Il y vécut dans les premiers temps avec Berthaud et Hégésippe Moreau, au n° 3 de la rue des Beaux-Arts. […] C’est véritablement sa confession qui commence : « Le mouvement de ma vie a été si rapide, si varié, qu’il me semble avoir déjà vécu un siècle. […] Les affections les plus fortes, celles qui vivent, sont celles qui naissent dans les larmes et grandissent dans l’affliction. […] La douleur élague du cœur tout ce qui est chétif et petit, toutes les plantes parasites ; elle ne laisse vivre que les hautes passions, les sentiments sublimes. […] Toutes les puissances de la nature et du foyer, ces charmes attrayants et doux qui vivent au cœur du montagnard, l’avaient ressaisi.
Ceux qui vécurent près de lui connurent autre chose. […] C’est, sans nul doute, de vivre entre elles deux, qui lui avait donné cette tranquillité d’âme avec laquelle il avait accepté une destinée littéraire que les hommes de son temps auraient dû lui faire plus brillante. […] Il eut deux cœurs entre lesquels il mit son cœur, et ils vécurent tellement unis qu’un toit plus modeste encore que leur toit, qui était modeste, aurait pu les cacher. […] Amédée Pommier contint son cœur, et par piété pour la mémoire de sa femme, il s’attendit… il attendit qu’il fût capable d’écrire simplement cette vie à trois dont ils avaient vécu, et, simplement, il l’a écrite. […] Après avoir dit ce que furent ces deux femmes pour lesquelles il a exclusivement vécu, après avoir levé ces deux empreintes, il ne s’est plus trouvé ni rien à dire, ni rien à faire, et il s’est tu et a croisé les bras dans la mort.
La pauvreté obligeait René à vivre « retiré dans un faubourg » de Paris. […] Senancour, qui vécut quelque soixante-seize ans triste et solitaire, avait une nature délicate, morbide, terne ; il épanchait mélancoliquement son ennui. […] Senancour appartient plutôt à la génération de 1830, la vitalité avait baissé : il vivait d’ailleurs en Suisse dans un milieu moins surchauffé que celui de France et d’Angleterre. […] Miss Atala est toute imprégnée de la morgue britannique, elle méprise les Indiens avec qui le sort la condamne à vivre et, jusqu’à la venue de Chactas, elle n’éprouve aucune difficulté à ne pas laisser entamer ce que M. […] La manière de vivre de chaque classe imprime aux sentiments et aux passions humaines une forme propre.
Mestrallet, Jean-Marie [Bibliographie] Poèmes vécus (1888). — L’Allée des saules (1900). […] Frédéric Loliée C’est l’amour qui remplit les Poèmes vécus de M. […] Vécus ; en effet, ils le paraissent, ils doivent l’avoir été.
Elle courra à ces deux volumes comme elle courait chez Madame Récamier, dans le temps que cette attirante femme vivait, mais elle en reviendra… moins contente ! […] La société qu’elle a fait vivre, qu’elle a animée, qu’elle a consolée, qu’elle a écoutée, cette société qui fut toute l’Europe pendant une moitié de siècle, n’est pas là davantage. […] », qui n’est, après tout, qu’un mot gai, il n’y a pas un seul trait qu’on puisse retenir, et pourtant cette haute société, dont l’âme peut être usée, se venge à vivre sur la plaisanterie et sur la finesse d’aperçu. […] Ou je me trompe fort, d’ailleurs, ou l’éditeur anonyme a vécu avec la société de son portefeuille et elle a pour lui l’intérêt de tous les milieux où l’on a vécu. […] , Adrien et Mathieu de Montmorency, Lémontey (qui n’y est pas assez), toute une société, enfin, de gens très comme il faut, mais qui n’ont sur rien une idée nouvelle, et qui ne savent que geindre entre eux parce que Napoléon envoyait Madame de Staël à Coppet, vivre en millionnaire dans le plus pittoresque pays d’Europe, quand elle tenait à épigrammatiser contre l’Empire sur le bord de son ruisseau de la rue du Bac.
Il y en a qui ne mourront jamais que de vieillesse, comme Arlequin, ou qui ne se brûleront la cervelle qu’avec… des truffes ; qui vivent plantureusement, heureux comme des bourgeois, — car on ne dit plus : heureux comme des princes ! […] Bohèmes, malgré tout, cependant, ces derniers, malgré leur attitude de Staters et d’olympiens, leur importance, leur influence, leur situation dans tous les mondes, officiels ou non officiels, leurs chaires quand ils sont professeurs, leurs bibliothèques quand ils sont bibliothécaires, leurs palmes d’académiciens quand ils sont de l’Académie : — le signe essentiel, caractéristique, du bohème, n’étant pas de n’avoir point d’habit, mais de n’avoir point de principes, de manquer de l’asile sacré d’une morale fixe autour de la tête et du cœur, de vagabonder dans ses écrits à tout vent de doctrine, et, comme déjà nous l’avons dit, de vivre, enfant de la balle politique ou littéraire venu ou trouvé sous le chou de la circonstance, sans feu ni lieu intellectuel, — c’est-à-dire sans une religion ou sans une philosophie. Or, vivent-ils, — qu’on le dise ! — vivent-ils autrement, au Journal des Débats ? […] Vivent-ils à l’image de Dieu ?
Aujourd’hui l’homme habile et qui sait vivre, est une créature à part qui méprise l’ambition comme une fatigue inutile ! […] Il faut vivre avant tout ; en vivant on se complète, en vivant on se démontre soi-même à soi-même ; en vivant, on apprend à vivre d’abord, à écrire ensuite ; en vivant on devient S. […] Ils n’entendront plus désormais s’ils veulent vivre, et vivre au jour le jour, que le bruit des tribunes et des clubs. […] Tant qu’elle a touché le bois de son théâtre, mademoiselle Mars s’est sentie vivre ; elle vivait dans le passé, elle vivait dans le présent. — C’était elle encore ! […] Est-ce vivre, en effet, que de passer à l’état d’une langue morte, d’un chef-d’œuvre oublié, d’une curiosité littéraire ?
Mlle de Lespinasse, à un certain moment, s’est brouillée à mort avec Mme Du Deffand, après avoir vécu dix années dans l’intimité avec elle. […] Au moment où ces Lettres parurent, ce fut un grand émoi dans la société où vivaient encore, à cette date, quelques anciens amis de Mlle de Lespinasse. […] Elle profita de l’éducation de ce monde excellent où elle vivait, comme si elle n’en avait pas eu besoin. […] Tout atteste que M. de Mora, fort jeune encore, était un homme d’un mérite supérieur et destiné à un grand avenir, s’il avait vécu. […] Elle ne veut plus que vivre au jour le jour, sans avenir : la passion a-t-elle donc de l’avenir ?
S’il avait vécu davantage, il aurait perdu cette illusion ; mais il mourut, heureusement pour lui et pour elle. […] En effet, Schopenhauer, comme tous les spirituels, vivra par les détails de son œuvre, les aperçus, les paradoxes mêlés à son système ou qui en sont sortis. […] Chamfort vivait dans toute la sombre cruauté de sa misanthropie, quand naquit, à Dantzig, en 1788, un autre misanthrope, qui fut nommé Arthur. […] Éclairée par la connaissance de ce monde, la volonté cesse son vouloir, ne veut plus vivre, et se libère par le parfait repos. » C’est l’histoire des fakirs aux Indes, qui passent leur vie à se regarder le bout du nez, pendant que les oiseaux font leurs nids et tout ce qu’ils veulent sur leurs têtes immobiles. […] Eh bien, c’est de cet état moral supérieur, que n’a jamais connu Schopenhauer qui vivait très bien à l’Hôtel d’Angleterre de Francfort sur-le-Mein, et qui y a même trinqué avec M.
I Ces deux ouvrages, qui ont vécu et qui vivent encore dans l’imagination des hommes, cette nouvelle édition (qui sait ?) […] On dirait qu’il a vécu en dehors d’elles. […] Un tuteur infidèle lui mangea tout son bien, et il fut obligé de travailler pour vivre. […] Il aurait certainement été plus heureux avec les imbéciles d’aujourd’hui… Ils lui eussent payé cher ses lignes… S’il avait vécu dans cette glorieuse et adorable époque, il aurait peut-être gagné autant d’argent qu’Alexandre Dumas, le Roi du Feuilleton, à liste civile, — par parenthèse, le seul descendant de l’auteur de Gil Blas qui ait, je crois, dit un jour du mal de son père, pour faire croire probablement qu’il n’en était pas le fils… « Il faut égorger ceux qu’on pille », disait Rivarol. […] Il se reconnaît très bien de la dynastie de l’auteur de Gil Blas, et il a même écrit un livre bravement intitulé : Madame Gil Blas… Le Sage, il est vrai, à moins que la perspective de l’argent du xixe siècle ne l’eût stimulé, n’aurait jamais eu la verve de Féval ni la plume incomparablement multiple du gigantesque Dumas, ce Briarée du roman, dont les cent mains n’étaient pas toutes dans ses manches… Mais il aurait vécu.
Le devoir de défendre la patrie, de vivre et de mourir au besoin pour elle, pour ceux même qui ne sont pas encore nés, dignifie, sanctifie en passion désintéressée, en dévouement sublime, en sacrifice méritoire, en vertu glorieuse sur la terre, en mérite immortel dans la patrie future, ce devoir patriotique. […] Confucius résume en lui toutes les lumières, toutes les vertus et toutes les expériences du vieux monde indien ; il résume, de plus, selon toute apparence, le vieux univers antédiluvien, si les révélations, les monuments et les traditions antédiluviennes vivent encore dans la mémoire des hommes. […] La société politique ne peut pas, sans s’avilir, se borner à aider l’homme à vivre dans son corps : elle doit l’aider surtout à perfectionner son âme, à renaître plus parfait par une vie plus sainte, à vivre de devoirs et à revivre éternellement de félicité. […] Il a donné à l’homme, en le créant, les instincts innés qui le forcent à vivre en société politique, parce que la société politique est le moyen de perfectionner l’individu en élargissant sa sphère par la famille, l’État, l’humanité, cette trinité de devoirs. […] Le bonheur de vivre vaut-il, pour une pareille société, la peine de mourir ?
Nous n’oublions pas que ces « unités sociales » sont des hommes, — des êtres vivants, bien plus, des êtres pensants, — et que leurs façons d’être, de vivre et de penser, ne sauraient être indifférentes aux sociétés qu’ils composent. […] « Tous ceux qui ont vécu longtemps au milieu des noirs, avoue Ed. […] Par là s’expliquent certaines critiques que les hommes d’action adressent parfois à cette idée : « Conception de théoriciens qui n’ont pas vécu, rêve d’umbratiles ! […] La solidarité qu’elle y fait vivre est seulement d’une espèce nouvelle. […] Ils vivent d’échanges et de contrats ; mais ces transactions individuelles supposent l’existence d’une association, bien loin qu’elles la créent.
Chez le chien, on l’a souvent fait remarquer, vivent, au moins sous des formes rudimentaires, les sentiments religieux et les sentiments moraux. […] Et ils n’en ont que faire non plus ceux qui n’ont pas à s’y adapter parce qu’ils ne vivent pas en société. […] Nos ancêtres revivent en nous, mais s’ils vivaient encore par eux-mêmes il n’y aurait point de place pour nous sur la terre. Chacun est à la fois l’autre et le non-autre, un homme ne peut vivre que par autrui, il ne peut vivre que contre autrui, comme les autres ne peuvent subsister que par lui et contre lui. […] Cela suppose quelques sacrifices, sans quoi nous vivrions naturellement pour le mieux, et tout précepte serait superflu.
Je vois bien que je n’avais vécu jusque-là que dans l’état d’innocence, et j’avais cru à tout le monde le cœur fait comme moi ; je me suis bien trompé, mais je ne saurais me repentir de l’avoir été pour n’avoir jugé de l’âme des hommes que par ce que je sentais. […] Chaulieu dit quelque part qu’il eut toute sa vie la manie de ne respecter que le mérite personnel ; c’était une manie, en effet, dans le monde et le siècle où il vivait. […] Chaulieu vivra moins comme poète que parce qu’il est une des figures les plus caractérisées en qui se rejoignent deux époques ; il marque la liaison d’une régence à l’autre ; il avait reçu le souffle de la première, l’esprit libre et hardi des épicuriens d’avant Louis XIV, et il vécut assez pour donner l’accolade à Voltaire. […] Les deux frères de Vendôme, le duc et le grand prieur, avaient longtemps vécu en commun, et Chaulieu était leur favori, leur conseil ; c’était une grave responsabilité au milieu d’un tel désordre. […] Quand vint la goutte et une demi-retraite, il éleva son âme, il affermit ses accents, et il en a trouvé quelques-uns du moins qui méritent de vivre.
Dequillebec vivait là, entouré d’une affection dévouée et sincère. […] La gaieté du ciel et des arbres, le piaillement criard des moineaux, l’allégresse des cloches qui appelaient aux vêpres du dimanche, la quiétude heureuse, l’apaisement des choses de ce coin provincial, accentuaient le délabrement de la salle nue et froide où toussait ce pauvre malade, en qui les yeux seuls brillaient, comme si tout le vœu de vivre s’y était réfugié. […] C’est là qu’il est mort sans bruit, comme il avait vécu, sans une mention dernière dans les feuilles publiques, et le jour même où le convoi entrait sous les voûtes de Notre-Dame du Bon Voyage, l’Académie décernait des couronnes et jetait, comme une suprême ironie, sur le cercueil de ce poète mort pauvre, un bruit inutile de pièces d’or.
génies gauches, malencontreux, amers ; poètes sans nom ; amants sans amour ou défigurés ; toi, Rabbe, qu’une ode sublime, faite pour te consoler, irrita ; toi, Sautelet, qui méditais depuis si longtemps de mourir ; et ceux qui vivent encore, et dont je veux citer quelques-uns ! […] Tous vivent aujourd’hui, excepté Sautelet, qui est mort de sa main ; bien peu se souviennent encore de ces années, ou du moins s’y reportent avec regret et amour, excepté Lydia, qui est demeurée, me dit-on, fidèle aux pensées de cette époque, et les a gardées présentes et vives dans son cœur. […] Tu as bien compris la manière dont je voudrais vivre. Une existence agitée est un suicide, si elle fait perdre le souvenir du monde meilleur ; et, quand on a conscience de sa dignité, il me semble que c’est une profanation d’employer son énergie et de ne pas lui laisser toute la sublimité des possibles… J’aime à vivre retiré, à faire les mêmes choses, à passer par les mêmes chemins : il me semble qu’ainsi je me mêle moins à la terre, et que je conserve toute ma pureté. […] Sautelet aussi vivait alors dans ces idées : inquiet, mélancolique et fervent, il hésitait entre l’action et la contemplation ; je lis dans une lettre de lui que j’ai sous les yeux : « On ne peut guère faire une vie double, agir et contempler ; je sens, comme je te le disais cet été, que l’homme est placé sur la terre pour l’action, et je ne puis cependant laisser l’autre.
Longtemps encore elle vivra. […] Et voici peut-être la vie qu’il vivra, parmi nous. […] Ceux-là vivent dans l’ineffable joie de la création consciente. […] Taine ont vécu, ainsi ils sont morts ensemble. […] L’esprit peut vivre isolé de la matière, qu’il domine.
Si l’Être Tout-Puissant, qui a jeté l’homme sur cette terre, a voulu qu’il conçut l’idée d’une existence céleste, il a permis que dans quelques instants de sa jeunesse ; il put aimer avec passion, il put vivre dans un autre, il put compléter son être en l’unissant à l’objet qui lui était cher. […] Une femme dans ces temps affreux, dont nous avons vécu contemporains ; une femme condamnée à mort avec celui qu’elle aimait, laissant bien loin d’elle le secours du courage, marchait au supplice avec joie, jouissait d’avoir échappé au tourment de survivre, était fière de partager le sort de son amant, et présageant, peut-être, le terme où elle pouvait perdre l’amour qu’il avait pour elle, éprouvait un sentiment féroce et tendre, qui lui faisait chérir la mort comme une réunion éternelle. […] Enfin, à quelque époque de l’âge qu’on transportât un sentiment qui vous aurait dominé depuis votre jeunesse, il n’est pas un moment où d’avoir vécu pour un autre, ne fut plus doux que d’avoir existé pour soi, où cette pensée ne dégageât tout-à-la-fois des remords et des incertitudes. […] Si l’on savait mourir, on pourrait encore se risquer à l’espérance d’une si heureuse destinée, mais l’on abandonne son âme à des sentiments, qui décolorent le reste de l’existence ; on éprouve, pendant quelques instants, un bonheur sans aucun rapport avec l’état habituel de la vie, et l’on veut survivre à sa perte ; l’instinct de la conservation l’emporte sur le mouvement du désespoir, et l’on existe, sans qu’il puisse s’offrir dans l’avenir une chance de retrouver le passé, une raison même de ne pas cesser de souffrir, dans la carrière des passions, dans celle surtout d’un sentiment qui, prenant sa source dans tout ce qui est vrai, ne peut être consolé par la réflexion même : il n’y a que les hommes capables de la résolution de se tuer3, qui puissent, avec quelque ombre de sagesse, tenter cette grande route de bonheur : mais qui veut vivre et s’expose à rétrograder ; mais qui veut vivre et renonce, d’une manière quelconque à l’empire de soi-même, se voue comme un insensé au plus cruel des malheurs. […] l’on croirait possible d’exister dans un monde qu’il n’habitera plus, de supporter des jours qui ne le ramèneront jamais, de vivre de souvenirs dévorés par l’éternité, de croire entendre cette voix dont les derniers accents vous furent adressés, rappeler vers elle, en vain, l’être qui fut la moitié de sa vie, et lui reprocher les battements d’un cœur qu’une main chérie n’échauffera plus ?
Et qu’était-ce d’abord que l’interlocuteur, cet Eckermann, qui, venu à Weimar pour visiter et consulter l’oracle, y demeura durant les huit ou neuf dernières années que Gœthe vécut encore ? […] Il aima Gœthe dès lors et sentit un vague désir de se donner à lui ; mais il faut l’entendre lui-même : « Je vécus des semaines et des mois, dit-il, absorbé dans ses poésies. […] Gœthe, à cette époque où Eckermann commence à nous le montrer (juin 1823), était âgé de soixante-quatorze ans, et il devait vivre près de neuf années encore. […] Quand on a vécu dix ans auprès d’un vrai grand homme, on doit trouver le reste un peu terne et décoloré. […] Je lui ai conseillé de faire des chansons d’ouvrier, et surtout des chansons de tisserand ; et je suis persuadé qu’il réussira, car il a vécu depuis sa jeunesse parmi des tisserands ; il connaît à fond son sujet, et il sera maître de sa matière.
Ils hasardent la fortune qui les fait vivre, ils se précipitent dans les batailles où la mort, ou plus encore les souffrances les menacent, pour retrouver ce mouvement qui les sépare des souvenirs et de la prévoyance, donne à l’existence quelque chose d’instantané, fait vivre et cesser de réfléchir. […] Comment exister sans être utile, et se donner la peine de vivre quand personne ne s’affligerait de nous voir mourir ! Si l’avare, si l’égoïste sont incapables de ces retours sensibles, il est un malheur particulier à de tels caractères auquel ils ne peuvent jamais échapper ; ils craignent la mort, comme s’ils avaient su jouir de la vie : après avoir sacrifié leurs jours présents à leurs jours avenir, ils éprouvent une sorte de rage, en voyant s’approcher le terme de l’existence ; les affections du cœur augmentent le prix de la vie en diminuant l’amertume de la mort : tout ce qui est aride fait mal vivre et mal mourir : enfin, les passions personnelles sont de l’esclavage autant que celles qui mettent dans la dépendance des autres ; elles rendent également impossible l’empire sur soi-même, et c’est dans le libre et constant exercice de cette puissance qu’est le repos et ce qu’il y a de bonheur.
Les lois sont des règlements obligatoires promulgués par les gouvernements pour faire vivre les sociétés nationales en ordre plus ou moins durable, en justice plus ou moins parfaite, en moralité plus ou moins sainte entre eux. […] L’instinct dit : Je veux vivre ; la nature dit : Tu as le droit de vivre ; la loi dit : Tu vivras. C’est le décret de la souveraineté de la nature, et, en l’écrivant dans ton droit de vivre, elle a écrit en même temps ta destinée d’être sociable : car, sans la société naturelle, tu ne vivrais pas, et, sans la société légale, tu aurais bientôt cessé de vivre. […] C’est donc de droit divin que l’homme vit, et c’est de droit divin qu’il s’est groupé en société pour vivre. […] Les Tartares vivent du droit d’aristocratie, les Chinois meurent d’égalité.
Oui, elle est sincère encore, à cette date, quand elle se voit seule dans un désert, quand elle parle de son impuissance de vivre. […] Je ne vivais que pour un seul objet, et je l’ai perdu. […] Il ne s’agit plus que de savoir comment Bonaparte mourra : il ne peut plus vivre. […] Sa mère, qui vivait encore, la duchesse de Berwick, sa sœur aînée, y eurent les principales parts. […] Cet homme vivait solitaire entre ses livres, sa plume et ses chevaux, signe de noblesse.
Jésus vécut à un de ces moments où la partie de la vie publique se joue avec franchise, où l’enjeu de l’activité humaine est poussé au centuple. […] Les hommes alors vivront heureux ; la terre sera comme une plaine ; il n’y aura qu’une langue, une loi et un gouvernement pour tous les hommes. […] Socrate a fait la gloire d’Athènes, qui n’a pas jugé pouvoir vivre avec lui. […] La dynastie des Hérodes vivait dans un monde si différent du sien, qu’il ne la connut sans doute que de nom. […] Jésus vivait et grandissait dans ce milieu enivrant.
Ces fragments, par leur qualité et malgré quelques défauts d’une pensée trop subtile, sont assez distingués cette fois pour que l’auteur mérite de vivre dans la mémoire future. […] Joubert, dans sa jeunesse, venu de sa province du Périgord à Paris, en 1778, à l’âge de vingt-quatre ans, y trouva ce qu’on n’y trouve plus aujourd’hui ; il y vécut comme on vivait alors : il causa. […] C’est, je vous assure, en ce moment le seul moyen de ne faire que peu de fautes, de n’adopter que peu d’erreurs, de ne souffrir que peu de maux. — Vivre, lui disait-il encore, c’est penser et sentir son âme ; tout le reste, boire, manger, etc., quoique j’en fasse cas, ne sont que des apprêts du vivre, des moyens de l’entretenir. […] Mme de Beaumont avait si peu d’attache à la vie, qu’il semblait qu’en le voulant, il n’eût tenu qu’à elle de vivre. […] Joubert, non plus un livre de bibliothèque comme aujourd’hui, mais aussi (ce qui serait si facile avec du choix) un de ces beaux petits livres comme il les aimait, et qui justifierait en tout sa devise : Excelle, et tu vivras !
Il avait la simplicité de l’homme du monde, de l’homme qui sait vivre, de l’honnête homme, comme on disait du temps de Pascal. […] Comme, à leur tour, ces derniers doivent l’emporter sur les autres esprits qui ne pensent à vivre que dans la conscience de leur force et dans leur enthousiaste ou profond besoin de la manifester. […] V Car Gozlan, cet artiste raffiné, a plus d’esprit que d’art encore, et c’est par l’esprit qu’il vivra encore plus que par l’art du détail, dans lequel il est passé maître. […] Gozlan avait longtemps vécu dans l’intimité de Balzac, comme il était allé je ne sais où en Afrique sur un vaisseau négrier, et il avait gardé ces deux coups de soleil : l’impression de Balzac sur sa pensée, la lumière d’Afrique dans ses yeux ; il s’était doré à ces deux choses. […] Ceux qui ont vécu longtemps avec Gozlan prétendent qu’il n’avait pas que l’ignorance des choses religieuses, et qu’il en avait aussi le dédain.
Vivre de la vie de l’esprit, aspirer l’infini par tous les pores, réaliser le beau, atteindre le parfait, chacun suivant sa mesure, c’est la seule chose nécessaire. […] On ne vit pas, mais on espère vivre. […] Il a tant à vivre pour lui-même qu’il n’a pas le temps de vivre pour le dehors. […] À peine a-t-il réalisé une face de la vie que mille autres non moins belles se révèlent à lui, le déçoivent et l’entraînent à leur tour, jusqu’au jour où il faut finir et où, jetant un regard en arrière, il peut enfin dire avec consolation : « J’ai beaucoup vécu. » C’est le premier jour où il trouve sa récompense.
Ses vers, pareils à des diamants pâles, respirent un tel détachement de vivre, qu’en vérité… ce serait à craindre quelque fatal renoncement chez ce poète, si l’on ne savait pas que, tôt ou tard, les âmes limpides sont toujours attirées par l’espérance. […] Tout ce monde-là se rappelle également ces troublants paysages, les Filaos, souvenir de l’Île natale, et ces Automnes où Le monotone ennui de vivre est en chemin, et ces pièces où le vers revient sans monotonie, forme toute nouvelle, car Baudelaire, qui lui-même a emprunté à Edgar Poe la réitération du vers, se borne, comme son modèle, à en faire un véritable refrain revenant toujours à la même place, tandis que Dierx promène, en écoliers buissonniers, plusieurs vers dans la même pièce, comme un improvisateur au piano qui laisse errer plusieurs notes, toujours les mêmes, à travers l’air qu’il a trouvé, ce qui produit un effet de vague d’autant plus délicieux, que le vers de notre poète est particulièrement fait et très précis, toute flottante que veuille être parfois sa pensée, mystique et sensuelle. […] Par son vers, la forêt chante un hymne large ; elle chante un mélancolique conseil, les surates d’un Coran de renoncement, le monotone enseignement de l’inconscient bibliquement proclamé, ainsi qu’en témoignera, tant qu’on aimera les beaux vers, le Soir d’octobre, où le monotone ennui de vivre est en chemin, avec telle magnifique escorte de fatigue des ciels et de douceur fanée des sons. […] Ils vivront dans l’éternité, célébrons-les.
Il se dispensa, comme Législateur de la Loi, qui force ceux qui vivent dans ce tombeau à ignorer ce qui se passe sur la terre. […] Ceux qui vivent dans les tombeaux, selon l’expression de l’Auteur du Siecle de Louis XIV, devroient au moins être à l’abri de ses traits. Ne vaudroit-il pas mieux qu’il y vécût lui-même dans un sage silence, que de faire entendre une voix qui a si souvent outragé les vivans & les morts ?
Il sait que vus par lui les paysages où il a vécu tressaillent sous son regard et que les chênes tout secoués parlent et que les rochers resplendissent comme des topazes. […] Maeterlinck, de plusieurs modes d’art, de plusieurs philosophies, de toutes les manières nouvelles de vivre et de penser. […] On en trouvera les premières pierres dans l’ouvrage qu’il vient d’achever, la Volonté de vivre. […] Nous vivons de mots, je crois. […] Mais écoutez, à toute les heures, la chute des pommes : ainsi vous saurez que vous vivez encore.
Il fallait vivre. […] S’il vécut dans le passé, il vécut aussi dans le présent. […] Monsieur et madame de Vigny vécurent pauvrement, mais ils vécurent. […] Il aima passionnément à vivre et à voir vivre. […] L’Anglais est réaliste ; son royaume est terrestre ; il veut vivre et bien vivre.
Je n’ai jamais pu me rendre compte de cette différence entre ses jugements publics pendant qu’il vivait, et ses jugements confidentiels et posthumes avec la postérité. […] Il vivait à peine de ces débris : il fallut bientôt y renoncer. […] Béranger, lui formait la cour de la popularité impartiale ; c’est là qu’il vécut et qu’il mourut, un jour de juin 1848, au bruit de la bataille que nous livrions dans les rues de Paris aux partisans insensés de la République de 1793. […] Je suis bon à l’user ; je ne me lasse jamais, et si j’avais plus d’années à vivre, mon dernier jour serait encore embelli et rempli de votre image. […] Le cerisier de Thonon vivra plus que le château de Combourg ; mais, au Vicaire savoyard près, toutes les autres œuvres de Chateaubriand sont très-supérieures comme style à Jean-Jacques Rousseau.
Mais il fallait vivre. « Sans aucune préparation, je devins journaliste. […] Faire des besognes auxquelles on croit à moitié ou pas du tout ; écrire des livres où l’on ne met point son âme, mais seulement quelques conjectures ou spéculations sur la vie ; obtenir par là de petits succès ; cueillir en passant de petits plaisirs égoïstes ; vivre au jour le jour ; comprendre ça et là quelques petites choses, mais ignorer en somme ce que l’on est venu faire au monde ; vivre en se passant de la vérité ; vivre sans vouer sa vie à une cause aussi humaine et générale que possible ; c’est-à-dire vivre comme nous vivons presque tous… cela parut très vite misérable au jeune rédacteur en chef du Mémorial de Périgueux. […] Catholique, il voulut vivre pleinement en catholique. […] S’il eût vécu, les façons de Léon XIII l’eussent d’abord un peu surpris ; il eût regretté Pie IX, si bon, si généreux, et qui l’aimait tant. […] Il se sent vivre et il se sent mourir … Il prend l’énigme au sérieux ; il va au sphinx, il l’interroge parmi les débris de ceux qui furent dévorés.
Il a vu qu’Étienne ne vivait pas, et que lui ne ferait jamais vivre de personnages imaginaires. […] Il n’ajoute rien à quoi que ce soit que le roman fait vivre. […] Il les a laissés vivre en nous, vivre par nous, et, dans les limites d’un goût discret, il n’est pas pour eux d’autre mode de s’élargir et de vivre que celui dont j’ai essayé de discerner la courbe et de remémorer les sources. […] Nous vivons, comme aime à le rappeler M. […] Mais la poésie surtout vécut en partie sur lui.
Voilà les deux condamnés à l’amour, Tristan, Isolde, que le sort a jetés dans les bras l’un de l’autre et qui vont vivre la vie terrible de l’amour jusqu’à la mort. […] Ainsi, vous vous voyez — peut-être pour la première fois de votre vie d’artistes, — appelés à vouer vos forces à un but idéal d’art, c’est-à-dire à montrer au public allemand ce dont l’Allemand est capable en son art, et en même temps à montrer aux étrangers, desquels nous avons vécu jusqu’à présent, une chose qu’ils ne pourront pas imiter. […] Telle, semble vivre une âme, en ces drames, tandis que d’autres, autour d’elle, vivent. […] Car Amfortas, c’est Parsifal visionnaire d’une vie concupiscente ; Klingsor, c’est encore la vision, en Parsifal, d’une vie autrement vécue ; et Kundry, les Filles, ce n’est rien que des visions de Parsifal ; les chevaliers, toutes ces ombres, les images de sa voyance : vie de l’âme religieuse et charnelle. Parsifal, c’est nos désirs, nos vouloirs, nos regrets, nos vouloirs éteints, l’homme réel : et, par le tout divin langage des musiques (à notre faiblesse facilité par le symbole des gestes et des mots), c’est, vécue, la vie qu’il faut vivre, — expliquée, l’explication, — une formule inventée au très vieil idéal. » 32.
Car il est vrai qu’avant tout il faut vivre : et la morale n’est que le moyen de vivre. […] vivre n’est point innocent. […] Il n’est tel que de vivre pour un grand amour. […] Alexandre et Clair vivent encore. […] Est-ce vivre que d’attendre la mort ?
Hommage rendu au talent dont on est idolâtre et dans l’intimité duquel on a vécu ! […] et comprit-il enfin que l’originalité n’était plus le désert dans lequel, jusque-là, le lion vivait seul ? […] L’inimaginable ribambelle de monstres qu’il exhibe dans ce roman sont d’une espèce infiniment plus râblée et plus carabinée que tous ceux de la Ménagerie tératologique de Victor Hugo, — le maître dans l’art de faire marcher ces horribles mécanismes qui ne vivent pas, mais qui ont l’air de vivre, comme Vaucanson faisait digérer l’estomac en bois de son canard… Tous, sans exception, dans le livre de M. […] Nous ne sommes plus guères à la taille de ces livres d’une littérature maintenant morte, et qui vécut trop, disent actuellement tous les eunuques de la vie.
Voilà toute mon ambition, seigneur de la difficulté, vivre pour la province ; ainsi, laissez-moi vivre inconnu chez vous, connu chez eux. […] avant toute tragédie, il faut vivre. […] Comment vivre, nous ne disons pas demain, mais comment vivre aujourd’hui ? […] Il leur fallait si peu pour vivre ! […] Ou vivait de peu, on travaillait nuit et jour.
Il dort dans le mystère comme il a vécu. […] Je n’ai pas même voulu classer ou ranger ces volumes ; le peu de temps que j’ai à vivre ne vaut pas cette peine. […] À quoi bon vivre pour ne contempler autour de soi que les ruines de ce qu’on a construit dans ses pensées ? […] Et le supplice de vivre donc, le comptez-vous pour rien ? […] je vis quelquefois heureux de vivre, quoique attaché à ce pilori du travail forcé qui ne déshonore pas, mais qui tue.
La vie de Mme d’Albany s’y partage en deux périodes distinctes, de 1793 à 1803, c’est-à-dire pendant les dix ans que vécut encore Alfieri ; et de 1803 jusqu’en 1824, pendant les vingt années qu’elle lui survécut. […] Au chevalier Baldelli, alors à Paris, elle écrit, le 24 novembre 1803 : « Vous pouvez juger, mon cher Baldelli, de ma douleur par la manière dont je vivais avec l’incomparable ami que j’ai perdu. […] Vous jugez ce que c’est qu’une habitude de vingt-six ans, et de la manière dont nous vivions ensemble ! […] Le seul tort, bien involontaire, de la comtesse fut de vivre et de survivre. […] Du moment qu’elle vivait, elle dut arranger sa vie.
Nous apercevons celle de ses faces qui brille de bonheur, nous y voyons souvent un surcroît d’abondance ; nous oublions que, parmi tant d’oiseaux qui chantent à loisir autour de nous, la plupart ne vivent que d’insectes ou de graines, et par conséquent ne vivent que par une constante destruction d’êtres vivants ; nous ne voyons pas dans quelle effrayante mesure ces chanteurs, leurs œufs ou leur couvée sont détruits par des oiseaux ou des bêtes de proie ; et nous ne pensons pas toujours que, s’ils ont en certains moments une surabondance de nourriture, il n’en est pas de même en toutes les saisons de chaque année. […] Deux Canidés, en un temps de lamine, peuvent être, avec certitude, considérés comme ayant à lutter entre eux à qui obtiendra la nourriture qui lui est nécessaire pour vivre. […] Or, puisqu’il naît un nombre d’individus supérieur à celui qui peut vivre, il doit donc exister une concurrence sérieuse, soit entre les individus de la même espèce, soit entre les individus d’espèces distinctes, soit enfin une lutte contre les conditions physiques de la vie. […] Ainsi, on ne peut douter que la quantité des Perdrix, des Coqs de bruyère et des Lièvres qui vivent sur un grand domaine, ne dépende principalement de la destruction de la vermine. […] Il s’ensuit que, si de certains oiseaux insectivores diminuaient de nombre au Paraguay, les insectes parasites ennemis des Mouches s’accroîtraient ; de sorte que, le nombre de ces dernières venant à diminuer, elles n’empêcheraient plus les Bœufs de vivre à l’état sauvage.
Les cités qui se partagent le globe vivent-elles indépendantes l’une de l’autre, ou bien dépendent-elles d’une solidarité plus large que celle du corps social ? […] L’une et l’autre s’engendrent réciproquement pour ce résultat commun : vivre, c’est-à-dire s’augmenter. […] La cité qui se contraindrait à vivre de nos jours à l’abri de toute influence et de tout contact ne pourrait que végéter. […] Mais l’individu aussi est un tout ; et l’individu se suffit-il à lui-même, s’il veut vivre et non végéter ? Le globe terrestre aussi est un tout, si l’on veut ; mais n’est-il pas lié à un système planétaire, et pourrait-il vivre sa vie, si le secours des autres astres venait à lui manquer ?
