C’est la constatation d’un trait essentiel de cette imagination. […] Un des traits les plus curieux de ses confidences d’écolier me paraît être la complète indifférence où l’a laissé la beauté, — telle que la révèle l’antiquité classique. […] C’est un trait encore à joindre aux traits que j’ai notés, et qui explique pourquoi l’accord intime n’a jamais pu se faire entre ce noble écrivain et notre dix-neuvième siècle français. […] Huysmans, on ne saurait découvrir un trait qui rappelle, même de loin, le « faire » si spécial et si reconnaissable de l’auteur de Rouge et Noir. […] Taine, par cela seul qu’il dessine d’un trait toute la ligne dans laquelle se meut un groupe de ces pensées, marque avec une énergie singulière la raison fondamentale de cette limite.
Les traits les plus naïfs & les plus piquans que renferme la nouvelle Comédie, sont tirés de l’ancienne. […] Né avec plus de génie que de goût, il peignait à grands traits & négligeait les détails. […] On n’avait cherché des traits de patriotisme que chez les Grecs & chez les Romains. […] Les traits en doivent être moins déliés pour être plus facilement saisis. […] On sacrifie les grands traits à l’observation des petits préceptes.
Ce n’est pas tout, et cette rapide esquisse serait trop incomplète si nous n’y ajoutions un dernier trait. […] elle s’y mêle et s’y combine dans des proportions si justes et si discrètes, que la poésie en devient plus vraie et la vérité plus poétique ; car c’est là le trait distinctif du talent de M. […] L’épisode des faux Démétrius, qui résume ces divers traits dans un cadre à part, et avec tout l’intérêt d’un roman, ne pouvait manquer d’attirer l’attention de M. […] Il énumère tous les traits d’une merveilleuse ressemblance, qui n’existe probablement que dans son imagination. […] Jusque-là, Louis XVII, même au milieu des sanglants épisodes qui l’environnent et l’enlacent, conserve encore quelques traits qui lui sont communs avec les autres fils de rois.
» Voulez-vous encore un trait, un trait admirablement choisi pour peindre l’esprit d’une condition : vous le trouverez dans la bouche du même Sganarelle. […] Les traits choisis, recueillis à cet effet, s’assemblent, se composent sous sa main en un tout d’un relief extraordinaire, et alors la figure va bien au-delà de ce qu’il veut peindre. […] Il est probable qu’à ce premier trait, certaines gens commencèrent à dresser l’oreille. […] C’est une épopée mise en dialogue, où tous les caractères, même les plus épisodiques, sont accusés à grands traits, d’une manière qui rappelle la largeur et la simplicité de la touche homérique. […] Ce mot sur Molière, mot risqué et bien sévère, avait trait à son rôle de poète amuseur du roi Louis XIV et de la cour.
Il ressemble, sans le vouloir, sans y songer, et par une originalité native : dans le fond des traits, dans le tour des lignes, à travers la couleur pâlie, on reconnaît plus que des vestiges. […] » On cherche à qui peut avoir trait, en somme, cette véhémence de La Harpe ; ce n’est pas même à Delille, c’est tout au plus à quelques-uns de ses imitateurs, à je ne sais quoi d’énorme aux environs de Roucher ou de Dorat. […] Il était à maintenir dans la série littéraire française comme la dernière des figures pures, calmes et sans un trait d’altération, à la veille de ces invasions redoublées et de ce renouvellement par les conquêtes. […] Ma poésie doit avoir des traits un peu sauvages et peut-être barbares. […] Dans la suite du Mémorial, l’auteur a jugé à propos d’en venir à l’injure ; mais, comme preuve, il ne trouve à citer qu’un trait généreux.
Les traits du visage étaient réguliers et peu expressifs et la bouche disparaissait sous une forte moustache noire. […] Je n’y retrouve pas les traits que Manet fixa dans le portrait du Musée de Dijon. […] Le trait le plus saillant en était la bouche aux lèvres épaisses et proéminentes. […] Jacques-Emile Blanche à esquisser ses traits. […] Chacun de ses traits, si sûr, si juste, y faisait de la vie.
