Michelet choisit un couple : une jeune fille de dix-huit ans et un jeune homme de vingt-huit ; il les suppose s’aimant d’un amour égal ; il les isole à peu près (quoi qu’il dise) du monde ambiant ; les suit année par année, jusqu’à la mort, et étudie, aux âges différents, l’action physique et morale de l’homme sur la femme, et inversement : « création de l’objet aimé (c’est-à-dire création de l’épouse par le mari) ; initiation et communion ; incarnation de l’amour (dans l’enfant) ; alanguissement de l’amour ; rajeunissement de l’amour. » Michelet propose un idéal, et qui se trouve être, sur la plupart des points, traditionaliste : il est remarquable que, ayant intitulé son livre l’Amour, Michelet n’y parle que de l’amour conjugal. […] La concentration des forces vitales suppose avant tout la fixité du foyer. » Et voici le charme et la saveur du livre, et par où il peut nous reprendre.
Le choral primitif suppose non seulement un groupe d’hommes, mais un groupe d’hommes qui concertent leurs voix ainsi que leurs gestes, qui forment une même masse dansante41… » Pour établir que les éléments communaux prédominent dans la poésie primitive, M. […] Ce développement de l’individualisme esthétique suppose une tolérance sociale inconnue aux sociétés primitives.
Individu et société sont deux réalités qui existent concurremment et qui se supposent l’une l’autre, tout en s’opposant l’une à l’autre. — Il convient de remarquer d’ailleurs que dans l’ordre concret, dans l’ordre des réalités vivantes et agissantes, le sens relatif du mot antinomie est le seul acceptable. […] Cet individualisme de la grandeur humaine ne nie plus tout idéal ; il suppose au contraire un idéal de culture progressive.
Josèphe, qui le toucha presque par son maître Banou, le laisse entendre à mots couverts 308, et la catastrophe qui mit fin à ses jours semble le supposer. […] Mais s’il est vrai, comme ils le disent, que Jean reconnut tout d’abord Jésus et lui fît grand accueil, il faut supposer que Jésus était déjà un maître assez renommé.
Qu’on suppose un novateur allant de nos jours prêcher le renversement de l’islamisme autour de la mosquée d’Omar ! […] Luc (XI, 37 et suiv.) suppose, non peut-être sans raison, que ce verset fut prononcé dans un repas, en réponse à de vains scrupules des pharisiens.
Toutefois le toucher, considéré comme source de ces idées, n’est pas un sens simple ; il suppose de plus le sens du mouvement. […] La distance suppose deux points fixes que l’on peut reconnaître par un mouvement de la main, du bras ou du corps.
Supposons pour un moment cette imputation aussi fondée qu’elle est injuste ; si les gens de lettres sont en effet coupables du désordre dont on les accuse, n’a-t-on pas dû s’attendre qu’ils en soutiendraient tranquillement le reproche ? […] Mais si on avait, comme je le suppose, un désir sincère de les convertir en les effrayant, on pouvait, ce me semble, faire agir un intérêt plus puissant et plus sûr, celui de leur vanité et de leur amour-propre ; les représenter courant sans cesse après des chimères ou des chagrins ; leur montrer d’une part le néant des connaissances humaines, la futilité de quelques-unes, l’incertitude de presque toutes ; de l’autre, la haine et l’envie poursuivant jusqu’au tombeau les écrivains célèbres, honorés après leur mort comme les premiers des hommes, et traités comme les derniers pendant leur vie ; Homère et Milton, pauvres et malheureux ; Aristote et Descartes, fuyant la persécution ; le Tasse, mourant sans avoir joui de sa gloire ; Corneille, dégoûté du théâtre, et n’y rentrant que pour s’y traîner avec de nouveaux dégoûts ; Racine, désespéré par ses critiques ; Quinault, victime de la satire ; tous enfin se reprochant d’avoir perdu leur repos pour courir après la renommée.
Mentir supposerait l’imagination qu’on n’a plus, et dont on peut très bien se passer, du reste, puisque la question, l’unique question n’est plus que de décrire, de décrire jusqu’à la plus extrême minutie, et qu’en matière de livres la peinture, l’envahissante peinture a tout remplacé. […] Supposez que le plus intéressant, le plus plein et le plus brillant sans contredit des voyageurs du xixe siècle, le marquis de Custine, n’eût pas pris pour une vocation la paresse trop aristocratique et l’inquiétude trop troublante de son esprit, et qu’il nous eût donné moins de Voyages, nous aurions des œuvres sévères, creusées et profondes comme ce génie dépensé sur les chemins était capable d’en produire, et cela ne vaudrait-il pas mieux que les quelques belles pages au-dessus desquelles surnage, déjà obscurément, son nom ?
