante et rayées des plus beaux éclairs dramatiques. […] et l’atelier de l’artiste, comme le lupanar de toutes les prostitutions de l’esprit, s’est ouvert pour recevoir la foule, satisfaire ses appétits, se plier à ses commodités et la divertir un peu.
C’est ainsi, ou à peu près, que Tartufe, qui est, dans la réalité (voir le texte de Molière), un gentilhomme de province, Un homme très intelligent, de beaucoup d’esprit, de façons séduisantes, bref, un aventurier d’assez haut vol, est devenu dans l’esprit des foules, grâce à trois ou quatre indications (d’ailleurs contradictoires à tout le reste de son personnage) sur sa trogne et sur sa gloutonnerie, un grossier bedeau, un ignoble rat de sacristie. — Pourquoi ? […] Victorien Sardou ne s’est montré plus habile (il l’est, à un ou deux moments, jusqu’à mépriser ses ordinaires habiletés), ni plus sûr de ses moyens, ni plus connaisseur de la foule, de ce qui lui plaît, de ce qui la secoue et de ce qui l’amuse. […] Présentement, Thermidor est, je pense, le seul drame qui, dans la plus grande partie de son développement, soit un drame de foule, et qui, dans quatre tableaux sur six, ait pour acteurs cent, deux cents, trois cents personnages, — et combien adroitement manœuvrés ! […] Quand on lui jette publiquement certains mots, la foule se jugerait déshonorée si elle ne paraissait pas profondément émue, et il y a des vers qui sont la carte forcée de l’applaudissement. […] Puis c’est la ruée de la foule, hurlante de patriotisme, derrière une tête coupée… Il faut vous dire que, tandis qu’Anna Vogt faisait sa besogne de mort, une autre jeune fille, Sonia Daniloff, une petite sainte tolstoïsante, suppliait son fiancé, l’héroïque général Caldas, de renoncer aux œuvres de la guerre.
On étudie de plus près le développement des sentiments ou des passions, et voici que l’on commence à discerner une foule de nuances dont il semble bien que les « anciens » n’eussent pas eu l’idée, ni même les écrivains de la génération précédente. […] C’est qu’en France l’intention purement littéraire a été dominée par l’intention sociale, et la manie de se singulariser par le besoin d’avoir en foule des approbateurs de sa singularité. […] Les jeunes gens, les femmes se rangent en foule du côté des modernes, sans parler des « Quarante », qui ne sont pas six en tout du côté de Racine et de Boileau. […] c’est cette savante Qu’estime Roberval et que Sauveur fréquente ; la géométrie n’en intéresse pas moins désormais jusqu’aux femmes ; et le spectacle d’une « dissection », que Molière trouvait si comique, lorsqu’il le faisait offrir par Thomas Diafoirus à l’Angélique du Malade imaginaire, est maintenant le spectacle où le sexe court en foule. […] « Les dames mêmes, entraînées par la mode, ont l’audace de venir se montrer à des assemblées si savantes. » — Elles courent de même en foule aux dissections de Du Verney ; — ce que font également de nombreux étrangers [Cf.
Seulement, tandis que tout à l’heure l’intérêt était dispersé, réparti également sur une foule de comparses, il est ici concentré sur quelques figures de premier plan. […] Il se comparait à cette foule des voyageurs uniquement intéressés par leurs affaires ou par leurs plaisirs. […] Lavedan nous a montré sous tous ses aspects dans une foule de petites scènes enlevées avec un incomparable brio. […] On appartient à la foule dont peut-être le rire imbécile va déchirer la trame subtilement tissée de vos rêves. […] C’était toujours, toujours la même chose quand elle passait à travers la foule comme en un sillon d’impureté.
Le poëte et son lecteur se sont figuré pendant une demi-heure des salles parées, des foules bruissantes ; un mince filet de bon sens ingénieux a coulé par-dessous la vapeur diaphane et dorée qu’ils se complaisaient à suivre ; c’en est assez, ils se sont amusés de leurs illusions fugitives et ne demandent rien au-delà. […] Nul édifice à Paris n’eût pu contenir la foule des disciples d’Abeilard ; quand il se retira dans une solitude, ils l’accompagnèrent en telle multitude, que le désert devint une ville.
Il console celui que Pline désespère ; il relève celui que Pline foule aux pieds. […] lorsque ses autels s’élevèrent au milieu de nos forêts ensanglantées par les couteaux des druides, que les opprimés vinrent en foule y chercher des asiles, que des ennemis irréconciliables s’y embrassèrent en pleurant, les tyrans émus sentirent, du haut des tours, les armes tomber de leurs mains: ils n’avaient connu que l’empire de la terreur, et ils voyaient naître celui de la charité.
On y trouve toujours une telle foule dans les bazars, que les gens qui vont à cheval font marcher devant eux des valets de pied pour fendre la presse et se faire faire passage, parce qu’en cent endroits on y est les uns sur les autres. […] Abas II avait défendu toutes ces boutiques quatre ans avant sa mort, sur ce que l’envie lui ayant pris un jour de passer au travers de la place, sans en avoir averti la veille, il y trouva une telle foule et un tel embarras, causé par tout cet étalage, que ses gardes et son train ne lui pouvaient faire faire place ; mais, étant parti peu après pour l’Hyrcanie, il donna permission d’en faire un marché comme auparavant, à cause du profit qu’on en tire: car cette place rend par jour environ cent francs, qu’on lève sur tous ceux qui y étalent, quoiqu’il y ait des boutiques qui ne donnent qu’un sou par jour.
Année 1895 Mercredi 2 janvier Ce soir, une femme agitant un éventail en plumes blanches, que je lui ai donné, me disait cette phrase gentille, et comme seules les femmes savent en trouver : « Pour moi, les choses que vous me donnez, et que je pose sur une commode, ou que j’accroche au mur, ne me sont de rien, je n’aime que les choses qui me suivent, que je porte avec moi, que mes doigts peuvent toucher, comme cet éventail. » Dimanche 6 janvier Carrière, qui était à la parade de la dégradation militaire de Dreyfus, perdu dans la foule, parlant de La Patrie en danger, me disait que moi, qui avais si bien rendu le mouvement fiévreux de la rue, pendant la Révolution, il aurait voulu que je fusse là, et que bien certainement, j’aurais tiré quelque chose du frisson de cette populace. […] Lundi 13 mai Un mot drolatique d’un trottin, qui, dans l’ovation de la foule, faite à l’amiral Avellan, au Cercle militaire, au milieu des acclamations et des vivats, répétait douloureusement : « Avec tout ça, il y a quelqu’un qui me pince les fesses !