De tels traits, à coup sûr, sont caractéristiques du noble talent que le poëte français invoque ici en témoignage. […] L’Odyssée le tente ; pour être plus à l’aise en son entreprise, il n’a pas lu les deux premiers chants publiés à cette date par Pindemonte, et il marche seul et ferme en présence de son modèle, s’appliquant à en reproduire et presque à en calquer les traits de couleur et de caractère. […] Nous aurons assez d’occasions d’en étudier les traits et la forme tout originale entre les diverses sortes d’incrédulité et de désespoir. […] Mélancolie haute et généreuse, invincible attitude, fierté muette et indomptable, il y a dans ce désespoir aussi bien des traits d’originalité147. […] Mais Leopardi garde en lui, nous le répétons, ce trait distinctif qu’il était né pour être positivement un Ancien, un homme de la Grèce héroïque ou de Rome libre, et cela sans déclamation aucune et par la force même de sa nature.
Nous aurons à rappeler tout à l’heure les impressions de son enfance précoce, les orages de son adolescence émancipée, cette vie de frontière aux lisières des monts, aux années d’émigration et d’anarchie, entre le Directoire expirant et l’Empire qui n’était pas né ; car c’est bien alors que son imagination a pris son pli ineffaçable, et que l’idéal en lui à grands traits hasardeux, s’est formé. […] Je note encore une admirable description du matin (14 septembre), qui se termine par ces traits de maître : « … Chaque heure qui s’approche amène d’autres scènes. […] Les déclamations même sur la noblesse, sur les inégalités sociales, sur les sciences, ces traces présentes de Jean-Jacques, deviennent des traits assez vrais du moment. […] Remarquez pourtant comme le premier pli se garde toujours, comme le trait marquant qui s’est prononcé à nu dans la jeunesse se transforme, se déguise, s’arrange, mais se reproduit inévitable au fond et ne se corrige jamais. […] Elle part prompte et fugitive, Comme la flèche qui fend l’air, Et son trait vif, rapide et clair, Va frapper la foule attentive D’un jour plus brillant que l’éclair.
L’histoire ne présente pas une physionomie de peuple pareil à celui-là ; fierté, froideur, correction des traits, mécanisme des gestes, tabac mâché dans la bouche, crachoir sous les pieds, jambes étendues contre les jambages de la cheminée ou repliées sur la cuisse sans souci des bienséances que l’homme doit à l’homme, accent bref, monotone, impérieux, personnalité dédaigneuse empreinte dans tous les traits : voilà un de ces autocrates de l’or. […] Ajoutez aux traits que nous venons d’indiquer une physionomie franche et calme, une coupe de visage hardie, un œil vif, ardent, pénétrant et fixe comme l’œil du faucon, un accent étranger, des expressions insolites, brièvement pittoresques, fortement colorées, spirituelles sans le paraître : vous aurez le portrait à peu près exact de l’historien des oiseaux, de l’Américain Audubon. […] Il souffrait en silence ; ses traits, malgré la vive douleur qu’il éprouvait, conservaient leur dignité fière ; il était bien fait, agile, dispos ; sa physionomie, intelligente et candide. […] Une meule à repasser se trouvait dans un des coins ; elle la fit tourner lentement, aiguisa soigneusement son arme ; je vis l’eau tomber goutte à goutte sur la meule, et ne perdis pas un des mouvements de l’infernale créature ; le foyer à demi éteint éclairait ses traits décharnés, les jeunes gens ses complices chancelaient sur leurs jambes avinées ; le sauvage, toujours calme, restait debout ; sa main qui serrait le tomahawk fatal était prête à abattre le premier assaillant. […] D’un élan, il se lança comme un trait à la distance de plusieurs mètres, resta quelque temps à se balancer d’un air tranquille ; puis, dès que ma baguette eut quitté l’eau, revint prendre son poste.
Affirmer que nous ne pourrions perpétuer nos Chevaux de trait ou de course, notre bétail à cornes longues ou courtes, nos volailles de toute espèce et nos légumes succulents pendant un nombre infini de générations, ce serait contraire à toute expérience. […] On peut attribuer quelque effet à l’action directe des conditions de la vie, et aussi quelque effet aux habitudes ; mais il serait bien hardi d’attribuer à de pareilles causes les différences du Cheval de trait et du Cheval de course, du Lévrier et du Limier, du Pigeon Messager et du Pigeon Culbutant. L’un des traits les plus remarquables de nos races domestiques, c’est qu’on voit en elles certaines adaptations qui ne sont réellement point à l’avantage propre de l’animal ou de la plante, mais qui sont, au contraire, à l’avantage de l’homme, et adaptées à son caprice ou pour son usage54. […] Les sauvages de l’Afrique méridionale apparient leurs Bœufs de trait d’après leur couleur, comme font les Esquimaux pour leurs attelages de Chiens. […] Aussitôt qu’elle est pleinement reconnue, et ses progrès constatés, la sélection inconsciente tend à en augmenter lentement les traits caractéristiques, quels qu’ils soient, mais sans doute avec une puissance variable, selon que la race nouvelle acquiert ou perd la vogue, et peut-être encore en certains districts plus qu’en d’autres, selon le degré de civilisation de leurs habitants.