Bref, tant que nous ne parlons que d’une continuité qualifiée et qualitativement modifiée, telle que l’étendue colorée et changeant de couleur, nous exprimons immédiatement, sans convention humaine interposée, ce que nous apercevons : nous n’avons aucune raison de supposer que nous ne soyons pas ici en présence de la réalité même. […] Certes, rien n’empêchera de supposer, à un moment donné, que le système de référence est lui-même en mouvement.
Supposez, par exemple, qu’on veuille seulement lire tout ce qui a trait à l’école romantique et notez que ce n’est guère dépasser les limites d’un demi-siècle.
Seulement, loin d’infirmer la valeur de la méthode scientifique, elles en proclament, elles en démontrent la nécessité et la puissance ; elles en supposent même l’existence, puisqu’on ne peut les redresser qu’à l’aide de cette méthode.
Supposez que Nestor cherche à modérer les passions d’Antiloque, il citera d’abord des exemples de jeunes gens qui se sont perdus pour n’avoir pas voulu écouter leurs pères ; puis, joignant à ces exemples quelques maximes connues sur l’indocilité de la jeunesse et sur l’expérience des vieillards, il couronnera ses remontrances par son propre éloge et par un regret sur les jours du vieux temps.
Quoique des esprits différents aient pu, sans aucune communication, comme le montre souvent l’histoire de l’esprit humain, arriver séparément à des conceptions analogues en s’occupant d’une même classe de travaux, je devais néanmoins insister sur l’antériorité réelle d’un ouvrage peu connu du public, afin qu’on ne suppose pas que j’ai puisé le germe de certaines idées dans des écrits qui sont, au contraire, plus récents.
Quelques personnes, qui s’intéressent à mes idées sur la littérature et sur la vie en général, ont supposé chez moi une forte influence de Hegel et de Bergson.
Un mariage, un procès, une dame qui change de soupirant, le tout vrai ou supposé, et là-dessus des turlupinades. […] Car ils sont de même famille, et se soutiennent l’un et l’autre, et même se supposent. […] Pour elle, il supposera une idée innée, une manière de révélation. […] Mais une loi est une idée, et une idée suppose un esprit. […] que Bossuet écrivant son Histoire universelle. — Direz-vous que cette loi que vous voyez dans l’histoire suppose un esprit en effet, mais ne suppose que le vôtre ; que c’est vous qui la faites après coup ?
Les séances du sénat étaient secrètes ; mais on répandit dans le public, sous le nom de quelques sénateurs, des discours que l’on supposait prononcés contre Séjan. […] On a supposé qu’il était plutôt un adroit compilateur qu’un grand peintre, et qu’il avait copié ses plus beaux passages dans d’autres historiens. […] On peut supposer que la rencontre et l’appui de ses compatriotes ouvrirent promptement à Shakspeare la carrière où l’appelait son génie. […] Le théâtre anglais, en particulier, était dès lors bien moins stérile et moins inculte qu’on le suppose. […] Ces paroles satiriques de Robert Greene, qui mourut la même année, font supposer que Shakspeare, comme acteur et comme poète, avait déjà réussi.
Quoique M. de Bonstetten n’ait exprimé nulle part ces considérations, il semble les supposer tacitement ; et les observations de détail, si ingénieuses et si vraies, qui remplissent son livre, s’y rangent.
Le style même n’a point l’intempérance que vous pourriez supposer chez un si fervent adorateur de Victor Hugo.
Elle suppose un passé ; elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune.
Pour les Incas, on est généralement d’accord que ce Roman héroïque est beaucoup plus ennuyeux, & suppose beaucoup moins de talens que le Séthos de M. l’Abbé Terrasson, qu’on ne lit plus.
Mais dans le tableau dont je parle, Attila représente si naïvement un Scythe épouvanté, le pape Leon qui lui explique cette vision, montre une assurance si noble et un maintien si conforme à sa dignité, tous les assistans ressemblent si bien à des hommes qui se rencontreroient chacun dans la même circonstance où Raphaël a supposé ses differens personnages, les chevaux mêmes concourent si bien à l’action principale ; l’imitation est si vrai-semblable, qu’elle fait sur les spectateurs une grande partie de l’impression que l’évenement auroit pû faire sur eux.
