La lune sort enfin de l’Orient ; à mesure que vous passez au pied des arbres, elle semble errer devant vous dans leur cime, et suivre tristement vos yeux.
Ces vilaines figures ont je ne scais quoi de coulant, de fluant depuis la tête aux pieds qui achève par sa vérité de faire sortir le ridicule des grosses têtes, des grosses perruques, et des gros ventres.
L’imprudence est grande d’attendre à demander avis sur un bâtiment, qu’il soit déja sorti de terre, et qu’on ne puisse plus rien changer dans l’essentiel de son plan sans renverser la moitié d’un édifice déja construit.
Lucien dans l’écrit qu’il a composé sur l’art de la danse, tel que l’avoient les anciens, dit en parlant des personnages tragiques, qu’on leur entend prononcer de temps en temps quelques vers iambes, et qu’en les prononçant ils n’ont attention qu’à bien faire sortir leur voix, car les artisans ou les poëtes qui ont mis les pieces au théatre ont pourvû au reste.
On voit que l’âme refuse de respirer cet air glacé, veut à tout prix sortir d’une solitude douloureuse, chercher une petite enceinte plus chaude, retrouver un foyer.
« Tiens, ma mère mignonne, s’écria-t-elle, le sort en est jeté, je vais rimer ! […] « Et rends grâce à ma clémence, disait Alexandre, si je ne te fais pas partager le sort de tes livres ! […] Il sortit de sa prison, il en sortit ruiné ou peu s’en faut. […] Une fois dans ces confidences, il est difficile d’en sortir ; le nom revient toujours, toujours la même beauté, le même charme. […] Avec quel charme infini nous nous bercions, enfants, de ces beaux vers qui sortaient de la source vive !
Comme petit détail exact, j’aimerais mieux que Jocelyn sortît du séminaire avant 93, avant la mort du roi, et dès 92, ce qui abrégerait d’autant l’année 94, trop longue dans le poëme (car par mégarde elle est double). […] Coleridge, dans sa jeunesse, a fait d’admirables Poëmes méditatifs, dans lesquels la nature anglaise domestique, si verte, si fleurie, si lustrée, décore à ravir, et avec une inépuisable richesse, des sentiments d’effusion religieuse, conjugale ou fraternelle ; soit que le soir dans son verger, entre le jasmin et le myrte, proche du champ de fèves en fleur, il montre à sa douce Sara l’étoile du soir, et se perde un moment, au son de la harpe éolienne, en des élans métaphysiques et mystiques, qu’il humilie bientôt au pied de la foi ; soit qu’il abandonne ensuite ce frais cottage, de nouveau décrit, mais trop délicieux, trop embaumé à son gré pendant que ses frères souffrent (vers l’année 93), et qu’il se replonge vaillamment dans le monde pour combattre le grand combat non sanglant de la science, de la liberté et de la vérité en Christ ; soit qu’envoyant à son frère, le révérend George Coleridge, un volume de ses œuvres, il y touche ses excentricités, ses erreurs, et le félicite d’être rentré de bonne heure au nid natal ; soit qu’un matin, visité par de chers amis, dans un cottage encore, et s’étant foulé, je crois, le pied, sans pouvoir sortir avec eux, du fond de son bosquet de tilleuls où il est retenu prisonnier, il fasse en idée l’excursion champêtre, accompagne de ses rêves aimables Charles surtout, l’ami préféré, et se félicite devant Dieu d’être ainsi privé d’un bien promis, puisque l’âme y gagne à s’élever et qu’elle contemple ; soit enfin que, dans son verger toujours, une nuit d’avril, entre un ami et une femme qu’il appelle notre sœur, il écoute le rossignol et le proclame le plus gai chanteur, et raconte comme quoi il sait, près d’un château inhabité, un bosquet sauvage tout peuplé de rossignols chantant à volée, en chœur, et entrevus dans le feuillage sous la lune, au milieu des vers luisants : Oh ! […] Or, Wordsworth nous parle ainsi de la cabane du Highlander : Elle est bâtie en terre, et la sauvage fleur Orne un faîte croulant ; toiture mal fermée, Il en sort, le matin, une lente fumée, (Voyez) belle au soleil, blanche, et torse en vapeur !