La tragédie n’est pas pour cette école ce qu’elle est pour le bonhomme Gilles Shakespeare, par exemple, une source d’émotions de toute nature ; mais un cadre commode à la solution d’une foule de petits problèmes descriptifs qu’elle se propose chemin faisant. […] Il y aura foule dans le drame.
— Une foule d’objections se seront présentées à l’esprit de mes lecteurs bien avant qu’ils soient arrivés jusqu’à cette partie de mon travail. […] Si le témoignage de notre raison nous fait admirer avec enthousiasme dans la nature vivante une foule de combinaisons d’un mécanisme inimitable pour nos faibles moyens artificiels, néanmoins, cette même raison nous montre aussi d’autres combinaisons organiques plus défectueuses, bien que toutefois il faille avouer que nos jugements peuvent errer dans l’un comme dans l’autre cas.
Je tombai malade : mon médecin m’ordonna de voyager ; j’allai en Suisse, j’y restai trois mois, j’en revins avec une foule de souvenirs. […] À l’heure qu’il est, Lucrèce Borgia et Marie Tudor sont encore les deux drames qui saisissent et attirent le mieux la foule, en province comme à Paris.
N’a-t-elle pas été mieux servie par Grotius, par Bossuet, par Nicole, & par tant d’autres écrivains, dont on admire les ouvrages clairs, profonds & méthodiques, que par cette foule de Scholastiques, qui, depuis le douzième siècle, ont paru dans l’église, & dont les imaginations ne se sont exercées que sur des subtilités absurdes, sur des hypothèses extravagantes, sur de misérables disputes de mots. […] Sous Louis XIV, la sculpture cédoit encore, pour la fécondité, à la peinture, sa rivale, à l’exception du Puget, de Girardon & d’un petit nombre d’autres, qui sont ceux qu’on peut opposer au Poussin, à Le Brun, à Le Sueur, à Jouvenet, à Mignard, à Boulogne, à Vander-Meulen & à cette foule d’excellens maîtres qui vivoient dans le même temps ? […] Insensiblement ces révérends pères devinrent à la mode dans toute l’Italie : ils virent venir à eux, en foule, des religieux de tous les ordres, mais particulièrement de celui des frères mineurs(*). […] Ce même écrivain cite ces paroles de l’évêque de Montpellier, Colbert : « Si Paul V s’étoit rendu aux sages remontrances qui furent faites pour publier la bulle contre Molina, il auroit épargné à l’église tous les maux qu’elle éprouva depuis ; au saint siège, cette foule de décrets qu’a produits sa complaisance pour les jésuites ; aux jésuites, le malheur d’être devenus une pierre d’achoppement dans Israël ; aux fidèles, celui d’être dirigés par des hommes qui ne connoissent de la religion que l’extérieur, qui ont établi des maximes pour justifier les péchés, & qui, voulant accorder les passions avec l’évangile, ne réforment pas les passions, mais détruisent l’évangile ».
Mais même après ce bond qu’elle fait, elle reste hésitante entre plusieurs satisfactions possibles et ne se met exclusivement au service de l’acte génital qu’au moment de la puberté et par une sorte d’opération synthétique fort complexe et sujette à une foule d’accidents. […] — de même Proust se place en face de ce monde immergé qu’il se sent être, de toute cette foule de perceptions éteintes, disparues dont il se sent pourtant encore actuellement constitué, et il les appelle, et il les invoque, et il les force à remonter : Je sens tressaillir en moi quelque chose qui se déplace, voudrait s’élever, quelque chose qu’on aurait désancré, à une grande profondeur ; je ne sais ce que c’est, mais cela monte lentement ; j’éprouve la résistance et j’entends la rumeur des distances traversées 22. […] Car ce qu’il a fait, ce qu’il a conquis sur l’inconscient, n’est-ce pas exactement la même chose que ce que Vinteuil lui a arraché par son génie, dans un passage de Swann sur lequel je vous demanderai la permission de finir ces causeries : Comme si les instrumentistes, beaucoup moins jouaient la petite phrase qu’ils n’exécutaient les rites exigés d’elle pour qu’elle apparût, et procédaient aux incantations nécessaires pour obtenir et prolonger quelques instants le prodige de son évocation, Swann, qui ne pouvait pas plus la voir que si elle avait appartenu à un monde ultra-violet, et qui goûtait comme le rafraîchissement d’une métamorphose dans la cécité momentanée dont il était frappé en approchant d’elle, Swann la sentait présente, comme une déesse protectrice et confidente de son amour, et qui pour pouvoir arriver jusqu’à lui devant la foule et l’emmener à l’écart pour lui parler, avait revêtu le déguisement de cette apparence sonore. […] Vous trouverez d’ailleurs dans le numéro spécial, que la Nouvelle Revue française lui a consacré après sa mort, une foule de renseignements, qui vous aideront à vous imaginer sa tournure, son vêtement et ses moindres tics.
Tout ce qui a pu allumer dans la foule des passions dangereuses, tout ce qui a pu gâter l’imagination de la jeunesse ou égarer l’inexpérience de quelques femmes trop liseuses, se trouve relevé avec soin. […] Les juges les plus autorisés se rencontraient là-dessus avec ces critiques obscurs perdus dans la foule, qui n’en sont souvent que mieux placés pour exprimer avec à-propos certains courants de l’opinion. […] Qui supprime le libre arbitre rejette logiquement le goût, libre arbitre de l’intelligence, qui consiste à choisir entre une foule confuse de détails également vrais les seuls qu’il convienne à l’art de reproduire. […] Il pousse contre elles le cri d’envie du mérite pauvre et méconnu, de l’ambition industrieuse perdue dans la foule et éclaboussée par de brillants carrosses, dans lesquels peut-être ni soins, ni efforts, ni génie ne le feront jamais monter. […] Parmi tant de personnages qui ont trop entre eux l’air de famille, quelques-uns le portent marqué en traits plus vifs ou plus doux ; c’est assez pour les tirer de la foule.