Ceux qui jugent sans refléxion, ne manquent pas de supposer en faisant leurs jugemens, que les objets affectent intérieurement les autres, ainsi qu’eux-mêmes ils en sont affectez.
Quelques critiques ingénieux prétendirent donner une explication dans le caractère même de l’écrivain : ils supposèrent que la vieillesse l’avait rendu timoré.
Tout cela eût supposé l’écriture vulgaire, et si cette écriture eût existé dès cette époque, on n’aurait plus eu besoin de rapsodes pour retenir et pour chanter des morceaux de ces poèmes87.
— Il est vrai ; mais la machine Raphaël n’a jamais été commune ; mais les ouvrages de cette machine ne sont pas aussi communs que les feuilles de chêne ; mais par une pente naturelle et presque invincible nous supposons à cette machine une volonté, une intelligence, un dessein, une liberté. Supposez Raphaël éternel, immobile devant la toile, peignant nécessairement et sans cesse. […] C’est une vue romanesque dont on suppose la réalité quelque part. […] Entraîné par le charme du clair de lune de Vernet, j’ai oublié que je vous avais fait un conte jusqu’à présent et que je m’étais supposé devant la nature (et l’illusion était bien facile), puis tout à coup je me suis retrouvé de la campagne au sallon. — Quoi l’instituteur ; ses deux petits élèves, le déjeûner sur l’herbe, le pâté, sont imaginés ? […] Ce que je sais, c’est qu’elle est tellement liée à l’ordre fatal de la vie du poëte et de l’artiste qu’elle n’a pas pu venir ni plus tôt ni plus tard, et qu’il est absurde de la supposer précisément la même dans un autre être, dans une autre vie, dans un autre ordre de choses.
Peut-on supposer que ce fut par scrupule religieux qu’il a pendant si longtemps refusé d’écouter les suggestions du subconscient ? Peut-on supposer que la religion qui avait modifié la nature de ses perceptions avait en même temps diminué la puissance physiologique de son cerveau ? […] Il faut que les réserves de leur cerveau soient très riches en éléments ; cela suppose un apport constant de la sensation ; cela suppose donc une sensibilité très vive et une capacité de sentir incessamment renouvelée. […] Il semble, au contraire, que l’innocent, que l’on suppose un homme sain et normal, soit bien plus capable de supporter le châtiment que le coupable, qui est un malade et un débile. […] Littéraire, car il ne s’agit même pas de supposer légitime le droit unique à la vérité absolue qu’une religion proclame.
Qu’il n’y a point d’ablatif qui ne suppose une préposition exprimée ou sousentendue. […] Les jeunes gens n’ayant point encore assez d’idées acquises, ont besoin de détail ; & tout ce qui suppose des idées acquises, ne sert qu’à les étonner, à les décourager, & à les rebuter. […] Or comme toute qualité suppose la substance dont elle est qualité, il est évident que tout adjectif suppose un substantif : car il faut être, pour être tel. […] Je dis donc que ces corps sont bornés, terminés, finis ; ainsi borné, terminé, fini, ne supposent que des bornes & la connoissance d’une étendue ultérieure. […] Il n’y a en ce monde que des êtres réels, que nous ne connoissons que par les impressions qu’ils font sur les organes de nos sens, ou par des réflexions qui supposent toûjours des impressions sensibles.
Quand on supposerait Noradin et Orosmane les plus tolérants des hommes, il n’y a pas moyen d’imaginer que dans le palais du soudan une esclave musulmane porte à son cou le signe de la foi des chrétiens. […] Mais ce qui révolta tous les esprits, c’est la bassesse et la lâcheté de Vendôme, absolument contraires aux mœurs et à l’esprit du temps où l’on suppose qu’il a vécu. […] Supposer l’Être suprême capable d’exiger qu’un fils égorge sa mère, c’est une horrible impiété, c’est outrager la céleste justice. […] Peut-on raisonnablement supposer que les dieux fassent naître la douleur et le repentir dans l’âme du scélérat dont ils ont résolu la punition ? […] On suppose dans la pièce que le plus puissant moyen pour séduire une femme, est de lui témoigner une extrême passion.