Que ce serait désolant, sans la foi qui nous dit que nous devons renaître, sortir de ces cimetières où nous semblons disparus ! […] Ce monde n’a rien pour elle, elle s’habitue à en sortir. […] Il en sort du plaisir, mais aucune vertu.
IV Un de ces jeunes émigrés arriva alors dans la maison de mon père, apportant toutes ces qualités naturelles à ceux qui sortent de leur pays pour une cause politique. […] « Ne se pourroist que seul et sans vesture, « À travers champs, à la mercy des loups, « Cerné d’iceuls en soict fors la pasture, « Ou que, jouët d’ung sort non moins jaloux, « Comme eulx en vain quierre sa nourriture ? […] et que de fois, Tout m’enfonçant en l’espaisseur des bois, Faiz retentir ma douloureuse voix Contre le sort dont l’arrest nous sépare !
Jouissons-en… et laissons faire au sort pour le reste. […] Ce ne sont pas les jeunes qui ont besoin de secours, mais les vieux qui tombent sur la route, par la malchance du sort. […] Avec ces moyens d’agir, on ne juge pas, on tire au sort lorsque, brusquement, on est mis en demeure de dire blanc ou noir.
Et tandis que l’humeur envahissante de la physiologie la conduisait à étendre constamment son domaine, et même à en sortir de tout côté, la psychologie, confinée dans d’étroites limites, laissait échapper mainte portion de son domaine, et ne demandait qu’à subsister. […] Lewes, frit remarquer qu’il semble paradoxal de dire que la conscience sort d’une intégration d’états inconscients ; mais que ce qui embarrasse le métaphysicien est tout naturel pour un mathématicien Supposons que y soit une fonction de x ; (y représentant la sensation et x l’excitation) : la valeur de y diminuera comme celle de x ; à un certain moment on peut avoir y = o, ou même y peut devenir une quantité négative, x restant une quantité positive : c’est-à-dire que la sensation peut s’évanouir, l’excitation continuant encore à agir. […] Quand il eut quelques mois, on le mit près d’un étang : non-seulement il refusa d’aller à l’eau, mais quand on l’y jetait, il en sortait au plus vite comme une poule aurait fait. » 264.
Et, de l’attraction et la pénétration inorganiques, organique par l’Être sortait, désir plus que le désir, une primordiale volonté à devenir. […] Mais, si elliptiquement elle meut, elle sort éternellement de son état potentiel : elle évolue selon le mouvement de double et équipollente excentricité, éternellement vers une Droite — qui est le signe de l’Équilibre-stable. […] *** Nous nous sentons ainsi au terme des seuls développements dont nous avons voulu élargir le texte des Principes, — auquel il nous plut de garder un sens et une atmosphère ainsi que rares, et la sensation de vertige qui émane de l’Essence… De l’entier développement toute la poétique mouvance, maintenant l’épandra en dramatique diaprure des natures et des êtres l’Œuvre qui prit âme en mon esprit en même temps que la Méthode, dont (au titre générique de Œuvre) elle sort.
Du conflit des idées elle tire une idée nouvelle, qui ne doit aux idées d’où elle sort que parfois les lettres qui forment leur commune armature ; la langue transporte à volonté l’idée de rouge au mot noir, ou l’idée de tuer au mot protéger : et cela est très clair. […] « S’il entre, je sors », dit Royer-Collard, quand on discuta la venue au dictionnaire de ce verbe excellent et de forme élégante. […] Aujourd’hui schale veut dire indifféremment écale et écaille ; en français les deux formes ont des sens tellement voisins qu’on les confond dès que l’on sort des locutions usuelles.
Corneille sort aussi quelquefois de cette vraisemblance, sur-tout dans ce qu’il a imité de Lucain. […] L’auteur n’y sort pas un moment de sa matiére, et il n’a pas jugé à propos d’imiter Pindare jusques dans ces digressions, où il étoit forcé par la sécheresse de ses sujets. […] Je sçais bien que dans ses stances amoureuses, il en est encore sorti plus d’une fois ; mais l’amour étoit alors, et a été long-tems après, l’écueil des poëtes.