Cette espèce de « mystère » attirait la foule par son surnaturel et par ses « trucs », par la statue ambulante et par les flammes qui jaillissent du plancher. […] Une foule anxieuse se pressait lundi dernier à la Comédie française. […] Vacquerie, cela fait quelque chose de singulier et de puissant, mais où la foule ne saurait entrer du premier coup. […] Et si au bout de vingt ans elle a encore sur la foule, même résistante, une telle prise, ne serait-ce point enfin par ce qu’elle contient de romantisme, de ce romantisme tant raillé aujourd’hui, et avec si peu de discernement ? […] Au premier coup d’archet qui sur la scène mettait en branle les dieux de l’Olympe et des Enfers, il semblait que la foule fût
Il entretient une énorme correspondance avec une foule d’hommes distingués. […] Regardez autour de vous : une foule de gens pratiquent ces principes, sans seulement s’en douter, avec la sérénité que donne l’inconscience, dans la paix de l’irréflexion. […] Au sommet, il est très haut : tranquille, il regarde passer la foule des êtres, parmi lesquels il en est un — lui-même — qui est plus grand, qui les domine, qu’il suit d’un œil complaisant. […] Un livre ne vit pas parce qu’on le commente encore, comme nous venons de commenter celui-là : est-ce qu’on ne commente pas, jusque dans les écoles, des foules de traités qui, cependant, sont bien morts ? […] La foule est devenue le propre tyran d’elle-même. — Tous les apôtres de la liberté me furent toujours odieux : chacun ne cherchait au fond que l’arbitraire pour vivre.
Pour cela, nous devrons recourir aux exemples, dans la foule desquels j’en ai choisi trois, que je tâcherai de développer avec l’ampleur qu’eux-mêmes, et le sujet qu’ils nous serviront à éclaircir, me semblent mériter. […] Et, dès à présent, si l’apparition de certaines espèces, en un point donné de l’espace et du temps, a pour effet de causer la disparition de certaines autres espèces ; ou encore, s’il est vrai que la lutte pour la vie ne soit jamais plus âpre qu’entre espèces voisines, les exemples ne s’offrent-ils pas en foule pour nous rappeler qu’il n’en est pas autrement dans l’histoire de la littérature et de l’art ? […] Ceci veut dire, en français plus moderne et en termes plus généraux, que le plaisir qu’elle procure à la foule est un juge ordinairement douteux, et même partial, de la valeur d’une œuvre d’art. […] On veut se « distinguer », se tirer de la foule ; on veut dire des choses « qui ne s’attendent point » ; et l’originalité qu’il n’est jamais facile, ni même toujours possible, de mettre dans les choses que l’on dit, parce qu’il faut avoir quelque chose à dire, on la met, on essaye au moins de la mettre dans la manière dont on dit les choses, dans l’usage imprévu que l’on fait des mots, dans le tour de la phrase. […] Les Grecs et les Romains reparaissent en foule sur la scène, avec les Chénier, les Arnault, les Legouvé, les Luce de Lancival : Caïus Gracchus, Horatius Coclès, Epicharis et Néron, Mucius Scaevola.
C’est Dieu qui parle par la voix des foules, et Lamennais n’a reculé devant aucune des conséquences de son principe. Aussi, n’est-ce pas sans raison, — sans une espèce de raison instinctive, confuse, et profonde, — que la mémoire des foules lui est reconnaissante encore de ce qu’il a tenté pour fonder le droit du nombre sur un titre authentique. […] Il suit son siècle, comme autrefois Voltaire, ou plutôt il va où l’entraîne la foule. […] Qu’importe après cela que la foule, et quelques poètes même, comme Lamartine et Hugo, n’aient appris que beaucoup plus tard à prononcer le nom de Leconte de Lisle ! […] d’empêcher la foule de déserter les théâtres pour courir aux cafés-concerts, oh !
Descartes a dit (au moins la foule l’a entendu ainsi) : « Ce qui est vrai, c’est ce qui est clair. » Notre meilleur professeur de philosophie de l’École normale, en présence d’un de ces systèmes qui en deux mots rendent compte de tout, disait doucement : « Oui, oui ; … c’est trop clair pour être vrai. » Il n’était pas très cartésien ce jour-là. […] Ce serait la fin de tout. » Il me semble que vous commencez à comprendre que ce serait au moins la fin d’une foule de choses auxquelles je tiens et auxquelles nous devons tous tenir. […] Uniquement en exploitant une idée générale et, selon les temps, celle-ci ou celle-là, celle qui, à un moment donné, a les faveurs de la foule ou d’une partie au moins très considérable du pays. […] Vous tenez compte, dans chaque circonscription, des voix de ceux qui n’obéissent pas « aux grands courants », qui ne suivent pas la foule, qui ne sont pas, comme dit Nietzsche, « bêtes de troupeau ». […] Notez que cela se démontre déjà par une foule de signes.
Il accueille les bons dévots de l’art, il les recommande à la foule incertaine. […] À présent, ce n’est pas l’excès de littérature, non, c’est la foule et c’est la houle des illettrés qui nous menace et qui avilirait le culte de la déesse. […] Certaines de ces filles n’étaient pas d’abominables gourgandines ; et, dans la foule des meurtrières, voleuses et créatures dégoutantes, l’on aperçoit une petite dévergondée, sans doute élégante, une Manon. […] Si l’on recommande à l’admiration de la foule un écrivain qui méprise le bon vocabulaire et la vraie syntaxe de France, on met en plus grand péril notre langue, déjà si éprouvée, si menacée par l’incessante barbarie des ignorants et des sots. […] Nous nous perdons dans la foule des vainqueurs de l’Allemagne et la victoire saisie par vingt bras échappe facilement à une emprise aussi maladroite.
Seulement, ce sera à moi de juger si je dois ou non sortir de l’Hôtel ; mais tant que je pourrai me tenir ferme dans la foule, j’y marcherai. » (18 mai 1843).
Je les vois se dresser en foule, frapper à la porte du Dictionnaire de l’usage et vouloir en forcer l’entrée.
La Bruyère, après cela, a bien d’autres applications possibles par cette foule de pensées ingénieusement profondes sur l’homme et sur la vie.
L’esprit, subitement peuplé de leur foule remuante, ressemble à une boîte de rotifères desséchés, inertes depuis dix ans, et qui, tout d’un coup, saupoudrés d’eau, recommencent à vivre et à fourmiller.
« Ailleurs Chateaubriand dit en prose : « L’antique et riante Italie m’offrit la foule de ses chefs-d’œuvre.
Mais ils sont pour la foule comme des interprètes qui l’aident à comprendre les écrivains supérieurs.
Malherbe et Balzac sont dignes d’admiration, pour avoir formé la foule, et l’avoir comme préparée, celui-ci, aux sublimes beautés de Corneille ; celui-là, à des écrits en prose plus substantiels et plus décisifs que les siens, par exemple ceux de Descartes.