Or, la nature du bœuf est de vivre quinze ans et de se reproduire : donc, la destinée du bœuf est de vivre quinze ans et de se reproduire. […] Donc le bœuf dont j’ai mangé hier, renaîtra dans un autre monde, y vivra douze ans encore, et s’y reproduira. […] Or, dans la condition présente on coupe le bœuf à six mois et on le mange à trois ans : donc sa destinée présente n’est pas de satisfaire l’inclination qu’il a pour vivre quinze ans et pour se reproduire, sa destinée présente est d’accomplir la seule chose qui soit absolument en son pouvoir. […] Notre premier bonheur est de vivre parmi nos semblables, et pour le fond de l’âme, M. […] Jouffroy vécut à l’abri du style obscur et sublime ; ses phrases restèrent libres de généralités et de métaphores, et il ne fut point tenté d’étudier, au lieu des idées et des sensations, « les capacités et les facultés. » Il vécut retiré, presque toujours à la campagne, dans une petite maison, au pied d’une colline, près d’une jolie rivière murmurante, dans son comté de Kent.
Copernic ne vécut pas de ses découvertes, il vécut de son exactitude au chœur comme chanoine de Thorn. Les bénédictins du XVIIe siècle vécurent d’anciennes fondations n’ayant en vue que les pratiques monacales. De nos jours, le penseur et le savant vivent de l’enseignement, emploi social qui n’a presque rien de commun avec la science.
Celui donc qui songe à vivre de la production intellectuelle doit songer avant tout à deviner la demande du riche pour s’y conformer. […] Voilà pourquoi un fabricant de romans-feuilletons peut faire une brillante fortune et arriver à ce qu’on appelle une position dans le monde, tandis qu’un savant sérieux, eût-il fait d’aussi beaux travaux que Bopp ou Lassen, ne pourrait en aucune manière vivre du produit vénal de ses œuvres. […] Celui qui consacre sa vie à la science peut se tenir assuré de mourir dans la misère, s’il n’a du patrimoine, ou s’il ne peut trouver à utiliser sa science, c’est-à-dire s’il ne peut trouver à vivre en dehors de la science pure. […] le commis peut, en servant des intérêts tout matériels, vivre honorablement.
Elle abandonne pour toujours le sol sur lequel, depuis raille ans peut-être, ont vécu ses pères, pour aller s’établir dans un désert où les blancs ne la laisseront pas dix ans en paix. […] Au milieu de ma douleur, il y a une idée qui me soutient : il est peut-être heureux d’avoir cessé de vivre dans les circonstances où nous vivons. […] Que celui qui, comme notre bon ami, n’a vécu que pour bien faire, subisse le même sort que les plus grands criminels, voilà contre quoi ma raison et mon cœur se soulèvent avec une violence que je n’avais jamais sentie. […] Et d’ailleurs, je vous l’ai entendu dire à vous-même, depuis longtemps vous viviez déjà à part, vous étiez plus spectateur qu’acteur. […] « Vous êtes bien heureux d’avoir vécu dans un temps où il fût possible de se proposer un but, et surtout un but haut placé.
Ses poètes rêvent de vivre intensément. […] Vivons donc Tel qu’en songe, décide Henri de Régnier. […] Vivons dans le recueillement au fond de notre tour d’ivoire11. […] C’est, pour les uns, motif à se distraire du monotone ennui de vivre et, pour les autres, matière à enrichir leur sensibilité et vivre un chapitre de la « Culture du moi ». […] Désespéré de l’accord impossible, il se résigne, avec son fond de solide bonhomie, à vivre en partie double, parallèlement, et s’assied entre le vice et la vertu.
Le vrai mot n’a pas été dit sur ce qui constitue le fond même, la nature intime de ces deux écrivains, qui vivront tant que la prose française vivra. […] Ce système, tendant à nous faire vivre ce que l’auteur a vécu, n’a rien de commun avec l’effort qui s’adresse à notre admiration désintéressée. […] Elle dort comme elle a vécu : méconnue et délaissée. […] Voilà la vérité : Chateaubriand n’a vécu que pour la littérature. […] Il mourra vite, et ce sera sa faute s’il n’a pas su vivre.
Et avec cela son Journal est le procès-verbal de l’existence d’un homme qui a oublié de vivre, qui n’a pas su vivre. […] Le capital d’études sur lequel a vécu sa carrière était un capital vivant. […] Vivre ordinairement la vie d’Amiel, ce serait, pour l’humanité, rigoureusement, périr. […] Des deux vies, l’active et la contemplative, Amiel a vécu la seconde, mais sans la choisir. […] » Le Journal intime, écrit par un homme qui diffère de vivre, est le procès-verbal de cette neutralité.
Vivre, c’est conclure. […] Mathô et Hamilcar ne vivent pas par eux seuls. […] Vivre, c’est vivre dans le présent et dans la vie qu’on vit ; c’est la vie, qu’on doit vivre). […] Elle peut vivre dans une réalité triste, mais elle a besoin de vivre dans une réalité calme. […] de Français et à aller vivre aux antipodes.
Mme d’Aulnoy les entend dire « qu’ils ne mangent que pour vivre », et mépriser les peuples qui ne vivent que pour manger. […] Il a vécu en amateur : on ne peut guère vivre autrement quand on a la disposition critique ; à force de retourner la tapisserie, on finit par la voir habituellement à l’envers. […] « Vivre dans un coin avec un livre », disait un moine du Mont-Cassin. « Vivre dans un coin avec une toile et un pinceau », pensait Gleyre. […] Une famille entière vivait avec cent louis par an, quelquefois avec cinquante.
Il fallait vivre là, ou s’abaisser aux plus vulgaires occupations de la vie pour végéter ailleurs. […] Que c’est touchant pour tous ceux qui en vivent et qui s’y réchauffent, et qui espèrent s’y réchauffer jusqu’à leur dernier jour. […] Nous ne savons pas ce qu’il serait devenu si Dieu l’avait laissé vivre jusqu’à pleine maturité d’esprit. […] Elle vivait davantage d’immortalité ! […] C’est notre sort à tous, il faut être jeté en terre et pourrir dans les sillons de la mort avant d’arriver à la floraison ; mais, alors, que nous serons heureux de vivre et même d’avoir vécu !
Il vaut mieux la prendre veuve que fille, pas trop facile à vivre, intéressée. […] Les actrices de l’Opéra lui demandaient des conseils pour vivre honnêtement. […] Il a désormais sa fonction ; et quelle comparaison à faire entre cette fonction sublime et une profession modeste, où il vivrait et ferait vivre les siens honorablement, en servant la société par son travail et par son exemple ? […] Pour les deux premiers, il en rend responsable la morale du monde où il vivait. […] Il a vécu isolé entre la crainte des ennemis qu’il se faisait et le regret des amis perdus par sa faute ; s’aimant uniquement au fond, et condamné à ne jamais bien vivre avec le seul qu’il aimât.
Le piccinino, pour cette fois, resta après nous dans la cour et fit tout seul la distribution des vivres aux prisonnières et aux prisonniers. […] et si on le laissait vivre avec ses instincts féroces, n’en ferait-il pas mourir bien d’autres avant lui ? […] Et puis s’il était mort, comment pourrais-je vivre moi-même ? […] Non, non, je mourrai plutôt mille fois pour un faux crime, que de vivre par un vrai crime dont toi et eux vous seriez punis à jamais pour moi ! Pourquoi donc est-ce que je voudrais vivre et comment donc pourrais-je vivre alors, puisque je ne regrette rien que toi et eux dans ce bas monde, et qu’en me sauvant c’est toi et eux que j’aurai sacrifiés et perdus ?
Ces Grecs n’étaient pas des mercenaires affamés et obligés de se vendre pour vivre. […] Mais il y avait chez eux force vivres à prendre. […] Pour les vivres, chacun en prit ce qu’il trouva, car il y avait nécessité. […] Si le petit laboureur veut vivre, il faut qu’il vienne à Rome ; s’il veut vivre à Rome, il faut qu’il se fasse vendeur de votes, coupe-jarret ou mendiant. […] On vivait, et l’on ne s’occupait plus que de vivre.
N’attendons pas qu’ils nous donnent congé ; nous avons vécu, permettons-leur de vivre. […] vivez ; mal ? […] « Je veux vivre. […] Appelez-vous cela vivre ? […] si Sénèque eût vécu !
Voir, c’est vivre, et Bourdaloue, ayant beaucoup vu, a beaucoup vécu. Et que savons-nous encore s’il ne vécut que par les yeux ? […] Vinet disait cela de Bourdaloue par manière de conjecture, on peut le lui appliquer plus sûrement à lui-même : il était de ceux qui vivent d’une vie complète au dedans, et qui, sans rien laisser éclater, arrivent à savoir par expérience tout ce qu’il a été donné à l’homme de sentir.
Napoléon, en effet, a été un des hommes les plus féconds qui aient jamais vécu. […] Mais son excellente nature s’est bientôt épurée, et s’est si parfaitement façonnée que c’était un plaisir de vivre et d’agir dans sa compagnie. […] Lorsque je fis sa connaissance, je crus qu’il n’avait pas quatre semaines à vivre. […] Ses ouvrages vivaient et vivront éternellement. […] Ceux qui se tuent n’ont pas le droit de vivre, car ils n’ont pas la force de supporter les grands assauts de la nature de l’homme, les passions meurtrières !
C’était bien la peine de vivre quatre-vingt-treize ans ! […] Wallace et Bates, a le plus longtemps vécu dans les forêts vierges de l’intérieur d’un continent. […] Pas un seul groupe correspondant aux babouins de l’ancien monde, qui vivent à terre. […] Beaucoup de genres ou d’espèces de géophiles, c’est-à-dire d’insectes carnivores qui vivent ailleurs sous la terre, ont aussi des pattes conformées pour vivre sur les branches et les feuilles. […] Par une conséquence naturelle, les insectes qui vivent sur les fleurs sont tout aussi rares.
Elle fait vivre les abstractions en les traduisant par une fable qui est de l’observation généralisée ou, si on veut, de la réalité réduite à l’essentiel. […] Questions sociales, religieuses, sont autant de saignées faites à la force vive de la patrie Titius : Oui, on meurt par le fait de trop vivre, comme par le fait de ne pas vivre assez Voltinius : Albe, je crois, mourra par le gâchis Titius : On va bien loin avec cette maladie. » Nous sommes maintenant dans le vestibule du temple de Diane. […] Joie de vivre, principe de noblesse et d’amour, tu deviens pour ces misérables un principe de bassesse. […] Point : c’est l’ancien clerc de Saint-Sulpice qui a conservé l’imagination catholique S’il témoigne de son respect et de sa sympathie pour les choses religieuses, pour les mensonges sacrés qui aident les hommes à vivre, qui leur présentent un idéal accommodé à la faiblesse de leur esprit, nous y voulons voir une raillerie secrète.
Il aurait pu certainement, en aidant son talent d’un peu d’intrigue, — à l’instar de ses camarades de la littérature et des arts, — arriver, lui aussi, c’est-à-dire vivre. […] Puis, il faut bien le dire, les peintres et les gens de lettres, au milieu desquels il s’était trouvé tout naturellement vivre, révoltaient avec leurs mœurs bohémiennes sa dignité si susceptible ; leurs petites jalousies dégoûtaient sa fierté. […] Champfleury : Rodolphe a vécu là cinq ans avec son inséparable lapin blanc, se nourrissant exclusivement d’herbes et de légumes, de salade surtout. […] Vainement ses rares amis s’évertuent à lui répéter qu’il peut demander à vivre, sans cesser d’être honorable ; rien n’y fait. […] Cette société, il ne s’en plaint pas, il ne parle point d’en « réformer les abus », quoiqu’il ait vécu autrefois avec des réformateurs et des Messies de toute sorte.
il procéda par masses, comme, sur les champs de bataille, Napoléon avait procédé… Ce sont véritablement des masses napoléoniennes que ces armées de personnages qui se tassent dans La Comédie humaine, où, sans la mort à jamais lamentable de l’homme qui les faisait vivre et se mouvoir, tiendrait tout entier le xixe siècle ! […] Or, quand on est un de ces génies assez puissants pour changer une poétique qui régnait jusque-là, que ce soit celle du roman ou de la guerre, il se passe des générations d’hommes qui appliquent cette poétique nouvelle et en vivent, spirituellement, jusqu’au jour clairsemé, et qui se fait longtemps attendre, où arrive encore un homme de génie, avec une autre poétique, qui bouleverse tout et renouvelle tout à son tour. […] Le monde moderne, si corrompu soit-il, ne saurait produire de ces simplicités monstrueuses… Il a vécu dix-huit cents ans par l’âme sous l’influence du Christianisme, et c’est assez pour que, même chez les courtisanes sans aucun mélange, d’impératrice ou de grande dame, les Messalines soient impossibles. […] Quel homme ayant vécu ne les a pas rencontrées ? […] Il y a vécu.
aspireras-tu à ce que tu regardes comme l’ornement de la vie pour vivre en lâche à tes propres yeux, laissant, comme le pauvre chat du proverbe, le je n’ose pas se placer sans cesse auprès du je voudrais bien ! […] J’ai composé leur boisson du soir de telle sorte que la Nature et la Mort débattent entre elles s’ils vivent ou meurent. […] L’enfant répond par les vers de Racine : Comme vivent les oiseaux, ma mère. […] Il y vécut de ses travaux passés et persévérants avec sa charmante épouse, sœur de Virginie ; lui-même, digne frère de Paul. […] Vous qui vivez maintenant plus près de lui, aimez encore votre ami d’exil et priez pour lui.
Vivre veut dire, si vous l’aimez mieux, voir environ quarante mille huit cents fois (si vous vivez quatre-vingts ans) se lever et se coucher un grand globe lumineux appelé soleil sur un globe ténébreux appelé terre. Ôtez-en les nuits, qui en forment la moitié ; vivre veut donc dire vingt mille quatre cents jours. Mais ôtez-en encore la moitié pour ceux qui ne vivent pas quatre-vingts ans, c’est tout au plus, dix mille deux cents jours pour chacun dans ce décompte des éternités ! […] … dit le poète, c’est-à-dire : « Perdre, pour gagner sa vie, tout ce qui peut faire désirer de vivre ! […] Être seul, c’est régner ; être libre, c’est vivre.
Vivre et vivre en beauté ; faire vivre le monde et le faire vivre en beauté, voilà quelle semble être sa préoccupation constante et sa perpétuelle volonté. […] Vivez en guerre avec vos semblables et avec vous-mêmes ! […] La jeunesse veut vivre et agir. […] Un poisson voulant vivre dans l’air, et persuadé que son devoir est d’y vivre, serait une bête bien singulière. […] Ainsi, vivez votre vie d’obéissance et de guerre !
« Mlle de Silly fondoit en larmes quand il nous dit adieu ; je dérobai les miennes à ses regards plus curieux qu’attendris ; mais lorsqu’il eut disparu, je crus avoir cessé de vivre. […] Vous n’êtes pas fait pour vivre sans passions ; de légers amusements ne peuvent nourrir un cœur aussi dévorant que le vôtre. […] Fontenelle pourtant, qui vivait encore, fut très-surpris en le lisant : « J’en suis fâché pour elle, dit-il ; je ne la soupçonnois pas de cette petitesse. […] Nous n’avons personne été élevés au couvent, nous n’avons pas vécu à la petite cour de Sceaux ; mais quiconque a ressenti les vives impressions de la jeunesse, pour voir presque aussitôt ce premier charme se défleurir et la fraîcheur s’en aller au souffle de l’expérience, puis la vie se faire aride en même temps que turbulente et passionnée, jusqu’à ce qu’enfin cette aridité ne soit plus que de l’ennui, celui-là, en lisant ces Mémoires, s’y reconnaît et dit à chaque page : C’est vrai. Or, c’est le propre du vrai de vivre, quand il est revêtu surtout d’un cachet si net et si défini.
Pour vivre en société, il a fallu penser selon des catégories collectives, selon des régies collectives, sans quoi on n’eut pu ni se faire comprendre, ni comprendre autrui. […] L’unité que nous mettons dans nos sensations, l’ordre que nous leur imposons, cette fameuse « fonction synthétique » de la pensée, c’est en grande partie une fonction « sociale », un effet de l’action et de la réaction mutuelles entre l’individu et tous les êtres plus ou moins semblables à lui-même avec lesquels la nécessité de vivre le met en constante relation. […] L’être vivant, après avoir voulu être et vivre, voudra être et vivre d’une façon intense et, pour cela, ordonnée, harmonieuse, une ; il voudra donc, en prenant peu à peu conscience de ses sensations, se sentir un, puis se penser un. […] Vouloir vivre, pour l’intelligence, c’est vouloir appréhender, unir. […] L’être vivant veut continuer de vivre, tout comme le mobile persévère dans son mouvement et dans la direction de son mouvement, à moins qu’une force extérieure ne l’arrête ou ne le dévie.
Ils vivent à la même époque mais l’âme du romancier n’est pas contemporaine de celle du peintre. […] Pourquoi chercher à vivre, puisque nous sommes sur cette terre comme des étrangers, qu’ailleurs est notre patrie, dont quelques pauvres années d’exil et de purification nous séparaient à peine ? […] Quelle voix d’orgueil et de perdition peut nous inciter à jouir et à savoir, quand vivre signifie expier, quand la mort seule peut nous ouvrir les portes de la connaissance ? […] L’Occident a donc offert, durant dix siècles, le spectacle d’une humanité s’efforçant, par tous les moyens en son pouvoir, de rendre aussi douloureuse, aussi amère que possible, en vue de compensations ultérieures, l’existence que Dieu la condamnait à vivre. […] En même temps la conscience s’épanouissait au contact de la nature, et les terreurs, les scrupules, les aspirations vers la chasteté, le culte de la douleur faisaient place au libre rayonnement de l’individu, qui demandait à vivre pleinement par lui-même.
L’intérêt hors ligne que présente l’assyriologie le frappa ; il est probable que, s’il eût vécu davantage, il eût de plus en plus tourné ses études de ce côté. […] Vivre sans penser, sans chercher, lui parut un supplice. […] La perspective de vivre sans travailler lui parut un cauchemar plus affreux que la mort.
Il se suffit à lui-même et les enfants incurables au milieu desquels nous vivons ne peuvent rien pour nous ou contre nous : qu’ils nous les offrent ou nous les refusent, leurs joujoux nous font rire. […] Nous vivons sur un sommet dont rien ne nous ferait descendre, non pas même le froid de la solitude complète. […] Mais nous saurions vivre sans eux et nous ne désirons ni ne craignons que la foule envahisse notre fier séjour.
L’homme qui vivait là était fils ou petit-fils de laboureurs. […] Ce n’est pas qu’ils n’aient observé sur place, qu’ils n’aient vécu au milieu de leurs personnages. […] Et la règle générale, c’est que les écrivains, et spécialement les romanciers, parlent de la province avec ironie ou commisération ; qu’ils ne la connaissent guère que par ses légers travers, indéfiniment peints et repeints, c’est-à-dire qu’ils méconnaissent foncièrement les trente-deux millions de Français qui vivent hors de la capitale. […] Et je ne conteste pas qu’il y ait peu de similitude entre la manière de vivre d’un employé de ministère et celle d’un berger du Lot ou d’un marin breton. […] Certaines gens naissent et grandissent avec une cervelle si pauvre, qu’ils ne peuvent vivre sans tapage et bavardage, sans poussière à respirer, sans un théâtre ou un salon pour passer la soirée.
L’histoire de Camille, c’est celle d’un être presque inconscient, proche de la nature, point méchant au fond, transformé, par sa chute même et par l’affreux mensonge où cette chute l’a contraint, en une créature aimante et capable désormais de vivre d’une vie morale. […] (J’ajoute et la remarque n’est pas inutile au temps où nous vivons que le livre de M. […] La vie du jeune ménage est plus que serrée : ils ont à peine trois mille francs pour vivre. […] Au moins nous vivrons chez nous, sous un beau ciel. » Et ils partent.
Pouvoit-il faire d’Agnès Sorel une fille violente et sanguinaire, ou une personne sans élevation d’esprit, et qui auroit conseillé à Charles VII de vivre avec elle dans l’obscurité ? […] Les grecs et les romains qui ont vécu avant la corruption de leurs nations, avoient encore moins de peur de la mort que les anglois, mais ils pensoient qu’une injure dite sans fondement ne deshonorât que celui qui la proferoit. […] Après avoir reproché aux poëtes anciens d’avoir rempli leurs vers d’objets communs et d’images sans noblesse, on se croit encore fort moderé quand on veut bien rejetter la faute qu’ils n’ont pas commise, sur le siecle où ils ont vécu, et les plaindre d’être venus en des temps grossiers. La maniere dont nous vivons avec nos chevaux, s’il est permis de parler ainsi, nous révolte contre les discours que les poëtes leur font adresser par des hommes.
Soit cette admiration naïve comme en ont souvent les esprits qui vivent sur les idées d’un grand homme, car la moyenne de l’humanité n’est guère plus qu’une plèbe servile de rabâcheurs, soit la spéculation qui déchiquète à son profit toute célébrité nouvelle, les imitateurs de Cervantes se levèrent de toutes parts au premier coup de cloche de sa gloire. […] Mais pour que rien ne manquât à la renommée de ce pauvre et charmant grand homme, à qui tout avait manqué pendant qu’il vivait, il lui naquit plus tard cette chose rare, ce hasard inouï, cette nonpareille des Florides en littérature, un traducteur, et un traducteur dans cette langue française, la langue polyglotte, qui universalise la pensée d’un homme en l’exprimant. […] cette admirable figure de Don Quichotte, d’où sort tant de mélancolie qui se répand dans tout le livre et pénètre jusqu’aux endroits où il semble être le plus gai, cette figure et ce sentiment, supérieurs dans l’œuvre de Cervantes à tous les personnages qui y vivent et à tous les sentiments qui s’y expriment, voilà précisément ce qui manque à l’œuvre de son continuateur. […] C’est enfin un de ces infirmes qui n’intéressent que la Science ou que la Pitié, et qui meurt là où il aurait dû vivre, — dans un hôpital d’aliénés.
Stuart Mill n’eut pas d’enfants, la douce et sévère histoire d’amour qu’il a vécue fut-elle une aberration ? […] Mais comment vivrions-nous de bonté ? […] Nous ne vivons que de la mort d’autrui, des gens, des bêtes et des plantes. […] L’être innocent, celui qui ne nuit jamais, ne saurait vivre. […] Ils cherchent, eux aussi, à vivre d’une manière supportable, mais nous n’avons pas à les admirer.
Arrivé à peu près à ce terme, j’ai senti que j’avais assez d’aisance pour vivre solitaire, et mon goût m’y portait naturellement. […] Ou je vivrai seul, occupé de moi et de mon bonheur, ou, vivant parmi vous, j’y jouirai d’une partie de l’aisance que vous accordez à des gens que vous-mêmes vous ne vous aviserez pas de me comparer. […] C’est un homme à qui on dit : Tu vivras pauvre, et trop heureux de voir ton nom cité quelquefois ; on t’accordera, non quelque considération réelle, mais quelques égards flatteurs pour ta vanité, sur laquelle je compte, et non pour l’amour-propre qui convient à un homme de sens. […] c’est lui qui le fait vivre. […] Toutes ces anciennes inégalités, toutes ces nuances sociales si adoucies sur lesquelles il avait vécu durant trente ans, ce lit de roses dont il s’était fait un lit d’épines, lui revenaient avec fureur et le dévoraient.
En faisant vivre dans le roman quelques-uns de ses habitants, on a l’impression réconfortante que l’on peint un état social qui a peu varié, qui se modifie lentement, et que les scènes qui sont vraies aujourd’hui resteront longtemps vraisemblables. […] On dirait qu’elles ont vécu, puisqu’elles ont le dédain souriant de la vie. […] Mais ils sont désignés pour vivre. […] Micawber, si pauvre, §i généreux, si follement visionnaire, avait vécu sous le nom de John Dickens ? […] Ces êtres qui doivent vivre, il faut qu’ils soient aimés.
Ils ne vivent pas comme nous, pourtant ils vivent. Ils vivent de la vie des dieux immortels. […] Et il aime vivre ! […] Ils disaient : J’ai vécu. […] Vivent les alliés !
Et c’est aussi, malgré le dédain commun, l’opinion commune, puisque les livres de jadis qui vivent encore ne vivent que par le style. […] Ils n’ont à aucun degré le sens de la loi ; ils vivent dans l’accident. […] On n’a encore jamais enseigné aux hommes à vivre dans le présent, d’ailleurs ils y répugnent. […] Si une société ne peut vivre sans la notion et la pratique du sacrifice, je ne sais si elle est mauvaise, mais elle est absurde. […] Il y a deux manières de vivre : dans la sensation et dans l’abstraction.
Les hommes lettrés vivaient dans la solitude et dans l’inaction du cabinet. […] Fénelon vivait au milieu de cette société, et y répandait ses vertueux sentiments. […] La situation où a vécu cet auteur a nui à ses ouvrages. […] tout cela n’est-il pas parfaitement assorti au temps où il vivait ? […] Rousseau plaça ses personnages sur cette scène idéale, la seule où lui-même se plût à vivre.
Tout le milieu où je vivais m’inspirait les mêmes sentiments, la même façon de prendre la vie. […] En réalité, la Révolution avait été non avenue pour le monde où je vivais. […] eut des raisons suffisantes de vivre. […] Chacun vivait dans l’attente de ce jour. […] Quoique antipathique par bien des côtés à ma nature, cette éducation fut comme le réactif qui fit tout vivre et tout éclater.
Sa fille chérie, qui ne vivait que pour lui, ne lui survécut pas longtemps. […] À mon retour de Milan, l’année précédente, j’avais de grand cœur accepté de mon ami, et dans sa maison, un petit appartement solitaire et fort gai, et nous vivions comme deux frères. […] Mon ami que j’avais perdu à Sienne, ma bien-aimée qui désormais allait vivre hors de l’Italie, me déterminèrent aussi à ne pas y demeurer plus longtemps. […] je suis dénuée de tout, et vous poussez au dépouillement de ce roi et de cette reine qui nous subventionnent largement pour vivre ! […] « Je pris donc toutes mes mesures pour vivre sans tache, libre et respecté, ou, s’il le fallait, pour mourir, mais en me vengeant.
Rousseau eut ce bonheur de vivre hors de la société jusqu’à quarante ans, ou à peu près. […] Il faut donc voir Rousseau vivre avant de l’écouter parler. […] Il se met à copier de la musique pour vivre. […] Il copie toujours de la musique, pour vivre ; les gens qui veulent le voir se déguisent en clients pour forcer sa porte. […] Mais c’était chimère d’espérer faire vivre la religion civile.
Le Comte Léon Tolstoï Il y a deux ans à peine, le nom du comte Léon Tolstoï était inconnu en France ; l’on n’a cessé d’y ignorer la gloire de cet auteur, l’un des plus grands de ceux qui vivent dans ce temps, que pour apprendre le mépris et l’abandon qu’il fait lui-même de son génie. […] Dans ce monde récrié, incolore et mugissant des pages de jeunesse mais arrêté en ses lignes menues, vivent des hommes et des femmes à l’âme exquise, ardente ou grosse, mais montrés face à face et connus soudain en un geste, un mot, un accent, comme on connaît son propre cœur. […] De ces personnages si près d’être vertueux, les principaux sentent confusément ou nettement la nécessité de justifier devant eux-mêmes leurs actes et souffrent de l’impossibilité où est tout homme pensant de vivre justement et heureusement pour soi, quand ce soi est un phénomène éphémère d’au plus une soixantaine d’années de durée moyenne. Ce problème, le plus ardu et le plus inévitable qui attende l’homme aux années de maturité où l’on se perçoit mortel, les héros favoris de Tolstoï l’agitent et le résolvent avec une gravité triste et angoissée, une ardeur de recherche, une inquiétude tenace de gens qui ne peuvent vivre avec ce souci. […] Pendant quelque temps Tolstoï réussit à vivre en dissimulant son aversion sous l’indifférence, sous le refus de pousser jusqu’au bout la méditation de sa répulsion.
Mais le présent réel, concret, vécu, celui dont je parle quand je parle de ma perception présente, celui-là occupe nécessairement une durée. […] Que si, au contraire, vous considérez le présent concret et réellement vécu par la conscience, on peut dire que ce présent consiste en grande partie dans le passé immédiat. […] Vivre dans le présent tout pur, répondre à une excitation par une réaction immédiate qui la prolonge, est le propre d’un animal inférieur : l’homme qui procède ainsi est un impulsif. […] Celle d’où il part est une ressemblance sentie, vécue, ou, si vous voulez, automatiquement jouée. […] Nous saisissons donc ici, à leur source même et presque confondues ensemble, — non point pensées, sans doute, mais jouées et vécues, — l’association par ressemblance et l’association par contiguïté.
Il n’a su dégager qu’une atmosphère insalubre et irrespirable, où achèveront de se déprimer ceux des hommes qui y vécurent. […] Eh bien Zola, toujours et sans cesse, a vécu comme le dictateur de Marat. […] Et tous deux, avides d’azur et fous de vivre, menèrent aussitôt une vie buissonnière de poulains échappés. […] Mais comment réaliser leurs ambitions, dans cette époque où ils vivaient ? […] Henri de Régnier, qui incarne si profondément,, si héroïquement, des tristesses vécues.
C’est descendre, sans doute, de l’Olympe où chantent les Muses, mais c’est descendre pour vivre et vivre vaut bien ce sacrifice. […] Savoir n’est pas vivre, et c’est vivre qui importe. […] On nous apprend à réfléchir, personne ne nous enseigne à vivre. […] Il a vécu sans temple et sans autel. […] L’Europe adolescente en vécut six cents ans.
Le lecteur discernera, j’espère, le long de ce livre, les raisons pour lesquelles on peut se plaire à regarder vivre du dehors l’un des hommes qui se sont le plus regardé vivre du dedans. […] Ce qui est original a seul une raison suffisante de vivre. […] Il y est d’autant moins porté qu’il continue à vivre dans les problèmes et à vivre les problèmes posés par sa thèse de candidat, ceux de la culture genevoise et romande. […] Quelle vie eût-il vécue, dans la fraction de son nouveau demi-siècle ? […] Amiel déclare son mépris pour « ces pachydermes qui vivent à la surface de leur âme.
Nos physiciens et nos géomètres ne feraient-ils pas bien de vivre comme eux ? […] Je ne fais pas le même reproche à ceux qui ne vivraient avec les grands que pour leur dire la vérité. […] Je n’ai jamais compris pourquoi l’on admire la réponse d’Aristippe à Diogène : si tu savais vivre avec les hommes, tu ne vivrais pas de légumes. Diogène ne lui reprochait point de vivre avec les hommes, mais de faire sa cour à un tyran. […] C’est elle qui a donné à l’Italie tant d’artistes célèbres dont un petit nombre a vécu dans l’opulence.
Mais, de par l’usage et la loi, il doit « veiller à ce qu’ils reçoivent l’éducation, les secourir dans l’indigence, leur procurer, autant que possible, les moyens de vivre ». […] À Moutiers-Saint-Jean, près de Semur en Bourgogne, les Bénédictins de Saint-Maur font vivre tout le village et l’ont nourri cette année dans la disette. […] Dans le Rouergue, plusieurs vivent sur un revenu de cinquante et même de vingt-cinq louis. […] Puisqu’ils vivent de ces droits, il faut bien qu’ils les exercent, même quand le droit est lourd, même quand le débiteur est pauvre. […] Parfois, pour faire une économie, le seigneur confire le titre à l’un de ses fermiers : « À Hautemont, dans le Hainaut, c’est un domestique qui est procureur fiscal. » Plus souvent il commet quelque avocat famélique de la petite ville voisine, avec des gages « qui ne suffiraient pas à le faire vivre une semaine ».
« Vivre m’est un ennui si lourd et si long que je ne cesse d’en implorer la fin par le désir infini de revoir celle après laquelle rien ne me parut digne d’être jamais vu ! […] Trop connu, trop recherché dans ma patrie, loué, flatté même jusqu’au dégoût, je cherche un endroit où je puisse vivre seul, inconnu et sans gloire. […] « Je suis content, disait Pétrarque ; je ne veux rien, j’ai mis un frein à mes désirs, j’ai tout ce qu’il faut pour vivre. […] Il vivait tantôt à Milan, tantôt dans la Chartreuse de Garignano, près de l’Adda, sur la route de Milan au lac de Côme. […] Non, j’aime mieux mourir ou vivre seul !
C’est toi qui as enfanté les villes pour faire vivre en société les hommes auparavant dispersés ! […] Car elle a placé dans les eaux ceux qui sont propres à nager ; dans les airs, ceux qui sont disposés à voler ; et, parmi les terrestres, elle a fait ramper les uns, marcher les autres ; elle a voulu que ceux-ci vécussent seuls, et ceux-là en troupeaux ; elle a rendu les uns féroces, les autres doux ; il y en a qui vivent cachés sous terre. Chaque animal, fidèle à son instinct, sans pouvoir changer sa façon de vivre, suit inviolablement la loi de la nature. […] J’eus cependant la force de lui demander s’il vivait encore, lui et Paul Émile, mon père, et tous ceux que nous regardons comme n’étant plus. […] il vivra toujours ; car c’est le génie qui l’a planté, et jamais plant aussi durable n’a pu être semé par le travail du cultivateur que par les vers du poète.
On lit, au tome ixe de ses Œuvres complètes, un écrit intitulé : Réflexions sur les différents caractères des hommes, et qui, bien qu’on s’explique peu le motif qui le lui aurait fait composer, se rapporte assez bien à l’ordre d’idées, d’habitudes sociales et d’inclinations littéraires, où l’on sait que Fléchier a vécu et auquel il resta fidèle jusqu’à la fin. […] Comme un homme qui dès sa jeunesse a vécu avec les honnêtes gens, il croit à la vertu chez les autres ; et même lorsque cette vertu n’est point parfaite d’abord, il estime quelle doit gagner avec le temps, et que les années y mettant la main, elle se perfectionnera : Rien n’est plus capable, dit-il en concluant ce chapitre, de rendre un homme sage qu’une femme sage ; et on peut maintenant dire à la louange des dames, qu’elles apprennent à vivre à ceux qui les voient. […] Il nous fait voir le paysan, l’homme voisin du sol et en ayant gardé de la dureté, tel qu’il était alors, tel que le connaissait d’abord le vieil Hésiode, et tel qu’il redevient si aisément dans tous les temps. « Nous autres races d’hommes qui vivons sur la terre, nous sommes jaloux », a dit quelque part Ulysse chez Homère. […] Nau le croquemitaine, qui fait donner la question avec la même fureur qu’il danse lui-même la bourrée, ce sont moins là encore des portraits que des personnages d’une comédie de société et d’un proverbe : on les voit agir et vivre. […] Nous ne devons désirer de vivre que pour accomplir ce que Dieu demande de nous, et la tranquillité de la vie doit être regardée comme une grâce et une bénédiction de douceur qu’il répand sur nous, et qui nous engage à le servir avec plus de fidélité.
répondîmes-nous tout en larmes ; si nous cessions de prier nous aurions cessé de trembler ou d’espérer pour la vie de nos enfants, nous aurions bien plutôt cessé de vivre ! […] Ainsi, ne vivons pas, ô mon frère ! […] Dis au père Hilario, ton confesseur, et qui donnerait son sang pour ton salut, ce que tu viens de me dire, dis-lui que tu mourras dans l’impénitence finale et dans le désespoir sans pardon, si, avant de mourir, tu n’emportes pas la certitude de mourir inséparable de moi après cette vie, et de vivre sposo e sposa dans le paradis, puisque nous n’avons pu vivre ainsi dans ce monde, et que, pour t’assurer que le paradis ne sera pour nous deux qu’une absence et qu’une attente de quelques années d’un monde à l’autre, il faut que nous ayons été époux, ne fût-ce qu’un jour dans notre malheur. […] Et lui-même, si juste et si bon, est-ce qu’il pourrait vivre de la mort d’autrui ? […] Puis-je vivre sans lui ?
La femme entretenue ne peut vivre qu’au milieu de leur chaos d’enjolivements et de prétintailles. […] Le bruit a couru, dans sa petite ville, que son fils vivait avec une femme perdue, et, dès lors, le scandale est dans sa maison. […] Son drame ne discute pas, il se contente de vivre et de palpiter. […] La Dame aux Camélias meurt avec grâce, comme elle a vécu. […] Ces services-là ne se refusent pas entre jeunes gens qui savent vivre.