Ces vues n’ont rien de neuf et je les cite pour faire connaître à quel type d’âme se rattache Joseph Hudault, mais ici il arrive à une observation qui sort proprement de son expérience et qu’il faut retenir : Je me suis convaincu qu’aujourd’hui on ne peut faire passer une idée morale, un bon conseil, qu’avec un accroissement de bien-être. […] Et cherchant à bien définir pour lui-même la pensée que doit mettre en valeur son livre, il écrit en forme de memento ces lignes incertaines et effrayantes, comme tout ce que nous dicte l’esprit de divination : « Je ne me serai pas trompé s’il sort net et clair de ces pages que la génération qui monte est promise à la restauration d’un grand pays, ou bien au suicide, et peut-être au martyre ». […] Et voici, datée du 14 septembre 1916, la lettre dernière, celle qui n’arrive à son adresse que si les pressentiments qu’elle exprime ont été confirmés par le destin : Cher papa, je t’écris cette lettre à tout hasard, sait-on jamais… Ce n’est pas la première fois que j’écris comme cela ; les autres ont été déchirées après le coup donné, celle-ci, je pense, aura le même sort.
Je me tournerais vers ceux qui viennent de parler, et je leur dirais : « Laissez-moi d’abord vous féliciter de n’avoir que deux dimensions, car vous allez ainsi obtenir pour votre thèse une vérification que je chercherais vainement, moi, si je faisais un raisonnement analogue au vôtre dans l’espace où le sort m’a jeté. » Il se trouve, en effet, que j’habite un espace à trois dimensions ; et lorsque j’accorde à tels ou tels philosophes qu’il pourrait bien y en avoir une quatrième, je dis quelque chose qui est peut-être absurde en soi, encore que concevable mathématiquement. […] C’est que les théoriciens de la Relativité, toutes les fois qu’ils sont sortis de la science pure pour nous donner une idée de la réalité métaphysique que cette mathématique traduirait, ont commencé par admettre implicitement que la quatrième dimension avait au moins les attributs des trois autres, quitte à apporter quelque chose de plus. […] Ces lignes brisées d’Espace-Temps, simplement virtuelles, sortent de la ligne droite d’Espace par le seul fait du mouvement que l’esprit imprime au système.
« La raison ne peut rien affirmer sur la relation proprement dite de causalité, ne pouvant sortir d’elle-même, ni s’élever au-dessus d’une proposition identique. […] C’est ainsi que, sans sortir de nous-mêmes, nous pouvons distinguer et circonscrire les deux domaines opposés de la nécessité et de la liberté, faire la part du moi et de la nature, de l’action et de la passion, de l’homme et de l’animal. […] Maine de Biran, Jouffroy et bien d’autres philosophes de l’école spiritualiste, après Platon, Aristote, Leibniz, ont su féconder par l’analyse ces révélations spontanées, et en faire sortir une science véritable de l’homme, science intime et profonde, bien autrement compétente, bien autrement décisive sur certains phénomènes moraux que la science expérimentale de l’école dont on vient de parler.
Un vent frais m’éveilla, je sortis de mon rêve, J’ouvris les yeux, je vis l’étoile du matin. […] Le célèbre monologue d’Hamlet ne fait que poser un problème insoluble pour la science ; une des belles pièces des Contemplations sur le sort de notre globe et de l’humanité a pour titre un simple point d’interrogation. […] Il est si commode d’avoir un « critérium » fixe pour juger l’œuvre d’art) Une femme du peuple disait au sortir d’un sermon : « Quel grand prédicateur ! […] Construisant ainsi ses vers deux par deux, il les comparait à ces moines que le prieur ne laisse pas sortir seuls, mais envoie de compagnie, afin qu’ils se surveillent l’un l’autre. […] Par exemple, après avoir parlé dans les Contemplations de la toute-puissance du mot, cet être ailé « qui sort des bouches », V.