L’autre, qui est le don de choisir parmi les pensées justes celles qui le sont pour les esprits les plus exquis ; de saisir des vérités qui échappent à la foule et de se rendre personnelles celles qui lui appartiennent ; d’être subtil sans raffiner ; de dire du nouveau et d’être vrai ; de sentir plus délicatement que tout le monde ce que tout le monde sent ; d’avoir un naturel à soi, que les autres reconnaissent par le leur ; cet esprit, qui est celui des personnes cultivées dans notre pays, Mme de Sévigné en a plus que sa part, elle le personnifie.
Elle dira que la société n’est que ce que l’ont faite les esprits exceptionnels qui ont tracé les voies où la foule s’est engagée.
Et pourtant il y aurait à en extraire une foule de données précieuses pour l’histoire des religions comparées.
Alors, les beautés se succèdent, selon la plus étonnante des progressions : le rêve d’Elsa, l’appel du héraut, deux fois répété dans un mortel silence de l’orchestre et des chœurs, l’invocation fervente de la vierge par tous abandonnée, l’apparition de la nacelle sur les méandres lointains du fleuve, la stupeur, l’allégresse de la foule, traduites en un double ensemble choral d’une animation prodigieusement réelle ; puis l’adieu au cygne, l’interdiction faite à Elsa par Lohengrin, l’ouverture du champ clos, le combat, la victoire.
Les instincts bruts, les ruts sauvages démuselés s’y déchaînent ; la ménagerie qu’il y a au fond de toute foule humaine, est lâchée.
Dès qu’elles sont pleines de sottises ou de vérités, elles sont contentes. » Il y a des sciences entières fausses, c’est-à-dire fondées sur ce qui n’est pas (on voit bien qu’il en veut surtout à la théologie et à l’ancienne métaphysique), et ces sciences doivent leur origine à de faux rapports revêtus de mots dont se paye ensuite le vulgaire et même la foule des lettrés : Les signes restent, dit-il, et portent dans les générations suivantes l’existence des chimères et l’épouvante qu’elles causent.
Mais il est rare qu’une image soit seule, qu’une idée soit ce qu’on appelle une idée fixe : n’oublions pas qu’une foule d’autres images luttent pour la vie et exercent leur pression sur l’image actuellement dominante, en déployant dans la lutte des intensités variables.
10 janvier Le trouble, l’étourdissement, une espèce d’épouvante : voilà ce qu’aujourd’hui les foules produisent sur mon pauvre être nerveux.
Le pas de tout ce monde sur l’asphalte, c’est le grondement d’une mer… Je n’ai jamais vu de ma vie sur les boulevards, une foule pareille… « C’est vous ici, me jette Burty d’une chaise, où il est assis au café Bignon, au milieu des rédacteurs de La République française.
C’est pour la même raison que le parfait honnête homme juge ses moindres défaillances morales avec une sévérité que la foule réserve aux actes vraiment délictueux.
C’est ce qui a lieu, et d’une façon moins satirique, dans une foule de fables de La Fontaine.
Il nous a dénombré en Virgile une foule de qualités d’un ordre élevé, mais littérairement secondaires : l’amour de la campagne et le talent spécial de décrire les choses de la nature, l’érudition, même celle des livres, cette triste poussière dont l’abeille romaine sut faire un miel d’or, le patriotisme tempéré par un esprit déjà moderne d’humanité universelle, etc., s’attachant avec raison à ces nuances qu’on ne pouvait pas oublier, mais n’allant pas plus loin que ces détails, extérieurs au génie, qui le parent, mais qui ne le constituent pas.
C’est vous qui m’avez appris à fuir les sentiers de la foule et, au lieu d’élever ma fortune, à tâcher d’élever mon cœur. » Il a été ministre, pair de France, professeur, à quoi a-t-il donc renoncé ?
Ainsi, je crois que si notre science du mécanisme cérébral était parfaite, et parfaite aussi notre psychologie, nous pourrions deviner ce qui se passe dans le cerveau pour un état d’âme déterminé ; mais l’opération inverse serait impossible, parce que nous aurions le choix, pour un même état du cerveau, entre une foule d’états d’âme différents, également appropriés 4.
On ne le discernait guère de la foule médiocre et obscure des imitateurs ; Lui-même, une première fois, avait rassemblé cette gerbe dont l’épaisseur l’a voilé. […] La foule de ses maîtresses rappelle déjà le sérail. […] Sa vocation était la pensée ; ses instincts l’attiraient vers les sphères de la raison pure ; la Destinée le jeta au gouvernail du monde en détresse ; elle le plongea jusqu’à la tête dans cette foule humaine qu’il était né pour contempler du rivage. […] La reine parut au balcon et dit que le roi dormait. « Il a dormi trop longtemps », — s’écria une voix partie de la foule, — « il est grand temps qu’il se réveille. » Alors la reine se retira en pleurant, et, quelques instants après, le roi apparut. […] C’est un bel adolescent qui s’appuie, à un arbre ou à une colonne, les mains croisées sur sa tête : son pied foule mollement une torche éteinte.
Il abattit même le dernier d’un seul coup d’espadon, aux cris d’une foule en délire. […] L’observation a été faite cent fois : cette danseuse, qui tout à l’heure, sur la scène, donnait à ses mouvements une grâce légère, un rythme, une volupté d’art qui était la poésie même et le rêve, voyez-la maintenant dans la rue : elle marche lourdement et son allure n’a rien qui la distingue de la foule obscure. […] Montufar et la coquine, qui ne le quittait point, étaient entourés d’une foule de personnes qui baisaient leurs vêtements et les suppliaient de ne les point oublier dans leurs prières. […] Ainsi évoquées, les âmes des morts sortent en foule de la terre et se jettent avidement sur le sang qui dégoutte des victimes égorgées. […] « C’est qu’en effet, dit-il, ces livres maladifs d’art et de passion mettent dans le jour le plus vif les habitudes morales d’une jeunesse d’extrême civilisation, clairsemée dans la foule assurément, mais qui, si l’on en réunissait les membres épars, apparaîtrait plus compacte qu’on ne croit. » Et puis enfin (aucun lettré ne s’y trompera) M.