À Rome, on a le sentiment qu’on domine le temps et la mort avec laquelle on aime à vivre. […] C’est avec ce cortège de douleurs qu’on avance vers la mort sans aucun courage ni pour vivre ni pour mourir. […] — J’ai toujours vécu d’amitié, et ma première jouissance était de la sentir bien placée. […] Les hommes y vivent sur les épaules les uns des autres, et non à côté l’un de l’autre, comme dans votre Rome, en France, à Genève, en Allemagne. […] Personne ne vécut jamais mieux avec la solitude et ne regretta moins de la quitter.
Mêlés aux plaisirs, aux affaires, aux intrigues de leur temps, ils ont vécu de la vie la plus remplie, la plus animée et agitée, ils y ont développé et aiguisé leur esprit, leur goût ; et, lorsque ensuite ils ont pris la plume, leur langage y a gagné. […] On raconte qu’Alexandre, dans ses conquêtes, en arrivant à Persépolis, y rencontra des captifs grecs, précédemment mutilés par ordre des rois persans, et qui vivaient là depuis des années. […] Les exilés, gens d’esprit, écrivains, qui sortent de leur pays pour n’y plus rentrer et qui vivent encore longtemps, représentent parfaitement l’état du goût et la façon, le ton de société ou de littérature qui régnaient au moment de leur sortie. […] Saint-Évremond, qui vécut près de quarante ans en Angleterre, n’entendait point l’anglais ; c’étaient ses amis, le duc de Buckingham et M. d’Aubigny, qui lui expliquaient les meilleures pièces anglaises, et naturellement ils ne lui parlaient que du théâtre du jour. […] Je voudrais avoir donné ce qui me reste et qu’elle vécût.
Ils ont vécu au jour le jour, en épicuriens de la gloire, heureux des roses et des faveurs de chaque matin, gaspillant à des riens mille grâces. […] Des Houlières, qui reprit du service et vécut fort peu à ses côtés, elle ne put jamais relever ses affaires de fortune, dérangées par une longue absence, et sa vie se passa dans des gênes continuelles, que l’agrément de la société ne recouvrait qu’à demi. […] quels jours j’eusse là vécus Sous le consulat de Plancus ! […] Je crois toutefois en avoir assez dit pour montrer qu’elle mérita de vivre. […] il est doux de comprendre tout ce qui a vécu.
On ne vivra qu’en tant qu’on connaîtra son devoir et qu’on luttera pour l’accomplir. […] J’apprends à vivre. […] Et si le temps s’écoule et qu’on ne reçoive rien de moi, laissez-la vivre d’espoir, soutenez-la. […] C’est l’âge où il fait bon vivre. […] Ils vivront, mais fussent-ils morts, la France va se reconstruire avec leurs âmes comme pierres vivantes.
Je commence par le président Hénault, qui vivait dans sa société particulière, et qui nous le montre sous son vrai jour : — ah ! […] Nul ne connaît mieux les attentions les plus flatteuses ; ce n’est pas populaire, ni civil qu’il est, c’est de cette politesse qui n’est restée qu’à lui dans l’âge où nous vivons. […] Il vécut sur cette gloire. […] Quand il vivait familièrement avec ceux qu’il aimait, il était simple dans ses manières, mais c’était la simplicité du génie : dans la société, il était le premier à bannir toute contrainte ; il s’en trouvait gêné lui-même au point d’en témoigner de l’impatience. […] Étant un étranger comme je suis, j’ose moins répondre pour mes plans futurs de vie qui peuvent m’emmener bien loin de ce pays ; mais, si je pouvais disposer de ma destinée, rien ne serait plus de mon choix que de vivre où je pourrais cultiver votre amitié.
M. de Sénancour, en 1832 Nous vivons dans un temps où la publicité met un tel empressement à s’emparer de toutes choses, où la curiosité est si indiscrète, la raillerie si vigilante, et l’éloge si turbulent, qu’il semble à peu près impossible que rien de grand ou de remarquable passe désormais dans l’oubli. […] Si l’on cherche la raison de cet oubli bizarre, de cette inadvertance ironique de la renommée, on la trouvera en partie dans le caractère des débuts de M. de Sénancour, dans cette pensée trop continue à celle du xviiie siècle, quand tout poussait à une brusque réaction, dans ce style trop franc, trop réel, d’un pittoresque simple et prématuré, à une époque encore académique de descriptions et de périphrases ; de sorte que, pour le fond comme pour la forme, la mode et lui ne se rencontrèrent jamais ; — on la trouvera dans la censure impériale qui étouffa dès lors sa parole indépendante et suspecte d’idéologie, dans l’absence d’un public jeune, viril, enthousiaste ; ce public était occupé sur les champs de bataille, et, en fait de jeunesse, il n’y avait que les valétudinaires réformés, ou les fils de famille à quatre remplaçants, qui vécussent de régime littéraire. […] Il revient longuement là-dessus en tête des Libres Méditations, et suppose que le manuscrit de ce dernier ouvrage a été trouvé dans l’espèce de grotte où vécut cet ouvrier, nommé Lallemant, et qu’il a été écrit par un autre solitaire plus lettré, son successeur. […] Ainsi livrés à tout ce qui s’agite et se succède autour de nous, affectés par l’oiseau qui passe, la pierre qui tombe, le vent qui mugit, le nuage qui s’avance, modifiés accidentellement dans cette sphère toujours mobile, nous sommes ce que nous font le calme, l’ombre, le bruit d’un insecte, l’odeur émanée d’une herbe, tout cet univers animé qui végète ou se minéralise sous nos pieds ; nous changeons selon ses formes instantanées, nous sommes mus de son mouvement, nous vivons de sa vie. » Cette abdication de la volonté au sein de la nature, cette lenteur habituelle d’une sensation primordiale et continue, il la trouve si nécessaire au calme du sage en ces temps de vertige, qu’il va jusqu’à dire quelque part que, plutôt que de s’en passer, on la devrait demander aux spiritueux, si la philosophie ne la donnait pas. […] L’inquiétude gronde encore sans doute dans son cœur, mais elle diminue, mais elle s’endormira ; on comprend qu’Oberman doit vivre et que son front surgira à la sereine lumière.
Machiavel, au contraire (ne l’oublions pas dans la comparaison des deux génies), vivait dans un temps et dans un pays où il y avait par jour, pour les individus comme pour les cités, plus de trente manières d’être détruit et de périr. […] Montesquieu a tellement vécu en idée parmi ces Romains, qu’il a sur eux un avis, une impression directe, personnelle, qui se produit parfois d’une manière assez naïve. […] Là encore il a manqué à Montesquieu de vivre hors de son cabinet et de voir l’histoire se faire devant lui. […] Dans les années qui précédèrent, et quand il n’était pas à son château de La Brède, il vivait à Paris, fort répandu dans le grand monde, particulièrement dans le cercle de la duchesse d’Aiguillon, de Mme Du Deffand, et fort désiré partout, fort souhaité ; simple, bonhomme même, payant de sa personne sans chercher à briller. […] « J’entends, disait l’illustre auteur, quelques frelons qui bourdonnent autour de moi ; mais, si les abeilles y cueillent un peu de miel, cela me suffit. » Montesquieu vécut six années encore : il était vieilli avant le temps.
Mais en ce qui est du journal, ce qui amusait véritablement Mme de Maintenon (elle le dit et ce devait être, elle flatte peu, même ses amis), ce qui lui rappelait ce qu’elle avait oublié et qui l’obligeait parfois à rectifier quelques-uns de ses souvenirs, n’est-ce donc rien pour nous, et ne devons-nous pas savoir gré à celui qui nous met à même d’avoir comme vécu à notre tour en ce temps-là ? […] Avec quelque effort pourtant, et grâce à l’abondance des mémoires, on peut s’y naturaliser et s’imaginer encore y avoir vécu. […] Et à la Cour, car pour faire tant que de se figurer avoir vécu sous Louis XIV, c’est à la Cour qu’il faut aller, — à ce Versailles donc que d’embarras pour un nouveau venu du xixe siècle, que d’ignorances et de faux pas à éviter, que de pièges ! […] Ainsi, tous liseurs et rêveurs comme moi lui auront l’obligation de pouvoir vivre en idée une trentaine d’années de plus en arrièreb, et sous Louis XIV encore ; est-ce donc si peu ? […] Ainsi, tous rêveurs comme moi lui auront l’obligation de pouvoir vivre en idée une trentaine d’années de plus en arrière
Il y a encore une classe d’étrangers qui écrivent en français, mais ceux-ci parce qu’ils sont venus en France et à Paris, qu’ils y habitent, qu’ils y vivent dans la meilleure société et en ont pris le ton, le tour d’esprit. […] Une teinte grise les environne, aucun rayonnement ne les dénonce au dehors ; pour les apprécier, il faut venir chez eux et vivre avec eux. […] Qu’elle se maintienne et roule quelque temps, elle aura bientôt tout le monde à sa suite. — J’ai vu, disait quelqu’un, la naissance de plusieurs bruits de mon temps ; et bien qu’ils s’étouffassent en naissant, nous ne laissions pas de prévoir le train qu’ils eussent pris s’ils avaient vécu leur âge. […] Ce gentilhomme bernois, qui a dû vivre assez longtemps en Angleterre, qui a servi en France, écrit un français net et ferme, vif et dégagé, comme le fera plus tard son compatriote Bonstetten. […] La plupart des hommes croiraient ne savoir pas vivre s’ils les entretenaient naturellement et d’autre chose que d’elles-mêmes ; il leur paraît que de ne pas dire à une femme, du moins de temps en temps, qu’elle est belle et qu’elle a de l’esprit, ce serait lui faire entendre que la beauté et l’esprit lui manquent.
Le comte de Gisors y fit l’apprentissage de l’une et de l’autre ; et il semble que, s’il eût vécu davantage, c’est à cette seconde carrière, la diplomatie, que sa délicate santé comme ses goûts l’eussent définitivement porté. […] Qu’aurait été le comte de Gisors, s’il avait vécu ? […] Il était arrivé à la perfection ; il semble qu’il n’avait plus qu’à mourir… Songeons pourtant que, s’il lui avait été donné de vivre Page de son père, soixante-dix-sept ans, il serait mort seulement en 1809. […] Quoique nous ne vivions plus aux âges antiques, ne dédaignons pas la Muse : elle seule encore est capable de mettre un dernier charme, un attrait sensible, là où était déjà l’estime. […] M. de Gisors y échappa ; il avait trop peu vécu encore dans cette Cour de Louis XV, la plus méchante des Cours.
La jeune veuve de ce mari vivant vécut ainsi plusieurs années chez sa mère. […] Depuis cette perte, il alla plusieurs fois en pèlerinage à Jérusalem, et vécut dans une modeste obscurité, après avoir passé son enfance dans toutes les promesses des cours, et sa jeunesse dans toutes les opulences et dans toutes les délices de son double mariage. […] Les mousquetaires étaient supprimés, le duc de Rohan vivait seul et triste dans l’hôtel de sa belle-mère, au milieu de la rue de l’Université. […] Il y vécut en sage, repentant d’un peu trop de zèle ; il y mourut à la fleur de son âge, plein de mansuétude et de précoces vertus. […] Mathieu de Montmorency, qui vivait alors séparé de sa femme, la vit et s’enthousiasma pour cette incomparable et énigmatique beauté d’un amour qu’il se déguisa à lui-même sous l’apparence d’une passion innocente, parce qu’elle lui semblait immatérielle.
Peut-il exister en dehors des divers systèmes politiques, aux confins des doctrines qui se combattent et se font la guerre, un terrain plus ou moins neutre, une sorte de lisière, où l’on est bien venu à errer un moment, à rêver, à se souvenir de ces choses vieilles comme le monde et éternellement jeunes comme lui, du printemps, du soleil, de l’amour, de la jeunesse ; à se promener même (si la jeunesse est passée) un livre à la main, et à vivre avec un auteur d’un autre âge, sauf à en raffoler tout un jour et à demander ensuite, en rentrant dans la ville, à chaque passant qu’on rencontre : L’avez-vous lu ? […] « Vivre à l’ombre de la beauté qu’on aime, à la regarder, à l’entendre, savez-vous une plus belle vie : une paresse agitée et contente, une oisiveté pleine de caprices ? […] L’enfant royal, venu au monde sur un tombeau, ce précieux rejeton de tant de rois, que la France avait confié à votre tutelle, vous l’avez entouré de tous les soins qui font vivre un enfant, mais aussi de tous les exemples qui perdent un jeune homme. […] L’amateur, qui a le coup d’œil prompt, qui se ressouvient à la fois et qui devine, lit, parcourt, choisit dans ces pages nombreuses celles qu’il faut élaguer, celles qui doivent vivre et auxquelles il ne manque, pour être dans tout leur jour, que de paraître détachées. […] Il y a lieu de peindre, dans un temps, tout ce qui a vécu, brillé, fleuri à son heure ; ayez seulement la couleur du sujet et le rayon.
Le peu de religieux qui y restaient vivaient avec scandale : « D’y en mettre de réformés, lui écrivait Rancé, cela n’est plus possible ; les réformes sont tellement décriées, et en partie par la mauvaise conduite des religieux, qu’on ne veut plus souffrir qu’on les introduise dans les lieux où il n’y en a point. […] « Nous vivons, écrivait-il encore (à l’abbé Nicaise), nous vivons dans des siècles plus prudents et plus sages, je dis de la sagesse du monde, et non pas de celle de Jésus-Christ. » Depuis tantôt deux siècles que cette prudence et cette sagesse tout humaines n’ont fait que croître, l’anachronisme du saint réformateur n’est pas devenu moins criant. […] »— Et quelle délicatesse encore dans cet autre mot qui décèle une tendresse d’âme subsistante sous la dure écorce : « Ce seroit une chose bien douce d’être tellement dans l’oubli, que l’on ne vécût plus que dans la mémoire de ses amis ! […] Son passage a été paisible et tranquille… D’agonie, il n’en eut point, et on s’aperçut seulement qu’il cessoit de vivre parce qu’il ne respiroit plus.
Mais tous ces sarcasmes ne nous font ni changer de pensée, ni changer de cœur ; nous vivrions mille vies que nous les dévouerions encore à vous préserver autant qu’il serait en nous, non pas seulement d’une blessure au cœur, mais d’une piqûre à l’épiderme. […] Peut-être vivrai-je assez pour que les écrivains qui m’insultent aujourd’hui en prose regrettent un jour leur injuste inimitié. […] On dit que d’écrivain tu t’es fait jardinier ; Que ton âne au marché porte un double panier ; Qu’en un carré de fleurs ta vie a jeté l’ancre Et que tu vis de thym au lieu de vivre d’encre ? […] J’appris à t’estimer, non au vain poids d’un livre, Mais au poids d’un grand cœur qui sait mourir ou vivre. […] c’est assez pour vivre et même pour mourir !
Mais c’est la politique surtout qui doit vivre, les yeux sur un tel atlas. […] qu’est-ce que le Japon, et quelle vaine manie d’expédition, sans possessions et sans intérêt, vous pousse à aller bouleverser à coup de boulets français ces fourmilières pacifiques et industrieuses, à la voix de quelques propagandistes agitateurs du monde, qui veulent imposer des mœurs européennes à des peuples qui vivent de dogmes asiatiques ? […] Enfin regardez sur l’atlas l’Autriche, autrefois dominatrice, aujourd’hui réduite à des proportions peut-être trop exiguës dans le midi de l’Allemagne, éventrée par la Prusse, disloquée par la Hongrie, agitée par la Galicie, inquiétée par la Bohême, tiraillée par vingt nationalités éteintes qui veulent vivre seules sans avoir la force de vivre, appuyée sur son armée seule dont les contingents peuvent être à chaque crise rappelés par leurs provinces natales, et réfugiée sur le Tyrol, son dernier boulevard, réduite par son rôle à être empire de montagne, à être demain ce qu’était hier le faible monarque de Piémont. […] Car la géographie, surtout, enseigne la sagesse, cette saine appréciation des choses mortelles ; et, quand on voit dans l’Atlas géographique et historique ces grands déserts qui furent des empires, ces vides immenses qui ne pouvaient jadis contenir leur population, et qui débordaient en colonies inépuisables pour aller peupler des continents nouveaux ; quand on voit la place de ces fourmilières de peuples marquée seulement par un nom à déchiffrer sur un monolithe couché dans le sable, on se demande si c’était, pour ces torrents d’hommes engloutis, la peine de naître, de vivre, de combattre et de mourir sur la terre, et on se répond avec tristesse : Non, l’humanité n’est que l’ombre d’un nuage qui passe sur ce petit globe, encore trop grand et trop permanent pour elle, entre deux soleils, et, quand elle a été, c’est comme si elle n’avait pas été !
Elle a senti d’abord le besoin d’être aimée ; puis elle a aimé, d’un amour absurde, ridicule, tourmenté ; toutes les sécheresses de son cœur se sont fondues : jamais elle n’a plus vécu, et plus délicieusement, que depuis qu’elle est hors de la raison, hors de toutes les convenances, depuis qu’elle a ouvert en elle d’intimes sources de tendresse et de douleur. […] Quand elle eut perdu M. de Mora, quand elle eut mesuré M. de Guibert, l’univers, l’art, pas même la musique n’offrirent rien à son âme qui la contentât ; elle ne sentit plus de raison de vivre, et elle aima la mort. […] L’amour et la mort, c’est le thème que Leopardi, que Musset chanteront : Mlle de Lespinasse l’a vécu. […] Et voici le prince de Ligne écrivant à une marquise française : d’un haut promontoire de la Crimée, le soir, il regarde la mer immobile, il reporte sa pensée sur tous les hommes, tous les peuples qui sont venus par cette mer, ont passé sur cette côte, ont vécu dans ces villes dont il vient de fouler les ruines. […] N’avons-nous pas vu Rousseau, en qui est la source du romantisme, pénétrer plus profondément dans les âmes qui vivent hors du monde, comme Mlle Phlipon ?
Voici un livre d’observateur sur le vif, de voyageur en dehors des livres, d’homme qui a fait le sien à la sueur de son front et à la poussière de ses sandales, qui a vécu dix ans dans le pays dont il parle, plongé dans les difficultés de la langue de ce pays et dans le secret de ses mœurs, et qui, de la plus haute moralité, — de cette moralité de prêtre qui donne à la parole humaine, toujours suspecte quand elle nous revient de si loin, l’autorité qu’elle doit avoir pour être acceptée, — nous apporte sur la Chine un de ces renseignements, éclairés et complets, tels qu’on n’en avait pas revu depuis la publication des Lettres édifiantes. […] L’histrionisme, cette passion dernière des peuples futiles, qui ne vivent plus que par les yeux et veulent des distractions pour combler l’abîme de leur ennui et de leur vieillesse, l’histrionisme l’amour dépravé des bateleurs, règne, en Chine, comme il a régné à Rome et à Constantinople et comme il règne chez tous les perdus des civilisations excessives. […] Et c’est peut-être là, du reste, l’apparente durée de ce peuple étrange, qui est mort de la mort de l’âme, de la mort sociale, et qui semble vivre toujours parce qu’il n’a pas été dévoré par la conquête ou par la faim. […] L’autorité paternelle, en laquelle nous avons cru pendant des siècles, parce que nous acceptions, comme un fait qui vivait, la lettre morte d’une législation dépassée par les progressistes chinois, l’autorité paternelle, que Huc nous montre, comme le reste de cet empire, qui s’évapore en formules, ne reprendra pas le sceptre domestique échappé de ses mains. […] Or, cette palpitation fébrile de l’esprit philosophique des Chinois prouve, du moins, qu’il vivait encore, tandis qu’à présent le Rationalisme et l’indifférence ont mieux narcotisé la Chine que l’opium anglais.
S’il avait eu plus de souplesse, plus de basse complaisance, il vivrait encore peut-être ; je sais bien où il pourrait se trouver, mais je n’irais pas l’y chercher, afin de m’occuper de lui. — Cette petite vérole courante, — nous savons son nom : — c’est l’égoïsme et l’envie, c’est la médiocrité de certains Carons, meneurs de spectres, qui refusent l’entrée des champs Élysées aux Ombres couronnées du laurier immortel, et qui les laissent errer sur des rivages sans nom, parce qu’elles n’ont pas, pour frayer leur passage, l’obole frappée à l’effigie des camaraderies. […] Son petit livre vivra, en dépit des compilations hypocrites qui voudraient le rabaisser au second rang. […] Il a succombé, mais il a vécu.
Il ne reproche pas aux hommes de ne point le comprendre, il rêve à peine de vivre une existence enfin fortunée, dans des siècles passés, en des contrées distantes. […] Rod arrive à ce dernier repliement sur soi, où s’interrogeant sans cesse, oubliant de vivre à force de s’analvser, il en vient à ne plus être sûr de ses propres sentiments ; les désirs remuent à peine et s’étiolent, les passions deviennent circonspectes et douteuses. […] De plus douces émotions reviennent, il est ressaisi par le charme, enlacé par l’illusion, il veut vivre, se redresser, sortir de son suaire, mais il se butte de nouveau, s’arrête, ébauche un geste de renoncement et médite son impassibilité jusqu’à ce que la mort de Céline N.., vienne détruire ce vestige d’amour et résoudre les contradictions de son âme en une longue harmonie de regrets.
Un secteur avec ses tranchées et ses cagnas ressemble beaucoup à ces petits réduits qu’étaient les premières communautés, groupées dans les catacombes, dans un pauvre faubourg, et dont les fidèles, plus unis que des frères, vivaient de la même foi et des mêmes espérances. […] Ils disaient : « Nous vivons, sous la mitraille, en République sociale. […] Sans doute, on vivait des jours bien misérables, mais tous croyaient à la vertu souveraine de leur sacrifice.
La vérité est qu’il a l’âme assez riche pour vivre à la fois de ces quatre façons. […] Après cela, on ne vivrait pas si on songeait toujours à ces choses. […] La question est de savoir s’il leur infuse assez de sang pour qu’ils vivent. […] Elles vivent à peu de frais sans doute, le plus souvent en vertu d’un signe grossièrement et énergiquement particulier ; mais elles vivent, chacune à part et toutes ensemble. […] Je ne sache pas que dans aucun roman on ait fait vivre ni remué de pareilles masses.
L’amour est un ardent oubli de tout le reste ; ils vivaient dans une minute d’or. […] Il y va mourir : puisqu’il ne peut vivre avec Cosette, autant mourir pour le drapeau rouge ! […] « Elle sentait qu’elle ne pouvait vivre sans Marius, et que par conséquent cela suffisait, et que Marius viendrait. […] Misères de l’esprit condamné au doute et qui ne peut vivre que de foi ! […] — Cela finira, répondis-je à mes interlocuteurs alarmés, par quatre lois que le temps comporte et que la raison publique avoue : Une loi qui donne son droit politique à chacune des classes sociales par une part proportionnelle au suffrage ; Une loi qui assure, non le droit au travail, mais le droit de vivre à tout homme que le ciel envoie sur la terre pour y vivre.
Cela, c’est le partisan de la « joie de vivre » ; ohé ! […] C’est la joie de vivre que je voyais devant moi… Oh ! mère, la joie de vivre, vous ne la connaissez guère dans le pays… La joie de vivre… et puis la joie de travailler. […] Nous vivons, nous, de ces mélanges et de ces contradictions. […] J’ai beaucoup vécu avec les simples et les ignorants.
Quelque objet qu’il touchât, il le faisait palpiter et vivre ; c’est qu’en le regardant il avait palpité et vécu. […] Il a vécu parmi les spectacles qu’il décrit ; il a éprouvé les émotions qu’il raconte. […] Il a vécu en chef féodal, non en savant gradué ; il a combattu, il a maîtrisé les autres ; il sait se maîtriser lui-même. […] À vivre ainsi, on est grand, mais on devient malade. […] Un homme doit voyager et se jeter dans le tourbillon, sinon ce n’est pas vivre. » Moore, III, 429.
Presque tous ceux qui ont entouré mon enfance ont disparu : ma mère, à qui je dois le fond de ma nature, qui est la gaieté ; ma sœur, si pure, si dévouée, ne sont plus aux lieux où je les ai vues autrefois vivre et m’aimer. […] Mais le cadre où ils vécurent dure toujours. […] Il vaudrait sûrement mieux vivre et mourir solitaire ; mais on n’est pas le maître ; le monde vous prend par les cheveux, fait un peu de vous ce qu’il veut.
A ce moment, elle avait encore quelques années à vivre. […] Il ne se peut déterminer ni à vivre ni à mourir. […] Il vivait étranger sur la terre, comme un esprit errant et rejeté d’un autre monde. […] Je ne croyais pas que ce fût une chose si difficile que de vivre. […] naître pour vivre en désirant la mort !
Vellay, Charles (1876-1953) [Bibliographie] Au lieu de vivre (1896). […] Charles Vellay, pour son livre de début, nous donne, dans Au lieu de vivre, un recueil de beaux poèmes, graves et gracieux, d’un sûr métier et d’une pensée mélancolique.
Sainte-Beuve Goethe, dès sa jeunesse et dès le temps de Werther, s’apprêtait à vivre plus de quatre-vingts ans. […] Tant qu’il y aura une France et une poésie française, les flammes de Musset vivront comme vivent les flammes de […] Il vivra éternellement, parce qu’il a beaucoup aimé et beaucoup pleuré.
Les femmes, l’action intéresse d’ailleurs, sont si absorbées par les développements de la passion, qu’elles se préoccupent peu du dessin des caractères ; quant aux penseurs, ils ont un tel goût de voir des caractères, c’est-à-dire des hommes, vivre sur la scène, que, tout en accueillant volontiers la passion comme incident naturel dans l’œuvre dramatique, ils en viennent presque à y être importunés par l’action. […] En effet, au-delà de cette barrière de feu qu’on appelle la rampe du théâtre, et qui sépare le monde réel du monde idéal, créer et faire vivre, dans les conditions combinées de l’art et de la nature, des caractères, c’est-à-dire, et nous le répétons, des hommes ; dans ces hommes, dans ces caractères, jeter des passions qui développent ceux-ci et modifient ceux-là ; et enfin, du choc de ces caractères et de ces passions avec les grandes lois providentielles, faire sortir la vie humaine, c’est-à-dire des événements grands, petits, douloureux, comiques, terribles, qui contiennent pour le cœur ce plaisir qu’on appelle l’intérêt, et pour l’esprit cette leçon qu’on appelle la morale : tel est le but du drame. […] Il faut s’étourdir, fermer les yeux, vivre, boire, aimer, jouir. […] Maintenant, au-dessus de ces trois hommes qui, ainsi considérés, feraient vivre et marcher, aux yeux du spectateur, trois faits, et, dans ces trois faits, toute la monarchie espagnole au dix-septième siècle ; au-dessus de ces trois hommes, disons-nous, il y a une pure et lumineuse créature, une femme, une reine.
En province, où elle vécut d’abord ; à Paris, où elle vint plus tard, elle n’aspira jamais qu’à être la Philaminte d’un cercle mieux composé que celui des Femmes savantes, et dont les Vadius et les Trissotin ne furent rien moins que Soumet, alors dans toute sa gloire, — Soumet, sur le corps de qui ont passé Lamartine et Victor Hugo, — Guiraud, Émile Deschamps et le marquis de Custine, un grand artiste à peu près inconnu, très grand seigneur avec la gloire qu’il n’a pas courtisée, et dont le marquis de Foudras, l’héritier de son immense fortune, a oublié de publier les œuvres complètes, quand on imprime celles de Mme Gay ! […] Sa fille, Mme de Girardin, qui, en faisant comme un homme, et même comme un homme médiocre, des romans et des tragédies, eut le tort d’emprisonner ses jambes de déesse dans cet affreux bas qui botta si hermétiquement celles de sa mère, Mme de Girardin a du moins jeté quelques cris passionnés du cœur dans quelques beaux vers et fait un vrai livre de femme par lequel elle vivra, parce que c’est un livre de femme, pur de tout bleuisme. […] Mais, quand on ne tient sous son pinceau que des ridicules, il faut les faire vivre le plus possible pour qu’on les voie bien ; il faut leur donner la couleur et le relief, et le mouvement et l’intensité de la vie ; et c’est là ce qui manque le plus aux ridicules de Mme Sophie Gay ! […] Il n’est rien d’impatientant comme la fausse gloire à tous les degrés… Mme Gay a vécu quatre-vingts ans à l’état de petite puissance littéraire… On la croyait presque une étoile, et ce n’était qu’un rat-de-cave, dont nous allons souffler le lumignon !
Depuis 1700 cependant, l’Académie a continué à vivre, mais Livet, n’ayant pas trouvé d’autres chroniques sur l’Académie qu’il pût réimprimer comme les deux premières, n’a pas osé continuer de son chef et de sa plume l’histoire commencée par ces illustres devanciers qui ont imposé à sa jeune modestie. […] Écrite pour le temps où Pélisson avait vécu, elle n’avait pas duré davantage, et c’est inutilement, nous le croyons, que Livet, dans son désir d’être agréable à l’Académie d’aujourd’hui, a tiré cette histoire de l’oubli dans lequel elle était tombée. […] Du temps de Pélisson, dans cette société où l’on vivait sous le despotisme d’une politesse plus absolue que Louis XIV, toute critique franche, directe et à fond de train, ressemblait à une grossièreté, et personne ne se la permettait. […] et dont on peut justement dire : pour la postérité indifférente, que cela ait vécu ou n’ait pas existé, c’est tout un !
Elle ne paraît pas avoir vécu en parfait accord avec Mme de Pompadour ; du moins on la voit brouillée avec elle en juillet 1746. […] Tant que vécut son second mari, elle n’eut point toute liberté à cet égard, et ce n’est qu’après sa mort, en 1764, qu’elle entra dans la possession et l’exercice du dernier rôle qu’elle sut si bien remplir. […] et de longs soupirs ridicules, mais celle que les délicats, les voluptueux, les prince de Ligne, les Saint-Évremont de tous les temps, ceux qui y ont vécu ou qui étaient dignes d’y vivre ont goûtée, ont décrite, ont vainement essayé de retrouver après l’avoir perdue, j’aurais voulu, moi aussi, te traverser et te connaître, mais non pas me renfermer en toi et y mourir ! […] je ne voudrais pas encore une fois m’enfermer sans retour dans ces îles enchantées, dans ces cercles où tout l’homme ne saurait penser et vivre, où la femme elle-même n’était pas nécessairement plus aimable qu’on ne la rencontre, sans trop la chercher, en dehors de là : éternelle nature féminine qui recommence toujours, qui devine si tôt ce qui est bien, ce qui est mieux comme ce qui est pire, en même temps que ce qui est décent, et qui le rapprend sans enseigne et sans affiche à quiconque lui veut plaire ; devant qui la passion, la verve, la poésie, le naturel aujourd’hui avec tous ses risques et tous ses avantages peuvent oser plus que jamais se déployer ! […] Mme la comtesse de Boigne que nous possédons encore, mais que son âge et sa santé affaiblie ne laissent plus vivre tout entière que de près et pour l’intimité (1864).
Méléagre vivait cent ans environ avant Jésus-Christ ; charmant poète lui-même, auteur d’idylles et d’épigrammes amoureuses remplies de grâce ou de flamme, il réunissait toutes les conditions pour réussir à un travail qui demandait une main heureuse. […] Les savants vivaient donc, ils vivront longtemps et toujours sur l’Anthologie publiée et commentée par Jacobs ; mais les profanes étaient exclus. […] Léonidas de Tarente était natif, comme son nom l’indique, de la Grande-Grèce ; il vivait du temps de Pyrrhus dont il a célébré l’une des victoires, environ l’an 276 avant Jésus-Christ. […] C’est un vieillard qui se contente de peu, à qui suffit du sel, deux pains d’orge, et qui vit sans se plaindre, comme ont vécu ses pères. […] Vivre ainsi errant, ce n’est pas vivre ; mais les Muses m’ont chéri, et en échange de mes peines, j’ai une douceur.
J’ai vécu les oreilles et les yeux pleins de la sonnerie et de la féerie de Victor Hugo, et je sens aujourd’hui l’âme de Victor Hugo presque étrangère à la mienne. […] Enfant précoce, nerveux, chétif, caressant, Déjà surpris de vivre et de regarder vivre, de bonne heure il a aimé les images, et les livres avant de les avoir ouverts ; de bonne heure il a su regarder les objets, voir leurs formes, leurs couleurs et en jouir ; et il a su goûter les vieilles choses et s’intéresser au passé. […] Il a naïvement frémi d’admiration en expliquant Homère et les tragiques grecs, il a vécu de la vie des anciens, il a senti la beauté antique, il a connu la magie des mots, il a aimé des phrases pour l’harmonie des sons enchaînés et pour les visions qu’elles évoquaient en lui. […] Si la fable est en général peu de chose, les personnages vivent. […] Un petit enfant, c’est aussi la créature la plus aimée d’autres êtres, dont il est la raison de vivre, pour qui il est la suprême affection, la plus chère espérance, souvent l’unique intérêt.
En outre, ce ne doit pas être un mince plaisir, et c’est tout au moins une raison de vivre, que de savoir que l’on continue une race célèbre, de retrouver son nom mêlé partout à l’histoire, de reconnaître des aïeux dans les conducteurs de peuples et parmi les premiers acteurs qui ont joué publiquement leur rôle sur la scène du monde. […] Eux, ils n’ont qu’à se laisser vivre pour faire partie de l’histoire. […] Un prince ne peut pas vivre en pleine mêlée humaine, vivre dans la rue, aller où il lui plaît, frayer tranquillement avec des gens de toute classe. […] En somme, s’il est vrai, comme je le pense, que la vie la plus digne d’être vécue est celle qui nous permet de connaître l’humanité à tous ses étages, sous tous ses aspects, par tous ses côtés pittoresques et dans tous ses recoins moraux, le mieux est d’être né du peuple, et du plus petit. […] Et il faut, en outre, leur assurer la subsistance et combiner avec leur marche celle des convois de vivres.
Le fond pourtant s’y fait sentir à qui le cherche ; et, après avoir vécu quelque temps auprès d’elle, on se dit qu’il n’est rien de tel encore qu’une race forte quand la grâce s’y mêle pour la couronner. […] Elle y vécut à demi retirée du monde, voyant ses amis et le duc de Villeroi jusqu’à la fin ; ayant souvent auprès d’elle son fils le comte de Caylus, original et philosophe, donnant à souper à des gens du monde et à des savants, et mêlant ensemble la dévotion, les bienséances, la liberté d’esprit et les grâces de la société, dans cette parfaite et un peu confuse mesure qui était celle du siècle précédent. […] Elle vécut peu et tristement ; elle avait, disait-on, un beau teint pour éclairer sa laideur. » Il faut être Hamilton ou femme pour trouver de ces traits-là. […] Mme de Montespan, par sa naissance et par sa charge, doit y être ; elle peut y vivre aussi chrétiennement qu’ailleurs. » M. l’évêque de Meaux (Bossuet) fut de cet avis. […] C’est ainsi qu’il faut entendre cet autre passage de l’éloge, où il est dit : « Dès qu’on avait fait connaissance avec elle, on quittait sans y penser ses maîtresses, parce qu’elles commençaient à plaire moins ; et il était difficile de vivre dans sa société sans devenir son ami et son amant. » Ces expressions vives du peintre platonique ne sont que pour mieux rendre cette joie de l’esprit et cette pure ivresse de la grâce qu’on ressentait insensiblement près d’elle.