Le même Voiture jouait avec tant d’ardeur, dit Tallemant des Réaux, qu’il était forcé de changer de chemise toutes les fois qu’il sortait du jeu. […] Sorti de chez le cardinal, il y envoyait quérir tous les soirs sa chandelle, et se faisait saigner par le chirurgien de ses domestiques. […] Elle résistera à vos fictions, si vous y excédez la vraisemblance ; elle sera offensée de votre langage si vous sortez non du mien, qui est sans doute trop humble pour exprimer les conceptions de l’art, mais de celui que je tiens pour bon et pour mien, parce qu’il exprime en perfection des choses conformes à ma raison. […] Il donnait ainsi des règles qui nous ont servi à connaître ses fautes ; car si la satire des femmes l’a tué par la multitude des transitions, c’est peut-être parce que cette satire pouvait être mieux conçue, et qu’elle sort par moments de la raison et du vrai. […] Quand la séparation ou le refroidissement arriva, tout le bien qui pouvait sortir de leur union était déjà fait.
Cette Académie a un directeur et un chancelier, qui se tirent au sort tous les trois mois, et un secrétaire, qui est perpétuel. […] Aussi les disciples qui, soit par tempérament, soit par paresse, soit par docilité, se conforment sur ce point aux idées de leurs maîtres, sortent pour l’ordinaire du collège avec un degré d’imbécillité et d’ignorance de plus. […] Ce temps serait bien mieux employé à apprendre par principes sa propre langue, qu’on ignore toujours au sortir du collège, et qu’on ignore au point de la parler très mal. […] Pourquoi les recueils de vers français qui s’échappent par malheur de nos collèges ont-ils si peu de succès, tandis que plusieurs gens de lettres estiment les vers latins qui en sortent ? […] Mais, 1°. il me semble que les jeunes gens, en sortant du collège, y gagneraient de toutes manières, s’ils en sortaient plus instruits. 2°.
L’Arioste (1re partie) I Sortons un moment de l’art sérieux pour donner quelques heures d’attention à l’art du badinage ; c’est le même art au fond, mais appliqué à l’amusement de l’esprit au lieu de s’appliquer à l’émotion de l’âme. […] Après ce frugal repas, on restait ou on sortait, à son caprice. […] Il nous fit apercevoir autant de sinets pendants en bas des pages qu’il y en a ordinairement dans un livre d’église à demi couché sur le pupitre à gauche de l’autel. « Voilà vos limites, dit-il avec un sourire grave au professeur, à la comtesse Léna, à Thérésina et à moi ; vous ne les franchirez pas : mais, entre ces limites, vous pourrez vous promener à votre aise à travers les plus riants paysages, les plus merveilleuses aventures et les plus poétiques badinages qui soient jamais sortis de l’imagination d’une créature de Dieu. » Nous promîmes tous de respecter religieusement les sinets sacrés que le canonico avait certainement empruntés à un de ses vieux bréviaires, et nous prîmes séance dans les attitudes diverses du plaisir anticipé de la curiosité et du repos : le chanoine sur un grand fauteuil de chêne noir sculpté, adossé au fond de la grotte, et qu’on avait tiré autrefois de la chapelle pour préparer au bonhomme une sieste commode dans les jours de canicule ; le professeur sur une espèce de chaise de marbre formée par deux piédestaux de nymphes sculptés, dont les statues étaient depuis longtemps couchées à terre, toutes mutilées par leur chute et toutes vernies par l’écume verdâtre de l’eau courante ; la comtesse Léna à demi assise, à demi couchée sur un vieux divan de paille qu’on transportait en été du salon dans la grotte, les pieds sur le torse d’une des nymphes qui lui servait de tabouret, le coude posé sur le bras du canapé, la tête appuyée sur sa main ; sa fille Thérésina à côté d’elle, laissant incliner sa charmante joue d’enfant sur l’épaule demi-nue de sa mère ; moi couché aux pieds des deux femmes, à l’ouverture de la grotte, sur le gazon jauni par le soleil, le bras passé autour du cou de la seconde nymphe et le front élevé vers le professeur, pour que ni parole, ni physionomie, ni geste, n’échappassent à mon application. […] Leurs longs cheveux, presque pareils et d’une égale souplesse, se confondaient pour les voiler à demi ; elles restèrent ainsi, moitié riantes, moitié attendries, laissant sortir deux visages d’une seule chevelure, comme deux roses sous une seule feuille.