Chemin de fer, usine, cités, petites villes provinciales (les campagnes demain), luttes politiques et sociales, rêves de morale et de Bonheur, foules grouillantes dans le fer et la pierre des constructions géantes, en une vie surchauffée et comme à plusieurs atmosphères cela accuse une beauté puissante et tragique, et l’on pense à un Whitman non morcelé, mais de successions de fresques reliées par la longue théorie des aperçus sociologiques, des espoirs de demain, des stupres du présent, et surtout par cette doctrine évolutive algrébrée par M. […] Que de la Foule, cette Foule idéale « qui tout à coup a besoin, écrit-il, de se trouver face à face avec l’Indicible ou le Pur, la poésie sans les mots », serait partie une ruée de rires et d’interpellations moins pures, et certainement indicibles ! […] De plus, et tout au principe il me semble, il a été hanté (ne connaissant point, par exemple, les représentations religieuses très supérieures des temples du Thibet) par le cérémonial émouvant du culte catholique, tel qu’il se pratiquait sous les lueurs des verrières de nos cathédrales, quand l’âme de la Foule communiait à l’âme de l’Officiant au Moyen Age et que, par les répons aux paroles du prêtre à l’autel, s’établissait entre eux un dialogue prenant et mystique… Il est à ce propos deux ou trois pages pleines de grandeur suggestive, malgré la prose compliquée, dans le volume des Divagations 93.
Cette foule immense agissait inévitablement sur le professeur, animait, élevait, précipitait sa parole. […] Les trop éclatants succès de 1828 servirent du moins à retenir la foule et à lui faire supporter des expositions plus solides que brillantes et des discussions sévères. […] Mais ceux qui sont sur le premier plan et représentent davantage l’esprit de leur peuple sont encore un assez grand nombre, une foule, dans laquelle se détache une nouvelle élite d’individus qui représentent leurs semblables avec plus de fidélité et d’éclat ; et il est impossible qu’il en soit autrement. […] D’ailleurs la guerre exige, à un haut degré, une forte individualité ; car si la foule et les soldats n’ont besoin que d’enthousiasme et de discipline, le chef, qui préside aux mouvements de cette foule, doit joindre à l’enthousiasme qui le fait sympathiser avec son armée, cette réflexion toujours présente, qui, à chaque minute, délibère et se résout, calcule et décide. […] Parmi tant de noms qui se présentent en foule, je ne rappellerai que ceux de mes trois savants amis, MM.
Au quatrième degré viendra le toucher, à qui nous devons une foule de notions très précises. […] Nous observons dans la nature une foule de triangles : nous en abstrayons un triangle idéal. […] Une foule de solutions contradictoires ont été proposées.
Une foule de détails curieux, instructifs et « suggestifs » sont contenus dans ce petit livre de format modeste. […] Il comprend et pénètre « l’état d’âme » d’un démocrate, d’un aristocrate, d’un conservateur, d’un croyant, d’un athée, d’un sceptique, d’un artiste, d’un dilettante avec sûreté et aisance ; et tout cela est indispensable pour bien entendre une comédie, qui, plus tard, avec Ménandre et ses imitateurs latins, et ses imitateurs modernes, est devenue très restreinte et particulière en son objet ; mais qui, du temps des Eupolis et des Aristophane, touchait à une foule de sujets divers, et notamment à tous. […] La littérature a une foule d’excellents effets et d’excellentes influences ; mais, comme toute chose, elle a son danger aussi, quand elle prend une grande importance dans la vie d’une nation. […] Ces flambeaux, ce bûcher, cette nuit enflammée, Ces aigles, ces faisceaux, ce peuple, cette armée, Cette foule de rois, ces consuls, ce sénat, Qui tous de mon amant empruntaient leur éclat ; Cette pourpre, cet or que rehaussait sa gloire, Et ces lauriers encor témoins de sa victoire ; Tous ces yeux qu’on voyait venir de toutes parts Confondre sur lui seul leurs avides regards ; Ce port majestueux, cette douce présence… Et Andromaque, qui, certes, ne songe pas à « faire une description » ; mais qui, pour se raffermir et se renfoncer dans la haine de Pyrrhus, appelle à son secours des souvenirs de Troie, s’exalte à cette lugubre ressouvenance, et laisse se faire en son esprit, plutôt qu’elle ne le fait, ce tableau, prodigieux en sa sobriété, du carnage suprême : Songe, songe, Céphise… Au fond, sans y penser, ce qu’elle dit, c’est : « Songe, Andromaque… » Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle. […] L’aube en blanchit le faîte, y fait comme une gloire adoucie et tendre, où s’envolerait une Espérance aux ailes épanouies… Des lévites sortant en foule de l’ombre de ces piliers ; à cette place, éclairée d’en haut, un trône de roi ou de pontife, le livre saint, l’arche, le glaive sacré, un grand prêtre appelant le peuple fidèle à la défense de quelque cause sainte.
En face d’œuvres qui ont puissamment ému des foules où toutes les classes sociales étaient représentées, qui ont troublé au même degré des esprits simples et des esprits raffinés, qui ont exercé d’irrésistible manière leur contagion sur les âmes les plus compliquées et sur les cœurs les plus naïfs, qui ont même fait plus, qui ont réveillé dans la conscience de notre société blasée et désemparée la notion d’un haut idéal esthétique et moral, il est resté, lui, complètement insensible ! […] J’admire ce mystérieux pouvoir de soumettre une foule de passions particulières, se développant chacune en des sens différents, à la grande ligne directrice d’une unique passion totale. […] Chacun des actes de ses drames constitue à la fois l’histoire particulière d’une foule d’individus et une histoire collective. […] L’extraordinaire impression, par exemple, que la Symphonie en ut mineur de Beethoven, bien jouée, produit toujours sur les foules les moins sensibles à l’art symphonique, résulte certainement de la persistance tout à fait caractéristique d’un même rythme dans tout le premier morceau ; et il en est de même du finale de la Symphonie en la (VII). […] Toute cette musique du romantisme n’était d’ailleurs pas assez noble, pas assez de la musique pour garder encore raison ailleurs qu’au théâtre et devant la foule ; elle était du premier abord de la musique de second ordre qui, parmi les musiciens véritables, entrait très peu ex ligne de compte.
Elle ne comporte pas de ces négligences que Lamartine laisse trop souvent échapper et que, suivant l’expression de Charles Nodier, « il jetait de son char à la foule en expiation de son génie » : Hélas combien de fois seul, veillant sur ces cimes Où notre âme plus libre a des yeux plus sublimes, Beaux astres, fleurs du ciel dont le lis est jaloux, J’ai murmuré tout bas : « Que ne suis-je un de vous ! […] Nous croyons sincèrement que ce poète eut souvent de mauvais conseillers et que son génie aurait gagné à ne pas se clore dans une petite chapelle, à se mêler au monde et à se livrer, sinon à la foule, du moins à tous les esprits capables de juger et de réfléchir. […] Il réclame des almanachs où les saints laïques aient leur place, des légendes de la vérité où soient inscrits les martyrs de toutes les libertés il appelle surtout des fêtes avec l’expansion chaleureuse d’une foule sympathique. […] Et dès les premières strophes il s’écriait : Vérités que la foule insulte, Indignations des grands cœurs, Décrets de la justice occulte, Dressez-vous contre les vainqueurs. […] Il est temps que, selon l’expression de Michelet, de nouveau « la flamme morale tombe sur la foule ardente ».