. — Qu’il est terrible encore lorsqu’il renverse sous ses traits rapides les douze enfants de Niobé autour de leur mère ; ou quand, au premier chant de l’Iliade, embusqué sur la plage, comme un chasseur d’oiseaux de mer, il décime, pendant neuf jours, de ses flèches, le camp des Argiens ! — « Il frappa les mulets d’abord et les chiens véloces ; mais ensuite, il perça les hommes eux-mêmes du trait qui tue. […] C’étaient des femmes d’une maigreur spectrale, aux masques barbouillés de sang et de fiel, la face écrasée, les traits grimaçants, la langue pendante comme celle des Gorgones, les doigts crochus comme ceux des Harpies. […] — « Elle a tué son mari et elle a tué mon père. » — « Oui, dit le Chœur, mais tu vis, et elle a expié par sa mort. » Oreste réplique par un trait qui porte : — « Pendant qu’elle vivait, pourquoi ne l’avez-vous pas poursuivie ? […] Leurs traits agrandis s’harmonisent, leurs noir regards n’expriment plus qu’une fixité vigilante ; le rictus grinçant de leur bouche dessine, en se pliant, le sourire ironiquement triste qu’on voit sur les belles têtes de Méduse.
La vie revenant aux chairs sous le flasque épidémie, le sang qui reflue et rubéfie les artérioles, les lèvres se détendant, s’arquant, les paupières qui battent, et la frêle poitrine qui palpite, puis ce corps frémissant cadavérisé, le recroquevillement des traits, la lividité des chairs et la viscosité de la peau, sont suivis et retracés sans un sursaut, en une succession d’images si mémorables qu’elles hantent. […] Ingram, aucun trait du singulier récit ne dément la révélation allégorique de la fin. […] Comme les peintres japonais, il semble parfois jeter au hasard des touches inconnexes que relie subitement en un tout le rapide trait final. […] Sur le fond ténébreux d’une demeure somptueuse et muette, se profilent les traits pâles de l’incestueux l’époux de Morella, croyant reconnaître en sa fille l’âme transfuse de celle qu’il n’avait su aimer vivante ; la lutte folle de Ligéia contre la mort, la douleur somnolente de son amant et sa fantastique rêverie dans la longue nuit, où il crut voir la forme immatérielle de la décédée se glisser dans le corps tiède de lady Rowena ; Roderick Usher, peureux d’avoir peur, les mains nues, la voix trémulante, dardant de tous côtés son regard trop aigu, égaré par la délicatesse de ses sens, l’esprit sursautant, vacillant et défaillant, au point de succomber dans un spasme d’effroi, en cette mystérieuse nuit, dont la description demeure inoubliable. […] Poe se marie ; et les circonstances lui ayant ainsi permis d’augmenter le rayon de ses souffrances, voici les désastres qui reviennent et se suivent, que chassé de ville en ville et de rédaction en rédaction, restant besoigneux, lent à travailler, querelleur, aigri, affolé par le spectacle de la maladie qui minait sa femme, semblait l’abandonner et la ressaisissait, il se jeta dans le vice qui consomma sa ruine, se mit à boire les redoutables liqueurs que l’on débite en Amérique, ces délabrants mélanges d’alcool, d’aromates et de glace ; et toujours luttant contre sa tentation et toujours succombant, reportant l’amour enfantin qui purifiait sa pauvre âme, de sa femme morte à sa belle-mère, quêtant un peu de sympathie auprès de toutes les femmes qu’il trouvait sur un chemin et ne recevant qu’une sorte de pitié timide, ayant tenté de se suicider pour une déconvenue de cette espèce, atteint enfin de la peur de la bête pourchassée, du délire des persécutions, multipliant ses dernières ivresses qui le menaient de chute en chute à la mort, — il en vint, l’homme en qui se résumaient la beauté, la pensée, la force masculine, à avoir cette face de vieille femme hagarde et blanche que nous montre un dernier portrait, cette face creusée, tuméfiée, striée de toutes les rides de la douleur et de la raison chancelante, où sur des yeux caves, meurtris, tristes et lointains, trône, seul trait indéformé, le front magnifique, haut et dur, derrière lequel son âme s’éteignait.
