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55. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Beyle, c’est le Français (l’un des premiers) qui est sorti de chez soi, littérairement parlant, et qui a comparé. […] Daru dont il était parent, il regardait à mille choses, à un opéra de Cimarosa ou de Mozart, à un tableau, à une statue, à toute production neuve et belle, au génie divers des nations ; et tout bas il réagissait contre la sienne, contre cette nation française dont il était bien fort en croyant la juger, contre le goût français qu’il prétendait raviver et régénérer, du moins en causant : c’était là être bien Français encore. […] Mais le propre du Français n’est-il pas de ne jamais donner de démission absolue et de recommencer toujours ? […] La gaieté française doit montrer aux écoutants qu’on n’est gai que pour leur plaire… La gaieté française exige beaucoup d’esprit ; c’est celle de Lesage et de Gil Blas : la gaieté d’Italie est fondée sur la sensibilité, de manière que, quand rien ne l’égaye, l’Italien n’est point gai. […] Cette conversation française, telle qu’un étranger peut l’entendre tous les jours au café de Foy et dans les lieux publics, me paraît le commerce armé de deux vanités.

56. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

L’esprit français, tel que le conçoit M.  […] Ce type de l’esprit français une fois formé dans son esprit, M.  […] C’est là l’invention, la création, l’originalité suprême du théâtre français. […] Les mauvais auteurs contre lesquels écrivait Boileau étaient de l’Académie française. […] Ce grand triomphe du génie français n’a pas pu nous laisser une histoire nationale !

57. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

Histoire de la littérature française, par M.  […] Ayant à écrire de la littérature française et à la suivre dans son développement à travers les siècles, il s’est demandé tout d’abord au début ce que c’est que l’esprit français ; il s’en est fait préalablement une idée, il s’en est formé comme un exemplaire d’après les maîtres les plus admirés, d’après les classiques le plus en honneur et en crédit ; il a présenté aux lecteurs français un portrait tout à fait satisfaisant de l’esprit français vu par ses beaux côtés et en ses meilleurs jours. […] Je ne répondrais pas que, dans un congrès européen où tous les esprits des diverses nations et des diverses littératures seraient représentés, la définition de l’esprit français par M.  […] je sais bien que votre patron est plus divers et plus varié qu’il ne semble d’abord, que votre exemplaire de l’esprit français est multiple, compliqué, et assez élastique comme cet esprit lui-même. […] [NdA] Si l’on cherchait un nom pour rendre l’idée plus sensible, le vrai représentant de l’esprit français dans ce que j’appelle un congrès européen serait Voltaire.

58. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

L’harmonie de la langue française est une certaine délicatesse de sons, un nombre convenu. […] Les Français ont voulu marier leur littérature native à la littérature des anciens. […] Racine est celui de tous nos écrivains dont les sentiments étaient le plus en harmonie avec la langue française. […] Les royaumes de Chypre et de Jérusalem ont eu des lois écrites en français. […] M. de Chateaubriand a entendu des sons français sur les bords du Nil.

59. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Ceux-ci avaient fait lestement leur éducation, à la française. […] Ici apparaît un trait nouveau de l’esprit français, le plus précieux de tous. […] N’est-ce point là le triomphe des galantes et frivoles façons françaises ? […] Aucun Français n’a ce courage comme un Anglais. […] Texte français, imprimé en 1487. —  Bibl. impériale.

60. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

Nous avons aussi une traduction en vers françois par M. […] Nous n’en avons aucune bonne traduction en françois. […] Ses Hymnes ont été traduites en vers françois par l’Abbé Saurin, Paris 1699. […] Il fut traduit en françois par Roger de Piles. […] Un Poëte françois auroit bien de la peine à en faire autant.

61. (1891) [Textes sur l’école romane] (Le Figaro)

Je fonde l’École romane française, où viendront ceux à qui l’amour de notre langue gréco-latine fera jeter de superbes rameaux de renaissance littéraire et morale. […] tous ceux qui comprennent que le génie français doit être pur et non barbouillé d’obscurités septentrionales, me rejoindront ! […] Vous me permettrez donc de donner en quelques mots les éclaircissements que voici : L’École romane française revendique le principe gréco-latin, principe fondamental des Lettres françaises qui florit aux onzième, douzième et treizième siècles avec nos trouvères, au seizième avec Ronsard et son école, au dix-septième avec Racine et La Fontaine. […] Ce fut le romantisme qui altéra ce principe dans la conception comme dans le style, frustrant ainsi les Muses françaises de leur héritage légitime. Je ne puis m’étendre davantage sur cela dans cette courte lettre ; je dirai seulement que l’École romane française renoue la « chaîne gallique » rompue par le Romantisme et sa descendance parnassienne, naturaliste et symboliste.

62. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre V »

Ils ont une forme heureuse, mais par hasard ; et pourtant tout mot grec aurait pu devenir français si l’on avait laissé au peuple le soin de l’amollir et de le vaincre. […] Un mot étranger ne peut devenir entièrement français que si rien ne rappelle plus son origine ; on devra, autant que possible, en effacer toutes les traces. […] Nul ne peut consentir, qui aime la langue française, à écrire fam, ten, cor, om, pour femme, temps, corps, homme. […] Au xviie  siècle, le français tendait à s’assimiler même certains mots maniés par les seuls lettrés. […] Poussée à l’extrême, cette analyse minutieuse révèle en français 43 nuances différentes de son pour la seule voyelle o.

63. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

La comédie française s’en montra plus d’une fois jalouse : les Italiens jouaient des pièces françaises ; les comédiens français prétendirent qu’ils n’en avaient pas le droit. […] Baron se présenta pour défendre la prétention des comédiens français, et Arlequin vint pour soutenir celle des Italiens. […] LE COMÉDIEN FRANÇAIS. […] Les Italiens parodiaient parfois les Français. […] Ils étaient devenus plus Français que nous-mêmes.

64. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

L’Académie française ne discute donc point les titres des candidats ? […] On renoua la chaîne des temps ; la Révolution française et l’abîme qu’elle avait ouvert furent considérés comme non avenus. L’Académie française, notamment, sous la conduite et l’inspiration de M.  […] Cet esprit si orné, cet éditeur classique de Boileau, n’avait que du dédain pour l’Académie française, telle que M.  […] Tout membre de l’Académie française passa dans l’opinion pour un gentilhomme littéraire qui en prend à son aise.

65. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

Les hommes y ont un flegme qui fixe le feu follet des Français ; ils ne voient les choses que dans un sens, et ce sens ordinairement est le bon… » Très-bien ! […] Un petit-maître français quitta le service en 1746, disant pour raison qu’il ne voulait plus d’un métier où celui qui y excellait était celui de la Cour qui avait le moins d’esprit. […] Mignet, vient d’obtenir le prix Thiers décerné pour la première fois par l’Académie française, me paraît s’être légèrement enivré des documents diplomatiques auxquels il lui a été donné de puiser. […] Dans un passage des Rêveries que le comte Vitzthum a rétabli exactement selon le manuscrit, on lit cet hommage rendu à la valeur française : « C’est le propre de la nation française d’attaquer… La valeur et le feu qui animent cette nation ne s’est jamais démenti, et, depuis Jules César, qui en est convenu lui-même, je ne sais aucun exemple qu’ils n’aient bien mordu sur ce que l’on leur a présenté. Le premier choc (des Français) est terrible ; il n’y a qu’à savoir le renouveler par d’habiles dispositions : c’est l’affaire du général… » — Dans une lettre au roi de Prusse, de septembre 1746 tome.

66. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXII » pp. 328-331

En français, nous n’avons rien eu de tel, et d’autres inconvénients se sont faits sentir dans la poésie. […] Voltaire a donné sa fameuse recette pour voir si des vers français étaient bons ou mauvais : Mettez-les en prose ! […] Il y a bien longtemps que Fénelon, dans sa Lettre à l’Académie française, semble avoir reconnu cette infériorité de la poésie française, en comparaison de la poésie des Anciens. […] Dans tout ce que nous venons de dire de la poésie française, nous désirons être bien compris ; nous ne prétendons en rien diminuer le mérite des poëtes français dont quelques-uns sont si évidemment supérieurs, nous ne parlons que de la langue même dans laquelle ils ont écrit et des conditions qu’elle leur a fait subir. […] En un mot, jamais il ne serait venu à l’idée de personne, pour louer leurs vers, de dire ce que M. de Buffon disait des beaux vers français : Cela est beau comme de la belle prose.

67. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Est-ce ce pauvre Faliero, si outrageusement reçu aux Français, et traduit pourtant de lord Byron ? […] C’est qu’elles seront en partie calculées sur les exigences des Français de 1670, et non sur les besoins moraux, sur les passions dominantes du Français de 1824. Je ne vois que Pinto qui ait été fait pour des Français modernes. […] Il y a des Classiques qui ne sachant pas le grec se ferment au verrou pour lire Homère en français, et même en français ils trouvent sublime ce grand peintre des temps sauvages. […] Je suis persuadé que la muse classique occupera toujours le théâtre français quatre fois par semaine.

68. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Table des chapitres et des paragraphes Contenus dans ce premier Volume. » pp. -

Des Poetes Grecs & des versions qu’on en a faites en françois, pag.   […] Des Poetes françois. […] Des Poëtes épiques françois, 150 §.  […] Des Epigrammatistes françois, 200 §.  […] De l’Apologue & caractère des différens fabulistes françois, 202 §. 

69. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XV. La commedia dell’arte au temps de Molière et après lui (à partir de 1668) » pp. 293-309

Mais la grande innovation qu’il faut remarquer et qui nous oblige de fixer à cette date le point de départ d’une nouvelle période dans l’histoire de la comédie italienne à Paris, c’est que ces acteurs commencent alors à insérer dans leurs pièces des scènes en français, des chansons en français, ce qui amène peu à peu une transformation complète dans leur répertoire. […] On aperçoit dans les canevas nouveaux ou refaits à cette époque, bien des idées comiques qui, à coup sûr, avaient passé par là scène française. […] À cette date, la troupe française de la salle Guénégaud fut, par mesure administrative, réunie à la troupe de l’Hôtel de Bourgogne. […] Les Italiens, à qui les Français payèrent une indemnité de 800 livres, allèrent jouer à la salle de la rue Mauconseil, et y jouèrent tous les jours, excepté le mardi et le vendredi. […] Ce rôle redevint un des principaux de la comédie de l’art, et une série de mimes célèbres ont perpétué chez nous sa popularité, de sorte qu’il en est demeuré plus Français qu’Italien.

70. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

Mais, contrairement à ce qui s’était passé en d’autres domaines, elles ne devaient rien ni à la scène française ni même à la culture française. […] Rapport sur la culture française en Flandre. […] Académie Française. […] La Littérature belge d’expression française. […] Henry Kistemaeckers se fit naturaliser Français en 1903.

71. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

De la Renaissance et de la Réforme, et de leur première influence sur l’esprit français. — § II. […] De la Renaissance et de la Réforme, et de leur première influence sur l’esprit français. […] C’est là une de ces grâces où l’esprit français se reconnaît sans pouvoir les définir. […] Sans doute l’esprit français a fait un progrès, mais on sent que la première éducation lui manque. […] Les deux grandes sources qui doivent renouveler l’esprit français vont s’épandre à grands flots.

72. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

On sait quel élan fougueux et quelle direction nouvelle furent imprimés à l’esprit français par la Renaissance. […] Le Huron de Voltaire et le Chactas de Chateaubriand sont là pour rappeler le temps où le drapeau français flottait au Canada et dans la Louisiane. […] Il arrive même assez souvent que des choses françaises lui reviennent vêtues à l’étrangère. […] Qui pourrait dire, sans une minutieuse analyse, ce qui dans le positivisme est anglais et français ? […] Ce qui augmente en ce cas la durée du trajet, c’est la répugnance dédaigneuse des Français pour un langage qui choque leur oreille et leur amour de la clarté.

73. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Aucun Français ne saurait me surpasser dans cette idée, que mon roi et ma reine sont les meilleurs qui soient au monde et les plus aimables […] Je n’étais pas ici de six jours que mon tailleur et mon perruquier m’avaient transformé en gentilhomme français. […] Les Français, à cet égard, dépassent certainement de beaucoup les Anglais. […] On peut dire de lui qu’il est le plus Français des Américains. […] Ces mots de miss Shipley, qu’elle met ainsi en français, donnent bien l’idée de Franklin dans l’ordinaire de la vie.

74. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

La Défense et Illustration de la langue française. — 2. […] Du Bellay, comme lui, reconnut la rime comme un élément essentiel de la versification française : « fâcheux et rude geôlier, et inconnu des autres vulgaires ». […] Mais Ronsard s’élève contre les Français qui « écorchent le latin » : il serait le premier à se rire de l’écolier limousin. […] 4° On ne craindrait pas de mêler au langage courtisan les meilleurs mots de tous dialectes et patois français, « principalement ceux du langage wallon et picard, lequel nous reste par tant de siècles l’exemple naïf de la langue française ». […] Et c’est là, avec nos procédés de composition, le principal moyen de développement du français moderne.

75. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lessing »

Elle singeait les Français. […] Voilà comme on se corrigeait d’être français, tout en le restant. […] Il abattit souvent mainte tête qu’il eut la cruauté de relever pour bien montrer qu’elle était vide… » Ironique et spirituel, il tournait dans ses feuilletons contre la France, les théâtres et les influences françaises, les deux qualités françaises qui le rendent si cher à Heine, lequel les avait aussi ! Eu cela plus français que Diderot lui-même, auquel on l’a parfois comparé. […] C’était Shakespeare qu’il fallait dresser, et non pas Aristote, contre les influences et les idées françaises !

76. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « TABLE » pp. 340-348

. — Grand mouvement de réimpressions dans la librairie française. — Les formats Charpentier. — L'Illustration. — M. […] Guizot. — Lord Chatham, par M. de Viel-Castel. — Candidature de Mérimée à l’Académie française en remplacement de Nodier. — Autres candidats : M. […] Saint-Marc Girardin à l’Académie française. — Réponse de M. […] Mérimée à l’Académie française. […] Sainte-Beuve à l’Académie française. — Histoire du Consulat et de l’Empire.

77. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 18, que nos voisins disent que nos poëtes mettent trop d’amour dans leurs tragedies » pp. 132-142

Un poëte très-vanté chez une nation voisine, qui du moins a beaucoup d’émulation pour la nôtre, fait en differens endroits de ses ouvrages plusieurs reflexions un peu desobligeantes pour les poëtes tragiques françois. […] Or, ajoute l’auteur anglois, un pareil caractere déplairoit bientôt, si les poëtes françois le donnoient souvent à leurs amoureux. […] Mais il est vrai que les bons poëtes françois ne nous amusent point avec ces passions subites. […] Cette galanterie, dit-il, que les françois qui, ne s’embarassent pas tant d’approfondir les choses, n’ont jamais bien définie, est une affectation de témoigner aux femmes par politesse les sentimens d’un amour que l’on n’a pas, mais dont l’apparence ne laisse point de les flater. […] Les romans de chevalerie et de bergerie ont encore fomenté chez les françois le goût qui leur fait demander de l’amour par tout.

78. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

  … « Je vois que constamment mes amis français se considèrent comme obligés de donner toute sorte d’éclaircissements et d’excuses à mon sujet, à cause des prétendues invectives que j’aurais lancées contre la nation française. […] La traduction vulgarisatrice sera dans quelques années achevée : Tristan, les Maîtres, la Tétralogie, Parsifal seront des poèmes français, que liront les Français, qui seront chantés en les théâtres français, et par lesquels largement sera répandue dans le public français la gloire Wagnérienne. […] Parmi les Français venus là, notons M.  […] Les mots en italique sont en français dans le texte. […] Wagner tente une pirouette rhétorique en déclarant qu’il fait la satire des allemands qui copient les théâtres français, et non les français eux-mêmes !

79. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Pour le comprendre il fallait comprendre préalablement l’esprit français contemporain. […] Nous n’en trouverons pas de semblables dans le satiriste français. […] On ne trouve rien de semblable dans la satire française. […] La littérature française, entre leurs mains, allait mourir d’ennui avant d’être née. […] Où trouvera-t-on de pareilles délices d’oreille en français ?

80. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

. — Caractères généraux des premiers écrits en prose française. — Les Chroniqueurs. — § II. […] Où commence l’histoire de la langue. — Caractères généraux. — Des premiers écrits en prose française. — Les chroniqueurs. […] Villehardouin représente certaines qualités de l’esprit français, Joinville en représente d’autres. […] L’interprétation de Guillaume, le songe lui-même, c’était le bon sens français qui commençait à n’avoir plus foi aux croisades. […] Mais le mérite particulier de Froissart, le trait auquel s’est reconnu l’esprit français, c’est d’avoir peint des couleurs les plus vraies, ou plutôt des seules couleurs qui y convinssent, une époque caractéristique de la société française.

81. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Il est Anglais chez les Anglais, Français chez les Français, parce que son récit reflète les passions des acteurs ou des témoins qui l’ont renseigné ; mais il ne concède rien sciemment à la passion de ceux qui l’entretiennent. […] Mais on prêchait aux laïcs en français. […] Il ne s’enferma pas dans sa théologie et dans sa science latine : il crut de son devoir d’instruire tous les Français en français, de dire à tous la vérité et leur devoir dans la langue de tous. […] Ses œuvres françaises s’en ressentent plus que son latin, tout scolastique encore. […] Essai historique et critique sur les sermons français de Gerson, Paris. 1858.

82. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Mais cette sorte d’éducation de l’esprit français avait été trop précoce pour n’être pas incomplète. […] Le latin lui était une langue plus familière que le français, et son génie de traducteur se révèle par l’habitude où il était de composer d’abord en latin les sermons qu’il devait prêcher en français. […] Sous ce rapport, il marque un progrès décisif de l’esprit français. La Renaissance a exercé sur l’esprit français deux influences distinctes. […] Préface des Remarques sur la langue française.

83. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Personne, ni même Calvin, n’aurait pu en 1540 écrire de ce style en français, sans s’assurer le secours du latin. […] Les autres œuvres françaises, d’un tour moins oratoire, représentent plus au naturel peut-être le vrai génie de Calvin. […] On le rappelle, et il ne quitte plus Genève, dont il fait vraiment le centre religieux de la Réforme française. […] Ill-IV, Trad. françaises). […] Sayous, Études littéraires sur les écrivains français de la Réformation.

84. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Mazarin introduit l’opéra dans nos mœurs françaises. […] Ajouterons-nous qu’il était écrit en français ? […] Goujet, Bibliothèque française, t.  […] Cousin, La Société française, t.  […] Histoire du théâtre français, t. 

85. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Les ordres sont donnés, les dépêches sont expédiées, les affaires sont finies ; il ne lui reste plus qu’à être Français aimable, à causer dans la chambre des dames. […] Qu’on ne m’accuse pas d’être trop sévère à l’égard du peuple français. […] L’urbanité française ne sera bientôt plus qu’une tradition finie. […] L’idée contraire a fait le malheur de ceux qui ont voulu diriger le vaisseau de la révolution française après l’avoir lancé sur l’élément des orages populaires. […] Nos rois ont étendu et honoré le nom français : tous nos souvenirs de gloire tiennent à eux comme nos souvenirs de religion.

86. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

Origines françaises et étrangères. […] Premiers théoriciens et champions : le Cénacle et la Muse Française. […] Aux origines françaises se joignent les origines étrangères. […] Muse française : Sur les romances du Cid (1823) ; la Guerre en temps de paix (1824). Préface des Études françaises et étrangères (1828).

87. (1920) Action, n° 3, avril 1920, Extraits

Marcel Martinet (1887-1944), poète français, pacifiste et proche de l’unanimisme. […] Georges Pioche dit Georges Pioch (1873-1953), écrivain français pacifiste. […] Henriette Charasson-Johannet (1884-1972), femme de lettres française. Elle a reçu pour Attente le prix de l’Académie française. […] Nicolas Beauduin (1881-1963), poète français.

88. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Cependant on lit dans l’Histoire de la littérature française de M.  […] Le corps féminin est un motif particulier à l’art décoratif français. […] Il sait l’orthographe et ne sait pas le français. […] C’est une des rares traces de l’ancien français restées dans le français moderne. […] Pourquoi, d’ailleurs, enseigner à des Français la langue française ?

89. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Sévigné » pp. 243-257

avoir enfin, encore une fois, les qualités qui furent françaises et qui maintenant ne le sont plus !  […] C’est une Française accomplie. Esprit français, tempérament français, gaîté française, génie de style, — intraduisible, tant il est français ! Madame de Sévigné est certainement une des femmes les plus typiquement françaises qui aient jamais existé, et voilà pourquoi les esprits très français, comme Babou, sont un peu chauvins de cette femme. […] Française toujours, elle a résolu le grand problème français de ne pas se compromettre.

90. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Baïf était allé jusqu’à construire des vers français d’après la métrique antique. […] En même temps il marquait d’une main ferme la limite dans laquelle la poésie française pouvait être savante. […] Quant aux poëtes italiens contemporains, il les traitait comme les poëtes français ses devanciers. […] Où est, en effet, la bonne langue française, si ce n’est au centre de la France, à Paris ; et, puisque la cour a pu être tour à tour italienne, gasconne ou espagnole, dans le peuple même de Paris, qui ne change pas, et qui est ce qu’il y a de plus français en France ? […] L’esprit français sous les traits d’un habitant de Paris, cultivé par la forte discipline de l’antiquité, mais gardant son indépendance et sa physionomie ; la langue française sur la place Saint-Jean, là où elle est le plus inaccessible au pédantisme et à l’imitation étrangère, voilà quelle fut la pensée de Malherbe.

91. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIIe entretien. Littérature politique. Machiavel (2e partie) » pp. 321-414

La révolution romaine fut prise d’assaut dans Rome par l’armée française. […] Ce gouvernement n’était ni autrichien ni français, il était toscan, il s’était naturalisé italien. […] Attaqué par les Français, qui soutenaient le parti opposé au sien, Paul Frégose remporte sur eux une des victoires les plus meurtrières pour la chevalerie française. […] Plusieurs fois chassés de Turin par les Français, ils avaient embrassé et vaillamment servi la cause de l’empereur d’Allemagne contre nous. […] La révolution française la compte au premier rang de ses ennemis armés.

92. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fort, Paul (1872-1960) »

. — Ballades françaises, 1re série (1897). — Montagne, ballades françaises, 2e série (1898). — Le Roman de Louis XI, ballades françaises, 3e série (1899). — Les Idylles antiques, ballades françaises, 4e série (1900). […] [Ballades françaises, préface (1897).] […] Henri de Régnier Ce livre (Ballades françaises) me paraît tout à fait, par rapport à l’œuvre future de M.  […] En appelant le livre des Ballades françaises de M.  […] Aucun autre objet au monde, sinon ces merveilles monumentales de l’art français, ne pourrait lier en une si parfaite unité le sublime au familier, l’élan céleste et les pauvres contorsions de la physionomie humaine.

93. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VII. Le théâtre français contemporain des Gelosi » pp. 119-127

Le théâtre français contemporain était bien éloigné d’égaler sous ce rapport les Italiens. […] Nos acteurs français représentaient alors les pièces informes d’Antoine de Monchrétien, de Nicolas de Montreux (Olenix de Mont-Sacré) et d’Alexandre Hardy qui était au début de sa longue et féconde carrière. […] Mais combien, dans la Farce française, la satire était déjà plus directe et plus pénétrante ! […] Henri IV, qui aimait à se divertir des parades comiques qui commençaient à faire la réputation de l’acteur français, le faisait appeler quelquefois. […] L’un, français, éprouvait la plus grande difficulté à se débrouiller ; quand il ne se traînait pas terre à terre, il subissait les influences les plus diverses et semblait osciller dans le vide.

94. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

Elle a enrichi la sensibilité française. […] Joubert, qui meurt le dernier, en 1824, emportera avec lui l’atticisme français. […] Un homme politique radical a lancé, en 1924, le mot de Français moyen. […] Styliste, il se comporte en jardinier et en vigneron français. […] Le même paradoxe qui a fait de Napoléon un empereur français a fait se tenir en français le monologue hugolien, a préposé Napoléon et Hugo à la plus grande extension, à la plus grande transgression d’une force française.

95. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Des Causes de la Révolution française [I]. […] Voilà ce qu’on a trop oublié quand il s’est agi d’écrire l’histoire, et principalement de la Révolution française, l’immense événement moderne dont tous les esprits contemporains sont encore remplis et troublés. […] Ils avaient jugé et montré l’immoralité de la Révolution française. […] Ainsi, voilà le compte terminé des grandes causes de la Révolution française, Ni providentielle, ni fatalement logique, ni philosophique, ni populaire ! […] Des Causes de la Révolution française [II].

96. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Avec le Cid se dégage la tragédie française : étude morale, humanité. […] Il n’est donc pas vrai, en somme, de dire que la Pléiade ait fondé la tragédie française. […] Voilà, plutôt que Jodelle, le restaurateur, le fondateur du théâtre français. […] Et, par là, seul il fonda le théâtre français. […] Ancien Théâtre français, Bibl.

97. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Pasquier écrit en français ses doctes et utiles Recherches de la France ; il publie en français ses Lettres, premier recueil de ce genre qui ait paru dans notre langue, et qui sont tout un miroir des événements, des mœurs et des opinions de son temps comme de la vie de l’auteur lui-même. […] Pasquier, avons-nous dit, pense, contrairement à plusieurs de ses contemporains, qu’il faut écrire en français ; mais ce français, où faut-il aller en puiser la naïveté et la pureté comme à sa source ? Quelques-uns estiment que c’est à la cour des rois qu’on parle le mieux, et que c’est là que s’apprend le vrai français : Pasquier le nie tout à plat. […] Pasquier veut une langue qui soit bien française de fonds, mais très large et très riche d’acquisitions et de dépendances. […] La royauté française, en cela aimable et débonnaire entre les royautés, avait, de bon gré, voulu réduire sa puissance absolue sous la civilité de la Loi.

98. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

Pas plus que Ronsard ou que Malherbe, Hugo n’a modifié essentiellement le vers français. […] Ce vers, en son mode type, l’alexandrin, est vieux comme le monde français et comme le monde latin et comme le monde grec, où son nom était l’asclépiade. […] Comme la langue française, le vers français est un vers d’origine populaire, c’est-à-dire traditionnelle, et il ne pouvait emprunter au latin que des éléments assimilables à sa propre nature . […] En analysant le vers français, M.  […] Depuis le XVIIe siècle, la plupart des vers français contenant des e muets sont faux.

99. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Les Français qui ont entendu la musique de Wagner le sentent déjà. […] Ce nom des Français ou Francs signifie « libres » ; le nom des Allemands signifie « le peuple » ; ce qui montre que les Français ont en eux le sang des émigrés, les Allemands le sang de ceux qui sont restés fixés, qui ont conservé pure la race européenne des Aryens. […] Des Français ne reconnaissent pas leur propriété dans l’art qui de l’Allemagne vient en France. […] Il faut que Wagner lui-même parle aux Français, et non l’Opéra-Comique. Il faut donc que les artistes des théâtres français en ce qui regarde leurs rôles deviennent wagnériens.

100. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le docteur Revelière » pp. 381-394

Le docteur Revelière Les Ruines de la Monarchie française. […] Mais il n’a pas partagé la furie de vanité française des Mémoires. […] Ce livre, qui porte le titre mélancolique et grandiose : Les Ruines de la Monarchie française, ne sera positivement que du carthaginois ou de l’algonquin pour les délicieuses intelligences françaises, qui ne s’y intéresseront pas plus qu’à l’histoire de l’An Mil, si on leur parlait de l’An Mil ! […] Aussi, pour l’auteur des Ruines, le Français qui n’est pas Français comme on le fut depuis Hugues Capet jusqu’à Louis XVI (le Louis XVI d’avant 89) n’est qu’un bâtard de sa race et de sa lignée. […] En déterminant ainsi l’origine de la Monarchie française, il la met dans l’Histoire et pas plus haut qu’elle.

101. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Origines de l’épopée française. […] Origines de l’épopée française. […] On l’a dit avec raison, une épopée française ne peut sortir que de chants en langue française, ou en langue latine, puisque le français est du latin qui a évolué. […] Notre Français, bien français et comme tel classique d’instinct, ne s’intéresse qu’à l’homme. […] Meyer et Longnon, Société des anciens textes français, in-8, 1892.

102. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mistral, Frédéric (1830-1914) »

Je pourrais vous les donner ici dans leur belle langue originale, mais j’aime mieux vous les traduire en m’aidant de la naïve traduction en pur français classique faite par le poète lui-même. Nul ne sait mieux ce qu’il a voulu dire ; notre français à nous serait un miroir terne de son œuvre : le sien à lui est un miroir vivant. […] Un vrai poète était né, un poète dont la littérature française devait s’honorer autant que la littérature provençale. […] De ces mêmes, qui louent l’heureux patoisant, quels cris si l’on proposait en compétition à ce Français qui écrit en provençal, un « Étranger » qui écrit en français : un grand poète appelé Verhaeren ? […] Nous voulons des poètes français !

103. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre I. Les mémoires »

Le même enthousiasme d’helléniste se mêla dans son dévouement au français vulgaire. Ayant démontré copieusement la conformité du langage français avec son cher grec, il n’eut pas de peine à se convaincre de la précellence de notre idiome sur le parler d’Italie, qui n’est que du latin : et comme il prouvait par exemples abondants la gravité, sonorité, richesse et souplesse du français, il était naturel qu’il tâchât d’en préserver la pureté des inutiles et plutôt dangereux apports de l’italianisme. Par ses piquants et fort sensés Dialogues du langage françois italianisé, Estienne se place parmi les ouvriers de la première heure, qui préparèrent la perfection de la langue classique. […] Apologie pour Hérodote, 1566 ; Traité de la Conformité du langage français avec le grec, s. d. (avant 1566) ; Deux Dialogues du nouveau langage françois italianisé, 1579 ; Projet du livre intitulé : De la précellence du langage françois, 1579.

104. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

ô Français ! […] celle des Français ? […] de quatre préfets français en Piémont ? d’une grande-duchesse française à Florence ? […] de deux rois français à Naples ?

105. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Grimm est Allemand de naissance et d’éducation, et on ne s’en aperçoit en rien en le lisant : il a le tour de pensée et d’expression le plus net et le plus français. […] C’est que Grimm ne parlait ainsi d’Homère que pour l’avoir lu en grec, et Voltaire ne l’avait jamais parcouru qu’en français. […] Il trouvait que, dans la musique française telle qu’elle était à ce moment, on ne sortait du récitatif ou plain-chant que pour crier au lieu de chanter. […] Grimm, en devenant le plus Français des Allemands, s’attache, par une sorte d’affinité naturelle, à Diderot le plus Allemand des Français. […] Grimm, avant qu’il eût une position diplomatique officielle, était de fait le résident et le chargé d’affaires des puissances auprès de l’opinion française et de l’esprit français, en même temps qu’il était l’interprète et le secrétaire de l’esprit français auprès des puissances.

106. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

« On va jouer une œuvre de Wagner à Paris, sur une scène française !  […] Du propre, les musiciens français ! […] Nous admettons les musiciens français, d’ailleurs. […] XIX : Le drame musical français. […] Charles-Marie Widor (1844-1937) est un organiste, professeur et compositeur français.

107. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre IV. Pourquoi les Français n’ont que des mémoires. »

Pourquoi les Français n’ont que des mémoires. […] Le Français a été dans tous les temps, même lorsqu’il était barbare, vain, léger et sociable. […] Enfin, la vie privée des Français est peu favorable au génie de l’histoire. […] Le Français n’a jamais ployé servilement sous le joug ; il s’est toujours dédommagé, par l’indépendance de son opinion, de la contrainte que les formes monarchiques lui imposaient. […] Nous savons qu’il y a des exceptions à tout cela, et que quelques écrivains français se sont distingués comme historiens.

108. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

Il y ajoutait trop de mots composés qui n’étaient point encore introduits dans le commerce de la nation : il parlait français en grec, malgré les Français mêmes. […] Lui et ses amis ils avaient conjuré ensemble pour que la langue française eût enfin une haute poésie, et ils se mirent incontinent à l’œuvre pour la lui donner (1550). […] La poésie française classique, à proprement parler, date bien de celui-ci, et Malherbe n’a fait que recommencer l’œuvre en la corrigeant, en la prenant d’un cran plus bas. […] Il rougirait de paraître imiter en rien les Français, ses prédécesseurs et devanciers, « d’autant, dit-il, que la langue est encore en son enfance ». […] À l’instar de ces maîtres, il apporte aux Français l’ode, le nom et la chose, et il se pique de l’offrir dans toute sa variété.

109. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

Il n’y a pas de vers français sans rime ou sans assonance. […] — Lors, en français, et chez les bons poètes ? […] Enfin, pour conclure, et puisque vous voulez que nous parlions de l’avenir de la poésie française, mettons que la poésie française ne peut continuer d’exister qu’autant qu’elle respectera sa propre tradition. […] 4º. « L’avenir de la Poésie française ?  […] En ce qui concerne la poésie française, M. 

110. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre III. Les traducteurs »

Valeur de son Plutarque : enrichissement de l’esprit français, élargissement de la langue. […] Plus utiles ouvriers de la langue sont les traducteurs, en même temps que par leur activité nos Français s’incorporent toute la meilleure substance des anciens. […] À un autre point de vue, Amyot, qui représente et résume l’effort de tous les traducteurs de son siècle, nous fait apercevoir comment se fondirent par une pénétration réciproque l’antiquité et l’esprit français. […] Nombre d’idées et d’objets étaient pour la première fois désignés ou définis en français : il a fallu trouver et créer des mots. […] Didot, Observ. sur l’orthographe française.

111. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre IV Le Bovarysme des collectivités : sa forme imitative »

C’est ainsi que l’engouement pour Rome et la Grèce ne pouvait donner à des Français du xviii e siècle, produits d’une longue hérédité chrétienne, les sentiments et les conceptions d’un Grec ou d’un Romain. […] Si l’on restreint à notre pays l’observation du cas pathologique, il faut constater d’ailleurs que le principe de suggestion, qui détourna de la satisfaction de soi-même le groupe français de cette époque, se fortifia ici d’un nouvel appoint qui en augmenta le danger. […] En peinture de même, la Renaissance a substitué, dans les pays de culture française, à une école originale qui, avec les van Eick, avec Memling, avec Clouet, comptait déjà des maîtres, les modèles italiens. Il n’a pas fallu moins de deux siècles pour que le goût national se dégageât de ce servage et avec Boucher, avec Greuze, avec Fragonard nous restituât une peinture française. […] L’esthétique de la langue française (Éd. du Mercure de France).

112. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Descartes porte la langue française à sa perfection. […] Ce cartésianisme-là est demeuré intact : c’est la méthode même de l’esprit français. […] Aussi lui doit-on donner la gloire d’avoir été le premier écrivain français qui ait sérieusement cherché la vérité. […] Descartes a porté la langue française à sa perfection. […] C’est dans ce sens-là que le premier qui par la la langue de la raison donna le modèle de la langue française.

113. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

— Je parle à un officier français […] Pendant que les Espagnols perçaient le mur d’un côté, les Français le perçaient de l’autre pour tirer sur les Espagnols. […] les officiers du roi courent moins de dangers que les officiers français ! […] Si l’on veut de la sûreté, il ne faut point faire de grâce quand on tue les Français ; on y va trop doucement. […] Un Français un peu artiste y fit quelque escapade, et il dut avoir recours, dans son embarras, à l’ambassadeur de France.

114. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Il lisait couramment le grec et rendait compte en français de ses progrès à son ancien précepteur, un pasteur français réfugié, M.  […] Jouneau, le 7 décembre 1714 : Je ne vous dirai pas mes sentiments des Français, parce que je suis fort souvent pris pour un d’eux, et plus d’un Français m’a fait le plus grand compliment qu’il croit pouvoir faire à personne, qui est : Monsieur, vous êtes tout comme nous. […] Chesterfield enseigne et résume en français à son fils les premiers éléments de la mythologie, de l’histoire. […] Il parle français parfaitement, il sait beaucoup de latin et de grec, et il a l’histoire ancienne et moderne au bout des doigts. […] Hamilton lui-même a ce trait distinctif et le porte dans l’esprit français.

115. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. […] On aurait à conférer ses poésies latines avec les poésies françaises qu’il faisait presque en même temps sur les mêmes sujets. […] Poétiquement, il employa les années qui suivirent son retour à mettre en ordre ses derniers vers et à les publier : vers français, vers latins, il donna tout. […] Le chancelier y déclare n’avoir jamais rencontré jusque-là en aucun auteur français pareille vivacité et distinction de style et une grâce aussi continue. […] Le soigneux éditeur y a réuni toutes les pièces nouvelles concernant la biographie du poète, les quelques lettres françaises qu’on a de lui.

116. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Rathery »

C’est l’Influence de l’Italie sur les Lettres françaises, depuis le xiiie  siècle jusqu’au règne de Louis XIV 3, par Rathery. […] La thèse qu’il soutient répond très péremptoirement à un lieu commun longtemps exploité (car, si suffisants que soient les Français, ils ont des jours de singulière modestie), à savoir que, littérairement, la France doit tout à la Renaissance et à l’Italie. Rathery a fort bien montré que, si à certaines époques de notre histoire les influences italiennes ont versé leur âme dans notre génie national, avant ces époques, assez modernes du reste, l’Italie, elle, était sous le coup de l’influence française et que la littérature des troubadours se réverbérait dans toutes ses inspirations. […] Rathery est d’une remarquable précision quand il fixe le point où l’influence française finit en Italie et où l’influence italienne apparaît en France. […] Ce qu’on nomme les influences italiennes, françaises, espagnoles, — et, tout circonscrit qu’il est à l’Italie, Rathery est bien obligé de parler aussi de celles-là, — n’est peut-être que les transpirations d’un même génie, — le génie latin, — exposé à différentes latitudes.

117. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Benoit ait écrit des romans en français. […] Un Français ne partagera nullement l’avis de M.  […] Les Français seuls savent composer. […] Il ne suffit pas d’écrire en français, il faut composer en français. — Tout cela, M.  […] Composition latine ou française, en langue scolaire, équivaut à discours latin et discours français.

118. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Francis Wey » pp. 229-241

Il a voulu faire l’Anglais, mais sans bredouillement et sans grimace, en style très français, très ferme et très pur. Lui, Français et même un peu Gaulois, il a essayé de s’établir dans le fond d’une nature anglaise pour, de là, jeter son regard d’observateur sur la France, nous juger, et même nous raconter à nous-mêmes, d’une façon un peu plus nouvelle que s’il partait uniquement de ses impressions, que nous partageons, de Français. […] Eh bien, nous n’avons eu, au lieu de cette chimère caressée, que les Mémoires de Dick Moon 22 par Francis Wey, qui est un homme d’esprit, mais d’un esprit très français, incommutablement français ! […] je sais bon gré à Francis Wey des pointes d’anglais qu’il a mêlées à son omelette française, à ce livre de causerie et d’observation sur la France, pour en relever le goût et en augmenter la saveur. […] Il fit de la philologie, mais nationale (toujours Français !)

119. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 42, de notre maniere de réciter la tragédie et la comedie » pp. 417-428

Les françois ne s’en tiennent pas aux habits pour donner aux acteurs de la tragedie la noblesse et la dignité qui leur conviennent. […] Les comediens flamands ont un petit nombre de tragedies originales, et leur déclamation est seulement un peu moins chantante et moins animée que celle des comédiens françois. […] Il est vrai, suivant son sentiment, que les poëtes françois évitent avec trop d’affectation de donner du spectacle. […] Les françois n’usent point de certains gestes, de certaines démonstrations avec les doigts, ils ne rient point comme les italiens. Les françois ne varient pas leur prononciation par de certains accens qui sont ordinaires en Italie, même dans les conversations familieres.

120. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 46, quelques refléxions sur la musique des italiens, que les italiens n’ont cultivé cet art qu’après les françois et les flamands » pp. 464-478

Section 46, quelques refléxions sur la musique des italiens, que les italiens n’ont cultivé cet art qu’après les françois et les flamands Ce discours paroît me conduire naturellement à parler de la difference du goût des italiens, et du goût des françois sur la musique. Je parle du goût des italiens d’aujourd’hui beaucoup plus éloigné du goût des françois, qu’il ne l’étoit sous le pontificat d’Urbain VIII. […] Quelqu’un prévenu que tout bon musicien devoit être italien, aura donné à ces deux noms la terminaison italienne, en les traduisant en françois. Roland Lassé étoit françois, ainsi que la plûpart des musiciens citez par Guichardin, à prendre le nom de françois dans sa signification la plus naturelle, qui est de signifier tous les peuples dont la langue maternelle est le françois, sous quelque domination qu’ils soient nez. Comme un homme né à Strasbourg est allemand, quoi qu’il soit né sujet du roi de France, de même un homme né à Mons en Hainault est françois, quoiqu’il soit né sujet d’un autre prince, parce que la langue françoise est dans le Hainault la langue naturelle du païs.

121. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Les dîners littéraires »

voilà tout le contingent obligatoire auquel sont tenus ces hommes, modestes par l’offrande, mais immenses par le dévouement, qui, de présent, se donnent la fonction de dîner chez Véfour pour ranimer, dans leurs personnes, l’esprit français, manifestement défaillant. […] De leur aveu, et c’est le nôtre aussi, l’esprit français n’est plus qu’une tradition perdue. […] — sous prétexte que l’esprit français ne bougeait plus et qu’il fallait le ranimer par des expériences culinaires, faites sur le vif des gens de lettres de tous les étages. […] Mais enfin, nous le demandons, ces dîners, entrepris dans un but un peu coquet, peut-être un peu fat, de dévouement à l’esprit français, ont-ils abouti… littérairement ? […] Les dîners pour le réveil de l’esprit français seront-ils moins heureux que les dîners du Caveau, qui ne réveillèrent pas non plus la gaîté française, mais qui, du moins, produisirent par mois leur ration de chansons lugubres ; car nous ne savons rien de plus triste que ces flons-flons païens, bachiques et grivois, enfantés par des têtes maniaques dans l’ivresse.

122. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — IV »

Ce grand honnête homme nous dit très consciencieusement ce qu’il a vu dans la province française, et son regard n’est pas bienveillant.‌ […] Il paraît que la crinoline et l’ajustement tournent la tête de toutes les femmes ; on doit rogner sur le bœuf et le potage pour fournir aux rubans. » — La société française lui suggère cette âpre réflexion : « La France est organisée en faveur des paysans et des petits bourgeois, et c’est un triste produit. […] Ce livre est un réquisitoire terrible contre les Français de 1865, et comme ils ne sont pas morts ou que leurs fils leur sont identiques, c’est, on en juge, une lecture assez stimulante.‌ […] Seulement, comme il n’est point un dessinateur, ni un poète, ni un romancier, mais qu’il est un philosophe sociologue, le personnage qu’il nous présente diffère de Joseph Prudhomme, du « philistin » des romantiques, et de Homais ; il nous fait voir le fonctionnaire français, ou l’administré français, tout domestiqué par « l’esprit fonctionnaire », mais à des traits certains nous reconnaissons dans le type qu’il nous détaille un frère des grandes caricatures romantiques.‌ […] En réalité, les Balzac, les Lamartine, les Gautier, les Flaubert, les Leconte de Lisle, les Taine, les Renan, etc., répugnent complètement aux conditions nouvelles de notre vie française où le fonctionnarisme, la spécialisation et la domination exclusive de l’argent accentuent chaque jour leur progrès.‌

123. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

Le caractère français, parisien, en tant qu’il diffère essentiellement du génie anglais, est parfaitement saisi et présenté par lui. […] Et notez jusque dans cette œuvre tout helvétique, tout allemande, un contrecoup de l’impulsion française ! […] Ceux qui sont à même de comparer les ouvrages de lui qui appartiennent à chacune des deux littératures, ont cru remarquer qu’il s’était fait une espèce de compensation dans sa manière de dire ; que sa phrase allemande avait gagné à son habitude du français d’être plus rompue et plus aisée qu’elle ne l’est d’habitude chez de purs Germains ; et que, dans sa dernière période toute française, son style épistolaire, en revanche, était un peu moins court et moins alerte que d’abord. […] Jamais bailli n’avait été si fêté, si applaudi : il unissait le désintéressement bernois et la franchise helvétique à la politesse française et à la condescendance philosophique. […] La révolution, que l’aristocratique Berne ne put éviter et qui brisa l’ancienne Confédération, approchait avec les armées françaises : elle s’accomplit en 1798.

124. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Avant d’en venir à Gœthe jugeant la France et les Français, donnons-nous le plaisir de le considérer encore par quelques aspects qui lui sont propres. […] Les Français se développent aujourd’hui, dit-il, et ils valent la peine d’être étudiés. Je mets tous mes soins à me faire une idée nette de l’état de la littérature française contemporaine, et si je réussis, je veux un jour dire ce que j’en pense. […] L’exactitude m’oblige pourtant à remarquer que ce mot, tel que je le cite d’après un ancien traducteur, a été un peu arrangé en français. […] Ce travail est le résultat de toute une éducation allemande et française, et de quelque chose encore que l’éducation ne donne pas, la curiosité et l’ardeur d’un Faust même

125. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

En attendant la réponse de l’Espagnol pour Charlemont, une garnison française occupait Dinant à titre provisoire. […] Quelques coups de fusil à peine échangés, les Français furent dedans aussitôt et occupèrent la tête du pont. […] Noble cité qui n’a gardé de l’Allemagne que la science et la bonté, et devenue toute guerrière et toute française par le cœur ! N’est-ce pas chez elle qu’a mérité de reposer, sous son marbre funéraire, le plus aimable et le plus Français de nos héros adoptifs, Maurice de Saxe ? […] Strasbourg est le plus beau trophée de sa politique patriotique et française.

126. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre I. Vue générale du seizième siècle »

Tendances pratiques et positives de la Renaissance française. […] Le xvie  siècle, au point de vue strictement littéraire, n’est en somme que l’histoire de l’introduction de l’idée d’art dans la littérature française, et de son adaptation à l’esprit français. […] La Renaissance française est un prolongement et un effet de la Renaissance italienne : la chronologie seule suffirait à l’indiquer. […] Dans la première époque de la Renaissance française, les divers courants ne se distinguent pas : tout se confond. […] L’art s’élimine aussi, par la tendance essentielle de l’esprit français, des autres ouvrages de la pensée.

127. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Tous les cœurs français étaient en émoi ; on sortait d’une grande crise ; on respirait plus librement et à pleine poitrine. […] Toute œuvre étrangère, en passant par la France, par la forme et par l’expression française, se clarifie à la fois et se solidifie, de même qu’en philosophie une pensée n’est sûre d’avoir atteint toute sa netteté et sa lumière, que lorsqu’elle a été exprimée en français. […] Tandis que dans la pièce française les premières scènes se passent en confidence, dans le drame espagnol tout est en tableau. […] C’est là, au reste, le procédé constant de Corneille, et, par lui, de la tragédie française. […] Il exprime en cela l’opinion de la plupart des seigneurs et gentilshommes français qui écoutaient le Cid.

128. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

. — Des fabulistes français aux treizième et quatorzième siècles. — De la fable dans Ésope et dans Phèdre. — § III. […] Il est le plus Français de tous nos poètes. — § VI. […] La Fontaine est le plus français de nos poètes. […] La Fontaine est peut-être de tous nos poètes le plus profondément français. […] Par sa langue, La Fontaine est le plus français de nos poètes.

129. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

Nouveau Dictionnaire des synonymes français, 1809, 2 vol. in-8. Vies des poètes français du siècle de Louis XIV, t.  […] Taine, Philosophes français au xixe s. […] Taine, Philosophes français au xixe  siècle. […] En 1832, il devint secrétaire perpétuel de l’Académie française, dont il était depuis 1821.Éditions : Cours de littérature française (Tableau de la litt.

130. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite et fin.) »

Rulhière était alors à Pétersbourg et dans la confidence du ministre français, M. de Breteuil, homme d’esprit et qui était lui-même très-porté pour Catherine. […] Elle aimait Plutarque d’Amyot, Tacite d’Amelot de La Houssaye, et Montaigne. — “Je suis une Gauloise du Nord, me disait-elle, je n’entends que le vieux français ; je n’entends pas le nouveau. […] Il tient par trop à montrer que « les Français sont les premiers singes de l’univers », et il le prouve lui-même en gambadant. Mais il a beau lui dire du mal des Français et de Paris, c’est bien le Français le plus Français de tous qu’elle cultive et qu’elle courtise en lui. […] J’aime à croire cependant qu’elle le fit non par mobilité et ingratitude, mais par un sentiment de délicatesse pour les émigrés français, nobles ou prêtres, qui étaient ses hôtes.

131. (1875) Premiers lundis. Tome III « Instructions sur les recherches littéraires concernant le Moyen Âge »

Ce furent les premiers essais de la science française. […] Il y en a beaucoup en français, et des étrangers même employaient à dessein cette langue. […] Existe-t-il, en français ou en latin, quelque ouvrage sur l’algèbre, antérieur au xvie  siècle ? […] On trouve des mots français intercalés dans des sermons latins dès le xiie  siècle, et sans doute auparavant. […] En général, la recherche des écrits latins du moyen âge se lie de près, non seulement à la connaissance du fonds littéraire commun de ces temps, mais aussi à l’étude philologique de notre langue, beaucoup de mots français, d’expressions françaises, plus ou moins altérés de l’ancien latin, ayant contracté cette altération dans leur forme de basse latinité.

132. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

  Un homme incarne, sous Louis XIV, l’épiscopat français. […] Ne nous occupons que des protestants français réfugiés dans le Brandebourg. […] Bossuet par la parole et de Moltke par l’épée, ont collaboré au désastre français. […] S. de Sismondi, Histoire des Français, tome XXV. […] Histoire des Français, tome XXV.

133. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIV. De la plaisanterie anglaise » pp. 296-306

L’indécence des pièces de Congrève n’eût jamais été tolérée sur le théâtre français : on trouve dans le dialogue des idées ingénieuses ; mais les mœurs que ces comédies représentent sont imitées des mauvais romans français, qui n’ont jamais peint eux-mêmes les mœurs de France. […] Les Français s’amusent volontiers d’eux-mêmes. […] Il y a de la misanthropie dans la plaisanterie même des Anglais, et de la sociabilité dans celle des Français : l’une doit se lire quand on est seul, l’autre frappe d’autant plus qu’il y a plus d’auditeurs. Ce que les Anglais ont de gaieté, conduit presque toujours à un résultat philosophique ou moral ; la gaieté des Français n’a souvent pour but que le plaisir même. […] L’imitation sied particulièrement mal aux Anglais ; leurs essais dans le genre de grâce et de gaieté qui caractérise la littérature française, manquent pour la plupart de finesse et d’agrément.

134. (1860) Cours familier de littérature. X « LXe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 401-463

Il en fut de même à Londres, où la grande manifestation radicale des trois cent mille chartistes, qui était venue nous demander le concours de deux ou trois cent mille ouvriers français, ne reçut de nous que le refus le plus sévère de prêter un seul Français à des excitations de guerre civile contre un gouvernement avec lequel nous étions en paix. […] Ma réponse, publique aussi, fut la réprobation la plus éclatante de toute intervention de la république française dans les insurrections intestines d’une partie de la Grande-Bretagne contre la mère-patrie. […] vint envahir une assemblée souveraine française, et donner à Paris le spectacle des anarchies de Varsovie. […] Il ne fut pas donné à une diplomatie d’émigrés de dicter des lois à la nation française. […] Mais la main autrichienne ne fut pour rien dans la révolution qui couvait en France sous la philosophie moderne, et nullement sous la diplomatie française.

135. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

Car la vieille gaîté française n’est point morte. […] « Demandez la Question-Wagner, par la Revue Française, dix centimes ! […] Puis le choix de l’Opéra-Comique, pour cette première représentation française d’un drame de Wagner, ce choix aussi les séduisait peu. […] Par tous les moyens, travaillons à faire représenter, sur un théâtre français, les drames de Richard Wagner. […] Il est né en 1836 en Belgique et fut l’élève du graveur français Léon Gaucherel.

136. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

Entre Amyot, Rabelais, Montaigne d’un côté, et Chateaubriand, Victor Hugo, Honoré de Balzac de l’autre, naît et finit le français classique. […] Réduit à un vocabulaire de choix, le français dit moins de choses, mais il les dit avec plus de justesse et d’agrément […] À ce titre, en 1789, la langue française est la première de toutes. […] Maury ajoutait avec sa brutalité habituelle : « À l’Académie française, nous regardions les membres de celle des Sciences comme nos valets » […] « Il n’y a plus aujourd’hui de Français, d’Allemands, d’Espagnols, d’Anglais même, quoique l’on dise ; il n’y a plus que des Européens.

137. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Le moment approche sans doute, où les Français, oubliant leurs tristes dissentiments, confondront dans une même affection le prince et la patrie. […] L’Académie française restera-t-elle indifférente à leurs alarmes ? […] Celle-ci est d’invention étrangère ; celle-là est d’imitation française. […] Les gens de goût voyaient sans colère et sans crainte ces importations qu’ils jugeaient sans danger pour un public français. […] Trop hardis peut-être pour des Français, combien n’ont-ils pas été timides en comparaison des Goethe et des Schiller ?

138. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. […] On croit que le premier Français à qui on rendit cet hommage, fut le célèbre Du Guesclin. […] La nation en l’admirant, aimait à se persuader qu’on peut mêler la galanterie à la grandeur et que le caractère d’un Français fut en tout temps d’allier la valeur et les plaisirs. […] L’orateur veut que tous les citoyens en passant dans cette rue malheureuse, s’arrêtent pour y verser des larmes ; il veut que la dernière postérité des Français vienne s’attendrir sur le lieu qui a été teint du sang du meilleur des rois. […] Il peint des Français témoins du supplice, et par un mélange affreux de férocité et de tendresse, changés tout à coup en cannibales, dévorant la chair sanglante de l’assassin.

139. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre II. — De la poésie comique. Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul » pp. 97-110

De même que la société russe, la poésie française manque d’un tiers-état163. — L’art n’est pas un plat miroir reproduisant telle quelle la réalité élégante ou vile. […] Dans cette comédie unique, si je ne me trompe, sur le théâtre français, Molière met en scène sa propre personne, et se joue hardiment de tout le monde comme de lui-même : ce qui est, vous le savez, Monsieur, un des éléments du vrai comique. […] Les Espagnols ont produit plus de comédies que les Français et les Italiens ensemble. […] La poésie française n’est qu’une épigramme prolongée. Pour un Français le sens commun, la vraie logique, c’est un bon mot.

140. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

Ce n’est nullement (comme on l’a cru un jour) une question de ressentiment français contre l’Allemagne victorieuse. […] Depuis l’Empire de Napoléon, qui faisait forteresse à la frontière contre tout ce qui n’était pas français, l’Allemagne positivement nous avait envahis, et, chose lamentable ! […] Elle avait subjugué l’imagination et l’opinion françaises. […] … Je sais bien que l’esprit français, l’esprit de la race, s’était laissé entamer bien avant l’avènement de Gœthe par l’idée protestante et philosophique dont l’Allemagne moderne et Gœthe sont sortis. […] Immédiatement justice fut faite, et la porte du journal où il écrivait fut fermée à l’auteur de l’article, pour avoir manqué, dans l’auguste personne de Gœthe, à la littérature française et au gouvernement français3 !

141. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Le croisement de l’italien et du français est rarement favorable au français ; alors qu’il nous est facile de nous entendre amicalement avec l’italien se donnant comme tel. […] Mais il n’est rien de plus contraire au génie français. […] Il se mit dans la famille française comme ses compatriotes dans la finance française, et la tarauda. […] Je ne parle que de la foule française, ignorant celle des autres pays. […] L’esprit français n’est pas seulement un redresseur de torts.

142. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

L’Académie française, il faut lui rendre cette justice, n’a pas été des dernières à appeler les esprits dans cette voie plus libre et à la proclamer ouverte désormais. […] C’est que des Cours faits en français comme ceux de M.  […] Rambert n’est pas Français de naissance, mais il est Français de langue, étant né dans la Suisse française ; il connaît Paris et y a vécu. […] Refaisons donc le premier pas, la première démarche victorieuse avec le poète resté si grand à bon droit dans la mémoire française. […] Corneille, Racine et Molière, deux Cours sur la poésie dramatique française au xviie  siècle, par M. 

143. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

L’idée d’une Anthologie française, d’un choix à faire dans le champ si vaste de notre poésie, est heureuse. […] L’imagination poétique française est prise désormais et enchevêtrée dans le réseau d’une logique étroite et pédantesque. […] Après Villon, la poésie française, engagée dans de fausses voies, reprend et poursuit son train de laborieuse décadence. […] Le Roman de la Rose, je l’ai dit, avait jeté l’esprit français dans une route de traverse, où il était empêché depuis près de deux siècles. […] Eugène Crépet, Les Poètes français, Recueil des chefs-d’œuvre de la Poésie française depuis les origines jusqu’à nos jours avec une notice littéraire sur chaque poète.

144. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre IV »

Chapitre IV La langue française et la Révolution. — Le jargon du système métrique. — La langue traditionnelle des poids et mesures. — La langue des métiers : la maréchalerie, le bâtiment, etc. — Beauté de la langue des métiers, dont l’étude pourrait remplacer celle du grec. […] Il restait à adoucir la théorie, comme on avait adouci la pratique et à faire rentrer dans renseignement primaire les termes français chassés au profit du grec ; on ne l’a pas osé et l’on continue à enseigner dans les écoles toute une terminologie très inutile et très obscure. […] La vénerie et le blason possèdent des langues entièrement pures et d’une beauté parfaite ; mais il m’a semblé plus curieux de choisir comme type de vocabulaire entièrement français celui d’une science plus humble, mais plus connue, celui de l’ensemble des corps de métier nécessaires à la construction d’une maison. […] 45 », et l’on verra que tous les outils, tous les travaux de tous ces ouvriers ont trouvé dans la langue française des syllabes capables de les désigner clairement. […] Ce presque rien concerne nivôse, vendémiaire, messidor et thermidor, mots qui n’ont aucun sens en français, tandis que brumaire, par exemple, ou prairial, ou ventôse sont de tout point parfaits.

145. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 31, que le jugement du public ne se retracte point, et qu’il se perfectionne toujours » pp. 422-431

Il est vrai que le langage de Ronsard n’est pas du françois ; mais on ne pensoit pas alors qu’il fût possible d’écrire à la fois poetiquement et correctement dans notre langue. […] Il semble qu’ils aïent voulu usurper les droits de la posterité en le proclamant le premier des poetes françois pour leur temps et pour les temps à venir. Il est venu depuis Ronsard des poetes françois qui avoient plus de génie que lui, et qui ont encore composé correctement. […] Ils ne mirent point sérieusement la Franciade au-dessus de l’éneïde quand le poeme françois eut paru. […] Chaque année qui se passera sans donner un successeur au Terence françois, ajoutera encore quelque chose à sa réputation.

146. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Sir Samuel Romilly, faisant le voyage d’Italie en 1815, était très-frappé de l’influence bienfaisante qu’avait exercée la domination française dans le pays. […] Il sentait vaguement que la société n’était que là, et qu’on ne pouvait passer pour un auteur vraiment français que quand on y avait reçu le baptême. […] D’ailleurs, voilà les Français ! […] Les Français, extrêmes en tout, défiants, soupçonneux, emportés dès qu’il s’agit de théories, vous jugent tout cela avec la furia francese. […] Pour son Histoire des Français, que j’ai appelée précédemment une compilation, il protesterait contre un pareil terme, son livre étant réellement fait d’original et d’après les sources.

147. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Des progrès de l’esprit français dans les lettres au xvie  siècle, et de l’illusion que se font, à cet égard, quelques personnes. — § IV. […] C’est dans ces quatre prosateurs qu’il faut chercher la plus complète image de l’esprit français au xvie  siècle. […] Les Budé, les Turnèbe, les Vatable, les Eauchet, les Ramus ont laissé des noms durables dans l’histoire de l’érudition française. […] Des progrès de l’esprit français dans les lettres au XVIe  siècle, et de l’illusion que se font, à cet égard, quelques personnes. […] L’Académie française, dans le choix qu’elle fit de quelques écrivains pour servir de modèles de la langue, ne se montra que juste en y joignant saint François de Sales à Malherbe.

148. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

L’imitation des tragiques allemands me semblerait très-dangereuse pour les tragiques français. […] Les Français ont un besoin d’unité qui leur fait suivre une autre route. […] Lorsque l’amour n’est qu’une passion, comme sur la scène française, il ne peut intéresser que par sa violence et son délire. […] Aucun des personnages de femmes que nous voyons sur la scène française n’en peut donner l’idée. […] J’ai donc rapproché Thécla des proportions françaises, en m’efforçant de lui conserver quelque chose du coloris allemand.

149. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Dans celle-ci se relient et tous les mouvements, toutes les tendances de la Renaissance française, dont elle est à ce moment la plus complète expression : plus complète sans nul doute que Marot qui la surpasse en talent littéraire. […] Mais le bon sens français la garantit des aventures du sentiment. […] On y démêle très aisément comment le style moderne de l’esprit français se dégage du moyen âge sous l’influence de l’Italie et de l’antiquité. […] Il est bien français encore en ce que l’idée chez lui, si peu de chose qu’elle soit, est la substance même et le tout de sa poésie ; le rythme, le mot n’ont de valeur que par l’idée, et relativement à l’idée. […] Le voici qui fait sa rentrée ou plutôt son entrée dans la littérature française.

150. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — II »

« Il paraîtrait, remarque sir Walter Scott, que les allusions classiques sont familières aux soldats français, ou bien que, sans être plus savants que d’autres, ils sont flattés qu’on les suppose capables de les comprendre. […] Mais c’est là un trait des Français, qu’ils prennent au pied de la lettre tout ce qui est compliment. […] Ils ne s’informent jamais si un arc de triomphe est bâti en pierre ou en bois, si un écusson est de métal solide ou s’il n’est que doré, et si un discours dont le but est de flatter la vanité nationale contient une véritable éloquence ou seulement une enflure extravagante. » Et tout cela, parce que les soldats français en 96 ne savaient pas ce qu’étaient les Tarquins ! […] Murad-Bey vit ce mouvement, prévoyait quelles en seraient les conséquences, il se disposa à charger avec sa brillante cavalerie, disant  qu’il fendrait les Français en deux comme des citrouilles. […] L’armée française partit d’Om-Dinar le 3 thermidor, à deux heures du matin ; elle rencontra bientôt, pour la première fois depuis Chébréis, un corps de mameluks ; c’était l’arrière-garde de Murad-Bey, qui se replia avec ordre et sans rien tester.

151. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Le lyrisme français au lendemain de la guerre de 1870 » pp. 1-13

Il faut que l’indomptable pensée française se réveille et combatte sous toutes les formes. L’esprit français possède cette grande arme : la langue française, c’est-à-dire l’idiome universel. […] Egger, dit beaucoup de mal de la France, de la littérature française, et “du petit homme aimable et spirituel” qu’il considère toujours comme le type de notre “nation”. […] En lisant cet article, nous songions aux vieux Français, à Rabelais, à Ronsard, à Montaigne, à Corneille, à Pascal, à Diderot, et aux Français modernes, à Hugo, à Michelet, à tant d’autres : tous petits hommes aimables et spirituels. […] — « Des poètes et des individus excessivement vertueux ont été couronnés par l’Académie française.

152. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 2. Caractère de la race. »

Car un abîme sépare aujourd’hui le génie celtique5 de l’esprit français. Il serait aussi téméraire de rechercher dans l’éloquence et dans la poésie gallo-romaines une première ébauche du goût français. […] Ils agirent comme un puissant réactif, ajoutant sans doute aux éléments celtique et latin, mais surtout les forçant à se combiner, à s’organiser en une forme nouvelle : en leur présence, et à leur contact, se forma, se fixa ce composé qui sera la nation française, composé merveilleux, où l’on ne distingue plus rien de gaulois, de romain ni de tudesque, et dont on affirmerait l’absolue simplicité, si l’histoire ne nous faisait assister à l’opération qui l’a produit. […] La forme dégradée du type français, c’est l’esprit gaulois, fait de basse jalousie, d’insouciante polissonnerie et d’une inintelligence absolue de tous les intérêts supérieurs de la vie ; ou le bon sens bourgeois, terre à terre, indifférent à tout, hors les intérêts matériels, plus jouisseur que sensuel, et plus attaché au gain qu’au plaisir. […] Voilà les ressources et les dispositions principales que l’esprit français apporte pour faire sa littérature, sans parler des autres caractères qui se rapportent moins directement à cet objet : voilà les traits principaux et permanents qu’il a dégagés pendant dix siècles d’intense production littéraire.

153. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVI. De l’éloquence et de la philosophie des Anglais » pp. 324-337

Nos écrivains français ayant toujours présent à leur pensée le tribunal de la société, cherchent à obtenir le suffrage de lecteurs qui se fatiguent aisément ; ils veulent attacher le charme des sentiments à l’analyse des idées, et faire ainsi marcher simultanément un plus grand nombre de vérités. […] Ce principe d’utilité, qui a donné, si je puis m’exprimer ainsi, tant de corps à la littérature des Anglais, a retardé cependant chez eux un dernier perfectionnement de l’art, que les Français ont atteint ; c’est la concision dans le style. […] Ils reprochent avec vérité aux écrivains français leur égoïsme, leur vanité, l’importance que chacun attache à sa personne, dans un pays où l’intérêt public ne tient point de place. […] L’éloquence populaire des anciens, celle des premiers orateurs français, produiraient dans la Chambre des communes plutôt l’étonnement que la conviction. […] Cette disposition d’esprit, chez les Français, doit porter très haut le vrai talent ; mais elle entraîne la médiocrité dans des efforts gigantesques et ridicules.

154. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Ce patriotisme contre la patrie n’avait pas encore été inventé par des publicistes français. […] Juste récompense du sang et de l’or français, bravement mais déshonnêtement prodigués à une guerre illicite. […] Le cabinet français devient le législateur des nationalités, le tribunal des limites des peuples. […] L’évacuation sans condition du territoire français ? […] Les Français ont-ils donc seuls le privilège de l’orgueil national ?

155. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Le Sage » pp. 305-321

Elle eût effrayé et déconcerté sa nature tempérée, à ce français du xviiie  siècle ! […] une espèce d’Espagne à la française et à teintes adoucies. […] Elle aurait été une blessure pour la délicatesse du goût français. […] Il avait versé de l’eau dans ce vin de feu… Il avait glissé sur les mœurs de ce peuple si fièrement sérieux et si sombrement grave, avec la petite rose de la gaîté française à la bouche. […] Telles les qualités françaises et incorrigiblement françaises qui, dans le grand art du roman qu’il abordait, sont des défauts immenses, et qui firent immédiatement réussir Le Sage.

156. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Necker et par l’Assemblée française les pensions que le roi et la reine avaient généreusement accordées à la comtesse ? […] Ce n’est pas une révolution à la manière française qui l’a restaurée, c’est le sens dessus dessous si caractéristique de notre époque. […] Je n’en ai jamais entendu parler ailleurs ; mais, si c’était fondé, cela justifierait la veuve royale de sa liaison avec Fabre, le jeune peintre français, ami et commensal du poète. […] L’arrivée de l’armée française en Toscane redoubla sa haine ; il allait être dérangé dans son pédantisme. […] Mon amie et moi, nous n’avions pas mis le pied à Florence tant que l’invasion avait duré, ni souillé nos regards de la vue d’un seul Français.

157. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Mauvais côtés et défauts, et comment l’esprit du calvinisme est un schisme dans la littérature française. […] C’est là la part du bien, et ce bien a produit ses fruits ; il s’est incorporé en quelque façon à l’esprit français dont il fait partie. […] Mauvais côtés et défauts, et comment l’esprit du calvinisme est un schisme dans la littérature française. […] C’est sans doute un des beaux côtés de l’esprit français et de la langue, mais ce n’est pas le plus beau. Le calvinisme, schisme religieux., est, pour l’historien de la littérature française, un schisme littéraire.

158. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Chênedollé, Charles-Julien Lioult de (1769-1833) »

Babou dans les Poètes français d’Eug.  […] Babou dans les Poètes français d’Eug.  […] Ainsi, depuis le dix-huitième siècle, et spécialement depuis Voltaire, la poésie française a parlé le langage des philosophes, et même a pénétré dans le domaine des sciences physiques. […] [Tableau historique de l’état et des progrès de la littérature française depuis 1789 (éd. de 1834).] […] [Les Poètes français, recueil publié par Eug. 

159. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne Les étapes de la littérature française se succèdent avec une clarté qui permet d’en déduire une loi d’évolution. […] L’épopée n’a plus une œuvre digne d’être mentionnée ici, et le théâtre en reste à l’édification spirituelle, sans connaître cette fermentation qui donne au théâtre français, dès le xive  siècle, son importance historique. […] La deuxième ère de la littérature italienne, préparée déjà par Pétrarque et Boccace, puis arrêtée par l’humanisme pur, s’affirme vers le milieu du xve  siècle, devançant ainsi de cent ans la Renaissance française. […] Français, Allemands, Espagnols et Autrichiens, rois et papes, se sont coalisés pendant plus de mille ans pour asservir ce pays qu’on appela « la terre des morts ». […] Je sais bien qu’on s’est ingénié à relever tous les emprunts du « dolce stil nuovo » à la poésie provençale et française.

160. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

En cela encore Molière est si Français ! […] Aucun Allemand n’est plus Allemand que Goethe, aucun Français plus Français que Stendhal. […] Quels sont les plus grands écrivains français ? […] Ces vérités, tous les bons Français les savent. […] En pleine guerre, ce Français ne s’en inquiétait pas.

161. (1875) Premiers lundis. Tome III « Maurice de Guérin. Lettre d’un vieux ami de province »

Ce sentiment-là, par rapport à la Grèce, ne se retrouve dans la littérature française que depuis l’école moderne. […] À la renaissance du xvie  siècle, la langue et la littérature grecques rentrèrent presque violemment et à torrent dans la littérature française : il y eut comme engorgement au confluent. L’école de Ronsard et de Baïf se fît grecque en français par le calque des compositions et même la fabrique des mots ; il y eut excès. […] 2º Avec l’école de Malherbe et de ses successeurs classiques, la littérature française se rapprocha davantage du caractère latin, quelque chose de clair, de précis, de concis, une langue d’affaires, de politique, de prose ; Corneille, Malherbe, Boileau n’avaient que très peu ou pas du tout le sentiment grec. […] Sainte-Beuve, le Tableau de la Poésie française au xvie  siècle.

162. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

En français dans le texte. […] En français dans le texte. […] En français dans le texte. […] En français dans le texte. […] Traduction française de M. 

163. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre I. Querelle des Anciens et des Modernes »

Vers le même temps, la lutte s’engagea sur un autre point : il s’agissait de savoir si l’inscription d’un arc de triomphe dirait la gloire du roi en latin ou en français. […] Au fond, Boileau était dans une fausse position : il était très « moderne » lui-même, et la façon dont il a habillé son Longin à la française montre la puissance qu’a sur lui le moyen goût de son siècle. […] Discours imprimé dans l’édit. in-8 du Clovis de 1673 ; Comparaison de la langue et de la poésie française, in-12, 1670 ; la Défense du poème héroïque, in-4, 1674 ; la Défense de la poésie et de la langue française, in-8, 1675. […] Charpentier, Défense de la langue française, pour l’inscription d’un arc de triomphe, in-12, 1676 ; le P. […] Charpentier, De l’excellence de la langue française, 1683, 2 vol. in-12.

164. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 29, qu’il est des païs où les ouvrages sont plûtôt apprétiez à leur valeur que dans d’autres » pp. 395-408

Le préjugé des françois est en faveur des étrangers où il ne s’agit pas de cuisine et de bon air, mais celui des italiens est contraire aux ultramontains. Le françois suppose d’abord l’artisan étranger plus habile que son concitoïen, et il ne revient de cette erreur, quand il s’est abusé, qu’après plusieurs comparaisons. […] Les italiens peuvent se vanter de leur circonspection, et les françois de leur hospitalité. […] Les françois en general n’ont pas le sentiment intérieur aussi vif que les italiens. […] Les françois me croiront sans peine.

165. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

Ainsi pourrions-nous, sans nous arrêter aux pseudo-écoles du naturisme ou de l’humanisme, distinguer aujourd’hui, dans le roman français, trois ou quatre courants principaux. […] Boylesve est un vrai classique : il l’est dans le sens français, c’est-à-dire qu’il subordonne l’émotion à la raison, mais qu’il ne dédaigne aucun des éléments d’art propres à la première de ces facultés. Doué d’un tact très net pour atteindre la vision exacte des choses, il décore ce réalisme d’une langue châtiée et pittoresque, qui est la pure langue classique française. […] Si les images en sont riches, en effet, la contexture générale en demeure bien française. […] Études de littérature française, 5e série, par René Doumic, chez Perrin.

166. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Que reste-t-il de la tragédie française ? […] À quoi aboutit l’évolution de la critique française ? […] L’idée de classique ne descend pas seulement du grec vers le français, elle remonte du français vers le grec. […] L’esprit français serait un tempérament de l’un et de l’autre. […] Même l’Histoire de la littérature française de Nisard est construite autour d’une idée de durée : la formation, la révélation, l’épanouissement de l’esprit français.

167. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Nous continuerons de le suivre hors de France, en faisant remarquer un seul point pour l’explication morale de sa conduite ; c’est que Mallet du Pan n’était point Français. […] Mallet, selon moi, n’appelle pas de son vrai nom cette disposition du soldat français à s’oublier sous le drapeau, quand il l’attribue surtout à la vanité ; il faut appeler cette vanité de son vrai titre social, qui est l’honneur. Mais si, dans la froideur et le bon sens de sa nature genevoise et de sa race protestante, il n’est nullement en sympathie avec ces dispositions tant populaires que militaires du génie français, et d’où plus d’une fois a jailli l’héroïsme, on ne saurait l’accuser de les avoir méconnues. […] » Il était bien près de céder à l’impétuosité française ce jour-là. […] Lorsque Genève fut annexée à la France (avril 1798), trois Genevois furent, par le traité de réunion, déclarés à jamais privés et exclus de l’honneur d’appartenir à la nation française, et nommément à leur tête Mallet du Pan.

168. (1940) Quatre études pp. -154

Quand un poète français écrit, c’est quelquefois pour être senti, mais c’est toujours pour être compris. […] Garnier, Muse française, mai 1925). […] Mais les Français, eux, défendent leur Moi. […] Car la langue française n’a pas ici d’équivalent exact. […] Marcel Moraud, Le romantisme français en Angleterre.

169. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Peyrot possesseur d’une précieuse collection sur la Révolution française l’a mise toute à notre disposition, avec un empressement et une grâce de bon office qui méritent qu’on n’en soit pas oublieux. […] Pour être complète, l’histoire de la société française pendant la Révolution, demande un autre volume l’Histoire de la société française pendant le Directoire : l’accueil que fera le public à ce premier volume décidera si nous irons jusqu’au bout de notre œuvre. […] L’Histoire des maîtresses de Louis XV mène le lecteur de 1730 à 1775 ; l’Histoire de Marie-Antoinette le mène de 1775 à la Révolution ; l’Histoire de la société française pendant la Révolution le mène de 1789 à 1794 ; l’Histoire de la société française pendant le Directoire le mène enfin de 1794 à 1800. […] Il convaincra encore les favorites du xviiie  siècle d’une autre œuvre de destruction : il leur rapportera l’abaissement et la fin de la noblesse française. […] Il est une ère humaine, il est le siècle français par excellence.

170. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

… Avons-nous des précurseurs ou bien voyons-nous les dernières lueurs de l’esprit français ? […] Le barrésisme est un développement de l’unité intellectuelle et morale du français. […] Par là, son influence fut conforme aux aspirations françaises. […] Le romantisme de Zola se heurta aux partisans de la vérité française. […] Toutes les productions françaises sont au-dessus de l’utilité immédiate.

171. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Prions Dieu pour qu’elle reste toujours bien saine, la sève de la famille, et toujours française, cette terre lorraine qui nous coûte tant de larmes. […] si je meurs, ce sera en bon Français, vous pourrez en être fière !‌ […] En apprenant la mort de Guy de Cassagnac, il écrit : « Guy et Paul de Cassagnac ont montré qu’ils étaient de bon sang français et on ne peut que déplorer à leur égard comme à mille autres la folie diviseuse qui anima tous les Français depuis les Cassagnac jusqu’à moi-même… » Et cette autre note encore : « Que de jeunes juifs auxquels je refusais absolument la solidarité française sont tombés au champ d’honneur après s’être héroïquement comportés !  […] S’il se mêlait à leur émulation des ferments d’hostilité, je dirais que celle-ci contribue encore à l’amitié française. […] Fort nombreux chez nous, ils relèvent d’une grande tradition française et anglaise du xviiie .

172. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

RODOLPHE TÖPFFER106 1841 Il est de Genève, mais il écrit en français, en français de bonne souche et de très-légitime lignée, il peut être dit un romancier de la France. […] C’est une étrange situation, et à laquelle nous ne pensons guère, nous qui ne pensons volontiers qu’à nous-mêmes, que celle de ces écrivains qui, sans être Français, écrivent en français au même titre que nous, du droit de naissance, du droit de leur nourrice et de leurs aïeux. […] Qu’on se figure bien la difficulté pour un écrivain de la Suisse française, qui tiendrait à la fois à rester Suisse et à écrire en français, comme on l’entend et comme on l’exige ici. […] Son français fut d’abord peut-être un peu appris, mais appris de haut et par delà, comme il sied. […] Réguis, curé dans le diocèse d’Auxerre et ensuite dans celui de Gap, à une époque peu éloignée de la révolution française.

173. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Il n’eût pas été un mauvais historien de la Révolution française. […] Nommant les évêques, ils étaient les vrais chefs du clergé français. […] Son premier livre est et veut être un Pindare français. […] Héroët voulut être le Pétrarque français. […] Voilà les deux objets du livre. 1° Il faut écrire en français, 2° il faut écrire en français mieux qu’on a fait jusqu’à présent.

174. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

De là, la guerre de cent ans ; et Jeanne d’Arc sauvant la patrie prend une grandeur symbolique : c’est le peuple français à la rescousse. […] En élargissant son horizon dans l’espace et dans le temps, l’esprit français retrouve le sens de l’histoire. […] On a dit et répété que le Français n’a pas la tête épique. […] Ce qui explique que l’expression artistique de la civilisation française est surtout littéraire. […] Retinger : Histoire de la littérature française du Romantisme à nos jours.

175. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Ils n’ont jamais été, comme les Français, dans cette sorte de situation intermédiaire, la plus féconde de toutes en contrastes spirituels. […] Il ne me paraît pas douteux que la nature morale est plus énergique dans ses impressions que nos tragiques français, les plus admirables d’ailleurs, ne l’ont encore exprimée. […] Mais c’est la réunion même de ces deux talents qui a été l’une des principales causes des grandes différences qui existent entre la tragédie française et la tragédie anglaise. […] Enfin, pour ouvrir une nouvelle source d’émotions théâtrales, il faudrait trouver un genre intermédiaire entre la nature de convention des poètes français et les défauts de goût des écrivains du Nord. […] Ducis, dans quelques scènes de presque toutes ses pièces ; Chénier, dans le quatrième acte de Charles IX ; Arnault, dans le cinquième acte des Vénitiens, ont introduit sur la scène française un nouveau genre d’effet très remarquable, et qui appartient plus au génie des poètes du Nord qu’à celui des poètes français.

176. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Il n’avait que vingt ans quand il fut couronné par l’Académie française pour cet Éloge, qu’il n’a sans doute pas jugé depuis assez mûr. […] Il étudia dans le Journal inédit d’un ambassadeur français à Londres (Hurault de Maisse) la politique d’Élisabeth à l’égard de la France et de Henri IV ; ce fut le sujet de sa thèse française. […] Il avertit dans la préface qu’il écrivit d’abord en français et la traduisit ensuite en latin « pour répondre aux exigences du doctorat » ; mais c’est sous sa première forme qu’il la donne au public. […] Fortoul, cet ami des talents, l’avait distingué et lui confia la chaire de littérature française à la Faculté d’Aix, cette même chaire qu’il avait occupée lui-même avant de passer à la politique. […] C’est encore là un procédé à la Swift, mais un peu trop marqué, pour nous Français qui n’appuyons pas tant.

177. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Du Vair, faisant un traité de l’éloquence française, et des raisons pourquoi elle est demeurée si basse, blâmait le goût de vaine érudition qui gâtait tous les discours ; Pasquier s’en plaignait comme lui. […] Cependant les mêmes idées commençaient à agir sur les protestants : de larges esprits s’élevaient parmi eux, qui, revenant aux vrais principes de la première réforme, ne demandaient qu’à mettre d’accord leur conscience religieuse et leur devoir de Français au moyen des conditions posées par L’Hôpital et par Bodin. […] Et ainsi la Ménippée tient sa place dans l’histoire de la pénétration de l’esprit français par le génie ancien. […] Hotman, Franco-Gallia, 1573 ; trad. française, 1574. Le Réveille-matin des Français, anonyme (Beze ou Hoteman), 1574.

178. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Th. Carlyle » pp. 243-258

Carlyle Histoire de la Révolution française, dernier volume, traduit par M.  […] Thomas Carlyle a écrit l’Histoire de la Révolution française, et nous en faisions une autre alors pour les Carlyle futurs, s’il y en a qui veulent l’écrire. […] Et si le puissant historien anglais a fait des grotesques énormes des scélérats de la première Révolution française, que ferait-il des pygmées criminels qui sont sortis d’eux, de tous ces eunuques de naissance que je n’appellerai même pas des petits crevés révolutionnaires ; car, pour être crevé, il faut avoir vécu, si peu que ce soit ! […] Voilà ce qui saute aux yeux tout d’abord dans Carlyle, et ce qui y sauta d’une si étrange manière lorsque son livre sur la Révolution française fut révélé à la France. […] La passion et la vie, Carlyle n’a pas d’autre préoccupation dans son Histoire de la Révolution française, où elles atteignirent à des diapasons de furie si épouvantablement aigus !

179. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre IV. Moyens de déterminer les limites d’une période littéraire » pp. 19-25

Moyens de déterminer les limites d’une période littéraire Comment déterminer d’une façon scientifique les diverses périodes qui remplissent les neuf siècles de la littérature française ? […] Il suit de là que toutes les œuvres de la littérature française forment ainsi des groupes, d’abord considérables, qui comprennent d’autres groupes plus petits, auxquels sont subordonnés des groupes moindres encore. […] Les contemporains les plus clairvoyants remarquèrent ce changement de direction dans la pensée française. […] Ce n’est point notre intention ni notre affaire d’énumérer ici toutes les périodes secondaires entre lesquelles doit se morceler l’histoire de la littérature française ; il nous suffit d’avoir indiqué les moyens d’en reconnaître les limites. […] Ainsi, la littérature française du xviiie  siècle, à n’envisager que le fond des choses, est révolutionnaire avant la Révolution.

180. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre III. Ce que c’est que le Romanticisme » pp. 44-54

Imiter aujourd’hui Sophocle et Euripide, et prétendre que ces imitations ne feront pas bâiller le Français du dix-neuvième siècle, c’est du classicisme7. […] Et l’on veut que cette poésie plaise à un Français qui fut de la retraite de Moskou11 ! […] Par hasard, la nouvelle tragédie française ressemblerait beaucoup à celle de Shakspeare. […] Lemercier, L’esprit français repoussera surtout le galimatias allemand que beaucoup de gens appellent Romantique aujourd’hui. […] Figurez-vous le Champ de Bataille de Pavie, traduit en français par Boileau ou par M. l’abbé Delille.

181. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Or la sélection française est la plus faible de toutes. […] Le 18 mars 1871 est, depuis mille ans, le jour où la conscience française a été le plus bas. […] Quels sont les vœux qu’un bon Français peut former en de telles circonstances ? […] Quelle y sera la part de l’originalité française ? […] Il n’y a jamais eu de révolution française qui n’ait eu son contrecoup à l’étranger.

182. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre VI »

Les mots grecs imposés au dictionnaire français perdraient une partie de leur laideur pédante si on les soumettait à une simple opération de nettoyage. […] J’ose à peine dire que kilo, kyste deviendraient français sous la forme quiste, quilot ; cela est trop évident et trop simple pour qu’on l’admette. […] Il y a loin de ces petits travaux de jardinage au bouleversement entrepris par certains réformateurs que l’ignorance du vieux français rend tout à fait impropres à concilier la beauté traditionnelle avec la beauté d’utilité. […] Je considère comme intangibles la forme et la beauté de la langue française, et si je livre à la serpe la plupart des mots grecs et des mots étrangers, c’est précisément pour leur donner la beauté qui leur manque. […] Il veut que « chaque lettre soit maîtresse chez soi », c’est-à-dire qu’on n’écrive pas ché une syllabe qui doit se prononcer qué, parce que le ch français n’a qu’un seul et unique son.

183. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 19, qu’il faut attribuer aux variations de l’air dans le même païs la difference qui s’y remarque entre le génie de ses habitans en des siecles differens » pp. 305-312

Ainsi qu’on impute à la difference qui est entre l’air de France et l’air d’Italie, la difference qui se remarque entre les italiens et les françois, de même il faut attribuer à l’altération des qualitez de l’air de France la difference sensible qui s’observe entre les moeurs et le génie des françois d’un certain siecle et des françois d’un autre siecle. Comme les qualitez de l’air de France varient à certains égards, et qu’elles demeurent les mêmes à d’autres égards, il s’ensuit que dans tous les siecles, les françois auront un caractere general qui les distinguera des autres nations, mais ce caractere n’empêchera pas que les françois de certains siecles ne soient differens des françois des autres siecles.

184. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

III, 1881 et 1883 ; et les Époques du théâtre français, 1892 ; — G.  […] XXXVII] ; — et, à ce propos, quelques mots sur la colonie française à Londres en 1726 [Cf.  […] Desnoiresterres, Voltaire et la société française, etc., t.  […] Suard, Paris, 1820 ; — Louis Blanc, Histoire de la Révolution française, t.  […] Ernest Hæckel, Histoire de la création naturelle, trad. française, Paris, 1874].

185. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Troisième partie. Dictionnaire » pp. 243-306

Miniatures, Société des Artistes Français, 1898. […] Le Français, 20 janvier 1901. — Stuart Merrill. […] — L’Énergie Française. […] Mendès, Rapport sur le mouvement poétique français, E.  […] Mendès, Rapport sur le mouvement poétique Français, Fasquelle, 1902 (Μ. 

186. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre V. Beau côté de l’Histoire moderne. »

Mélange du sang allemand et du sang français, le peuple anglais décèle de toutes parts sa double origine. […] Il réunit à la simplicité, au calme, au bon sens, à la lenteur germanique, l’éclat, l’emportement et la vivacité de l’esprit français. […] Fils aînés de l’antiquité, les Français, Romains par le génie, sont Grecs par le caractère. Inquiets et volages dans le bonheur, constants et invincibles dans l’adversité, formés pour les arts, civilisés jusqu’à l’excès, durant le calme de l’État ; grossiers et sauvages dans les troubles politiques, flottants comme des vaisseaux sans lest au gré des passions ; à présent dans les cieux, l’instant d’après dans les abîmes enthousiastes et du bien et du mal, faisant le premier sans en exiger de reconnaissance, et le second sans en sentir de remords ; ne se souvenant ni de leurs crimes, ni de leurs vertus ; amants pusillanimes de la vie pendant la paix ; prodigues de leurs jours dans les batailles ; vains, railleurs, ambitieux, à la fois routiniers et novateurs, méprisant tout ce qui n’est pas eux ; individuellement les plus aimables des hommes, en corps les plus désagréables de tous ; charmants dans leur propre pays, insupportables chez l’étranger ; tour à tour plus doux, plus innocents que l’agneau, et plus impitoyables, plus féroces que le tigre : tels furent les Athéniens d’autrefois, et tels sont les Français d’aujourd’hui. […] Grâce au génie du christianisme, nous allons montrer qu’en histoire l’esprit français a presque atteint la même perfection que dans les autres branches de la littérature.

187. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

quatre-vingts millions d’Allemands groupés en une seule puissance active contre trente-six millions de Français ! […] Cette haine doit vous éclairer, vous, Français, sur la nature de l’Autriche. […] Elle aura fait ainsi plus qu’une conquête : elle aura fait l’ordre français en Turquie, au lieu du désordre européen. […] Enfin nous lui devons une force française, toujours prête à garantir cette confédération italienne. […] Je l’ai toujours dit aux publicistes français et italiens, complices à leur insu de cette pensée antifrançaise et antiitalienne : « Prenez-y garde !

188. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

La pièce, à tout prendre, est-elle trop française ? […] Assurément des Français la comprendront, et des Allemands aussi. […] Personne n’ose dire : nationale aussi, française sous la plume d’un Français, allemande sous celle d’un Allemand, et toute pleine de patriotisme. […] Lettre à l’Académie française. […] Voltaire, Lettre à l’Académie française.

189. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Gibbon est à certains égards un écrivain français, et il a de droit sa place marquée en notre xviiie  siècle. […] Plus tard, retourné en Angleterre, le premier essai qu’il publia (Essai sur l’étude de la littérature, 1761) est écrit en français. […] Le petit écrit que Gibbon publia en français était composé dès 1759, quand il n’avait que vingt-deux ans. […] Le français est de quelqu’un qui a beaucoup lu Montesquieu et qui l’imite ; c’est du français correct, mais artificiel. […] On a les Extraits raisonnés de ses lectures durant ses loisirs de camp ; bon nombre de ces Extraits sont en français.

190. (1874) Premiers lundis. Tome I « Bonaparte et les Grecs, par Madame Louise SW.-Belloc. »

Qu’il n’y ait eu ni Russes ni Autrichiens, qu’on supprime et la Révolution français, et Bonaparte, et l’Europe entière, hormis les Turcs, les Grecs n’auraient pas moins eu tendance éternelle à une régénération qui eût éclaté tôt ou tard. […] Bonaparte était général en chef de l’armée d’Italie ; vainqueur de Venise, il ajoutait aux possessions françaises, par le traité de Campo-Formio, Corfou, Zante, Céphalonie, Sainte-Maure, Cérigo, avec les villes et ports de l’Albanie ; les Grecs devenaient ainsi nos alliés et nos voisins. Il paraît qu’alors Bonaparte méditait quelque coup d’éclat, qui l’élevât encore plus haut dans l’opinion des Français à mesure que le Directoire y perdait davantage. […] Cependant, des commissaires envoyés à Corfou avaient ordre d’y rassembler des munitions de tous genres : des officiers du génie, d’artillerie, parmi lesquels on cite le général Foy, levaient le plan de la Macédoine et de la Servie ; Ali-Pacha, jaloux de la Porte, ne semblait pas défavorable aux Français. […] Quoi qu’il en soit, tout le livre de madame Belloc est une estimable protestation du talent contre cette politique, et un titre nouveau qui honore les dames françaises.

191. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 4. Physionomie générale du moyen âge. »

Mais il nous faut maintenant revenir au point de départ, à la première époque de la littérature française, et embrasser d’un regard les principaux caractères du monde qui s’y exprime et s’y réjouit. […] Ne nous attachons pas à la société cléricale, qui d’abord fournit si peu à la littérature française. […] Elles rendent impossible la saine conception de l’histoire : et il est notable que dans l’âge moderne l’esprit français, substituant une conception philosophique à la conception théologique de l’univers, n’arrivera pas encore sans grande peine à l’intelligence historique, comme si sa nature répugnait secrètement à la considération du contingent, du relatif, de ce qui passe dans les choses qui passent. […] Quand les laïcs diront en français ce que disputent les clercs en latin, et quand ils commenceront à se demander pourquoi le réel n’est pas conforme à l’idée, c’en sera fait du moyen âge. […] Il portait et préparait l’avenir : quoi que l’esprit français ait reçu plus tard du dehors, il fallait qu’il pût le recevoir sans se dissoudre et périr, et ce qu’il fut alors détermine plus qu’on ne pense ce qu’il a été depuis.

192. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lemercier, Népomucène Louis (1771-1840) »

[Tableau historique de l’état et des progrès de la littérature française depuis 1789 (édit. de 1834).] […] Interdit du théâtre, il s’était jeté dans les sciences et avait composé l’Atlantide ; pauvre, il monta dans la chaire de l’Athénée ; il dota les lettres françaises de ce Cours de littérature qui est un des plus beaux monuments que la science de l’antiquité ait élevés parmi nous. [Discours à l’Académie française (1841).] […] Lemercier, pour faire face à toutes les rencontres de la vie, deux hommes, — deux hommes libres, — un homme politique indépendant, un homme littéraire original… [Discours de réception à l’Académie française (2 juin 1841).] […] [Les Poètes français, publiés par Eug. 

193. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

Tour la première fois, une des créations de la seconde manière de Wagner était traduite en français et représentée par des chanteurs français : quelle physionomie prendrait la pièce ? […] Sa version française est claire, aisée, ingénieuse, exactement prosodiée. […] Il n’est plus à revenir sur les qualités de la version française de M.  […] La Lettre sur la musique (1860) s’adresse directement au public français. […] Cet essai a été pendant longtemps le texte de référence du wagnérisme français.

194. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Le Guerino a-t-il aussi une source française ? […] Sous son vieux nom français d’Espolice, elle m’était, depuis longtemps, familière. […] Philippe était né en Italie, où nous trouvons presque exclusivement, après lui, le nom qu’il donne au Juif immortel ; d’autre part il écrivait en français tant sa prose que ses vers, et il se montre tout imbu de littérature française ; enfin il vivait en Syrie : un personnage mythique mentionné par lui peut donc avoir une origine italienne, française ou orientale. […] De ce nombre est aussi l’historiette qui a fourni son thème au poème français qu’on lira plus loin. […] VIII, p. 110) ; mais il y en a en français des exemples incontestables.

195. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XV. De l’imagination des Anglais dans leurs poésies et leurs romans » pp. 307-323

On se demande pourquoi les Anglais qui sont heureux par leur gouvernement et par leurs mœurs, ont une imagination beaucoup plus mélancolique que ne l’était celle des Français ? […] Si l’on disait en français précisément les mêmes mots, la table est remplie, le plus grand acteur du monde ne pourrait, en les déclamant, faire oublier leur acception commune ; la prononciation française ne permettrait pas cet accent qui rend nobles tous les mots en les animant, qui rend tragiques tous les sons, parce qu’ils imitent et font partager le trouble de l’âme. […] Si les Français supportent les détails inutiles qui sont accumulés dans ces écrits, c’est par la curiosité qu’inspirent des mœurs étrangères. […] Les anciens romans français peignent des aventures de chevalerie, qui ne rappellent en rien les événements de la vie. […] Tous les autres romans français que nous aimons, nous les devons à l’imitation des Anglais.

196. (1895) Histoire de la littérature française « Avant-propos »

Une Histoire de la Littérature française devrait être le couronnement et le résultat d’une vie tout entière. […] J’offre ce livre « à qui lit », comme disaient les honnêtes préfaces du vieux temps, à quiconque lit nos écrivains français. […] J’ai été conduit ainsi à éliminer tout ce que souvent on a mêlé dans une Histoire de la Littérature française, et qui pourtant n’y appartient pas réellement. […] Je n’y ai donc pris que ce qui était indispensable à l’explication de la littérature française, aux endroits où il y a coïncidence, influence et liaison nécessaire. […] Au reste, j’ai essayé de simplifier l’exposition des progrès de la Littérature Française.

197. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’ancien Régime et la Révolution »

Quoique le volume ne soit que la première partie d’un ouvrage qui doit en avoir deux, quoique nous ne soyons pas encore entrés dans la Révolution française, le livre de Tocqueville se distingue par l’ancienne manière de l’auteur : le manque de netteté, de profondeur et de conséquence. […] Il n’est, au fond, que l’histoire des causes de la Révolution française et des filiations qu’elle peut avoir avec le régime qui l’a précédée et qu’on appelle l’ancien Régime. […] La Révolution française ne tient aux derniers faits qui la précèdent que comme le verre d’eau tient à la dernière goutte qui va le faire déborder ! […] Avec les explications qu’il nous donne sur la Révolution française, soit qu’on l’accepte, soit qu’on la réprouve, en reconnaître la terrible grandeur sera également impossible. […] Tocqueville, le parlementaire, l’engoué de la liberté politique comme Louis-Philippe nous l’avait dosée, est-il, oui ou non, pour la Révolution française, dont il dit : « L’ancien Régime lui a « fourni plusieurs de ses formes.

198. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Horace Walpole »

Ce n’est pas ici la Correspondance de Walpole ; ce n’est que les lettres de Walpole à quelques amis, — et pour que la chose soit encore plus française dans l’incomplet et l’abrégé, choses déjà si françaises ! […] On n’est pas plus Français ! […] … En est-ce la crème que ces Lettres sur la France, si ce n’est pour un chat français ? […] de retrouver à Paris les discussions et Richardson : « Je nous croyais déchus, — écrit-il, — mais les Français le sont cent fois plus que nous. […] Crébillon le fils est démodé. » Lui encore, qui avait appris ce qu’il savait de français dans les adorables Mémoires du comte de Grammont, édités d’admiration par lui, il se demande où, dans l’empâtement philosophique universel, s’en était allée la délicieuse et ancienne vivacité française, cette furie qui gagnait les batailles de l’esprit comme les autres !

199. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Nous avons soif de vins français. […] Le Wagnériste. — Elle naîtra du sujet, pareille à lui, profondément française, si le sujet est français. […] Le drame musical en France serait une œuvre où l’inspiration française, profondément française, se développerait selon des lois empruntées au système wagnérien ? […] Kufferath est l’auteur de la version française de Parsifal. […] Il avait répondu : « il faut se procurer un poème vraiment français […] conforme avant tout au génie français ».

200. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

Français, Italiens, Anglais et Allemands, tout se rapprocha. […] Mais ce qui dut contribuer le plus à enrichir la langue française, ce fut le commerce avec Constantinople. […] Seulement ces mots se déguisèrent sous une terminaison française, comme des étrangers qui prennent l’habit du pays qu’ils viennent habiter. […] Ainsi, par la suite des siècles et des hasards, la langue française se formait, s’enrichissait, s’épurait par degrés. […] M. d’Alembert, dans son discours de réception à l’Académie française.

201. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Tous ces exemples prouvent qu’un officier français pouvait, en 1792, continuer de combattre dans l’armée française, sans être, pour cela, un condottiere de la Renaissance italienne. […] On le nomma d’emblée capitaine dans l’armée française. […] Welschinger, triste mission, en vérité, pour des soldats français ! […] Vous n’êtes pas Français, Benjamin ! […] M. l’Empereur des Français, près S. 

202. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Ils poursuivent ces deux buts ; le triomphe de la jeune école de musique française est lié pour eux au succès définitif de Wagner. […] Faire tout ceci, c’est faire en même temps œuvre française et œuvre wagnérienne. […] C’était en même temps la mort de toute réforme selon l’esprit wagnérien, et un coup terrible porté à la musique française. […] Il serait injuste de ne pas accorder une mention à l’ancien opéra-comique français. […] Jules François Félix Husson, dit Champfleury (1821 — 1889) est un écrivain français.

203. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Très peu de ces enfantillages ont passé du texte original dans l’édition française. […] Il ne faut pas traiter la langue française comme une sorte d’espéranto. […] Nyrop s’exprime excellemment : « La langue française écrite ne donne qu’une image très imparfaite de la langue française parlée. […] L’uniformité de l’adverbe est une des taches de la langue française. […] Cette fois encore, il n’y a rien de changé dans la langue française.

204. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Émile Augier »

Ses nombreuses comédies de mœurs lui avaient rapporté un grand nombre de feux et la flanelle de l’Académie française ; c’était déjà joli ! […] Les cléricaux, comme on dit maintenant, — puisque la littérature française parle belge et cherche ses mots dans le dictionnaire de Havin, qui les prend lui-même dans l’Indépendance, — les cléricaux se sont crus pourfendus, du ventre à la tête, par la plumette d’Augier ! […] Car il ne faut rien de plus, à ce qu’il paraît, pour faire la grande comédie politique de notre temps sorti de la Révolution française, et pour frapper cette mordante médaille de la comédie-pamphlet au xixe  siècle. […] Le sifflet est un instrument tout aussi français que la trompette. […] Très inférieur à Scribe, il n’en procède pas moins de ce maître du vaudeville français : il se sert du procédé de cet homme qui savait le secret du succès, secret honteux qui consiste en ceci, au théâtre : plus une plaisanterie est connue, plus elle réussit.

205. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Leur passage dans la littérature française, par des voies incertaines. […] Prompts à saisir le vent, des poètes anglo-normands et français firent concurrence aux harpeurs bretons. […] Mais ces grandes amours n’étaient pas faites pour nos Français : ils les content sans s’exalter, sans s’émouvoir, ou bien rarement. […] J’ai bien peur que l’idée de l’avilir et de s’en gaudir ne soit une invention française. […] Meyer, Alexandre le Grand dans la littérature française au moyen âge, 2 vol., 1886 ; Joly, Benoit de Sainte-Marc et le Roman de Troie.

206. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre II. Des poëtes étrangers. » pp. 94-141

Un anonyme traduisit ou plûtôt abrégea & imita en vers françois en douze Chants le Poëme d’Adonis. […] Son théatre a été traduit en françois par M. […] Il a été traduit en françois en 1737. […] in-12., avec son Poëme intitulé le Premier Navigateur, & des Idiles qui ont été aussi mises en françois. […] Ouvrage traduit en françois par le P.

207. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Sa prosodie imprécise a rendu plus musicale la poésie française, qui se surchargeait de couleurs pittoresques et se raidissait en structures architecturales. […] Mais ce qui était en lui d’essentiel, c’était la puissance de sentir, l’accent communicatif de ses douleurs, ses audaces très sûres à la française et ces beautés tendres et déchirantes qui n’ont d’analogue que, dans un autre art, « l’Embarquement pour Cythère ». […] Le pauvre homme n’en avait guère personnellement ; mais ses bruyants admirateurs n’en manquent pas, il faut le reconnaître, et, grâce à eux, la langue française est en train de devenir un adorable bafouillis de nègres. […] Quant à son rôle dans « l’évolution littéraire », il me semble qu’il est peut-être le génie le plus purement français, le plus primesautier et le plus doux depuis l’auteur de la fable des Deux Pigeons. […] Cette exaltation violente et sacrée, cette fusion du cœur dans les brasiers du cœur d’un Dieu, cet amour gratuit, affolé, absolu, au-delà de l’enfer et du ciel, au-delà de toute idée de récompense ou de châtiment, cette transe divine n’avait jamais été traduits ainsi, ni dans la littérature française ni dans aucune littérature moderne.

208. (1900) La culture des idées

Le principe de l’imitation va régir désormais la littérature française. […] Le français est-il plus difficile aujourd’hui qu’il y a un siècle ? […] En narration française, beaucoup d’entre eux dépassent la moyenne des jeunes Français aspirant au brevet élémentaire. […] Ni des Français. […] nous informent que le français va disparaître à Jersey.

209. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch. […] dans l’élégance de Pellisson, on croit sentir qu’il apprit d’abord la meilleure langue française, surtout par les livres. […] Joignez-y, si vous voulez, les Remarques de Vaugelas qu’elle adopta publiquement, et peut-être aussi la Grammaire française de Régnier-Desmarais, son secrétaire perpétuel, qui en fut comme chargé d’office. […] Je ferai remarquer seulement, à la décharge de l’idée de Richelieu dont assez d’autres diront les inconvénients et les difficultés, que c’était encore une idée bien française qu’avait là ce grand ministre, comme il en eut tant d’autres dans le cours de cette glorieuse tyrannie patriotique. […] C’est un double procédé de l’esprit français.

210. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

De ce qu’il y a de durable dans les œuvres de Balzac. — Théorie de la prose française. — § VI. […] La prose française en était arrivée à ce point vers le premier quart du dix-septième siècle. […] Richelieu le suggérait à Louis XIII, dans ses lettres patentes pour la fondation de l’Académie française. […] En quoi consiste l’éloquence dans les lettres de Balzac, et des progrès que fait faire cet auteur a la langue française. […] De ce qu’il y a de durable dans les écrits de Balzac. — Théorie de la prose française.

211. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Barrès, dans les Amitiés Françaises et ailleurs, chantent sur ce motif ! […] (À moins que, dans les tournées de la Patrie française, M.  […] Il sait combien il est difficile d’écrire parfaitement le français. […] La poésie de Mistral, qui n’a subi à peu près aucune influence française, n’a non plus exercé aucune influence sur la poésie française. […] De la critique parfaitement française, dirons-nous donc ce que Nisard dit de la langue française ?

212. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Cet égard pour la liberté individuelle ne dura pas longtemps, et bientôt après moi d’autres Français et d’autres Françaises furent exilés sans aucune forme de procès. […] C’est ainsi que des Français désignaient le petit-fils des héros qui ont fait la gloire de leur patrie. […] Mais madame de Staël n’était française que par la conquête et par la servitude. […] Ceux des Français rentrent plutôt dans le genre dramatique, et l’on y trouve plus d’intérêt que de grandeur. […] Nous avons en français des chefs-d’œuvre de versification ; mais comment peut-on appeler la versification de la poésie ?

213. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

C’est elle qui paraît avoir doté la langue française du mot d’ergoteur. […] C’est en vue de mettre dans le français toute la dose possible d’élégance et d’immobilité qu’elle commença son fameux dictionnaire. […] Voir à ce sujet Aubertin, Histoire de la langue et de la littérature françaises, II, 372-579. […] Discours à l’Académie française, 1781. […] Études sur la littérature française, 2e série.

214. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Excusez-le s’il ne gouverne pas son français comme il le faudrait, il vient de faire un excès d’Homère ou de Pindare. […] Gandar ne pouvait choisir un plus juste et plus manifeste exemple de l’helléniste français par excellence. […] On y est plus aisément indulgent lorsqu’on y arrive par le grec que lorsqu’on y va directement par le français. […] Ronsard sans doute était né poète, autant ou plus que pas un des modernes, je ne dis pas seulement Français, mais encore Espagnols et Italiens. […] Voilà ce qui me semble candidement de lui pour ce qui regarde son mérite dans la poésie française.

215. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Préface »

Quoique la littérature française tienne pour nous, Français, la plus large place dans la littérature de notre temps, et que cet ouvrage soit plus particulièrement consacré à la littérature française, cependant, quand, dans les autres littératures contemporaines, marquera, à tort ou à raison, une œuvre ou un homme, nous les regarderons par-dessus leur frontière… À quoi bon, d’ailleurs, parler de frontière ? […] Quand on dit : littérature Française, littérature Anglaise, littérature Russe, etc., peut-être n’est-il plus temps d’entendre que LITTÉRATURE EUROPÉENNE, tant, à l’exception des langues, qui entreront aussi un jour dans la mêlée universelle, les littératures modernes sont en train de faire de l’unité monstrueuse dans leurs conceptions et leurs manières de sentir !

216. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

Six ans après, l’éditeur Flaxland grava la partition de Rienzi, avec les paroles françaises écrites par M.  […] I : Mozart et Wagner en face des Français. […] Et non pas « un éminent musicien français » comme le prétend M.  […] Les opéras de Wagner étaient présentés en traduction française. […] Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique.

217. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Cette superficie de littérature française donne aux plus lettrés d’entre eux le goût et quelquefois l’émulation d’écrire. […] Je le laissai dire, car il ne faut jamais arrêter un Français qui fait sa pointe. […] Nous ne fûmes pas peu surpris de n’y voir ni l’ambassadeur de France ni aucun Français. […] De trop complaire à la France en lui laissant convertir sans protestation la Savoie, géographiquement française, et le Piémont, embouchure des Alpes, en départements français. […] Un Français ne comprend pas seulement cela ; l’habitant de Dunkerque est Français, celui de Paris est Français ; le roi gouverne les Français par les Français : ils n’en savent pas davantage.

218. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

Ce pesant Chapelain, qui avait du jugement dans les matières de prose, a dit de Mézeray en notant quelques-uns de ses défauts : « C’est néanmoins le meilleur de nos compilateurs français. » L’éloge est juste, si l’on entend le mot de compilateur sans aucune idée défavorable et en se contentant de le prendre par opposition aux écrivains de mémoires et de première main. Mézeray est certes à l’avance le plus naïf et le plus original des Anquetil ; il est un digne vulgarisateur en français de l’historien de Thou, « de ce Jacques-Auguste, dit-il quelque part, que les bons Français ne doivent jamais nommer sans préface d’honneur ». […] Mézeray, par l’esprit qui circule dans son Histoire, me représente assez bien un libéral de l’école de 89, qui aurait à raconter la Révolution française et qui tâcherait d’en extraire ce qu’il y a eu de louable, de modéré, de juste, en s’affligeant d’autant plus des horreurs et des représailles qui ont eu lieu dans les deux sens. […] Mézeray, ou l’auteur du pamphlet, qui était du moins de ses amis, y dit des Français : « Ils emportent comme un torrent tout ce qu’ils attaquent, le garde après qui voudra, ils livrent des batailles et emportent de glorieuses victoires, quelque autre en ramasse les fruits… Oh ! […] » Mézeray était de l’Académie française dès 1648 : il y avait succédé à Voiture, bel et galant esprit de cour, du genre le plus opposé au sien.

219. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Si l’ouvrage réussit un peu long, c’est-à-dire si l’ouvrage est long à terminer : cela peut être du latin ou de l’italien, ce n’est certes pas du français. […] Le français est devenu et est resté la langue des salons, la langue diplomatique par excellence. […] Quelle obligation ne lui a point notre langue, n’y ayant jamais eu personne qui en ait mieux su le génie et le caractère que lui, ni qui ait usé de mots ni de phrases si naturellement françaises, sans aucun mélange des façons de parler des provinces, qui corrompent tous les jours la pureté du vrai langage français ! […] La langue française, déclare-t-il, est arrivée à sa perfection ; elle en est du moins bien voisine. […] Le français, dans sa dernière forme toute monarchique, se sentait près de devenir la maîtresse-langue, la langue-reine.

220. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Mais, dès l’Aventurière, Émile Augier s’affirme l’écrivain et l’auteur comique vraiment français qu’il est resté. […] Secrétaire perpétuel de l’Académie française. […] — C’était un grand écrivain dont le talent, si français, touche au génie par la clarté, la force et la franchise supérieures. […] Au nom de mes compatriotes, je désire exprimer la vive part que nous prenons à la perte qu’ont faite le théâtre et la littérature français. […] Émile Augier avait remplacé à l’Académie française, en 1857, M. le comte de Salvandy.

221. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « De la question des théâtres et du Théâtre-Français en particulier. » pp. 35-48

c’est Voltaire qui l’a dit, lui, le Français par excellence et qui connaissait si bien son espèce. […] Français, nous avons depuis quelque temps tous nos défauts ; gardons au moins quelques-unes de nos qualités. […] Le public français, qui a si peu de choses en respect, a gardé la religion du Théâtre-Français ; il y croit : à chaque annonce d’une pièce nouvelle, il s’y porte avec espérance. […] C’est l’art de tout dire sans être mis à la Bastille, dans un pays où il est défendu de rien dire… La contrainte de la décence et la contrainte de la presse ont été les causes de la perfection de l’esprit, du goût, de la tournure chez les Français. […] Elle a trouvé un correctif dans l’esprit français lui-même, qui, tout en s’émancipant, s’est encore imposé de certaines règles et de certaines difficultés pour avoir le plaisir d’en jouer.

222. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Benoist-Méchin les traduira en français. […] Du moins en français. […] Sa clairvoyance n’épargne pas non plus es Français. […] Il vient d’écrire encore sur La Révolution française un drame. […] Éditions de la Nouvelle Revue française, 1924.

223. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIX. De la littérature pendant le siècle de Louis XIV » pp. 379-388

Les Français cultivaient la littérature espagnole au commencement du dix-septième siècle : cette littérature avait en elle une sorte de grandeur qui préserva les écrivains français de quelques défauts du goût italien alors répandu dans toute l’Europe ; et Corneille, qui commence l’ère du génie français, doit beaucoup à l’étude des caractères espagnols. […] La pureté du style ne peut aller plus loin que dans les chefs-d’œuvre du siècle de Louis XIV ; et, sous ce rapport, ils doivent être toujours considérés comme les modèles de la littérature française. […] Le caractère d’Achille, dans Iphigénie, avait quelques traits de la galanterie française ; on retrouvait dans Titus des allusions à Louis XIV. […] Je n’analyserai point avec détail ce qui concerne la littérature française ; toutes les idées intéressantes ont été dites sur ce sujet.

224. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de la Révolution » pp. 73-87

Quand on s’appelle Michelet, et quand on a fait un livre dans lequel on a poussé le panthéisme historique jusqu’à dépouiller de leur personnalité les chefs de la Révolution française au profit du peuple anonyme et de la chose révolutionnaire, pourquoi l’inconséquence d’un livre intitulé : Les Femmes de la Révolution ? […] Lui, qui a essayé d’écrire l’histoire de la Révolution française, l’histoire prise dans son esprit et dans son idée, a bientôt perdu la tête à cette hauteur d’abstraction, et il est retombé dans les habitudes de l’idolâtrie personnelle. […] En effet, puisqu’un écrivain comme Michelet revenait à l’histoire personnelle et à la défroque biographique, puisqu’il abordait un sujet (les femmes) si cher aux imaginations françaises, on pouvait croire, n’est-il pas vrai ? […] Madame Roland est un des grands lieux communs de la Révolution française. […] La biographie qu’il en fait est détachée intégralement de l’Histoire de la Révolution française (volume VI ou VII).

225. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Qu’on ne dise donc plus que les beautés qu’on a senties en lisant Homère ne peuvent être parfaitement rendues en français. […] Est-il bien vrai que la langue française ne suffise pas à rendre parfaitement les grandes idées, les hauts sentiments, les passions héroïques, les vivacités galantes, les saillies satiriques, les naïvetés fines ? […] Fénelon s’est raillé de l’uniformité de la construction française : « On voit toujours venir d’abord un nominatif substantif qui mène son adjectif comme par la main. […] Voilà la contradiction nettement posée, Rivarol se chargera de confirmer et de mettre en relief la pensée de l’abbé de Pons quand il dira dans son Discours sur l’universalité de la langue française : Le français, par un privilège unique, est seul resté fidèle à l’ordre direct, comme s’il était tout raison ; et on a beau, par les mouvements les plus variés et toutes les ressources du style, déguiser cet ordre, il faut toujours qu’il existe ; et c’est en vain que les passions nous bouleversent et nous sollicitent de suivre l’ordre des sensations, la syntaxe française est incorruptible. […] Je n’ai que le temps de noter de l’abbé de Pons son Nouveau Système d’éducation, sa nouvelle méthode pour former la jeunesse française.

226. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

Ce qui le distingue entre les étrangers écrivant en français et non venus à Paris, c’est précisément le goût simple. […] Je lui ai entendu raconter ainsi la touchan histoire d’un officier français émigré, vivant à l’île de Wight, qu’il n’a pas écrite encore. […] Essai sur l’universalité de la langue française, par M. […] Parmi les auteurs français nés en Savoie, il faut compter aussi M. […] Cette jolie pièce a été traduite en russe, puis retraduite en vers français par un de nos secrétaires d’ambassade qui n’en savait pas la première origine.

227. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

Depuis longtemps, les acteurs français, du moins les acteurs comiques, s’efforçaient de suivre, sur ce terrain difficile pour eux, les artistes italiens. […] Quand ce groupe de bouffons fameux disparut, la farce française expira avec eux sur les planches de plus en plus littéraires de l’Hôtel de Bourgogne. […] Au mois de mai 1659, nous voyons ces deux Français s’unir à Scaramouche, Gratian, Trivelin, Horace, Aurelia, dans un divertissement donné par le cardinal Mazarin au château de Vincennes. […] Peu après le départ des Italiens, le 18 novembre, les Français représentèrent au Petit-Bourbon Les Précieuses ridicules. […] En revanche, rien n’est plus français que l’esprit qui anime d’un bout à l’autre le dialogue ; on y trouve le tour naïf et des réminiscences nombreuses de nos conteurs du seizième siècle.

228. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

La galanterie lui en fit faire même quelques-uns en français, quoique ce ne fût pas son fort. […] Il était à la Cour, et déjà prélat et barbon, qu’il écrivait à Mme de Montespan de fort jolis vers français, En réponse à une invitation à dîner. […] Huet, en poésie française, tenait décidément pour la littérature d’avant Boileau, pour celle de Segrais, de Conrart, des premiers membres de l’Académie française ; il ne s’en départit jamais. […] Quand il écrit en français, il a le style bon, bien qu’un peu suranné, et il laisse volontiers aux mots leur acception toute latine. […] Patin, qui le visitait, le soir d’un jour où Lamartine avait failli être élu membre de l’Académie française. — Est-ce assez de misères ?

229. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

Ses Synonymes françois, leurs différentes significations, & le choix qu’il en faut faire pour parler avec justesse. […] En le comparant sur ce point avec le grand vocabulaire françois, on pourra juger de ces omissions. […] Les bons livres françois imprimés avec soin aux dépens du Roi, seroient un des plus glorieux monumens de la nation. […] Une connoissance peut-être plus nécessaire que celle des étymologies, est celle du vieux langage françois. […] Presque tous nos Dictionnaires françois s’attachent à les expliquer ; mais nous avons des Lexiques Lexiques particuliers où l’on interprête les façons de parler proverbiales.

230. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Il ne sortira de là aucune inspiration pour la poésie française future. […] Il reprend la poésie française dans les conditions qu’on vient de voir et en partant d’une négation, d’un mépris bien net pour ce qui précède. […] C’est que cela vit, que cela est essentiellement moderne et actuel, et dans nos mœurs, dans notre caractère français. […] Malherbe y est engagé par le cœur autant qu’aucun Français, autant que Richelieu lui-même. […] Eût-il songé à dire pareille chose, à établir une telle route royale, s’il n’avait eu que des noms de poètes français pour la jalonner ?

231. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

L’état actuel de la critique littéraire française Une opinion qu’on peut tenir pour générale, aujourd’hui, est que nous avons encore des critiques, et même en nombre considérable, — mais que nous n’avons plus une critique française. […] Il n’y aura bientôt plus qu’elles pour figurer la presse française en France, et garder dignement une place aux questions de pensée, même dans le quotidien déversement des informations. […] Ils mettent en coupe réglée les auteurs et bourdonnent à l’envi autour de la noble littérature française. […] Huysmans, de reprendre résolument la tradition haute de Taine, Baudelaire, Emerson — de former le conseil supérieur de l’intellectualité nationale, de reconstituer la critique française. […] Ce serait le rôle de l’Académie des sciences, ce rôle international si beau, appliqué aux œuvres françaises par un tribunal d’hommes sans préjugés étroits, véritables directeurs des évolutions de pensée.

232. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXI » pp. 323-327

. — lord brougham et guillaume schlegel écrivant en français. — le pitt de m. de viel-castel. — un morceau de m. de saint-priest sur l’inde. […] — Lord Brougham vient de publier en français, écrit par lui-même, un volume sur Voltaire et J. […] Rousseau ; c’est un hommage à la France. — Guillaume de Schlegel, qui vient de mourir, lui avait rendu souvent ce genre d’hommage, même lorsqu’il était le plus sévère contre les admirations exclusives si ordinaires au goût et à l’esprit français. Il écrivait sur la Phèdre de Racine en français. Ses Œuvres posthumes qu’il laisse sont également écrites en français.

233. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Il parle un baragouin mi-partie français et italien. […] Robespierre combat l’athéisme et fait décréter que le peuple français reconnaît l’existence de l’Être suprême. […] Un certain Brifaut avait fait une tragédie dont l’action se passait en Espagne, et l’Empire français était en guerre avec l’Espagne. […] Cadre commode où se glisse la satire des mœurs et des institutions françaises. […] Discours de réception à l’Académie française.

234. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

À dater de cette histoire de la Révolution française, M.  […] Car, il faut bien le dire et très haut à ceux qui la vantent ou aux intéressés qui s’en servent, la Nouvelle histoire de la Révolution française, par M.  […] Mme de Staël raconte quelque part que pendant la révolution française, et précisément sous cette Convention que M.  […] Mme Roland est un des grands lieux communs de la Révolution française. […] La biographie qu’il en fait est détachée intégralement de l’Histoire de la Révolution française (volume vi ou vii).

235. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Où trouver, sur les causes de la grandeur française au dix-septième siècle, plus de ces lumières qui sont en même temps des impulsions puissantes ? […] A un récit complexe et continu, il a préféré une suite de tableaux représentant, l’un après l’autre, tous les grands côtés de la société française sous le règne de Louis XIV. […] Tant qu’il sera un livre d’enseignement, je n’ai pas peur que les Français aiment médiocrement leur pays. […] Dans le récit des croisades, ce n’est pas pour les chrétiens que Voltaire penche, fussent-ils Français. […] C’est cet esprit qui, dans nos premiers conteurs, naît tout formé, et, parmi tant de mots et de tours destinés à la refonte, crée un français qui ne changera pas.

236. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 36, des erreurs où tombent ceux qui jugent d’un poëme sur une traduction et sur les remarques des critiques » pp. 534-536

Section 36, des erreurs où tombent ceux qui jugent d’un poëme sur une traduction et sur les remarques des critiques Que penserions-nous d’un anglois, supposé qu’il en fut un assez leger pour cela, que penserions-nous, dis-je, d’un anglois qui sans entendre un mot de françois, feroit le procès au Cid sur la traduction de Rutter, et qui le termineroit en prononçant qu’il faut attribuer l’affection des françois pour l’original aux préventions de l’enfance ? […] Or tous ceux qui ont appris le grec et l’anglois, sçavent bien qu’un poëte grec qu’on traduit en françois perd beaucoup plus de son mérite qu’un poëte françois qu’on traduit en anglois.

237. (1874) Premiers lundis. Tome II « Henri Heine. De la France. »

S’il n’a rien de la morgue, de la pesanteur universitaire ou aulique, on lui voudrait un fond d’enthousiasme plus fécond ; sa fantaisie brillante paraît quelquefois bien leste à ces Français jadis réputés frivoles. […] Heine sera davantage encore à notre niveau de Français quand il aura un peu moins d’esprit. […] Or, pour un poète qui écrit en prose, qui surtout doit être lu en prose française, la plus difficultueuse de toutes les proses, il y a beaucoup de précautions nécessaires pour faire passer, comme en contrebande, cette magie et ces richesses. […] Tout ceci, en nous prouvant combien, au milieu de ses qualités françaises, M.  […] Heine dans cette revue politique qu’il écrit d’entraînement ; mais si l’on cherche en vain dans ses pages un système politique suivi, l’impression patriotique française, l’impression populaire n’y fait jamais faute.

238. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

Chez les Grecs, chez les Romains, chez les classiques français du dix-septième et du dix-huitième siècle, chez la plupart des écrivains, des causeurs qui, dans nos journaux, dans nos salons, portent sur les œuvres de l’art et de la poésie des jugements d’éloge ou de blâme, la critique littéraire n’a jamais douté d’elle-même. […] Et puis, il y a tel dogme, tel jugement dont elle ne doute pas plus que de deux et deux font quatre, d’un côté des Alpes, des Pyrénées et du Rhin, bien entendu ; car, de l’autre côté, elle ne doute pas davantage du dogme et du jugement contraires : mais qu’importe aux Français que les étrangers soient absurdes, et qu’importe aux Allemands, aux Espagnols, que les Français le soient ? Comme exemple, je citerai deux axiomes de la critique française, que bien certainement aucun esprit assez mal fait, en France, n’a jamais eu, n’aura jamais l’idée de mettre en doute. […] J’ai dit que les Grecs, les Romains, les classiques français du dix-septième et du dix-huitième siècle, la plupart de ceux qui écrivent ou qui causent, ont toujours dogmatisé en littérature et jugé d’après des dogmes. […] Je vais, suivant la règle de l’école dogmatique française, disparaître moi-même derrière eux, et je prie instamment le lecteur de vouloir bien se souvenir que jusqu’à la Conclusion ce n’est plus moi qui parle, et qu’un auteur comique n’est point responsable des sottises que débitent ses personnages.

239. (1923) Au service de la déesse

et qui même s’aviserait de lire ce Français délirant ? […] Les mots étaient, pour la plupart, des mots français : leur combinaison ne donnait rien de français. […] Elle a de la bonhomie : et c’est la meilleure vertu française. […] Et nous appellerons syntaxe française une logique française du discours. […] Il y a une logique française : l’ordre dans lequel se rangent, pour un Français de France, les éléments d’une pensée.

240. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

C’est aussi la paix reçue par la nation française, et dont elle se contentera. […] Si une fois cette armée entre en Brabant, que les Belges (se) prononcent pour les Français, Napoléon ne pourra plus les abandonner ; et nous voilà, pour la vanité de l’empereur de Russie, dans une guerre de vingt années avec l’Angleterre. […] Le style. — On dit qu’il y a dans cette lettre des locutions non françaises. […] Venir dire que la locution : « si les Belges prononcent pour les Français », au lieu de : « se prononcent », est d’une personne qui a dû longtemps séjourner en Espagne et qui en a pris le langage jusqu’à oublier le français, est une chicane aussi invraisemblable qu’ingénieusement trouvée. […] Mme d’Albany : « Je souffre au dedans de moi de la seule pensée que les Français n’auront leurs propres lois, une liberté, un gouvernement à eux, que sous le bon plaisir des étrangers ; ou que leur défaite est un anéantissement total, qui les laisse à la merci de leurs ennemis, quelque généreux qu’ils soient.

241. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

De tout temps le génie français a penché vers la gaieté, la légèreté, le bon sens prompt, mais pétulant, imprudent, frondeur et railleur, la satire, la malice et, j’ajouterai, la gaudriole ; si cet élément unique dominait et l’emportait, que deviendrait le caractère de notre langue, de notre littérature ? […] Il faut absolument, pour rétablir l’équilibre, pour maintenir la composition de l’esprit français, considéré dans son expression la plus haute, non seulement des esprits sérieux, mais des esprits dignes, des poëtes héroïques dans les âges d’héroïsme, de grands évêques éloquents dans le siècle monarchique religieux, des tragiques capables de sublime, des écrivains porte-sceptre, des autorités. […] Renan représente et qu’il est venu réintroduire à son heure dans notre courant français un peu appauvri. […] J’avoue pourtant mon infirmité et mon impuissance toute française à concilier, dans plus d’un cas, des difficultés de ce genre. […] Une fois, écrivant sur l’Académie française à propos d’une publication de M. 

242. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

Observations sur l’orthographe française, par M.  […] Notre langue française vient en très grande partie du latin. […] À ce vieux fonds de la langue française il y a peu à réformer pour l’orthographe. […] C’est absolument comme Gœthe aurait dit s’il avait pensé en français. […] Grammaire historique de la Langue française, par M. 

243. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

Ravenel publiait, pour la Société de l’histoire de France, des Lettres de Mazarin, écrites, pendant sa retraite hors de France, à la reine, à la princesse Palatine, à d’autres personnes de sa confidence, et qui prouvent du moins que, dans un temps où il se rencontrait si peu de cœurs français parmi tant de factieux, il était encore le plus français de tous dans les vues de sa politique et de son ambition toute sensée. […] Sorti du camp espagnol avec les conditions qu’il venait enfin d’arracher, il cria aux Français déjà en marche : « Halte ! […] L’armée française, qui s’ébranlait et était sur le point de donner, répondait : « Point de paix ! […] Lui qui connaissait si bien les hommes, il est un point du génie français qui lui a toujours échappé, un point sur lequel il ne fut français ni d’accent, ni de sentiment, ni d’intelligence. […] Dans un chapitre du Génie du christianisme, où il examine pourquoi les Français ont tant de bons mémoires et si peu de bonnes histoires, M. de Chateaubriand, touchant à un défaut qu’il sentait mieux que personne, a dit : Le Français a été dans tous les temps, même lorsqu’il était barbare, vain, léger et sociable.

244. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Elle a publié un dictionnaire de la langue française, qui a déjà eu quatre éditions, et qu’elle travaille sans cesse à perfectionner. […] Quand on sait ou qu’on croit savoir assez de latin, on passe en rhétorique : c’est alors qu’on commence à produire quelque chose de soi-même ; car, jusqu’alors, on n’a fait que traduire, soit de latin en français, soit de français en latin. […] Une bonne grammaire française serait tout à la fois une excellente métaphysique, et vaudrait bien les rapsodies qu’on lui substitue. […] Dictionnaire de la langue française. […] Ceux qu’on prononce dans l’Académie Française sont de la première espèce.

245. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Vive la république française ! […] Si l’on en doute, qu’on lise, dans La Science française, le chapitre intitulé : « Les études sur la littérature française moderne », par M.  […] Les caractères de la science française, M.  […] Dur travail et, proprement, le travail français. […] La pensée de la perpétuité française nous détourne de maudire une seule année française.

246. (1930) Le roman français pp. 1-197

Toutefois je le regrette : le conte est essentiellement français. […] Si Byron n’avait pas existé, et si les Français ne l’eussent pas lu, il y aurait eu quand même, n’en doutons point, un romantisme français : mais il eût été assez différent. […] Mais il y a plus, il y a la faute de français pure et simple. […] Même plus Européen que Français. […] C’est un résultat de l’individualisme des Français.

247. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Merlet, Tableau de la littérature française sous le premier Empire, 1877 ; — Ém.  […] Merlet, Tableau de la littérature française sous le premier Empire, Paris, 1877 ; — Lady Blennerhasselt, Mme de Staël et son temps, Munich, 1887, et traduction française de M.  […] Merlet, Tableau de la littérature française sous le premier Empire, Paris, 1877 ; — Ém.  […] Nettement, Littérature française sous la Restauration, Paris, 1853. […] Schlegel, Cours de littérature dramatique, traduction française, Paris et Genève, 1814 ; — F. 

248. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Sur Shakespeare, il est le plus avancé et le plus net des littérateurs français de son temps. Son opinion a d’autant plus de poids qu’il sent plus profondément le génie des maîtres de notre scène, et qu’il les tient pour plus conformes au génie même de la société française. Il ne dit jamais aux Français d’abandonner leur tragédie pour l’imitation des beautés étrangères : « Nous dirons au contraire : Français, conservez vos tragédies précieusement, et songez que, si elles n’ont pas les beautés sublimes qu’on admire dans Shakespeare, elles n’ont pas aussi les fautes grossières qui les déparent. » En jugeant la tragédie française de son temps, il en sait toutes les faiblesses et toutes les langueurs ; il a des réflexions à ce sujet, qui lui sont suggérées par le Timoléon de La Harpe, mais qui remontent et portent plus haut. […] Mais, encore une fois, Grimm, en y voyant les défauts, ne sacrifie pas la tragédie française à celle de nos voisins ; il reconnaît que chaque théâtre est approprié à la nation et à la classe qu’il émeut et qu’il intéresse : « L’un (le théâtre anglais) ne paraît occupé qu’à renforcer le caractère et les mœurs de la nation, l’autre (le théâtre français) qu’à les adoucir. » Grimm va plus loin ; il pense que ces mêmes tableaux que l’une des deux nations a pu voir sans aucun risque, quelque terrible et quelque effrayante qu’en soit la vérité, pourraient bien n’être pas présentés sans inconvénient à l’autre, qui en abuserait aussitôt : « Et n’en pourrait-il pas même résulter, se demande-t-il, des effets très contraires au but moral de la scène ?  […] La Révolution française frappa Grimm, mais ne le surprit point.

249. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

Le public va chercher au théâtre français actuel une suite d’odes bien pompeuses, et d’ailleurs exprimant avec force des sentiments généreux. […] Le Romantique. — Un autre jour, nous parlerons de cette incontestable supériorité que le Français en général, et en particulier l’habitant de Paris, a sur tous les peuples du monde. […] Le Romantique. — Comme vous ne me persuaderez, jamais que des spectateurs français croient qu’il se passe vingt-quatre heures, tandis qu’ils sont assis à une représentation d’Iphigénie en Aulide. […] Il est clair que, même à Paris, même au théâtre français de la rue de Richelieu, l’imagination du spectateur se prête avec facilité aux suppositions du poète. […] Quel est l’homme un peu éclairé, qui n’a pas plus de plaisir à voir aux Français la Marie Stuard de M. 

250. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Sahara algérien et le Grand Désert »

Ce premier ouvrage était une suite d’études géographiques, statistiques, historiques, sur la région au sud des établissements français en Algérie. […] Voltaire, puisqu’il faut l’appeler par son nom, cet odieux détracteur de notre sainte Pucelle, en parlant des Français quelque part, peut-être dans ces lettres à Frédéric qui sont des crimes contre la patrie, avait écrit le vers qui devait égarer l’opinion et plus tard changer la tactique : Le Français qu’on attaque est à demi vaincu. […] Ni la peste, ni les hivers, ni les tempêtes, ni le climat d’une ville perpétuellement ravitaillée, ni des soldats cuirassés de leurs murailles de granit et qui réalisent le mot sublime de l’Empereur à Eylau : « Quand on les a tués, il faut les pousser pour qu’ils tombent », rien n’a pu nous désarmer de cette patience qui résiste et qu’il est plus difficile d’avoir, à ce qu’il paraît, quand on est Français, que le courage qui va en avant. […] Elle continuait toujours l’éternelle et grande légende, et démontrait une fois de plus cette prédestination nationale de la pensée française, qu’elle soit bonne ou mauvaise, hélas ! et qui tend à tourner toutes choses au profit de notre indivisibilité ; car, même les républiques qui devaient nous perdre ne nous ont pas perdus, par une inconséquence qui est le fond même et l’essence du génie français et qui a bien prouvé, à l’éternelle confusion des endoctrineurs de sophismes, que le tempérament des peuples, quand il n’est pas entièrement ruiné par leurs excès, peut les sauver de ce qu’il y a de plus mortel en eux, — du propre venin de leurs idées !

251. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

Prosper Mérimée a eu le bonheur de naître à la littérature en cet instant, qui sera probablement unique dans l’histoire du dix-neuvième siècle, où la France, lasse de guerre et de politique, sembla vouloir changer de gloire, et se retourna vers les choses de l’esprit avec cette furie française qui n’a d’égale que les mollesses qui la suivent. […] Le Théâtre espagnol fut pour lui ce que le Théâtre anglais fut pour d’autres… Où l’originalité pure, cette tête de Gorgone pour l’esprit français, n’aurait pas réussi, M.  […] C’est un esprit français, mais sans les grâces françaises. […] Quoique la littérature française tienne pour nous, Français, la plus large place dans la littérature de notre temps, et que cet ouvrage soit plus particulièrement consacré à la littérature française, cependant, quand, dans les autres littératures contemporaines, marquera, à tort ou à raison, une œuvre ou un homme, nous les regarderons par dessus leur frontière… A quoi bon, d’ailleurs, parler de frontière ? […] Quand on dit littérature française, littérature anglaise, littérature russe, etc., peut-être n’est-il plus temps d’entendre que LITTERATURE EUROPEENNE, tant à l’exception des langues qui entreront aussi un jour dans la mêlée universelle, les littératures modernes sont en train de faire de l’unité monstrueuse dans leurs conceptions et leurs manières de sentir !

252. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Sur l’École française d’Athènes »

Sur l’École française d’Athènes On a récemment parlé d’un projet qui honorerait à la fois le Gouvernement français et le Gouvernement grec : il s’agirait d’établir un lien régulier entre l’Université de France et la patrie renaissante des Hellènes, de mettre en rapport l’étude du grec en France avec cette étude refleurie au sein même de la Grèce, d’instituer en un mot une sorte de concordat littéraire entre notre pays latin et la terre d’Athènes. […] S’il s’agissait de bien entendre et de goûter l’ancien français de Villehardouin, dont je suppose qu’on eût été séparé par quelque grande catastrophe sociale et quelque conquête, le plus sûr serait encore d’être Français, et, un peu d’étude aidant, on se trouverait aisément en avance à cet effet sur le plus docte des Germains. » Il semble que le résultat indiqué par ces considérations diverses, c’est qu’une École française , instituée à Athènes pour un certain nombre de jeunes architectes et de jeunes philologues , concilierait à la fois les intérêts de l’art et ceux de l’érudition. […] L’Ordonnance royale qui instituait l’École Française d’Athènes parut peu de temps après (13 septembre).

253. (1925) La fin de l’art

Il y a deux langues dans la langue française, avec des nuances, où tout le monde ne se reconnaît pas. […] Plutôt que d’accabler ce professeur de français, les casanovistes devraient vénérer sa mémoire. […] Admettons que Colomb soit né à Calvi et faisons abstraction de cette donation à la France, qui n’eut pas grande conséquence, il n’en serait pas moins français, puisque la Corse est devenue dans la suite des temps un département français. […] Si l’histoire était une chose sérieuse et scientifiquement comprise, on dirait que Napoléon était corse, et on ne dirait jamais qu’il était français, car la race corse a complètement évolué en dehors de la race française. […] Au point de vue esthétique, du moins, le département n’est qu’une petite division du territoire français.

254. (1890) Nouvelles questions de critique

Que de thèmes d’études analogues pourrait offrir la littérature française du moyen âge ! […] ou à l’histoire de la littérature française ? […] Rien de ce qui a été français ne peut cesser de l’être pour lui. […] L’Académie française, au surplus, n’en voudra-t-elle pas convenir elle-même ? […] Que fera cependant l’Académie française ?

255. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

Ce n’était pas la première fois que les Français allaient jouir de ce spectacle. […]   On connaît assez bien, grâce à nos matamores français, le genre de plaisanteries propres à ce rôle du capitan. […] Il parlait cinq langues outre l’italien : le français, l’espagnol, l’esclavon, le grec et même le turc. […] Donnant le premier exemple d’un accommodement qui par la suite devint presque habituel, les Français et les Italiens jouèrent alternativement sur le théâtre de la rue Mauconseil. Les Français, qui étaient alors des acteurs de profession et qui avaient renouvelé leur répertoire, étaient plus en état de lutter avec les Italiens et aussi de profiter de leurs leçons.

256. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Chefs-d’œuvre de la littérature française (Collection Didot). Hamilton. » pp. 92-107

Chefs-d’œuvre de la littérature française (Collection Didot). […] Malgré le pédantisme des fausses sciences et les restes de barbarie, la disposition et le tour particulier à l’esprit français ne laissaient pas de se faire jour, et les natures originales prenaient le dessus. […] Ce n’est que vers le milieu de ce siècle seulement que la prose française, qui avait fait sa classe de grammaire avec Vaugelas et sa rhétorique sous Balzac, s’émancipa tout d’un coup et devint la langue du parfait honnête homme avec Pascal. […] On a vu d’autres étrangers, Horace Walpole, l’abbé Galiani, le baron de Besenval, le prince de Ligne, posséder ou jouer l’esprit français à merveille ; mais pour Hamilton, c’est à un degré qui ne permet plus qu’on y distingue autre chose ; il est cet esprit même. […] [NdA] On peut lire un agréable article sur Hamilton au tome II de l’Histoire de la littérature française à l’étranger, par M. 

257. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Les deux volumes furent couronnés par l’Académie Française. […] Je ne connais pas en français d’œuvres qui présentent d’analogies sérieuses avec celle-ci. […] Depuis la Révolution française, la société entière est en fermentation. […] La poésie française s’est anémiée et décolorée ; pour lui rendre de la couleur et de la vigueur, remontons à ses origines. […] Catulle Mendès dans son rapport sur les lettres françaises, me semblent s’inspirer de la raison même.

258. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Plus grave encore est ce fait que, depuis une quinzaine d’années, la littérature française a certainement reçu plus qu’elle n’a donné. […] Tous ces écrivains, malgré leurs diversités nationales et personnelles, ont agi en somme dans le même sens : ils ont porté le coup de grâce au naturalisme français. […] Il a fait une rude et décisive guerre au naturalisme français : il a anéanti les prétentions tapageuses en confirmant les durables titres du roman contemporain. […] Sarcey a fini par ne plus voir que la technique, et certaines techniques, celle de quelques écoles françaises, celles de Scribe et de M.  […] (Évol. de la critique) ; les Époques du théâtre français ; l’Évolution de la poésie lyrique, Hachette, 8 vol. in-18.

259. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

On assure qu’il ne cessa de concourir incognito pour les prix de poésie de l’Académie française jusqu’à l’époque où il en fut. […] Ampère apparaissait donc dans tout son relief comme le pur et vif organe, le représentant de l’esprit français nouveau. […] Dans la préface de la Grammaire historique de la langue française, par M.  […] Y avait-il donc déjà en français un tel essai systématique pour qu’on se montrât si exigeant et si intraitable du premier coup ? […] Il n’était pas toujours à cheval sur la priorité accordée à des Français, sur la prééminence française, et aussi il n’allait pas jusqu’à dire d’impatience comme Voltaire : « Nous autres, Français, nous sommes la crème fouettée de l’Europe. » Il se tenait en éveil de toutes parts, dans un état d’indifférence curieuse.

260. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Besenval est certainement, avec Benjamin Constant, le Suisse le plus Français qui ait jamais été. La littérature française lui doit un souvenir, même quand ce souvenir serait fort tempéré de réserves et relevé de quelque sévérité. […] Un magistrat, chef du parti français, proposa d’accorder par exception à Besenval un fauteuil dans le conseil des Deux Cents, dont il était membre depuis quelque temps. […] Sa doctrine politique était simple ; il pensait « que la monarchie française ne pouvait subsister qu’autant qu’elle aurait un maître, mais un maître qui le fût ; que tout autre régime la devait livrer à une destruction inévitable ». […] On y trouve le Français de 1770 et la Cour de Louis XVI. » 79.

261. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Outre ceci, ils les défigurent de plus en plus par un maudit coloris plâtreux à la française. » Il se montre partout sévère pour cette négligence de notre école de peinture à l’égard du coloris ; il regrette de ne point trouver cette qualité attachante au milieu des ordonnances sévères et judicieuses qu’il reconnaît à Le Brun, Jouvenet, Boullongne et Bourdon : « Tous nos Français sont si mauvais coloristes !  […] Je joindrai ici quelques-uns de ses jugements divers qui ont particulièrement trait au goût français : sur la musique, par exemple, — il jugeait la nôtre ce qu’elle était alors. Non plus dans ses Lettres d’Italie, mais dans d’autres lettres écrites de Paris en 1754, il disait de l’opéra de Rameau, Castor et Pollux : « Pièce à la française, noble, belle, triste, assez ennuyeuse » ; et il met en regard la musique italienne des Bouffons : Combien tout ceci est au-dessus de notre musique française ! […] En pénétrant si bien dans le secret des beautés étrangères et de l’art immortel, de Brosses se montre à la fois tout à fait lui-même ; il reste bien Français, de son pays et de sa race. […] Cet épisode mérite un chapitre à part ; la conséquence fut que de Brosses ne put jamais être de l’Académie française.

262. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Les obus des Français sillonnaient la ville de Weimar et la menaçaient d’un sort semblable. […] Ce n’était pas la Révolution qui entrait avec les armées françaises à Potsdam, c’était la contre-révolution. […] Après Iéna, le continent entier semblait appartenir à l’armée française. […] L’armée française ne fut jamais plus héroïque, mais son chef y fut vaincu par sa propre imprévoyance. […] Nulle part ; un païen d’Athènes ou un fataliste de Stamboul aurait écrit ainsi l’histoire de l’empereur et de l’empire français.

263. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

… Confondons les intérêts des deux États, et que les Français s’accoutument à se croire nos concitoyens. […] Le 22 septembre 1792, la Savoie est envahie par l’armée française, et le Piémont près de l’être. […] Dès le 6 avril 94, éclate l’attaque générale des Français sur toute la chaîne du comté de Nice. […] La Révolution française fut son grand moment, son point de maturité et d’initiation clairvoyante. […] Les Français seront flagellés, tourmentés, massacrés, rien n’est plus juste, mais point du tout humiliés.

264. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre V. Le mouvement régionaliste. Les jeunes en province » pp. 221-231

Presque tous sont affiliés à la Fédération régionaliste française. Beaucoup de ces écrivains, d’ailleurs, sont aussi affiliés au Félibrige et, bien qu’ayant écrit en français, ont souvent aussi écrit en langue d’oc. […] La Fédération Régionaliste Française organise des congrès, des tournées de conférence, des réunions amicales. […] Généralement ils ont gardé le culte de la tradition française et se complaisent à célébrer leur région. […] Il ne faut pas oublier les revues belges de langue française.

265. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Topffer »

Tout le monde sait que Topffer n’était pas français. […] Topffer est français, lui, par la légèreté de l’expression et la transparence de la pensée. Il a de la grâce comme nous en avons en France, quand nous en avons, C’est dans un verre mousseline qu’il boit la neige rose de ses glaciers maternels, dorés par l’Aurore, et si quelque chose se mêle à ces primitives et simples saveurs, c’est une goutte, une innocente goutte de vin du Rhin, une influence de ce père des choses rêveuses et naïves ; car Topffer est aussi Allemand que Français. […] Entre l’Allemand et le Français, le Suisse a été pris et écrasé tout doucement, sans souffrir et sans crier. […] Belle leçon donnée aux écrivains français par un linguiste de Genève !

266. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

La littérature de langue française ne pouvait rester indéfiniment sevrée de réflexion sérieuse et de pensée philosophique, indéfiniment livrée aux hasards de la sensation et aux caprices de la fantaisie. […] Il n’y a chez notre Français, comme chez tous ses émules, que bizarrerie travaillée et ineffaçable platitude. C’étaient les clercs qui avaient introduit l’allégorie dans les écrits en langue française. […] Ce précieux manuel fut traduit en français par un clerc libéral. […] Même à la Renaissance et même au xviii° siècle, ce sera toujours cette antiquité qui sera la plus accessible à nos Français.

267. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

On s’aperçoit aujourd’hui du vide qu’a creusé dans la critique française la disparition d’Émile Faguet. […] Le public français aime qu’une question soit vidée. […] Cette inanité de la critique française favorise les manœuvres des petites coteries, et elle justifie les plaisanteries commises par les dadas et autres exhibitionnistes. […] Qu’ils désertent un peu moins la bonne cause française, s’ils veulent que l’étranger nous rende justice ! […] Reboux estime que « la critique littéraire française est actuellement, non en décadence, mais en sommeil, par suite de la crise du papier qui a obligé les journaux à réduire le nombre de leurs pages ».

268. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Chapelain, parmi les oracles d’alors, est le plus remarquable exemple de cet abus du grécisme et du latinisme en français : il avait pour contre-poids, à l’Académie, Conrart qui ne savait que le français, mais qui le savait dans toute sa pureté parisienne. […] Le plus digne, le seul digne, La Mothe-Le-Vayer, de l’Académie française, mais de ceux qu’on appelait relâchés sur l’article de la langue, publia en 1647 quatre Lettres adressées à son ami Gabriel Naudé, touchant les nouvelles Remarques sur la Langue française. Il avait publié précédemment, en 1638, des Considérations sur l’Éloquence française de ce temps, dans lesquelles il avait pris les devants et s’était élevé contre les raffineurs du langage. […] Scipion Dupleix n’avait pas moins de quatre-vingt-deux ans, lorsqu’il acheva d’imprimer, le 14 avril 1651, son in-quarto intitulé Liberté de la Langue française dans sa pureté. […] C’est cet homme du métier, — ce groupe et ce noyau de gens du métier, — qui a trop manqué depuis quelque temps à l’Académie française.

269. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Si la réussite en fut médiocre, ne doit-on pas regretter que le chef d’orchestre qui prélude à la représentation française de Lohengrin par de courtes et multiples exécutions de compositeurs français, ait ignoré jusqu’aujourd’hui l’existence de l’un des maîtres de la musique française contemporaine ? […] Diaz, musicien français, et de M.  […] Wilder, dans sa version française, n’ait pas conservé le mot Isolde. […] Les plus anciens poèmes français disent Isolde et Isalde. […] César Franck (1822-1890) est un compositeur et un organiste français.

270. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

En français, le premier acte seul avait été exécuté, au concert, sous les paroles de M.  […] Alfred Ernst le dira : un succès décisif, un succès qui établit, sans conteste possible, le drame wagnérien sur la scène française. […] Tous les wagnériens français, pour ne parler que de ceux-là, en sont demeurés au même point, et, comme M.  […] C’est une évolution qui commence, une période nouvelle qui s’ouvre : elle sera grande et féconde pour l’art français. […] Après les refus français, c’est au théâtre de la Monnaie de Bruxelles que la Walkyrie est créée en langue française sous la direction de Joseph Dupont.

271. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre II. Le Rire » pp. 28-42

J’espère que le prix sera remporté par un Français. […] Ici je sens bien qu’il faudrait des citations ; mais je n’ai pas un seul livre français dans ma retraite de Montmorency. […] Par exemple, les critiques français proclament Molière le premier des comiques présents, passés et futurs. […] J’ai entrepris d’aller à Paris toutes les fois que l’on donne aux Français des comédies de Molière ou d’un auteur estimé. […] mais le rire n’est donc pas nécessaire pour faire une fort bonne comédie française.

272. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Taine » pp. 231-243

Taine, qui n’a pas écouté ses facultés et qui, se croyant ou ne se croyant pas philosophe, a débuté par cette jolie risette, son livre des Philosophes français, lequel impliquait le plus impertinent scepticisme sur le fond des choses et le doute le mieux justifié, d’ailleurs, sur le mérite et la consistance de ses maîtres qui n’avaient pas su lui bâtir dans l’âme une conviction sur quoi que ce soit ; M.  […] La moquerie n’y est pas, la moquerie qui m’était si chère et que, dans ses Philosophes français, M.  […] Jusqu’à l’Étude sur Stuart Mill, où il s’affirme davantage, l’auteur des Philosophes français, depuis qu’il avait renoncé au scepticisme et à la moquerie, n’avait guère, en philosophie absolue, montré nettement que des tendances. […] Taine faisait les affaires du positivisme français sous pavillon anglais. […] Nous les connaissions… Mais, puisqu’il n’est plus le moqueur des Philosophes français et qu’il s’est fait compréhensif et grave, croyant à la philosophie dont il a commencé par douter, quand nous donnera-t-il un système qui ne soit pas la poussière du système des autres, tombée (sic) sur ses ailes… hélas !

273. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Ronsard »

Quelques fragments de ce grand poète, qui est à la langue poétique moderne ce que Rabelais est à la langue de la prose, avaient suffi, en 1830, pour que la vie — la vraie vie — apparût dans ce qu’on croyait la mort, et pour que le génie de la poésie française, révolté enfin des compressions et des mutilations qu’il avait lâchement endurées depuis près de trois siècles, se reconnût, avec orgueil et acclamation, dans Ronsard. […] Il durera autant que la langue française qui a cru l’avoir fait tuer par son licteur, cette langue française dont il est la jeunesse, avec tous les défauts violents, extravagants, mais ravissants, mais enivrants, de la jeunesse ! Vieille, — quand elle le sera tout à fait, — c’est avec les tremblements de tête d’une adorable vieille émue, que la langue française se retournera encore vers Ronsard, son mâle et impétueux premier-né, pour se rajeunir en se baignant dans le souvenir de cette aurore ! […] Mais il n’y avait pas eu réellement de vie poétique organisée ; mais d’homme complet dans sa force et dans sa majesté de poète, il n’y en avait pas eu avant Ronsard, Ronsard est l’Adam de la poésie française, et, comme Adam, il est né homme, armé de toutes ses facultés ! […] S’il est l’Adam de la poésie française, ses poésies, à lui, en sont le Paradis terrestre.

274. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Le wagnérisme est une forme moderne qui se propage, et doit renouveler l’art français. […] Fourcaud cherche bien à créer « le drame lyrique français ». […] L’enjeu est bien la naissance d’un nouvel art français. […] Une édition française vit le jour entre 1907 et 1925 chez Delagrave en 13 volumes. […] Parfois même, il était nécessaire d’ajouter des notes ici ou là pour aider la version française (cf.

275. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Voilà un échantillon du français au neuvième siècle ; voilà tout ce que j’en sais. […] Tant l’intérieur même du pays était demeuré tout roman et tout français ! […] De même qu’il établit la loi du couvre-feu, il établit la loi du français. […] La procédure anglaise est remplie de termes du vieux français. […] Faut-il supposer qu’alors seulement l’esprit français eut sa vigueur et son originalité ?

276. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

Voltaire est Français comme Bossuet, Rabelais, est Tourangeau comme Alfred de Vigny. […] Comment suivre de nos jours, dans ce Paris cosmopolite où se fondent tant d’éléments originaires des quatre coins du monde, ce qui est purement français ? […] N’y a-t-il pas en France de vrais Français portant des noms germaniques ? […] Ainsi, la seconde moitié du xviiie  siècle voit s’épanouir avec une force singulière la sensibilité française, qui commençait, depuis une vingtaine d’années, à reprendre, aux dépens de la raison, une place croissante dans la littérature et la philosophie. […] Le Français de nos jours a introduit dans son alimentation le thé, qui était pour nos grand’mères une tisane, le grog, le punch, avec les biftecks et les poudings ; le Français, devenu de la sorte mangeur de viandes saignantes et de pâtisseries lourdes, amateur de condiments violents et de boissons tour à tour fortes ou fades, est le même qui goûte les brusques secousses de l’humour, les drames de Shakespeare, les romans de Dickens, la gaieté macabre des clowns et les sports de tout genre.

277. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

Nordmann, La Critique littéraire française au xixe  siècle (1800-1914), Le Livre de Poche, 2011, p. 138-139. […] Concernant ce dernier travail, inscrit dans la lignée du Racine et Shakespeare de Stendhal, nous renvoyons en particulier à Brunetière, « Classiques et romantiques », Etudes critiques sur l’Histoire de la Littérature française, Hachette, 1890. […] Lemaître, élu à l’Académie en 1895, rejoindra les rangs de la « Ligue de la patrie française » créée en 1898. […] Nordmann, « La réaction de la critique impressionniste », La Critique littéraire française au xixe  siècle (1800-1914), Le Livre de Poche, 2001, p. 147-156 ; Jules Lemaître : « un don d’ubiquité familière ». […] Nordmann, La Critique littéraire française au xixe siècle (1800-1914), Le Livre de Poche, 2011, p. 172-173 ; E.

278. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

A six ans, il « lisait aux quatre langues », française, grecque, latine et hébraïque. […] Toute la littérature française fut atteinte par la préciosité et se mit aux pointes 278, qui sont la forme française des concetti et des agudezas. […] Les faiseurs de romans prirent donc qui le Mexique et le Pérou, qui la Gaule française, un autre l’Asie, un autre Rome. […] Sur l’influence de l’Espagne, Brunetière, Études critiques sur l’hist. de la litt. française, t. IV, p. 51-73. — La Diane parut en 1542, et fut traduite en français par G.

279. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Le moment semble en effet venu pour les œuvres de Richard Wagner de s’introduire définitivement en nos pays de langue française. […] Ces cœurs français, italiens, russes, que l’art échauffe, fraternisent. […] Le prix de la place, dans ce temple consacré du wagnérisme, est une bagatelle : vingt marcs, qui font vingt-cinq francs de notre triste monnaie française. […] que Venise est belle … » Du reste, l’emploi de la « réminiscence », est assez, fréquent dans l’Opéra-Comique français eu général. […] Oscar Commettant (1819-1898) est un compositeur et musicologue français.

280. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

C’est, avant tout, un Français, que l’auteur des Guise. […] Maintenir l’unité religieuse qui a fait l’unité politique, conserver intégrale et indéfectible l’unité catholique qui a fait l’unité française, voilà évidemment la première, pour qui croit à cette unité politique et pour qui la veut. […] Après François Ier, c’est Henri II, dont le règne passa entre le coup d’épée de Jarnac et le coup de lance de Montgomery ; Henri II, livré à un autre croissant, non moins honteux que celui du Turc, car c’était le croissant de Diane, la concubine de son père, contre lequel l’auteur des Guise ne trouve que cette phrase à coller : « Guerres malheureuses, pays plus malheureux encore, prodigalités mal placées ; il n’en fut pas moins pleuré par les Français. » Et cela le désarme, ces larmes françaises. […] On se sent Français à ce qu’on souffre, et l’on a honte pour ses pères ! […] Il s’est détourné, pour ne pas en avoir l’horreur, de tout ce qui, dans la Révolution française, révolte le plus le cœur et la pensée, et, chimérique, il a fait d’elle la grande Chimère que le monde moderne adore.

281. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Il n’est pas juste de faire à Voltaire tout seul l’honneur d’avoir sauvé l’esprit français du péril que lui fit courir le retour au précieux. […] Pour dernier trait de ressemblance avec son lecteur, Gil Blas est chrétien et Français. […] Sous son habit castillan, Gil Blas est Français, et c’est ce qui achève sa popularité. […] Il aime de la puissance l’extérieur, le paraître, et, comme tant de Français dans les honneurs, il se croit grandi de la longueur de son ombre. […] Gil Blas est Français par ce genre d’esprit finement moqueur dont nous jugeons tout ce qui n’est que fausse apparence et mérite d’enseigne.

282. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Estimant que rien n’était mieux dans la tradition des lettres françaises, M.  […] Dans la Société française sous la troisième république MM.  […] Le Français voyage peu. […] Ce sont surtout des romanciers coloniaux et ils sont en passe de compter parmi les meilleurs romanciers coloniaux français. […] Il a été imprimé à Paris 6 603 ouvrages français, latins, grecs, italiens, allemands, etc….

283. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Son défaut particulier, c’est de garder un reste de Scaliger en français, d’avoir des paroles qui sentent leur xvie  siècle, de dire à ses adversaires qu’ils ne savent ce qu’ils disent, et de citer M.  […] Je sais bien qu’il y en a qui gémissent de cet attentat… Il est à remarquer, en effet, que l’Académie française qui, depuis, a été une sorte de sanctuaire classique et d’où sont partis en sens inverse, d’où sont tombés sur des têtes que nous savons bien des anathèmes, était alors un lieu beaucoup plus neutre et dans lequel les adversaires et les contradicteurs de Despréaux, et, ce qui était plus grave, les contempteurs d’Homère, avaient eu pied en toute circonstance : J’avertis ici Mme Dacier, disait La Motte dans sa réponse, qu’elle a une idée fausse de l’Académie française. […] À cette date de 1715, il célébrait déjà dans les Français une nation philosophe, une nation chez qui l’illusion pouvait prendre, mais durait moins que chez tout autre peuple : « La philosophie fait, pour ainsi dire, l’esprit général répandu dans l’air, auquel tout le monde participe sans même s’en apercevoir. » S’il avait écrit cinquante ans plus tard, l’abbé Terrasson n’eût pas dit autrement. […] Je ne me suis pas même posé, durant toute cette étude, cette question, pourtant si française : Mme Dacier était-elle jolie ? […] [NdA] On lit ce mémoire dans la Bibliothèque française ou Histoire littéraire de la France (1735), t. 

284. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

La nation française était, à quelques égards, trop civilisée ; ses institutions, ses habitudes sociales avaient pris la place des affections naturelles. […] Ce que Lycurgue avait produit par ses lois en faveur de l’esprit républicain, la monarchie française l’avait opéré par l’empire de ses préjugés en faveur de la vanité des rangs. […] Montesquieu, Rousseau, Condillac, appartenaient d’avance à l’esprit républicain, et ils avaient commencé la révolution désirable dans le caractère des ouvrages français : il faut achever cette révolution. […] On se rappelait la réputation que la gaieté française avait méritée dans toute l’Europe, et l’on croyait la conserver en s’abandonnant à tout ce que réprouvent et la délicatesse et le bon goût. […] Quelques-uns ont pensé qu’il fallait substituer à l’accueil jadis bienveillant des Français la froideur et la dignité.

285. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

Le Maistre à Démosthène dans les collèges, l’opinion publique était secrètement complice de Perrault, et de plus en plus concevait qu’on pouvait se passer des anciens et trouver la perfection dans les ouvrages des Français. […] Car cette influence est tellement inséparable de l’influence générale de l’esprit français à l’étranger au xviiie  siècle, que même elle s’y confond et qu’on ne peut la raconter sans faire l’histoire de celle-ci dont elle est un chapitre. […] Ce n’étaient pas les doctrines de Boileau, c’était le goût français, qu’on cherchait dans l’Art poétique : au temps où Voltaire était le plus grand poète de l’Europe, on demandait à Boileau le secret de faire des vers à la mode de la Henriade. […] L’étranger n’a donc adopté Boileau que comme expression du goût français, qui faisait prime et loi, et dans la mesure même où il a été l’expression de ce goût. […] Nous autres Français, nous avons tous Boileau dans le sang, dans les moelles : nous ne saurions nous passer de vérité, d’agrément, de clarté, de précision.

286. (1929) Amiel ou la part du rêve

Ni la terre française, ni l’âme française, ne parlent fort à ce fils des calvinistes cévenols. […] Quelques amis suisses, Humbert, Godet, ou le Français Fournel. […] Par la langue et la culture, elle est française. […] Quant à Cherbuliez, la forme française de son talent lui dictait sa vocation et sa place. […] Mais, notons-le bien, à peine une Française, et pas une Parisienne.

287. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Le dernier produit de la Révolution française, c’est, en effets le Directoire. […] À la lueur des faits qu’il évoque, Babeuf disparaît, comme le Robespierre de Nodier avait déjà disparu dans l’Histoire des causes de la Révolution française. […] Il en a utilisé les pierres, en les jetant bravement à la tête des trois grandes gardiennes de la langue française et de l’enseignement historique : l’Université, l’École des Chartes et l’Académie. […] Il n’y a pas un paradoxe dans tout son livre des Origines de la langue française, qui prêtait tant au paradoxe ! […] Il y eut l’intérêt d’une cause et d’une cause sacrée, cause historique et française de la monarchie.

288. (1925) Comment on devient écrivain

Le style français est en pleine décadence. […] Daudet a la légèreté, la câlinerie, l’esprit français le plus fin.‌ […] Il a fait passer chaque vers latin dans un vers français.‌ […] L’influence des journaux est désastreuse pour la langue française. […] Jamais la langue française ne subit de tels ravages.

289. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

La Normandie est une province qui, de tout temps et dès qu’elle s’est senti un passé, s’est volontiers occupée de ses antiquités et de ses grands hommes : elle n’a cessé de vivre d’une sorte de vie qui lui est propre et qui ne la rend que plus française. […] Il y eut là, tout au sortir de l’enseignement de Malherbe, dans notre poésie française lyrique, une veine trop peu abondante, trop tôt distraite et interrompue, mais très pure, très française, neuve, élevée et douce : il en est resté quatre ou cinq odes au plus, mais dignes d’Horace, qu’on y retrouve imité sans servilité et avec génie, et bien faites surtout pour enchanter et inspirer, comme cela a dû être, la jeunesse de La Fontaine. […] Sa verve même, quand elle lui vient, se combine avec une certaine habitude raisonnable qui est le propre de la race française en poésie, et qu’il a contribué à fortifier, jusque dans les familiarités et les inélégances de sa conversation, il avait cela du poète que, s’il parlait peu, « il ne disait mot qui ne portât ». […] On a dit de nos jours avec un grain de malice et un coin de vérité : « La poésie française, au temps de Henri IV, était comme une demoiselle de trente ans qui avait déjà manqué deux ou trois mariages, lorsque, pour ne pas rester fille, elle se décida à faire un mariage de raison avec M. de Malherbe, lequel avait la cinquantaine. » Mais ce ne fut pas seulement un mariage de raison que la poésie française contracta alors avec Malherbe, ce fut un mariage d’honneur. […] Il va presque toujours au-delà de son exemple, et, dans une langue inférieure à la latine, son français égale ou surpasse le latin.

290. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

Dans une tragédie française, selon les conditions d’alors, il n’était pas si mauvais qu’on n’eût pas le temps de respirer. […] Le Français est à la fois très-susceptible d’entraînement et très-enclin à la critique. […] Je suppose toujours cet ancien public français avec ses habitudes, et à qui deux heures de spectacle sérieux suffisaient. […] » C’est que Corneille sentait son public français, ce public si pressé, si impatient, avec lequel il faut saisir aux cheveux l’occasion, — l’occasion, cette déesse fugitive et si française elle-même, et qui, seule, donne la victoire. […] Le Cid français fut un grand événement dans l’histoire littéraire.

291. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

De la vieille tradition bourgeoise française, libérale française. […] Ils sont trop bons Français, trop vieux Français pour être ironiques. […] non, français de cet âge d’attente ! […] non, Français de cet âge d’attente ! […] Français, et non français.

292. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Ces Français des hautes classes savaient admirablement mourir. […] La haute vie française se reconnaissait dans son œuvre. […] C’était à l’Académie française. […] Les effigies de ces admirables Français sont là. […] Un autre étranger, de langue française celui-là, M. 

293. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Émile Faguet (1847-1916), critique français. […] Paul Brulat (1866-1940), romancier et journaliste français. […] Georges Palante (1862-1925), philosophe français. […] Henry Chapront (1876-1965), peintre et illustrateur français. […] René Schickele (1883-1940), écrivain français de langues allemande et française.

294. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Poésie — I. Hymnes sacrées par Édouard Turquety. »

Ce n’est pas la première fois que de grands seigneurs russes se distinguent par leur facilité à emprunter, à manier la langue et la rime françaises. Au temps de M. de Ségur et de sa spirituelle ambassade, on jouait à Pétersbourg les tragédies qu’il faisait exprès, et pour lesquelles il n’eût pas manqué, dans ce grand monde tout français, de fort ingénieux collaborateurs. […] Ces Études russes, que le prince Mestscherski nous donne comme un supplément modeste des Études si vives et si gracieuses d’Émile Deschamps, s’adressent aux poètes français et méritent bien leur reconnaissance. […] Émile Deschamps, qui a des parties d’une causerie tout à fait française et du fringant le plus spirituel. […] L’auteur de ce recueil n’est pas non plus Français d’origine ni de naissance ; sorti des vallées vaudoises du Piémont, il appartient à cette antique tribu persécutée, qui a su garder sa primitive croyance.

295. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

Nous tenons un des facteurs étrangers qui ont modifié en ce temps-là l’évolution de la pensée française. […] Il écarte, après examen, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, dont les mœurs et les écrits sont peu connus ou peu goûtés des Français de l’époque. […] Il voit que les œuvres de Rousseau, qui sont les premières à prêcher en langue française l’amour des champs, paraissent de 1750 à 1760 ; il constate que les Anglais, Thomson, par exemple, ont exprimé les mêmes sentiments plus de vingt ans auparavant. […] Pourquoi, d’autre part, est-ce Rousseau qui a « fait reparaître du vert » dans la littérature française ? […] Rousseau (Charavay frères, Paris, 1883) et dans mon étude intitulée : L’influence de la Suisse française sur la France (Recueil inaugural de l’Université de Lausanne.

296. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

La Défense et Illustration de la langue française en peut servir d’un mémorable exemple. […] Il s’agit d’égaler la dignité de la langue française à la dignité des langues anciennes, de la grecque et de la romaine. […] Sa part personnelle fut presque plus considérable encore dans la fondation de l’Académie française. […] Dans l’Allemagne de Mme de Staël, ce grand goût n’est plus que le goût français, ou le goût latin, qu’elle oppose au goût teutonique. […] Je ne saurais d’ailleurs trop louer quelques parties de l’Histoire de la Littérature française.

297. (1927) Approximations. Deuxième série

Toulet Les Trois Impostures — Almanach », le critique insiste sur la fantaisie de cet esprit très français. […] Si je choisis celui-ci : « De mon temps, Monsieur, on n’avait pas de goût », c’est parce qu’il porte la marque du meilleur ascétisme français. […] Probité de métier et sagesse d’esprit, telle pourrait être la devise de la plupart des grands peintres français. […] Strachey est à tous égards un amateur exquis des lettres et de l’esprit français. […] Cette note parut à La Nouvelle Revue française, [n° 109, oct. 1922, p. 472-476.

298. (1911) Nos directions

Il a suffi longtemps dans la tragédie française. […] La tragédie française n’avait guère encore été que parlée. […] Il en va tout autrement du classicisme français. […] Le français, langue morte, et sans avoir vécu, mort-née ! […] Vingt ans de poésie française (1895-1914), Genève, Slatkine, 1981, p. 145-146.

299. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre I. Malherbe »

Il ignore les Grecs, et méprise Pindare ; il est plutôt latin ; ou mieux il est tout français, et donne autorité à ceux des Latins qui lui offrent des modèles de son goût intime : aux orateurs tels que Tite-Live, aux moralistes tels que Sénèque, aux gens de savoir et d’esprit tels que Stace. […] Il voulait la réduire aux mots purement français, comme disait Du Bellay. […] Le « courtisan », c’était sans doute la forme exquise de la langue que le peuple de Paris offrait à l’état brut et non raffiné : les crocheteurs de la Grève devaient fournir l’étoffe, et la cour y mettre la façon ; mais il n’est pas au pouvoir de la cour, ni même du roi, de faire français ce qui n’est pas du français de Paris. […] Il a fait rendre au vers français, détendu par la molle fluidité des Bertaut et des Montchrétien, de plus âpres, mais de plus fiers accents. […] Il rendait à la littérature française le plus grand service qu’il fût possible alors de lui rendre : il lui révélait le prix de la vérité, et celui de la perfection.

300. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XII. MM. Doublet et Taine »

Doublet, a été faite suivant une méthode, et le livre des Philosophes français nous donne, pour conclusion, la sienne, sans avoir l’air d’y tenir plus qu’à tout le reste, ce singulier livre. […] Ses Philosophes français sont un éclat de rire dans l’eau. […] Taine, l’auteur des Philosophes français du dix-neuvième siècle, dise hardiment, et pour cette fois avec vérité, que la psychologie est déshonorée. […] Si on appliquait à l’auteur des Philosophes français un des procédés de son livre qui consiste à changer un homme de place, — à faire naître M.  […] Aujourd’hui, après avoir lu les Philosophes français, nous l’avertissons qu’il est plus pressant que jamais de retourner au vieux Shakespeare.

301. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Guizot »

Guizot Vie de quatre grands chrétiens français. […] Les Quatre grands chrétiens français n’ont pas certainement été écrits par un cinquième… Rien de plus médiocre, en effet, et que dis-je ? […] — que ces Quatre grands chrétiens français, recueillis sur des terrains différents, jouant, ou plutôt ne jouant pas aux quatre coins, mais les faisant dans le livre de Guizot, l’homme, comme Thiers, son ancien collègue, de la balançoire éternelle, du juste milieu, de l’équilibre ; n’ayant pas (tous les deux !) […] Ainsi, Guizot, qui a écrit à la tête de son livre le mot Vie, — Vies de Quatre grands chrétiens français, — n’avait pas, en réalité, le droit de l’écrire, puisqu’il ne nous donne qu’une biographie dédoublée. […] … Là sera l’étonnement pour ceux qui liront cette vie des Quatre grands chrétiens français.

302. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

L’intérêt, sous ce rapport, en est de la même nature que celui des Remarques sur la langue française, de son disciple Vaugelas. […] Le Français qui les vantait n’apprenait rien alors à l’étranger ! […] En vérité, depuis tantôt cent ans, nous avons fait trop bon marché de l’originalité propre du génie français ! […] Ce n’est donc pas seulement un intérêt purement français, c’est un intérêt européen qu’enveloppe une étude sur Bayle. […] Desmarets, alors âgé de près de quatre-vingts ans, répliqua par une Défense de la poésie française.

303. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Plus de trois mille exemplaires de votre Montaigne des Grands Écrivains Français sont vendus. […] Saint-Marc seul soutint toutes les attaques des Français, avec un courage et un talent admirables. […] Faguet est une autorité de la critique française. […] N’était-il pas tout naturel que le protestantisme français eût son grand orateur ? […] De là dépend, écrit-il, « non seulement le langage, mais encore l’âme de toutes les tragédies françaises.

304. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Édouard Fleury »

Comme Edmond et Jules de Goncourt, et même, sauf erreur, depuis plus longtemps qu’eux, Éd Fleury s’occupe de la Révolution française. […] Son livre, comme son titre l’indique, est l’histoire, jour par jour, pendant l’époque terrible, de la classe la moins nombreuse et la plus élevée de cette société que MM. de Goncourt ont cru si légèrement saisir et reproduire dans sa confuse et profonde complexité, et cette histoire du Sacerdoce, spécialisée et restreinte à un seul département français, occupe deux volumes de cinq cents pages d’un très grand format. […] de ces confesseurs de la foi livrés aux bêtes de la Révolution française ; mais il a aussi, chose plus méritoire, la vue très nette de ce que la France — la France terrienne, la France politique, — doit à ce clergé qu’elle a traité en 1792 avec une si cruelle ingratitude. […] Dans cette Histoire de la Société française pendant la Révolution, qui ressemble à une étagère de brimborions historiques, on y dit trop fi !

305. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Plus tard, on reprochera à Ronsard de parler grec et latin en français. […] Il est bien sûr qu’il a instauré le lyrisme français en sa magnificence unanime et parfaite. […] Tant Victor Hugo est français ! […] « Et alors triomphaient à la fois la tristesse et la gaieté française ! […] Les Trophées marquent une belle date dans l’histoire de la littérature française.

306. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Est-ce à dire que les Français sont indifférents à la liberté ? […] Les Français ont une autre raison de préférer l’égalité à la liberté. […] Quand je me présentai à l’Académie française, Royer-Collard était mort. […] Entre Français cheminant côte à côte, la glace est bientôt rompue. […] La France, c’est pour chaque maison française comme l’aïeule vénérée et chérie !

307. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Mais on voit que c’est là plutôt un point de l’histoire de la langue et de l’esprit français que de celle de Pascal. […] L’Allemand, le Français, le Comédien, la Comédienne, l’Auteur dramatique, etc. […] Mais c’est aussi pourquoi l’histoire du roman français ne commence qu’avec Le Sage. […] Grimm entendait peut-être le français, quoiqu’il l’écrivit à coup sûr beaucoup moins bien qu’on ne l’a voulu dire, mais il ne comprenait rien à la littérature française, et, par ses défauts comme par ses qualités, peu d’écrivains sont plus Français que Marivaux. […] Il garda longtemps sur le cœur une rancune amère de l’accueil que lui avaient fait les religionnaires français.

308. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Le Français ne se sent plus dans le climat de son pays. Et pourtant Amiel est un écrivain français. […] Les vrais traducteurs de l’allemand en français ne seront donc pas des Allemands qui pensent en allemand, mais des Français qui pensent en français. […] C’est un excellent type de la femme française. […] Croyons un fond de bon Français à quiconque écrit un bon français.

309. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Des obstacles et des secours que rencontre Boileau dans sa tâche de législateur de la poésie française. — § VI. […] La faute de français paraît lui cacher la faute de goût. […] Gare à son épée de garde française, si l’on hésite à les admirer ! […] Voilà pourquoi Regnier ne fait pas époque dans l’histoire de la littérature française. […] (Archives de la Comédie française.)

310. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Qu’est-ce que le théâtre d’Aristophane d’après les principes de la critique française ? […] Les Français placent celles-ci infiniment au-dessus des premières50. […] Les Français, en somme, admirent trop Molière et ne le comprennent pas assez. […] Les critiques français affectent de mépriser les changements de décoration. […] M. de Schlegel savait le français.

311. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

Essayons de le devancer en présentant ici un portrait véridique du philosophe français. […] Il ne pouvait en avoir un plus accompli que Pope, qui honora le jeune Français de son amitié. […] Cette tragédie toute romanesque fut une innovation sur la scène française, consacrée surtout jusque-là à des scènes historiques. […] La Révolution française, à laquelle il toucha de si près par la date, l’aurait eu pour adversaire et pour victime. […] Cette influence croissante pendant les dix ans qui précédèrent la Révolution française, de 1778 à 1789, fut dépassée en 1793 par celle de J.

312. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Son poëme Sur le Bonheur de l’Étude remporta une des couronnes décernées par l’Académie française en 1817. […] Lebrun, malgré l’origine de l’imitation, ne pouvait être dit un succès allemand, mais bien français. […] Lycée français, tome IV, page 241. […] Chauvet, laquelle provoquait Manzoni à sa lettre en français sur les Unités. […] On peut s’étonner qu’il n’y ait pas eu plus tôt en français de tragédie, du moins notable, sur Marie Stuart.

313. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

« Les Parlements, déclare-t-il avec une émotion heureuse, n’ont pas été autre chose que la bourgeoisie française. » Vous pensez bien que la bourgeoisie française ne saurait se tromper et M.  […] Faguet, de l’Académie française, distribue à des enfants persistants des prix de français ; puisque M. Faguet, sorbonnard, distribue des diplômes à ceux dont le français lui paraît suffisant ; puisque M.  […] Mais l’académie des Vandal et des Costa de Beauregard a suffisamment oublié le français pour serrer Faguet sur son vieux sein. […] Pierre Brun n’écrit ni en français, ni en iroquois, mais bien en universitaire.

314. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Les vers d’amateur ne sont plus guère de mise eu français depuis Malherbe ; mais Malherbe n’était pas venu. […] Mellin de Saint-Gelais, qui le premier a donné en français d’autres imitations en vers de l’Arioste, a dû tremper dans celle-ci. […] Le moment serait pourtant venu, je le crois, de dresser une Anthologie française véritable, et d’y apporter à la fois la sévérité de l’érudition et celle du goût. […] Dans une Notice sur un Recueil manuscrit d’anciennes Chansons françaises, M.  […] Les Marguerites poétiques, tirées des plus fameux poëtes françois, tant anciens que modernes, par Esprit Aubert, 1613.

315. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Le lendemain matin, au soleil levant, le cardinal de Périgord revient encore à la charge ; mais cette fois il est reçu avec impatience du côté des Français, et renvoyé même avec colère. […] C’est à un Français transfuge (nouveau coup de fortune !) […] De même que messire Jacques d’Audelée est celui qui est proclamé avoir le mieux fait du côté des Anglais, de même le roi Jean est salué le premier en cette journée du côté des Français. […] (Voir le père Daniel, Histoire de la milice française, t.  […] Mérimée, au nom de l’Académie française, y a prononcé en l’honneur de Froissart un discours d’une netteté exquise.

316. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

La grammaire, la philologie française lui durent aussi d’utiles aperçus. […] Boissonade, qu’on a perdu en 1857 à l’âge de 83 ans, ce doyen des hellénistes français, n’était pas seulement un savant des plus distingués, un esprit sagace et fin : c’était un caractère original. […] Pour lui, nos savants hellénistes français d’alors, les Larcher, les Villoison, n’avaient pas le nez assez fin. […] Il a enfoui et caché dans les commentaires qu’il donne de ces ennuyeux et illisibles auteurs nombre de petites notes très-agréables et toutes françaises ; sachons gré à M.  […] Boissonade pourtant, à le prendre tel qu’il est, avec ses particularités et ses exclusions, reste unique et une perle entre les érudits français.

317. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Discours qui ont obtenu ex æquo le prix de l’académie française par M.  […] Le premier des modernes français, il porte un coup d’œil philosophique dans l’histoire ancienne. […] Sa bibliothèque française, qu’il passe en revue, est des plus bornées. […] Il n’y a qu’un Saint-Évremond en français. […] Je ne dirai qu’un mot des deux discours couronnés par l’Académie française.

318. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

On pourrait s’étonner, après cela, de l’extrême facilité et de l’ouverture naturelle avec laquelle il prit la Révolution française, si l’on ne savait combien les idées chères à certains esprits l’emportent auprès d’eux sur les intérêts et les agréments. […] Saint-Martin croit qu’il y a dans la Révolution française autre chose encore qu’une destruction et qu’un jugement de Dieu, et qu’elle a introduit quelque élément nouveau dans le monde. […] Lorsque Saint-Martin croit que les vérités religieuses n’ont qu’à gagner à la grande épreuve que la société française traversait au moment où il écrit, il est dans le vrai de sa haute doctrine. […] Il voit dans la Révolution française une sorte de Jugement dernier qui doit hâter cette sorte de restauration religieuse et de théocratie libérale, qu’il appelle, qu’il ne définit pas, mais qui sera le triomphe plus ou moins complet de sa doctrine secrète. […] Tels sont les articles où je parle des prêtres et de la religion, dans ma Lettre sur la Révolution française, et dans mon Ministère de l’homme-esprit.

319. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Il ne faut point séparer de cette Œuvre, désormais française, de Gœthe, l’exacte et belle traduction de Schiller par M.  […] Petit commis, puis secrétaire d’une mairie dans l’un de ces départements de l’Elbe nouvellement incorporés à l’Empire français, il se vit relevé, au printemps de 1813, par l’approche des Cosaques, et il prit part au soulèvement de la jeunesse allemande pour l’affranchissement du pays. […] Nous aurions pu, Français, citer l’exemple de Millevoye, de Parny, qui réussissent dans l’élégie, dans les petits sujets personnels, et qui sont ennuyeux dans les longs poëmes chevaleresques. […] Pour les poésies en l’air, je n’en fais aucun cas. » Et je ne puis m’interdire ici une remarque à l’adresse de nous autres Français qui avons la manie de découper les pensées de Gœthe et de les détacher de ses conversations comme des axiomes. […] Traduits pour la première fois en français par M. 

320. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

Mais la réponse, ce seront mes sens qui l’auront faite, ce ne sera pas vous en me disant : c’est en anglais ou c’est en français que je vous ai parlé. […] Il y a la même différence qu’entre l’énoncé d’un même fait brut dans la langue française et dans la langue allemande. […] Mais nous avons des règles fixes qui nous permettent de traduire les énoncés français en allemand, et inversement. […] Et si même, il n’y avait ni interprète, ni dictionnaire, si les Allemands et les Français, après avoir vécu des siècles dans des mondes séparés, se trouvaient tout à coup en contact, croit-on qu’il n’y aurait rien de commun entre la science des livres allemands, et celle des livres français ? […] Mais, dira-t-on, sans doute, les Français seraient capables de comprendre les Allemands même sans avoir appris l’allemand, mais c’est parce qu’il reste entre les Français et les Allemands quelque chose de commun, puisque les uns et les autres sont des hommes.

321. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Mais, en même temps qu’il entra si bien dans les idées et dans les goûts de la société française, il sut garder son air, sa physionomie, son geste, et aussi une indépendance de pensées qui l’empêcha d’abonder dans aucun des lieux communs du moment. […] Si Français qu’il fût et qu’il voulût être, il ne cessa jamais d’être Italien, d’être Napolitain, ce qu’il ne faut jamais oublier en le jugeant ; il avait le génie propre du cru, le facétieux, le plaisant, le goût de la parodie. […] Un jour qu’une troupe française était à Naples et qu’elle y jouait la comédie, chargé de l’examen des pièces, il empêcha qu’on ne jouât Le Tartuffe. […] Parmi les poètes et écrivains célèbres en ce patois, on retrouverait, j’imagine, plus d’un type de Galiani resté à l’état pur et non taillé à la française. […] Turgot songeait, disait-on, à octroyer par édit, et de la vouloir très restreinte dans l’intérêt même de l’esprit français, qui se joue mieux et qui triomphe dans la contrainte.

322. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Dans les campagnes de 1710 et 1711, il eut l’occasion de rendre service à plus d’un officier français blessé ou prisonnier : il le faisait avec cette générosité de cœur et cette effusion qui lui était naturelle, et qui lui conciliait l’affection de tous ceux qui l’approchaient. […] Puis, à quelques jours de là, un officier général prussien ayant dit à peu près la même chose, et ayant parlé peu convenablement de Louis XIV, le Français en Bonneval reparaissait, et il se battait avec le Prussien pour soutenir l’honneur de sa nation et de son ancien maître. […] Elle ne reçoit des nouvelles que de ricochet et par les Français qui servent dans l’armée impériale ; elle s’en plaint avec douceur, avec timidité, comme quelqu’un qui se sent à peine des droits : Je suis bien heureuse que les Français qui sont dans votre armée n’aient point encore oublié leur patrie, car sans leur secours, malgré le peu de disposition que j’ai de vous croire coupable, je serais toujours dans des alarmes que votre situation ne fait que trop naître. […] Un de ses plaisirs était, lorsqu’il se trouvait seul, de s’habiller complètement à la française, y compris les souliers et les bas blancs : il n’était Turc de costume qu’en cérémonie. […] La comtesse de Bonneval a sa physionomie à part dans la série des femmes françaises qui ont laissé, sans y songer, l’image de leur âme en quelques pages.

323. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

L’éducation, telle qu’elle est pratiquée depuis trois siècles sans modifications sérieuses, développe particulièrement le goût de la phrase toute faite ; et il importe peu qu’elle soit latine ou seulement française, puisque les auteurs français dont on « orne la mémoire » des enfants sont des succédanés des auteurs latins et leurs meilleurs traducteurs. […] Cela se représente à toutes les époques de la langue française et de toutes les langues, mais en atteignant surtout les mots d’origine étrangère. […] Passé en anglais, le mot « beau » prit le sens de « fat », et, passé en français, le mot « dandy (élégant) » se trouva très vite chargé d’une acception ironique. […] Le Génie de la langue française, ou Dictionnaire du langage choisi, contenant la science du bien dire, toutes les richesses poétiques, toutes les délicatesses de l’élocution la plus recherchée, etc. […] Les Epithètes françaises rangées sous leurs substantifs, ouvrage utile aux poètes, aux orateurs, etc., par le R.

324. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Au premier aspect, l’invasion française de 1796 était pour l’Italie, non pas un joug étranger de plus, mais une renaissance nationale et politique. […] La chute et les légendes héroïques de l’Empire ouvrirent une source nouvelle aux imaginations françaises ; et, sans partialité contemporaine, il faut, dans l’époque qui suivit, reconnaître un âge poétique. […] Déjà, dans le siècle dernier, ces lointains climats nous avaient envoyé plus d’un témoignage de l’influence qu’y prenait l’esprit français. […] Étudiant à la fois les langues savantes et les philosophes français, Homère et Raynal, bientôt il se sentit poëte. […] Mais dona Gomez ne l’avait pas entendu, et, sous la forme lyrique, elle se rencontrait de génie avec une des inspirations de la tribune française.

325. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Brunetière fera connaître l’importance et les conséquences générales de ce débat dans l’évolution de la littérature et du goût français. […] Nous entendons traiter Perrault d’ignorant à chaque page : nous lisons qu’il a commis, ici, « une grossière faute de français », là « une ineptie ridicule », là « cinq énormes bévues ». […] Puis, en dépit de tout, il ne pouvait faire qu’il ne fût Français, et Français du grand siècle, épris de politesse et de décence, homme de réflexion et de raison. […] En un mot, il se fait à chaque moment juge du sens et des mots de son auteur, il le « rectifie » sans scrupules, « à la française ». […] Ainsi le français n’a point été toujours apte à tous les genres.

326. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Le français, qui est très indigène en quelques parties, est resté âpre et n’a jamais eu sa greffe définitive. […] Mais traversée en bien des sens et formée d’une population mi-partie française, italienne et germanique, Genève aurait fort à faire pour garder une langue pure. […] Malherbe avait dit : « J’apprends tout mon français à la place Maubert. » Lui, Töpffer, il veut qu’à deux siècles de distance cette parole bien comprise signifie : Je rapprends et je retrempe mon français chez les gens simples, restés fidèles aux vieilles mœurs, comme il en est encore dans la Suisse romande, en Valais, en Savoie, en dessus de Romont, à Liddes, à Saint-Branchier, au bourg Saint-Pierre. C’est là qu’en accostant, dit-il, le paysan qui descend la chaussée, ou en s’asseyant le soir au foyer des chaumières, on a le charme encore d’entendre le français de souche, le français vieilli, mais nerveux, souple, libre et parlé avec une antique et franche netteté par des hommes aussi simples de mœurs que sains de cœur et sensés d’esprit ; … — en telle sorte que la parole n’est plus guère que du sens, mais franc, natif, et comme transparent d’ingénuité. […] Töpffer, qui se sépare de nous gens du centre, qui est en indépendance et en réaction contre la littérature française de la capitale, et qui la juge, nous semble parfois bien sévère et même injuste.

327. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

Bonstetten, disons-le bien vite pour nos Français qui savent si bien ignorer et sitôt oublier (quand ils l’ont su un moment) tout ce qui ne figure pas chez eux, sous leurs yeux et sur leur théâtre, était un aimable Français du dehors, un Bernois aussi peu Bernois que possible, qui avait fini par adopter Genève pour résidence et pour patrie, esprit cosmopolite, européen, qui écrivait et surtout causait agréablement en français, et qui semblait n’avoir tant vécu, n’avoir tant vu d’hommes et de choses que pour être plus en veine de conter et de se souvenir. […] J’avais seulement une vingtaine de bons livres que je relisais sans cesse, comme Le Spectacle de la nature (de Pluche), Batteux, quelques poètes allemands, latins et français, surtout les œuvres philosophiques de Cicéron. Né dans une ville où l’on ne savait ni l’allemand ni le français, je ne savais aucune langue ni même le latin, qu’il me fallut apprendre tout seul, quoiqu’une première éducation eût été, comme c’était l’usage, employée à ses tristes et inutiles rudiments. […] J’en suis maintenant à essayer d’habiller tout ce moule à la française, ce qui est un rude labeur… — Je le crois bien. Voilà près de cent ans qu’on essaye, sans y réussir, d’accommoder ces génies d’une langue plus brave que la nôtre et de leur faire une toilette à la française.

328. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

Et qu’était-ce d’abord que cette noble et quasi royale personne, morte en 1824, qui avait titre la comtesse d’Albany, et qui bien qu’en partie Française par les opinions, par les relations, par les lectures, n’a jamais été naturalisée comme elle l’aurait pu l’être au cœur et au centre de notre monde français ? […] La politique française, dans ses revirements, chercha plus d’une fois à faire de lui quelque chose et à l’opposer à l’Angleterre comme menace et comme diversion. […] Le ministre français successeur de M. de Choiseul, le duc d’Aiguillon, fit venir le prince à Paris, en 1771, et lui garantit une pension de la France moyennant qu’il épousât une jeune princesse de Stolberg, alliée des Fitz-James qui y mettaient un vif intérêt. […] Le caractère de la reine était plus français qu’allemand. […] Alfieri, il est vrai, son grand ami, qui régna vingt-cinq ans sur son cœur, ne nous est guère sympathique ; il ne nous aime pas, Français ; que dis-je ?

329. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Je me console toutefois de ce qui est arrivé, parce que j’espère que l’acte sanglant de Vincennes nuira au premier Consul. » Ainsi parlait d’un Bourbon français cette sœur de Marie-Antoinette. Un jour, avant les derniers éclats, au printemps de 1805, l’idée était venue de marier une de ses filles, la princesse Amélie (celle même qui a été reine des Français et l’épouse de Louis-Philippe) avec le fils de l’impératrice Joséphine, Eugène de Beauharnais. […] C’est une de ces natures françaises, nobles et loyales, qui par leurs qualités mêmes s’entendent et s’accommodent le mieux avec le caractère allemand. […] Il me répondit, avec une politesse infinie, qu’il ne trouvait pas que les Français eussent de la répugnance à sortir de leurs routes, mais seulement qu’ils étaient plus judicieux (il va y avoir un léger correctif à ce mot) que leurs voisins, lorsqu’il était question de s’en ouvrir de nouvelles. […] Gœthe, mis ainsi en regard de lui-même et comme devant un miroir, ne trouva qu’un mot à relever dans les paroles que lui représentait la dépêche du fidèle diplomate ; c’était pour l’éloge qu’il avait fait de l’esprit français : « Il m’a été très-agréable, disait-il, de voir avec quelle exactitude M. 

330. (1760) Réflexions sur la poésie

Cette manière de penser, si j’ose rendre compte ici de la disposition unanime de mes confrères, dirigera dans la suite plus que jamais le jugement de l’Académie Française sur les pièces de poésie qu’on lui adresse pour le concours. […] Il semble que le même esprit de sagesse qui a présidé à la formation de notre langue, a présidé aussi aux règles de notre poésie française. […] Oserait-on conclure de là qu’on pourrait faire de très bonne musique sur de la prose française, pourvu que cette prose fut harmonieuse et cadencée ? […] Ne craignons pas d’assurer qu’il y a plus de mérite dans dix bons vers français, que dans trente Anglais ou Italiens. […] Peut-être y a-t-il un autre poème épique qui peut jouir du rare avantage d’être lu de suite, sans ennui et sans fatigue ; mais l’auteur a encore un plus grand défaut que le Tasse ; il est français et vivant.

331. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vitu » pp. 103-115

Les fragments historiques cités plus haut sur certaines phases de la Révolution française, l’attestent, par les qualités dont ils brillent. […] Vitu vient d’en ramasser, avec tant d’à-propos, quelques-uns, en ces pages tout à la fois corsées et légères, d’une érudition si peu attendue et si exacte, qu’il nous ferait grandement plaisir de les ramasser tous et d’entreprendre, à ce point de vue nouveau du ridicule, une histoire de la Révolution française. […] Esprit vraiment français de fond et de forme, sans déclamation d’aucune sorte, sans surcharge, sans pesanteur, sans pédantisme, Vitu est un voltairien, de l’autre bord, qui rendrait aux voltairiens et à Voltaire lui-même la monnaie de leur pièce en une plaisanterie qui vaudrait la leur. […] Tout à l’heure viendront, pour le compte de l’historien lui-même, des pages de ce comique plus tuant pour la gloire de la Révolution que les tragédies les plus horribles, — car l’horrible dégrade moins que l’abject, — mais en ce moment, dominé par l’idée de la fin de cet homme taillé dans toutes les élégances de l’héroïsme français, Vitu n’a songé qu’à être pathétique. […] Il affectait les airs de l’aristocratie parce qu’il y avait la grâce d’un danger à cela, tentation française à laquelle on succombe toujours !

332. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXIII » pp. 133-140

. — disette de grands noms dans le clergé français. — opinion de joseph de maistre. — l’abbé de cazalès. — m. patin. — les tragiques grecs. — saint-marc girardin. — sa sécheresse d’esprit. — opposé a m. de rémusat. […] On le dit convenable, sensé, assez raisonnable ; il ne l’est même que trop pour nous Français, et on remarque avec ironie qu’il n’a encore fait parler de lui par aucune aventure de jeunesse ; pour un petit-fils de Henri IV et pour le fils du duc de Berry, il est le plus irréprochable des bons sujets. […] Là est la grande plaie du clergé français. […] De tels membres sont malheureusement trop rares dans le clergé français. […] Il y professe la Poésie française, et à ce propos toute chose.

333. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « I »

Au Xe siècle, dans les premières chansons de geste, qui sont un miroir si parfait de l’esprit du temps, tous les habitants de la France sont des Français. L’idée d’une différence de races dans la population de la France, si évidente chez Grégoire de Tours, ne se présente à aucun degré chez les écrivains et les poètes français postérieurs à Hugues Capet. […] Aucun citoyen français ne sait s’il est Burgonde, Alain, Taïfale, Visigoth ; tout citoyen français doit avoir oublié la Saint-Barthélemy, les massacres du Midi au XIIIe siècle. […] C’est la gloire de la France d’avoir, par la Révolution française, proclamé qu’une nation existe par elle-même.

334. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Et surtout ils n’affichèrent pas l’étrange prétention de déplacer le centre de l’histoire de la littérature française. […] Et c’est pourquoi ni le français, ni l’italien, ni quelque autre langue de la même famille ne datent du latin roman. […] Et pour le français, entre nous et les admirateurs outrés du moyen âge, la question est justement de savoir à quelle date ou plutôt par quelles œuvres doit commencer l’histoire de la littérature et de la langue française. […] Ce chapitre de l’Histoire du théâtre français sous Louis XIV nous paraît inattaquable. […] Boucherie sur la Littérature française au moyen âge et la Revue des Deux Mondes.

335. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre IV. — Molière. Chœur des Français » pp. 178-183

Chœur des Français Jamais leur passion n’y voit rien de blâmable, Et dans l’objet aimé tout leur devient aimable. […] Pendant que les Allemands nous prouvent que Molière n’est pas un bon poète comique, nous n’avons pas cessé d’entendre les Français chanter sa gloire : Gloire à Molière, le plus grand des poètes comiques ! […] Tirant le comique du fond des caractères, et mettant sur la scène la morale en action, un poète français est devenu le plus aimable précepteur de l’humanité qu’on eût vu depuis Socrate274. […] Boileau, Fénelon, Taschereau, Nisard, Histoire de la littérature française.

336. (1903) Le problème de l’avenir latin

D’abord l’exemple français. […] On a répété que la Révolution française, c’est le Gaulois émancipé des Francs. […] Mais alors même que pour longtemps encore le vaudeville français, l’esprit français, la cuisine française, les modes françaises, le goût français feraient prime dans le monde, cela signifierait-il qu’il n’y a par ailleurs que solitude, néant, grossièreté et petitesse ? […] Les colonies françaises sont et demeureront presque vierges d’exploitation. […] Il y a une élite italienne, française, espagnole, sud-américaine même.

337. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Il a formé l’âme française, qui lui doit une double grâce. […] Aucune génération française s’est-elle également grisée d’idées ? […] N’importe : il constitua ou il reconstitua une conscience française. […] Durant ces vingt ans, la poésie française, comme toute chose française, était bouleversée. […] Le goût français menace de se détériorer.

338. (1929) La société des grands esprits

Gosse donne Pater pour soumis à l’influence française. […] Il aime tout l’art français jusqu’à Louis XVI inclusivement. […] Le grand Frédéric ne parlait que français, n’écrivait qu’en français, savait à peine l’allemand et le méprisait de toutes ses forces. […] Ils brisent la tradition française et s’imaginent qu’il reste un patriotisme français. […] Et à ses yeux Frédéric est un Français, le roi de la pensée.

339. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

Géruzez, écrivain cependant très français ? […] surtout, quelle cordialité vraiment française ! […] C’est quelque chose de tout français et où il faut la précision française. […] ces agréments nous laissent froids, et ce français si correct et si pur n’est plus notre français. […] Regnard est le Français sorti de son pays.

340. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

La Révolution française, en effet, peut être considérée comme entièrement terminée, sous les formes, du moins, qu’elle a présentées à chaque reprise durant l’espace de quarante ans. […] La Révolution française a eu des moments bien différents, et, quoiqu’on retrouve La Fayette au commencement et à la fin, il y a eu d’autres écoles rivales et au moins égales de celle qu’il y représente. […] Les anciens chevaliers, les gentilshommes français avaient pour culte l’honneur. […] Mais le corps français est peu considérable ; pendant toute la campagne de 1780, M. de Rochambeau croit devoir rester à Rhode-Island. […] mais il est une observation que je dois faire, parce qu’elle est commandée par mon amour inaltérable pour la liberté, par le sentiment profond que j’ai des devoirs d’un citoyen, et surtout d’un représentant français.

341. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Schereizer ont beaucoup contribué à réveiller en Allemagne la sympathie pour le plus grand poète français. […] Molière ne nous appartiendra peut-être jamais tout à fait comme Shakespeare ; mais, précisément parce qu’il est le plus français des auteurs français, il appartient à l’humanité tout entière comme les deux poètes nationaux de l’Italie et de l’Espagne : Dante et Cervantes. […] À quelle hauteur s’élève le Don Juan français ! […] Mais imiter, mais vêtir à l’allemande, à l’espagnole ou à l’italienne la pensée française, c’était une autre espèce d’apostasie. […] Cette opinion humouristique de l’acteur anglais vaut bien celle d’un critique allemand ou français.

342. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXII » pp. 286-290

Nisard sur l’influence de Descartes dans la littérature française. C'est un chapitre de l’ouvrage qui paraît en même temps : Histoire de la littérature française ; les deux premiers volumes sont en vente. […] Nisard est un écrivain de talent, sérieux et peut-être un peu trop occupé de le paraître, qui s’attache à faire valoir les grandes figures, à défendre et à venger les réputations classiques, à démontrer en toutes choses, à glorifier les propriétés et les avantages de ce qu’on appelle l’esprit français, c’est-à-dire raison, clarté, etc. […] — La comédie sur laquelle on comptait beaucoup au Théâtre Français, Une Femme de quarante ans, a réussi, et a paru agréable, mais non pas aussi neuve qu’on aurait pu le croire d’après les promesses.

343. (1927) Des romantiques à nous

Il n’est pas faux de faire commencer le romantisme français à Chateaubriand. […] Reynaud veut que l’esprit français soit essentiellement chrétien et « spiritualiste ». […] Ils sont pourtant bien français. […] Une moitié des Français est pour elles, une moitié contre. […] C’était un tome dépareillé de Schopenhauer en français.

344. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Ils sont une bonne fortune pour l’étudiant en français, en style français, en « composition » française et en métrique française. […] Quand 1789 éclata, il devint Français. Ce ne fut pas pour longtemps ; mais il devint très Français. […] Il arbora la cocarde nationale française. […] Teodor de Wyzewa les a traduits en français très pur et très élégant.

345. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jacques Demogeot » pp. 273-285

Jacques Demogeot Tableau de la littérature française au xviie  siècle avant Corneille et Descartes. […] Jacques Demogeot, agrégé de la Faculté des lettres de Paris et professeur d’éloquence française, a repris en sous-œuvre un cours fait en Sorbonne et en a tiré le livre qu’il intitule modestement : Tableau de la littérature française au xviie  siècle avant Corneille et Descartes. […] Il n’y a qu’une seule chose qui puisse donner une idée juste de cet écrivain, qui ressemble au magistrat irréprochable de la chanson et qui a si bon air dans sa phrase correcte, exacte, nette comme du français, une petite phrase despote qui nous plaît, et cette chose, la voici. […] III Tel est, dans sa tendance naturelle, le genre d’esprit qui circule à travers ce Tableau de la littérature française avant Corneille. […] Dans cette littérature avant Corneille ; si effroyablement imitatrice qu’il est lui-même Espagnol, ce qui importait le plus, n’était-ce pas de sauver l’originalité de la pensée française envahie, et de fonder la nationalité littéraire ?

346. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Vte Maurice De Bonald »

La monarchie y a péri cependant, la monarchie, fille aînée de l’Église, et on se demande ce que deviendront les autres monarchies, qui ne sont pas chrétiennes ou qui ne le sont pas comme l’était la monarchie française. […] L’histoire de la monarchie française a été rompue par la révolution le jour que cette monarchie s’est séparée du principe religieux qui faisait sa vie et sa force, et cette rupture n’est pas seulement qu’une interruption momentanée… Pour les logiciens de l’Histoire, qui a sa mathématique inflexible, c’est la rupture dans la chaîne des faits qu’il faut nécessairement reprendre dans leur ordre, comme un raisonnement dans le sien, si on veut se retrouver dans la vérité, qui est la même dans l’ordre des raisonnements et des faits. Or, la monarchie française ne peut pas revivre autrement qu’à la condition de reprendre ses traditions de christianisme là où elle a fait la faute et le crime tout à la fois de les abandonner… Et c’est cette pensée, qui est encore dans beaucoup d’esprits justes, mais quila cachent, pour des raisons qui veulent être plus ou moins prudentes ou qui se croient plus ou moins habiles, c’est cette pensée que Maurice de Bonald a eu le courage d’exprimer. […] En d’autres termes, il a voulu savoir si le comte de Chambord avait en lui l’esprit séculaire et chrétien de l’ancienne monarchie française, et si son éducation, ses idées et ses actes, qui ne sont encore que des paroles et des déclarations brillantes de loyauté, ne brillent pas trop aussi de cet esprit moderne inquiétant pour sa politique dans l’avenir, au cas où la France le reconnaîtrait un jour pour son roi moins pour une loyauté à laquelle elle ne se fierait peut-être pas, si elle était seule, que pour cet esprit moderne qui s’appelle, par duperie ou par trahison, « le libéralisme », mais qui n’est au fond que l’esprit même de la révolution… Recherche douloureuse, dans laquelle l’auteur du livre que voici a tenu le flambeau d’une main ferme ! Il n’a rien omis de toutes les diverses déclarations du comte de Chambord, à ses amis en particulier et à tous les Français en masse, depuis 1848 jusqu’en 1879, et il a opposé au Syllabus, dont le prince reconnaît verbalement l’autorité souveraine, des opinions et des déclarations qui en sont la négation explicite ; et non seulement il a cité en détail ces paroles, qui sont déjà des actes, mais il a prouvé qu’avec l’éducation que le dernier des rois de France a reçue il devait nécessairement les prononcer.

347. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Par la restauration de la monarchie absolue et de la religion catholique, l’esprit français écarte les questions irritantes et dangereuses. […] Mais ce n’est pas le naturel de Marot : à force de s’étirer, l’esprit français a grandi ; à force de se guinder, il s’est haussé. […] De toute façon, les ouvrages de la période qui nous occupe sont de bons Français. […] Coeffeteau, regardée comme un modèle de la prose française, et qui n’est qu’une traduction paraphrasée de Florus, sans érudition ni critique. […] Lanson, la Littérature française sous Henri IV, Antoine de Montchrétien, Revue des Deux Mondes, 15 sept. 1891.

348. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Jules Lemaître, ayant été élu par l’Académie française à la place vacante par la mort de M.  […] Une Providence ingénieuse donnait à ce professeur ardemment français entre nos historiens un élève, futur historien lui-même, profondément français entre nos princes. […] Tous les collégiens français apprenaient l’histoire dans ses manuels si clairs, si vivants, et qui firent une petite révolution dans la librairie scolaire. […] Il était lui-même, par sa foi philosophique et sa conception de la cité, un Français de la Révolution, mais muni d’expérience historique, et de prudence et d’obstination romaines : quelque chose comme un idéologue pratique (je vous prie de donner au premier de ces deux mots son plus beau sens). […] Duruy. — Et c’est pourquoi, préoccupé, ici comme ailleurs, de l’unité morale du pays, et pour atténuer les dissentiments que la différence des éducations apporte dans tant de ménages français, il fonda, à la Sorbonne et dans les grandes villes, ces cours de jeunes filles qui, depuis, ont été agrandis en lycées.

349. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

L’éloge d’Amyot a été proposé par l’Académie française pour sujet du prix dit d’éloquence qu’elle a décerné en 1849 ; M.  […] Or, Amyot est un Rollin plus fort, venu cent cinquante ans auparavant, qui a eu l’initiative dans son genre, qui a le premier donné l’exemple d’une grande traduction d’après le grec en français, et qui a eu le génie de la diction toutes les fois que la pensée d’un ancien lui a souri. […] Amyot, avec son excellent français de Melun, était beaucoup plus agréé alors de l’Académie naissante que Montaigne, suspect de néologisme et de gasconisme. Boileau raillait Tallemant, qui se mêlait de traduire Plutarque, en l’appelant le « sec traducteur du français d’Amyot ». […] Joubert, qui parle admirablement de Plutarque et sans superstition, a dit : « Toute l’ancienne prose française fut modifiée par le style d’Amyot et le caractère de l’ouvrage qu’il avait traduit.

350. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Il réunissait donc les jours de congé les premiers de la classe, Burnouf, Hachette, Bascou, mort professeur de littérature française à Montpellier. […] Études sur la langue française, les origines, l’étymologie, la grammaire, les dialectes, etc. […] Burguy (un Français de Berlin), s’appliquèrent à ces mêmes questions et à débrouiller le problème des origines. […] Littré lui a fait faire, et combien il est vrai de dire qu’il a organisé véritablement chez nous cette étude du français à tous les âges. […] Dictionnaire de la langue française.

351. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre V »

« Les médecins de Molière parlaient latin, remarque finement Rémy de Gourmont en sa lumineuse Esthétique de la langue français. […] Brissaud90, sont coupables de conserver et surtout d’inventer des formes bâtardes, métissées de grec et de latin, dans les cas où le fond de notre langue suffirait amplement. » Et il cite le mot excellent de cailloute, nom d’une phtisie particulière aux casseurs de cailloux ou provoquée par des poussières minérales ; les nosographes, le trouvant trop clair et trop français l’ont biffé pour écrire pneumochalicose. […] « On parle, ajoutait-il, et l’on écrit, en général, pour être compris et les mots qui s’appliquent nettement et exclusivement à la chose qu’on veut désigner sont nettement les meilleurs. » 91 « Il ne s’agit pas, développe encore Rémy de Gourmont en l’ouvrage précité, il ne s’agit pas de bannir les termes techniques, il s’agit de ne pas traduire en grec les mots légitimes de la langue française et de ne pas appeler céphalalgie le mal de tête. […] Rémy de Gourmont, Esthétique de la langue française, p. 14. […] Boissière, Dictionnaire analogique de la langue française.

352. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre VI. Conclusions » pp. 232-240

… Louis Blanc voulait voir dans la Révolution et depuis lors dans la Société française, deux mouvements : l’un dérivant de Voltaire, l’autre dérivant de Rousseau. […] Malheureusement pour le génie français, la victoire est trop souvent restée au Genevois. […] Depuis qu’il est à nouveau question de Renaissance Latine ou Grecque, on a oublié ceux qui les premiers l’avaient préconisée comme le remède sauveur, la panacée infaillible des lettres françaises. […] Et ainsi, attentifs à ne rien mutiler de ce qui vit autour de nous et qui peut servir à notre vie propre, nous pourrons atteindre à une compréhension plus large et plus personnelle des choses, comme à un art plus plastique, plus directement modelé sur la nature vivante ; et après tant de courses vagabondes hors des frontières, tant d’excursions dans tous les domaines défendus, y compris ceux de la chimère et de la folie, nous pourrons enfin nous rasseoir chez nous et inaugurer un mouvement qui sera vraiment un retour à la tradition française comme à la réalité humaine. » C’est sur ces mots que nous voudrions finir. […] Les tendances générales nous semblent être : Le retour à la simplicité, à la tradition française qui compte autant avec l’avenir qu’avec le passé, au respect des formes syntaxiques ; l’abandon presque complet du vers-libre qui a pourtant donné de beaux poèmes ; le dédain des émotions factices ; le souci du fait social sans toutefois lui laisser la prédominance ; la Renaissance de la critique.

353. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

En ce temps, monseigneur, qu’elle est comblée de tant de merveilles, de prospérités et de victoires, c’est un trop bel avantage d’être Français pour n’avoir pas du cœur et de l’ambition. […] La monarchie française serait venue au point souhaitable de sa grandeur, si elle avait pour bornes les Alpes, les Pyrénées et le Rhin. […] Chaque portrait y est orné de quatrains ou épigrammes en vers de la façon de Jean Baudoin, de l’Académie française, ami de Mézeray. […] Ne vous en étonnez pas, lecteur ; notre histoire n’est pas l’entreprise d’un homme seul, ni d’un homme privé : la monarchie française est une pièce de trop grande étendue et de trop longue durée. […] Le sentiment national qui anime Mézeray s’exprime naïvement au début du règne de Charlemagne : « Que j’ai maintenant de plaisir, s’écrie-t-il, d’être né Français, lorsque je vois notre monarchie s’élever à une gloire où jamais aucun État chrétien n’a su monter ! 

354. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Saint-Évremond avait naturalisé la légèreté et la grâce françaises en Angleterre. […] Ils sont rares et négligés aujourd’hui dans les bibliothèques ; c’est un malheur pour l’esprit français. […] C’est un Rabelais de cour et de bon goût qui n’a du français que la sève, mais qui a du grec l’atticisme. […] Dieu préserve le plus longtemps possible la littérature française de ce casse-cou ! […] Ce n’est pas en chiffres morts, c’est en lettres vivantes et immortelles que le nom français a été écrit sur la face du globe !

355. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Gœthe, tout en jouissant des primeurs de la nouvelle littérature française, s’apercevait bien, avons-nous dit, qu’on repassait à quelques égards par les mêmes chemins qu’avait récemment traversés le romantisme allemand. […] Parlant donc des œuvres de la jeune école française qui lui arrivaient en masse, il y faisait la part des excès et celle des progrès. […] « Les Français, dans leur révolution poétique actuelle, disait Gœthe, ne demandaient rien autre chose d’abord qu’une forme plus libre ; mais ils ne se sont pas arrêtés là, ils rejettent maintenant le fond avec la forme. […] Et entre nous, je ne haïssais pas les Français, quoique je remercie Dieu de nous en avoir délivrés. […] Les derniers critiques des journaux français pensent autrement.

356. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Après avoir rempli différentes missions et même exercé de pleins pouvoirs d’administrateur financier dans les pays conquis, il fut envoyé à Varsovie en qualité de résident français au commencement de 1811. […]   Cela est d’autant plus facile aujourd’hui que les Mémoires du comte de Senfft ont récemment paru rédigés en français et publiés à Leipsick38. […] D’un caractère doux, réservé, de manières aimables, parfaitement honnête homme, il n’était pas le partisan du système français, lorsqu’il fut envoyé chez nous pour la première fois par un prince, bientôt roi, qui allait devenir l’ami sincère de Napoléon. […] Dans le cas présent il va se trouver engagé à continuer de représenter à Paris un souverain qui aura une autre inclination et inspiration politique que la sienne ; il va passer, même à Dresde et dans son pays, pour un partisan du système français, sans l’être pour cela devenu, et en ayant au cœur une politique toute différente. […] Bignon, et où il se retrouvera en rapports étroits avec M. de Senfft : « Il réussit dans cette commission (de gagner aux vues du Cabinet français le chanoine Escoïquiz), et ce fut, depuis, son titre à la faveur.

357. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Ancien lyrisme français. […] Le Français n’est pas lyrique. […] Ancien lyrisme français. […] Leur affaire est de jouer avec des idées : jeu bien français. […] Brakelmann, Les plus anciens chansonniers français, Paris, 1891. — À consulter : Hist. litt. de la Fr.

358. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

De Barrès, il n’y a pas une ligne qui arrête même un étranger, pourvu qu’il manie la grammaire et le vocabulaire français. Seulement — il faut bien mettre les pieds dans le plat, et prendre à notre tour l’offensive, — seulement pour l’ordinaire, on ne sait pas le français, mon cher confrère3. […] Que le comte Tolstoï sait mal le français, — ce qui ne l’empêche point de se dresser entre les puissants constructeurs de romans du siècle, aussi haut que Balzac, que Stendhal, que Dickens. Mais peu de Français savent lire mieux que Tolstoï. […] Qui sait si les dialectes même de l’élite et de la foule n’iront pas décidément divergents, s’il n’y aura pas un français littéraire et un français vulgaire ?

359. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

S’ils échouent, serons-nous donc privés de la Walkure en français ? […] Non, les véritables fervents de Wagner sont encore les meilleurs champions de la cause artistique française. […] Il n’est pas d’homme qui fasse plus d’honneur à l’art français. […] Malgré les scandales qu’il provoqua, il fut pourtant élu à l’Académie française le 5 mars 1908. […] Amédée Pigeon (1851-1905) est un poète et un écrivain français.

360. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

À dix ans il étudiait l’algèbre et la géométrie ; à douze, il traduisait Virgile, Horace et Lucrèce, non seulement en français, mais en anglais. […] Un autre roman ou nouvelle de lui, intitulée Eugénie (1803), est aussi l’histoire d’une jeune Anglaise restée en France pendant la Révolution, et y aimant presque à contrecœur un jeune Français qu’elle finit par épouser à travers les discordes et les guerres qui séparent les deux nations. […] C’est assez faire entendre aussi, je pense, ajoute-t-il, que les personnages ne sont pas des sauvages de l’Ancien ni du Nouveau Monde ; ils sont Français et costumés à la française : enfin, ce qui est encore plus extraordinaire, autant du moins qu’il a été possible à l’auteur, ils parlent français… ». […] Et pourtant, ce Chateaubriand, qui semblait alors ne point parler français, revenait et nous ramenait par des hauteurs un peu escarpées et imprévues à la grande et forte langue, et c’était sur ses traces que le goût lui-même devait retrouver bientôt sa vigueur et son originalité. […] Les sciences positives qu’il a cultivées et augmentées enregistreront son nom ; la littérature française ne saurait désormais oublier non plus un nom qui se trouve lié d’une manière si inséparable à ceux de Mme de Sévigné et de La Fontaine.

361. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

En les faisant venir en France, l’oncle n’avait pas si mal spéculé pour la grandeur de sa maison et pour l’agrément de la société française. […] Ils étaient restés plus Italiens que Français : il fut, lui, un Français des plus accomplis, ayant bien le cachet de son temps. […] Qu’avait fait à cet âge M. de Nivernais pour être choisi par l’Académie française avec cette sorte de concert et d’acclamation ? […] Dans l’été qui suivit la conclusion de la paix, quelques personnes du beau monde français voulurent voir l’Angleterre ; la comtesse de Boufflers fut des premières à y aller. […] C’est ce qu’a fait de mieux le duc de Nivernais, et ce qui donne le plus l’idée d’un Chesterfield français en sa personne.

362. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIV » pp. 294-298

. — réception de m. saint-marc girardin a l’académie française. — réponse de m. victor hugo. […] Saint-Marc Girardin à l’Académie française ; les discours du récipiendaire et de M. […] La voix grave de l’orateur ajoutait, nous écrit-on, à la solennité du langage, et on pouvait croire par moments qu’on entendait moins le directeur de l’Académie française s’adressant à un spirituel confrère, que le président d’une loge de francs-maçons recevant un nouvel initié. […] On loue toujours les rois et les princes à l’Académie française : c’est de rigueur.S.

363. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre X » pp. 83-88

Chapitre X Suite de 1629 à 1640 (4e période) — Naissance de l’Académie française. — Le Cid de Corneille. — Critique du Cid par l’Académie française. — Opinion de l’hôtel de Rambouillet sur Le Cid. […] De la conversation de l’hôtel de Rambouillet, de l’émulation de bien penser et de bien dire qu’elle avait excitée, est née l’Académie française. […] Cet ouvrage écrit en français est d’un style pur et d’une limpidité parfaite.

364. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Ronsard aime les anciens, et il aime aussi, fort bien, les vieux auteurs français ; mais Marot aime les anciens, et il aime les vieux auteurs français davantage. […] Il a assoupli, enrichi et poli le vers français. […] Ronsard s’était révolté contre la langue française, Du Bartas contre le bon sens français, et Desportes, quoique bien pacifique, était le chef d’une invasion italienne. […] C’est qu’il n’était pas Français. […] André Chénier était à moitié Grec et venait chez nous chanter en français ; M. de Heredia est de sang espagnol, mêlé de sang français.

365. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

La fierté nationale des Anglais, ce sentiment développé par un amour jaloux de la liberté, se prête moins que l’esprit chevaleresque de la monarchie française au fanatisme pour quelques chefs. On veut récompenser, en Angleterre, les services d’un bon citoyen, mais on n’y a point de penchant pour cet enthousiasme sans mesure qui était dans les institutions, les habitudes et le caractère des Français. […] Les Anglais ont, dans leur histoire, beaucoup plus de situations tragiques que les Français ; et rien ne s’oppose à ce qu’ils exercent leur talent sur ces sujets, dont l’intérêt est national. […] Les Français ont souvent condamné les scènes d’horreur que Shakespeare représente. […] Il existe sur le théâtre français de sévères règles de convenances, même pour la douleur.

366. (1861) Cours familier de littérature. XI « Atlas Dufour, publié par Armand Le Chevalier. » pp. 489-512

Nous avons une armée en Chine, nous avons une expédition en Cochinchine ; nous portons une escadre d’observation sur les côtes septentrionales des États-Unis d’Amérique, nous avons une colonie militaire en Afrique, nous avons une armée en Syrie, nous en avons une au cœur de l’Italie, à Rome ; nous avons une expédition française à Taïti, route égarée où ne passe aucune voile et qui ne mène à aucun but français sur l’immensité de ces mers futures ; nous avons un établissement armé dans un coin des Indes orientales, triste et impuissant mémento d’un empire qui n’est plus qu’un comptoir. […] qu’est-ce que le Japon, et quelle vaine manie d’expédition, sans possessions et sans intérêt, vous pousse à aller bouleverser à coup de boulets français ces fourmilières pacifiques et industrieuses, à la voix de quelques propagandistes agitateurs du monde, qui veulent imposer des mœurs européennes à des peuples qui vivent de dogmes asiatiques ? […] Une intervention française à perpétuité n’y appellerait-elle pas une intervention anglaise, un champ d’intrigue et de bataille à perpétuité ; et cela pour quoi ? […] La solution que propose aujourd’hui le gouvernement français à l’Europe est évidemment, à mon avis, la meilleure : l’unité des Maronites et des Druzes sous la vice-royauté héréditaire de la famille de l’émir Beschir, famille à la fois maronite, arabe, druse, chrétienne, musulmane, hébraïque, éclectique, résumant en elle toutes les religions qui se disputent la montagne, et prenant ses soldats dans chaque tribu pour imposer à toutes l’ordre, l’égalité et la paix. […] Unifiez l’Italie sous des baïonnettes piémontaises, soulevez la Hongrie et la Bohême, agitez la Styrie et la Croatie, livrez la Saxe à la Prusse, faites de la Bavière et du Wurtemberg des vassalités forcées de Berlin, et vous aurez achevé, vous, Français, engoués par des mots qui sonnent le tocsin de vos périls futurs, la circonvallation de la France par ses ennemis !

367. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 15, le pouvoir de l’air sur le corps humain prouvé par le caractere des nations » pp. 252-276

Les iberiens avoient un caractere d’esprit aussi different de celui des gaulois, que le caractere d’esprit des castillans l’est aujourd’hui du caractere d’esprit des françois. Quoique les françois descendent plûtôt des allemands que des gaulois, ils ont les mêmes inclinations et le même caractere d’esprit que les gaulois. […] Un talent particulier aux françois et dont toute l’Europe les loüe comme d’un talent qui leur est propre spécialement, c’est une industrie merveilleuse pour imiter facilement et bien les inventions des étrangers. […] Un autre trait fort marqué du caractere des françois, c’est la pente insurmontable à une gaïeté souvent hors de saison, qui leur fait terminer quelquefois par un vaudeville les refléxions les plus sérieuses. […] Toute l’Europe reproche encore aux françois l’inquiétude et la legereté qui les fait sortir de leur païs pour chercher ailleurs de l’emploi et pour s’enrôler sous toutes sortes d’enseignes.

368. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

Pour l’écrivain français, dont la plume pouvait universaliser le blâme ou l’éloge, la fine Russie avait pris son plus beau sourire grec et revêtu toutes ses grâces de Cléopâtre asiatique. […] L’ouvrage en question, entièrement russe, a été traduit en français par un homme d’esprit, de savoir et de goût. […] Pouchkine, il est vrai, a commencé de jeter sur le tambour des journaux français son nom cymbalique, un de ces noms, par parenthèse, que la gloire aimerait à faire sonner ! […] Lermontoff et Pouchkine sont des littérateurs français, mis au piquet dans la langue russe, et qui s’impatientent peut-être — comme la chèvre — contre la corde qui les y retient. […] Dans sa position d’amiral et de Français, car cela fut longtemps une position que d’être Français à la cour de Russie, il aurait pu voir bien des choses, et s’en souvenir, mais il n’avait point le regard qui pénètre.

369. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Buloz »

Ajoutez que la Revue des Deux Mondes est la seule Revue comptée par l’Opinion française. […] Il n’est donc pas Français, ce qui, aux yeux de quelques personnes, eût pu être vexant pour la France. […] L’ingénieux Vapereau, l’historiographe de nos grands hommes, a tourné la difficulté affligeante et écrit cette phrase de consolation qui nous rend Buloz sans le prendre à la Suisse : « Buloz (François), littérateur français, d’origine étrangère. » Et c’est si bien trouvé, et c’est si joli, que tout le monde a été content, et moi surtout !!! […] aussi littérateur, dans son genre, que Buloz, nous dit fermement, dans son Dictionnaire, que le jeune Helvétien vint à Paris — non pour être suisse — mais pour finir ses études (françaises, hein ?) […] Ne vous demandez pas quel est le lord Macaulay français qui soit né de la Revue des Deux Mondes !

370. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Fustel de Coulanges » pp. 15-32

Il y voir clair, et il y fait voir clair… Avec sa profonde manière d’attaquer l’Histoire, il pourrait être obscur comme un allemand ; et il brille de la clarté la plus française. […] Rome, en particulier, nous a valu les imbécilités féroces, sous prétexte de liberté, de la Révolution française. […] Fustel de Coulanges, il est impossible de ne pas conclure que tout, pour nous autres Français, est sorti de l’Empire Romain. […] Il opposa le romanisme vrai du pouvoir absolu au romanisme faux de la Révolution française, dont l’esprit démocratique ne pouvait rien comprendre à la constitution romaine. Ce ne sont que d’affreux masques que les Romains de la Révolution française !

371. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Vous diriez des tableaux de l’école française éteints par le voisinage de peintures vénitiennes. […] Sa haine pour la révolution française n’est pas ce qui donne le moins à penser. […] Le goût français fera aussi des réserves sur ses défauts. […] Je pourrais même affirmer que le nom lui en restera, si l’esprit français resserre son union, un moment relâchée, avec les deux antiquités, ses deux immortelles nourrices. […] Alfred Nettement, Histoire de la littérature française sous la Restauration et sous le gouvernement de Juillet.

372. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Bosio, sculpteur français qui a une belle réputation. […] Les écrivains français. […] Les écrivains français. […] Les écrivains français. […] Les écrivains français.

373. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

j’ai pris soin de traduire tout en français. […] Mais je ne peux pas, par respect pour le lecteur français, écrire Hannibal et Hamilcar sans h, puisqu’il y a un esprit rude sur l’α, et m’en tenir à Rollin ! […] Mais, Français que vous êtes, vous êtes habitué, malgré vous, à considérer l’aigle comme un oiseau noble, et plutôt comme un symbole que comme un ôtre animé. […] Ces talents étaient éclos et inspirés d’eux-mêmes et sortaient bien en droite ligne du mouvement français inauguré par Chateaubriand. […] Pons a publié à la librairie Garnier un Dictionnaire de la Langue française, fort bien digéré et digne d’estime.

374. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

Voilà, nous en devons convenir, ce qu’on n’oserait ni représenter ni traduire devant des Français, et ce qui fait pourtant fondre en larmes les habitués de Covent-Garden. […] C’est en effet en observant religieusement ces règles antiques, et en joignant aux grâces qui en dérivent, plus d’habileté dans la composition dramatique et dans la peinture des passions, que Racine et Voltaire ont assuré la prééminence du théâtre français. […] Nos auteurs français deviennent romantiques, lorsqu’aux dépens de la vérité des mœurs, ils nous font les siècles passés à l’image et à la ressemblance du nôtre. […] Or il est certain, comme l’avait si bien prévu Voltaire, que le tableau des mœurs anciennes ou étrangères, s’il est à la fois noble et fidèle, loin de choquer le parterre français, excitera plus vivement son attention. […] Personne encore ne nous a expliqué ni l’origine ni la valeur du mot romantisme on romanticisme : car il paraît qu’on nous laisse le choix des deux : autrefois on ne disait ni l’un ni l’autre ; de tels mots n’étaient pas français.

375. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Pour de Maistre, ce fut la Révolution française. […] La noblesse française est une institution démocratique. […] La Révolution française a fait bien du tort au libéralisme français. […] Que ces Français sont frivoles ! […] C’était un esprit européen dans une âme française.

376. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

L’esprit français fit comme le roi ; il revendiqua enfin son droit de préséance, en France, sur l’esprit espagnol. […] A aucune époque notre société n’a offert une image plus parfaite de l’esprit français. […] Pour Boileau comme, plus tard, pour La Bruyère, il n‘y a en français qu’un mot pour exprimer une chose. […] Ces anecdotes honorent les lettres françaises ; il ne faut pas craindre de les répéter. […] Discours de réception à l’Académie française.

377. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre I. Vue générale »

Elle voit dans toute l’Europe ses idées, sa langue, ses œuvres répandues, admirées, imitées : la culture aristocratique est la même chez tous les peuples civilisés, et cette culture est française. Les armées du roi sont battues par un Prussien : mais ce Prussien parle français, et il est plus pareil à nous qu’au grenadier qui meurt pour lui. Le moins que l’esprit français puisse faire pour reconnaître cette universalité de domination qu’on lui cède, c’est de tenir les sociétés qui l’adoptent en même estime que celle où il est né. […] Il ne regarde que l’homme idéal, la définition de l’homme : mais cet homme en soi n’est pas Français plutôt qu’Allemand : il est Européen, il est partout où il y a des hommes ; et toutes les vérités que conçoit la raison d’un homme sont faites pour cet homme universel. […] À consulter : Vinet, Histoire de la littérature française au xviiie  siècle, Paris, 1853, 2 vol. in-8 (l’Introduction) ; Brunetière, la Formation de l’idée de progrès, au t. 

378. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ch. de Barthélémy » pp. 359-372

Le xviiie  siècle, parricide et infanticide à la fois, le xviiie  siècle, qui a tué la tradition française, a étouffé l’œuvre de Fréron, un de ses plus nobles enfants, et qui, littérairement, représentait la tradition française. […] Voltaire pour sa part, ce singe-tigre, comme disait Alfieri des Français de 93, fit de lui un embrigadeur de coupe-jarrets littéraires. […] Français comme Corneille et Racine, Fréron eut presque exclusivement la Critique française, mais pour être dans la tradition nationale du xviie  siècle et de ses mœurs, il n’en voyait pas moins, par-dessus la frontière, les qualités de l’esprit d’une race différente de la sienne, et il l’a bien prouvé pour les Anglais, à qui il reconnaît « ces cris du cœur qui pour lui sont l’expression la plus certaine du génie ». […] parent de Malherbe, un critique aussi à sa manière, qui ne voulait pas, en mourant, qu’on offensât devant lui la langue française.

379. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Félix Rocquain » pp. 229-242

La plupart des écrivains qui se sont occupés de la Révolution française, — qui est bien moins la Révolution française que la Révolution tout court, sans nationalité, — n’ont pas reculé son origine beaucoup plus loin que la fin du règne de Louis XIV. […] croyez-le bien, la sagacité des hommes n’est pas plus grande quand il s’agit du passé que quand il s’agit de l’avenir, et, dans tous les sens, leur vue est courte… Mais puisque après toutes les histoires sur la Révolution française, et Dieu sait s’il y en a eu déjà et s’il y en aura encore ! […] Il a donné des causes prochaines de la Révolution française qui sont les causes secondes ; il n’a pas donné les causes éloignées, qui sont les causes premières… La flamme recroqueville ce qu’elle va brûler, mais c’est la flamme ! […] Félix Rocquain est un triste glorificateur de la Révolution française. […] C’est un triste glorificateur de la Révolution française !

380. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre xi‌ »

Chacun de nous sait que les Français sont là pour qu’il y ait moins de misère entre les hommes. […] En même temps que nous allons libérer la vie française sur des territoires retrouvés, nous la dégagerons en nous-mêmes, et comme la patrie va sortir de cette crise héroïque avec un élargissement physique, chacun de nous veut y trouver une augmentation de l’âme.‌ […] Il n’y a plus qu’une écume sur la conscience française ; vienne le grand souffle de la victoire, tout cela sera balayé dans un grand vent d’union et de fierté nationales. Nos souffrances seront oubliées, qui auront été payées par la gloire, dont, Français, nous serons toujours les éternels amoureux. […] « Messieurs les représentants de la nation,‌ » Depuis le début de la guerre, des centaines de mille de Français sont morts.

381. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Les soldats français meurent pleins d’espérances qui ne seront pas trahies. […] La beauté du ciel, des bois et des rivières de la terre française lui fournit des motifs en supplément pour accomplir son devoir.‌ […] En avant à la baïonnette pour les Françaises nos sœurs !  […] à la baïonnette pour les Françaises nos sœurs », répond le cri du jeune Bernard Lavergne. […] Si je viens à mourir, je mourrai en chrétien et en Français.‌

382. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Louis Blanc qui, vivant à Londres, se trouvait à la source pour contrôler les rapports français par ceux de la marine anglaise, et qui a pour habitude d’user de tous ses moyens d’information en historien consciencieux, a raconté ce grand combat naval et l’a discuté dans le tome XI de son Histoire de la Révolution française : il a fait justice du récit qui se lit dans le recueil de Victoires et Conquêtes et qui, plein d’emphase sur tout le reste, est empreint d’une malveillance outrageuse à l’égard du délégué de la Convention. […] C’est là le document français capital et qui émane de Jean-Bon lui-même. […] Personne ne voulait l’être ; il en fallait qui ne fussent pas hostiles à la France ; il en fallait qui sussent le français. […] Ce fut le premier et le dernier préfet de Mayence, qui allait cesser d’être française ; en redevenant allemande, la vieille cité a gardé de lui un bon souvenir. […] « Citoyens, La fortune de l’armée navale française a bien changé depuis ma lettre du 11… Je ne connais pas au vrai ma perte.

383. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Puis, vers 1180, un poète allemand, Henri le Glichezare, faisait de l’histoire de Renart un poème suivi, qui semble attester que les récits français tendaient déjà à se grouper dans un certain ordre. […] Bon nombre sont anonymes ; des auteurs qu’on connaît, sauf Rutebeuf, on ne sait rien que le nom, et souvent le pays d’origine ; ils sont Français. […] D’où cela vient-il, sinon de cette vanité française qui fait qu’on se sépare des autres, qu’on se met au-dessus d’eux, et qu’on se regarde comme n’ayant part ni à leurs misères ni à leurs vices ? […] En ce genre encore, notre moyen âge français a eu la malechance de ne produire aucun génie supérieur. […] Paris, les Contes orientaux dans la littérature française du moyen âge, Paris, 1877 ; J.

384. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Leur liaison intime et permanente est même un des traits les plus saillants qui distinguent la civilisation française. […] Il proscrit les mots anciens, sous prétexte qu’ils sont surannés ; il n’admet guère eu fait de néologismes que des mots étrangers ; car le bon ton consiste, comme chacun sait, à jargonner en anglais ou en italien ce qu’on pourrait tout aussi bien dire en français. […] Ils empêchèrent ainsi que la large saignée pratiquée sur la langue française ne fût irrémédiable. […] L’influence du monde s’est fait sentir à bien d’autres choses dans la littérature française. […] On cause, donc, et alors se développe l’art si français de la conversation.

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