« De là suit, dit Cuvier, une certaine forme du condyle pour que les mâchoires s’engrènent à la façon des ciseaux, un certain volume dans le muscle crotaphyte, une étendue dans la fosse qui le reçoit, une certaine convexité de l’arcade zygomatique sous laquelle il passe, et une foule de caractères du squelette, des articulations et des muscles moteurs… La forme de la dent entraîne celle du condyle, celle de l’omoplate, celle des ongles, tout comme l’équation d’une courbe entraîne toutes ses propriétés, et, de même qu’en prenant séparément chaque propriété pour base d’une équation particulière, on retrouverait et l’équation ordinaire et toutes ses autres propriétés quelconques, de même l’ongle, l’omoplate, le condyle, le fémur et tous les autres os, pris séparément, donnent la dent et se donnent réciproquement. » — Cela est si vrai que, dans le même animal, la métamorphose d’un organe entraîne une métamorphose appropriée du reste. […] Partout où l’on peut ainsi isoler et observer les éléments d’un composé, on peut, par les propriétés des éléments, expliquer les propriétés du composé, et, de quelques lois générales, déduire une foule de lois particulières.
Je ne lui reconnais absolument qu’une qualité, c’est le grouillement d’une foule, comme dans le Massacre de Liège, comme dans le Boissy d’Anglas, et où l’exagération de la mimique de chacun, disparaît dans le mouvement général de tous. […] Les Arènes, un petit Colisée, où le noir des foules modernes, fait si bien, par place, sur l’orangé et le gris de la pierre effritée, et là dedans, çà et là, la luminosité douce d’une Arlésienne dans son costume : une merveille d’arrangement et d’harmonie.
Cela seul peut expliquer qu’on n’ait point encore tiré de son œuvre une métaphysique, une éthique, une politique, et même une psychologie qui l’eussent divinisé ; car la foule respecte héréditairement les prêtres, les cartomanciennes et les philosophes. […] Je veux dire que Les Pacifiques sont l’œuvre, qui recevrait — popularisé — l’accueil le plus évidemment enthousiaste de la foule et posséderait l’action la plus efficace sur l’âme des plèbes.
Celui qui lit un poète lyrique, s’isole dans sa rêverie ; celui qui lit un roman, prend part à une action… en pensée : celui qui va au théâtre, entre en contact direct avec la masse ; auteur et spectateur obéissent à la psychologie des foules. […] Distraction facile, émotion violente et passagère, grossissement des vices et des vertus, extériorisation de la conscience, curiosité des conflits, des péripéties, des perversités, et toujours par le contact avec la foule, par la lumière, la forme plastique, la musique, voilà de quoi est fait le goût du spectacle qui, à son degré aigu, se retrouve à toutes les époques de crise morale.
D’ailleurs Henry, tout au moins, sera de ceux que la foule envie : homme pratique, adroit et clairvoyant, il va droit à la richesse et aux honneurs. […] Cet athée endurci arrache aux griffes d’une foule stupide et sanguinaire un vieux moine, le père Longuemare, le recueille et le nourrit dans sa mansarde. […] Tous les synonymes, les succédanés et les dérivés du mot fameux lui arrivent en foule : il les accueille tous et les imprime en toutes lettres. […] Paul Claudel n’a pas beaucoup recherché les suffrages de la foule. […] Seulement la symphonie n’est pas l’œuvre d’une foule, mais d’un musicien, généralement supérieur à celui qui travaille pour les ténors.
C’est que lieux principes ont empêché ces prémisses de porter dans sa pensée leurs dernières conséquences, si d’abord jamais homme n’a plus énergiquement récusé l’autorité des opinions communes ou du consentement universel, ni maintenu, naturellement, avec plus de fermeté, contre le droit prétendu des foules, celui de la conscience errante, ou, comme nous dirions, des minorités intellectuelles. […] Ce dédain de l’autorité populaire a permis à Bayle en son temps, et permettrait encore à ceux qui suivraient sa morale, de croire, en toute occasion, qu’ils ont mieux vu que les autres, ou même que, de penser autrement que la foule, c’est justement une présomption, sinon la preuve, qu’ils ont bien vu. Pour s’enquérir de la vérité, la foule n’a ni le temps, ni la capacité, ni le discernement, mais surtout elle n’a pas la liberté d’esprit qu’il faudrait. […] Ainsi des foules et des assemblées. […] Entrez ici : la foule des beaux-arts, Enfants du goût, se montre à nos regards.
Heredia savait sur lui une foule d’anecdotes, que Theuriet a, d’ailleurs, racontées lui-même dans ses Souvenirs de Vertes saisons. […] Il haïssait les fêtes publiques et la foule ; mais, à la moindre rumeur, on le voyait errer dans la rue, à la recherche de ses amis. […] La fête de la Maintenance du costume national avait attiré à Arles une foule de jeunes filles, vêtues de la toilette rustique qui fait si merveilleusement valoir une beauté de race que les siècles n’ont pu détruire. […] On signala l’arrivée des filles de Maillane ayant Mistral à leur tête, et ce fut un spectacle inoubliable, par un beau ciel d’Avril découpant les Arènes, lorsque, devant la foule assemblée au théâtre antique, Mistral se leva et prit la parole pour conjurer les filles du peuple de garder leur jolie robe Arlésienne, qui date d’ailieurs du 19e siècle. […] Quelques instants après il montait sur l’estrade et soulevait la foule.
Encore une fois, il n’y avait rien là dedans du professeur, de cette sorte de fontaine publique jaillissante et retentissante, où tous vont en foule s’abreuver.
La devise du mort qui ornait le catafalque : Re que Diou, qu’on traduisait par : Rien que Dieu, mais qui, selon l’interprétation de la famille, veut dire : Pas d’autre roi que Dieu, semblait une dernière et sanglante ironie aux yeux de la foule.
Villemain, un jour d’été de 1827, vers la fin du ministère Villèle, un auditeur s’était glissé dans la foule, quelques instants avant l’entrée du maître ; mais il s’était mal dérobé aux regards, en s’asseyant bien vite sous la statue de Fénelon.
