Cette action permanente que les femmes exercent ainsi, même sans y tâcher, explique bien des caractères de notre littérature ; mais il me suffit pour l’instant de l’indiquer ; nous la préciserons un peu plus tard en étudiant les effets de la vie mondaine qui est l’intermédiaire ordinaire par où passe cette subtile et puissante influence. […] Je n’ai point à discuter ici la thèse développée par Marivaux ; il me suffit de remarquer que la loi a plus tard conclu en sa faveur, en décidant qu’à vingt et un ans une jeune fille est parfaitement maîtresse de sa destinée et n’a plus que des conseils à recevoir de ses parents. […] Un exemple suffira pour montrer comment on peut noter, par comparaison, le degré atteint dans l’échelle sociale par le valet ou la servante.
Et, en effet, il suffit de se rappeler la noble et vigoureuse campagne qui fut alors menée contre la guerre, contre les usages barbares fidèlement conservés par les cours de justice, contre la torture, contre la disproportion des délits et des peines, contre l’atrocité de certains supplices et déjà même contre la peine de mort. […] Pour éclaircir ce que ces paroles ont peut-être de trop abstrait, il suffit de comparer Alzire à Pauline. […] Il suffit que certains personnages, certains actes apparaissent plus sympathiques que d’autres (et comment pourrait-il en être autrement ?)
Il prétend se connaître en artillerie, et, pour fortifier sa prétention, il lui suffit de se faire habiller par le tailleur de l’école polytechnique. […] Ainsi lorsque, petite bourgeoise qui se veut grande dame, elle style ainsi qu’une femme de chambre de grande maison là servante de campagne qu’elle a. prisé à son service, lorsque, éprise du moyen âge, le costumé étrange et incommode dont elle se vêt suffit à la transformer à sa vue en quelque Diana Vernon ou lorsqu’elle assouvit sa passion d’intrigue en achetant le papier à lettres sur lequel elle écrira des mots d’amour à l’amant qui n’est pas encore survenu. […] Il semble en effet parfois que la fausse conception qu’elle prend d’elle-même et des choses suffise à causer son aversion pour toute réalité.
Toutefois, cela ne suffit pas. […] D’abord, — parce qu’il importe de retrancher de la communauté sociale un membre qui lui a déjà nui et qui pourrait lui nuire encore. — S’il ne s’agissait que de cela, la prison perpétuelle suffirait. […] Pas de bourreau où le geôlier suffit.
Cet exemple suffit, je crois, pour prouver que ce n’est pas dans Térence qu’un orateur latin moderne doit former son style. […] Nous sentons, il est vrai, la différence d’un style simple à un style épigrammatique, d’un style périodique et arrondi d’avec un style coupé ; il suffit pour cela de savoir la langue très imparfaitement. […] Il n’avait jamais été en Italie ; à la bonne heure : il n’avait jamais parlé que français aux Italiens qu’il avait vus ; cela n’est guère vraisemblable, mais passe encore : on conviendra du moins qu’il avait eu avec ces Italiens de fréquentes et de profondes conférences sur leur langue ; or cela suffisait à la rigueur pour la bien savoir, et croit-on qu’il ne les consultât pas sur ses productions italiennes, et qu’il ne se corrigeât pas d’après leurs avis ?
Et cela suffit pour qu’on lui refuse le rôle d’éducatrice. […] Ceux-là suffisent pour isoler ce livre, ou à peu près, dans notre littérature. Ils suffisent, avec cette autre remarque, cependant, que je ne puis pas développer : c’est que, dans les Misérables, la part de l’amour est toute petite.
Les sociétés primitives sont des touts fermés, dont chacun veut se suffire. […] De plus, quand bien même elle pourrait compter tous les groupes qui se rencontrent dans l’Europe moderne, cela ne suffirait pas encore à prouver directement notre thèse, qui est, non pas seulement que les sociétés se multiplient, mais encore qu’elles s’entrecroisent. […] Le « droit du marché » ne voulait connaître aucune différence de naissance, et c’est peut-être parce que le droit urbain est sorti de ce droit commercial qu’on a pu dire, de l’air des villes, qu’il rendait tous les hommes également libres : « Städtische Luft macht frei182. » D’ailleurs, il n’est pas nécessaire, pour que l’entrecroisement des sociétés aide au succès de l’idée de l’égalité, que l’une ou l’autre des sociétés entrecroisées soit hostile à toute espèce de hiérarchie ; il suffit que les hiérarchies qu’elles acceptent diffèrent, qu’on ne les voie pas toujours parallèles et de même sens, mais que l’une, parfois, renverse l’ordre de l’autre.
. — Louis XIV demandait un jour au cardinal de Janson, aussi bon négociateur qu’habile courtisan, où il en avait tant appris : « Sire, répondit le cardinal, c’est en courant la nuit avec une lanterne sourde, tandis que j’étais évêque de Digne, pour faire les consuls d’Aix. » Et Lisola, le célèbre diplomate franc-comtois, disait qu’il s’était très bien trouvé, dans les grandes affaires, des subtilités qu’il avait apprises « dans le ménage municipal de Besançon. » Une seule maison quelquefois suffit à qui veut observer les variétés des passions humaines : un seul bourg peut suffire, en un temps d’agitation populaire, pour soulever et faire sortir toutes les variétés d’ambitions et de haines, et pour exercer d’autre part toutes les vertus civiques ; Frochot eut de quoi en faire de plus en plus l’apprentissage : il s’honora par toute sa conduite durant ces temps calamiteux ; il y montra une fermeté qui tenait encore chez lui au premier mouvement et à l’impulsion du sang dans la jeunesse.