Pour Gibbon, en racontant les impressions qu’il reçut à ce retour, il fait semblant d’être un peu piqué dans son ancien amour ou dans son amour-propre d’amant sacrifié ; mais, en y regardant bien, on voit qu’il est plutôt charmé de trouver désormais en Mme Necker, quand il viendra à Paris, une introductrice naturelle auprès de la meilleure société, auprès surtout de ce cercle de philosophes et de beaux esprits dont il était si curieux et si digne, lui qui ne vivait que de la vie de l’esprit. […] Ce qu’on appelait franchise en Suisse devenait égoïsme à Paris ; négligence des petites choses était ici manque aux bienséances ; en un mot, détonnant sans cesse et intimidée par mes bévues et par mon ignorance, ne trouvant jamais l’à-propos, et prévoyant que mes idées actuelles ne s’enchaîneraient jamais avec celles que j’étais obligée d’acquérir, j’ai enfoui mon petit capital pour ne le revoir jamais, et je me suis mise à travailler pour vivre et pour accumuler un peu si je puis. […] L’avenir et Vivre dans autrui, voilà celles que je voudrais adopter. » Elle a pensé de bonne heure au déclin de la vie et au moment où les charmes extérieurs se flétrissent. […] Soyons plus amis encore à présent, quand l’âge mûr, qui diminue la vivacité des penchants, augmente la force des habitudes, et soyons encore nécessaires l’un à l’autre lorsque nous ne vivrons plus que dans le passé et dans l’avenir ; car, pour moi, je ne fais d’avance aucun cas du suffrage des nouvelles sociétés de notre vieillesse, et je ne désire rien dans la postérité qu’un tombeau où je précède M. […] J’ai voulu montrer cet exemple singulier d’une certaine éloquence onctueuse et solennelle, bien singulier exemple en effet, si l’on songe qu’il est sorti de la dernière moitié du xviiie siècle, du milieu de cette société en proie à la dissolution, et qu’il vient d’une personne qui y vécut trente années sans se laisser entamer un seul instant ni atteindre.
Se sentir vivre, c’est avoir la perception obscure de tous ces mouvements vitaux ; jouir ou souffrir, c’est se sentir vivre plus ou vivre moins. […] La vie, a-t-on dit, est l’ensemble des forces qui résistent à la mort : la lutte pour vivre est continuelle. […] L’effet de la pression exercée par la population n’est pas même toujours l’avancement de l’individu ou de l’espèce ; il est souvent la dégénérescence : on végète au lieu de vivre, on s’use, on décroît par la misère et la faim. […] En effet, si l’unique moteur de l’activité est la peine, il faut ou se résoudre à ne plus agir et à ne plus vivre, ou se résoudre à agir et à vivre uniquement avec la moindre peine possible : la première solution est le nirvana des esprits mystiques, la seconde est l’épicurisme égoïste des esprits « pratiques ». […] Se sentir vivre, jouir, c’est se sentir continuellement forcé de sortir de l’état présent, qui doit être par conséquent une douleur toujours renaissante. » Schopenhauer n’a pas eu à faire de grands efforts d’invention pour imaginer sa théorie sur le caractère négatif du plaisir, qui, selon lui, ne serait senti qu’indirectement par l’intermédiaire de la douleur, et sur le caractère positif de la peine, seule sentie directement en elle-même. « L’effort vital » toujours « pénible », dont parlait Kant, est devenu chez Schopenhauer le « vouloir vivre », dont le perpétuel travail est un perpétuel échec et une perpétuelle souffrance.
. — On apprit que tous les huguenots de la ville de Lyon s’étaient convertis par une délibération prise à la maison de ville, les ministres et tout le consistoire y étant ; les dragons n’y étaient point encore arrivés. » On s’était tant dit qu’on vivait sous un règne de prodiges que rien n’étonnait plus. […] » Vivez, Sire, vivez sous cette main de Dieu bienfaisante et toute puissante, qui ne vous a jamais manqué et qui ne vous manquera jamais. Vivez pour la consolation de vos sujets, et pour mettre le comble à votre gloire : ou plutôt, puisque vous êtes l’homme de la droite de Dieu, vivez, sire, pour la gloire et pour les intérêts de Dieu… Vivez pour consommer ce grand dessein de la réunion de l’Église de Dieu… Et comment, en entendant de telles paroles proférées par une telle bouche, en ces heures propices et attendries de la convalescence, le cœur de Louis XIV aurait-il douté, et n’aurait-il pas cru marcher dans la voie droite, dans la voie commandée et nécessaire ?
Ce rôle ne saurait se séparer du souvenir et de la représentation fidèle de la société où il a vécu. […] Voiture, en homme d’esprit (et il avait bien autrement d’esprit proprement dit que Balzac, qui avait principalement du talent), ne songea point à lutter avec lui : il laissa ce provincial superbe et solennel croire qu’il régnait de sa maison d’Angoulême sur l’empire des lettres ; il lui rendit même hommage : quant à lui, il ne se piqua que de bien vivre, de vivre le plus agréablement, de conquérir la faveur des plus grands et des plus belles, et, tout en s’amusant à tous les étages, de s’épanouir par son côté précieux au centre de la vraie urbanité dans la plus douce lumière. […] On peut dire de lui qu’il jouait franc jeu tous les jeux de son temps, et, naissance à part, tous ces beaux seigneurs avec qui il vivait l’eussent avoué pour un des leurs. […] Quoiqu’il en soit, il a eu un singulier bonheur, puisqu’en ne songeant qu’à vivre dans le présent il a su enchâsser son nom dans un moment brillant de la société française et dans cette guirlande des noms de Mme de Longueville, de Mme de Rambouillet et de Mme de Sablé, et que par cette lettre sur Corbie il a scellé une de ses pages dans le marbre même de la statue du grand Armand. […] Pourtant on ne peut s’empêcher de remarquer que si Boileau avait ajouté à ses talents de poète et à sa finesse de critique les grâces et le monde de Voiture, son art de vivre sur un pied de familiarité avec les plus grands et de jouer sans cesse avec eux sans s’oublier, il eût mieux ressemblé à Horace.
Il n’en était pas ainsi du temps de Sénecé, et celui-ci nous représente bien le rimeur-amateur d’autrefois, dans sa diversité, son abondance et presque son originalité ; il est du moins certainement le doyen de la famille, ayant vécu quatre-vingt-treize ans. […] Sénecé, à peine âgé de quarante ans, redevint donc, à sa grande douleur, provincial et Mâconnais ; le reste de sa vie (et il vécut longtemps), il se considéra comme exilé, un exilé de cet Olympe dont il avait été l’un des Mercures secondaires et où il ne pouvait remonter. […] Voltaire, dans son invention vive et rapide, se montre fidèle à son objet même : il est prompt, il ne s’appesantit pas, il est l’homme de l’impatience et de la délicatesse françaises ; il égaie chaque chose et peint chaque auteur en quelques traits ; il fait vivre son allégorie autant qu’une allégorie peut vivre. […] du moins tes rossignols vivent, sur qui, ravisseur de toutes choses, le dieu d’enfer ne portera pas la main. […] Sénecé vécut assez pour voir paraître bien des mémoires sur le xviie siècle et sur l’ancienne Cour.
Je n’ai besoin ni d’honneurs ni de biens, et, comme lui, je ne songe qu’à vivre en évêque philosophe. […] Il l’allait redire à Voltaire, dans les meilleurs vers qu’il ait faits : Pour moi, menacé du naufrage, Je dois, en affrontant l’orage, Penser, vivre, et mourir en roi. […] Que je périsse mille fois, pourvu que vous viviez et que vous soyez heureux ! […] J’ai une toux sèche qui est très forte et qu’on ne peut maîtriser ; mes jambes, ainsi que mes mains et mon visage sont enflés comme un boisseau… Je suis résignée sur mon sort ; je vivrai et mourrai contente, pourvu que vous soyez heureux. […] Je ne parle pas de divers endroits de ses poésies ; il sentait bien que ce n’était point par là qu’il la ferait vivre.
., soit devenu nécessaire, et qu’il faille dresser toute cette immensité d’échafaudage pour quatre ou cinq chefs-d’œuvre, les seuls qu’on relise et qui vivront ; mais la science ne fait point de ces partages, dès qu’elle prend les choses en main ; elle établit sa méthode et ne souffre pas de choix ni d’exception. […] Desjardins, Napoléon, s’entretenant de Corneille et au sortir sans doute de quelque belle représentation dramatique, aurait dit : « Si Corneille eût vécu de nos jours, j’en eusse fait mon premier ministre. » Bien d’autres, avant notre auteur, sont allés redisant cette parole. Mais le mot véritable est différent, et il est plus juste : « Si Corneille eût vécu de mon temps, je l’eusse fait prince » ; c’est-à-dire je l’eusse honoré, aussi grandement honoré que possible. […] Rambert n’est pas Français de naissance, mais il est Français de langue, étant né dans la Suisse française ; il connaît Paris et y a vécu. […] Aussi, messieurs, s’il vivait, je le ferais prince. » Quand Napoléon parlait ainsi de cette tragédie qui transporte et qui élève, il n’avait pas seulement entendu ou lu du Corneille, il avait vu Corneille par Talma.
Mais La Fontaine, avec son caractère naturel d’oubliance et de paresse, s’accoutuma insensiblement à vivre comme s’il n’avait eu ni charge ni femme. […] Ces plaines immenses de blés où se promène de grand matin le maître, et où l’allouette cache son nid ; ces bruyères et ces buissons où fourmille tout un petit monde ; ces jolies garennes, dont les hôtes étourdis font la cour à l’aurore dans la rosée et parfument de thym leur banquet, c’est la Beauce, la Sologne, la Champagne, la Picardie ; j’en reconnais les fermes avec leurs mares, avec les basses-cours et les colombiers ; La Fontaine avait bien observé ces pays, sinon en maître des eaux-et-forêts, du moins en poëte ; il y était né, il y avait vécu longtemps, et, même après qu’il se fut fixé dans la capitale, il retournait chaque année vers l’automne à Château-Thierry, pour y visiter son bien et le vendre en détail ; car Jean, comme on sait, mangeait le fonds avec le revenu. […] C’est peu que leurs conseils, si je ne sais les suivre, Et qu’au moins vers ma fin je ne commence à vivre ; Car je n’ai pas vécu, j’ai servi deux tyrans : Un vain bruit et l’amour ont partagé mes ans. Qu’est-ce que vivre, Iris ? […] Il a écrit dans sa Vie d’Ésope : « Comme Planudes vivoit dans un siècle où la mémoire des choses arrivées à Ésope ne devoit pas être encore éteinte, j’ai cru qu’il savoit par tradition ce qu’il a laissé. » En écrivant ceci, il oubliait que dix-neuf siècles s’étaient écoulés entre le Phrygien et celui qu’on lui donne pour biographe, et que le moine grec ne vivait guère plus de deux siècles avant le règne de Louis-le-Grand.
Lesage et son « Gil Blas » Lesage499 vécut pauvre, obscur et digne. […] Jusqu’ici du moins, ce n’étaient que de pauvres diables d’écrivains, sans talent et sans gloire, qui avaient vécu aux gages des libraires. […] Il entend vivre de son travail. […] Il y vivra paisiblement, grassement ; il pourra presque s’enrichir sans voler, et il mourra à peu près honnête homme. […] Il écrivit pour vivre.
Comme les êtres destinés à vivre, l’esprit humain fut, dès ses premiers instants, complet, mais non développé : rien ne s’y est depuis ajouté ; mais tout s’est épanoui dans ses proportions naturelles, tout s’est mis à sa place respective. […] On lie facilement les épis quand ils sont coupés ou abattus par l’orage, mais non tant qu’ils vivent. […] Dieu sera alors l’âme de l’univers, et l’univers sera le corps de Dieu, et la vie sera complète ; car toutes les parties de ce qui est auront vécu à part et seront mûres pour l’unité. […] Il a servi à ce que tout ait vécu de sa vie propre, il a servi à introduire l’analyse dans l’unité. […] Ils nient hardiment l’au-delà (das Jenseits), c’est-à-dire le suprasensible, le religieux sous toutes ses formes, déclarant que c’est abuser l’homme que de le faire vivre dans ce monde fantastique.
Ce ne sont pas les louanges qui font vivre les Ecrits ; c’est aux Ecrits à vivre par leur propre mérite, & à justifier les louanges.
On ne comprend plus qu’avant d’être causes de certains effets ils ont été effets de certaines causes, qu’avant de modifier les milieux où ils vécurent ils ont eux-mêmes été façonnés par ces milieux. […] Mais, en ce cas, il est méconnu ; il s’épuise en efforts stériles ; s’il vit en un temps où les passions sont exaltées, il est écrasé, broyé, foulé aux pieds ; s’il a la chance de vivre en des jours plus calmes, il est raillé, dédaigné, condamné à l’obscurité, et il va grossir la longue liste des génies incompris. […] S’il est vrai que chaque époque se forge de la sorte des dieux mortels à son image et maltraite ou ignore des hommes de valeur réservés à l’admiration des générations suivantes, il est nécessaire de réduire le rôle excessif attribué trop fréquemment à ces fortes individualités qui dominent du haut de leur gloire le siècle où elles ont vécu.
Comme il naît beaucoup plus d’individus qu’il n’en peut vivre, et comme, en conséquence, la lutte se renouvelle souvent entre eux au sujet des moyens d’existence, il s’ensuit que, si quelque être varie, si légèrement que ce puisse être, d’une manière qui lui soit personnellement utile sous des conditions de vie complexes, et quelquefois variables, il aura toute chance de survivre et sera ainsi naturellement élu ou choisi. […] Si l’on tient un juste compte de notre profonde ignorance en ce qui concerne les relations réciproques de tous les êtres qui vivent autour de nous, on ne peut s’étonner de ce qu’il reste encore beaucoup de choses inexpliquées au sujet de l’origine des espèces et des variétés. […] Encore bien moins connaissons-nous les relations réciproques des innombrables populations terrestres qui ont vécu pendant toutes les époques géologiques écoulées.
Je n’ai « pas d’enfant, vous le savez : nous vivrons « ici toutes trois en famille. » Les jeunes filles s’arrêtèrent dans leur fuite et vinrent auprès de la vieille. […] Et la première décapitée, ce sera « moi. » Les femmes du roi vécurent donc, jusqu’au retour de leur mari, dans l’appréhension d’une mort inévitable. […] Depuis lors hippopotame et caïman n’ont pas cessé de vivre dans les marigots.
Ces deux Ouvrages, si utiles au Public, n’enrichirent pas leur Auteur ; car il vécut & mourut dans la plus grande pauvreté. […] Vous savez comme il m’a fait vivre, voyez , ajouta-t-il en montrant son grabat, comme il me fait mourir .
L’effort l’avait épuisé : il était évident qu’il venait de vivre, en une minute, les quelques heures qui lui restaient. […] Misères du cœur, de l’esprit, de l’âme et du corps, misères surtout qui frappent ce que vous aimez à cause de vous, et qui font un devoir de vivre pour d’autres encore après avoir perdu toute raison de vivre pour vous-même ! Désespoirs qui font mourir tous les jours et qui contraignent cependant à vivre comme si l’on espérait ! […] impossibilité de souffrir, impossibilité de vivre, impossibilité de mourir ! […] Elle souffre assez de ces misères : ne la faites pas souffrir davantage de l’impuissance de les supprimer toutes ; adressez-vous à Dieu, qui a fait l’homme misérable, et n’ajoutez pas le supplice de haïr au malheur de vivre ensemble pour mourir si vite des mêmes supplices !
L'élégance & la noblesse de l'expression n'ont pu sauver de l'oubli ses Poésies Latines, qui manquent d'imagination & de verve, qualités absolument nécessaires à un Poëte pour vivre dans la posterité. […] Dans le dernier surtout, il s'éleve, avec raison, contre cette manie de basse plaisanterie, qui ne sauroit être qu'un triste reste de la barbarie où nous avons vécu si long-temps.
La Fontaine ne s’y ennuyait point, à ce qu’il paraît, car il y vécut jusqu’à trente-cinq ans sans souci, en bon bourgeois bien apparenté, qui a des fermes et pignon sur rue ; il jouait, aimait la table, lisait, faisait des vers, allait chez son ami Maucroix à Reims, y trouvait « bons vins et gentilles gauloises, friandes assez pour la bouche d’un roi. » De plus, il avait mainte affaire avec les dames du pays, même avec la lieutenante ; on en glosa ; il n’en devint pas plus sage. […] A regarder ses actions, il a l’air de vivre à genoux ; quand il s’agit d’un prince ou d’une princesse, il accumule en outre la flatterie. […] Plus que personne, il en a eu les deux grands traits, la faculté d’oublier le monde réel, et celle de vivre dans le monde idéal, le don de ne pas voir les choses positives, et celui de suivre intérieurement ses beaux songes. […] A Paris, il fit comme ailleurs, il se laissait vivre. […] Peu importe leur source : une grande conception, une noble action peut les soulever aussi bien qu’un élan d’amour ; mais celui-ci n’a pas vécu qui ne les a pas eues.
C’est placer hors de soi, dans un autre être, sa raison de vivre, mais de vivre totalement, de développer son être propre en se dévouant à lui. […] Nous vivons d’elle. […] L’égalité des deux sexes devant le code civil, l’accession de la femme à tous les emplois et professions, sont des choses qu’on peut souhaiter comme justes ou comme nécessaires (quand tant de femmes vivent seules et tant de filles ne se marient pas), mais non comme normales et harmonieuses. […] Il est très bon de leur persuader que vivre ainsi, c’est suivre la nature en l’interprétant, et que, par la vertu d’un amour unique et qui dure, l’homme atteint à son maximum de force. « Ou concentre-toi, ou meurs.
On emporta sur des charrettes tout ce qui restait de vivres : Je laissai dans ma maison, dit M. de Fezensac, la farine que je ne pus emporter ; on m’avait conseillé de la détruire ; mais je ne pus me résoudre à en priver les malheureux habitants, et je la leur donnai de bon cœur, en dédommagement du mal que nous avions été forcés de leur faire. […] Les voitures de toutes sortes, et quelques-unes de la plus grande élégance, chargées d’objets précieux, vont pêle-mêle avec les fourgons et les charrettes qui portent les vivres. […] Chez la plupart, le sentiment physique prend le dessus irrésistiblement sur le moral ; l’instinct de conservation, l’égoïsme de vivre se prononce. […] » Et c’est encore une preuve d’énergie que de dire ainsi ; car il est un degré de démoralisation où ce dernier ressort se brise, où l’on ne veut plus même vivre, et où, pour échapper à la douleur et à la fatigue, tout devient indifférent. Combien ils sont peu nombreux ceux en qui un sentiment élevé d’honneur, de sympathie, de dévouement, une religion quelconque est inséparable jusqu’au bout du besoin de vivre inhérent à toute nature, et que cette religion n’abandonne qu’avec le dernier soupir !
reçois ce dernier hommage d’une éloquence faible, mais à laquelle, pendant que tu vécus, tu daignas mettre quelque prix. » Libanius n’est pas le seul orateur de son siècle qui ait fait l’éloge de Julien ; Celsus, qui avait été son ami, son condisciple et son rival, lorsqu’ils étudiaient ensemble dans Athènes, prononça un panégyrique en son honneur, quand son ami fut sur le trône. Cet éloge, où un particulier loue un prince avec lequel il a quelque temps vécu dans l’obscurité, pouvait être précieux ; le souvenir des études de leur jeunesse et cette heureuse époque où l’âme, encore neuve et presque sans passions, commence à s’ouvrir au plaisir de sentir et de connaître, devait répandre un intérêt doux sur cet ouvrage ; mais nous ne l’avons plus, et nous n’en pouvons juger ; nous savons seulement qu’il était écrit en grec. […] Si j’avais vécu plus longtemps, j’aurais peut-être fait quelque action indigne de moi. Aujourd’hui je meurs sans remords, parce que j’ai vécu sans crime. […] Ce serait être également lâche, et de vouloir mourir quand il faut vivre, et de regretter la vie quand il est temps de mourir. » 57.
Ce serait assez pour moi de n’y être pas avili, et, si je ne pouvais pas y vivre à la manière des hommes, de pouvoir du moins y boire à ma soif comme les brutes qui se désaltèrent aux ruisseaux et aux fontaines ! […] Voltaire a dit : « Les Français n’ont pas la tête épique. » Il nous semble plus juste de dire : Les âges où nous vivons ne sont pas épiques. […] C’est ce style, c’est cette poésie, c’est ce vers jeune, étincelant, musical, trempé de soleil d’Orient, de sang héroïque, de larmes, de mélancolie, qui a fait vivre et qui fera vivre éternellement ce poème. […] Reçois-moi dans ce fortuné séjour ; je veux y vivre avec toi ; peut-être sous ces ombrages mon cœur se soulagera du poids mortel qui l’accable. […] « Du moins, si je vécus infortunée, quelque félicité suivra mon ombre : mes cendres éteintes jouiront d’un bonheur que je n’ai pu goûter.
Gould pense de même que les oiseaux qui vivent dans une atmosphère sèche et transparente revêtent un plumage plus éclatant que sous le ciel nébuleux des îles ou des côtes. […] Ainsi, les pelletiers savent bien que les animaux de la même espèce ont une fourrure d’autant plus belle et plus épaisse que le climat sous lequel ils ont vécu a été plus rude. […] C’est un fait généralement connu que dans les cavernes de la Carniole et du Kentucky vivent des animaux appartenant aux classes les plus diverses, qui sont tous aveugles. […] Cette faculté extraordinaire, commune parmi nos animaux domestiques, de vivre sous les plus différents climats, et, en outre, ce qui est d’une beaucoup plus grande importance, d’y être parfaitement féconds, nous autorise à croire, comme très probable, qu’un grand nombre d’autres animaux, qui vivent à l’état sauvage, pourraient aisément s’accoutumer à endurer des climats très divers. […] De sorte qu’il pourrait le plus souvent vivre aussi bien sans les revêtir.
Ses « moralités » vivent ; et c’est cela qui est extraordinaire. […] » Et le gars répond : « Je suis jeune, je ne veux pas travailler, je veux vivre, vivre, vivre ! vivre ma propre vie ! […] Borkman va rabâchant : « Les esprits dormants de l’or attendent que je les réveille », et : « Je triompherai un jour. » Ella : « Il ne faut pas tuer l’amour dans les autres ni en soi. » Erhart : « Vivre, vivre, vivre ! […] Les personnages de l’un vivent pour eux-mêmes et pour nous ; les personnages de l’autre ne vivent qu’en tant qu’ils démontrent la thèse posée par l’auteur.
Il se regarde vivre et penser. […] C’est qu’il faut vivre, quoique médecin. […] Pour continuer à vivre, il faut qu’à chaque minute il veuille vivre. […] Il a commencé de vivre en oisif et en inutile. […] Or on n’a pas besoin d’être princesse, ni riche, ni même de vivre ; maison a besoin de vivre heureuse.
Nous vivons aux temps de Prométhée. […] Mais il est mort, et il s’agit de vivre. Vivre, de quelle vie et en la mémoire de quels hommes ? […] Il faut vivre et la vie ne peut se maintenir que par l’injustice. […] Vivre, c’est changer.
Vauvenargues est un esprit distingué, réfléchi, délicat, plus élevé certainement que les hommes de son temps, parce qu’il vécut à l’écart d’eux ; mais entre ces qualités et celles que lui donnait Voltaire, il y avait l’imagination et le caprice de cet esprit de vif-argent et de feu grégeois. […] Sans la maladie, sans la douleur qui lui a donné le peu de fil et de mordant qu’on trouve dans ses œuvres, il aurait été, comme tous les humanitaires de son temps, un badaud, un optimiste, un philanthrope, un niais d’esprit, et sans la mort prématurée qui le fait vivre, il serait mort, sur pied, de son vivant ! […] Vauvenargues, avec sa Méditation sur la foi et les autres passages de ses écrits que Voltaire appelait des « capucinades », en se priant de les excuser, est un sceptique du xixe siècle qui a devancé le temps où il aurait dû vivre. […] Vauvenargues, s’il avait vécu à Paris de 1824 à 1840, eût compté dans la légion de ces jeunes graves cravatés de noir : « l’espoir du siècle », comme disait Stendhal, qui s’en moquait.
Pour mon compte, je ne la trouve intéressante, cette Correspondance, que parce qu’elle dépoétise et déshonore Sophie Arnould, le Voltaire femelle, pour l’esprit sur place, dont les de Goncourt font l’histoire comme si elle ne vivait pas assez dans les mots qu’elle a laissés derrière elle, puisqu’elle avait le don de ces étincelles qui ne s’éteignent pas, et qu’il fallût la chercher dans le détail, les misères et les turpitudes de sa vie ! […] — signifie sagesse, n’a plus de sagesse à l’extrémité d’une vie folle que de vivre en bonne intelligence avec les femmes que ses anciens amants ont épousées ; n’ayant plus même l’énergie ou la délicatesse d’une jalousie qui reste quelquefois aux femmes les plus perdues ; pourrie de cœur dans un corps pourri, — ce qui n’étonne guères dans une courtisane, — mais pourrie jusque dans son esprit même, cet esprit par lequel elle avait bien plus régné que par son corps et que MM. de Goncourt voudraient nous faire croire immortel ! […] Elle est morte en radotant de sa misère et dans l’écroulement complet, définitif, de l’être entier… Cette courtisane exceptionnelle, qui avait le génie du mot, de l’aperçu, de la répartie, et qui régnait sur la pensée autant que sur les sens des hommes, est morte aussi bête que les autres courtisanes vivent ! […] Ils vivaient la tête, le cœur et la main, dans ce siècle… Ils soupaient tous les soirs avec les Revenants de ce siècle qu’ils faisaient revivre sous leur plume, Cagliostros plus magiciens que Cagliostro !
Vauvenargues est un esprit distingué, réfléchi, délicat, plus élevé certainement que les hommes de son temps, parce qu’il vécut à l’écart d’eux, mais entre ces qualités et celles que lui donnait Voltaire, il y avait l’imagination et le caprice de cet esprit de vif-argent et de feu grégeois. […] Sans la maladie, sans la douleur qui lui a donné le peu de fil et de mordant qu’on trouve dans ses œuvres, il aurait été, comme tous les humanitaires de son temps, un badaud, un optimiste, un philanthrope, un niais d’esprit, et sans la mort prématurée qui le fait vivre, il serait mort, sur pied, de son vivant ! […] Vauvenargues, avec sa Méditation sur la foi, et les autres passages de ses écrits, que Voltaire appelait des « capucinades », en se priant de les excuser, est un sceptique du dix-neuvième siècle qui a devancé le temps où il aurait dû vivre. […] Vauvenargues, s’il avait vécu à Paris de 1824 à 1840, eût compté dans la légion de ces jeunes gravés, cravatés de noir, « l’espoir du siècle », comme disait Stendhal, qui s’en moquait.
Je ne crois pas que l’homme de ces effroyables pages eût, s’il eût vécu, fait, je ne dis pas mieux, mais plus fort que cela… Créateur, s’il l’avait été, ses créations n’auraient jamais eu l’énergie du cri que pousse en lui la simple créature… Il fallait, dans une âme assoiffée de vivre comme il n’en exista peut-être jamais, la fureur et l’horreur de la mort pour exaspérer l’expression, telle qu’elle est ici, jusqu’au génie. […] À nos yeux, à nous, c’est cette personnalité acharnée à vivre, quand elle meurt, qui empêche le blasphémateur et sacrilège Georges Caumont d’être tout à fait un impie ; car le blasphème implique la frémissante reconnaissance du Dieu qu’on blasphème : puisqu’on le blasphème ! […] … Je me le suis demandé plus haut, si cela aurait été meilleur pour sa gloire, en supposant que cet infortuné ait un jour son atome de gloire, de vivre que de mourir ; si, en vivant, il aurait mis un jour au service de quelque grande conception le talent de style contracté, affiné, acéré et passé au feu de toutes les douleurs, un jour ressenties ?
mais autant la Fornarina que sa gloire, autant d’être mort où vous savez que d’avoir vécu dans l’assomption du travail, son astral pinceau à la main ! […] Le monde, le monde sur lequel le poète opère, existait et avait son prix (et son prix éternel) avant d’être pétri par la main du poète, avant d’être animé de son souffle : il vivait, et vivait si bien que le poète n’a qu’augmenté sa vie en lui donnant la sienne, en lui versant, comme une vie nouvelle, sa propre individualité. […] Si nous ne l’avons pas démontré, c’est qu’on ne démontre pas plus la vie que le mouvement, et que le christianisme est toute la vie moderne, — que nous le sentions tous plus ou moins dans nos têtes et dans nos poitrines, — et qu’il est impossible, même à ceux-là qui le maudissent, de vivre deux secondes avec profondeur et puissance hors de l’étreinte de ce christianisme, notre vainqueur et notre maître à tous !
C’était, de nature, un vrai poëte, une incontestable supériorité d’imagination, faite pour aller ravir l’inspiration aux plus grandes sources ; mais il n’est pas bon que l’homme soit seul, a dit le saint Livre, et Poe, ce Byron-Bohême, vécut seul toute sa vie et mourut comme il avait vécu, — ivre et seul ! […] IV Ainsi, en plein cœur de son propre talent, pour le diminuer et le piquer de sa tache, voilà que nous rencontrons le Bohême, c’est-à-dire l’homme qui vit intellectuellement au hasard de sa pensée, de sa sensation ou de son rêve, comme il a vécu socialement dans cette cohue d’individualités solitaires, qui ressemble à un pénitentiaire immense, le pénitentiaire du travail et de l’égoïsme américain ! […] Poe ne mourut pas seulement du delirium tremens, il en avait vécu !
Renoncer à la Volonté de Vivre était la conclusion de Schopenhauer ; c’est encore le sens philosophique de Parsifal. […] L’Univers où nous vivons est Un Rêve, un Rêve que, volontairement, nous rêvons. […] Il laissera vivre les Cygnes, dans les grands lacs ; se blesser, n’est-ce point souffrir ? […] Si plus que nul autre, Wagner avait senti ce qu’il y a de tragique dans la situation de Lohengrin, tous les artistes de génie, qui vivent et ont vécu dans une société aussi peu naïve que la nôtre, en ont souffert plus ou moins. […] Elle vivrait pourtant si nous nous y abandonnions.
Voici un trimestre, où il faudra vivre avec 600 francs par mois, ne plus acheter un bibelot. […] Zola évoque le temps, où très souvent, il avait son pantalon et son paletot au Mont-de-Piété, et où il vivait dans son intérieur en chemise : la maîtresse avec laquelle il vivait alors, appelait ces jours-là, les jours où il se mettait en Arabe. […] Ainsi, dans ce mois, où j’ai vécu dans l’atmosphère du duel Robert Caze, du duel Drumont, je me serais beaucoup mieux battu, que dans d’autres temps. […] » Il nous donne ensuite des détails sur sa captivité, sur ces sept jours entiers passés, sans qu’on délivrât de vivres à l’armée captive, qui n’eut pour vivre que quelques pommes de terre oubliées. […] Le médecin était marié, et avec le ménage, vivait un monsieur, qui avait l’air de mener toute la maison.
je coupe les vivres aux Beaunois. » De tels mots arrivaient vite à leur adresse. […] Piron visait peu, je le crois. à rien ennoblir ; ce cadre pour lui en valait un autre ; il vivait au jour la journée et s’amusait en s’amusant. […] C’est le mieux ; en fait de classiques, vivent les bonnes éditions ! […] C’est pour le coup que, s’il avait assez vécu pour être témoin de ce pêle-mêle, le chatouilleux vieillard aurait bondi et réclamé. […] Il vécut longtemps à l’aventure.
Montrez-moi plutôt le changeant et le nouveau de la vie, ce qui se détache, émeut et fait réellement vivre. […] Vivre, c’est agir, c’est se traduire, s’exprimer, mettre en harmonie les organes intérieurs et extérieurs de soi. […] Les seules émotions qui vivent encore sous cette neige, ou qui sont prêtes à revivre, ce sont celles qui ont été profondes et grandes. […] Il en est de même pour les temps où nous vivons ; ils sont trop grands pour qu’on puisse les voir de près. […] Zola, le vieux secrétaire de la maison (dans la Joie de vivre) est peint de telle sorte que ce meuble a une vie à lui, il est quelqu’un, il est l’âme même de la vieille maison.
L’idée vécue est un état d’âme exprimé dans son unité pure et intuitive. […] Tel est ce poème vécu, moment passionné d’une crise sainte. […] La peinture et l’architecture ont été créées pour vivre en d’étroits rapports. […] L’homme qui la portait, même en des temps difficiles, vécut harmonieusement. […] Avec elles, sans le savoir nous vivons dans l’avenir.
qu’un désir très ardent et non pas le talent ou le bonheur de vivre ? […] Le peintre espère vivre au moyen de la toile où son talent se prouve ; le modèle espère vivre aussi dans cette même toile où son image est fixée. […] Le premier intérêt d’un écrivain, c’est de vivre ; mais vivre, ce n’est pas se faire beaucoup d’argent avec de la copie ni gagner la faveur d’une génération qui passe. […] Qu’il s’agisse du ciel ou du souvenir des hommes, la vie est une conquête ; tous ceux qui voudraient vivre ne vivront pas, mais tous ceux qui veulent mourir mourront. […] Ceux qui vivent avaient reçu l’esprit de vie, et ceux qui meurent étaient caducs.
Ils vivent dans un rêve. […] En un mot, vous vivez. […] Ils vivaient pour écrire. […] Je veux vivre. […] On n’y sent vivre ni l’homme ni la nature.
Quand ils avaient une patrie, ils ne voulaient pas y vivre. […] Il faisait cela pour vivre. […] La Semaine littéraire vécut obscurément et peu. […] Je vis, moi, en toute région où je désire vivre. […] si l’on savait l’avenir, qui consentirait à vivre ?
C’est elle qui a fait que les Rèmes au sud ont vécu tout à fait gaulois, et qui a fait que les Nerviens au nord ont vécu à demi germains. […] Nul n’a le droit de toucher aux nations qui tiennent à vivre. […] Rubens a vécu en Italie, Van Dyck a vécu en Italie. […] Nous vécûmes là tout le bel été de 1901, après avoir vécu ensemble à Rome, tout le printemps précédent. […] Idem, « La Douceur de vivre ».
Il ne pouvait plus rester au service, vivre dans la capitale, comme il avait vécu jusque-là, et, bien qu’il renonçât à regret à sa carrière de fonctionnaire, la raison lui prescrivait de rentrer dans son village pour mettre ordre à ses affaires. […] Quelle raison avez-vous de vivre comme vous vivez et de perdre votre temps ? […] » Cependant, sa maison n’était point en désordre ; il ne faisait point de dettes, et ses paysans vivaient dans l’aisance. […] Il avait espéré que Boris viendrait vivre avec lui, et Boris l’engageait au contraire à suivre sa fille dans sa nouvelle demeure. […] tu mériterais d’être châtié d’une façon exemplaire… Et il a vécu à Pétersbourg !
La jeune enfant est née et a vécu sous cette perpétuelle invocation. […] Ces deux mêmes Desbordes, Jacques et Antoine, enfants lors de la révocation de l’Édit de Nantes, vivaient encore ; ils ont vécu, l’un cent vingt-quatre et l’autre cent vingt-cinq ans. […] Il fallait vivre et pourvoir à l’avenir, elle chanta. […] Au reste, comme pour tous les succès un peu populaires en ce genre, les choses ont vécu plus que les noms. […] Ils y restent inédits, à l’état de ces graines cachées dans les armoires qui sèchent sans avoir été semées. — Par exemsople, v craintes de vivre entre des habitudes perdues et d’autres à refaire par ce mouvement incessant vers des demeures nouvelles, c’est ma vie.
Elle ne savait pas lire ; elle pria l’étranger de mettre le papier timbré sur la huche, en lui disant que nous le ferions lire le lendemain par le frère camaldule qui passait deux fois par semaine pour porter les vivres au couvent. […] Nous vivrons de peu, mais nous vivrons encore. […] — Est-ce que nous avons besoin de nous quitter pour bien vivre ? […] Moi, je pensais aux sacs de châtaignes que les cueilleurs de la plaine viendraient ramasser sous mes yeux au mois de septembre, et qu’ils emporteraient à Lucques, sans s’inquiéter s’il nous en resterait pour vivre sur les cinq branches réservées aux habitants de la maison. […] … La vigne, notre vigne à nous, n’était pas malade, elle était morte, morte pour toujours ; morte comme si elle n’avait jamais vécu.