…………………………………………………………… …………………………………………………………… Il allait, il montait, le chemin en spirale, D’imprévus horizons en ravissant les yeux, Des vignes aux sapins, sauvage cathédrale, De la foule au désert, des abîmes aux cieux.
Ce ne sont pas les multitudes qui dictent les arrêts de la sagesse des nations ; les diplomates ne sont pas la foule.
Là, j’étais avec mon grand-père, des oncles, des aïeux, une foule de morts aimés.
…………………… Une mer apparut, aux hurlements sauvages Et cette mer semblait la gardienne des mondes Défendus aux vivants, d’où nul n’est revenu ; Mais, l’âme par-delà l’horizon morne et nu, De mille et mille troncs couvrant les noires ondes, La foule des Kimris vogua vers l’inconnu13.
On y parle aux Foules en plein air, grâce aux organes puissants dont la Nature a généreusement gratifié ses enfants.
Ritt et Gailhard sont résolus à repousser toutes nouveautés dangereuses : ils ont donné Tabarin, une pantomime agréable, accompagnée, je crois, de chants et de musique ; ils nous ont rendu Faust, avec une foule de chanteurs et d’airs renouvelés ; enfin ils nous promettent Rigoletto, pour attendre un grand opéra de Clapisson.
» dit encore le noir capitaine, et laissant la foule épouvantée de son nom proclamé, il disparaît en blasphémant.
si Jésus venait à passer sur la route déserte, avec quel bonheur on jetterait derrière soi tout ce qui fait le bonheur pour la foule, en quelle extase on suivrait Celui qui serait la voie et la vie, et comme on laisserait indifférent les morts ensevelir les morts… Hélas !
La situation est poignante ; elle est de celles qui étreignent l’intérêt jusqu’à la terreur : il y a eu là un moment où l’on entendait battre distinctement le cœur de la foule, M. de Nanjac dévore d’un trait, comme du poison, cette lettre maudite et il éclate en sanglots de rage.
Il est universel et de tous les temps que le langage poétique, et des lettrés, de plus en plus s’éloigne du langage des Foules : l’un ne pouvant être, ainsi que nous le disions, qu’un rapide intermédiaire, de quotidien et précis usage et aux seules qualités de concision, — et l’autre exigeant, de par son origine double, tous les apports de musique verbale, et picturaux et plastiques — et rythmiques, en perceptions et représentations les plus rares et retravaillées sans cesse.
Qui sait si un jour les démocraties qui viendront, n’auront pas l’idée d’élever aux gloires de la France, un Panthéon de souvenirs et de commémoration, accessible à l’intelligence des yeux de tous, et que les foules liront sans épeler, — un Versailles en cire ?
» De tous les carbonates, un seul est usuel et son usage est constant ; on le tire de la foule, on le spécifie, et avec quelle simplicité de moyens : par un changement de genre.
Que sur l’herbe des cimetières Il foule, indifférent, les pierres Sans savoir laquelle prier !
Cependant ils n’ont pu ignorer que de tous les chefs-d’œuvre dont ils croient depuis cinq ou six ans avoir enrichi leur scène, aucun n’a reçu, dans les départements, cet accueil bienveillant qui les attache au répertoire, et les fait ressembler à ceux Où tout Paris en foule apporte ses suffrages, Et qui, toujours plus beaux, plus ils sont regardés, Sont au bout de vingt ans encor redemandés.
Rhéteur et bel esprit à force de mémoire, mais au fond trop dépourvu de ressources et de vigueur pour avoir été un sophiste, ce Gorgias manqué de notre temps passera dans l’histoire comme cette foule de beaux esprits dont les noms fatiguent, le regard sans l’intéresser.
Proudhon, comme une foule d’autres, hélas !
; avec les foules — (il y en a toujours plusieurs, dans Hugo, comme plusieurs infinis !)
Et déjà, dans une foule de livres que je pourrais nommer, il l’y avait prise… Mais il y était mêlé à des choses plus ou moins élevées, qui en atténuaient l’effet immonde.
Tous ses héros ne sont pas des héros ; ils sont de taille de foule, et ils vivent coude à coude avec ce qu’il y a de plus commun dans l’humanité.
Les Joseph Hudault et les Pierre de Rozières sont représentatifs d’une foule d’admirables jeunes gens, plus nombreux, plus ardents à mesure que s’approchait la guerre, et qui cherchaient pour eux-mêmes et pour le pays une discipline de vie.
De 1601 à 1608, il anima de ses mains enchantées une assez grande foule, je pense, d’ombres désolées ou furieuses. […] Renan les fonctions de directeur spirituel de la foule humaine. […] Du fond de sa retraite, il évoque l’âme des foules. […] Alors, tandis que s’écoulait la foule des lettrés et des mondaines, je m’abandonnai à des rêveries vagues et douces. […] Dans la route banale où leur foule s’engage Ils trouvent la fortune et l’applaudissement ; Mais la noble pensée et le noble langage Par eux ne seront pas foulés impunément.
En votre propre moi, ne distinguez-vous pas l’homme du matin et l’homme du soir, l’homme de la raison et l’homme de la sensation, l’homme des affaires et l’homme des plaisirs, l’homme d’étude et l’homme du monde, l’homme de sang-froid et l’homme d’enthousiasme (après qu’il a pris un peu de café et entendu un peu de bonne musique), l’homme des livres et l’homme des théâtres, l’homme de la solitude et l’homme de la foule, l’homme en robe de chambre et l’homme en habit ? […] Voilà bien des qualités distinctes et des manières différentes de rendre et de comprendre la nature ; croit-on cependant qu’il n’y en ait pas encore une foule d’autres, qui toutes ont leur prix et dont il a été fourni d’admirables exemples ? […] Charles Clément, avait fait affluer en Italie une foule d’ouvriers habiles, qui y apportèrent les traditions de leur pays, mais qui ne tardèrent pas à se laisser entraîner et corrompre par la décadence générale. » On suit, dans les statues romaines, cette décadence rapide.