Revenons en arrière avec Gui Patin, et voyons-le sans exagération et sans forcer les traits : il les a déjà bien assez saillants par eux-mêmes. […] On sent dans tout cela l’honnête homme, non pas celui d’aujourd’hui (car c’est un mot dont on abuse bien), mais celui d’autrefois, plein de solidité, dans son cadre domestique tout uni, avec ses traits marqués, un peu heurtés, sa physionomie grave et heureuse, et d’une naturelle franchise. […] Je dis cela parce que de loin, en pressant trop les traits et en voulant offrir nos personnages en raccourci, nous sommes tentés d’en faire encore moins des portraits que des caricatures. […] C’est un trait de plus dans le portrait de Gui Patin que ce dédain pour les personnes du sexe au moment où elles s’établissaient plus généralement dans la société, et où elles allaient y introduire ce qui surtout lui manquait, à lui et aux autres savants cantonnés dans les corps, je veux dire la politesse.
Un premier trait assez singulier commencera à le peindre : M. […] C’est un trait de plus. […] Il avait des traits accentués sans être durs ; de taille médiocre sans être petit, taille de danseur, d’homme de société, et qui se concilie avec l’élégance sans trop d’exiguïté. […] … » On croit entendre un personnage de Térence, transportant et appliquant à un cas moderne cette morale délicate à la fois et indulgente. — Je continue ce portrait tout composé de traits à bâtons rompus, et qui rentre assez dans le genre du modèle.
M ignet en eut surtout la vigueur, qu’il appliqua aussitôt dans toute son intégrité ; il ne laisse apercevoir aucun tâtonnement, aucune dispersion : c’est là un des traits qui lui appartiennent le plus en propre. […] Chaque trait de talent et de pensée était vivement saisi au passage, et je me souviens qu’on applaudit fort celui-ci, par exemple (je ne le cite que comme m’étant resté dans la mémoire), lorsque, arrivant à parler de l’ordre des jésuites, l’historien décrivait cette société habile, active, infatigable, qui, pour arriver à ses fins, osait otut, même le bien. […] A ne voir le livre qu’en lui-même et indépendamment de toute discussion extérieure, en le lisant tout d’un trait (et je viens de le relire), on est pris et attaché par cette forme sévère de talent, par ce développement continu, pressé, d’un récit grave et généreux, où ressortent par endroits de hautes figures. […] Et puisque nous sommes en train d’oser, il ne serait pas juste, en quittant l’un des écrivains les plus respectés et les plus considérables de notre temps, de ne pas toucher à l’homme, et de ne pas au moins nommer en lui quelques-uns de ces traits si rares et qui accompagnent si bien le talent, sa simplicité, un caractère aimable, resté fidèle à ses goûts et à ses affections, quelque chose de gracieux qui, ainsi que nous l’avons noté chez son ami M.Thiers, se rattache à la patrie du Midi et aux dons premiers de cette nature heureuse.
Ce n’est pas ce qui nous occupera chez Bayle ; nous ne saisirons et ne relèverons en lui que les traits essentiels du génie critique qu’il représente à un degré merveilleux dans sa pureté et son plein, dans son empressement discursif, dans sa curiosité affamée, dans sa sagacité pénétrante, dans sa versatilité perpétuelle et son appropriation à chaque chose : ce génie, selon nous, domine même son rôle philosophique et cette mission morale qu’il a remplie ; il peut servir du moins à en expliquer le plus naturellement les phases et les incertitudes. […] l’infidélité est un trait de ces esprits divers et intelligents ; ils reviennent sur leurs pas, ils prennent tous les côtés d’une question, ils ne se font pas faute de se réfuter eux-mêmes et de retourner la tablature. […] Je n’ai jamais pu souffrir le miel, mais pour le sucre je l’ai toujours trouvé agréable : voilà deux choses douces que bien des gens aiment. » Toute la délicatesse, toute la sagacité de Bayle, se peuvent apprécier dans ce trait et dans le précédent. […] Bayle est, dit-on, fort vif ; et, s’il peut embrasser L’occasion d’un trait piquant et satirique, Il la saisit, Dieu sait, en homme adroit et fin : Il trancheroit sur tout, comme enfant de Calvin, S’il osoit ; car il a le goût avec l’étude.