Autrefois, disait Duclos dans son livre des Considérations, les gens de lettres livrés à l’étude et séparés du monde, en travaillant pour leurs contemporains, ne songeaient qu’à la postérité : leurs mœurs, pleines de candeur et de rudesse, n’avaient guère de rapport avec celles de la société ; et les gens du monde, moins instruits qu’aujourd’hui, admiraient les ouvrages, ou plutôt le nom des auteurs, et ne se croyaient pas trop capables de vivre avec eux. […] Parmi les mauvaises connaissances que l’amour du plaisir lui fit contracter et dont ce sentiment d’honneur le retira à temps, il nous présente très gaiement un M. de Saint-Maurice, chevalier d’industrie, qui vivait de sa fourbe et faisait croire à de riches adeptes qu’il était en rapport avec les Génies. […] Au resteh, à cette date, Duclos ne songeait qu’à vivre, à se livrer à l’ardeur et à la fougue de ses sens, à cette vivacité courante de son esprit qui se dépensait chaque jour, qui faisait feu à bout portant ; et l’idée de composer des livres ne lui vint qu’ensuite et par degrés : encore ne s’y appliqua-t-il jamais dans le silence du cabinet, avec cette passion concentrée et dominante qui est le signe et la condition de toute œuvre littéraire mémorable. […] Que Duclos ait profité des mœurs qu’il observait de près, des histoires qui se racontaient autour de lui, qu’il ait été en ce sens le secrétaire du monde et du cercle particulier où il vivait, cela est possible et même certain ; mais on n’en peut rien conclure contre sa paternité réelle : il eût été à souhaiter seulement que, secrétaire aussi léger et aussi délicat que l’avait été Hamilton en son temps, il eût rencontré comme lui, pour lui fournir matière, des chevaliers de Grammont. […] Le premier mot, qui est emphatique, promet plus qu’il ne tient : « J’ai vécu, je voudrais être utile à ceux qui ont à vivre. » L’auteur, après quelques généralités assez vagues, s’attache, dans son examen des mœurs, à celles de notre nation, et particulièrement à celles de la société de Paris : « C’est dans Paris qu’il faut considérer le Français parce qu’il y est plus Français qu’ailleurs. » Il va parler de ce qu’il sait le mieux et de ce qui lui donnera le moins de peine.
M…, sans fortune, sans pension, la fière et noble veuve avait vécu, durant deux années, de quelques économies, de la vente de quelques bijoux, des restes enfin d’une situation qui avait pu sembler brillante. […] Depuis plusieurs mois il avait quitté le service, Paris et le monde, pour vivre dans la terre de son père, à une lieue de là. […] Si elle avait pu, du moins, sortir, se distraire par le monde, vivre de la vie de bal et s’étourdir comme la plus frivole dans le tourbillon insensé, ou mieux, s’échapper et courir par les bois, biche légère, et chercher, s’il en est, le dictame dans les antres secrets, au sein de la nature éternelle ! […] C’était dans une chambre du fond proche de celle de Mme M…, qu’on vivait retiré. […] Il a souffert, mais il a continué de vivre.
On trouverait bien encore, au commencement du xviiie siècle, cette autre Mme de Staal (Mlle de Launay), auteur des charmants Mémoires, esprit élevé et ferme autant que fin ; mais elle n’a pas assez longtemps vécu, et, par les circonstances de sa condition première, elle n’a jamais été assez avant mêlée dans le plein milieu de la société, pour la personnifier de loin à nos yeux. […] je ne voudrais pas redevenir jeune, à la condition d’être élevée comme je l’ai été, de ne vivre qu’avec les gens avec lesquels j’ai vécu, et d’avoir le genre d’esprit et de caractère que j’ai ; j’aurais tous les mêmes malheurs que j’ai eus : mais j’accepterais avec grand plaisir de revenir à quatre ans, d’avoir pour gouverneur un Horace… Et là-dessus elle se traçait l’idéal de tout un plan d’éducation sous un homme éclairé, instruit, tel que l’était son ami Horace Walpole. […] Mme Du Deffand en était là, aveugle, ayant un appartement dans le couvent de Saint-Joseph. rue Saint-Dominique (quelques chambres du même appartement qu’avait occupé autrefois Mme de Montespan, la fondatrice) ; elle avait soixante-huit ans ; elle vivait dans le très grand monde, comme si elle n’était pas affligée de la plus triste infirmité, l’oubliant tant qu’elle le pouvait, et tâchant de la faire oublier à tous à force d’adresse et d’agrément ; se levant tard, faisant de la nuit le jour ; donnant à souper chez elle ou allant souper en compagnie, ayant pour société intime le président Hénault, Pont-de-Veyle, le monde des Choiseul dont elle était parente, les maréchales de Luxembourg et de Mirepoix, et d’autres encore dont elle se souciait plus ou moins, lorsque arriva d’Angleterre à Paris, dans l’automne de 1765, un Anglais des plus distingués par l’esprit, Horace Walpole : ce fut le grand événement littéraire et romanesque (pour le coup, c’est bien le mot) de la vie de Mme Du Deffand, celui à qui nous devons sa principale correspondance et tout ce qui la fait mieux connaître. […] Ayant vécu depuis la plus agréable époque jusqu’à celle qui est la plus raisonneuse, elle unit les bénéfices des deux âges sans leurs défauts, tout ce que l’un avait d’aimable sans la vanité, tout ce que l’autre a de raisonnable sans la morgue. […] Elle ne dormait plus : elle avait plus que jamais besoin de passer sa nuit dans le monde : « Quand cela nuira à ma santé, disait-elle, ou que cela ne s’accordera pas avec le régime des gens avec qui j’aime à vivre, je me coucherai à minuit s’il le faut. » Comme le vieux Venceslas, elle ne voulait s’endormir que le plus tard possible : Ce que j’ôte à mes nuits, je l’ajoute à mes jours.
Mariée au marquis Du Châtelet, elle vécut d’abord de la vie de son temps, de la vie de Régence, et le duc de Richelieu put l’inscrire sur la liste de ses brillantes conquêtes. […] Mme du Châtelet, qui était moins belle, à ce qu’il semble, et qui n’avait pas non plus toutes les vertus d’Hypatie, ne fut point lapidée comme elle, mais elle essuya les fines moqueries de ce monde où elle vivait, le plus spirituel des mondes et le plus méchant. […] Le trait final est aussi le plus perfide et le plus humiliant ; on l’y montre comme s’attachant à tout prix à la célébrité de M. de Voltaire : « C’est lui qui la rend l’objet de l’attention du public et le sujet des conversations particulières ; c’est à lui qu’elle devra de vivre dans les siècles à venir, et, en attendant, elle lui doit ce qui fait vivre dans le siècle présent. » Pour compléter la satire, il faut joindre à ce portrait de Mme du Châtelet, par Mme Du Deffand, les lettres de Mme de Staal (de Launay) à la même Mme Du Deffand, où nous est représentée si au naturel, mais si en laid, l’arrivée de Mme du Châtelet et de Voltaire, un soir chez la duchesse du Maine, au château d’Anet : « Ils apparaissent sur le minuit comme deux spectres, avec une odeur de corps embaumés. » Ils défraient la société par leurs airs et leurs ridicules, ils l’irritent par leurs singularités ; travaillant tout le jour, lui à l’histoire, elle à Newton, ils ne veulent ni jouer, ni se promener : « Ce sont bien des non-valeurs dans une société où leurs doctes écrits ne sont d’aucun rapport. » Mme du Châtelet surtout ne peut trouver un lieu assez recueilli, une chambre assez silencieuse pour ses méditations : Mme du Châtelet est d’hier à son troisième logement, écrit Mme de Staal ; elle ne pouvait plus supporter celui qu’elle avait choisi ; il y avait du bruit, de la fumée sans feu, il me semble que c’est son emblème. […] Mme du Châtelet, dans l’ardeur de son inquiétude, écrit au tendre ami de son ami, à M. d’Argental, pour qu’il éclaircisse l’affaire et qu’il ménage le retour de celui sans qui elle ne peut vivre. […] Mais les cajoleries du roi de Prusse, que Mme du Châtelet avait conjurées de son mieux tant qu’elle avait vécu, revinrent le tenter ; il n’y résista plus, et il alla faire, à l’âge de cinquante-six ans, cette triste et dernière école de Prusse, après laquelle seulement il reparut moins agité et, en apparence, un peu plus sage.
Il a eu, en paraissant, un succès prodigieux, qui a fait un moment concurrence aux premiers événements de la Révolution, et qui a duré tant qu’ont vécu nos pères. […] Sans ambition, sans passion violente, entremêlant une libre étude, souvent opiniâtre, à des distractions de société, à des lectures en commun, à de petits concerts, négligé et oublié de son évêque, il vivait ordinairement à Aubagne au sein de sa famille et faisait de temps en temps à Marseille ou à Aix des voyages qui entretenaient ses relations avec les savants du pays. […] Quand elle a eu le temps de s’insinuer dans les cœurs, quand les épreuves n’ont servi qu’à la rendre plus agissante, c’est alors que le choix est fait, c’est alors que l’on commence à vivre dans un autre soi-même. […] Il put vivre avec les nobles exilés de Chanteloup, être fidèle, comme il le devait, à l’amitié, et garder un très beau revenu, dont il disposait généreusement et sans faste. […] Lui, il vivait en sage entre son cabinet de collections, son académie et quelques salons, dont celui de Mme de Choiseul était le centre.
Mais, un beau jour, la lente infiltration des milieux où elle vivait isolée, comme dans un Versailles minuscule, désagrégea le rempart à l’abri duquel la bourgeoisie espérait vivre éternellement. […] Augier ne quittait sa demeure solitaire que pour des promenades aux environs, et l’on s’explique aisément la considération toute particulière dont l’entourait la population au milieu de laquelle il a vécu si longtemps. […] Et, maintes fois, il avait recommandé aux siens de lui épargner, quand l’heure suprême serait venue, tout spectacle, tout indice qui pourrait lui donner le soupçon que c’était fini pour lui de vivre et d’aimer. […] Celui-là n’est pas mort : il vivra dans le livre et sur la scène aussi longtemps que nous aurons, en France, des rayons pour nos bouquins et des portants pour nos théâtres. […] Je ne peux vous livrer que des impressions, ce qui n’est peut-être pas suffisant, étant donnée l’époque documentaire où nous vivons.
Ces parias vivaient comme on ne peut pas vivre. […] Ils vivent et ils travaillent sous les espèces de l’éternité. […] Mais l’impartialité est justement le contraire de vivre. […] Puis, la science devenant plus hardie, on nia qu’il eût seulement vécu. […] La douzaine de livres sur lesquels l’humanité a vécu et vivra suffiront.
À défaut de fraîcheur et de charme, il y a tant de vérité dans ce roman tout psychologique que, malgré les légers déguisements dont l’auteur a enveloppé son récit, on s’est demandé tout d’abord, quand le petit livre parut, quelle était cette Ellénore, car certainement elle avait vécu, et l’on n’invente pas de semblables figures. […] Le livre d’Adolphe avait paru, depuis quelques mois, à Paris, que Sismondi ne le connaissait pas encore ; il était alors en Italie, et il écrivait à son amie de Florence, la comtesse d’Albany, le 9 septembre 1816 : Il n’y a point de livre, Madame, que je désire voir comme le roman de M. de Constant ; il y a fort longtemps que j’en entends parler, même plus de deux ans avant qu’il ait songé à l’imprimer, et quoiqu’il l’ait lu à une moitié de Paris, quoique nous y ayons beaucoup vécu dans la même société, et que je lui sois réellement fort attaché, je n’ai jamais été d’aucune de ces lectures. […] La femme âgée avec laquelle il a vécu dans sa jeunesse, qu’il a beaucoup aimée, et qu’il a vue mourir, est une Mme de Charrière, auteur de quelques jolis romans.
Beaucoup, déjà, affectent de vivre comme des particuliers. […] Non seulement la plupart des princes vivent comme nous (et s’ils gardent autour d’eux quelque reste de cérémonial, c’est par nécessité ou par devoir, et les pompes mystérieuses de la cour de Louis XIV leur seraient à tous insupportables), mais ils sentent comme nous, ils ont toutes nos maladies morales. […] Il s’est échappé de la royauté, comme un moine incroyant de son monastère, pour retourner à la nature, pour vivre vraiment selon sa pensée et selon son cœur, pour jouir librement du vaste monde, sans avoir à rendre des comptes spéciaux, à Dieu et aux hommes, d’une tâche à la légitimité de laquelle il ne croyait plus… Partout l’ordre ancien chancelle.
En somme, le temps où vous vivez n’est pas plus mauvais que bien d’autres. […] Soyez contents de vivre, comme nous sommes contents d’avoir vécu.
Cochin, à qui je ne crains pas de m’associer en cette occasion — de s’inspirer dans les questions religieuses du principe supérieur de la tolérance… Je dis que sur ce point vous pouvez compter à la fois et sur la vigilance du gouvernement pour maintenir les droits de l’État, et sur l’esprit nouveau qui l’anime (Applaudissements répétés au centre et à droite)… Cet esprit nouveau, c’est l’esprit qui tend, dans une société aussi profondément troublée que celle-ci, à ramener tous les Français autour des idées de bon sens, de justice et de charité qui sont nécessaires à toute société qui veut vivre… » (Vifs applaudissements sur les mêmes bancs. […] Des centaines de millions d’hommes, d’êtres vivant, sentant et pensant, nés sur une terre identique à la nôtre, possédant les mêmes désirs que nous, pétris de la même substance, participant à la même vie, riches des mêmes énergies, se crurent, par la plus surprenante des aberrations, des condamnés à une peine irrémissible, la peine de vivre. […] En même temps il a pris conscience de son énergie et librement il s’est mis à vivre. « Au seizième siècle, c’était la terre qui retrouvait sa vraie place dans le ciel ; aujourd’hui c’est l’homme3… ».
Elle est composée, cette foule à demi instinctive, de créatures qui agissent et qui pâtissent, pour lesquelles le dilettantisme et la contemplation n’existent point, qui vivent d’abord et qui veulent vivre. […] Il le faut, d’une nécessité qui n’attend pas ; car nous ne vivons pas deux fois la même heure. […] En d’autres temps, il aurait vécu la main sur la garde d’une épée. […] Il s’y mêle aussi le sentiment que cette vie d’ici-bas, réduite à elle-même, ne vaut pas la peine d’être vécue. […] Dès l’année 1849, c’est-à-dire en pleine jeunesse, il écrivait : « Tu ne dois pas vivre, parce que tu n’en es maintenant guère capable. — Tiens-toi en ordre, laisse les vivants vivre, et résume tes idées.
Les personnages qui faisaient les délices de son imagination avaient vécu pendant les générations qui avaient précédé la sienne ; mais lui-même vivait réellement en chair et en os au moment où parut le livre de Cervantes. […] Alceste a vécu tout aussi bien que M. de Montausier ou le duc de Roannez. […] On sent qu’il voudrait vivre et qu’il ne le peut pas, qu’il ne le pourra pas. […] Il est jeune, noble, bien doué, et il lui est défendu de vivre. […] Tout ce qui vécut vit parmi nous, et vivra encore alors que depuis longtemps nous ne serons plus ; car tout ce qui vit prit naissance dans l’âme et y puisa, en même temps que la vie, l’immortalité.
Il vécut ainsi sept jours encore. […] Ainsi il a vécu deux années encore. […] qu’il vivrait de la vie de Molière et qu’il vivrait aussi longtemps que Molière ! […] Ou vivait-il ? […] vous vivrez éternellement pour moi !
Beaucoup de personnes dont je parle peuvent vivre encore ; or, ceux qui ne sont point familiarisés avec la publicité en ont une sorte de crainte. […] Le temps de la Restauration passe pour une époque libérale, or, certainement, nous ne voudrions plus vivre sous un régime qui fit gauchir un génie comme Cuvier, étouffa en de mesquins compromis l’esprit si vif de M. […] Des gens d’esprit vivent cependant en Amérique, à condition de n’être pas trop exigeants. […] Bien qu’Adam ait dû souvent regretter l’Éden, je pense que, s’il a vécu, comme on le prétend, neuf cent trente ans après sa faute, il a dû bien souvent s’écrier : Felix culpa !
Nous avons déjà joué du frère et de la sœur, — du tambourin et de la flûte, — en des histoires entreprises dans l’intérêt des éditeurs charmants sous lesquels nous avons le bonheur de vivre. […] Alfred de Musset, cet amoureux immortel de femmes mortes maintenant, heureux par toutes, malheureux par une seule, a fini par mourir de celle-là… mais il a vécu par les autres, et vous n’empêcherez jamais l’imagination humaine, éprise de ses poètes, de s’intéresser à toutes celles qui ont doublé, par le bonheur qu’elles lui ont donné, les facultés du poète qu’elle a peut-être aimé le plus, et d’en désirer obstinément l’histoire. […] Comme tous les jeunes gens qui vécurent sous Louis-Philippe, ce triste Napoléon de la paix à tout prix, en se dévorant d’activité étouffée, Musset, qui n’avait ni les millions ni la pairie de lord Byron, devint homme du monde du temps, avec l’âme la moins faite pour le monde. […] … C’est cette vie-là d’Alfred de Musset qui nous manque, et puisqu’il ne l’a pas écrite, puisqu’il ne s’est pas appesanti sur elle, qui nous manquera probablement toujours… S’il l’avait écrite, on l’aurait jugé ; et on ne peut que le deviner, ce tendre cœur qui vivait de son cœur quand on le croyait un mondain frivole, et qui mourut de son cœur quand on le croyait un mondain vicié.
Manon morte, des Grieux n’aura plus aucune raison de vivre. […] S’il voulait la paix, il devait ne pas quitter la plaine ; il a voulu vivre dans la région où vivent les aigles, qu’il se résigne aux périls de son ambition. […] Ils récitent des couplets lyriques, ils ne vivent pas, mais ils pourraient vivre. […] Les personnages n’ont pas vécu et ne pourraient pas vivre. […] Qui saura, dans dix ans, le nom de tous ces livres qui meurent sans avoir vécu, dont la mort est juste pourtant, qui ne pouvaient pas vivre, et qui servent à occuper l’ennui et l’oisiveté ?
Il a vécu et agi ; il n’a point réfléchi ni écrit ; sa littérature nationale se réduit à des fragments et des rudiments, à des chansons de harpistes, à des épopées de taverne, à un poëme religieux, à quelques livres de réforme. […] L’Italien, le plus richement doué et le plus précoce de tous, mais de tous le plus incapable de discipline volontaire et d’austérité morale, se tourne du côté des beaux-arts et de la volupté, déchoit, se gâte sous la domination étrangère, se laisse vivre, oubliant de penser et content de jouir. […] C’est vraiment ici la contrée cimmérienne d’Homère ; les pieds clapotent, on n’a plus que faire de ses yeux ; on sent tous ses organes bouchés, rouillés par l’humidité qui monte ; on se croit hors du monde respirable, réduit à la condition des êtres marécageux, habitant des eaux sales ; vivre ici, ce n’est pas vivre. […] Comme ils vivent opulemment dans les clairières, étalés à plaisir, toujours rajeunis et abreuvés par l’air moite ! […] Là où un Anglais gagne vingt shillings par semaine et ne peut que vivre, un Hollandais devient riche et laisse ses enfants dans une très-bonne position.
Rien n’est impossible à la science et à la patience de tels éditeurs ; ils vivent à Rome autant qu’à Paris ; M. […] « Tant que j’étais agréé de toi et qu’aucun autre jeune adorateur préféré n’entourait de ses bras ton cou d’ivoire, je vivais plus heureux que le roi des rois (le roi des Perses) ! […] « Si on désire vivre de la vie naturelle, si on veut choisir un site convenable pour bâtir sa demeure, en connaissez-vous un plus approprié que l’heureuse retraite que j’ai choisie ? […] « C’est là que je voudrais vivre dans l’oubli de tous ! […] Tu préférerais vivre avec mes serviteurs de la ville ?
— De ce que les lacs et les systèmes de rivières sont séparés les uns des autres par des barrières terrestres, on croirait pouvoir conclure que les productions d’eau douce ne sauraient se répandre aisément, même dans les limites des contrées où elles vivent, et comme la mer semble être pour elles une barrière encore plus infranchissable, qu’elles ne peuvent non plus s’étendre jusqu’en des contrées éloignées. […] La grande différence des poissons qui vivent sur les deux versants opposés d’une longue chaîne de montagnes qui, depuis une période très reculée, doit avoir séparé des bassins différents et empêché la réunion de leurs différents cours d’eau, semble conduire aux mêmes conclusions. […] Deux fois j’ai vu un Canard émerger tout à coup d’un étang couvert de Lentilles d’eau, avec quelques-unes de ces plantes encore adhérentes aux plumes de son dos ; or, il m’est arrivé d’autre part qu’en transportant une plante de Lentille d’eau d’un vivier dans un autre, j’ai, sans intention, introduit dans celui-ci des coquillages qui, jusqu’alors, n’avaient vécu que dans le premier. […] Bien qu’il y ait toujours une certaine concurrence entre les individus des diverses espèces, si peu nombreuses qu’elles soient, qui occupent un étang, cependant, comme ces espèces sont en petit nombre en comparaison de celles qui vivent sur la terre, la concurrence est probablement moins vive entre les espèces aquatiques qu’entre les espèces terrestres. […] En tout cela un ne voit pas la plus petite raison pour que les organismes inférieurs primitifs aient été moins variables que les organismes supérieurs qui ont vécu depuis ; et il faut, au contraire, supposer qu’ils ont été doués d’une très grande variabilité pour arriver à se fixer et à former le nombre déjà considérable de types bien déterminés dont on constate l’existence dans les plus anciennes couches géologiques.
Taisons-nous, obéissons, vivons dans la science. […] Il a vécu pour penser. […] Il a vécu conformément à cet idéal. […] Si vraiment vous viviez ! […] “On ne peut vivre avec toi, ni sans toi.”
Il a vécu dans le culte pur de la haute science. […] C’est une éternelle race d’esclaves qui ne peut vivre sans bât et sans joug. […] Il m’est impossible de vivre avec eux. […] Ils vivent dans un rêve. […] Il eût aimé à vivre dans ce monde mobile, passionné et délicat.
. — « Je m’étonne toujours, dit-il, qu’on ait pris part à de si grandes choses, touché à de si grandes affaires et vécu en telle compagnie, et qu’on n’ait que cela à dire ? […] J’ai tellement arrangé ma vie que si j’échouais dans cette tentative, je ne saurais que faire ; car vivre pour vivre ne m’a jamais été possible : il m’a toujours fallu de toute nécessité faire ou du moins me donner l’illusion que je faisais quelque chose de plus. […] Je suis comme ces pauvres gens qui, s’étant réduits à ne vivre que de pommes de terre, meurent de faim sans miséricorde dans les mauvaises années. […] Où Bourdaloue, qui avait vécu si longtemps en province, avait-il pu acquérir ces finesses de l’art, et, parmi les qualités plus substantielles encore que celles dont je parle, le don de choisir le mot nécessaire (il n’y en a jamais qu’un), et de vider, pour ainsi dire, la pensée de toutes les choses qu’elle contient ?
Les Carthaginois effrayés leur envoyèrent des vivres ; le Sénat leur dépêchait chaque jour de nouveaux parlementaires et cédait en détail à toutes leurs demandes : pour régler le gros de l’affaire, on convint de s’en remettre à Giscon, ce même général qui avait commandé les étrangers en Sicile, qui savait, aussi bien qu’Hamilcar, leurs services et leurs exploits, et qui avait plus de prise sur eux qu’Hannon général de l’intérieur. […] Hors de là, on n’a sur les Carthaginois de témoignages un peu rapprochés que ceux d’Aristote et de Polybe, deux hommes souverainement raisonnables, et qui ne nous transmettent également sur eux que des idées saines ; on vivait et l’on dormait en paix là-dessus. […] en nous développant et en nous peignant à plaisir des personnages et des mœurs si étranges, si semblables de tout point à des monstruosités, à force de s’y enfermer et d’y vivre, il croira n’être que vrai, réel, et ne faire que reproduire une image exacte ou équivalente de ce qui se passait ou qui existait en effet. […] Elle n’est pourtant qu’à demi prêtresse ou plutôt elle n’est que dévote et, comme qui dirait, ayant le petit voile ; elle a été nourrie et a vécu jusque-là dans la contemplation, dans le culte de la déesse Tanit, l’éternelle Vénus, le principe femelle, de même que Moloch est le principe mâle. […] On savait seulement qu’elle vivait retirée dans des pratiques pieuses.
Enfin, lorsque sous le Consulat la bonne société eut sa renaissance et que l’épouse du premier Consul, Joséphine, renouant la chaîne des traditions polies, eut l’idée de rallier les élégants débris de l’ancien monde, à qui donc songea-t-elle d’abord à s’adresser si ce n’est à Mme de Montesson elle-même qui vivait encore, et qui avait su conserver ou reformer après la Révolution son cercle distingué d’amis ? […] Il y a, pour moi, une mesure qui ne trompe guère pour apprécier ces divers mondes du passé, et quand je dis moi, je parle pour tout esprit curieux qui s’intéresse aux choses anciennes et qui, sans y apporter de parti pris ni de prévention systématique, est en quête de tout ce qui a eu son coin d’originalité et de distinction, son agrément particulier digne de souvenir ; il est une question bien simple à se faire : Voudrions-nous y avoir vécu ? […] oui, j’aurais aimé à vivre, ne fût-ce qu’une semaine, dans la petite Cour de Sceaux qu’on a appelée les galères du bel esprit. […] J’ai lu tout ce qu’on nous en a dit et ce qu’on nous en montre ; cela ne donne nullement envie d’y avoir vécu. […] Pendant cette période de déclin, le comte de Clermont vécut plus habituellement dans une petite maison qu’il avait rue de la Roquette.
Il faut se garder des illusions enthousiastes, comme des exagérations dénigrantes, quand on parle de l’homme et de la façon dont il vécut. […] En pleine force du corps et de l’esprit, il lâcha tout, charge, femme et fils, pour venir à Paris, et vivre à la solde d’amateurs généreux. […] Nombre de ces petits poètes, et les meilleurs, vivent dans les plus libres sociétés du siècle. […] Biographie : Né à Château-Thierry, le 8 juillet 1621, fils d’un maître des eaux et forêts, Jean de La Fontaine étudia à l’oratoire de Reims et à Saint-Magloire de Paris ; puis il vécut oisivement dans sa ville natale, parmi ses amis, Pintrel, traducteur de Sénèque, Maucroix, traducteur de Platon. […] Pendant vingt ans il vécut chez Mme de la Sablière ; lorsqu’elle fut morte, il alla chez M. d’Hervart.
Ce type abrégé et expressif demeure pour représenter les millions d’hommes à jamais obscurs qui ont vécu et sont morts pour se grouper sous ce signe. […] … Non, elles vivent dans l’humanité ; elles ont servi à bâtir la grande Babel qui monte vers le ciel, et où chaque assise est un peuple. […] Parmi tous ces simples qui sont là, à l’ombre de ces vieux arbres, pas un, pas un seul ne vivra dans l’avenir. […] Et, quand la Bretagne ne sera plus, la France sera ; et, quand la France ne sera plus, l’humanité sera encore, et éternellement l’on dira : « Autrefois, il y eut un noble pays, sympathique à toutes les belles choses, dont la destinée fut de souffrir pour l’humanité et de combattre pour elle. » Ce jour-là, le plus humble paysan, qui n’a eu que deux pas à faire de sa cabane au tombeau, vivra comme nous dans ce grand nom immortel 111 ; il aura fourni sa petite part à cette grande résultante. […] On se fait souvent des conceptions très fausses sur la vraie manière de vivre dans l’avenir ; on s’imagine que l’immortalité en littérature consiste à se faire lire des générations futures.
Il les faisait vivre d’une vie nouvelle, éclatante et intense. […] Il avait vécu trente-neuf ans et un mois. […] Elle se laissait vivre comme quelqu’un qui se sent mourir. […] Qui a vécu ne meurt point. […] Le premier, que je vous souhaite, est de vivre longtemps.
Lassay qui, à la mort du prince de Conti, donna sur lui le mémoire qui servit à l’Oraison funèbre prononcée par Massillon (1709), en a tracé un autre portrait ou caractère beaucoup plus vrai, ce me semble, et plus réel, quand ce prince vivait encore. […] Comme les hommes qui ont beaucoup vécu dans la société intime des femmes, Lassay se laissait aller volontiers à dire tout le bien qu’il pensait de lui. […] [NdA] Voici quelques-unes des maximes de Lassay qui approchent le plus du mot que rapporte Chamfort ; mais encore sont-elles d’un homme du monde désabusé et sans illusion, plutôt que d’une âme ulcérée et d’un cœur aigri : Il n’y a rien de si beau que l’esprit de l’homme, et rien de si effroyable que son cœur. — L’usage du monde corrompt le cœur et perfectionne l’esprit. — La plupart des connaissances qu’on a sont nos véritables ennemis ; car, pour l’ordinaire, ce ne sont pas les hommes avec qui nous ne vivons point qui nous font du mal. […] Lassay put connaître La Bruyère à l’hôtel de Condé ; il est un de ses disciples pour l’observation vraie ; il en a le fond, sinon le relief : Mon étoile bien plutôt que mon goût, dit-il dans une lettre à une femme, m’a conduit à vivre avec des princes, connaissant qu’ils sont encore plus imparfaits que les autres hommes ; car, n’étant pas nécessités à se contraindre, ils se laissent aller à toutes leurs mauvaises inclinations. […] La supériorité blesse trop pour aimer à passer sa vie avec des gens qui en ont beaucoup sur vous ; les vues d’intérêt et d’ambition cessent, et ce sont les seules raisons qui peuvent engager à vivre avec des personnes à la mauvaise humeur et aux fantaisies desquelles on est exposé à tous les moments, qui ont toujours raison quelque tort qu’ils aient, dont la haine est dangereuse, qui ne se soucient de vous qu’autant que vous pouvez contribuer à leur amusement, et qui croient que tout leur est dû et qu’ils ne doivent rien à personne.
En son temps, en son monde, il ne pouvait voir que ce qu’il a vu ; et s’il faut corroborer son témoignage par d’autres, demandez à la bonne Mme de Motte-ville, qui n’avait pas des yeux de lynx, ce qu’elle en pense : elle n’a pas pu vivre à la cour, et continuer de croire au désintéressement. […] Il est difficile, quand on a perdu de telles parties, de vivre, de vieillir avec dignité : Retz y réussit. […] Dans ses inégalités, dans ses vivacités d’humeur, dans ces caprices où son jugement va à la dérive, quand elle prophétise sur Racine ou sur le chocolat, dans sa dévotion, sincère assurément, mais sans fièvre, jusque dans son idolâtrie maternelle, qui lui fait adorer de loin la fille avec qui elle ne peut vivre sans disputer, l’imagination domine. […] Il vécut à Londres, et fut assidu chez la duchesse de Mazarin depuis 1675 où elle arriva, jusqu’en 1699 où elle mourut. […] Elle vivait à Paris, où elle loua, en 1677, l’hôtel Carnavalet, ou à Livry, près de Paris, ou aux Rochers près de Vitré.
Ce qu’il voulait d’abord, c’était vivre dans le grand monde et dans le « monde où l’on s’amuse », souper avec des gens titrés et des comédiennes. […] Voltaire parfois se révolte : « Ma foi, dit-il, laissez là Newton, ce sont des rêveries, vivent les vers ! […] Ce qui l’y aida, c’est que le roi continua à vivre avec lui dans les mêmes termes qu’avant. […] N’ayant pas réussi, il renouvela ses avances, jusqu’au jour où Voltaire, sentant qu’il ne pouvait plus vivre à Paris, se décida à essayer de l’hospitalité du roi de Prusse. […] Il n’y a pas pour lui moyen de vivre sans cela.
Le dogme brahmanique de la transmigration indéfinie des âmes lui semble une aggravation éternelle de cette peine de vivre infligée à l’homme. […] Vivre et mourir une fois, voilà ce dont tout homme » est assuré. […] Tibère vient le visiter, ne le quitte plus, le supplie de vivre. […] Au treizième siècle, le trouvère Walter Vogelweide, laissant tomber sa tête dans sa main, s’écriait : « Cette vie, l’ai-je vécue ? […] Mais le dévouement est un sentiment monotone qui ne suffit pas à faire vivre une œuvre.
Il avait de la foi et de la probité aux grandes occasions, et il était né insolent et sans égard mais l’adversité lui avait appris à vivre… On voit que Bussy avait le talent de peindre les physionomies et les caractères, et d’assembler les contraires dans un même point de vue, sous un même coup d’œil. […] Bussy, dans l’exil, en se souvenant des femmes qu’il avait connues, disait : « Elles aimaient, de mon temps déjà, l’argent et les pierreries plus que l’esprit, la jeunesse et la beauté. » On doit plaindre Bussy de n’avoir su rencontrer que de pareilles femmes à l’époque où vivaient les Sévigné, les La Fayette et bien d’autres. […] Je n’y ai ni maître ni maîtresse, parce que je n’ai ni ambition ni amour ; et j’éprouve, ce que je croyais impossible il y a deux ans, qu’on peut vivre heureux sans ces deux passions. […] Saint-Évremond avait le droit d’être sévère ; car, placé dans la même condition que Bussy et tombé dans une pareille disgrâce, il résista à la tentation d’un retour ; il vécut et mourut en philosophe. […] Enfin, il reste attaché à jamais, comme un coupable et comme un vaincu, à son char ; et cet homme si vain, si épris de sa qualité et de lui-même, vivra surtout par cet endroit, qui est celui de ses torts et de sa défaite, et il vivra aussi parce qu’il a eu l’honneur, à son moment, en s’en défendant peut-être, et à la fois en y visant un peu, d’être non pas un simple amateur, mais un des ouvriers excellents de notre langue.
On a vécu sur cette pensée tous les premiers mois de la guerre. […] Puissent-ils, eux, vivre la paix que nous avons rêvée. […] Dans la Fédération future je n’accepterais pas de vivre s’il n’y fallait pas combattre les exploiteurs, les hypocrites, les imbéciles, et les Chrétiens ». […] Je regarde se former en lui un chant qui ne jaillit pas, mais dont le murmure peut instruire et faire vivre ses frères. […] Cette double discipline de l’esprit et du cœur nous manquait d’ailleurs, à nous Français ; nous n’étions ni assez cultivés, ni assez religieux, de là cet état anarchique où nous vivions dans l’avant-guerre.
Soyez heureuse, vivez longtemps ; ne m’oubliez jamais, même lorsque je ne serai plus. […] Il en est ainsi de tous les hommes à grande imagination : ils se concentrent en vieillissant dans leur cœur resserré par le temps ; ils vivaient en rêvant, ils meurent en aimant. […] Habituée à être négligée et même oubliée pendant vingt ans par lui dans leur jeunesse, elle trouvait très doux pour elle ce commerce de pure amitié qui la déchargeait du soin d’amuser l’inamusable auteur de René, cette personnification de l’ennui sublime de vivre. […] Comme les ours qui vivent de leur graisse pendant l’hiver en se léchant les pattes, je vivrais de mon admiration pour moi pendant l’hiver de ma vie ; je me lécherais et j’aurais la plus belle toison du monde. […] Béranger a été enseveli, comme il avait vécu, dans l’apothéose ambiguë du peuple et de l’armée, de la République et de l’Empire !
Vivre noblement, comme on disait autrefois, c’était ne rien faire. […] De 1816 à 1827, ayant hérité juste de quoi vivre sans faire du commerce, il vécut en Bresse, tantôt à Talésieu, tantôt à Belley. […] L’homme est un animal sociable qui ne veut pas vivre en société. L’homme est un animal qui ne peut vivre qu’en société et qui éprouve à la fois le besoin et l’horreur d’y vivre. […] Elle désire, ce qui n’est pas la même chose, vivre selon sa nature, et sa nature n’est pas de vivre d’accord.
Le dix-huitième siècle avait inauguré le culte de la raison : on vécut un moment dans l’ivresse de ce millénium. […] Nous avions alors une merveilleuse santé, et nous vécûmes deux cents ans sur notre propre fonds. […] Et quand elle le retrouvait, quand ils vivaient ensemble, quelle était sa vie ? […] — Vivez seulement, et vous le saurez. […] Chaque fois qu’il s’y renferme, l’accent de vérité est si frappant que le lecteur s’écrie en fermant le livre : « Si ces gens-là ont vécu, ils n’ont pas pu vivre autrement !