La preuve en est qu’on accourait dans l’enceinte féodale, sitôt qu’elle était faite ; en Normandie, par exemple, dès que Rollon eut divisé les terres au cordeau et pendu les voleurs, les gens des provinces voisines affluèrent pour s’établir ; un peu de sécurité suffisait pour repeupler un pays. […] Celui-ci est d’autant plus précieux qu’il peut s’élargir : pour que la petite patrie féodale devienne la grande patrie nationale, il suffit maintenant que toutes les seigneuries se réunissent entre les mains d’un seul seigneur, et que le roi, chef des nobles, pose sur l’œuvre des nobles la troisième assise de la France.
Nous n’avons pas besoin d’atteindre, rencontrer ou imaginer cette chose ; nous tenons sa formule, et cela suffit. […] Des objets infinis, séries ou quantités8, peuvent donc être représentés par une propriété abstraite ; il suffit que celle-ci soit leur génératrice.
Il ne suffit pas ici de voir par l’esprit les parties et le progrès de l’œuvre que l’on compose : il faut rendre les choses sensibles, et l’exécution matérielle importe extrêmement. […] Il ne suffirait pas de se retrancher les choses de pur ornement et manifestement superflues, pour accueillir des idées qui conviennent au sujet sans lui être nécessaires.
Il me suffit que ce ne le soit pas toujours. […] Mais en même temps (pardonnez-moi ces retours et ces retouches) on sent que ce voluptueux serait volontiers un homme d’action et qu’il suffirait (qui sait ?)
Il a toujours au service de sa pensée une douzaine de figures dont chacune suffirait à défrayer plusieurs strophes. […] C’est qu’il ne suffit pas à des vers, écrits pour la scène, d’être admirables en soi, il faut qu’ils soient en situation et qu’ils aient le mouvement dramatique.
Il suffit de se rappeler ce que dit Brantôme du goût de Catherine de Médicis pour les spectacles de la commedia dell’arte, pour qu’on ne doute pas que l’apparition des artistes italiens parmi nous dût suivre de près le mariage de cette princesse et devenir, dès lors, de plus en plus fréquente. […] Il suffit de rappeler les aventures qu’il courut après la clôture du Théâtre italien.
Il suffit de réfléchir quelque peu pour voir que ce sont là des notions importantes, et d’où plusieurs autres dérivent. […] En somme, ni la doctrine qui unit le plaisir à la conservation de soi-même, ni celle qui unit le plaisir à l’accroissement d’activité, ne suffisent séparément ; il faut les joindre pour arriver à une explication complète.
Bain dans le détail ; quelques exemples suffiront. […] « Il est impossible de dire combien il faut de conjonctions fortuites pour produire une adhésion assez forte pour nous élever au-dessus des indécisions d’un commencement spontané. » Peu de besoins sont aussi pressants que la soif ; cependant l’animal ne devine pas tout d’abord que l’eau des étangs peut l’apaiser : le lait maternel, l’humidité de sa nourriture lui suffisent d’abord ; ce n’est que plus tard, dans ses courses, qu’il en vient à appliquer sa langue sur la surface de l’eau, à en ressentir du soulagement et à apprendre ainsi ce qu’il doit vouloir.
Il ne suffisait pas encore d’y être aimable, il fallait l’être pour la société entière, et ne l’être pour personne en particulier ; il fallait aimer tout le monde, pour être aimée de tout le monde ; ne pas avoir d’amant, pour n’avoir pas d’ennemis ; ne pas faire un heureux, pour ne pas faire vingt jaloux et mille détracteurs. […] Cet ordre seul a suffi pour découvrir bien des choses inaperçues et pour en démêler beaucoup de confuses.
Quant à ceux qui ne lisent que pour s’amuser en s’instruisant, les livres que nous avons indiqué suffisent. […] Un homme du monde, un homme qui veut approfondir les hommes de tous les pays, doit vivre avec eux ; & pour cela, il ne suffit pas de visiter des cabinets de curiosité ou de lorguet des antiquailles.
Les rois même ferment leurs palais par des portes ; leur caractère auguste ne suffit pas pour les garantir de la méchanceté des hommes. […] Mais il suffit de savoir que tous les corps et tous les aspects d’un corps ne sont pas également beaux : voilà pour les formes.
Il suffisait tout simplement de dire pour sa gloire la place que Janin a eue et gardera dans la littérature française, et de ne pas le déplacer pour lui donner une autre place qui n’est pas la sienne. […] Les Nymphes latines ne l’y dévorèrent point… de caresses, et après une longue accointance elles nous le renvoyèrent, l’esprit troublé, latinisant toujours, ne voulant pas démordre de ce diable de latin, radotant du latin, comme Panurge, dans ce français qu’il parlait si bien et qui suffisait à sa gloire… C’est là le seul échec de la partie qu’il joua contre la vie, cette horrible joueuse qui nous triche !