Guillaume de Lorris est un lettré, et à certains traits de son œuvre on reconnaît comme une première impression de l’éloquence latine sur la façon encore informe de notre langue. […] Un manque essentiel de respect, l’instinct de défiance et de médisance contre les puissants, contre les gens en place, contre ceux surtout qui détiennent une part de la richesse publique ou qui ont mission d’administrer la justice, contre ceux aussi, baillis ou prévôts, dont le menu peuple souffre plus parce qu’ils sont plus près de lui, voilà un autre trait de l’humeur bourgeoise ; et par là encore la seconde partie du Roman de la Rose est d’inspiration bourgeoise. […] Il n’a qu’un trait de commun avec Guillaume de Lorris, et c’est précisément le sentiment poétique d’une certaine antiquité, d’une antiquité raffinée, voluptueuse, fastueuse, un peu mièvre, d’une sorte de xviiie siècle gréco-romain, mythologique, ingénieux, rococo, que le galant Ovide lui a révélée. […] La démonstration devient une scène de comédie, une longue, puissante et comique apostrophe du jaloux à la femme qu’il a par folie épousée : le caractère dramatique se dégage du type abstrait et allégorique, par l’abondance des nuances, des traits particuliers, finement inventés et vigoureusement expressifs.
Shakespeare emprunta aux traditions du peuple, aux contes de nourrices, mille traits de ses drames et le sujet d’un grand nombre de comédies. […] En soi, peut-être ce dernier trait ne serait-il pas un très grand mal ; ce qui nous intéresse c’est l’homme en dehors de l’époque et du pays où vécut tel personnage ; que ce personnage fût italien, allemand, lapon, nègre ou malais, cela importerait peu si le Poète devenait à son gré lapon, malais ou italien, et s’il n’était tenté aussi de sacrifier l’esprit de son œuvre aux puérilités de la « couleur locale ». […] La noblesse ineffable de ses musicales architectures, le jet tout puissant de sa pensée, la force et la grâce de son tour ont signé toutes ses œuvres sans qu’il eût besoin d’y ajouter la boucle d’un trait de plume. […] Vielé-Griffin en affirme une vigoureuse, nul ne le niera ; mais celle de M. de Régnier, moins rudement musclée, élève une silhouette aux traits presque aussi fermes.
Rappelez-vous encore ce trait touchant, raconté par Hérodote : « Arrivé à Abydos, Xerxès, voyant, du haut d’une colline, défiler son immense armée, se déclara heureux ; puis il se prit à pleurer. […] … Et maintenant, remplissez ma tasse ; il est temps de la vider d’un seul trait. » Aujourd’hui encore, des races entières sont élevées dans la foi que ce monde n’est qu’une immense et douloureuse illusion, une surface agitée par des ombres vaines, et que le souverain bien, pour tout être, est de s’enfoncer à jamais dans le vide sans fond qu’il recouvre. […] De la fantaisie franche, elle est passée à la comédie grave ; des traits sérieux se sont mêlés aux francs éclats de son rire. […] L’engouement d’honnêteté qui la prend n’en est pas moins un trait de nature, et elle l’exprime par des vers d’une sincérité pénétrante : … Je porte envie au monde régulier, Que mon orgueil encor n’a pu que côtoyer.
Ainsi naît l’idée d’une Durée de l’univers, c’est-à-dire d’une conscience impersonnelle qui serait le trait d’union entre toutes les consciences individuelles, comme entre ces consciences et le reste de la nature 18. […] Par ce trait d’union, alors, elles se rejoignent en une expérience unique, se déroulant dans une durée unique qui sera, à volonté, celle de l’une ou de l’autre des deux consciences. […] Mais s’il se demandait ce qu’il mesure, s’il fixait son attention sur le temps lui-même, nécessairement il se représenterait de la succession, et par conséquent de l’avant et de l’après, et par conséquent un pont entre les deux (sinon, il n’y aurait que l’un des deux, pur instantané) : or, encore une fois, impossible d’imaginer ou de concevoir un trait d’union entre l’avant et l’après sans un élément de mémoire, et par conséquent de conscience. […] De la durée intérieure elle avait passé à un certain mouvement indivisé qui y était encore étroitement lié et qui était devenu le mouvement modèle, générateur ou compteur du Temps ; de ce qu’il y a de mobilité pure dans ce mouvement, et qui est le trait d’union du mouvement avec la durée, elle a passé à la trajectoire du mouvement, qui est pur espace ; divisant la trajectoire en parties égales, elle a passé des points de division de cette trajectoire aux points de division correspondants ou « simultanés » de la trajectoire de tout autre mouvement : la durée de ce dernier mouvement se trouve ainsi mesurée ; on a un nombre déterminé de simultanéités ; ce sera la mesure du temps ; ce sera désormais le temps lui-même.