Elles auraient toujours témoigné d’un effort pour constituer une métaphysique ayant avec la science une frontière commune et pouvant alors, sur une foule de points, se prêter à une vérification. […] La méthode va donc contre le but : elle devait, en théorie, étendre et compléter la perception ; elle est obligée, en fait, de demander à une foule de perceptions de s’effacer pour que telle ou telle d’entre elles puisse devenir représentative des autres. — Mais supposez qu’au lieu de vouloir nous élever au-dessus de notre perception des choses, nous nous enfoncions en elle pour la creuser et l’élargir. […] C’était, pour nous, une vision brillante et évanouissante, perdue dans la foule de ces visions également brillantes, également évanouissantes, qui se recouvrent dans notre expérience usuelle comme des « dissolving views » et qui constituent, par leur interférence réciproque, la vision pâle et décolorée que nous avons habituellement des choses. […] Et enfin je sens se manifester des tendances, des habitudes motrices, une foule d’actions virtuelles plus ou moins solidement liées à ces perceptions et à ces souvenirs. […] Mais, dans la vie, il se dit une foule de choses inutiles, il se fait une foule de gestes superflus, il n’y a guère de situations nettes ; rien ne se passe aussi simplement, ni aussi complètement, ni aussi joliment que nous le voudrions ; les scènes empiètent les unes sur les autres ; les choses ne commencent ni ne finissent ; il n’y a pas de dénouement entièrement satisfaisant, ni de geste absolument décisif, ni de ces mots qui portent et sur lesquels on reste : tous les effets sont gâtés.
Ses deux premiers drames symboliques : Caliban et l’Eau de Jouvence, peuvent se résumer dans cette réflexion que le prieur des Chartreux, assis dans sa stalle, formule tout bas, tandis que l’orgue « prie seul » et que la foule se presse autour du Caliban couronné : « Toute civilisation est l’œuvre des aristocrates… » Vérité que le démagogue Caliban reconnaît, lui aussi, puisque, à peine possesseur du palais et du pouvoir de Prospero, il adopte les façons d’agir de l’aristocratie ; et M. […] Que dit la voix de la foule sur le cadavre du saint : « Béni soit le poignard qui a tué le faux prêtre ! […] La foule survenue se taisait, les hommes restaient découverts ; le prêtre secouait son goupillon et marmottait des oraisons ; et les bœufs accouplés, remuant lentement la tête, faisaient crier leur joug de cuir. […] Au dehors un ciel de brouillard et de suie pèse sur la ville, où se déchaîne la foule brutale. […] Comme dans un cauchemar de fièvre, on voit défiler le sinistre troupeau des terroristes et la foule pâle des victimes.
Étant homme de lettres, malgré tout et quoi qu’il en ait, il n’a pu complètement résister au désir de l’impression ; mais il se replie et rentre dans la retraite, avec délices ; il est l’homme du volume introuvable ; au fond, il regrette vraisemblablement la faiblesse qui l’a empêché de rester tout à fait inédit, et il appartient à la famille des Amiel, des Marie Bashkirstsef, des Maurice et des Eugénie de Guérin, de tous ces auteurs clandestins, grands rédacteurs de mémoires et de confessions, que l’horreur de la foule et la passion de la solitude contemplative réservent pour les gloires posthumes. […] Il y a, d’ailleurs, une foule d’observations tout à fait ingénieuses dans le présent Journal.
Cependant, du haut de sa tribune populaire, Mussolini4 parle aux foules de la « production » dans les mêmes termes que Lénine. […] Que ce problème passionne ainsi les foules m’ahurit d’autant plus que ces deux êtres illustres ont passé cinquante deux ans ensemble… Alors, une soirée de plus ou de moins !
Mais il y en a d’autres à qui les mots viennent d’eux-mêmes, presque sans qu’ils y pensent, abondamment, trop abondamment, plus qu’en foule ; à qui vous croiriez, en vérité, qu’une manière de dire en suggérât vingt autres aussitôt ; qui ne trouvent, d’ailleurs, le courage d’en sacrifier ou d’en rejeter aucune ; et nous, — toujours Gaulois en cela, toujours amis du bien dire, — nous leur pardonnons l’excès de leur rhétorique, en raison de son ampleur même, de l’abondance de son « débit », et surtout de sa diversité. […] Et comme une volonté ferme est peut-être ce qu’il y a de plus rare parmi nous, — qui, sous le nom de notre volonté, ne suivons guère en général que l’impulsion de nos instincts ou l’opinion de la foule, — il y trouvera justement ce qu’il lui faut pour exciter l’admiration… Je ne veux pas dire par là, Messieurs, que sa Rodogune ne demeure une œuvre singulièrement forte, et toute pleine encore de quelques-unes de ses plus rares qualités. […] Depuis Ronsard jusqu’à Corneille, le poète s’était comme enfermé dans son art, dédaigneux du vulgaire, séparé de la foule, ne fréquentant qu’en haut, pour ainsi dire, ou qu’avec ses pareils, et ne vivant pas, si vous voulez, tout à fait en dehors, mais comme en marge de la société. […] Messieurs, en deux mots comme en cent, que personne n’a su comme lui qu’en poésie comme en peinture, l’histoire ou le passé, d’un seul mot, c’est le style, Ces flambeaux, ce bûcher, cette nuit enflammée, Ces aigles, ces faisceaux, ce peuple, cette armée, Cette foule de rois, ces consuls, ce sénat. […] et, tous les jours, un fait-divers, perdu dans la foule des autres, n’ouvre-t-il pas à quelqu’un de nous, lui tout seul, des horizons ou des perspectives infinies sur la vie ?
Avant le nouveau texte des Mémoires, découvert en 1817, et qui donne sur cette période première une foule de particularités retranchées par l’auteur dans la version jusqu’alors connue, on ne se pouvait douter du degré de chevalerie et de romanesque auquel se porta tout d’abord le jeune prince de Marsillac.
Qu’arrive-t-il en effet, et que voyons-nous de plus en plus dans la foule écriveuse qui nous entoure ?
Mais là où il avait reconnu le bon et le vrai, il s’y sentait porté à encourager, à conseiller, à venir en aide, et, des points les plus éloignés de l’univers, se concentrèrent auprès de lui les demandes, les confidences, les sollicitations de secours, non-seulement pour des intérêts scientifiques, mais pour une foule d’intérêts publics.
On vit alors, pour cette clientèle nouvelle, les barons accablés, protégés, éclipsés surtout par de petits nobles de campagne, par de bons bourgeois, par des vilains même : ridicules d’aspect par tradition, membrus, velus, trapus, larges d’épaules, courts de jambes, ayant sourcils broussailleux et mains énormes, les paysans sont vaillants, généreux, sublimes, et leur vertu caresse l’orgueil des foules que leur extérieur a gagnées.
Du haut de leurs chaires, sur les places, par les champs, les prédicateurs étaient les directeurs publics de la conscience des individus et des foules : tout et tous passaient sons leur âpre censure, et définis les coiffures effrontées des femmes, nulle partie secrète ou visible de la corruption du siècle ne déconcertait l’audace de leur pensée ou de leur langue.