Henri Ritter ne suppose pas davantage qu’elle soit digne d’un regard. […] Le ridicule, en effet, suppose toujours un certain défaut et une difformité qui n’a rien de douloureux pour celui qui la subit. […] « Quand on suppose que les gens ne vous comprendront pas, si l’on ne prend la peine de leur tout expliquer, on se donne beaucoup de mouvement, comme ces mauvais mimes qui pirouettent sur eux-mêmes pour imiter un disque qui tourne, ou qui tirent à eux le Coryphée quand ils jouent, aux sons de la flûte, la Scylla attirant les navires sur l’écueil. […] La nutrition peut être isolée de toutes les autres ; mais la sensibilité, qui est le caractère propre et premier de l’animal, ne va jamais sans la nutrition ; la locomotion suppose nécessairement la sensibilité, comme celle-ci suppose la nutrition.
Il avait des raffinements à la des Esseintes (supposez un des Esseintes sans perversité). […] L’esprit, au début, s’accommode aux parcelles de réalité qu’il a pu saisir ; mais, dès qu’il s’agit d’une réalité plus étendue, et de toute la réalité, c’est elle que nous accommodons à notre esprit ; c’est notre esprit qui complète les faits, et qui les pétrit, et qui suppose entre eux des relations afin de justifier des lois. […] Dans le moindre de ses jugements il tient compte d’une chose considérable en effet : le jugement exprimé ou supposé des morts, qui sont plus nombreux que les vivants. […] songez à ce que cette entreprise suppose aujourd’hui de courage, de persévérance, de gravité et de foi. […] De même que la fantaisie de Cyrano de Bergerac répercute tout le pédantisme fleuri du temps de Louis XIII, de même qu’un grand nombre des facéties de Duvert et de Labiche supposent le romantisme : ainsi les écritures bizarres d’Alphonse Allais, par leurs tics, clichés et allusions, par le tour indéfinissable de leur rhétorique et de leur « maboulisme », impliquent toute l’anarchie littéraire de ces quinze dernières années… (Laissez-moi ouvrir ici une parenthèse.
Où donc, encore une fois, est cet accord de doute et de tristesse que vous attribuez à l’art, ce besoin d’une régénération sociale, d’une religion nouvelle, que vous lui supposez ? […] Car si je vous dis que le caractère d’une époque poétique est tel ou tel, et que vous me citiez en opposition des auteurs dramatiques ou des romanciers, il faudra bien que je cherche ce qu’il y a de plus poétique en eux, la pensée avec laquelle ils font du drame et des caractères, il faudra bien que je leur demande leur pensée lyrique ; ce qui suppose que nous nous entendons, moi et le lecteur, sur cette question : À quelle condition le drame et le roman sont-ils de l’art ? […] Supposez un poète frappé de cette grande ruine du monde social, comme Boulanger suppose que les générations post-diluviennes furent frappées, après le cataclysme du monde physique, d’un effroi qui, suivant lui, a donné naissance à toutes les religions.
Il est clair que le sentiment de tendance psychique joint à la sensation de tension physique ne suppose nullement l’ambiguïté réelle et absolue des futurs. […] Prévoir que vous refuserez, vous, de voler pour vous enrichir, ce n’est pas s’occuper de la durée ni en elle-même ni en vous : c’est déterminer des relations entre votre caractère supposé connu et certains actes compatibles ou incompatibles avec ce caractère ; et ces relations sont précisément indépendantes de la durée. […] Par-là la spontanéité devient contingence absolue, c’est-à-dire possibilité des contraires dans les mêmes conditions ; on suppose dans la volonté une indétermination échappant à toute prévision de l’intelligence. […] Aussi la pleine liberté supposerait-elle la pleine conscience de soi.
… Jamais un homme, quelque cruel qu’on le suppose, n’aurait pu arriver à cette infernale et sublime combinaison de supplice ; il a fallu un Dieu pour l’inventer ! […] Quel est donc, en effet, cet odieux contrat où l’on suppose le consentement d’une des deux parties qui ne peut ni refuser ni consentir, et où l’on condamne à un supplice qu’aucune langue n’exprima jamais un être innocent de sa naissance, un être qui n’était pas ? […] XX Supposons en effet qu’un philosophe d’Europe pût confier son âme pensante tout entière, pour un instant, au fil du télégraphe électrique, qui fait le tour du globe en sept secondes. Supposons que ce philosophe charge cette âme de lui rapporter à son retour les grands phénomènes intellectuels, philosophiques, religieux, qui l’auraient frappée dans ce coup d’aile autour du globe terrestre.