Mais ni la fatuité nonchalante, ni la superficialité sans gêne d’une Critique qui n’aime que les livres bientôt lus ou aisés à pénétrer, ne suffisent aujourd’hui pour expliquer l’étrange silence, très injuste selon moi, qui, relativement à son importance, enveloppe, pour le moment, un livre fait, de sujet seul, pour retentir, et dont le titre pour les partis ressemble à une provocation d’amour ou de haine. […] Or l’Église seule nous suffisait.
Même des faits inconnus, et, par cela, d’un intérêt qu’on peut évaluer, ne suffisent pas pour nous montrer dans sa vérité nuancée et profonde, — dans toute sa vérité morale et historique, — la personne qu’on a suppléée dans des Souvenirs qu’elle n’écrivit pas, et il n’y a pas d’ailleurs de ces faits inconnus dans le livre que voici. […] Or, cet être inouï n’était pas une femme préservée par l’amour ardent d’un mari ou par ces tendresses des enfants qui suffisent aux mères : ce n’était ni une mère, ni même une épouse, quoiqu’elle fût mariée, mais une mariée dont les circonstances les plus exceptionnelles avaient fait une Édith mondaine, une Édith dont la sainteté n’expliquait pas, comme pour l’autre, la virginale pureté.
Son monsieur Adam et sa madame Ève sont bien du xixe siècle, mais du xixe siècle dans ce qui lui reste encore d’élevé, d’élégant, de poétique et d’amoureux… Ce n’est pas bien gros, cela… mais enfin ce que cela est a suffi pour faire faire à Ange Bénigne un livre d’une saveur exquise dans sa gaîté mélancolique et son comique nuancé et fin. […] J’ai son livre, et son livre me suffit pour la juger.
Et n’est-ce pas le triomphe de la beauté de l’art que si peu de paroles si fortuitement sauvées suffisent pour assurer un immortel souvenir ? […] Il ne suffit pas pour cela de la sévérité de son dialogue avec Alcée, tel que le cite Aristote69 : « Je veux », disait le hardi poëte, « te dire quelque chose ; mais la pudeur m’empêche. » Et Sapho de répondre : « Si tu avais le désir de choses nobles et belles, ni ta langue ne serait liée de peur de dire le mal, ni la pudeur ne retiendrait tes regards ; mais tu parlerais librement de ce qui est légitime. » Rien de mieux raisonné, sans doute ; mais tant d’autres témoignages nous la montrent différente !
Charles Baudelaire La poésie se suffit à elle-même.
Remy de Gourmont Puisqu’il ne nous laissa que de trop brèves pages, l’œuvre seulement de quelques années ; puisqu’il est mort à l’âge où plus d’un beau génie dormait encore, parfum inconnu, dans le calice fermé de la fleur, Mikhaël ne devrait pas être jugé, mais seulement aimé… Parallèlement à ses poèmes, Mikhaël avait écrit des contes en prose ; ils tiennent dans le petit volume des Œuvres, juste autant, juste aussi peu de place que les vers… Il suffit d’avoir écrit ce peu de vers et ce peu de prose : la postérité n’en demanderait pas davantage, s’il y avait encore place pour les préférés des dieux dans le-musée que nous enrichissons vainement pour elle et que les barbares futurs n’auront peut-être jamais la curiosité d’ouvrir.
Il suffit qu’un mot, énorme, coure le long des murs.
Outre qu’il est désobligeant et le plus souvent injuste de rabaisser les travaux de ceux qui nous ont frayé la route, l’exposé seul de ce que j’entends réclamer des historiens à venir suffira pour montrer ce qui manque, selon moi, aux historiens présents ou passés.
Il suffit de faire remarquer que c’est dans ce Poëme oublié que M. de Voltaire a pris l’idée du Songe d’Henri IV, où S.
Pour juger du talent & de la sagesse de ce jeune Littérateur, il suffit de rapporter le commencement de cet Eloge historique, un des plus intéressans que nous connoissions.
Il faut croire qu’à diverses périodes, ces œuvres, et celles qui en ont été inspirées, ont mieux satisfait les penchants d’un nombre notable de lecteurs français que les œuvres véritablement du terroir ; qu’en d’autres termes la littérature nationale n’a jamais suffi, et aujourd’hui moins que jamais, à exprimer les sentiments dominants de notre société, que celle-ci s’est mieux reconnue et complue dans les productions de certains génies étrangers que dans celles des poètes et des conteurs qu’elle a fait naître.
Mais l’adjectif positive par lequel j’en modifie le sens me paraît suffire pour faire disparaître, même au premier abord, toute équivoque essentielle, chez ceux, du moins, qui en connaissent bien la valeur.
Homère nous montre toujours ses héros se nourrissant de chair rôtie, nourriture la plus simple de toutes, celle qui demande le moins d’apprêt, puisqu’il suffit de braises pour la préparer86.