Comment en sortir ? […] Il a eu aussi sa part dans le bien qui en est sorti ; mais tandis que dans le bien il a été devancé ou égalé, le mal ne peut s’autoriser d’aucun nom plus que du sien. […] De ces rêves sortirent deux amants : Saint-Preux, un précepteur « qui adore la vertu » ; — que ne se contentait-il de l’aimer ? […] Et lors même que les faits qui en sont sortis seraient suspendus ou abolis, et que de vérités pratiques elles redeviendraient des vérités spéculatives, elles font désormais partie des conquêtes durables et des croyances de l’esprit humain.
Lundi 24 janvier Aujourd’hui, à la répétition de Numa Roumestan, j’étais frappé d’une chose, c’est que la pensée de la plupart des acteurs et des actrices n’a pas l’air de cohabiter avec la pièce qu’ils jouent, et qu’ils travaillent absolument comme des employés de ministère à leur bureau ; rien de plus, — et que sortis du théâtre, dont ils se sauvent, ainsi que des écoliers d’une classe, ils déposent en passant leurs rôles, et la mémoire de leurs rôles chez le concierge. […] À propos de mon Journal, quelques-uns s’étonnent que cette œuvre ait pu sortir d’un homme, considéré comme un simple gentleman. […] Mercredi 2 novembre Le vieux Larousse, cet ouvrier ébéniste, qui a l’air de sortir d’un roman de Mme Sand, me parlait de la difficulté d’avoir des bois qui ne jouent plus, disant que le bois reste toujours vivant, et qu’il lui faut, par un long et fort chauffage, chasser du corps cette sève, qui persiste sous son apparente mort. […] Alors il nous raconte avec un air béat et une joyeuseté gaga, qu’il est guéri, mais qu’il a passé un moment désagréable, agaçant… finissant ses phrases dont il ne peut sortir, avec des ronds tracés par sa canne sur le tapis.
Et que l’on joigne à ce chef-d’œuvre, d’autres livres plus ordinaires, des nouvelles esquissées, un roman comprenant la double analyse de deux amours contraires, dans tout le mouvement de la vie urbaine et rurale dans la Russie actuelle, des pages de souvenirs dans lesquels revit le siège de Sébastopol, que l’on dénombre en chacune de ces œuvres, la foule des êtres humains, caractérisés, spéciaux, marqués de tout le particularisme de l’individualité et manifestés par des actes et des paroles, situés en des lieux décrits, participant à des actions d’ensemble, disposés, errants, angoissés, soucieux de leur sort, jetés dans des bras aimants ou culbutés dans la fosse, sûrement cette pyramide humaine, de sa large base populacière à son faite d’âmes d’élite, paraîtra de taille à se mesurer avec les plus bailles qu’aient dressées les grands créateurs d’hommes dans nos littératures ; l’ensemble des incidents, des types et des sites condensés et évoqués dans l’âme des lecteurs de ces quelques cents pages semblera équivaloir aux expériences de plus d’années, à plus d’observations et de souvenirs qu’il n’eût paru croyable qu’un seul cerveau pût concentrer et ressusciter. […] Dans ce vaste drame, la vie même est jouée ; les spectateurs sont de la pièce ; ils ne sortent pas d’eux-mêmes, mais, pris à la magie de cet art, s’abandonnent à la belle et facile occasion de poursuivre leur existence quotidienne dans le fictif, dans un lieu sans peines, sans dégradants soucis de soi-même, mais baigné d’une atmosphère de rêve et de brume immense, complexe, obscur, fragmentaire, vaste, noire, et si immédiatement connu d’une vue si proche, que le lecteur s’y perd et s’y trouve comme un passant dans le large miroir des eaux profondes ou stagnent le ciel, le site et lui-même qui reconnaît son ombre dans la leur. […] Le lecteur sent le goût amer de ce désenchantement effleurer ses lèvres ; une ironie oblique et tacite, une arrière-pensée de déplaisir, comme un immense désir d’autre chose que le réel se glisse en son esprit lentement lassé, sans qu’un aveu soit sorti du livre, sans qu’une page formule le mécompte de l’écrivain et donne au lecteur le droit d’être sûr, la joie de la création et de l’existence, la joie de la perception de la force se ranime sans cesse et s’éteint dans son esprit, comme une flamme menacée, mal entretenue, et qui brûle en pure perte. […] Quelques-uns, sortant de la compassion et de l’amour d’eux-mêmes, se sentant participants à la force en qui réside indestructiblement le principe des existences passagères, et affermis en cette certitude de persister dans le tout, apprennent à ne plus se soucier de leur sort et à ne s’affliger pas autrement de leur dissolution que la froide terre où s’ouvrira leur fosse.