Avant d’avoir aimé, on ne vivait pas ; quand on n’aime plus ou qu’on n’est plus aimé, à peine a-t-on le droit de vivre encore. […] Croyez-y vigoureusement, vous la sentirez vivre et agir en vous. […] Et si les enfants s’obstinent à vivre ? […] Il faut avoir vécu et cherché. […] je vivrai dans ceux qui vivront après moi. » (1871.)
L’auteur entreprend de prouver : 1º qu’Homère n’a pas été philosophe ; 2º qu’il a vécu pendant plus de quatre siècles ; 3º que toutes les villes de la Grèce ont eu raison de le revendiquer pour citoyen ; 4º qu’il a été, par conséquent, non pas un individu, mais un être collectif, un symbole du peuple grec racontant sa propre histoire dans des chants nationaux. […] Du temps où vécut Homère.
Enfin les grands peintres furent toujours contemporains des grands poëtes, et les uns et les autres vécurent toujours dans le même temps que les plus grands hommes leurs compatriotes. […] Charles I qui vécut dans une grande abondance les quinze premieres années de son regne, porta l’amour de la peinture jusqu’à une passion qui avoit tous les caracteres des plus vives. […] D’autres qui vivent encore mériteroient que je fisse une mention honorable de leurs ouvrages, mais comme dit Velleius Paterculus, en un cas à peu près pareil, vivorum censura difficilis. […] Non-seulement les plus grands peintres de toutes les écoles ont vécu dans le même temps, mais ils ont été les contemporains des grands poëtes leur compatriotes. […] Il a vécu de son temps des hommes rares par leur talent à toucher toutes sortes d’instrumens.
La mémoire, c’est la lampe du soir de la vie : quand la nuit tombe autour de nous, quand les beaux soleils du printemps et de l’été se sont couchés derrière un horizon chargé de nuages, l’homme rallume en lui cette lampe nocturne de la mémoire ; il la porte d’une main tremblante tout autour des années aujourd’hui sombres qui composèrent son existence ; il en promène pieusement la lueur sur tous les jours, sur tous les lieux, sur tous les objets qui furent les dates de ses félicités du cœur ou de l’esprit dans de meilleurs temps, et il se console de vivre encore par le bonheur d’avoir vécu. […] C’est encore vivre. […] Elle nous sépare des temps où nous vivons et nous reporte aux temps où nous voudrions revivre. […] Nous avons, comme un autre, les passions nobles et collectives du temps où nous vivons ; nous aimons avec une sainte ardeur la liberté régulière, le patriotisme honnête renfermé dans les bornes du droit public, la grandeur irréprochable de notre pays, pourvu que cette grandeur de la patrie ne soit pas l’abaissement des autres nations, qui ont le même droit que nous de vivre grandes sur le sol et sous les lois que le temps a légitimées pour tous les peuples. […] Passons, pleurant ces jours si tristement vécus ; Poètes et penseurs, nous sommes les vaincus.
oui, enterrée, ensevelie en toi, mon ami ; de même que je vivais en ta vie, je suis morte en ta mort. […] Faites qu’ils vivent toujours, ceux que j’aime, qu’ils vivent de la vie éternelle ! […] Ce profond et complet isolement me fait vivre une heure comme ont vécu des années les ermites, hommes et femmes, ces âmes retirées du monde. […] J’ai vécu heureusement loin du monde, dans l’ignorance de presque tout ce qui porte au mal ou le développe en nous. […] J’ai vécu comme dans un monastère ; aussi ma vie doit être incomplète du côté du monde.
Taine leur révélât comment il fallait vivre. […] C’est, je crois, le premier mécanique que nous ayons eu, j’entends par là qu’il est le premier dans notre littérature qui n’ait pas eu d’idées données par ses sensations, le premier qui ait vécu sur des mots et des lectures. […] À vivre toujours seul, sans femme, ne voyant ses amis qu’en passant, il tournait à l’égoïste orgueilleux et rancunier. […] Jean Lorrain, a passé par le goncourisme, mais c’est à peine si la poussière du grenier d’Auteuil a souillé son manteau ; il aimait trop vivre et regarder la vie pour imiter ces façons de nombriliste. […] Bourget a écrit des pages sensationnelles sur le romantisme et le féminisme de Flaubert, mais Flaubert n’était point romantique et ne vivait point par l’imagination, sinon quand il écrivait à Mme Colet.
La Normandie est une province qui, de tout temps et dès qu’elle s’est senti un passé, s’est volontiers occupée de ses antiquités et de ses grands hommes : elle n’a cessé de vivre d’une sorte de vie qui lui est propre et qui ne la rend que plus française. […] Il tira sans doute l’épée quand il le fallut ; il vivait de la vie de société et de voisinage ; il s’occupait de ses affaires et de sa famille, il essayait péniblement d’établir sa maison : ayant perdu un fils aîné en bas âge et une fille déjà grandissante, il élevait un dernier fils auquel il devait encore survivre. […] Quittons ces vanités, lassons-nous de les suivre : C’est Dieu qui nous fait vivre, C’est Dieu qu’il faut aimer ! […] On y reconnaît un amour reposé des champs, non pas tant pour le plaisir de les chanter que pour la douceur et l’habitude d’y vivre. […] Racan était doué d’une naïveté charmante et d’une élévation naturelle : mais distrait, paresseux, modeste à l’excès, privé trop tôt des conseils de Malherbe et abandonné à son instinct, il vécut au hasard, s’oublia volontiers aux champs, et n’eut que des accidents de génie dont j’ai noté les meilleurs.
Il en faudrait seulement conclure que cet homme d’esprit, et qui avait vécu dans la bonne société, était de la classe des mystificateurs, et que son amour-propre jouissait plus à donner le change au monde qu’à se faire compter comme écrivain6. […] Tout ceci n’est qu’une invention du fabricateur pour se donner prétexte de mettre sa marquise de Créqui en relation avec quantité de personnages du xviie siècle qui continuaient de vivre au commencement du xixe . […] Je conçois, lui écrivait Jean-Jacques Rousseau (13 octobre 1738), les inquiétudes que vous donne le dangereux métier de M. votre fils, et tout ce que votre tendresse vous porte à faire pour lui donner un état digne de son nom ; mais j’espère que vous ne vous serez point ruinée pour le faire tuer : au contraire, vous le verrez vivre, prospérer, honorer vos soins, et vous payer au centuple de tous les soucis qu’il vous a coûtés. […] Désabusée comme elle était, elle avait à craindre pourtant le grand ennemi des personnes qui ont vécu dans la société et qui se sont fait une habitude de la conversation, l’ennui. « Je voudrais, disait-elle, trouver quelqu’un qui calculât la vie et qui en fît le cas qu'elle mérite. » Oui, mais pour en causer avec ce quelqu’un et pour se donner le plaisir de dire ensemble que la vie n’est rien. « J’ai eu une destinée singulière, disait-elle encore : j’ai voulu être lettrée, et les lettrés m’ont paru ignorants ; femme du monde, et, outre la bêtise des gens du monde, c’est qu’ils ne savent pas vivre. […] Mais, comme elle vivait et qu’elle devait exister encore quinze ans après avoir écrit cela, elle se sentait le désir d’en faire part à quelque misanthrope comme elle et qui fît exception à la réprobation commune.
Il a vingt-quatre ans, il écrit à Mme de Bernières, sa grande amie d’alors ; il fait des rêves de retraite délicieuse avec elle dans sa maison de La Rivière-Bourdet, et dès ce temps-là il s’occupe de sa fortune avec M. de Bernières, qui paraît avoir eu le goût des spéculations et des entreprises : Pour moi, madame, qui ne sais point de compagnie plus aimable que la vôtre et qui la préfère même à celle des Indes, quoique j’y aie une bonne partie de mon bien, je vous assure que je songe bien plutôt au plaisir d’aller vivre avec vous à votre campagne, que je ne suis occupé du succès de l’affaire que nous entreprenons. La grande affaire et la seule qu’on doive avoir, c’est de vivre heureux ; et si nous pouvions réussir à le devenir sans établir une caisse de juifrerie, ce serait autant de peine épargnée. […] Quand on ne songe qu’à l’idéal de l’agrément, à la fleur de fine raillerie et d’urbanité, on se plaît à se figurer Voltaire dans cette demi-retraite, dans ces jouissances de société qu’il rêva bien souvent, qu’il traversa quelquefois, mais d’où il s’échappait toujours. « Mon Dieu, mon cher Cideville, écrivait-il à l’un de ses amis du bon temps, que ce serait une vie délicieuse de se trouver logés ensemble trois ou quatre gens de lettres avec des talents et point de jalousie, de s’aimer, de vivre doucement, de cultiver son art, d’en parler, de s’éclairer mutuellement ! Je me figure que je vivrai un jour dans ce petit paradis, mais je veux que vous en soyez le dieu. » La lettre où il dit cela est de 1732, c’est-à-dire d’une date postérieure à son séjour en Angleterre. […] Il vécut pour elle et selon elle.
Vivent les Alliés ! […] Dans le monde libéral où il vivait, il eut l’honneur de défendre plus d’une fois M. […] « Jeune, avec du cœur, de l’âme, de l’esprit, de l’instruction, et ce qu’il faut de fortune pour vivre indépendant », il va dans le monde ; il y a des succès et y est aimé. […] Elle était pauvre ; elle travaillait pour vivre à des ouvrages de prose, à des biographies. […] Elle prétendait avoir pour lui une antipathie physique… » Béranger, une fois lancé, ne s’arrête pas en si beau train ; il parle du monde de Mme de Staël comme s’il y avait vécu ; il tire à droite et à gauche.
Il n’invente pas une conception nouvelle du devoir : il embrasse une vieille morale, il en emplit sa raison, pour la vivre. […] C’est un Beauceron en qui continue de vivre le vieil esprit bourgeois, celui de Villon et de Jean de Meung. […] Montaigne ne put suffire qu’à ceux qui vivaient comme lui retirés en leur château, sans action et sans responsabilité. […] D’où ces deux effets, qu’il y a encore des œuvres littéraires dont les sujets ne sont pas mondains, et des écrivains provinciaux, qui vivent loin de la cour et de Paris. […] Elle ne vivra pas par elle-même.
Si Dieu m’a créé bourru, bourru je dois vivre et mourir… Les gens d’esprit sont souvent très singuliers ; ils croient connaître le cœur humain mieux que d’autres, et, parce qu’ils ont fait du grec avec le père et qu’ils ne sont pas tout à fait aussi vieux que lui, ils croient que c’est une raison pour être aimés de la fille, d’une toute jeune fille, et cela sans faire de frais, sans rien retrancher à leur humeur, à leur procédé rude, à leur extérieur inculte, et en se conduisant, dès le lendemain de leurs noces, comme de vieux maris. […] Il vivait en partie à la campagne ; il visitait ses propriétés en Touraine, et cherchait à y faire des acquisitions nouvelles. […] Le pas était franchi, il n’y avait plus à douter que l’humeur de Courier déciderait toujours de sa conduite, et que son plaisir d’écrire l’emporterait sur son désir de vivre en repos. […] Ici, Louis, le modèle des rois, vivait (c’est le mot à la Cour) avec la femme Montespan, avec la fille La Vallière, avec toutes les femmes et les filles que son bon plaisir fut d’ôter à leurs maris, à leurs parents. […] C’est ainsi qu’ayant lu les Mémoires de Madame, mère du Régent, il dira (1822) : « On voit bien là ce que c’est que la Cour ; il n’y est question que d’empoisonnement, de débauche de toute espèce, de prostitution : ils vivaient vraiment pêle-mêle. » Ce n’est certes pas moi qui défendrai la Cour, mais on a droit de dire à Courier : Élargissez votre vue, voyez l’homme indépendamment des classes, reconnaissez-le partout le même, sous les formes polies ou grossières.
Vivre ! Joie de vivre ! Fureur de vivre ! […] Souffrir, c’est encore vivre. […] Comme Sieyès, elle a vécu.
« Oui, je le remarque avec peine, avec regret pour la France, l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres a laissé vivre et mourir, sans se l’associer, ce savant homme si essentiel, dont la perte est reconnue aujourd’hui, par tous ceux qui ont droit d’avoir un avis en ces matières, comme immense et presque irréparable. […] « Les dernières années de Dübner semblaient devoir le tirer de l’ombre où il avait si longtemps et si volontiers vécu. […] Qu’il repose en paix dans la sépulture du lieu riant où il est mort sans vieillir, où il a vécu ! […] Quicherat, de l’Académie des Inscriptions, dans quelques paroles qu’il a prononcées après moi, a essayé d’infirmer le reproche que j’avais articulé, et il est allé jusqu’il dire que Dübner devait être bientôt nommé par l’Académie, s’il eût vécu.
En même temps la science aide le dogme ; les forces naturelles disparaissent ; entre les mains des philosophes, les êtres perdent leur énergie efficace ; les dieux intérieurs qui vivent dans les choses sont anéantis ; toutes les puissances particulières se concentrent dans le Dieu unique. […] Mais, si atténués et si transformés qu’ils soient, ils vivent. […] Les animaux qui courent dans les bois et s’ébattent dans les prairies sont les amis des nymphes qui vivaient dans les hêtres et dormaient au bruit des fontaines. […] Quand l’aigle sut l’inadvertance Elle menaça Jupiter D’abandonner sa cour, d’aller vivre au désert.
Dans ce paradis terrestre, que les grandes révolutions de l’histoire avaient jusque-là peu atteint, vivait une population en parfaite harmonie avec le pays lui-même, active, honnête, pleine d’un sentiment gai et tendre de la vie. […] Quelques-unes étaient riches, et mettaient par leur fortune le jeune prophète en position de vivre sans exercer le métier qu’il avait professé jusqu’alors 431. […] Tous pensaient qu’il vivait dans une sphère supérieure à celle de l’humanité. […] Il paraît avoir vécu jusque vers l’an 100.
Une des idées favorites du maître, c’est qu’il était le pain nouveau, pain très supérieur à la manne et dont l’humanité allait vivre. […] Je suis le pain vivant ; si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement ; et le pain que je donnerai, c’est ma chair, pour la vie du monde 858. » Le scandale fut au comble : « Comment peut-il donner sa chair à manger ? […] Ce pain n’est pas comme la manne, que vos pères ont mangée et qui ne les a pas empochés de mourir ; celui qui mangera ce pain vivra éternellement. » Une telle obstination dans le paradoxe révolta plusieurs disciples, qui cessèrent de le fréquenter. […] Ceux qui, durant des années, avaient vécu de lui le virent toujours tenant le pain, puis le calice « entre ses mains saintes et vénérables 869 », et s’offrant lui-même à eux.
Il consent à vivre sa vie comme un inéluctable cauchemar. […] Et, si l’administration des Beaux-Arts avait des crédits pour empêcher de mourir de faim les écrivains pauvres, soyez certains que ce riche avide y volerait chaque année une somme suffisante pour faire vivre deux Verlaine. […] Je juge le Coppée bien portant, celui qui, physiquement, vivait. […] Pauvre qui vivait d’expédients, il faisait envier son opulence.
* * * — Quatre sous d’absinthe et deux sous de beurre, — deux mots jetés du haut en bas d’un escalier, deux mots qui résument la vie matérielle de la courtisane pauvre, — de quoi faire une sauce et de l’ivresse, le boire et le manger de ces créatures qui vivent à crédit sur un caprice d’estomac et une illusion de l’avenir. […] La volupté d’être vous pénètre et vous remplit, et la vie devient comme une poétique jouissance de vivre. […] Il est un petit coin réservé aux enfants, encore plus mangé par la végétation, plus disparu dans la verdure et tout plein de petites armoires blanches semées de trois larmes, qui ont l’air de sangsues gorgées d’encre, et où les parents ont enfermé le doux souvenir des pauvres petites années vécues : livres de messe, exemptions, pages d’écriture, un A B C D en tapisserie, brodé par une mère. […] parce que j’ai 30 000 de loyer… Mes acteurs, je ne leur donne guère plus, vous pensez quel métier ils font tous… Souvent une femme m’attrape pour me dire qu’elle ne peut vivre avec mes 50 francs, qu’elle va être obligée de faire des hommes dans la salle, pour manger… Que voulez-vous, ça ne me regarde pas… J’ai 30 000 de loyer… Donc, mon théâtre n’est pas un théâtre, c’est un b…… * * * — Un passeport contemporain.
Un auteur qui parvint à la célébrité en immolant à la risée publique les grands hommes de son temps, vivait à coup sûr chez un peuple ombrageux, ingrat et jaloux. […] Au premier coup d’œil jeté sur les œuvres de Molière, qui peut méconnaître le siècle où il a vécu ? […] Le monde où nous vivons ne t’offrirait plus le modèle de ton Alceste, et peut-être jugerais-tu inutile de prouver à notre siècle que la vertu peut avoir ses excès ? […] Alors ta voix éloquente célébrerait ses bienfaits : dans l’ivresse de ta reconnaissance, tu t’écrierais encore : « Nous vivons sous un prince aussi juste que grand !
j’aurai un prix à l’Académie, ma comédie réussira, je me trouverai lancé dans le monde, et accueilli par les grands que je méprise ; ils feront ma fortune sans que je m’en mêle, et je vivrai ensuite en philosophe. » Heureux pressentiment ! […] Étonné de vivre et résolu de mourir, il saisit un rasoir, essaie de se couper la gorge, y revient à plusieurs reprises, et se met les chairs en lambeaux ; l’impuissance de sa main ne change rien aux résolutions de son âme ; il se porte plusieurs coups vers le cœur, et commençant à défaillir, il tâche par un dernier effort de se couper les deux jarrets, et de s’ouvrir les veines. […] « Ce n’est point à la vie que je suis revenu, disait-il, c’est à mes amis. » Toujours plus indigné des horreurs dont il avait voulu s’affranchir par la mort, on l’entendit dire plus d’une fois : « Ce que je vois me donne à tout moment l’envie de me recommencer. » Obligé, par la perte presque totale de ses moyens d’existence et par les frais considérables de sa détention et de son traitement, à vivre de privations, il alla s’établir, avec ce qui lui restait de ses livres, dans une modeste chambre de la rue Chabanais, sans regretter pourtant le temps où il occupait un appartement au Palais-Bourbon, ou dans l’hôtel de M. de Vaudreuil. […] Une humeur dartreuse, qui avait été contrariée dans son cours, acheva ce que la honte de vivre sous une tyrannie anarchique avait commencé.
L’auteur, qui a toujours beaucoup voyagé et qui a vécu depuis à l’étranger, avait le charmant dandysme d’abandonner ses livres à eux-mêmes et de n’y plus penser, quand ils étaient publiés. […] il n’avait pas pour rien vécu si longtemps en Orient, cet homme qui a fait des livres comme le plus vif, le plus fringant, le plus spirituel des Occidentaux. […] Pour avoir vécu avec eux, il avait pris un peu de la sagesse des derviches, qu’il appelle des sages, et même de l’art des derviches tourneurs, qu’il appelle de grands artistes ; car s’il y a un homme qui ait jamais tourné dans ce monde qui tourne, c’est lui, le comte de Gobineau, diplomate toute sa vie : en Perse, en Suède, au Brésil, partout, et montrant partout, sans cesser de tourner, — ce brillant valseur diplomatique ! […] S’il eût vécu, nous aurions pu juger du talent de Gobineau comme sculpteur, et si ses figures de marbre auraient été aussi belles que ses figures historiques…
Il a vécu une vie pleine de jours, comme dit la Bible, et il a eu beau faire le dégoûté, le hautain, le railleur avec soi-même et avec les autres, dans ses lettres, il ne l’était pas tant que cela ! […] Les lettres d’Horace Walpole vivent encore et vivront. […] Ils s’étaient écrit bien longtemps, puisque c’était sa manière de vivre.
Ils sont en nous, sortent de nous, vivent de nous. […] L’historien de la Philosophie peut les relever et en étudier la structure ; il peut dire : « Cela était puissant quand cela vivait, et cela a vécu plus ou moins longtemps, mais à présent cela est mort des erreurs qui étaient là-dedans ! […] Ils furent puissants à dégoûter du peuple chez lequel ils eurent cette puissance… Ils eurent l’influence et même parfois le pouvoir, et la plupart : Zénon, Mélissus, Antiphron, furent des hommes politiques ; d’autres, des amiraux et des ambassadeurs : — Mélissus encore, Gorgias, Hippias et Prodicus… Et ce n’étaient, au fond, pourtant, que des avocats, des vendeurs de paroles, qui vivaient de leurs paroles, les faisant payer comme nous payons le chant de nos ténors… C’est toujours du son qu’on achète !
Pour si peu que nous ayons vécu, nous avons tous plus ou moins dans notre âme un livre écrit par l’Expérience, avec du sang ou avec des larmes, mais le plus souvent il y reste. […] Tout le drame d’un cœur vierge qu’il nous retrace a pour théâtre l’étroit espace que nous avons mesuré tous, entre notre berceau, couronné des visages aimés qui s’y penchèrent, et la disparition de ces chers visages, les astres et les étoiles de notre vie, descendus derrière l’horizon quand il nous faut achever si longtemps de vivre sans les avoir là pour nous orienter ! […] Enfin, dans les dernières années de la Restauration, ils écrivirent, avec la main tremblante et sceptique de Jouffroy, « comment les dogmes finissent », et si, à partir de Jouffroy, ils n’ont plus eu d’illustre interprète, ils n’en vivent pas moins parmi nous et il est aisé de les reconnaître à certaines formes surannées de langage. […] À côté de la niaiserie du bon sens pipé et de l’invention d’une bourgeoise sagesse, à côté de cette religion naturelle qui est, au fond, si on creuse bien, toute leur doctrine, ils dressent de grands mots qui font rêver les imaginations sans guide et ils pataugent dans l’Infini… Nous ne savons personne plus digne de pitié que ces espèces de philosophes qui n’ont pas même une philosophie complète pour remplacer une religion qu’ils n’ont plus, — qui prennent les ondoyantes et capricieuses lueurs de leur propre sentimentalité pour la ferme lumière de la conscience et vivent en paix avec eux-mêmes.
C’est bien la peine d’avoir vécu trente ans ! […] Plagiaire involontaire, et caméléon qui s’ignore ; ruisselant, comme un homme qui sort de l’eau, des lectures que tout le monde a faites et que dans son livre on peut aisément suivre à la trace, ce génie, à personnalité incertaine et confuse, ne vivrait même pas de sa pauvre manière d’exister, si des autres n’avaient pas existé avant lui… En dehors des fabulations qu’ils ont fécondées ou ornées, je peux bien concevoir les autres poètes, épiques ou non, que M. […] Avant de le mettre au tombeau de sa légende, dans lequel il recommence de vivre, après la mort, absolument comme il vivait, avant d’être dans le tombeau (par parenthèse une des plus grandes bêtises par impuissance de ce poëme d’impossibilités), M.
I Je les ai mis ensemble, et pour cause… Voici la cause : Quoique deux esprits très différents par la manière d’écrire, Albéric Second et Xavier Aubryet se ressemblent par le milieu dans lequel ils vivent et font vivre leurs inventions. […] J’ai cru pourtant qu’il la tiendrait, quand j’ai vu sa madame Maubrel, après la mort de son mari, tué, comme il avait vécu, pour les besoins de la situation, chercher partout, avec l’acharnement d’une âme profonde qui n’oublie pas, et pour lui faire expier son crime, l’insolent farfadet qui l’a outragée ; — car il s’en est allé, il a disparu comme un farfadet ! […] Seulement, je m’aperçus bientôt que les plafonds sous lesquels je voulais vivre étaient trop bas, et je revins presque immédiatement à l’observation élargie et à la grande nature humaine, hors de laquelle — comme en religion l’Église romaine — il n’y a pas, en littérature, de salut !
Il déguisa son nom et sa naissance, et vécut plusieurs années inconnu, errant de ville en ville, et de pays en pays, manquant de tout, réduit le plus souvent, pour subsister, à labourer la terre, ou à cultiver des jardins, maniant tour à tour la charrue et la bêche, et honorant cet état par son courage. […] Ainsi un philosophe, pour avoir dit la vérité à Domitien, vécut exilé à peu près dans les mêmes lieux où, quatre-vingts ans auparavant, Ovide avait été forcé de vivre et de mourir, pour avoir surpris les débauches obscures de cet autre tyran qu’on nomme Auguste. […] Aristide, orateur grec de la Mœsie, et qui vivait dans le même temps, composa un éloge d’Athènes, un de Rome et un panégyrique de Marc-Aurèle ; nous les avons encore.
Il ne vivait pas seul, d’ailleurs. […] Il faut vivre. […] Ce qui m’importe, c’est de vivre. […] Il ne faut pas se laisser vivre, il faut vivre et parfois désirer et parfois vouloir l’impossible. […] On sent vivre les siècles.
Elles vivent, dès à présent, par la profonde impression qu’elles produisirent sur un grand nombre d’esprits contemporains. […] Entre sa femme et sa fille, deux grands caractères, il vécut, doux, accueillant et paisible. […] Il l’était de par cette maîtrise de soi, empreinte à chaque ligne de son œuvre comme à chaque ride de son front ; de par cette aristocratie absolue qui le faisait vivre à l’écart et qui, à peine surgissait-il en quelque réunion, le désignait, le consacrait.
Je vous entends : il faut vivre ; mais quelle étrange aberration est-ce de vouloir faire de la poésie un métier ! Oui, il faut vivre ! […] Il y a vécu.
Jusque-là tu vivras : mais tu vivras comme tu vis aujourd’hui, tellement assiégé (grâce à mes soins) de surveillants et de gardes, tellement entouré de barrières, que tu ne puisses faire un seul mouvement, un seul effort contre la république. […] vivons-nous ? […] Tu as fixé le moment de ton départ ; tu as dit que la seule chose qui pût t’arrêter, c’est que je vivais encore. […] Si j’avais cru que le meilleur parti à prendre fût de faire périr Catilina, je ne l’aurais pas laissé vivre un moment. […] Pour nous, arrivés un jour à notre terme, nous vivrons enfin, car notre vie d’à présent, c’est une mort, et, si j’en voulais déplorer la misère, il ne me serait que trop aisé.
vivre si longtemps ne t’aurait servi qu’à cela ! […] Celui qui n’a pas changé n’a pas vécu, puisqu’il n’a rien appris. […] N’insistons pas : changer, c’est vivre ; vivre, c’est changer. […] Ma mère, qui vivait encore à cette époque, appuya par ses larmes la prière du duc d’Orléans. […] Le roi vivait encore ; il pouvait me démentir si j’avais dénaturé l’entretien : il n’en fit rien.
« Tellus, répondit Solon, vivait dans un temps où Athènes était florissante. […] Ces deux frères, originaires d’Argos, vivaient dans une honnête aisance ; ils étaient de plus distingués par la force du corps, et avaient remporté des prix dans les jeux publics. […] Ils ne se réveillèrent pas, et finirent ainsi de vivre. […] Quand il eut reçu l’enfant, je lui prescrivis de l’exposer dans le lieu le plus désert des montagnes, de l’observer et de bien s’assurer qu’il avait cessé de vivre. […] Mais il vous reste à vous venger d’Astyage, de votre assassin, puisque son dessein fut de vous faire mourir ; et, si vous vivez, les dieux seuls vous ont sauvé.
» Vivre sa vie ! […] Les hommes vivent côte à côte et ne se connaissent pas. […] « Avoir été un enfant pour qui le monde va s’ouvrir, avoir été celui qui vivra, et ne plus être que celui qui a vécu ! […] C’est une grande affaire que vivre, et vivre en société. […] Il y a certaines manières de voir, de sentir, de vivre, que M.
Un philosophe anglais a remarqué avec une admirable justesse que « si la nature douait un être d’une faculté de sentir et de penser trop supérieure à la faculté de sentir et de penser du commun des hommes, cet être en apparence privilégié ne pourrait pas vivre dans le milieu humain, ou vivrait le plus infortuné de tous les êtres. Avec des sens plus délicats, plus impressionnables, plus raffinés ; avec des sensations plus vives et plus pénétrantes ; avec un goût plus délicat, que tous les objets dont il est entouré blesseraient ou ne pourraient satisfaire ; obligé de vivre toujours dans une sphère qui répugnerait à la perfection de ses organes, il vivrait de souffrance, ou périrait de désir ». Or, si cette impossibilité de vivre est absolue pour un être qui serait complètement supérieur à la généralité des hommes, cette difficulté de vivre heureux est relative dans les êtres doués seulement d’une sensibilité supérieure de quelques degrés à celle de leurs semblables. […] … Telle est ma détresse, que je n’ai que vous au monde à qui je puisse me fier, et, si vous m’assurez que ma supplique aux cardinaux sera présentée, je vivrai enfin en paix ! […] Dix-huit années s’étaient écoulées depuis ce mariage ; la jeune et belle Cornélia était devenue une grave et tendre mère de famille ; elle avait perdu son mari ; elle continuait à vivre seule et dans une médiocrité presque indigente dans sa maison à Sorrente, sans autre fortune que les orangers et les figuiers du petit domaine de ses pères.
Job, Homère, Virgile, Le Tasse, Milton, Rousseau, et surtout Ossian et Paul et Virginie ; ces livres amis me parlaient dans la solitude la langue de mon cœur ; une langue d’harmonie, d’images et de passion ; je vivais tantôt avec l’un, tantôt avec l’autre, ne les changeant que quand je les avais pour ainsi dire épuisés. […] Et moi j’étais là aussi pour chanter toutes ces choses ; pour étudier les siècles à leur berceau, pour remonter jusqu’à sa source le cours inconnu d’une civilisation, d’une religion, pour m’inspirer de l’esprit des lieux et du sens caché des histoires et des monuments sur ces bords qui furent le point de départ du monde moderne, et pour nourrir d’une sagesse plus réelle et d’une philosophie plus vraie, la poésie grave et pensée de l’époque avancée où nous vivons ! […] Elle ne sera plus épique ; l’homme a trop vécu, trop réfléchi pour se laisser amuser, intéresser par les longs écrits de l’épopée, et l’expérience a détruit sa foi aux merveilles dont le poème épique enchantait sa crédulité ; elle ne sera plus dramatique ; parce que la scène de la vie réelle a, dans nos temps de liberté et d’action politique, un intérêt plus pressant, plus réel et plus intime que la scène du théâtre ; parce que les classes élevées de la société ne vont plus au théâtre pour être émues, mais pour juger ; parce que la société est devenue critique de naïve qu’elle était. […] Un souvenir à toutes les vies dont j’ai vécu et que j’ai perdues ! […] Mais l’homme ne vit pas seulement d’idéal ; il faut que cet idéal s’incarne et se résume pour lui dans des institutions sociales ; il y a des époques où ces institutions, qui représentent la pensée de l’humanité, sont organisées et vivantes ; la société alors marche toute seule, et la pensée peut s’en séparer et de son côté vivre seule dans des régions de son choix ; il y en a d’autres où les institutions usées par les siècles tombent en ruines de toutes parts et où chacun doit apporter sa pierre et son ciment pour reconstruire un abri à l’humanité.
De 1809 à 1816, Quincey vécut aux Lacs, dans le voisinage du poète Wordsworth. […] Il avait vécu soixante-quatorze ans et quatre mois. […] Ne réfléchissant pas, il a eu le loisir de vivre et d’aimer. […] Et me voici seul, sans amis, sans métier pour me faire vivre. […] C’est là qu’il a vécu ses dix-huit dernières années.
Les Français vivent comme cela. […] Et ces ombres vaines, ces fantômes, parfois seulement doués d’existence sans qu’on sache pourquoi, c’est pourtant ce dont je vis, ce dont vivent les miens, et la seule ressource dont les miens et moi pouvons vivre. […] Il s’habitua à prendre autant de plaisir à voir vivre les autres qu’il avait eu de complaisance à se regarder vivre lui-même. Il se soulagea ainsi du cher supplice de vivre avec soi. […] Il aimait à la voir vivre, penser, sentir, exprimer son rêve.
Il nous faut avouer que les divers degrés de notre scepticisme sont d’aussi médiocres stations ; nous aimerions vivre et voir vivre activement ; mais pourquoi ?
Les peuples vivent de vérités applicables, et les princes qui rêvent sont réveillés en sursaut par les catastrophes. […] Ils font des masses et des siècles des échos du battement de leurs cœurs ; ils vivent en tous, et tous vivent en eux. […] Le tonneau de Diogène, si Rousseau eût vécu à Athènes, aurait eu en lui son héritier, pourvu qu’il fît du bruit dans ce tonneau. […] Il s’éloigna d’elle, et se réfugia en plein hiver dans une autre maisonnette de Montmorency, où il vécut dans une volontaire indigence, indigence toutefois plus ostentatoire que réelle. […] Rousseau vivait du prix de ces copies et de la musique qu’on lui commandait par le désir d’obliger un homme illustre.
Il y vivait entièrement étranger aux tracas d’une maison publique, comme un ermite dans sa cellule, au milieu du bruit qui ne l’atteint pas. […] Les malheurs d’un père obligé à travailler jusqu’à satiété pour vivre et pour faire vivre ceux qui se sont compromis pour lui et pour leur patrie, sont un triste héritage à recueillir. Mieux vaut la paix du ciel, où nous nous retrouverons tous, consolés, les uns d’être morts, les autres d’avoir vécu ! […] J’ai souvent réfléchi par quelle bizarrerie inexplicable ce grand juge m’avait témoigné tant de défaveur pendant qu’il vivait, en me réservant tant de partialité après sa mort. […] S’il vivait aujourd’hui, la Grèce, selon toute probabilité, ne chercherait pas d’autre roi.
La terre, la mer, la pierre s’entrouvrent pour rendre au jour, sous les bandelettes des momies ou dans les sépulcres de marbre, les squelettes des hommes qui vivaient sur la terre avant que le marbre lui-même fût formé. […] Mais les philosophes qui affirment le progrès de la vie humaine en durée oublient encore que tout est coordonné dans le plan divin ; que ce plan divin assigne à l’homme une durée de vie en rapport exact avec le nombre des autres hommes qui vécurent ou qui doivent vivre à côté de lui, avant lui ou après lui sur cette terre ; que l’espace de ce petit globe ne s’élargit pas au gré des rêves orgueilleux des utopistes de la perfectibilité indéfinie ; que la fécondité même de l’écorce de ce petit globe, que nous rongeons, n’est pas indéfinie dans sa production des aliments nécessaires à l’existence de l’homme ; que si une génération prolongeait indéfiniment sa vie et multipliait à proportion sa race sur la terre, d’une part cette génération sans fin et sans limite trouverait bientôt ce globe trop étroit pour sa multitude et pour ses besoins ; d’autre part, que cette génération prendrait dans l’espace et dans le temps la place des générations à naître ; privilégiés de la vie qui condamneraient au néant ceux qui sont prédestinés à vivre ! […] Heureux hommes, ils auront vécu, ils seront morts encore endormis ! […] La philosophie de la douleur sanctifiée par l’acceptation et consolée par l’espérance, c’est la philosophie des Indes, de Brahma, de Bouddha, de Confucius, de Platon, du christianisme ; c’est celle qui nous a toujours paru, dès notre première dégustation de la vie, contenir le plus de vérité, de réalité, de beauté, de révélation, de force, de grandeur, de vertu, d’espérance, d’encouragement à vivre, à aimer, à espérer, à agir. […] Comment peut-il vivre et agir encore ici-bas ?
L’auteur raconte qu’à une certaine époque de sa vie, il avait pour ami un homme qui vivait, dans un coin solitaire de l’Amérique, des débris sauvés d’une fortune qui avait été splendide autrefois. […] C’était, de nature, un vrai poète, une incontestable supériorité d’imagination, faite pour aller ravir l’inspiration aux plus grandes sources ; mais il n’est pas bon que l’homme soit seul, a dit le Saint Livre, et Poe, ce Byron-Bohème, vécut seul toute sa vie et mourut comme il avait vécu, — ivre et seul ! […] Poe ne mourut pas seulement du delirium tremens ; il en avait vécu ! […] Il en a vécu ! […] il n’en trouva pas seulement pour vivre, et il mourut doublement victime de l’âme qu’il avait et de l’absence d’âme d’un pays qui n’en avait pas.