M. de Bausset se l’est demandé et y a répondu autant qu’il l’a pu, en des termes bien généraux : La nature, dit-il, l’avait doué de la figure la plus noble ; le feu de son esprit brillait dans ses regards ; les traits de son génie perçaient dans tous ses discours. […] Et sans refuser la louange que méritent certains traits ingénieux et fins de ce portrait, je me permettrai de demander plus sérieusement : Est-il convenable, est-il bienséant de peindre ainsi Bossuet enfant, de caresser ainsi du pinceau, comme on ferait d’une danseuse grecque ou d’un bel enfant de l’aristocratie anglaise, celui qui ne cessa de grandir à l’ombre du temple, cet adolescent sérieux qui promettait le grand homme simple, tout esprit et toute parole ? […] Non : c’est assez de vous dire que les regards qui leur plaisent ne sont pas des regards indifférents, ce sont de ces regards ardents et avides, qui boivent à longs traits sur leurs visages tout le poison qu’elles ont préparé pour les cœurs, ce sont ces regards qu’elles aiment.
Il y a de lui une vingtaine de traits qu’on sait par cœur : cela suffit pour s’épargner la peine d’examiner le reste. […] Mais il ne le prit que rapidement, par les traits les plus connus, et en se portant bientôt de préférence sur Milton. […] Mais comme Dante est un génie compliqué et qui pense toujours à plus d’une chose à la fois, il n’est pas moins vrai qu’en même temps que l’apothéose de Béatrix, de la femme aimée, est le but principal de La Divine Comédie, le poète, pour mieux parer et honorer cette âme céleste, lui a prêté bien des traits allégoriques par lesquels il tend à la transformer insensiblement et à la confondre dans la plus noble et la plus lumineuse des sciences selon le Moyen Âge, dans la Théologie elle-même.
Dans le tous-les-jours il se relâche, il se détend, il est bonhomme ; bref, saccadé, un peu haché, avec des traits vifs, des images brusques. […] Il aimait la gloire, mais pas si naïvement que l’ont bien voulu dire ceux qui ne peuvent marquer un trait saillant d’un grand homme sans pousser aussitôt à la caricature. […] Aucun d’eux n’a su, je ne dis pas peindre la nature, mais même présenter un seul trait bien caractérisé de ses beautés les plus frappantes. » Là encore, à ceux même qui n’aimeraient ni la grenouille ni le hanneton, je dirai : « Je passe condamnation sur le peu d’élégance de l’expression, mais trouvez-moi dans le siècle un jugement de plus de bon sens.
Regardez-y bien : tous ces Génevois de la vieille souche ont finesse, modération, une certaine tempérance, l’analyse exacte, patiente, plus de savoir que d’effet, plus de fond que d’étalage ; et quand ils se produisent, ils ont du dessin plutôt que de la couleur, le trait du poinçon plus que du pinceau ; ils excellent à observer, à décrire les mécanismes organiques, physiques, psychologiques, dans un parfait détail ; ils regardent chaque pièce à la loupe et longtemps ; ils poussent la patience jusqu’à la monotonie ; ils sont ingénieux, mais sans une grande portée. […] L’art et le travail s’y trouvent joints à des talents de nature, et le poète a su employer heureusement les plus beaux traits des poètes anciens et s’en parer. […] Il lui arrive de s’élever, mais il a de la peine à se soutenir ; il a le vol court, et ses poésies sentent l’effort et le travail ; on s’aperçoit que la recherche du beau, d’un certain éclat, en fait le grand ressort : de là viennent les bons mots où il lui arrive si souvent de s’échapper, aussi bien que toutes ces malignités hors d’œuvre, ces traits qui divertissent le lecteur, mais qui ne font pas honneur au poète.