Fils d’un chirurgien, il avait pour frère aîné Jean Eudes qui fut de l’Oratoire et en sortit pour fonder la congrégation des Eudistes, homme d’une piété vive et zélée, qui excellait à enfoncer l’aiguillon de l’amour divin, même au cœur des tièdes. […] Au commencement de la seconde race, il lui semble, dit-il, passer d’une nuit obscure à un trop grand jour ; il en est trop ébloui pour en jouir ; il sent en même temps que son sujet s’agrandit, et qu’il lui faut sortir avec les descendants de Charles Martel des limites de la France.
Elle était fille d’une mère peu estimable et sortait d’une race galante de laquelle on n’a pas trop dit. […] Il reconnut et légitima les trois enfants qu’il eut successivement de Mme de Liancourt ; la race des Vendôme en sortit, race vaillante et dissolue, et qui revint par trop de côtés à la fois aux exemples originels, aux débordements comme aux prouesses.
Et tout en disant cela, et toujours sans écouter la réponse de la duchesse de Berry, qui, piquée, fit une profonde révérence et sortit, Madame continuait d’écrire sa lettre en allemand, et sa plume ne cessait de courir sur le papier. […] Sans sortir des observations générales, quoi de plus juste et de plus sensé que cette réflexion de Madame, écrite peu de mois avant sa mort (16 avril 1722) : Les jeunes gens, à l’époque où nous sommes, n’ont que deux objets en vue, la débauche et l’intérêt ; la préoccupation qu’ils ont toujours de se procurer de l’argent, n’importe par quel moyen, les rend pensifs et désagréables : pour être aimable, il faut avoir l’esprit débarrassé de soucis, et il faut avoir la volonté de se livrer à l’amusement dans d’honnêtes compagnies ; mais ce sont des choses dont on est bien éloigné aujourd’hui.
Au sortir des disputes et des guerres religieuses, Charron avait mille choses justes à dire, et dont la convenance était sentie par tous les hommes de bonne foi qu’un zèle extrême ne passionnait pas pour le parti contraire. Il ne niait point qu’il n’y eût certaines réformes possibles à apporter dans l’Église, mais il demandait que ces réformes fussent faites par qui de droit, et il observait judicieusement que, pour y aider, la première condition était de demeurer dans le giron et de n’en point sortir.