Il vécut peu en Grèce, mais il vécut beaucoup avec les poètes grecs. […] Cet homme, qui ne vivait que pour la littérature, avait la coquetterie de n’en jamais parler. […] Il a vécu l’âme ouverte, et sa physionomie était bien en cela l’image de son âme. […] Il se consolait de vivre sans amis, sachant bien qu’à Paris on a des relations et point d’amis. […] Il vécut et disparut modestement.
Cette seconde région qui, ai-je dit, est la moyenne, mène à l’autre, à la supérieure et sublime, qui est la région des pics, des glaciers, des resplendissants déserts, et où la rigueur du climat « ne laisse vivre que des rhododendrons, quelques plantes fortes, des gazons robustes », au bord et dans les interstices des neiges éternelles. […] Plus bas, en effet, la reproduction, le changement, le renouvellement nous entourent ; le sol actif et fécond se recouvre éternellement de parure ou de fruits, et Dieu semble approcher de nous sa main pour que nous y puisions le vivre de l’été et les provisions de l’hiver ; mais ici où cette main semble s’être retirée, c’est au plus profond du cœur que l’on ressent de neuves impressions d’abandon et de terreur, que l’on entrevoit comme à nu l’incomparable faiblesse de l’homme, sa prochaine et éternelle destruction si, pour un instant seulement, la divine bonté cessait de l’entourer de soins tendres et de secours infinis. […] « Les Mayens sont à notre avis, dit-il, un Élysée dont la douceur enchante, plutôt qu’une merveille à visiter » ; et c’est pour cela qu’il donne envie d’y monter et d’y vivre au moins une saison. […] S’il vivait, il n’aurait sans doute qu’à se relire, nous n’aurions pas même à le lui faire comprendre. […] Près de mourir, Töpffer reviendra sur cette idée d’assujettissement, d’acquiescement intime et volontaire qui était le trait essentiel de sa foi : « Qui dispute, doute ; qui acquiesce, croit… Je crois et je me confie, deux choses qui peuvent être des sentiments vagues, sans cesser d’être des sentiments forts et indestructibles. » Dès le temps où il visitait la Grande-Chartreuse, Töpffer, voyant ce renoncement absolu qui imprime le respect et une sorte de terreur, s’était posé dans toute sa précision le problème qui est fait pour troubler une âme préoccupée des destinées futures : le chartreux, le trappiste, en effet, le disciple de saint Bruno ou de Rancé vit chaque jour en vue de sa tombe, tandis que d’autres, la plupart, ne vivent jamais qu’en vue de la vie et comme s’ils ne devaient jamais mourir : Destinée étrange que celle de l’homme !
Dans cette contrée, selon lui favorisée entre toutes alors, et à l’abri des inondations comme des volcans, un peuple heureux et sage aurait, durant un long cours de siècles insensibles, vécu en paix et cultivé les hautes sciences ; et ce ne seraient que les restes de cette science primordiale, après la ruine et la dispersion du peuple fortuné, ce n’en seraient que les débris que l’on découvrirait ensuite chez les Chaldéens, chez les Indiens, chez les Chinois, tous peuples dépositaires plutôt qu’inventeurs : Mais je dois renvoyer ici, ajoutait Buffon, à l’excellent ouvrage que M. […] Mais aux générations qui se succèdent il faut quelque chose de plus, pour qu’elles consentent à voir l’âge d’or dans le passé, sur la foi des vieillards ; il faut, selon Bailly, que la race ait été transplantée : On peuplait jadis plus qu’on ne fait aujourd’hui ; on vivait plus difficilement, parce que la terre était moins cultivée : de là la nécessité d’envoyer au loin des colonies, de chasser hors de l’habitation nationale des essaims nombreux, comme font encore de nos jours les abeilles. […] Les abeilles sont le seul peuple qui l’ait conservé, parce qu’elles n’ont point encore imaginé l’excellent remède de se détruire dans sa patrie pour s’éviter l’ennui de vivre dans une terre étrangère. […] La jeunesse, bannie de son pays, ne l’a point quitté sans douleur ; elle a trouvé un ciel plus beau, une terre plus fertile, mais ce n’était pas le sol natal ; ce n’était plus ce ciel dont la lumière avait d’abord frappé sa vue, ce n’était plus cette terre où bon avait commencé à vivre, cette terre témoin des soins paternels, des jeux de l’enfance, où l’on avait reçu les premières impressions du plaisir et du bonheur. […] M. de Mairan, ainsi défini, ressemble parfaitement à ce que Bailly aurait voulu être, à ce qu’il aurait peut-être été dans le souvenir des hommes, si les événements de la politique n’étaient venus le tirer brusquement de sa maison de Chaillot où il vivait en sage, et de sa fenêtre du Louvre où était aussi son observatoire, pour le porter au fauteuil de notre première assemblée publique, et l’installer bientôt en permanence au balcon populaire.
Elle revient en maint endroit sur cette peu flatteuse idée, qu’on ne peut plus vivre avec le monde tel qu’il est, « que tous les jours elle trouve le monde plus bête ». […] Cela aide à vivre avec eux, si on a à vivre encore. […] L’objection que je fais ici à Mme de Créqui est la même que j’adresserais à Mme Du Deffand et à toutes ces personnes d’autrefois, d’un goût exquis, d’un esprit exact, d’un monde consommé, et qui ont trop vécu. […] C’est ce même monde dont Mme de Créqui répète à tout moment qu’on n’y pouvait plus vivre.
Que M. de Pontmartin, s’il vivait (ce que je lui souhaite) quatre-vingts ans et plus, comme l’estimable M. […] Un jour qu’il était ruiné, un libraire de Londres lui offrit je ne sais combien de guinées pour qu’il écrivît ses Mémoires et qu’il y dit une partie de ce qu’il savait sur la haute société anglaise avec laquelle il avait vécu. […] cela me donne envie d’aimer d’autant plus Paris, quand je vois ceux qui le maudissent commettre de telles fautes de goût, de bienséance, et, boutade pour boutade, je m’écrie à l’encontre : « Paris, ville de lumière, d’élégance et de facilité, c’est chez toi qu’il est doux de vivre, c’est chez toi que je veux mourir ! Ville heureuse où l’on est dispensé d’avoir du bonheur, où il suffit d’être et de se sentir habiter ; qui fait plaisir, comme on le disait autrefois d’Athènes, rien qu’à regarder ; où l’on voit juste plus naturellement qu’ailleurs, où l’on ne s’exagère rien, où l’on ne se fait des monstres de rien ; où l’on respire, pour ainsi dire, avec l’air, même ce qu’on ne sait pas, où l’on n’est pas étranger même à ce qu’on ignore ; centre unique de ressources et de liberté, où la solitude est possible, où la société est commode et toujours voisine, où l’on est à cent lieues ou à deux pas ; où une seule matinée embrasse et satisfait toutes les curiosités, toutes les variétés de désirs ; où le plus sauvage, s’il est repris du besoin des hommes, n’a qu’à traverser les ponts, à parcourir cette zone brillante qui s’étend de la Madeleine au Gymnase ; et là, en quelques instants, il a tout retrouvé, il a tout vu, il s’est retrempé en plein courant, il a ressenti les plus vifs stimulants de la vie, il a compris la vraie philosophie parisienne, cette facilité, cette grâce à vivre, même au milieu du travail, cette sagesse rapide qui consiste à savoir profiter d’une heure de soleil ! […] C’est chez toi qu’il est doux de vivre, c’est chez toi que je veux mourir !
La Restauration, en durant et en faisant à son jour toutes ses fautes, se chargea plus tard de désenchanter ceux de ces jeunes esprits qui vécurent assez pour la voir dans tout son développement et dans ses extrêmes conséquences ; mais au début une grande espérance animait ces jeunes et loyaux admirateurs de Louis XVIII et de la Charte octroyée. […] Mais l’élégie de Loyson, même à l’heure de la convalescence, est d’un homme qui garde du frisson en soi, qui doit bientôt retomber et mourir : la méditation de Lamartine, jusque dans son mélodieux gémissement au contraire, est celle d’un poète qui doit vivre et qui recèle encore en lui des torrents de sève et de force. […] Patin à entreprendre une édition de ses Œuvres, et s’il vivait, il saluerait aujourd’hui avec bonheur l’accomplissement d’un de ses vœux. […] Delatouche, l’homme de ces malices-là, était né comme exprès pour être l’ennemi et l’envieux de Loyson, si Loyson avait vécu. […] Charles Loyson, s’il eût vécu, n’aurait pas commis de ces méprises.
Millevoye est au dehors comme le type personnifié de ce poëte jeune qui ne devait pas vivre, et qui meurt, à trente ans plus ou moins, en chacun de nous155. […] Charles-Hubert Millevoye est né à Abbeville le 24 décembre 1782, et par conséquent, s’il vivait aujourd’hui, il aurait à peu près le même âge (un peu moins) que Béranger. […] Il publia ces essais de 1801 à 1804156, et ne vécut plus que de la vie littéraire, et aussi de la vie du monde, tout entier au moment et au Caprice. […] Millevoye, sans ambition, sans un ennemi, très-répandu, très-vif au plaisir, très-amoureux des vers, vivait ainsi. […] J’avais lu la plupart de ces petits chants, j’avais lu ce Charlemagne, cet Alfred, où il en a inséré ; je trouvais l’ensemble élégant, monotone et pâli, et, n’y sentant que peu, je passais, quand un contemporain de la jeunesse de Millevoye et de la nôtre encore, qui me voyait indifférent, se mit à me chanter d’une voix émue, et l’œil humide, quelques-uns de ces refrains auxquels il rendit une vie d’enchantement ; et j’appris combien, un moment du moins, pour les sensibles et les amants d’alors, tout cela avait vécu, combien pour de jeunes cœurs, aujourd’hui éteints ou refroidis, cette légère poésie avait été une fois la musique de l’âme, et comment on avait usé de ces chants aussi pour charmer et pour aimer.
Mais l’idée de donner à des maximes de morale toutes les grâces d’un art, en mêlant aux préceptes des portraits et de la satire, cette idée ne peut appartenir qu’à un esprit supérieur, à une grande nation, à une époque où toute la vie humaine a été vécue. […] Plus tard, compris dans l’amnistie, il changea entièrement de manière de vivre, ou plutôt il prit possession de sa véritable vie, vie de réflexion et de conversation, par laquelle, a dit Mme de Sévigné, « il s’est rapproché tellement de ses derniers moments, qu’ils n’ont eu rien d’étranger pour lui94. » Il consacra ses loisirs, partie à écrire ses Mémoires et à méditer ses Maximes partie à des lectures avec des personnes d’esprit, et à des conversations où il y avait beaucoup à moraliser. […] Oui, ce qui fait vivre les Maximes de la vie des œuvres du génie, c’est la vérité, cette âme immortelle de tous les ouvrages du dix-septième siècle. […] Mais les Pensées comme les Maximes vivent par le fond ; et c’est faute de vue ou d’impartialité qu’on prend pour des figures peintes des corps pleins d’embonpoint et de vie. […] Certaines vérités sont saisies à la première vue : nous y étions préparés, nous dépendions d’elles depuis longtemps, et nous vivions à notre insu sous leur empire ; un esprit supérieur nous en avertit, nous les reconnaissons.
À dater de 1843, ce fut plus habituellement à Venise qu’il établit sa vie, sauf encore les absences qu’il aimait à faire à certaines saisons, et une retraite de plusieurs mois à Hambourg pendant les événements de 1848 ; mais c’est à Venise qu’il est revenu vivre dès 1849, et qu’il est mort. Et avant tout, pour aborder sans hésitation une question délicate, et qui, soulevée un jour devant lui, fit rougir le front du noble guerrier, mais une question qui est trop chère à la calomnie pour qu’on la lui laisse, je dirai qu’à l’étranger, le maréchal Marmont, privé de ses traitements en France, vivait surtout de sa dotation d’origine et de fondation napoléonienne, datant de l’époque de ses grands services en Illyrie, dotation qui, par suite de la reprise des Provinces illyriennes, lui avait été légitimement garantie dans les traités de 1814, comme cela arriva à d’autres grands feudataires de l’Empire en ces provinces. Il est donc inexact et faux de dire qu’il ait vécu à l’étranger d’une pension du gouvernement autrichien : il continua de recevoir une indemnité régulièrement garantie et stipulée par des traités internationaux7. […] Les premiers étaient l’objet de mes soins les plus assidus et de ma sollicitude la plus vive ; Les derniers, tant que je vivrai, auront mes plus ardentes sympathies. […] Le maréchal, qui, en vieillissant, avait gardé tout son feu, sa vivacité d’impression et d’intelligence, vécut assez pour apprendre et juger les derniers événements qui ont changé le régime de la France.
Le fait est que, durant les trois années d’un état précaire pour la France et presque déshonorant pour la civilisation d’un grand peuple, les mêmes hommes, après le premier étourdissement passé, ont assez pris leur parti, qu’ils ont assez bien vécu et n’ont pas trop désespéré, et que depuis qu’il y a un établissement régulier, il leur semble qu’on ne puisse plus vivre : c’est que cet établissement s’est fait sans eux, c’est que ce régime n’est plus le leur ; on supporte encore la chute, non pas le remplacement. […] On pouvait croire, au premier abord, qu’il y avait de leur côté de la ressource, parce que leurs caractères n’étaient point usés, et parce qu’ils avaient vécu en dehors du tourbillon qui entraînait l’Europe. […] Le malheureux, qui ne vivait que de poisson à l’eau, à cause de sa goutte, était encore privé par là du seul plaisir des sens auquel il eût été sensible ; car il était gourmand. […] Le voilà au fond de sa terre, le seul endroit où il pourrait être heureux, et celui où il le sera le moins ; mais laissons-l’y vivre en paix.
Le roman de la vie vraie n’est pas fait pour ceux qui n’ont pas vécu. […] La parcelle d’univers où nous vivons et que nous n’avons pas faite influe sur nous, et aussi l’entourage immédiat que nous nous sommes donné : notre maison, les objets dont elle est ornée, les ombres habituelles de ses murailles et les clartés de ses fenêtres, le bruit encore avec lequel la vie nous berce, bruit de la rue et de la place, murmure des eaux, murmure du vent, voix d’enfants, voix de femmes, voix chères dont les mots ne parviennent pas toujours à l’oreille, dont l’accent va toujours au cœur, bourdonnement du travail dans l’atelier voisin, silence même de la nuit, où passe l’accord de mille bruits apaisés et confus. Tous les romanciers se sont préoccupés de traduire cette vie qui enveloppe la nôtre, et ils l’ont fait avec une variété de procédés infinie, selon leur tempérament, selon leur race, selon le temps où ils ont vécu. […] Il est nécessaire d’avoir vécu pour bien comprendre les fictions de la vie. […] Que les autres, ceux qui sont jeunes, attendent la leçon commune ; qu’ils vivent d’abord, qu’ils laissent de côté le roman comme une œuvre pour eux vide de sens, écrite dans une langue étrangère.
Tchéou, le riche banquier de Canton, sans doute n’est-elle jamais vécue ? […] Il marche, il siffle son chien, il a de l’appétit pour vivre et pour écrire. […] Les professeurs de rhétorique vivent encore sous ses règles ! […] Aussi je doute qu’il ait suivi Lefèvre si celui-ci avait vécu. […] Et même il parvient à vivre en nous.
L’épicurien qui sait vivre calme dans des bornes vertueuses est un prodige ; le stoïcien qui sait religieusement souffrir en est un autre. […] Pourquoi avez-vous vécu et souffert, âmes généreuses qui dans tous les siècles avez pensé à la postérité ? […] Je payais un tribut de mon admiration, je donnais de l’amour, et je vivais ainsi ; car aimer, sous tous les aspects, c’est véritablement vivre, et la vie n’est que là. […] Vous vivez solitaires, vous n’avez plus de fêtes. […] Vos architectes vivent de plagiat ; vos peintres rendent la nature sans vérité et sans idéal, et aucune pensée ne dirige leur pinceau.
On sait que l’illustre auteur de Clarisse vivait d’hymnes et d’encens, comme une idole. […] Il vivait au milieu du monde, mais ne désirait aucun rôle actif dans les affaires. […] une occasion de vivre, mais non pas la vie elle-même. […] Mais, que voyons-nous dans le monde au milieu duquel nous vivons ? […] On croit les reconnaître et s’en souvenir, comme si on avait vécu avec eux plusieurs années.
Or, le même argument démontre que les animaux qui naissent ont déjà vécu. […] Ils se retirent la nuit dans des tanières où ils vivent de pain noir, d’eau et de racines. […] Plus tard, il vécut pour un clan ou pour une petite république ». […] Mais vivre avec une femme mariée ! […] L’important était d’y vivre selon la loi.
Mais il faut une sage-femme pour les aider à naître, des femmes moins sages pour les aider à vivre, des médecins pour retarder leur mort. […] c’est éprouver un plaisir présent, c’est vivre dans le présent, c’est éveiller le moment présent. […] Jusqu’en 1870, la critique professionnelle a vécu contre le romantisme, elle a vécu ensuite contre le naturalisme. […] Cela c’est l’étoffe même de la société humaine, c’est le jeu qui fait que nous vivons, non en individus isolés, mais en groupes ordonnés. […] Mais elle l’a pensé, elle y a pensé toujours, elle a vécu en lui et par lui.
Charles Asselineau Malgré tant de défauts, malgré tant de faiblesses, le nom de Millevoye vivra. Il vivra comme celui de Rouget de l’Isle, moins bon poète que lui, mais qui, dans un jour d’orage, put montrer à tous son visage à la clarté pénétrante de l’éclair.
Il allait, selon toutes probabilités, s’il avait vécu, devenir un maître, mais il ne l’était pas encore. […] Il devait être de la multitude des poètes qu’elle emporte pour un ou deux qu’elle laisse vivre ; il ne pouvait, en effet, comme les deux seuls hommes qui de nos jours ont bénéficié de leurs vers, attendre le bon plaisir de la renommée et la forcer à la longue de coter ses rimes au marché.
Ils vécurent modestes et honorés dans leur ville. […] Alexandre et Clair vivent encore.
Mme de Castellane n’a rien oublié de tout cela ; elle se rappelle parfaitement ma mère et sa belle figure pâle, notre salon vert, et mille détails qui m’ont confondue de la part d’une personne qui a tant vécu dans le grand monde et tant vu de choses. […] Quand elle arrive à Paray, c’est le repos qu’on lui ordonne ; en quittant Paris, il ne lui reste que le souffle. « Le repos ou la mort, m’a dit le docteur en partant. — J’aime mieux le repos. » Sa santé est intérieurement épuisée ; elle a des défaillances, des impuissances de vivre, qu’elle ne répare qu’avec des journées de silence et de la moindre action possible. […] Mais bientôt les esprits renaissent, le foyer intérieur se ranime, elle se remet à vivre, à penser, à écrire à ses amis ou à les appeler près d’elle, amis de choix et d’un commerce sérieux, parmi lesquels il est juste de nommer MM. […] Comprendre chaque Père de l’Église, le rendre avec la physionomie qui lui est propre, lui faire parler sa langue, le faire agir sur la scène où il a vécu, c’était son ambition première, et elle excédait ses forces : de plus savants qu’elle sont restés en chemin. […] Penser pour soi et pour ses amis, sans prétention à s’afficher ; vouloir se former des opinions justes sur les choses essentielles, sans aspirer à les produire ; étudier, vivre, regarder, oser sentir et dire, est une marque de distinction dans une nature.
L’année ne s’embarrassait ni des distances, ni des vivres ; elle ravageait le pays. […] Nous faisions très bonne chère, car suivant les circonstances on ne manquait ni de force pour s’emparer des vivres, ni d’argent pour les payer. […] Au point de vue militaire, Jomini insistait sur les chances désastreuses d’une guerre d’hiver dans les marais, sans vivres, sans hôpitaux, sans munitions, sans abri ; l’Autriche épiant l’occasion de déboucher de la Bohême sur nos derrières et de prendre d’un seul coup toute sa revanche. […] Le besoin de se procurer des vivres, et aussi l’humeur ardente, le désir de gloire, le poussaient sans cesse, du côté de Kœnigsberg, à des mouvements et à des entreprises que l’Empereur n’avait pas ordonnés. […] Se procurer des vivres ?
C’est qu’à partir de ce jour-là, ce premier amour, comme un enfant qui ne devait pas vivre, était mort en elle. […] Le reste était comme anéanti à ses yeux, ou ne vivait que par là. […] Elle vivait autant d’un puart d’heure de présence quasi muette, qu’elle aurait vécu d’une éternité partagée. […] Ils auraient voulu vivre près d’Anne d’Autriche avant la Fronde, à la cour de Madame Henriette durant ses voyages de Fontainebleau, ou aux dernières belles années de Louis XIV, dans les labyrinthes encore illuminés de Versailles, entre Mmes de Maintenon et de Montespan. […] mais je vivrai d’un passé détruit, et ma vie sera une désolation éternelle et fidèle. » Et en parlant ainsi, il reprenait ses avantages près de ce cœur qui le revoyait s’animer comme au temps des premiers charmes.
Les premières œuvres de Pigal remontent assez haut, et Carle Vernet vécut très-longtemps. […] Daumier a vécu intimement avec lui, il l’a épié le jour et la nuit, il a appris les mystères de son alcôve, il s’est lié avec sa femme et ses enfants, il sait la forme de son nez et la construction de sa tête, il sait quel esprit fait vivre la maison du haut en bas. […] La Lorette, on l’a déjà dit, n’est pas la fille entretenue, cette chose de l’Empire, condamnée à vivre en tête-à-tête funèbre avec le cadavre métallique dont elle vivait, général ou banquier. […] M. de Béranger vivait encore.
Je crois au contraire que toutes les œuvres où éclatent la couleur, la nouveauté, la richesse et la variété, — toutes qualités du génie — ont eu pour auteurs des êtres vivant et sentant, en intime et sensuel contact avec le monde, dépourvus de la crainte de s’y mêler largement et d’y renouveler sans cesse leur vitalité par des sensations intégralement et réellement vécues. […] Aucun virtuose n’a pu et ne pourra donner l’illusion de posséder la vie par les sens, s’il n’a pas vécu avant de chanter. […] Et si le don d’expression manque à la plupart, il n’en est pas moins vrai que celui qui vit dans le monde sans faire dépendre sa joie ou ses larmes exclusivement de son cerveau, qui connaît chaque parcelle d’existence pour l’avoir personnellement sentie vivre en lui, dont la solitude n’a pas ravagé le désir et la sensualité, est mille fois plus poète, sans avoir écrit une seule ligne, que le plus raffiné jouisseur de lui-même. […] Nous voici donc fixés une fois de plus sur l’avenir humain : désormais les deux sexes doivent vivre à distance respectable l’un de l’autre, et chercher leur bonheur dans les hautes voluptés individuelles et solitaires. […] Harmoniser la vie intérieure et la vie extérieure, pénétrer les rapports de l’ensemble et du « soi », tel doit être notre devoir, si nous voulons parvenir à un état vraiment digne d’être vécu.
Et, en effet, les sentiments et les idées les plus intimes en portent parfois la marque ; il n’est pas jusqu’aux nuances de notre patriotisme, de nos amitiés, de notre religion qui ne puissent être modifiées par le nombre des hommes avec lesquels nous vivons en rapports constants. […] Nous ne contemplons pas seulement ses changements du dehors, nous les ressentons en nous-mêmes, puisque nous sommes nous-mêmes éléments constituants de l’ensemble, à la fois acteurs et spectateurs, Quoi d’étonnant dès lors à ce que ce milieu social dans lequel nous naissons, vivons et nous mouvons, mette son empreinte sur notre état mental ? […] Que vous vous rendez compte que des phénomènes proprement sociaux, comme le fait d’être interné, avec des camarades de toute provenance, sous une discipline égale, ou le fait de traverser brusquement des milieux très différents de celui dans lequel on a été élevé, ont par eux-mêmes un certain pouvoir de modifier les idées. — Pourquoi n’admettrions-nous pas, dès lors, que la forme seule des sociétés dans lesquelles nous vivons nous prédispose à accepter l’égalitarisme ? […] C’est peut-être, remarque Grote 85, parce qu’ils vivaient trop sous les yeux de leurs sujets pour leur commander le respect, que les rois primitifs des communautés confinées dans leurs murs disparaissent bientôt de l’histoire. […] L’habitude, que seule notre civilisation nous permet, de vivre au milieu d’un nombre considérable d’individus qui changent, et défilent en quelque sorte devant nous pour se substituer les uns aux autres dans les mêmes places, n’est sans doute pas étrangère à l’assouplissement de nos conceptions juridiques : elle nous prépare à reconnaître des droits au premier « passant » venu, c’est-à-dire à tous les êtres, quels qu’ils soient, qui sont hommes.
Sinon, il serait plus curieux de les voir s’essayer à vivre. […] Ceux qui survivent ou revivent, je l’ai dit, c’est qu’ils ont vécu. […] Là, les êtres vivent et s’écoutent vivre, mais pas assez pour suspendre la vie au profit de l’esprit et du jeu des mots. […] Et la tâche devient d’autant plus malaisée qu’à cette époque où vécurent nos grands-parents, où nous commencions à vivre nous-mêmes, la multiplication des théâtres et des publics devait nécessairement entraîner une multiplication illimitée des auteurs, des pièces, des genres. […] Alors et alors seulement il sera le bon serviteur de l’ouvrage, le collaborateur fidèle du poète et l’ouvrage vivra vraiment.
Ils ne vivent que d’une vie factice, soutenus par la mode et par l’éducation, réduits à l’application mécanique de règles devenues arbitraires, parce qu’on n’en comprend plus le sens artistique. […] Son dessein est de manifester par un cas illustre la loi du progrès : il prétend refaire telle qu’Homère l’eût écrite s’il eût vécu en 1714. […] Au fond, toute cette poésie est mort-née ; elle ne peut vivre dans l’atmosphère que lui fait la raison philosophique.
Il faut vivre pourtant ! […] S’il vivait encore (s’exaltant), s’il vivait encore (il monte sur la malle), à nous deux, nous abrogions le Code pénal !
dans la langue du xixe siècle ; mais il y en a un autre, plus intime et plus fécond que celui-là : le passé vécu par le poète. […] C’est le caractère, en effet, de sa poésie, que la plaie éternelle et cachée sous l’éblouissant mensonge de la forme, qui se ferme pour se rouvrir, qui vieillit, qui n’empêche pas de vivre et même de sourire, mais qui, au lieu de guérir, s’envenime. […] Ce poète d’une race finie et d’une cause perdue, ce Redgauntlet poétique des Stuarts de la France, qui fait vivre sa muse au poste où il eût été digne de mourir, mais où le combat n’est même plus, à côté de beaucoup de sonnets tels que le suivant, — qui ressemble à ces écussons de marbre noir que soutiennent parfois des anges tumulaires aux coins silencieux des mausolées : Ce fut un vaillant cœur, simple, correct, austère ; Un homme des vieux jours, taillé dans le plein bloc, Sincère comme l’or et droit comme un estoc, Dont rien ne détrempa le mâle caractère.
Il lui suffit de vivre. […] Je n’ai pas vécu, je veux vivre, et par vous seul je puis vivre. […] pensa-t-il, heureux pays où les poètes peuvent vivre, que dis-je ? […] Nous vivons deux mois par an. […] Il a vécu, dans cette province bénie où l’on a du « temps à perdre ».
Alfred de Musset a vécu toute son enfance, toute sa jeunesse à Paris. […] Paris, c’est tout à la fois le confluent de ce qu’il y a de plus frivole et de ce qu’il y a de plus sérieux ; de ceux qui cherchent à s’amuser et de ceux qui veulent travailler, des hommes qui vivent pour le plaisir et des hommes qui vivent pour la pensée. […] Quel est le secret pour vivre heureux, ou, tout au moins, pour vivre ? […] folle que tu es, comme je t’aimerais Demain, si tu vivais ! […] Il est né à Paris, il a toujours vécu à Paris.
La Bruyère Vers 1687, année où parut le livre des Caractères, le siècle de Louis XIV arrivait à ce qu’on peut appeler sa troisième période ; les grandes œuvres qui avaient illustré son début et sa plus brillante moitié étaient accomplies ; les grands auteurs vivaient encore la plupart, mais se reposaient. […] Presque tous ceux qui avaient porté les grands coups vivaient. […] Combien vivent encore dont on ne parle point et dont on ne parlera jamais ! […] Mais il n’appartient qu’à lui d’avoir eu l’idée d’insérer au chapitre du Cœur les deux pensées que voici : « Il y a des lieux que l’on admire ; il y en a d’autres qui touchent et où l’on aimerait à vivre. » — « Il me semble que l’on dépend des lieux pour l’esprit, l’humeur, la passion, le goût et les sentiments. » Jean-Jacques et Bernardin de Saint-Pierre, avec leur amour des lieux, se chargeront de développer un jour toutes les nuances, closes et sommeillantes, pour ainsi dire, dans ce propos discret et charmant. […] Je dis André Chénier à dessein, malgré la disparate des genres et des noms ; et, chaque fois que j’en viens à ce passage de La Bruyère, le motif aimable Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine, etc.
Sous le despotisme farouche de son père, rudoyé, glacé, il a vécu libre pourtant, ramassé en lui-même, physiquement dépendant et contraint, jamais troublé dans l’exploitation égoïste de l’univers que s’appropriait déjà intérieurement sa petitesse. […] Nul n’a plus vécu par l’imagination : son orgueil et son inertie y trouvaient également leur compte. […] Paysages de Bretagne ou du Nouveau Monde, scènes maritimes, scènes religieuses, il y a là toute une suite de tableaux par lesquels le livre vivra, en dépit des idées654. […] Car c’est sa maladie qu’il décrit, c’est de sa maladie que vivent Chactas, Eudore et René ; et partout où l’expression ne dépasse pas la réalité des malaises moraux de l’auteur, un charme douloureux s’en dégage. […] Chateaubriand n’avait pas besoin de nous le dire ; on sent que cette vie militaire a été vécue.
Jamais je n’ai compté sur mon prétendu talent pour vivre ; je ne l’ai nullement fait valoir. […] Consciencieux comme je le suis, je voulus être en règle avec moi-même et je continuai de vivre dans Paris ainsi que j’avais fait au séminaire. […] Le plaisir de vivre et de produire me suffit. […] Le temps qui peut me rester à vivre, en tout cas, sera consacré à des recherches de pure vérité objective. […] Le siècle où j’ai vécu n’aura probablement pas été le plus grand, mais il sera tenu sans doute pour le plus amusant des siècles.
Le génie s’occupe des possibilités encore plus que des réalités ; il est à l’étroit dans le monde réel comme le serait un être qui, ayant vécu jusqu’alors dans un espace à quatre dimensions, serait jeté dans notre espace à trois dimensions. […] On reconnaît le vrai génie à ce qu’il est assez large pour vivre au-delà du réel, et assez logique pour ne jamais errer à côté du possible. […] De là le précepte bien connu, que l’artiste, le poète, le romancier doit vivre son personnage, et le vivre non pas superficiellement, mais aussi profondément que si, en vérité, il était entré en lui. […] Il est toujours périlleux de vivre plusieurs vies d’homme à la fois, dans leurs circonstances les plus distinctes, d’une manière trop intense et trop convaincue. […] L’œuvre la plus forte, d’après nous, doit être la plus sociale, celle qui représente le plus complètement la société même où l’artiste a vécu, la société d’où il est descendu, la société qu’il annonce dans l’avenir et que l’avenir réalisera peut-être.
Elle vivait : nous l’aimions. […] B… vivait sa vie : il avait une maîtresse. […] Le gaillard voulait « vivre sa vie ». […] Elle vivait, différente d’elle-même. […] Il lui restait six années à vivre.
Guillaume prit le château et la terre de Tégel, où il continua de vivre avec sa charmante femme. […] Il y réussit pendant qu’il vivait ; personne n’avait intérêt à s’inscrire en faux contre cette renommée un peu surfaite, et il jouit pendant quatre-vingt-dix ans de cette gloire convenue et en apparence inviolable. […] Guillaume, promu de grade en grade à de hauts postes diplomatiques, avait laissé sa femme enceinte à Paris, et il vivait à Rome attaché à la légation de Prusse. […] Il passa quelques mois à Tégel, dans la famille de son frère, qui vivait encore. […] Mais, en attendant, regardons-le vivre les longs jours que Dieu lui avait destinés.
Tombées à genoux aux pieds de l’homme noir, elles levaient leurs mains vers ses mains, le conjurant de nous laisser vivre, et lui expliquant, ainsi qu’aux bûcherons, que nos quatre vies tenaient aux racines et aux branches de ce toit nourricier de leurs pères. […] L’entaille de l’arbre, quoique saignante, n’était pas mortelle : en plaquant de la terre humide sur la blessure et en la recouvrant de morceaux d’écorce reliés autour du tronc par des lianes, nous pouvions le guérir et vivre encore de ses dons d’automne tous les hivers ; notre petit troupeau de chèvres et de cabris nous alimenterait pendant la belle saison, nos figues sèches nous remplaceraient les raisins disparus avec la vigne ; mais nous ne nous dissimulions pas que le châtaignier n’avait pas longtemps à vivre, puisque le sbire et son conseiller avaient juré de nous réduire à la mendicité et de nous expulser par la faim de notre pauvre nid sur la montagne. […] Nous nous flattions qu’on nous avait oubliés là-bas, dans ce coin de rocher, où nous ne faisions point d’autre mal que de respirer, de nous aimer et de vivre. […] — Il faut te sauver aux Camaldules, lui dit sa mère ; tu appelleras du pied du mur, le frère Hilario, et tu le supplieras de t’ouvrir la chapelle où le bandit de San Stefano a vécu jusqu’à quatre-vingt-dix ans dans un asile inviolable à tous les gendarmes de Lucques, de Florence et de Pise, protégé par la sainteté du refuge. […] Je me dis : Tu n’as pas à choisir, Hyeronimo est dans Lucques ; il est là, soit pour vivre, soit pour mourir, là tu dois être pour mourir ou pour y vivre le plus près de lui que Dieu le permettra.
C’est-à-dire : — Croyez en mon orgueil, en cet orgueil sauveur par qui j’ai pu souvent agir comme si j’avais été un saint, et vivre héroïquement dans l’état de désespoir. […] Derrière Paris, ou dans Paris même, Lavedan nous montre la province, c’est-à-dire, derrière ceux qui s’agitent dans le vide du présent, ceux qui vivent de la foi du passé. […] Il pouvait vivre et mourir « centre gauche », s’immobiliser dans une attitude de « sagesse » et de « modération » clairvoyante, ironique et totalement stérile. […] Mais, presque autant que le pesant Balzac, Daudet, de sa main légère, pétrit des êtres qui continuent de vivre, et « fait concurrence à l’état civil ». […] Et, seuls vivants dans un pauvre paquet d’os et de muscles ankylosés, noués en boule dans une corbeille, les yeux d’une rachitique roulent, désorbités, effrayants du désir de vivre, de la volonté de guérir… » Mais il faut tout lire.
Et cela, avec son personnage de Madame Bovary, qui est la femme-type du genre de corruption le plus particulier à la femme du xixe siècle, lui valut ce succès sur lequel il a toujours vécu et vit encore, mais qu’il ne recommencera plus. […] Il n’y a pas un étudiant, pas un rapin, pas un garçon apothicaire qui ne la connaisse et qui ne l’ait vécue ! […] À partir de Madame Bovary, qui fut son premier mot, sur lequel il a vécu toute sa vie, jusqu’à Bouvard et Pécuchet, qui a été son dernier, sur lequel il est mort, Gustave Flaubert (rendons-lui cette justice !) […] Il les a eus, enfin, autant que Préault, le sculpteur, qui ne les a pas sculptés — caricatures en marbre — par respect de son ciseau, mais qui les a coupés pendant tout le temps qu’il vécut avec des épigrammes plus acérées que son ciseau, et qui a dit d’eux ce mot que n’aurait pas trouvé Flaubert : « Quand la Sociale viendra, nous en aurons, chacun de nous, une trentaine dans notre écurie ! […] Et c’est ici que la haine et le mépris pour les bourgeois, dans Gustave Flaubert, ont produit le résultat le plus inattendu pour tout le monde, et qui l’aurait fait mourir de honte s’il avait pu seulement se douter de ce résultat incroyable : c’est qu’à force de se préoccuper des bourgeois, de les peindre et de vivre avec eux, le croirait-on ?