La chaleur était à peine tombée avec le soleil ; les oiseaux, déjà retirés et non encore endormis, annonçaient, par un ramage languissant et voluptueux, le plaisir qu’ils goûtaient à respirer un air plus frais ; une rosée abondante et salutaire ranimait déjà la verdure… Ici une de ces descriptions naturelles dont il a le premier dans notre littérature donné le parfait exemple, mais où il a été depuis surpassé par ses grands disciples, par Bernardin de Saint-Pierre, par Chateaubriand, par George Sand, tous bien autrement particuliers, nuancés et neufs, et qui ne se contentent pas de peindre la nature en traits généraux devenus trop aisément communsy ; — et il continue : À ce concours d’objets agréables, le philosophe, touché comme l’est toujours en pareil cas une âme sensible où règne la tranquille innocence, livre son cœur et ses sens à leurs douces impressions : pour les goûter plus à loisir, il se couche sur l’herbe, et appuyant sa tête sur sa main, il promène délicieusement ses regards sur tout ce qui les flatte. […] Après le témoignage de force et d’intrépidité qu’il venait de donner, il reprit son discours avec la même douceur qu’auparavant ; il peignit l’amour des hommes et toutes les vertus avec des traits si touchants et des couleurs si aimables que, hors les officiers du temple, ennemis par état de toute humanité, nul ne l’écoutait sans être attendri et sans aimer mieux ses devoirs et le bonheur d’autrui. […] [1re éd.] et qui ne se contentent pas de peindre la nature en des traits généraux devenus trop aisément communs z.
Traduction d’Amyot et de courier Avec 43 compositions au trait par Léopold Burthe et une préface d’Amaury Duval. […] Le paysage est tout à fait dans le style du Poussin, et quelques traits ont suffi pour dessiner dans la perfection le fond sur lequel se détachent les personnages. » Ils en reparlèrent encore les jours suivants ; mais ce fut dans la conversation du 20 mars 1831, pendant le dîner, que les idées échangées entre Gœthe et son disciple épuisèrent le sujet ; on y trouve le jugement en quelque sorte définitif sur cette production charmante, Goethe venait de relire l’ouvrage dans le texte de Courrier-Amyot, et il en était plein ; son imagination tout hellénique s’en était sentie consolée et rajeunie : « Le poème est si beau, disait-il, que l’on ne peut garder, dans le temps misérable où nous vivons, l’impression intérieure qu’il nous donne, et chaque fois qu’on le relit, on éprouve toujours une surprise nouvelle. […] il est dessiné en quelques traits, avec tant de précision que nous voyons derrière les personnages, dans les parties hautes, les collines chargées de vignes, les prairies, les potagers, et plus bas les pâturages, la rivière, les petits bois, et dans le lointain la vaste mer.
Il est certes des natures merveilleusement douées en naissant, des êtres (surtout femmes) revêtus de dons singuliers, d’aspirations pures, tendres, poétiques, idéales, et qui semblent vouloir glisser, s’élever au-dessus de la terre : ici, chez Sibylle, cette faculté éthérée, cette tendance au sublime est jointe à une fermeté de volonté qui devient le trait caractéristique et qui, dans plus d’un cas, ira jusqu’à la dureté. […] Elle débute par un trait odieux, en se jouant du pauvre fou Féray, grotesquement affublé par elle, et en le mettant aux prises avec son chien Max qui manque de le dévorer. […] Je ne m’attache qu’à quelques traits principaux.
Il y a eu les traits plus violents et même envenimés, comme ceux que Chamfort, tout académicien et lauréat d’académie qu’il était, aiguisa, tailla, assembla en faisceau, pour en faire un instrument de mort aux mains de Mirabeau, qui devait frapper le coup. […] La seconde édition des Essais de Morale et de Politique (1809) contenait de plus une Vie de Mathieu Molé, où se mêlent avec convenance, à une manière nette et tout à fait saine, quelques traits d’imagination et de sentiment : « Pendant que Troie était en flammes, écrit l’auteur en commençant, peu de gens ont imité le pieux Énée ; pour moi, moins heureux que lui, je n’ai pu sauver mon père, mais je ne me suis jamais séparé de mes dieux domestiques. » Les dernières pages offrent quelque chose de méditatif, une sorte de reflet détourné, mais sensible, du jeune contemporain de René : « Au terme de sa carrière, dit-il de son grand-aïeul, on ne vit point se réveiller en lui ces regrets si ordinaires aux vieillards. […] Je ne relèverai que quelques traits du discours çà et là.
La génération à laquelle il appartient avait besoin, elle a besoin encore d’un interprète qui exprime en traits de feu cette âme poétique qu’elle sent s’agiter confusément en elle, d’un prophète qui lui dévoile cet avenir de science et de liberté auquel elle aspire. […] Delavigne n’a jamais de ces traits-là. […] L’ensemble de son talent et de ses ouvrages n’a cessé de le mériter : en ce temps d’inégalités, de revirements et de cascades sans nombre, la conscience poétique suivie, la continuité du bien et de l’effort vers le mieux marquent un trait de force et d’originalité aussi.