Je vous demande donc, mon très cher père, si l’on conserve dans Saint-Victor la même mortification intérieure et extérieure, telle qu’elle était dans son origine… Je vous demande encore si les frères de Saint-Victor, c’est ainsi qu’on les appelait, allaient à la campagne chez leurs amis, chez leurs parents, passer des trois semaines entières et des mois entiers ; s’ils allaient par la ville rendre des visites ; s’il en recevaient de toutes personnes et de tout sexe ; s’ils changeaient d’habits, s’ils en prenaient de plus propres et de plus mondains quand ils sortaient pour se montrer en public ; s’ils affectaient de ces airs libres et dégagés, pour ne pas dire licencieux, qui sont si contraires à la tristesse sainte de la modestie religieuse ; s’ils parlaient indifféremment et sans scrupule dans les lieux réguliers ; s’ils s’entretenaient de contes, d’affaires, d’histoires du monde, de plaisanteries, de nouvelles, qui sont choses qui doivent être entièrement bannies des cloîtres. […] Arnauld eût triomphé des jésuites, ni en général de ceux qui l’avaient fait sortir de France, mais bien de Claude et Jurieu et des protestants ; cela n’avait pas été saisi par le traducteur en vers français, et le scandale venait de cette traduction vraiment séditieuse. « Veri defensor » ne se rapportait également qu’à l’ouvrage d’Arnauld De la perpétuité de la foi ; « arbiter aequi » n’était qu’un pléonasme poétique dont il ne fallait pas trop demander compte.
Le duc de Rohan, par un article du traité, ou plutôt de la grâce (c’est le titre qu’on y donna), obtint en ce qui le concernait l’abolition générale et l’oubli du passé : il obtint de plus qu’on lui rendît ses biens et 100000 écus pour dédommagement des pertes qu’il avait subies (il en devait plus de 80000), et il dut sortir du royaume. […] Quoique souvent maltraité par le sort et n’ayant mené finalement à bien aucune de ses entreprises, il a laissé de lui une idée considérable.
Un peu d’application et d’étude suffit pourtant bientôt pour dissiper ou pour réduire la plupart de ces fausses vues et de ces objections exagérées à distance : à le considérer de près, dans ses actes et dans ses Œuvres, on reconnaît qu’avec ses défauts et ses taches Frédéric est de la race des plus grands hommes, héroïque par le caractère, par la volonté, supérieur au sort, infatigable de travail, donnant à chaque chose sa proportion, ferme, pratique, sensé, ardent jusqu’à sa dernière heure, et sachant entremêler à son soin jaloux pour les intérêts de l’État un véritable et très sincère esprit de philosophie, des intervalles charmants de conversation, de culture grave et d’humanité ornée. […] Frédéric lui écrivit : Si le bonheur favorise nos vues sur Dresde, nous aurons indubitablement la paix, ou cet hiver, ou ce printemps, et nous sortirons honorablement d’une conjoncture difficile et périlleuse où nous nous sommes trouvés souvent à deux pas de notre entière destruction.
Cet aimable cardinal croit, comme j’ai cru, que Sa Majesté (Louis XIV) doit décider de mon sort ; mais, malheureusement, je vois qu’il dépend d’un autre (le duc de Savoie) ; de quoi je n’ose rien me promettre, par les raisons que je vous ai déjà dites, à moins que du côté de la Cour on n’ait la liberté de prendre quelques mesures pour cela avec lui. […] Certes tout cela était bien agréablement dit et tout propre à divertir un moment les bonnes amies de France ; mais, pour ne pas s’y laisser prendre, qu’on lise aussitôt après, par contraste, les admirables et vigoureuses lettres qu’elle écrira huit ans après à Mme de Noailles (28 octobre 1709), à Mme de Maintenon (11 novembre 1709), sur les affaires publiques, sur les fautes commises, sur le précipice où l’on s’est jeté, sur les moyens d’en sortir et sur les ressources de la situation, qui n’est pas, humainement ni divinement, si désespérée qu’on la veut faire : quelle force !
Parmi ces nobles mêmes, voués à servir une royauté devenue byzantine, et qui en faisaient partie, il y en eut qui, les premiers, sentirent le dégoût de ce qu’ils avaient sous les yeux et de leurs propres fonctions si enviées ; les La Rochefoucauld-Liancourt et d’autres opposants de cette volée, précurseurs et complices du tiers état, ne sortaient-ils pas de la garde-robe royale et des petits appartements ? […] Enfin, il avisa, pour se divertir, d’aller voir les dames veuves de son temps et de sa connaissance, et tâcha à passer son temps doucement ; et, pour ce que le malheur des guerres lui ôtait la liberté de sortir la ville et s’aller promener à Ormesson, il loua un petit jardin, proche sa maison, où il s’allait promener souvent.