Je ne ferai que passer aussi devant vous, couple conjugal qui unissez vos deux voix31 ; qui, après avoir perdu un enfant, votre unique amour, l’avez pleuré dans un long sanglot, et qui, cette fois, inconsolés encore, mais dans un deuil apaisé, avez songé à lui en composant des chants gradués pour les divers âges, continuant ainsi en idée, d’une manière touchante, à vous occuper, dans la personne des autres, de celui qui n’a pas assez vécu pour vous. […] Je me sens un peu au dépourvu, je l’avoue, parmi ces nombreux et nouveaux poëtes avec qui je n’ai pas vécu ; plus d’un classement naturel m’échappe ; quelques années de plus ou de moins font entre eux des différences assez marquées. […] Dans ces nombreux recueils que j’ai sous les yeux, il y en a qui, à mesure que j’y entre davantage, me font entrevoir tout un monde, un ordre de sentiments, d’amitiés, d’idées, dans lequel le poëte habite, où il a vécu, et qui mériterait sans doute d’être étudié d’un peu plus près ; car il n’y a rien de plus distinct et de moins fait pour être confondu avec un autre qu’un talent, même secondaire, de vrai poëte. Il faut y pénétrer et vivre à côté de lui quelque temps pour distinguer ce qu’il a en propre, pour ne pas méconnaître les délicatesses qui lui sont chères et qui constituent son individualité d’un jour.
Il ne faut pas avoir beaucoup vécu et observé pour savoir que, s’il est de nobles êtres en qui le sentiment moral domine aisément et règle la conduite, il y a une classe assez nombreuse d’individus qui en sont presque entièrement dénués, et chez qui cette absence à peu près complète permet à toutes les facultés brillantes, rapides, entreprenantes, de se développer sans mesure et sans scrupule. […] Les femmes que Casanova a le plus aimées, et qui l’ont le plus aimé aussi, ne meurent pas, ne menacent pas ; je ne dis point qu’elles l’oublient ni qu’elles se consolent entièrement ; mais elles lui promettent au départ de vivre et de tâcher d’être heureuses dans leur tristesse, de même qu’elles lui font promettre d’être heureux à son tour, et d’aimer encore, et de les oublier. […] Elle me plaint, venge-moi. » Et cette vengeance eut lieu, même avant le départ ; Lucrezia y força elle-même et y aida, un certain matin, à Tivoli, sa sœur Angélique : Marton et Nanette n’avaient pas vécu plus complaisamment. […] Patu, jeune poète, qui, s’il avait vécu, aurait suivi de près Voltaire.
C’est avec cela qu’ils devaient vivre. […] On vivait, en sa compagnie, de bonnes heures, dans une atmosphère échauffée de ferveur, de foi et de nobles discussions. […] C’était Forain, non pas le Forain amer et désenchanté qui s’est révélé depuis, mais un Forain jeune, frais, alerte, désinvolte et comme heureux de vivre. […] Forain vivait en plein luxe.
Vivre a une telle importance, pour connaître que les esprits qui spéculent du point de vue de la connaissance comme but se doivent montrer bienveillants pour ces intelligences adverses, en se gardant d’attendre ou de réclamer d’elles une indulgence pareille. […] L’effort des hommes pour se conformer au précepte, s’il échoua sous sa forme absolue, réussit du moins à contenir la volupté dans les limites de la monogamie, resserrant les mailles de la famille, ce milieu le plus propre, dans une société organisée, à faire éclore, à faire vivre et à développer l’enfant. […] Dès qu’il s’agit de l’homme, d’ailleurs, vivre se confond avec vivre socialement.
Ses œuvres vivent hors de lui. […] Ainsi naissent, ainsi vivent, se survivent des formes qu’il faut périodiquement anéantir. […] Mais tandis que le vieux Parnasse, ainsi qu’une ombre flasque se traînait, roi pompeux d’un royaume d’ombres, le Réalisme alors magnifié par vingt romanciers, prôné par autant de critiques, semblait vivre de la plus authentique des vies, de la plus saine, de la plus riche, de la plus organique, — et on l’eût pris pour l’Art, s’il n’eut été si près de la Science, et si semblable à la Critique. […] Mais il vécut si solitaire, si dénué de théories, si absorbé par le culte exclusif de la beauté, que parmi ses contemporains on ne sait lui donner de place.
Ils sçavent vivre de peu, et ils craignent autant de perdre la gravité que les autres hommes de perdre la vie. […] Quoique l’Allemagne soit aujourd’hui dans un état bien different de celui où elle étoit quand Tacite la décrivit, quoiqu’elle soit remplie de villes, au lieu qu’il n’y avoit que des villages dans l’ancienne Germanie, quoique les marais et la plûpart des forêts de la Germanie aïent été changez en prairies et en terres labourables, enfin quoique la maniere de vivre et de s’habiller des germains, soient differentes par cette raison en bien des choses de la maniere de vivre et de s’habiller des allemands, on reconnoît néanmoins le génie et le caractere d’esprit des anciens germains dans les allemands d’aujourd’hui. […] Il est vrai que les animaux ne tiennent point au sol de la terre comme les arbres et comme les plantes ; mais d’autant que c’est l’air qui fait vivre les animaux, et que c’est la terre qui les nourrit, leurs qualitez ne sont gueres moins dépendantes des lieux où ils sont élevez, que les qualitez des arbres et des plantes sont dépendantes du païs où ils croissent.
Professons un culte religieux pour la cendre de nos ancêtres, si nous voulons que notre poussière, lorsque nous aurons cessé de vivre, ne soit pas, à son tour, jetée aux vents. […] Essayez, si vous le pouvez, de faire pénétrer, par le moyen de vos codes arides, les bienfaits de la civilisation parmi les hordes barbares qui n’ont point encore vécu sous le joug et sous la protection des lois ! […] Ayez vécu au milieu de ces mœurs si différentes des nôtres, et assisté à ces festins de rois, d’écuyers et d’athlètes, soyez-vous enfin rendu familière l’histoire domestique de ces temps : alors toutes les allusions seront vivantes, et vous saurez que Pindare n’est pas seulement le chantre de la gloire, mais le chantre de l’ivresse même de la gloire. […] Oui, continuant de m’associer aux idées du temps, aux pensées des hommes qui vivent en ce moment, aux nouveaux errements de la société ; oui, je trouve dans Bossuet je ne sais quoi de plus vieux que l’antiquité, je ne sais quoi de trop imposant pour nos imaginations qui ne veulent plus de joug.
Et il faut bien le dire, à ceux qui ont l’orgueil de leur prose : quand les criailleries de la politique contemporaine seront mortes, ce qui vivra encore, et toujours, de Lamartine, ce sera… ses vers ! […] La France monarchique et catholique à la vie dure vivait toujours, malgré tout ce qu’on avait fait pour la tuer… Les causes du succès du Génie du Christianisme, qui fut un triomphe et qu’on pouvait appeler : le 18 brumaire de la pensée, car ce jour-là Chateaubriand avait jeté les idées de la Révolution par la fenêtre, comme Bonaparte y avait jeté les représentants, — les causes de ce beau succès n’étaient pas toutes dans le talent, nouveau comme le Nouveau Monde, d’où il venait, et qui se révélait tout à coup avec tant d’éclat… Mais le succès de Lamartine, beaucoup plus personnel, venait, lui, uniquement de son genre de génie. […] Il n’est guère possible, du reste, de trouver mauvais que M. de Lacretelle ait l’orgueil de l’amitié de Lamartine, et que d’avoir vécu dans l’intimité d’un tel homme n’ait pas grossi, à ses propres yeux, les proportions de son individualité. […] Il y a du Pelletan dans M. de Lacretelle, caméléons tous deux de l’homme dans l’air duquel ils ont vécu.
— tend par sa nature, si elle a vécu ou si elle veut vivre seulement deux jours. […] la moralité du monde chrétien en proie aux erreurs les plus monstrueuses, — aucun de ces événements, qu’il fallait comprendre, n’a été jugé dans cette histoire au bout de la langue, et dans laquelle tout roule précipitamment et pêle-mêle, emporté par cette idée que l’Église romaine n’est pas la véritable Église, parce qu’elle a eu l’audace de vivre, de s’organiser et de devenir un gouvernement ! […] La parole, sur laquelle vivent les conférenciers modernes et qui ajoute à sa radicale infériorité l’odieuse et vaniteuse prétention d’être improvisée, glisse sur les grands sujets et ne saurait les poinçonner.
Ayant vécu en province longtemps, il y a trouvé plus en relief qu’à Paris, où il existe aussi, mais moins complet, un genre de femmes oublié par Balzac, qu’il s’est mis à peindre avec un détail infini, dans une étude consommée. […] (cela fait trembler) la moyenne des femmes dans les sociétés sans croyances, cette espèce d’être faible sans grandes passions, sans l’étoffe des grandes vertus ou des grands vices, inclinant de hasard au bien comme au mal, selon la circonstance, et qui, positives et chimériques tout, à la fois, se perdent par la lecture des livres qu’elles lisent, par les influences et les suggestions du milieu intellectuel qu’elles se sont créé, et qui leur fait prendre en horreur l’autre milieu dans lequel elles sont obligées de vivre. […] Elles continuent de vivre, de se donner, de se reprendre, de se faisander chaque jour davantage au contact d’ignominieuses caresses, et de réaliser le mot terrible de Diderot : « Il y a plus loin pour une femme de son mari à son premier amant que de son premier amant à son dixième. » Le clerc de notaire, M. […] Elle décide Bovary, le consentement perpétuel, à l’envoyer à Rouen toutes les semaines prendre des leçons de musique, et ces leçons ne sont qu’un prétexte pour vivre secrètement avec Léon.
On se dit : Cet Antinoüs de chair mourra, mais cet adolescent de marbre vivra autant que l’élément dont il est formé. […] VII Alors la célèbre duchesse de Devonshire, dont la beauté, les aventures, le rang, l’immense fortune, avaient fait la Mécène universelle des artistes de l’Europe, vivait à Rome. […] Son père vivait de cette industrie locale. […] Des invectives, des huées, des éclats de rire, te montrant au doigt sur le chemin de ton supplice, te reprochant de vivre trop longtemps pour la paix des méchants que ton œil importune ! […] LI Au Parthénon il ne reste plus que deux figures, Mars et Vénus, à demi écrasées par deux énormes fragments de corniche qui ont glissé sur leurs têtes ; mais ces deux figures valent pour moi à elles seules plus que tout ce que j’ai vu en sculpture de ma vie : elles vivent comme jamais toile ou marbre n’a vécu.
Voyez, le siècle débute par le Génie du Christianisme ; et à la suite de ce livre naît toute une génération d’auteurs qui vivent de son inspiration. […] On peut être sceptique tout en s’occupant beaucoup de la grandeur divine ; on peut vivre dans le doute et l’incertitude avec un sentiment religieux très actif et très profond. […] Enfin on se fait une religion vaporeuse, qui ne ressemble pas plus au Christianisme, quand il vivait, que les muses et les nymphes de la poésie mythologique de Boileau et de Voltaire ne ressemblaient au Paganisme. […] C’est ainsi que l’Humanité de notre temps ayant dépouillé définitivement la pensée sociale et religieuse du Moyen-Âge, eux, qui ont voulu vivre de cette pensée et en faire l’âme de leur poésie, n’ont pu y réussir, malgré l’illusion de la Restauration, qui les a séduits comme un mirage trompe les matelots à la mer. […] Il n’y avait point de ruche où l’abeille fît son miel ; point de rocher solide où l’aigle déposât son nid : l’abeille a été entraînée par les torrents de l’air, tenant dans ses pattes le suc odorant des fleurs, qui ne s’est pas transformé en miel ; l’aigle a vécu solitaire, contemplant le soleil, sans compagne et sans nid.
C’est un grand vestiaire où pendent pêle-mêle les défroques usées de tout ce qui a vécu. […] Il est si doux, si facile, si commode de marcher sans peine sur des routes frayées, de vivre dans des idées toutes faites, de recevoir sa croyance avec l’héritage de son père, et de repousser indifféremment toute chose nouvelle dans la crainte d’avoir un effort à faire. […] Pendant longtemps elle ne se lassa pas de persécuter les savants et les força à vivre en dehors du genre humain. […] je ne demande pas qu’on l’abandonne cette antiquité que j’ai l’air de vouloir condamner absolument ; loin de là ; son étude est bonne, saine, fortifiante ; mieux nous la saurons, et mieux nous comprendrons les splendeurs merveilleuses de l’époque où nous vivons. […] Sachons l’histoire du siècle de Périclès et du siècle d’Auguste, fort bien, mais vivons et pensons dans le dix-neuvième siècle.
Après avoir fait voir les deux armées aux prises, & avoir peint d’une maniere énergique la défaite du Duc, il lui adresse ainsi la parole : Grand Héros, qu’un excès d’amour & de valeur Engage aveuglément dans le dernier malheur, Tous tes autres exploits ont mérité de vivre ; Ils vivront à jamais sur le marbre & le cuivre : Tes sublimes vertus, dignes d’un meilleur sort, Effacent, à nos yeux, la honte de ta mort ; Et les siecles futurs, francs de haine & d’envie, Ne doivent pas juger de l’état de ta vie, Par l’instant malheureux qui surprit tes beaux jours D’une éclipse fatale au milieu de leur cours.
Quoiqu’il eût infiniment plus d’esprit & de talent que n’en ont les Laharpe & les Marmontel, il vécut & mourut dans l’indigence. […] Il mourut paisiblement, comme il avoit vécu, sans souffrances, sans maladie ; on crut qu’il s’étoit endormi ».
Guillaume de Lorris vivait au temps de saint Louis, vers le milieu du xiiie siècle ; il mourut vraisemblablement vers l’an 1260, à l’époque même où naissait son continuateur, Jean de Meung surnommé Clopinel, probablement de quelque défaut à la jambe. […] Cela est vrai, surtout du temps où vivait Jean de Meung. […] Il prie ses frères humains qui vivront après lui d’être indulgents pour ses faiblesses. […] S’il n’a pas les trésors de Jacques Cœur mieux vaut, dit-il, Vivre soubz gros bureaux Pauvre qu’avoir este seigneur, Et pourrir sous riches tombeaux. […] Il vivait au temps de saint Louis.
Condamné à vivre avec lui, j’achèterais un revolver, et je lui dirais : « Ecoutez, au premier mot de votre part qui ne sera pas simple, je vous brûlerai la cervelle ! […] Mon père, mes sœurs, mes enfants, j’ai fait vivre tout ça… Ma fortune, ce n’est pas pour faire le piteux avec vous, vous comprenez ? Mais j’ai trois louis là-haut et il y a cent quarante francs à la maison, pour qu’ils vivent… Si j’avais le malheur d’être malade quinze jours, eh bien ! […] Nous avons passé trois semaines à vivre cette vie. […] Nous accomplissons inconsciemment les opérations mécaniques qui font continuer à vivre, et presque sans l’ennui de toutes les fonctions que ça nécessite.
Beaucoup de criminels sont artistes dans une certaine mesure : hantés par l’idée du meurtre ou du vol, ils en composent d’avance dans leur esprit les diverses péripéties, et tout cela devient ensuite pour eux une sorte d’épopée vécue dont ils s’efforcent d’éterniser le souvenir. […] Voilà un problème bien délicat pour nous, qui vivons justement dans le présent et qui le voyons de trop près pour le bien juger. […] Un travail sans but exaspère : de là le spleen de ceux qui n’ont pas besoin de travailler pour vivre, de là aussi l’ennui qu’éprouvent et qu’inspirent les formistes purs en littérature. […] Baudelaire s’est trouvé vivre à une époque où l’accoutumance aux idées de négation absolue était loin d’être faite, et sur certains tempéraments ces idées, encore nouvelles, devaient produire des effets tout particuliers. […] Le livre du poète ou du romancier formule pour l’intelligence et fait vivre pour la sensibilité des émotions, des passions, des vices qui, sans lui, seraient restés à l’état vague et inerte.
La libre navigation de Crevel devient au cours de l’été 1924 une contradiction vécue, un déchirement entre des présupposés incompatibles, que l’écriture doit fouiller, éclaircir, dialectiser. […] L’être qui déguisait les apparences et sa propre médiocrité sous les noms flatteurs de conscience, de réalité, espérant vivre parmi prétextes et mensonges aussi tranquille que le rat dans son classique fromage et, comme ce rat, décidé à en vivre, d’un cœur léger renonçait à toute justice suprême, à toute grandeur. […] Et, certes, ce n’était pas impunémentak qu’il avait choisi cette ville enfermée en soi et pourtant non capable de vivre de soi, condamnée à des coquetteries de vieille marionnette. […] Et même ceux qui, trop faibles pour accepter la redoutable liberté offerte, préfèrent continuer à vivre dans le petit fromage de la tradition ne peuvent s’empêcher, parmi toutes les œuvres d’aujourd’hui, de préférer celles qui expriment le plus parfaitement la nécessité de libération. […] La phrase anticipe la citation qui suit ; on reconnaît presque mot pour mot: « Nous vivons encore sous le règne de la logique, voilà, bien entendu, à quoi je voulais en venir.
Non, mes frères, s’écrie hardiment Massillon, ce ne sont pas ici des incrédules, ce sont des hommes lâches qui n’ont pas la force de prendre un parti ; qui ne savent que vivre voluptueusement, sans règle, sans morale, souvent sans bienséance, et qui, sans être impies, vivent pourtant sans religion, parce que la religion demande de la suite, de la raison, de l’élévation, de la fermeté, de grands sentiments, et qu’ils en sont incapables. […] Et tout à côté il retraçait le portrait du véritable et pur incrédule par doctrine et par théorie, le portrait de Spinoza qu’il noircit étrangement, dont il fait un monstre, mais en qui il touche pourtant quelques traits fondamentaux : Cet impie, disait-il, vivait caché, retiré, tranquille ; il faisait son unique occupation de ses productions ténébreuses, et n’avait besoin pour se rassurer que de lui-même. […] Il arriva à Massillon après ses premiers succès ce qui arrive à tout prédicateur éloquent et célèbre ; il fut recherché, on accourut à lui, on le força de quitter souvent cette retraite de la maison de Saint-Honoré où il vivait humble, studieux, et occupé de la méditation de l’éternité. […] Il ne vécut pas assez pour voir éclater, avec les scandales publics de Louis XV, toute l’ironie des chastes promesses et des vœux dont le Petit Carême avait salué cette royale enfance.
J’ai une quinzaine de volumes rangés en ce moment sur ma table, et qui sont de la plume de ce paresseux qui vécut, il est vrai, quatre-vingt-huit ans. […] Règle générale : pour les poètes et gens de lettres qui se retirent en province après un premier éclat (je parle toujours de la province telle qu’elle était alors, aujourd’hui j’admets que tout est changé), pour ces esprits et ces talents qui ne se renouvellent pas, qui se continuent seulement et qui vivent jusqu’à la fin sur le même fonds, il faut toujours en revenir, pour les bien connaître, à la date de leur floraison première. […] quand vivrai-je à ventre déboutonné ? […] S’il avait vécu à Paris, sa plume élégante et qui cherchait des sujets où s’employer, eût peut-être aspiré à l’histoire, l’histoire écrite en beau style et traitée comme on l’entendait alors : « Je me serais hasardé à composer une histoire de quelqu’un de nos rois. » Mais vivant en province, loin des secours et des riches dépôts, il finit par s’accommoder très bien de cet obstacle à un plus grand travail, et sauf quelques heures d’étude facile dans le cabinet, il passa une bonne partie de sa vie à l’ombre dans son jardin, au jeu, aux agréables propos et en légères collations. […] Tu sais comme j’ai vécu.
L’auteur, évidemment, a beaucoup vécu à la campagne et dans le pays normand qu’il nous décrit avec une vérité incomparable. […] Bernardin de Saint-Pierre s’ennuya fort à l’Île-de-France tant qu’il y vécut, mais revenu de là, et de loin, il ne considéra plus que la beauté des sites, la douceur et la paix des vallons ; il y plaça des êtres de son choix, il fit Paul et Virginie. […] L’auteur de Madame Bovary a donc vécu en province, dans la campagne, dans le bourg et la petite ville ; il n’y a point passé en un jour de printemps comme le voyageur dont parle La Bruyère et qui, du haut d’une côte, se peint son rêvé en manière de tableau au penchant de la colline, il y a vécu tout de bon. […] La vertu qui lui manque, c’est de n’avoir pas appris que la première condition pour bien vivre est de savoir porter l’ennui, cette privation confuse, l’absence d’une vie plus agréable et plus conforme à nos goûts ; c’est de ne pas savoir se résigner tout bas sans rien faire paraître, de ne pas se créer à elle-même, soit dans l’amour de son enfant, soit dans une action utile sur ceux qui l’entourent, un emploi de son activité, une attache, un préservatif, un but.
Mais plus tard, à Lyon, quand pour vivre il ajoute à ses travaux d’humaniste, à sa médecine, à ses almanachs une bouffonne imitation des vieux romans, il y tire sa principale inspiration des profondeurs de son expérience ; le souvenir de ses plus essentiels instincts comprimés et menacés pendant tant d’années met dans l’œuvre comme deux points lumineux : la lettre de Gargantua à Pantagruel, et l’abbaye de Thélème. […] Sa philosophie a été celle déjà de Jean de Meung, sera celle de Molière et de Voltaire : celle, remarquons-le, des plus purs représentants de la race, et en effet elle exprime une des plus permanentes dispositions de la race, l’inaptitude métaphysique : une autre encore, la confiance en la vie, la joie invincible de vivre. […] On n’aime pas la vie, si l’on n’aime pas le vouloir vivre, la puissance qui tend à l’acte, l’aspiration de l’être à plus d’être encore : aussi Rabelais n’a-t-il qu’un principe. […] Ainsi se fondera le pantagruélisme, « vivre en paix, joie, santé, faisant toujours grandchère » : disposition qui s’épure d’un livre à l’autre, et s’élève jusqu’à être « certaine gaieté confite en mépris des choses fortuites ». […] Il n’aura point de subjectivité sentimentale et mélancolique : il sera joyeusement objectif, tout au bonheur de voir devant lui tant d’êtres qui ne sont pas lui, ni en lui, ni pour lui, mais qui, comme lui, veulent vivre, aspirent à compléter, élargir, épanouir leurs intimes puissances.
J’ai souvent interrogé des paysans qui avaient été soldats dans l’infanterie de marine, qui avaient vécu en Chine, au Tonkin, aux Antilles, au Sénégal ; je vous assure qu’ils n’avaient rien vu. […] On y est engourdi par la béatitude de vivre, et l’abondance et la continuité des sensations agréables vous y berce dans un rêve sans fin… Mais en même temps le vieux monde fait des apparitions brusques et bizarres dans cette île enfantine où ses navires s’arrêtent en passant : et le vieux monde, c’est sans doute le péché, mais c’est l’effort ; c’est la douleur morale, mais c’est la dignité ; c’est le labeur, mais c’est l’intelligence. […] Nous sommes en présence d’une âme qui s’est si bien livrée en proie au monde extérieur qu’elle est capable de vivre toutes les vies et qu’elle se prête à tous les avatars. […] Car, outre que sa vie voyageuse lui a surtout fait connaître des hommes du peuple, des matelots, la satiété des impressions passionnelles, la misanthropie qui naît de l’excès d’expérience et le sentiment très net, chez un homme qui a vécu en dehors des cités, de ce qu’il y a d’artificiel, de misérable et d’inutile dans nos civilisations, lui font aimer et embrasser avec une ardente sympathie les êtres simples, plus intacts et plus beaux que nous, plus proches de cette terre dont il a parcouru la face et qu’il adore. […] Si je ne puis être de ces privilégiés qu’on appelle des artistes et qui reflètent en eux et décrivent ce qui s’agite à la superficie de la terre, j’aime mieux être de ceux qui vivent tout près d’elle et qui en sont à peine sortis.
D’un air de n’attacher aucune importance aux choses tristes qu’il disait, il me conta qu’il avait assez longtemps vécu très malheureux à Londres, pauvre professeur de français, qu’il avait beaucoup souffert dans l’énorme ville indifférente, de l’isolement et de la pénurie, et d’une maladie, comme de langueur, qui l’avait, pour un temps, rendu incapable d’application intellectuelle et de volonté littéraire. […] Il a vécu isolé à Londres, isolé en province. […] Ce livre signalait Mallarmé comme un poète qui, « dans un siècle de suffrage universel et dans un temps de lucre, vivait à l’écart, abrité de la sottise environnante par son dédain, se complaisant à raffiner sur des pensées déjà spécieuses, les greffant de finesses byzantines, les perpétuant en des déductions légèrement indiquées que reliait à peine un imperceptible fil ». […] Ils vivent dans cette ombre où, dit Vielé-Griffin, « marchèrent côte à côte Vigny et Baudelaire, Verlaine et Mallarmé » et il ajoute : Cette ombre où vit Verhaeren, où Laforgue est mort, fut, pour ceux à côté desquels j’ai pris conscience de la vie, comme l’ombre des lauriers. […] Seulement, comme étrange fut l’air de croire inventer cela… et dire qu’une prétendue école novatrice voulut vivre sur cette prétendue trouvaille !
Homme d’observation toutefois et de bon sens avant tout, absolument étranger par ses origines comme par ses habitudes d’esprit aux doctrines du droit divin, il est évident pour ceux qui le lisent que, s’il avait vécu, il ne se serait nullement considéré comme enchaîné à la Restauration, et qu’il eût fait mieux que consentir à l’essai de monarchie constitutionnelle de Louis-Philippe : il aurait cru un moment y voir la réalisation tardive de ce qu’il avait longtemps désiré et de ce dont il avait désespéré tant de fois, l’établissement d’un gouvernement mixte, devenu enfin possible en France après ces trente ou quarante ans d’une éducation préliminaire si chèrement achetée. Mais jusqu’où serait allée la confiance de Mallet du Pan, s’il avait poussé jusque-là sa carrière et s’il avait vécu l’âge d’un Barbé-Marbois ? […] Lui, l’observateur intègre et rigoureux, qui excellait à approfondir, à analyser et à décrire une situation politique, et à chercher les racines des choses bien au-dessous des surfaces, il n’est pas douteux que, s’il avait vécu jusque-là et s’il eût conservé jusqu’à la fin sa fermeté de pensée, il eût plus d’une fois froncé le sourcil et remué la tête aux discours de ceux qui se seraient félicités devant lui d’avoir à jamais conquis et de posséder pleinement et sûrement le régime tant souhaité. […] L’habitude du malheur et des privations, l’état affreux où ont vécu les Parisiens sous Robespierre, leur fait trouver leur situation actuelle supportable. […] celui-là a su mettre à profit l’adversité… Je ne me suis donc pas trop avancé quand j’ai dit que Mallet du Pan, s’il avait vécu jusqu’en 1830, n’eût pas manqué d’adhérer à la tentative de monarchie constitutionnelle de Louis-Philippe ; et avec son rare pronostic, dès le 20 février 1796, dans une lettre où il est question de ce même duc d’Orléans, il écrivait : Si, par une conduite compatible avec les personnes, avec les préjugés et les intérêts du temps, avec la force impérieuse des circonstances, le roi (Louis XVIII) ne retourne et ne fixe vers lui ou vers sa branche cette multitude de révolutionnaires anciens et nouveaux, Royalisés à demi ou en chemin de se royaliser, vous les verrez prendre le premier roi qui s’arrangera avec eux.
Je les trouve la plus aimable nation du monde pour y vivre. […] Plus d’une fois il s’élève ; le sentiment de la réalité et la vivacité de son affection humaine lui suggèrent une sorte de poésie : Je dois bientôt quitter celle scène, écrivait-il à Washington (5 mars 1780) ; mais vous pouvez vivre assez pour voir notre pays fleurir, comme il ne manquera pas de le faire d’une manière étonnante et rapide lorsqu’une fois la guerre sera finie : semblable à un champ de jeune blé de Turquie qu’un beau temps trop prolongé et trop de soleil avaient desséché et décoloré, et qui dans ce faible état, assailli d’un ouragan tout chargé de pluie, de grêle et de tonnerre, semblait menacé d’une entière destruction ; cependant, l’orage venant à passer, il recouvre sa fraîche verdure, se relève avec une vigueur nouvelle, et réjouit les yeux, non seulement de son possesseur, mais de tout voyageur qui le regarde en passant. […] Vous pouvez, pour votre compte, trouver aisé de vivre une vertueuse vie sans l’assistance donnée par la religion, vous qui avez une claire perception des avantages de la vertu et des désavantages du vice, et qui possédez une force de résolution suffisante pour vous rendre capable de résister aux tentations communes. […] Il vécut près de cinq années encore à Philadelphie, et ne mourut que le 17 avril 1790, âgé de quatre-vingt-quatre ans. […] Un homme n’est point né complètement jusqu’à ce qu’il ait passé par la mort. » La fin paisible de ses vieux amis qui avaient vécu en justes lui paraissait comme un avant-goût du bonheur d’un autre monde.
J’ose dire aussi qu’il n’a point un cœur, qu’il ne sent point les doux frémissements d’un amour parfait, qu’il ne connaît point les extases dans lesquelles jette une méditation ravissante, celui qui ne sait point t’aimer avec transport, qui ne se sent point entraîner vers l’objet ineffable du culte que tu nous enseignes… Tu vivras toujours, et l’erreur ne vivra jamais avec toi. […] Il s’estimerait à jamais heureux de s’enchaîner comme traducteur à quelque illustre classique des premièrs âges : « Qui ne sait, s’écrie-t-il, que Caro vivra autant que Virgile, Monti autant qu’Homère, Bellotti autant que Sophocle ? […] A un certain moment, Leopardi songea sérieusement à venir habiter en France ; il croyait que ce n’est que là encore qu’on peut vivre hors de la patrie138. […] Cependant je me dis ce qui me reste à vivre, Je cherche quand viendra le moment qui délivre, Et je me jette à terre et j’étouffe mes cris. […] Schulz, dans l’Italia (espèce d’almanach allemand rédigé à Rome par des Allemands qui vivent en Italie, année 1840), et des articles de la Gazette d’Augsbourg (septembre 1840), par M.
si quelqu’un saura que j’ai vécu ? […] Suis ton père et ta mère, attentif et docile ; Ils te feront longtemps une route facile : Enfant, tant qu’ils vivront, tu ne manqueras pas, Et leur ardent amour veillera sur tes pas. […] J’abaissai avec le doigt sa paupière à demi fermée ; la paupière obéit et ne se releva pas, semblable aux choses qui ne vivent plus. […] Je ne suis pas embarrassé pour Virgile de ce qu’il eût passé pour être s’il eût vécu chez les modernes ; je crois qu’il eût passé pour un peu mieux que cela, et que la vraie morale eût eu à se louer plus qu’à se plaindre de lui, aussi bien que la parfaite convenance. […] Le temps où nous vivons n’est bon qu’à penser.
Les deux fiancés dont nous avons suivi le sort avec tant d’anxiété, ont cessé de vivre. […] L’art, qui recrée-la vie des notions, perd ainsi le pouvoir de faire vivre des faits surnaturels ou prodigieux. […] Ses personnages parlent peu de leurs affaires, n’y songeant point : ils vivent cependant une intense et délicieuse vie. […] Il fait vivre des tâcherons et des filles, ou quelque employé de bureau soucieux des aisances matérielles. […] Aussi les personnages de ses œuvres ne vivent point pour nous la vie totale qu’il leur crée.
Nous nous sentons vivre dans une hostilité ambiante. […] Elle était là cette femme ayant vécu, il y a deux mille quatre cents ans, elle était là, étalée sur la table, frappée, souffletée du jour, toute sa pudeur à la lumière et aux regards de tous. […] Et maintenant lui écrivant, et ne lui parlant que des souvenirs de son cœur de douze ans, il ne vivait plus que de cette flamme passée ! […] Je le trouve cassé, vieux, rabâchant, ayant pour se plaindre du mal qu’il a à vivre, cette mimique sénile, ces fermements d’yeux qui disent : « Allez, je me sens ! […] cela est horrible… » Puis après un silence : « Voyez-vous, dans notre métier on ne voit plus que la science… la science c’est si beau… Mais il me semble que je ne vivrais plus, si je n’opérais plus… C’est mon absinthe !
En effet, comment un tel animal aurait-il pu vivre pendant son état transitoire ? […] La sélection naturelle ne peut que rendre chaque être organisé aussi parfait, ou seulement un peu plus parfait que les autres habitants de la même contrée, qui vivent dans le même milieu et contre lesquels il doit lutter sans cesse pour vivre. […] Les espèces proche-alliées qui vivent aujourd’hui dans une région continue, doivent souvent s’être formées à une époque où cette même région était discontinue, et lorsque les conditions de vie ne s’y dégradaient pas insensiblement les unes dans les autres. […] Sachant d’ailleurs que tout être organisé s’efforce sans cesse de vivre partout où la vie lui est possible, nous comprenons ainsi comment il se peut faire qu’il y ait des Oies terrestres avec des pieds palmés, des Pics qui vivent en plaine, des Merles qui plongent et des Pétrels qui ont les habitudes des Pingouins. […] Car dans une contrée très étendue, où il a pu vivre un plus grand nombre d’individus et des formes plus diversifiées, la concurrence a dû aussi être plus vive, et, par conséquent, le niveau supérieur du perfectionnement organique s’y sera élevé d’autant.
Dorchain a goûté là les plus douces joies qui soient données à l’artiste : vivre dans son œuvre ; ne s’occuper que d’elle, s’y enfoncer, en être pénétré et possédé… Conte d’avril était tout à fait digne de la Comédie-Française. […] Il aura l’approbation, l’applaudissement et, ce qui vaut mieux, la sympathie de tous ceux qui croient qu’une société, même démocratique, ne peut pas vivre sans idéal.
Les Grecs vivaient dans l’avenir, et les Romains aimaient déjà, comme nous, à porter leurs regards sur le passé. […] Suétone qui a fait l’histoire du règne des empereurs, Ammien Marcellin, Velleius Paterculus, dans la dernière partie de son histoire, ne peuvent être comparés en rien à aucun de ceux qui ont écrit les siècles de la république ; et si Tacite a su les surpasser tous, c’est parce que l’indignation républicaine vivait dans son âme, et que ne regardant pas le gouvernement des empereurs comme légal, n’ayant besoin de l’autorisation d’aucun pouvoir pour publier ses livres, son esprit n’était point soumis aux préjugés naturels ou commandés qui ont asservi tous les historiens modernes jusqu’à ce siècle. […] Si votre volonté, si celle des destins me réservent Pallas, si je dois le revoir et l’embrasser encore, je vous demande de vivre.
Ces travaux suspendent l’action de l’âme, dérobent le temps, ils font vivre sans souffrir ; l’existence est un bien dont on ne cesse pas de jouir ; mais l’instant qui succède au travail, rend plus doux le sentiment de la vie, et dans la succession de la fatigue et du repos, la peine morale trouve peu de place. […] Cet effet naturel de la distraction que donne l’étude, est le plus efficace secours qu’elle puisse apporter à la douleur ; car aucun homme ne saurait vivre à l’aide d’une continuelle suite d’efforts. […] Le malheureux alors revient à l’étude pour échapper à la douleur, il arrache un quart d’heure d’attention à travers de longs efforts, il se commande telle occupation pendant un temps limité, et consacre ce temps à l’impatience de le voir finir ; il se captive non pour vivre, mais pour ne pas mourir, et ne trouve dans l’existence que l’effort qu’il fait pour la supporter.
Ceci est exquis : « Les insectes qui attaquent nos personnes mêmes, quelque petits qu’ils soient, se distinguent par des oppositions tranchées de couleur avec celle des fonds où ils vivent ! » Louange au Seigneur qui fait vivre la puce noire sur la peau blanche, pour être plus aisément attrapée ! […] Cependant Bernardin de Saint-Pierre a créé deux types, qui vivent : ce n’est pas peu sans doute.