Mais ces créations mêmes vers lesquelles un doux penchant dut le rentraîner d’abord, ces Monime, ces Phèdre, ces Bérénice au long voile, ces nobles amantes solitaires qu’il revoyait, à la nuit tombante, sous les traits de la Champmeslé, et qui s’enfuyaient, comme Didon, dans les bocages, qu’étaient-elles, je le demande ? […] Shakspeare abonde en traits pareils ; les tragiques grecs en offriraient également. […] C’est le cas de Racine lorsqu’on vient à lui en quittant Molière ou Shakspeare : il demande alors plus que jamais à être regardé de très-près et longtemps ; ainsi seulement on surprendra les secrets de sa manière : ainsi, dans l’atmosphère du sentiment principal qui fait le fond de chaque tragédie, on verra se dessiner et se mouvoir les divers caractères avec leurs traits personnels ; ainsi, les différences d’accentuation, fugitives et ténues, deviendront saisissables, et prêteront une sorte de vérité relative au langage de chacun ; on saura avec précision jusqu’à quel point Racine est dramatique, et dans quel sens il ne l’est pas.
Les violences scandaleuses des papes, les disgrâces et la fin de la maison de Souabe, les crimes de Mainfroi, les cruautés de Charles d’Anjou, les funestes croisades de saint Louis et sa fin déplorable ; la terreur des armes musulmanes ; plus encore les calamités de l’Italie désolée par les guerres civiles et les barbaries des tyrans ; enfin les alarmes religieuses, l’ignorance et le faible de tous les esprits qui aimaient à se consterner pour des prédictions d’astrologie : voilà les traits qui donnent à ces temps une physionomie qui les distingue. […] Était-ce l’ombre qui la première donnait au corps sa forme et au visage ses traits ? […] L’antiquité pensait que l’ombre était d’abord façonnée sous la figure humaine ; que cette créature légère errait longtemps sur les bords du Léthé, avec les traits et le costume du personnage qu’elle devait un jour habiter ; et qu’elle cachait l’âme ou le souffle de vie dans sa substance.
Au moment où il conçut l’idée de son ouvrage, l’abbé Barthélemy avait lu ses anciens auteurs ; il les relut alors plume en main, « marquant sur des cartes tous les traits qui pouvaient éclaircir la nature des gouvernements, les mœurs et les lois des peuples, les opinions des philosophes ». […] Après avoir relevé les principaux traits de cette constitution populaire d’Athènes et de l’esprit du peuple athénien, après avoir signalé l’influence souvent souveraine de ses grands hommes, des Thémistocle et des Périclès, Grimm (ou l’auteur, quel qu’il soit, de ce chapitre) tirait hardiment cette conclusion : Il est donc permis de dire que la démocratie la plus démocratique qu’il y ait eu peut-être au monde n’eut point de moyen plus sûr de se soutenir que de cesser souvent de l’être, et que c’est toutes les fois qu’elle fut le moins démocratique de fait qu’elle jouit aussi du sort le plus brillant, le plus véritablement digne d’envie. […] Un seul trait vous peindra la douceur de son âme philanthropique : « Que n’est-il donné à un mortel, s’écriait-il souvent, de pouvoir léguer le bonheur !
On arriverait ainsi à comprendre ce que c’est que l’esprit du savant, de quel point de vue il considère les choses, comment il associe les idées, comment il passe du connu à l’inconnu, comment il se trompe, comment il se corrige, comment il invente, et on pourrait tirer de là de grandes conséquences pour l’éducation même de l’esprit humain ; mais laissons là ces vues ambitieuses, et bornons-nous, quant à présent, à bien faire connaître le livre que nous avons sous les yeux, et qui vient enrichir d’une œuvre nouvelle cette histoire de la logique faite par les savants dont nous avons esquissé quelques traits. […] N’est-ce pas d’ailleurs un vrai trait de génie de la part de celui-ci d’avoir deviné que cette méthode toute neuve et à peine éprouvée était le renouvellement de la science et de l’esprit humain ? […] Il arrive même qu’un fait ou une observation reste longtemps devant les yeux d’un savant sans lui rien inspirer ; puis tout à coup vient un trait de lumière. — L’idée neuve apparaît avec la rapidité de l’éclair comme une révélation subite. — La méthode expérimentale ne donnera donc pas des idées vraies et fécondes à ceux qui n’en ont pas ; elle servira seulement à diriger les idées chez ceux qui en ont. » Au reste, il est encore juste de reconnaître que ces réclamations en faveur de l’hypothèse dans les sciences expérimentales ne sont pas absolument neuves, et que les philosophes ont sur ce point précédé les savants.